lire le Shofar au format PDF
Transcription
lire le Shofar au format PDF
le shofar revue mensuelle de la communauté israélite libérale de belgique N° d’agréation P401058 Septembre 2012 - n°337 / Tishri 5773 synagogue beth hillel bruxelles L’action au cœur des interactions n°337 Septembre 2012/ Tishri 5773 N° d’agréation P401058 re v ue mensuelle de l a commun auté isr aélite libér ale de belgique EDITEUR RESPONSABLE : Philippe Lewkowicz REDACTEUR EN CHEF : Luc Bourgeois Secrétaire de Rédaction : Yardenah Presler COMITÉ DE RÉDACTION : Rabbi Marc Neiger, Gilbert Lederman, Isabelle Telerman, Luc Bourgeois, Philippe Lewkowicz, Ralph Bisschops Ont participé à ce numéro du Shofar : Anne De Potter, Henri Lindner, Yardenah Presler Mise en page : inextremis.be Le Shofar est édité par la COMMUNAUTÉ ISRAÉLITE LIBÉRALE DE BELGIQUE A.S.B.L. N° d’entreprise : 408.710.191 Synagogue Beth Hillel 80, rue des Primeurs B-1190 Bruxelles Tél. 02 332 25 28 Fax 02 376 72 19 www.beth-hillel.org [email protected] CBC 192-5133742-59 IBAN : BE84 1925 1337 4259 BIC : CREGBEBB RABBIN honoraire : Rabbi Abraham Dahan RABBIN : Rabbi Marc Neiger président HONORAIRE : Paul-Gérard Ebstein président exécutif : Philippe Lewkowicz CONSEIL D’ADMINISTRATION : Président : Gilbert Lederman Myriam Abraham, Luc Bourgeois, Anne De Potter, Patrick Ebstein, Ephraïm Fischgrund, Josiane Goldschmidt, Willy Pomeranc, David Raes, Gaëlle Szyffer, Elie Vulfs, Pieter Van Cauwenberge Les textes publiés n’engagent que leurs auteurs. Sommaire 5 EDITORIAL Action et réflexion au cœur des interactions (Luc Bourgeois, Rédacteur en chef) Photo ci-contre: Franz Rosenzweig Le mot du président exécutif 9 Promesses et engagements 5 (Philippe Lewkowicz) Le mot du président du CA 13 Un nouveau Siddour, une preuve de vitalité communautaire (Gilbert Lederman) Photo ci-contre: Rabbin François Garaï Le mot du Rabbin 19 L'Etre Humain parlera à l'Eternel en ces termes (Rabbi Marc Neiger) Les sens du texte 24 Ces justes qui sauvent l’humanité (Henri Lindner) 28 Agenda 13 Judaïsme et histoire 34 Archéologie biblique et tradition juive (Ralph Bisschops ) Ouverts sur le monde 43 Le Projet Aladin en Belgique (Anne De Potter) 46 De pierre d'achoppement à pierre angulaire (Yardenah Presler) Envie de li(v)re 48 A pas aveugles de par le monde (Isabelle Telerman) 49 34 Le temps d’un disque Romances sépharades Nos Bneï Mitzvah 50 Derasha de la Bar Mitzvah de Theo Keseman 52 Courrier des lecteurs 54 CARNET 43 54 Réflexions, citations, humour 55INFORMATIONS UTILES cuisine 4 le shofar Action et réflexion au cœur des interactions par Luc Bourgeois L’histoire raconte que Franz Rosenzweig, le philosophe allemand, désirait se convertir au christianisme. Mais, avant de franchir le pas, il est entré une dernière fois dans une synagogue un soir de kippur, et a renoncé à son projet de conversion. Histoire curieuse d’un revirement, d’un retour, du renoncement à changer de cap à la dernière minute. Parmi les philosophes du XX ème siècle, Rosenzweig a été éclipsé par Heiddeger, Sartre et Lévinas. Cependant, il a développé une pensée qui a pavé le chemin de ses successeurs. Par ailleurs, sa pensée s’est également cristallisée dans la symbolique de l’étoile de David, reprise en couverture de ce numéro du Shofar. Dans le triangle dont la pointe est dirigée vers le haut, il utilise chaque angle pour représenter : au dessus, le divin, en bas à gauche, le monde, en bas à droite, l’individu. Chaque angle du triangle dont la pointe est dirigée vers le bas est prise entre deux angles du triangle dont le pointe est dirigée vers le haut : - La pointe inférieure représente le lien entre l’individu et le monde : la rédemption - L a pointe de droite représente le lien entre Dieu et l’individu: la révélation - La pointe de gauche représente le lien entre Dieu et le monde: la création Chaque année, les fêtes de Tishri et Sukhot nous ramènent dans ces triangles, dans l’humble position inférieure à droite. Fêtes de retour sur soi et sur ses actions, fêtes de retour vers les autres, ou l’Autre, quand nous nous efforçons de remettre les choses à plat pour un nouveau départ, rechargés de l’énergie estivale. Cette édition du Shofar s’inscrit pleinement dans les six éléments mis en place par Franz Rosenzweig. Notre président exécutif, Philippe Lewkowicz dresse le bilan de l’année écoulée et des défis et des perspectives qui s’ouvrent pour nous en 5773. Comment Beth Hillel désire-t-elle se profiler pour sa communauté, pour le yishouv, et pour le monde qui nous entoure ? Gilbert Lederman, président du conseil d’administration et notre Rabbin Marc Neiger abordent pour nous, de deux points de vues différents, les nouveaux siddourim que nous commencerons à utiliser après les fêtes austères. Une manière de chercher et retrouver notre place dans la prière et dans notre rapport au divin, que ce rapport soit individuel ou collectif/communautaire. Le monde repose sur 36 Justes, dit la tradition. Mais d’où lui vient une telle affirmation ? Henri Lindner a décortiqué pour nous les textes à l’aide d’outils peu usuels : un défi à aborder la lecture de notre Torah comme nous ne sommes pas habitués à le faire. Une méthode (la Guematria) qui ne remplace pas les autres, mais qui nous laisse perplexes. Comme quoi le texte de la révélation demande à être perpétuellement revisité et réinterprété avec des méthodes toujours nouvelles. Dans le même courant qui s’interroge sur notre rapport à la révélation, Ralph Bisschops nous invite à une relecture des vestiges 5 ÉD I TO RI A L archéologiques bibliques. Comment relire notre tradition à la lumière de données scientifiques qui secouent nos concepts et nos convictions relatives à l’histoire d’Israël, à sa chronologie et à sa place dans le monde qui l’entourait. Beth Hillel œuvre depuis toujours à l’ouverture au monde et à l’Autre : Anne De Potter nous fait un compte rendu de l’état d’avancement du projet Aladin dans lequel Beth Hillel joue, au côtés d’autres groupes, une rôle important. Dans la même veine, Beth Hillel a participé très activement au projet Jorsala en l'honneur duquel nous avons organisé un repas shabbatique. Yardenah Presler nous retrace ce moment de convivialité et bonheur. Isabelle Telerman analyse avec son œil qui ne laisse rien au hasard un roman de Leib Rochman, écrit en Yiddish dans les années 50. Sa conclusion nous incite à la fois à lire attentivement son analyse et à découvrir ce volumineux roman : « le silence est la forme la plus pure d’expression d’une vérité inaccessible ». Enfin, ne refermez pas votre Shofar sans avoir parcouru les nouvelles parfois surprenantes de notre carnet, ainsi que le très intéressant et élogieux – pour Beth Hillel - courrier que nous avons reçu d’un lecteur assidu qui est également un visiteur occasionnel. Bonne lecture, bonnes fêtes de Tishri, hag sameah. ■ Références à propos de Franz Rosenzweig et de son œuvre : 6 Salomon Malka, Franz Rosenzweig, le cantique de la révélation Cerf, 2005, ISBN 978-2-20407-910-5 Gérard Bensussan, Franz Rosenzweig, existence et philosophie, PUF, 2000, ISBN 978-2-13050-662-1 Luc Anckaert, God, wereld en mens, het ternaire denken van Franz Rosenzweig, Universitaire Pers Leuven, 1997, ISBN 978-9-06186-790-6 Franz Rosenzweig, L’étoile de la rédemption, Seuil, 2003, ISBN 978-2-02057-869-1 Franz Rosenzweig, Der Stern der Erlösung, Suhrkamp =verlag, 1988, ISBN 551-8-01973-1 http://fr.wikipedia.org/wiki/Franz_Rosenzweig http://de.wikipedia.org/wiki/Franz_Rosenzweig le shofar Le rédacteur en chef et le comité de rédaction du Shofar adressent à ses lecteurs ses vœux les plus sincères à l’occasion de Rosh Hashanah. Nous souhaitons à chacun une année paisible et intéressante à la lecture de votre magazine préféré. ------------Le conseil d’administration, le rabbin et le staff de Beth Hillel présentent à la communauté et au Ychouv leurs vœux les plus fervents pour Rosh Hashanah. Que la nouvelle année soit pour nous tous une année de santé, de prospérité, de sérénité et de réussite dans les efforts de chacun. ------------Le conseil d’administration de Gan Hashalom souhaite à toute la communauté une belle année 5773 dans la santé. ------------La communauté Israélite Libérale de Belgique - Synagogue Beth Hillel adresse à S.E. M Jacques Revah, ambassadeur d’Israël en Belgique et au peuple d’Israël ses meilleurs vœux à l’occasion de Rosh Hashanah. Que cette année 5773 voit disparaître les menaces et enfin s’éclairer les rayons de la paix et d’harmonie dont Israël et le monde ont tant besoin. 7 8 le shofar Promesses et engagements par Philippe Lewkowicz Chers amis, Chaque rentrée est un nouveau défi, un nouvel engagement, mais quand ce sont les mêmes personnes qui font à peu près les mêmes choses, cela paraît plus facile. Or, depuis deux ans, il y a eu beaucoup de bouleversements à Beth Hillel, cela n’a pas été simple. Maintenant, c’est l’apaisement, les structures ont été mises en place et cette rentrée 5773 est un réel nouveau commencement pour notre communauté. D’abord au niveau de nos rabbins. Rabbi Dahan a pris effectivement une pension plus que méritée et il a tout naturellement été nommé rabbin honoraire de Beth Hillel. Nous lui souhaitons du repos et du calme mais ceux qui le connaissent savent que sa vie est action et nul doute que nous aurons encore le privilège de l’écouter. Son successeur, Rabbi Marc Neiger, avec nous depuis plus d’un an déjà, est le rabbin en charge. Il a pris ses repères et a marqué les offices de son empreinte. C’est une vraie satisfaction de constater aussi le succès de son cours pour adultes qui a du être divisé en deux sessions en raison de l’affluence. Beaucoup d’entre vous connaissent déjà Rabbi Neiger, ne fut ce que par les fêtes de Tishri 5772, qu'il a animées aux côtés de Rabbi Dahan. Il conduira seul les offices cette année. Or si vous le connaissez, lui ne connaît pas encore personnellement nombre d’entre vous. Il sera ravi de vous rencontrer si vous le désirez. Un mail ou un appel au secrétariat de la synagogue suffit pour prendre rendez vous. Ensuite notre nouvelle secrétaire, Yardenah Presler, qui en douceur, a succédé efficacement à notre regrettée Giny. Sa gentillesse, sa disponibilité et son intelligence sont les outils dont elle use pour donner au secrétariat une ambiance de travail agréable et efficiente. Nous avons aussi un nouveau concierge, Roméo Calindas. Ce n’est pas secondaire car beaucoup plus de choses que l’on pense passent par lui, y compris la mise en place des salles pour les offices, les fêtes, les cours ou les repas communautaires. Son sourire est communicatif. Enfin le conseil d’administration a été en partie renouvelé, ceux - bien trop peu nombreux - qui ont assisté à l’assemblée générale, ont participé à ce changement. Certains sont partis, après avoir beaucoup donné, ils souhaitaient passer la main ou ont quitté la Belgique. Des plus jeunes ont intégré le conseil, mais pas assez. Il est important de préparer la communauté de demain et de donner plus de voix à ceux qui bientôt devront la prendre en main, car les aspirations de la prochaine génération ne seront pas, et c’est normal, les mêmes que celles de ceux qui l’ont précédée. L’année qui s’est terminée fut financièrement très difficile. Il est probable que la crise économique a joué son rôle. Ces difficultés ont été gérées par des économies structurelles et avec l’aide d’amis mais il est fondamental, pour l’année qui vient, que chacun apporte sa pierre à l’édifice commun et, pour ceux qui ne l’auraient pas encore fait, paient rapidement leur cotisation. Tout ceci pour confirmer le premier paragraphe de ce mot: l’importance de cette rentrée. Nous avons devant nous une année de promesses mais aussi d’engagements. 9 l e m ot d u pr és i d ent e x éc u t i f Promesses aussi bien au sein de notre communauté, ainsi le Talmud Torah dont toute l’équipe a travaillé d’arrache-pied pour préparer une rentrée de qualité avec un nouveau programme et une nouvelle méthode de pédagogie, qu’au sein du Ychouv où des réflexions importantes sont menées au CCOJB et où - enfin - une concertation constructive se crée entre le CCOJB et le Forum der Joodse Organisaties. Promesse fondamentale enfin pour le judaïsme progressiste avec la nomination de madame Miri Gold comme premier Rabbin non orthodoxe d’Israël. Certes ce succès historique n’est qu’un premier pas sur un chemin pavé d’embuches. Et la récente conférence d’Amsterdam de tous les responsables du judaïsme progressiste européen a montré combien notre mouvement est vivant et en expansion. Mais engagements aussi à tous les niveaux. Au sein de notre communauté où il y a beaucoup à faire et l’aide de volontaires est demandée et appréciée. Vous pouvez toujours contacter le secrétariat pour consacrer quelques heures occasionnellement aux Bibliothèque de Beth Hillel 10 Nous avons le plaisir de vous annoncer que la bibliothèque a un nouvel horaire d'accueil: Gaëlle sera là pour vous TOUS LES LUNDIS DE 17H30 À 20H et vous guidera dans vos recherches. Elle pourra éventuellement vous accueillir à d'autres moments, sur simple demande. Parcourez la liste des ouvrages disponibles sur notre site: http://www.beth-hillel.org/publications/bibliotheque/catalogue La bibliothèque est par ailleurs accessible du lundi au jeudi de 9h30 à 12h30 et de 14h30 à 17h00. Pour tout renseignement, appelez le secrétariat au 02.332.25.28. le shofar divers travaux qui jalonnent l'année, dans la détente et la bonne humeur bien sûr! Au sein de la société belge et européenne où nous devrons tous être vigilants et actifs dans la lutte contre un antisémitisme dangereusement grandissant, et contre tous les extrémismes. Il n’est pas acceptable que la parole de la haine puisse s’exprimer si librement et violemment dans notre pays ou ailleurs en Europe. Les trop nombreux drames et incidents en France, en Hongrie, en Grèce ou ailleurs sont des signaux qu’on ne peut plus qualifier simplement de clignotants. Enfin nous devrons être encore plus solidaires de l’état d’Israël qui lutte trop souvent seul contre les dangers qui menacent ouvertement son existence et encourager les efforts de paix à laquelle aspire légitimement son peuple. C’est donc avec conviction que nous commençons une année qui sera belle pour Beth Hillel mais qui demandera du travail et des efforts à chacun de nous. Je ne doute pas que vous aurez à cœur de partager ce travail et ces efforts avec nous. Une belle et bonne année à tous dans la paix, la santé et la sérénité. ■ 11 12 le shofar Un nouveau Siddour, une preuve de vitalité communautaire. par Gilbert Lederman C’est avec le souffle qu’il insuffle aux offices que le Siddour (le livre de prières) charpente la ferveur spirituelle d’une communauté. L’idée structurante du Siddour se retrouve dans sa racine hébraïque ( סדרordre). Le Siddour est un ouvrage essentiel pour une synagogue : les fidèles le suivent aux offices, les enfants l’étudient au Talmud Torah et les familles le consultent à la maison pour prier et réfléchir. En fait, les membres d’une congrégation s’approprient ce qui représente pour eux, le réceptacle liturgique commun de leur communauté. Rien dans le judaïsme n’est jamais figé, ni dans la réflexion, ni dans le temps. Sa liturgie a toujours évolué au cours de son histoire. Chaque communauté juive développe son propre rite (נוסח, nousa’h). C’est même grâce à des changements, parfois révolutionnaires, que le judaïsme subsiste depuis des millénaires. Ces adaptations successives sont nécessaires pour être en phase avec la conscience de son temps, une caractéristique typique de notre courant. C’est donc dans ce contexte dynamique qu’un nouveau Siddour peut s’imposer tout naturellement dans une communauté. C’est ainsi qu’avec bonheur, de longues années durant - sa première édition datant de 1982 -, notre communauté a suivi le « Siddour Mizmor Chir Leyom Hachabbat » constitué par Rabbi Abraham Dahan pour les shabbatot. Aujourd’hui, gràce à la transition épanouie avec l’arrivée de notre nouveau rabbin, Rabbi Marc Neiger, la transition vers un nouveau Siddour est devenue légitime et bienfaitrice. Après les fêtes austères, le « Siddour Sefat Haneshamah » (Le langage de l’âme) deviendra notre nouveau Siddour. Celui-ci, constitué par François Garaï, à l’aide de Pauline Bebe et de Tom Cohen, à la demande de la Fédération du judaïsme libéral en 1996, est celui de nombreuses communautés européennes francophones. Dans l’introduction du Siddour, joliment intitulée ‘De la plume d’oie au curseur virtuel’, le rabbin François Garaï de la Communauté Israélite Libérale de Genève, revient sur son parcours personnel et son approche du judaïsme. Issu de la Synagogue de l'Union Libérale Israélite de France (ULIF) rue Copernic à Paris, le rabbin nous rappelle l’impact de ses séjours dans différentes communautés, de la yeshivah de Rav Kook z’’l à Jerusalem à des synagogues aux Etats-Unis. Le rabbin Garaï y est fasciné par l’expression multiple de la ferveur religieuse. « Notre tradition nous apprend que dupliquer hier peut être source de perdition, alors qu’innover peut garantir la continuité » observe t-il dans son édition de 2000. Dans son introduction au « Siddour Mizmor Chir Leyom Hachabbat », Rabbi Dahan rappelle ce midrash : « Qu’appelle t-on une prière fardeau ? C’est celle où le priant n’apporte aucune innovation ; et un autre 13 l e m ot d u pr és i d ent D U CA rabbi atteste que c’est celle qui n’est pas une supplication devant le Saint béni soitil ». Et ajoute ensuite : « C’est une mitsvah de faire en sorte que la prière soit celle que toute la communauté retrouve, comprend, aime et chante avec ferveur ». C’est dans cette tradition-là que s’inscrivent le rabbin Marc Neiger et la Synagogue Beth Hillel avec 14 l’introduction d’un nouveau Siddour. Voilà donc, une belle preuve de vitalité de notre Communauté. PS : La Communauté Beth Hillel remercie la famille Gobbi de la Communauté Israélite Libérale de Genève pour leur don de siddourim. ■ le shofar 15 30 véhicules de remplacement boîte manuelle 5 véhicules de remplacement boîte automatique 2 camionnettes Disponibles et gratuits Dépannage gratuit sur Bruxelles Prise et remise à domicile gratuite Nous sommes "conventionnés" par la totalité des compagnies d’assurances Rue de Boetendael, 132 - 1180 UCCLE Tel 02.345.60.88 - Fax 02.343.55.66 www.fadanlongchamp.be le shofar L'Etre Humain parlera à l'Eternel en ces termes Vayomer haAdam el Adonaï lemor par Rabbi Marc Neiger Dans quelques jours nous célèbrerons l’ouverture de la nouvelle année. Pour Beth Hillel, l’année 5773 sera l’occasion d’un important renouvellement avec l’introduction d’un nouveau siddour, d’un nouveau livre de prières. Ce nouveau siddour, Siddour Sefat Haneshamah, permettra non seulement le remplacement de nos livres marqués par l’usure, mais nous donnera aussi l’occasion de rafraîchir et de moderniser notre liturgie. Depuis le début de son histoire, la liturgie juive, notre liturgie, a tenté de répondre à deux besoins apparemment contradictoires; d’un côté les premiers rabbins souhaitaient conserver un aspect individuel et spontané telles que le présentent, en dehors des psaumes, les quelques prières que l’on trouve dans le Tanakh1 ; mais d’un autre côté, ils devaient adapter la prière à un nouveau cadre communautaire à mesure que la synagogue remplaçait le Temple comme centre et forme du culte Juif. Avant l’invention de l’imprimerie, cette spontanéité s’exprimait à travers la liberté que possédait celui qui menait la prière communautaire, le sheliach tsibbour, de modifier et d’adapter le texte de la prière à son inspiration. Personne ne possédait son propre siddour, le sheliach tsibbour invitait la communauté à répéter après lui ou à répondre par certaines 1 Voir par exemple 1 Samuel 1.11 et Nombres 12.13. formules rituelles. Avec le temps, des versions particulières du texte se cristallisèrent dans chaque communauté. Le produit de ce processus est encore visible à travers les nombreuses variantes qui existent, même pour certains textes fondamentaux comme la Amidah. Aujourd’hui les versions Sépharades et Ashkénazes de la Amidah contiennent de nombreuses différences significatives en plus de variations locales mineures propres à chaque communauté. Dans le temps aussi, le contenu de la prière a évolué en incorporant des compositions nouvelles qui venaient à la fois embellir, interroger, compléter et expliquer le texte. Les piyouttim, poèmes liturgiques, venaient introduire et commenter le cœur de la prière, un peu comme les explications qui, dans les communautés libérales, viennent aujourd’hui ponctuer l’office et remettre leur sens en contexte. Ultérieurement, ces piyouttim ont souvent été agrégés aux textes mêmes qu’ils venaient introduire, en devenant inséparables. Certaines modifications furent également le fruit de l’histoire, et en particulier des persécutions et de l’isolement dont notre peuple fut victime. Bien que le texte du Alénou, qui conclut aujourd’hui nos offices, soit très ancien, peut-être le 2ème siècle de notre ère, il n’a été incorporé de manière systématique à la liturgie qu’au 12ème siècle, peut-être à la 19 l e m ot d u r a b b i n Siddour des femmes, les bénédictions du matin, en bas on distingue "Isha velo ish: qui m’a faite femme et non pas homme" 20 suite de l’exécution des martyres Juifs de Blois en 1171, accusés de meurtre rituel et condamnés au bûcher. Le texte du Alénou va cependant évoluer, les autorités chrétiennes vont imposer une censure au Alénou en y voyant au travers d’une guématria 2 une attaque contre le christianisme et même l’islam. Plus récemment les communautés libérales, tout en conservant le sens particulariste du Alénou, ont supprimé la charge péjorative qui existait à l’encontre des autres religions et la tentation correspondante et inacceptable d’une supériorité d’Israël sur les autres nations. Depuis toujours le texte de nos prières reflète le langage de l’être humain et l’évolution de notre relation, de notre dialogue avec Dieu. Cette évolution se traduit aussi dans la forme, que ce soit en prose ou divers genres poétiques, que dans le fond. Si les grands thèmes restent identiques, l’actualité et l’évolution de la société, l’influence des autres religions font évoluer notre questionnement. Il ne faudrait cependant pas croire que certaines évolutions sont le fruit d’un vent révolutionnaire moderne. Certains textes, bien que devenus traditionnels et normatifs, furent très tôt remis en cause parce qu’ils posaient un problème de principe à ceux qui les récitaient. La forme écrite de la prière n’a pas pour rôle de nous enfermer dans une version immuable, mais au contraire de provoquer la réflexion et la réaction. Le plus souvent, la prière nous provoque pour nous inciter à l’action ; comme à propos de l’étude, notre tradition ne considère par l’introspection comme une fin en soi, la prière et l’introspection doivent nous amener à agir et à réformer notre comportement vers plus de justice. Mais si la prière ne correspond pas, ou plus exactement, ne correspond plus à notre pensée et sous-tend ce qui est devenu à nos yeux l’affirmation d’une injustice ou d’une contre vérité, est-il alors possible de continuer à réciter ce texte? Le texte de la Torah est immuable, mais son sens est sans cesse renouvelé par l’interprétation et les rabbins n’ont souvent pas hésité pas à faire dire au texte le contraire de son sens premier. Mais la prière fonctionne à un autre niveau. Si la prière exige parfois un engagement et une réflexion pour en comprendre tout le sens, nous ne pouvons pas être en conflit avec une lecture directe du texte. Dans cet esprit, une des modifications et signature du Judaïsme libéral est la suppression de la bénédiction du matin «Béni soisTu, Eternel notre Dieu, Roi de l’univers, qui 2 robablement du Grec geometria (Géométrie), interprétation du texte par la mesure des mots puisqu’en Hébreu les lettres ont une P valeur numérique, on peut donc relier au niveau exégétique deux mots ou groupes de mots dont la valeur numérique est identique. Dans l’ancien texte du Alénou, il se trouve que ָו ִריק, «vacuité», a la même valeur numérique que ֵיׁשּו, «Jésus», ce qui a déclenché la colère et la censure Chrétienne. Les rabbins de l’antiquité avaient conscience du potentiel irrationnel et destructeur de la guématria par sa capacité à prouver absolument n’importe quoi, ils en ont donc interdit l’usage à des fin halakhiques. La guématria est cependant restée une méthode d’interprétation très populaire pour son aspect astucieux et mnémotechnique. 3 e manuscrit est conservé à la bibliothèque du Jewish Theological Seminary sous la référence JTS MS 8255. Vous pouvez le L consulter directement sur internet http://www.jtslibrarytreasures.org/Womans_Siddur/. 4 En référence à Génèse 1.27. le shofar ne m’a pas fait femme». Un manuscrit de 1471 vient contredire l’idée que cette bénédiction n’avait pas heurté auparavant la sensibilité de nos ancêtres tant parmi nos «pères» que parmi nos «mères». Ce manuscrit 3 fut écrit en Italie pour une dame aisée, et la copie fut réalisée par Abraham Farissol, un savant, hazzan et géographe reconnu de l’époque, et dont les autres écrits, entre autres des ouvrages polémiques contre le Christianisme et l’Islam ne traduisent pas d’excentricité. Alors que la plupart des siddourim libéraux expriment l’inclusion des femmes dans un esprit égalitaire par la formule «… qui m’a créé(e) à ton image»4, la formule de ce manuscrit est particulièrement radicale : «… qui m’a faite femme et non homme». Cette formule est également conflictuelle, cette radicalité se fait probablement l’écho de l’impossibilité de trouver à l’époque une expression d’égalité qui puisse correspondre à une réalité sociale et la formule pointe sur l’injustice de cette situation tout en affirmant l’identité féminine comme positive. Le Siddour Sefat Haneshamah tente d’apporter une réponse moderne à plusieurs difficultés évoquées ; il s’agit déjà d’une seconde édition (2007) qui vient compléter le travail fait en 1997 par le Rabbin François Garaï, du GIL à Genève, et d’autre rabbins des communautés de la Fédération du Judaïsme Libéral Francophone, FJL, que Beth Hillel a rejointe. L’objectif de ce siddour est de nous réconcilier avec le langage de la prière, avec le «Langage de l’âme» comme l’indique son titre, de nous permettre de mieux comprendre la prière et ainsi d’être plus à même de participer activement à la prière, tant pour la prière communautaire que pour la prière individuelle. La première évolution est une présentation plus claire et systématique, chaque partie de l’office et chaque texte individuel est identifié par un titre et une référence en haut de page. Les passages assignés à l’officiant et à l’assemblée, ainsi que les variations saisonnières sont précisées dans une mise en page plus aérée. Le texte hébreu est sur la page de droite, la traduction est systématiquement en regard sur la page de gauche. Cette présentation permet même à celui qui n’est pas familier de facilement naviguer dans le siddour et de rapidement comprendre la structure des offices de semaine et de shabbat. L’accessibilité du texte passe aussi par la traduction ; tous les textes sont traduits et les versions françaises et hébreux sont en harmonie, les passages difficiles n’étant pas simplement ignorés comme ils l’étaient dans la plupart des siddourim libéraux. Le Français utilisé est plus moderne, direct et lisible ; en nous rendant le sens du texte plus accessible, il devient plus facile de prier directement en Français, et s’il n’a pas toujours été possible de conserver une part de la poésie du texte Hébreu original, une meilleure compréhension via la traduction nous permet de mieux nous imprégner de cette poésie lorsque nous utilisons ce texte en Hébreu. Certains textes comme les bénédictions d’introduction au Shéma ont nécessité une approche plus radicale ; en supplément de la traduction, Siddour Sefat Haneshamah nous propose une paraphrase et même une réécriture du texte. Ces versions additionnelles, en abandonnant le vocabulaire et le mode de pensée du texte antique, permettent d’éveiller en nous un sens du sacré compatible avec notre monde actuel. En reformulant ces idées sous une forme contemporaine, ces «traductions» créent un pont entre notre monde et l’époque qui a vu l’écriture de ces textes. A l’image des évolutions du Alénou ou de la tentative de Farissol, il était également temps de mettre le texte de notre liturgie en adéquation avec nos principes et nos convictions de Juifs Libéraux. Certains textes ont donc été remaniés, non seulement en Français comme cela était le cas dans de nombreux siddourim libéraux plus anciens, mais aussi en Hébreu. Certaines de ces modifications ont d’ailleurs été intégrées à notre liturgie du Shabbat depuis plusieurs mois et nous les 21 l e m ot d u r a b b i n retrouverons dorénavant dans le texte écrit de notre siddour. Ces ajustements sont mineurs en nombre de mots mais revêtent une grande importance au niveau du principe et au niveau symbolique. Ils concernent principalement trois concepts : 22 L’égalité devant Dieu de tous les êtres humains, et en particulier des hommes et des femmes. A l’image de la société de leur époque, les textes traditionnels étaient écrits par des hommes pour des hommes, sans se soucier de la place des femmes. Il n’y avait peut-être aucune malice à la référence systématique à «nos pères» ou à Abraham, Isaac et Jacob en oubliant «nos mères», Sarah, Rebecca, Rachel et Léah ; mais ne pas se référer explicitement aux femmes de notre tradition, c’est continuer, malgré une égalité de principe, à nier leur rôle dans notre histoire et leur égalité en humanité. C’est pourquoi, à l’image de ce que nous corrigeons déjà aujourd’hui au vol, “nos pères”, avoténou, est le plus souvent remplacé par «nos ancêtres» en Français, et par «nos pères et nos mères», avoténou veïmoténou, en Hébreu. L’u n iver sa lité du juda ïsme à traver s l’égalité des êtres humains de toutes les nations devant Dieu. Une des particularités du Judaïsme est l’association à priori paradoxale d’une forme de particularisme et d’une forme d’universalisme. L’idéal humain du Judaïsme, et la réalisation de la volonté divine pour l’humanité, n’est pas une exclusivité réservée aux Juifs, mais est partagé par tous les humains en tant que descendants d’Adam et Eve, puis de Noé. Tous les êtres humains de toutes religions peuvent y participer et devenir des tsaddikim, des justes, chacun selon sa religion et son propre chemin. Malgré notre histoire marquée par les persécutions, cet idéal ne peut prendre corps que si l’expression de notre mission particulière, de l’élection, est débarrassée de tout sentiment péjoratif ou discriminatoire à l’égard des autres nations ; toutes ont le potentiel de participer au tikkoun olam, ou de rater cette opportunité, mais il ne nous appartient pas de les juger à priori. Cette universalité est entre autres affirmée par l’ajout de l’ensemble de l’humanité, veal kol yoshvé tével, «et tous les habitants du globe», dans notre espérance de paix à la fin du Ossé Shalom et du Kaddish. Trop souvent l’espérance messianique pour l’humanité s’est cristallisée autour du personnage du Messie qui apporterait la rédemption à l’humanité. Mais l’avènement des temps messianiques est le but du tikkoun olam, du travail de finition du monde, partenariat entre l’Être Humain et Dieu. Le Messie n’est alors qu’un symbole de l’achèvement de cette tâche, celui qui annonce l’achèvement et non celui qui achève. Cette confusion fut à l’origine de nombreuses crises dans notre histoire lorsque certains se mirent à voir un (faux) messie dans des personnages tels que Bar Kochba, David Rubeni, Shabbataï Zevi ou Menachem Mendel Schneersohn. Dans le Siddour Sefat Haneshamah, les références au «Messie» dans les prières sont donc remplacées par des références aux temps messianiques, comme dans le premier paragraphe de la Amidah où nous remplaçons déjà goel, rédempteur, par guéoulah, rédemption. Dans un esprit similaire, si nous conservons le concept de la reconstruction du Temple, que celui-ci soit symbolique ou concret, nous écartons l’idée d’un retour au culte sacrificiel, et les références correspondantes ont été supprimées. Le Siddour Sefat Haneshamah contient également de nombreux ajouts pour la prière à la maison, pour l’étude ou les événements du cycle de la vie. Entres autres, il apporte une possibilité de sanctification pour des événements que la tradition n’abordait pas habituellement tels que l’adoption d’un enfant. Certains mettront peut-être quelques temps à s’adapter à des formulations différentes, le shofar mais ceux qui viennent occasionnellement ou régulièrement aux offices de shabbat ont déjà pris l’habitude des modifications les plus importantes que nous appliquons en utilisant nos anciens livres. Si chacun peut réagir différemment à une nouvelle présentation de la prière où l’accent est mis sur l’accessibilité et la compréhension de la prière, mon souhait personnel, et l’expérience de son introduction dans d’autres communautés, est que ce siddour soit pour tous, même aux moins familiers, l’opportunité d’apporter plus de sanctification et de présence du divin dans leur vie, à la synagogue et à la maison. Sans être systématique, même ceux qui ne lisent pas encore bien l’Hébreu pourront participer à la prière en Hébreu puisque les plus importantes prières sont également incluses en translitération phonétique en bas de page. Cette volonté d’inclure toute l’assemblée dans la prière, de faire comprendre tout en encourageant l’usage de l’Hébreu, de renouveler les textes tout en conservant le format traditionnel, est représentative du souhait que par ce nouvel outil notre communauté puisse continuer à s’adapter à notre monde tout en s’éduquant, en s’élevant et en amenant une étincelle de divin dans notre vie quotidienne. ■ 23 L es s en s d u t e x t e Ces justes qui sauvent l’humanité 24 En récitant le « Kiryat Shema » pendant la prière du matin et du soir, après le verset « Shema Israël… », nous récitons le verset « Baruch Shem … », et ce verset-là, nous le récitons à voix basse. Pourquoi ? Car il ne fait pas partie du texte que la Torah fait suivre, le « Shema Israël … » (Deut. VI, 4 à 9). Ce verset est pour ainsi dire un intrus. Mais dans ce cas, pourquoi cette insertion ? Nos commentateurs donnent deux explications. La première est que lorsque le Grand Prêtre, dans le Temple, récitait la prière et prononçait à voix haute le nom de l’Eternel – le Tetragramme – imprononçable par tout autre que lui, les assistants à l’office récitaient ce verset intercalé. Une autre explication dit que le premier verset – « Shema Israël … », - c’étaient les fils de Jacob qui l’avaient adressé à leur père Jacob Israël quand il était sur son lit de mort. Car Jacob, tout en bénissant ses fils, a fait des reproches à Shimon et Levi pour avoir exterminé la population de la ville de Sichem (שכם en hébreu) (Gen. XXXIV, 1 à 31). Ils l’ont fait comme un acte de justice pour venger l’enlèvement de leur sœur Dinah par le fils du gouverneur de Sichem. Bien qu’il ait finalement voulu l’épouser, par l’enlèvement et le viol, il l’avait traitée comme une prostituée. Pour pouvoir agir en sécurité, les frères ont d’abord exigé que tous les hommes de par Henri Lindner Sichem se fassent circoncire, « pour être comme nous ». « Alors nous consentirons à ce mariage. » Et tout s’est passé comme l’avaient suggéré les frères. Alors, le troisième jour après la circoncision, quand les hommes souffraient, affaiblis et incapables de se battre, Shimon et Levi attaquèrent et exterminèrent toute la population mâle, le gouverneur et son fils y compris. Suite à quoi, toute la fratrie, profitant de cette mésaventure, se jeta au pillage. (Remarquons que, dans le livre d’Esther – אסתר –מגלתc’est le contraire qui se passe : pas de pillage (Esther IX, 10, 15, 16)). Jacob les avait fort réprimandés au moment même, et le leur rappela lors de la bénédiction avant de mourir. Mais, en entendant ses fils s’exclamer « Shema Israël … », en reconnaissance à D.ieu que ses fils, malgré tout, étaient restés fidèles au monothéisme de leur père, lui-même – Jacob-Israël – aurait remercié D.ieu en récitant le verset « Baruch Shem … ». La légende est très belle, mais en regardant attentivement ce verset en écriture hébraïque, ברוך שם כבוד מלכותו לעולם ועד on se rend compte que les premières lettres de ces six mots font בשכם ל"ו. C’est-à-dire, « dans la ville de Sichem, il y avait des ל"ו, des justes ». Et même si cela ne se voit pas au premier coup d’œil, cela s’ajoute néanmoins le shofar au « Béni soit le Nom Glorieux, son règne est éternel ». Cette remarque accusatrice, Jacob ne l’a pas basée uniquement sur ses propres sentiments, tant lui que ses fils ont hérité de cet enseignement au-travers des générations depuis leur grand-père Abraham. C’est Abraham qui leur a transmis comment il a imploré l’Eternel pour sauver Sodome, un nid de malfrats, et comment il a obtenu que, s’il y avait dix justes dans cette ville, elle serait épargnée. Ainsi l’exclamation de Jacob après le « Shema Israël » de ses fils semble être un reproche : « et vous, vous n’avez même pas vérifié si, dans la ville de Sichem, il n’y avait ne fût-ce que dix justes ! » Ce qui surprend encore dans cette exclamation de Jacob, c’est l’emploi de ל"וpour désigner les justes. D’où vient cette désignation ? Pourquoi trente six justes, ni plus, ni moins ? Et dont l’existence sauve l’humanité de la disparition ? C’étaient précisément ces justes qui l’avaient sauvée. Dans Gén. VI.7, nous apprenons que l’humanité était déjà condamnée à disparaître. Le déluge devait en être l’outil: le מבולen hébreu. Mais D.ieu a changé d’avis en partie. Aussi bien Jacob que les générations précédentes connaissaient, par la transmission, l’histoire du déluge ainsi que son nom hébraïque. En lisant le mot מבול, non de droite à gauche, mais de gauche à droite, on est surpris de lire ל"ו בם, qui veut dire « les ל"וen eux ». Qui sont ces « eux » ? les mots ל"וen מבול. Or, il se fait que dans la parasha Noah (Gén. VI, 9 à XI, 31), le mot מבולapparaît douze fois. 78 * 12 = 936. 936 divisé par 36 = 26. Donc, pendant le déluge, les 36 justes qui ont sauvé l’humanité étaient les porteurs du nom de l’Eternel, le Tétragramme. 1 ' הreprésente le nom de Dieu, le Tétragramme Yod Hé Vav Hé. Mais où étaient ces justes ? Il n’y avait que Noé, ses trois fils et leurs épouses. Or, si on fait la somme arithmétique de la valeur des noms ) יפת, חם, שם,(נח, on obtient 936 ! Ce sont eux qui ont sauvé l’humanité de la disparition. Mais, diront certains, Ham, le fils de Noé, a été maudit par Noé, son père. Comment peut-on le compter parmi les justes ? Il faut rappeler que Ham était, entre autres, l’ancêtre des égyptiens. Pour les Hébreux, ce n’est pas flatteur. Mais, si on se rappelle que c’est la fille de Pharaon, le bourreau des Hébreux, qui remarqua un berceau parmi les roseaux du Nil, demanda à ses servantes de le lui apporter, regarda dedans et vit que c’était un garçon circoncis, donc un Hébreu, le confia à sa sœur (Myriam) pour lui trouver une nourrice juive, et puis l’adopta et l’éleva à la cour de Pharaon, et tout cela au risque de sa vie, alors, on comprend que cette femme était une « Juste des Nations » (Ex. II,5-10). Imaginons un instant une fille de Hitler – il n’en avait pas – sauver, adopter et élever un enfant juif ! Et cette fille était une descendante de Ham. C’est peut être par son mérite que l’on compte Ham parmi les ל"ו. D’autres passages de la Bible ( )תנ"ךtémoignent de l’existence présumée de 36 Justes, au moins. Dans le Psaume XXIX, 10, il est dit לַ ַּמּבּול יָ שָׁ ב וַ יֵּשֶׁ ב ה' ֶמלֶ ְך לְ עֹולָ ם1'ה « L’Eternel trônait lors du déluge ; ainsi l’Eternel trône en roi pour l’éternité. » (Traduction du rabbinat français) Le même verset aurait pu être écrit ה' מבול ישב ישב ה' מלך לעולם, avec un « »לet un « »וen moins. Il aurait été traduit de la même façon. Les « »לet « »וont donc été ajoutés pour nous faire comprendre que ce sont les « 36 » Justes qui furent l’outil du sauvetage. Le dernier verset du livre d’Osée (Osée XIV, 10) dit : 25 L es s en s d u t e x t e ִמי ָחכָ ם וְ ֵיָבן ֵאלֶּ ה נָ בֹון וְ יֵ ָד ֵעם יְ שָׁ ִרים ַּד ְרכֵ י ה' וְ צַ ִּד ִקים יֵ לְ כּו ָבם-כִּ י ּופֹשְׁ ִעים יִ כָּשְׁ לּו ָבם Ce verset est traduit comme suit par le rabbinat français : « Qui est sage pour comprendre ces choses, qui est intelligent pour les reconnaître ? Droites sont les voies de l’Eternel, les Justes y marchent ferme, les pécheurs y trébuchent. » Si l’on tient compte du fait que : = ֵאלֶּ ה36, = נָ בֹון108 = 36 * 3, ' = ַּד ְרכֵ י ה260 = 26 * 10, = יֵ לְ כּו ָבם108 = 36 * 3, alors on peut lire le verset comme suit : « Qui est sage pour comprendre? Les 36 ()ל"ו le feront connaître. Car les hommes droits constituent les voies de l’Eternel et les pécheurs y trébuchent. » 26 Quand Jacob s’exclame dans le verset « Baruch Shem … » à l’intention de ses fils, c’est pour leur faire comprendre qu’ils se sont servis d’une mitzvah, la circoncision, pour commettre plus facilement un méfait. Alors que l’Eternel, sous l'impulsion d'Abraham avait renoncé à commettre une destruction similaire à Sodome et Gomorrhe : exterminer, entre autres des Justes, au nom de la justice, à condition qu’ils soient moins de dix. Par contre Jacob a constaté, tout comme nous, que le nom de la ville en question « שכם » vaut 360, soit 36 * 10. C’est peut-être la raison supplémentaire pour laquelle nous récitons ce verset à voix basse toute l’année, sauf à Yom Kippur, quand nous confessons nos péchés à haute voix. C’est par hasard, pendant la lecture, que j’ai remarqué ces quelques évocations des « ל"ו » dans les textes. Je suis persuadé que ces évocations sont bien plus nombreuses. Avec patience et attention vous, aussi, en trouverez certainement d’autres. Bonne chance et bon courage! ■ le shofar 27 AGEN DA SEP T EMBRE- O CTO BRE 2012 OFFICES DE SHABBAT Office de Kabbalat Shabbat Tous les vendredis à 19h00, sauf leDor vaDor: "Shabbat leDor vaDor" Office familial les premiers vendredis de chaque mois Prochains leDor vaDor: les vendredis 7 septembre et 5 octobre, à 18h30 Office de Shabbat matin Tous les Samedis à 10h30 1 septembre-14 Elloul 8 septembre-21 Elloul 15 septembre-28 Elloul 22 septembre-6 Tishri 29 septembre-13 Tishri 28 Ki Tétsé Ki Tavo Nitzavim Vayeilkch Shabbat Shouva Ha'Azinou 6 octobre-20 Tishri Souccot 13 octobre-4 Cheshvan Bereshit 20 octobre-11 Cheshvan Noach 27 octobre-18 Cheshvan Lech-Lecha Dîners shabbatiques communautaires et am echad Pas de dîner shabbatique communautaire en septembre (fêtes austères) Prochain rendez-vous: vendredi 19 octobre, office à 19h, dîner shabbatique à 20h. EVENEMENTS – FETES • • • • • • Erev Rosh Hashanah Dimanche 16 septembre, office à 19h30 (voir agenda complet de Tishri 5773 p. 15) Rosh Hashanah Lundi 17 septembre Yom Kippour Mercredi 26 septembre Erev Souccot Dimanche 30 septembre (voir annonce p. 26) Souccot Lundi 1 octobre au jeudi 7 octobre Shemini Atseret/Simchat Torah Lundi 8 octobre Rosh Chodesh Cheshvan Mardi 16 octobre BNE MITSVAH Samedi 1er septembre. Sidra Ki Tétsé. Kiddoush offert par la famille. David SilberwasserSamedi 8 septembre. Sidra Ki tavo. Kiddoush offert par la famille Arthur et Alban Bommelaer T ISHRI - CHESHVA N 5773 COURS ET ACTIVITES : informations et inscriptions au 02.332.25.28 "Judaïsme, Pensée et Pratique" cours d'initiation au judaïsme (Rabbi Neiger) Tous les lundis de 19h00 à 21h30: cours A – sauf lundis 17 et 24 septembre Tous les mardis de 9h30 à 12h00: cours B – sauf mardis 18 et 25 septembre Rentrée le lundi 3 septembre "Exploration midrashique" cercle d'étude (Rabbi Neiger) Un samedi par mois, après l'office "Le Leviathan", deuxième partie Samedi 27 octobre, après l'office de shacharit (voir annonce p. 23) "Kané lekha H’aver" cercle d'étude (membres) Un samedi par mois, après l'office "Vayétsé" Samedi 24 novembre, après l'office de shacharit (voir annonce p. 33) "Talmidi" cours de Talmud Torah (Josiane Goldschmidt) Veuillez inscrire vos enfants dès à présent en contactant Josiane Goldschmidt au 0477.23.88.62 ou [email protected] (voir annonce p. 27) Rentrée et premier cours: le mercredi 5 septembre "Rikoudei Am" cours de danses folkloriques israéliennes (Shimon Bitton) Tous les lundis de 20h à 22h Pour débutants et avancés Informations et inscriptions au 0476.91.16.65 Rentrée le lundi 10 septembre. Pas cours les lundis 17 et 24 septembre. "Café Klatsch" (Monique Ebstein) Réunion conviviale pour les seniors avec thé, café et gâteaux (voir annonce p. 41) Pas de Café Klatsch en septembre Mardi 9 octobre, de 15h à 17h "Kippah et Fourchette" (Catherine Neiger) Atelier de cuisine juive traditionnelle et contemporaine Informations et inscriptions: 0471.95.08.70 ou [email protected] Mardi 11 septembre, à 19h, "En préparant les fêtes…" (voir annonce p. 31) "Bibliothèque" Du lundi au jeudi de 9h30 à 12h30 et de 14h30 à 17h, vendredi de 9h30 à 12h30. Tous les lundis de 17h30 à 20h: accueil et permanence par Gaëlle. (voir annonce p. 12) 29 Importation de vins fins de France Jackie et Maurice Vandiepenbeeck-Horn Rue de Jérusalem, 40 – 1030 Bruxelles tél. 02 215 37 75 – [email protected] – www.benevins.com 30 Identités visuelles Brochures Rapports annuels +32 2 663 85 85 www.inextremis.be 31 Petites annonces Pour le cours de cuisine il nous manque un peu de matériel. Une cuisinière, avec un four en verre, Des tas de couverts et des pelles à gâteau ! Une tourniquette pour faire la vinaigrette Un bel aérateur pour bouffer les odeurs. Loin de cette chanson de Boris Vian si vous avez : • Un robot ou un mixer • Quelques casseroles • Des plats allant au four • Une balance de cuisine Si vous avez dans vos réserves du matériel qui ne vous sert plus alors contactez-moi. Je vous en remercie par avance. Catherine Danelski-Neiger : [email protected] 32 Samedi 24 novembre 2012 Après l'office du matin "Kané lekha H’aver" Première session: "Vayétsé" Nouveau Cercle d'Etude à Beth Hillel : "Kané lekha H’aver" עשה לך רב וקנה לך חבר Basé sur la notion de "Assé lekha rav veKané lekha H’aver", qui signifie: "Trouve-toi (faistoi) un maître et acquiers un compagnon [d’étude]", ce nouveau Cercle d'Etude est animé par et pour les membres, avec le soutien de rabbi Neiger. Une fois par mois, le samedi après l'office, nous nous réunirons pour étudier ensemble et (re)découvrir les richesses que recèlent nos textes fondateurs. La première session se tiendra le samedi 24 novembre, après l'office de shabbat, et sera précédée d'une brève collation (apportez votre lunch-sans viande ni volaille). Faites le pas, et partez sur les chemins que vous choisissez de parcourir dans notre tradition. Le thème de la première session sera la parasha Vayétsé. Chacun apportera les notes de ses propres recherches sur le sujet, puisées dans les commentaires traditionnels ou contemporains, ou toute autre source qui a trait au sujet du jour. Inscrivez-vous au secrétariat au 02.332.25.28 ou [email protected]. 33 J u da ï s m e e t h i sto i r e ARCHEOLOGIE BIBLIQUE ET TRADITION JUIVE par Ralph Bisschops, Dr. phil. En tant que Juifs Libéraux, nous souscrivons tous inconditionnellement à l’esprit critique et à la science. L’archéologie biblique nous met cependant mal à l’aise, car elle risque de compromettre notre foi et notre pratique religieuse. Dans l’article présent certaines thèses récentes de l’archéologie biblique seront passées en revue. Ensuite la question si l’archéologie mine l’attachement à notre tradition sera discutée. 34 I. P REMIERE PARTIE: L’hypothèse documentaire En 1883 l’Allemand Julius Wellhausen, professeur en études orientales, établit l’hypothèse que la Bible serait composée de plusieurs sources, qui, à leur tour, auraient été rééditées à plusieurs reprises. Cette approche s’appelle « l’hypothèse documentaire ». Au jour d’aujourd’hui rares sont les chercheurs académiques qui n’y adhèrent pas. 1 AEC = avant l’ère commune Récapitulons : en l’état actuel des recherches 4 documents ont été à la base de la Torah : 1. Le document Y (appelé « yahviste »), qui se caractérise par le fait que Dieu y est désigné par le tétragramme (YHVH). Il aurait été rédigé à Jérusalem (En 950 AEC1, selon certains). 2. Le document E (apellé « élohiste »), dans lequel Dieu figure comme « Elohim ». L’origine de ce texte (rédigé probablement en 850 AEC) est attribuée au nord de la Palestine (Samarie), parce que dans cette région Dieu était invoqué sous le nom de « El » (pensons au haut lieu de Beth El). 3. L e document P (appelé document des prêtres) qui traite surtout des commandements rituels et sacerdotaux. Nous lui devons également, entre autres, le merveilleux premier chapitre de la Genèse. « P » aurait été rédigé après l’exil babylonien. le shofar 4. Le document Dt (appelé le Deutéronomiste), attributs différents de Dieu, notamment la qui traite des lois sociales, éthiques et poli- justice et la grâce divine respectivement. La tiques. Il se caractérise également par conclusion des historiens que deux sources l’insistance sur un lieu de culte exclusif, différentes seraient à la base de ces appellaqui deviendrait Jérusalem. Il comprend le tions (à savoir un document « Elohiste » et Deutéronome, le récit de la conquête de un document « Yahviste ») serait donc erroCanaan, les livres des Juges, de Samuel et née. Certains commentateurs orthodoxes des rois. Selon la plupart des chercheurs, sa se montrent astucieux et brillants dans la réfutation de l’hypothèse première rédaction documentaire (comme se situerait dans le Pour les Juifs Libéraux la B.S. Jacobson dans son 7ème siècle avant notre ère. Une deuxième Torah aurait été écrite par ouvrage « Meditations on the Torah»2). Cette rédaction, appelée des hommes inspirés de Dt2 aurait été effecapproche semble même tuée dans la période Dieu ; pour la plupart des convaincante par l’intelpostexilique. ligence des arguments orthodoxes elle serait un apportés. Pour les hist or ien s et a rché olo Ce qui justifie le décou« don du ciel » gues elle ne suffit pas page de la Torah en à évincer deux siècles sources différentes sont des particularités linguistiques qui seraient de recherches académiques intenses. spécifiques pour chacun des documents. Le L’hypothèse documentaire leur est deveconsensus sur la répartition que je viens d’es- nue indispensable comme instrument de quisser n’est pas unanime. Il existe encore de travail. Elle nous aide à retracer l’évolution nombreuses controverses sur le datage des de la pensée juive. Le Judaïsme Libéral (du documents respectifs, leur origine géogra- moins au niveau académique) s’attache à phique, ainsi que sur l’attribution de tel ou tel cette approche scientifique. verset à tel ou tel document. Le Judaïsme Libéral se rallie à l’hypothèse documentaire ; elle s’enseigne dans les séminaires rabbiniques « reform » ou libéraux. Pour l’orthodoxie elle est difficilement acceptable (même si certains érudits orthodoxes en tiennent également compte). Pour les Juifs Libéraux la Torah aurait été écrite par des hommes inspirés de Dieu ; pour la plupart des orthodoxes elle serait un « don du ciel » (Torat min ha-shamaym). L’exégèse rabbinique orthodoxe tente de mettre en évidence que la Torah revêt une consistance remarquable. Elle enseigne par exemple que les dénominations « Elohim » et le tétragramme (JHVH) désigneraient deux 2 Sinai Publishing, Tel Aviv, 1977. 35 J u da ï s m e e t h i sto i r e II. DEUXIEME PARTIE : Les courants de l’archéologie biblique (maximalistes et minimalistes) Dans l’archéologie biblique, deux écoles se confrontent. D’une part il y a ce qu’on appelle les « maximalistes. » Selon eux les fouilles archéologiques corroboreraient sans exception la narration biblique. Aux antipodes de cette approche se situent les archéologues « minimalistes ». Selon eux, les fouilles s’interprètent de multiples façons et pourraient nous orienter vers une historiographie radicalement déviante de celle du Tanakh. 36 Les maximalistes ont avant tout le support des communautés protestantes américaines. Ce fut bien leur approche qui prévalait dans l’archéologie biblique dans sa phase initiale : il fallait avant tout prouver que la Bible avait raison. Cependant, depuis la reconquête de Jérusalem en 1967 une nouvelle génération d’archéologues, dont la majorité est Israélienne, 3 émergea. Les montagnes de la Judée offrent une abondance de traces, inconnues jusque-là. Elles révèlent notamment que la Judée possédait longtemps avant l’Exode une large population indigène, dont le peuple juif serait émergé. Trois décennies de fouilles soulèvent plusieurs questions comme par exemple : Est-ce que l’Exode a vraiment eu lieu ? Y eut-il une conquête de Canaan ? Est-ce que l’empire de David et Salomon a été aussi vaste que la Bible veut nous le faire croire ? 4 « La Bible exhumée, » les thèses de Finkelstein et Silberman Les chercheurs Israel Finkelstein (Université de Tel Aviv) et Neil Asher Silberman, (directeur du centre Ename de Bruxelles pour 3 4 l’archéologie) publièrent en 2002 le livre « The Bible unearthed » (La Bible exhumée) traduit en français sous le titre trompeur et provocateur « La Bible dévoilée »5). C’est un ouvrage qui résume au grand public une vision de l’histoire biblique, telle qu’elle pourrait émerger des fouilles récentes. L’opposition à ce livre fut virulente, ce qui s’explique surtout par le fait que c’est le premier ouvrage vulgarisateur qui fait état des écarts (possibles) entre la Bible et l’histoire réelle. « The Bible Unearthed » peut être rangé parmi les travaux « minimalistes » parce que Finkelstein et Silberman (dans la suite appelés par l’abréviation F&S) insistent sur l’absence de traces et ont tendance à en conclure l’absence des événements relatés dans la Bible. Ce procédé a, bien entendu, été critiqué dans les milieux maximalistes. Dans ce qui suit je résume les affirmations les plus frappantes. Jérusalem sous Salomon Pendant le règne de Salomon (de 970 à 931) Jérusalem n’était qu’une bourgade et n’aurait pu revêtir une importance politique ou administrative quelconque.6 L’empire de Salomon, qui selon la Bible aurait compris le nord (la Samarie) et le sud (Judée/ le royaume de Judah) de la Palestine, n’aurait jamais existé. Selon F&S il n’existe aucune évidence archéologique de l’affirmation biblique qu’il y aurait eu un royaume unique sous David et Salomon qui se serait désuni après la mort de celui-ci (1Rois, chapitre 12). La Judée et la Samarie auraient de tout temps été deux nations séparées. Les grandes bâtisses, construites sous c f. Elizabeth Bloch-Shmith, Bible, Archaeology, and the Social Sciences, in: Frederick E. Greenspan, The Hebrew Bible: New Insights and Scholarship. New York U.P., New York, 2008. Israel Finkelstein & Neil Asher Silberman.:« The Bible Unearthed », Touchstone (New York) 2002, p. v. Dans cet article c’est bien la version originale (anglaise) qui sera citée. 5 6 ette affirmation est contestée par Joe Uziel et Itzhaq Shai: «(…) the presumption that Jerusalem must have been a large city in C the tenth century in order to function as a capital is more a result of modern conceptions of capital cities than a conclusion to be drawn from the Biblical account.» Joe Uziel, and Itzhaq Shai, «Iron Age Jerusalem: Temple-Palace, Capital City,» The Journal of the American Oriental Society 127.2 (2007). le shofar Salomon selon le Livres des Rois, dateraient de deux siècles plus tard. Il se peut que le premier Temple n’ait jamais existé. Ce n’est qu’à partir du 8ème siècle que la Judée aurait pris de l’importance, aussi bien politique que religieuse. peintres médiévaux qui représentent les scènes bibliques dans un décor fourmillant d’anachronismes mais qui leur était familier. Parmi l’abondance des arguments apportés, en voici les plus frappants : Premier indice : Les patriarches Le livre de la Genèse (26, 8) raconte le conflit La naissance de la Torah au 7ème siècle La thèse centrale de F&S est que l’élaboration entre Isaac et Abimelech, roi des Philistins et la diffusion de la doctrine monothéiste (« pelishtim »). Or, à cette époque (en enviaurait eu lieu pendant le 7ème siècle avant notre ron 2000 avant notre ère) il n’y avait pas de ère sous le règne de Josias. A cette époque Philistins dans le pays. Ce ne fut qu’au 12ème les élites du royaume du siècle que ce peuple, d’orinord (Samarie) avaient méditerranéenne,8 Le paysage des récits de la gine déjà été déportées par les avait envahi la Palestine Assyriens et Jérusalem Torah correspond de façon et y occupait les régions connut un afflux mascôtières. surprenante à celui du sif de réfugiés. Comme 7ème siècle. l’Assyrie était fortement La ville de Gérar (Gen. affaiblie par ses conflits 2 6 ,1), c a pit a le de s avec les Scytes et les Babyloniens et comme Philistins, n’a probablement pas existé à l’époque l’Egypte avait abandonné ses revendications d’Isaac et en aucun cas comme métropole phisur la Palestine, la Judée jouissait d’une grande listine. Au septième siècle, par contre, Gérar fut liberté d’action. C’est à ce moment-là que nous une cité importante et un bastion assyrien. assisterions, selon F&S, à la formation d’un état judéen avec comme capitale Jérusalem. Dans les récits sur les patriarches, les chaNous nous souvenons tous du passage dans meaux font partie de l’étable des grandes le Livre des Rois qui relate la découverte (en famille et servent, entre autres, comme bêtes 622) du « Livre de la Loi » dans le Temple de de somme et moyen de locomotion (souvenonsJérusalem et des réformes religieuses qui nous des voyages d’Isaac, de Rebecca et de la s’ensuivirent (notamment l’instauration des caravane d’Ismaélites qui emmena Joseph en fêtes comme Pessach, Chavouoth et Souccot). Egypte). Selon F&S la domestication des chaComme il n’y a pas de traces de culture écrite meaux se fit beaucoup plus tard, notamment en Judée avant le 7ème siècle, F&S concluent, vers l’an 1000 avant notre ère. Cette dernière que ce fut bien sous Josias que la première affirmation n’est, il convient de le dire, pas ébauche de la Torah et particulièrement du acceptée unanimement. document Deutéronomiste aurait été rédigée.7 Deuxième indice : L’exode Ce qui porte les auteurs à cette conclusion F&S soutiennent qu’il n’y a pas de preuve est particulièrement le fait que le paysage archéologique que l’Exode, tel que raconté des récits de la Torah correspond de façon dans la Torah, aurait eu lieu. Comme la fronsurprenante à celui du 7ème siècle. L’histoire tière égyptienne était solidement fortifiée biblique serait donc une histoire rétrospec- au 13ème siècle, une migration massive aurait tive, de la même manière que les toiles des dû trouver une trace dans les archives de 7 F&S, p. 281 On ne sait toujours pas exactement d’où ils venaient : de la Grèce, la Crète ou de Chypre ? 8 37 J u da ï s m e e t h i sto i r e 38 l’empire Egyptien. F&S pensent que le récit de (autour de 587). A partir de ce moment-là il l’Exode traduit un va-et-vient de laboureurs fut investi d’une grande importance, faisant juifs entre le pays de Canaan et l’Egypte. Ce écho au long et difficile trajet que les Juifs de qui reste incontestable est le fait que le delta Babylone durent traverser pour rejoindre la du Nil fut une sorte d’asile économique pour Terre Promise. les habitants du Canaan en cas de sécheresse, ce que reflète l’histoire de Joseph et de ses Troisième indice : La conquête de Canaan frères. L’errance dans le désert est également Pour F&S la conquête militaire de Canaan documentée par les prophètes Amos et Osée, par Josué serait une fiction pure et simple. Le dont les écrits sont plus anciens que la Torah. récit s’apparenterait à l’histoire de gestes. Les F&S estiment cependant que les 38 années villes de Jéricho et de Aï, soi-disant détruites que les Juifs ont passées à par Josué, furent des villes Kadesh Barnea auraient dû contre lesquelles le roi laisser des traces archéoJosias mena des campagnes La ville de Pithom, logiques. Le fait de tirer militaires (au 7ème siècle). Du que les esclaves juifs des conclusions théologivivant de Josué ces deux auraient construite villes furent inhabitées. Les quement lourdes à partir d’une absence de traces a fouilles révèlent également en Egypte, fut, en été vivement contesté. K. que les villes du pays de réalité, bâtie cinq A. Kitchen9 fait remarquer Canaan n’étaient pas fortifiées; la chute des murs de que dans le delta humide du siècles plus tard. Jéricho est donc de l’ordre Nil aucun papyrus n’aurait de la fiction. Le récit de la pu se conserver et qu’une trace écrite de la sortie d’Egypte serait donc prise de Canaan par Josué fut, selon F&S, introuvable par définition. Que la traversée une tentative littéraire pour créer un héros du désert aurait dû laisser des traces lui illustre qui préfigurerait le roi Josias, qui, lui, semble une idée ridicule. Mais il n’en reste mena nombre de campagnes militaires afin pas moins établi que les archéologues ont d’incorporer le pays du nord (Samarie) dans difficile à confirmer le récit de l’Exode. Ce son royaume. qui est également certain est que le nombre de 603.550 adultes masculins, donc environ Pourquoi une réforme religieuse au 7ème 1,5 millions de Juifs et de Juives, qui auraient siècle ? participé à l’Exode, est hautement exagéré. Comme nous l’avons vu, la Judée connut Même au septième siècle avant notre ère un essor considérable sous le règne de la Judée entière ne comprenait que 75.000 Josias. Son rêve fut d’inclure le nord dans habitants.10 un royaume pan-Israélien. Pour amener les habitants du nord à se rallier au La thèse de F&S que les récits bibliques reflètent régime de Judah, il fallut les convaincre le paysage et la géographie du 7ème siècle obtient que nord et sud partageraient la même néanmoins gain de cause. La ville de Pithom, religion et la même identité. Déjà l’histoire que les esclaves juifs auraient construite (voir des patriarches cadrerait dans cet effort. Abraham et Isaac sont des personnages Ex. 1, 11), fut, en réalité, bâtie au 7ème siècle. du Sud. Jacob, par contre, qui construisit F&S soutiennent que le récit de l’Exode aurait l’autel de Beth El (Gen. 35, 1) devenu par la été mis à jour après la fin de l’exil babylonien suite le haut-lieu de la Samarie, s’apparente 9 K . A. Kitchen : On the Reliability of the Old Testament, Grand Rapids, 2003, p. 466.7. F&S, p. 289. 10 le shofar Beaucoup de rabbins libéraux nous répondront que, même si la Bible ne dit pas forcément vrai, elle traduirait une éthique. Le caractère « historique » et narratif de la Torah contribuerait au fait que l’éthique juive se moule sur la nature réelle et disparate de l’être humain. Une fête comme Pessach n’est donc pas nécessairement la commémoration d’un événement historique. Elle peut également être vue comme la célébration d’un rêve de Implications religieuses On peut contester les thèses de F&S sous liberté. C’est exactement ce qu’affirment F&S certains aspects, mais l’on ne peut leur dans la conclusion de leur livre. La Bible est le dénier une vision claire et fondée (partagée seul document de l’antiquité qui traite de « la vie concrète des hommes d’ailleurs par toute une et des femmes, des riches, école d’archéologues). Du vivant de Josué les des pauvres et des destiCe n’est pas le lieu ici de discuter sur les détails villes du pays de Canaan tués d’une communauté entière. »13 « L’impact de la archéologiques (fouilles, n’étaient pas fortifiées. datage etc.). La question saga biblique consiste en La chute des murs de qui hantera la plupart des ce qu’elle est l’expression lecteurs est plutôt la suina r rative de t hèmes Jéricho est donc de vante: Quoi, si les thèses intemporels comme la l’ordre de la fiction. de F&S sont vraies ? libération d’un peuple, la Est-ce que la pratique résistance à l’oppression juive, dont une part essentielle a une fonc- et la recherche d’une justice sociale. »14 En tion commémorative (cf. seder de Pessach) ceci la Bible hébraïque apporte également un des événements historiques relatés dans la message universel à l’humanité. Bible, se justifie encore, si ces événements n’ont pas eu lieu? III. TROISIEME PARTIE : Deux personnalités, Brian Doyle (Université La question s’avère difficile : Si la Bible n’est de Louvain, professeur en études pas un ouvrage historique fiable, la nature du hébraïques et membre actif de l’IJC15) et texte biblique devrait être définie autrement. le Rabbin Marc Neiger (Beth Hillel) ont Mais comment ? répondu à la question suivante : « Est-ce que, selon vous, la pratique juive, dont Certains chercheurs insistent sur le caractère une part essentielle a une fonction comlittéraire de la Bible. Certes, la Bible c’est de la mémorative des événements historiques grande littérature, mais, dès lors, pourquoi ne relatés dans la Bible, se justifie encore, si pas lire plutôt l’Iliade et l’Odyssée d’Homère ces événements n'ont pas eu lieu? (cf. les ainsi que les grands dramaturges grecs ? thèses des archéologues minimalistes).» au Nord.11 Dans le récit de l’Exode et de la conquête de Canaan les tribus du nord et du sud combattirent côte à côte. La première ébauche de la Torah aurait ainsi été portée par une ambition politique, se traduisant par la création d’une unité identitaire entre le nord et le sud de la Palestine.12 11 F&S reprennent ici les thèses de l’historien Martin Noth. F&S, p. 317 (traduction par l’auteur) 12 F&S, p. 283. 13 F&S, p. 318 (traduction par l’auteur) 14 15 I nternational Jewish Center Brussels 39 J u da ï s m e e t h i sto i r e Prof. Brian Doyle : Au milieu du 19ème siècle le monde académique s’appropria la Bible hébraïque et y appliqua ses propres méthodes, qui sont toujours en cours d’évolution, d’interprétation littéraire et historique du texte, tenant compte des découvertes d’autres disciplines émergeantes tels que l’archéologie. Son intérêt primordial ne fut pas de comprendre le texte biblique comme document de foi mais comme un inventaire de vérités historiques. 40 bien leurs rôles? Même les thèses minimalistes telles que celles de Finkelstein et Silberman ne peuvent nier certains aspects du Tanakh et de l’histoire de notre peuple. Le Tanakh nous raconte le lien qui unit les hébreux à une terre particulière, mais surtout la relation entre les hébreux et leur Dieu. Cette relation prend la forme d’une recherche de Sa volonté, des commandements exprimant une éthique et nous continuons aujourd’hui cette recherche pour Ceux qui lisent la « Les narrations bibliques répondre aux évoTo rah co mm e un sont investies par une vérité lutions des sociétés d o c u m e n t d e fo i recherchent une plus profonde qui ne dépend dans lesquelles nous vivons. Notre reliv é r it é dif fé r e nt e . pas de la vérité historique. gion est le fruit d’une En tant que Juifs évolution, démarrée Libéraux nous C’est une vérité concernant avant même les presommes ouverts aux notre relation avec Dieu, miers écrits de la découve r tes de la recherche biblique son passé, son présent et son Bible ; aujourd’hui sens des fêtes corcontemporaine. avenir. » (Prof. Brian Doyle). le respond avant tout Ceci ne nous rend au sens qui leur a été pas nécessairement aveugles à la vérité exprimée par un peuple donné par les rabbins aux premiers siècles qui tenta de conférer une voix écrite à sa de notre ère. Les rabbins avaient bien relation avec le divin. L’académie peut conscience d’ajouter parfois une signifimettre en question la fiabilité historique cation qui n’était pas originellement dans des récits bibliques comme celui de la la Torah : par exemple, si la Torah nous création, du déluge, de l’exode, de l’exil enjoint de célébrer Pessach pour commébabylonien et du retour en Terre Promise. morer la sortie d’Egypte, aucune raison Mais ces narrations sont investies par une historique ne vient enraciner la fête de vérité plus profonde qui ne dépend pas de la Shavouot avant que les rabbins n’en fassent vérité historique. C’est une vérité concer- la fête du don de la Loi. Le sens de la fête ne nant notre relation avec Dieu, son passé, repose pas sur l’événement historique étioson présent et son avenir. Dans ce sens, la logique, réel, fictif ou romancé, mais dans lecture, la souvenance et la commémoration l’interprétation que nous en donnons. Le de ces récits continuent à être une expres- génie des rabbins a justement été d’enraciner le sens dans un narratif qui permette à sion authentique de la foi Juive. la fois la transmission et l’interprétation. Rabbi Marc Neiger (Beth Hillel) : Si nous Sans cette narration, qu’elle soit mythique, étudions les fêtes Juives, elles sont toutes historique ou quelque part entre les deux, présentées comme des commémorations notre religion n’aurait peut-être pas sur■ d’événements historiques, mais est-ce vécu au passage des siècles. le shofar 41 le shofar Le PROJET ALADIN en Belgique le pont de la Connaissance entre Juifs et Musulmans par Anne De Potter Au détour du Net, les mensonges les plus éculés, des caricatures les plus grossières, des incitations à la haine sans vergogne (1) ressortent des placards que l’on croyait pourtant définitivement condamnés par la conscience des Hommes (2). Ce nouvel antisémitisme, ce nouveau négationnisme s’opposent à toute solution pacifique du conflit entre Israéliens et Palestiniens, sinon à l’existence même d’un Etat pour le peuple juif, et présentent un danger potentiel pour tous les Juifs à travers le monde. Consternation ? Résignation ? Désespérance ? Une femme a choisi la résistance active et l’approche positive : Anne-Marie REVCOLEVSCHI, dont l’indignation, l’audace et la force persuasive sont à l’origine du Projet Aladin, dont elle assume la présidence, le Vice-président étant Serge Klarsfeld. Né en France en 2009 sous les auspices de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah et sous le patronage de l’UNESCO, avec le soutien formel de centaines de personnalités éminentes - politiques, universitaires, religieuses – de toutes les cultures et de convictions diverses, ses idées directrices sont le refus de considérer que le renouveau du négationnisme, par exemple, serait une fatalité, la volonté farouche d’ouvrir les portes et de créer des liens, la conviction que Juifs et Musulmans gagneraient beaucoup à se (re) connaître, à se respecter, à communiquer. Ses objectifs ? «D’abord transmettre l’histoire de la Shoah avec rigueur, en refusant les amalgames et le négationnisme, dans le respect de toutes les mémoires. Renouer ensuite les fils de la coexistence entre Musulmans et Juifs en enseignant l’histoire millénaire, heureuse et violente, de leurs relations passées. Œuvrer enfin pour la réappropriation des valeurs de respect d’autrui, de dignité et de paix, en opposition à l’antisémitisme, à la xénophobie et à toutes les formes de racisme. (…) Jusqu’ici, nous avons commencé à transmettre la connaissance du judaïsme, de son histoire et de sa culture à l’intention du monde arabo-musulman (…) Mais transmettre la connaissance de l’islam, de sa culture et de l’histoire des pays qui s’en réclament dans un monde où l’ignorance se conjugue avec l’islamophobie est aussi nécessaire (…)» (Lettre de la Présidente, Anne-Marie REVCOLEVSCHI, qui ouvre le rapport des activités de l’année 2010). L’originalité du PROJET ALADIN tient, pour l’essentiel, à la diffusion – en arabe classique, en persan et en turc – de ces connaissances, dont notamment l’histoire des communautés juives en terres d’Islam ou de « Justes » musulmans, vers ceux qui n’y ont pas (encore) accès, essentiellement grâce à l’Internet, mais aussi par le biais de livres, de rencontres, de débats, etc...en Europe, dans le Magreb et le Moyen-Orient. 43 O u v er ts s u r l e m ond e L’accent est mis sur la valorisation des aspects positifs des relations judéo-musulmanes, dans l’esprit de l’article de Deborah Guedj (3) sur le livre consacré par Fariborz MOKHTARI à Abdol-Hossein SARDARI, le Juste d’Iran : « In the Lion’s Shadow », par exemple. Les efforts accomplis tendent également à établir des liens de confiance et de travail avec des interlocuteurs de plus en plus nombreux, de toutes cultures et de pays divers, notamment entre universitaires et enseignants. Il suffit de visiter le site “www.projetaladin.org” pour se faire une idée du chemin déjà parcouru et des projets en développement. Vous y trouverez, téléchargeables gratuitement, les titres déjà traduits dont “Le Journal d’Anne Frank”et “Si c’est un homme” de Primo Levi, ainsi que les rapports : 44 - des 14 évènements-conférences en terres d’Islam (Janvier-Février 2010), - des projections du film “Shoah” de Claude Lanzmann sous-titré en persan (PARS TV – Mars 2011) et sous-titré en turc (TRT – Octobre 2011), - de la visite sans précédent à Auschwitz de plus de 200 personnalités dont la majorité venait de pays musulmans, en février 2011, - de la toute récente conférence, le 19 Avril 2012, à l’Université Bahcesehir d’Istanbul sur “Le Rôle des immigrés juifs d’Allemagne et d’Autriche dans la modernisation du système universitaire turc”. Vous trouverez aussi sur ce site la réaction de la Présidente REVCOLEVSCHI à la suite des tragédies de Toulouse et de Montauban. Elle s’adresse aux chefs religieux musulmans pour qu’ils prononcent “la plus importante des fatwas”: « On ne tue pas les enfants juifs au nom de l’Islam ». Sous l’impulsion déterminée de Hubert BENKOVSKI, le groupe des “Amis belges du Projet Aladin” se constitue autour de nombreuses personnalités de notre pays et prépare divers événements en Belgique. Présenté le 8 décembre 2011 devant le Parlement francophone bruxellois, son but est de promouvoir le Projet Aladin en Belgique et de favoriser le dialogue et la connaissance mutuelle, essentiellement entre Juifs et Musulmans, la rencontre d’hommes et de femmes de bonne volonté de tous horizons pour qu’ils puissent prendre la parole dans l’espace public belge et défendre un « vivre ensemble » dans le respect de chacun. Beth Hillel apporte bien entendu son soutien au Projet Aladin en Belgique et vous invite à communiquer votre adresse-mail sur [email protected] pour être informé de l’actualité de cette belle initiative. Dès présent, à vos agendas ! Voici les activités prévues dans un avenir proche : 1.le 3 octobre 2012 : participation au spectacle NOA/MIRA AWAD à l’Ancienne Belgique 2. p rojection du film « LES HOMMES LIBRES », suivi d’un débat animé par le réalisateur Ismael FERROUKHI, le 24 octobre 2012 au CCLJ et le 25 octobre 2012 à l’Athénée Royal Charles Rogier à Liège 3.Le 1er novembre 2012 au BOZAR, en participation avec le Centre Culturel Judéo-Marocain et Daba-Maroc : présentation du film « TINGHIR-JERUSALEM », suivi d’un débat animé par le réalisateur Kamal HACHKAR. Les volontaires sont naturellement les bienvenus, n’hésitez pas à vous signaler comme tel sur le même site [email protected] car votre aide est très précieuse, le travail à accomplir étant considérable. (1)voir les traductions en français sur le site memri.org, par exemple (2)u ne journée d’étude fut consacrée, il y a peu, à ce sujet à l’Université Libre de Bruxelles. Nous y reviendrons (3)numéro 636 de l’Arche, le magazine du judaïsme français Nous reproduisons ici l’Appel à la conscience, la déclaration de principe du Projet Aladin. ■ le shofar 45 O u v er ts s u r l e m ond e De pierre d'achoppement à pierre angulaire Jorsala, la marche comme espace de Dialogue par Yardenah Presler à Aix-La-Chappelle du 31 mars au 12 avril. Le trac des organisateurs la veille du départ ("c'est quitte ou double"), a été balayé par le succès de cette première marche, qui a dépassé toutes les espérances. On a même vu éclore deux emplois et un couple. 46 De haut en bas, de gauche à droite: Sébastien de Fooz, Elie Vulfs, Kerfalla Sanoh, Félicité, Sœur Michelle Debrouwer, Rabbi Neiger, Anne De Potter, Marie Peltier, Sébastien Gratoir. Beth Hillel a accueilli et rencontré les marcheurs de Jorsala (voir Shofar N° 333 et N° 335) lors du dîner shabbatique communautaire du vendredi 22 juin. Après l'office, le kiddoush et la remise de la mezouza, les convives passent à table. Sébastien de Fooz et Marie Peltier de Jorsala, Sébastien Gratoir, Sano et Félicité de Convivial (nous regrettons l'absence de Kuniko), Sœur Michèle Debrouwer, de Notre Dame de Sion, (une amie fidèle, qui nous accompagne lors de Yom haShoah). Félicité, Kuniko et Sano ont été sponsorisés par Beth Hillel et le CCOJB pour participer à la Marche du Dialogue qui a relié Bruxelles Tous ont fait face, avec plus ou moins d'appréhension, au dépassement de soi qui permet de s'inventer (au sen où l'on "invente un trésor": découvrir quelque chose de jusqu'alors inconnu (trésor, relique, objet perdu, etc…)) Félicité, qui ne se considérait pas comme une marcheuse, s'est dit que si un enfant de 10 ans ou un homme âgé de 74 ans pouvaient le faire, et bien elle le ferait aussi. Sano, quant à lui, a pris très à cœur son rôle d'ambassadeur de Beth Hillel. Cela n'entrait nullement en contradiction avec sa croyance en l'Islam, ni avec l'athéisme militant de Kuniko. Comment ces 60 personnes des bouts des mondes se retrouvent-elles sur le même chemin, et arpentent-elles les routes côte-à-côté, sans autre finalité que d'avancer, ensemble? Grâce à un rêve: Sébastien de Fooz part à pied de Gand le 27 mars 2005 et arrive à Jérusalem le 2 octobre 2005, jour de Rosh haShanah. Lors du dîner shabbatique du vendredi 22 juin, il partage avec nous quelques réflexions issues des pas égrenés sur la route: "Les paysages traversés opèrent comme métaphore de la découverte de notre paysage intérieur. La résistance à l'autre est la résistance à moimême et, moins je rencontre l'Autre, moins le shofar je me trouve. Je ne permets pas à Dieu de se manifester si je n'accepte pas l'Autre dans sa différence. Quand les peurs tombent, les murs s'écroulent et créent un espace vierge où tout est possible, où la grâce s'invite: un espace de dialogue". Il a écrit un livre qui en dit plus sur la déconstruction du soi pour se re-assembler au cœur de l'Humanité: "A pied à Jérusalem - 184 jours, 184 visages." (Editions Racine). Autour de la table, il nous relate un épisode particulièrement fort de son parcours. travers la foule dense des hommes venus prier en ce jour de Rosh haShanah. Rabbi Neiger évoque l'histoire de Jacob (Genèse 28, 10), qui voit en rêve des anges qui montent et descendent l'échelle. Les anges représentent des messagers, des "particules dialogantes" pourrait-on dire. A son réveil il s'exclame, en substance, "Dieu est ici et je ne le savais pas". Avec de l'huile, il enduit la pierre sur laquelle a reposé sa tête cette nuit-là. Il est amené par les circonstances à choisir de faire un détour par Dachau, où il se recueille et ramasse un caillou en faisant la prière de se voir accorder la force de poursuivre sa route jusqu'à Jérusalem. Par cette pierre, il décide de marquer le lieu sur lequel il se trouve (Louz), qu'il rebaptise Beth-El (la Maison de l'Eternel, du ToutPuissant…), puisqu'à cet endroit, Dieu s'est manifesté à lui. Arrivé à Jérusalem, au Kotel, il rencontre "par hasard" la fille d'un responsable allemand de camp de concentration, venue elle aussi en pèlerinage, munie d'une fiole d'huile consacrée. Au-delà des âges, certains gestes se font écho, et voici deux fois: une pierre enduite d'huile qui marque un espace de dialogue dans une occurrence qui nous dépasse. Ils enduisent le caillou avec l'huile, et Sébastien de Fooz va le nicher dans le Kotel, en se frayant difficilement un passage à Jorsala signifie Jérusalem, la Jérusalem céleste, dans l'ancienne langue scandinave des vikings du premier millénaire. ■ Les marcheurs de Jorsala. 47 En v i e d e l i ( v ) r e Envie de li(v)re A pas aveugles de par le monde Leib Rochman Denoel &D’ailleurs - 2012 ISBN 978-2-20726-178-1 750 pages par Isabelle Telerman Tout repose sur un fondement. La Bible s’ouvre sur la génèse, la musique naît par le rythme. 48 L a l it t ér a t u re s’assigne parfois la triste tâche de décrire le monde quand le fondement a disparu ou quand il revêt désormais la forme de l’anéantissement. Tout démarre et tout se définit par l’anéantissement, dans une logique absurde puisque plus rien n’existe. La notion même de réalité est devenue étrangère, flottante. La frontière entre la vie et la mort a été radicalement abolie , défigurant l’univers familier. Leib Rochman réussit cet étonnant prodige de rédiger un ouvrage fondateur dans une langue condamnée à la disparition, et publié en Israël dans les années 50, époque où la jeune société se rue à corps perdu dans la construction d’un état, sans voir- ou sans vouloir voir- qu’une partie de sa population a été irrémédiablement meurtrie et ne trouve aucun sens à cette fuite en avant. Le livre de Rochman préfigure tous les autres témoignages et en rendrait presqu’inutile la lecture a posteriori. Il est en fait le livre par quoi tout commence, tout prend sens , dans un chaos où réalité, rêve, fantasmagorie pure se côtoient sans hiérarchie .Il délivre la conclusion ultime : il ne demeure plus rien du monde dont Rochman était issu. L’attitude la plus appropriée à adopter désormais est le silence. Lui seul exprime la facture irréparable, la dislocation de l’ordre ancien, l’anachronisme de toute autre formulation. Dans cette longue fresque où Rochman s’inspire de ses propres pérégrinations après la guerre, qu’il distribue entre plusieurs personnages, les rescapés sont des créatures chimériques déconnectées de leur vie antérieure à l’Anéantissement. Ames flottantes dépossédées de leur enveloppe charnelle, elles se déplacent de ville en ville, incapables de choisir entre la mort psychique et le désir d’enfanter une nouvelle génération. L’amour, l’attachement ne sont plus que des notions abstraites, témoins d’une existence lointaine dont on n’a pratiquement rien conservé. La très belle préface d’Aharon Appelfeld indique que la filiation entre les deux écrivains est évidente. Le yiddish de Rochman incite Appelfeld à chercher sa propre musicalité intérieure. Comme son aîné-Rochman a quatorze ans de plus que lui-Appelfeld privilégiera dans son œuvre l’intériorité allusive plutôt que l’ expression démonstrative. Cette traduction tardive en français permet au lecteur de restituer à une génération désormais disparue la pertinence de son jugement : considérer que le silence est la forme la plus pure d’expression d’une vérité inaccessible. ■ le shofar Le temps d’un disque par Anne De Potter Romances séfarades « Romances Séfarades dans l’empire de la Sublime Porte » de Accentus Austria, Arcana, ASIN: B001D4KXZE, Michel Bernstein Editeur à Nantes, 2006, chez les bons disquaires (référence Médiathèque de Belgique AA3047) Laissez-vous bercer par ces “Romances séfarades”, ces airs bien connus que nous avons toujours plaisir à entendre, à fredonner. Nous les retrouvons ici dans une version douce, aérienne, qui fait rêver… De belles voi x, sopra no et ténor, et sept instruments anciens vibrent en r y t h me et créent des ambiances ferventes, mystérieuses ou joyeuses selon les 18 morceaux. Le livret comprend une introduction historique, de Thomas WIMMER, et les paroles avec leur traduction en français, ce qui vous permettra de comprendre ce que vous chanterez à votre tour, pour votre plus grande joie ! ■ 49 N o s Bn é M i tsva h Derasha de Theo Keseman Parasha Bekhoukotaï Bar Mitsva du samedi 19 mai 2012 - 27 Iyar 5772 La parasha de cette semaine est Bekhoukotaï, elle parle des punitions, des malheurs qui arriveront au peuple d'Israël s'il ne respecte pas les Commandements. Je vais maintenant vous lire une partie de la parasha en français. 50 « Si vous vous conduisez selon mes lois, si vous gardez mes préceptes et les exécutez, je vous donnerai les pluies en leur saison, et la terre livrera son produit, et l'arbre du champ donnera son fruit. Le battage de vos grains se prolongera jusqu'a la vendange, et la vendange durera jusqu'aux semailles; vous aurez du pain à manger en abondance, et vous demeurerez en sécurité dans votre pays... …mais si vous ne m'écoutez point, et que vous cessiez d'exécuter tous ces commandements; si vous dédaignez mes lois et que votre esprit repousse mes institutions, au point de ne plus observer mes préceptes, de rompre mon alliance, à mon tour, voici ce que je vous ferai : je susciterai contre vous d'effrayants fléaux, la consomption, la fièvre, qui font languir les yeux et défaillir l'âme; vous sèmerez en vain votre semence, vos ennemis la consommeront. Je dirigerai ma face contre vous, et vous serez abattus devant vos ennemis; ceux qui vous haïssent vous domineront, et vous fuirez sans qu'on vous poursuive. Que si malgré cela vous ne m'obéissez pas encore, je redoublerai jusqu'au septuple le châtiment de vos fautes. » Ici s'arrête la traduction de la parasha. Tu ne tueras point, tu ne voleras point, sont des lois universelles qui ne peuvent être transgressées. En tant que Juifs nous devons aussi respecter les mitsvot. Sinon, la Torah nous promet une punition, comme cité auparavant. Ainsi, si Dieu s'adresse a nous collectivement qu'advient-il du Juste qui réside parmi nous, est-il aussi victime de ces malheurs comme ses voisins ? Sa peine est-elle moins forte ? Dans ma derasha, j'aimerais vous parler de la responsabilité individuelle ou collective, et de son incidence sur nos vies. Mais pour vous parler de responsabilité il faut d'abord vous parler des lois. Il y a les lois universelles et les lois juives que nous appelons mitsvot. Dans ces mitsvot, un certain nombre est lié au service du temple mais, les autres, nous devons essayer de les respecter. Parmi nous, il existe des Justes. Selon le talmud, il existerait dans le monde 36 Justes par génération, ils maintiennent le monde en équilibre. Ces Justes, qui souvent s'ignorent, vivent parmi les autres hommes. « II y en a peut-être 1 dans la salle aujourd'hui.» Pour moi, un Juste c'est peut-être simplement quelqu'un qui respecte les lois juives (ou pas seulement, car il y a les Justes non-juifs parmi les nations) et qui aident les autres à les respecter. le shofar Par exemple : Prenez deux voleurs; le premier vole une voiture pour faire la fête. Le second vole de la nourriture pour lui et sa famille. Les deux méritent une peine de prison, mais un Juste prendra en compte les circonstances qui ont amené le deuxième homme à voler. En fait, chacun d'entre nous peut être un des Justes qui maintiennent le monde en équilibre. Nos actions et nos actes nous lient les uns aux autres. Etre juif, c'est prendre en compte la communauté, et plus largement le monde. Comme le dit le midrash Lévitique 4.6: « Hezekiah enseignait : Il est dit, Israel est un mouton isolé (Jer. 50.17). Pourquoi Israel est-il comparé à un mouton ? De la même manière que pour un mouton, quand il est blessé à la tête ou a n'importe quel membre, tous les membres le ressentent; de la même manière pour Israël : si un seul (d'Israël) commet une transgression, tout Israël le ressent. Il est dit : « Quoi, un seul homme aura pêché et tu t'irriterais contre la communauté tout entière ! »(Nb 16.22). J'ai l'impression que les Justes de tous temps essayent de nous guider et nous former à être meilleurs. Le but final n'est-il pas la venue des temps messianiques pour lesquels chacun d'entre nous doit travailler, nous sommes tous responsables de leur venue. En recherchant les commentaires sur ma parasha, rabbi Marc m'a transmis le commentaire suivant : « Rabbi Shimon ben Yohai enseignait : cela peut être comparé a des hommes sur un bateau, l'un d'eux prit une chignole et commença a percer sous sa place. Ses compagnons de voyage lui dirent : Que fais-tu ? Il leur répondit : « Qu'est-ce que cela peut bien vous faire ? Ne suis-je pas en train de percer sous ma propre place ? Ils dirent : « Mais l'eau va rentrer et submerger le bateau pour nous tous ». » Peut-être que la morale de cette histoire est que nous sommes tous responsable les uns envers les autres. Notre terre est comme un bateau qui coule. Moi et ceux de ma génération, nous devons faire en sorte que nous ne percions pas la coque de ce bateau. Les liens modernes que nous tissons, tels une toile à travers le monde, nous permettront de prendre soin, d'aider et de soutenir ceux d'entre nous qui pourraient faire couler le bateau et leur éviter de le faire. En ce jour je célèbre ma bar-mitsvah, je deviens responsable à part entière de mes actes et aussi un peu des vôtres. J'envisage d'être un peu plus attentif au monde qui m'entoure, d'ailleurs c'est bien le sens de la bar-mitsvah. Je prends conscience de mes actes et de ce que je pourrais faire pour essayer «que le bateau ne coule pas», qu'il soit comparé à la Terre d'Israel, au peuple juif ou, à plus grande échelle, au monde entier. Cette tâche, comme je l'ai dit plus haut, je ne pourrai pas l'accomplir seul. J'espère que comme en ce jour de ma bar-mitsvah, vous m'aiderez et m'accompagnerez toute ma vie. J'en profite pour remercier ma tante Nana, mes parents, ma soeur Livia et aussi, bien évidemment, Catherine Danelski-Neiger qui m'a beaucoup aidé dans cette derasha, et le rabbin Marc, pour la derasha, la parasha et les connaissances de l'histoire du peuple juif qu'il m'a transmises. Ainsi que vous tous qui participez à ce jour si important pour moi. ■ Envie de nous écrire ? de participer à la rédaction du Shofar ? N’hésitez pas et contactez nous , par courrier, e-mail ou téléphone! 51 Co u r r i er d es l ect eu r s Nos lecteurs nous écrivent par Olivier de Kerchove, chapelle ND d'Opstal, créée, comme Beth Hillel, en 1968, par le père jésuite Pierre van Stappen, pour les élèves de l'Ecole Européenne à Uccle. Le Shofar est lu par les membres de Beth Hillel, par le Yishouv et par d’autres personnes à l’esprit ouvert et curieux. Nous avons le plaisir de publier cette lettre reçue d’un lecteur chrétien qui s’interroge sur les ressemblances et différences entre nos deux approches, et qui nous parle avec chaleur et amitié de ses contacts avec notre communauté. 52 Aux amis de Beth Hillel et lecteurs du Shofar, Je ne puis résister à vous écrire, à la lecture - au lendemain de Pessach et de la semaine sainte chez les chrétiens - du dernier Shofar, posant la "question des questions" de l'après Shoah. Permettez-moi de vous écrire, même si une visite à Auschwitz il y a quelques années n'a pu que me laisser muet, à l'endroit où la vie elle-même - et donc la parole - ont été niées. Qu'il me soit permis, à l'occasion de ce message, d'exprimer ma reconnaissance pour avoir participé sporadiquement, pendant une dizaine d'années, aux offices de shabbat (du vendredi soir) et au seder de Pessach (tout incirconcis que je sois - mea culpa !) en compagnie de Mlle Micheline Fahmy, que je nomme ma "petite mère juive". Je vous remercie également pour le Shofar, dont la lecture m'enrichit toujours avec plus de sureté que de nombreuses autres lectures issues de communautés et confessions diverses. J'ai apprécié chacune des interventions du numéro d'avril 2012. Chacune est un élément de réponse à la question océanique de l'après Shoah. Chacune soulève un pan du voile au dessus des flots tumultueux d'une mer sans fond. Chacune dessine aussi les mille et une modalités de la vie contemporaine après la nuit noire, incluant autant les cours de gastronomie casher, que les Rikoudei Am, etc.... Tous les signes de la vie juive sont en eux-mêmes une réponse. Aussi, comme vous l'avez fait, on ne peut jamais négliger le moindre questionnement; la moindre évocation a du prix, sans parler bien sûr des témoignages directs et indirects, des "devoirs" ou "droits" à la mémoire... C'est ici, si vous le premettez, que j'aimerais attirer votre attention sur une réalité parallèle aux interventions évoquées dans le Shofar d'avril, réalité parallèle à la fois quant au désastre sans Nom, mais aussi quant aux enjeux et aux questions qui en ont résulté concommitamment; j'aimerais évoquer une réalité parallèle, et ce malgré une distance de deux mille années, souvent infranchissables pour nos esprits obscurcis par la violence subie ou infligée, ou par les court-circuits innombrables dans la transmission humaine, culturelle, sociale, et politique, pour ne pas dire religieuse... J'aimerais évoquer les terribles troubles en Judée-Samarie-Galilée du premier siècle de l'ère courante, qui aboutirent aux assauts romains le shofar de 66~70/73, à l'incendie du second Temple, au sac de la Ville Sainte, au ravage de la Judée, et à la déportation massive de la population. mort" sera t-il dit au Jésus de saint Jean, qui couvrira alors les quatre journées de marche pour se rendre au tombeau et pleurer). Il ne paraît pas clairement , aux chrétiens et lecteurs des Evangiles, que la plupart de leurs textes (Mathieu, Marc, Luc et Jean) sont une part incomparable apportée à la question de "l'après désastre". Tel que Jean veut le signifier à ses lecteurs, forts du témoignage de l'Histoire récente, la figure de Judas, l'un des douze, évoque la Judée courrant à sa perte, par ses luttes fratricides et sa présomption matérielle d'en découvre devant plus fort. Je ne peux absolument pas, pour ma part, lire un seul mot des Evangiles, sans la conscience simultanée de la toile de fond historique et la réalité dramatique qu'ils recouvrent. Ces textes, écrits par des juifs, et compilés à la manière juive (sauf pour Luc, qui tâche de transmettre des réalités juives d'une manière non juive), de manière plus tardive et progressive que les faits qu'ils semblent décrire au premier abord, essaient d'assurer le lecteur juif de la fidélité du Dieu de l'Alliance, et ce malgré les vicissitudes sans Nom. Marc, secrétaire de Pierre, écrira vraisemblablement après la décapitation de celui-ci à Rome, après une période de massacres vécus par les juifs d'Alexandrie, de Rome et d'autres lieux encore de l'Empire, sous des régimes qui faisaient peser une parfaite chape de plomb et ne supportaient aucune remise en question. L'école de Mathieu compilera son récit bien après la "chute" de Jérusalem. Jean écrira depuis Ephèse, à la fin du siècle, principalement pour les juifs de la diaspora, d'une manière assez semblable - pour le fond à Flavius Josèphe, qui vantera, depuis Rome, à la solde de l'empereur, les traits inégalables du Peuple "Elu malgré sa petitesse"... Les Nazaréens sont les héritiers d'une réponse de transmission à travers le désastre. En tant que Galiléens, ils n'ont pas été à la même enseigne ni aux première loges de l'insurrection finale de la Judée contre les armées de Vespasien et de Titus ("Ton ami Lazare est A côté des Sages de Judée (plus exposés au drame que ne l'avaient été les Galiléens), réunis à Yavneh pour poser les bases de ce qui constitue le judaïsme de nos jours, il est intéressant aussi de s'intéresser à ce que les évangélistes juifs ont estimé urgent d'écrire autour de la figure de Jésus le Nazaréen, à la lumière surtout de l'état dramatique dans lequel se trouvait la nation juive. On découvre alors comment les Ecritures ont été accomodées pour prendre en compte le deuil incommensurable, l'empathie et l'unanimité dans la perte. Les Ecritures apparaissent alors comme un trésor de vérité, de tact, et d'intelligence humaine et spirituelle. On ne peut, à mon sens, saisir la "relevance" des paroles évangéliques sans prendre la mesure concomitante de l'insondable drame vécu en Judée à cette époque, tout comme on ne peut vivre juif aujourd'hui sans avoir une part de soi captive dans les camps. C'est alors que des visages brillent dans les ténèbres, tous les témoins de l'ombre, tous les justes... jusqu'à tous les signes de vie de l'aujourd'hui... Les exemples abondent et nous aimons en remplir des pages. Les Evangiles nous fraient un chemin à travers l'horreur, par le témoignage que nous livrent certains autour de la figure du Nazaréen... "Il est Ressuscité, vous le trouverez en Galilée"... Bien en communion avec chacun et chacune pendant les jours de commémoration. ■ 53 Ca r n e t Carnet Naissance Mazal tov à Mark et Julie Libertalis, heureux parents de la petite Mila, née ce 9 juillet. Mila est la petite sœur de Lior et la petite-fille de nos chers amis Bernard et Gerry Libertalis. Bienvenue à Lila et félicitations à toute la famille! Stella Silberberg a la grande joie de vous annoncer la naissance de sa petite fille, Emma Arielle Spiller, née a Johannesburg, en Afrique du sud, ce 6 août 2012. Emma Arielle est la fille de Melodie et David Spiller, et l'arrière-petite fille de Benjamin Silberberg. A toute la famille, nous souhaitons un chaleureux Mazal tov! 54 Décès Soeur Marie-Pierre, de Notre Dame de Sion, née à Paris le 17 juin 1921, est décédée à Bruxelles le 1 juillet. Les Sœurs de Notre Dame de Sion sont impliquées dans le dialogue interconvictionnel, et principalement dans le dialogue avec le judaïsme. Elles nous accompagnent chaque année lors de la commémoration de Yom Hashoah. Une importante délégation de Beth Hillel s'est rendue à la messe du vendredi 6 juillet pour soutenir Sœur Michèle Debrouwer dans son chagrin. Nos condoléances vont à la communauté de Notre Dame de Sion. Honneur C'est avec satisfaction que nous avons appris qu'il a plu au Roi de décerner le titre de Commandeur de l'Ordre de la Couronne à Andrée Geulen le 16 juillet. Madame Andrée Geulen, a rejoint le Comité de défense des juifs en 1941 et a été responsable pendant toute la guerre du placement d'enfants juifs dans des familles d'accueil; elle a ainsi sauvé près de 300 enfants. Le Musée Yad Vashem lui a décerné le titre de 'Juste parmi les Nations' en 1989. Madame Andrée Geulen est présente chaque année à Beth Hillel lors de la commémoration de Yom Hashoah. ■ Réflexions, citations, humour Pessimism is a luxury that a Jew can never allow himself. Golda Meir What one Christian does is his own responsibility, what one Jew does is thrown back at all Jews. Anne Frank If you ever forget you're a Jew, a Gentile will remind you. Bernard Malamud - Papa; tu vas être content: aujourd’hui j’ai économisé un euro – en courant derrière le bus! - Je ne suis pas si content , mon fils, si tu avais couru derrière une taxi, tu aurais économisé 15 euros. 5000 ans d’humour juif Look at Jewish history. Unrelieved lamenting would be intolerable. So, for every ten Jews beating their breasts, God designated one to be crazy and amuse the breast-beaters. By the time I was five I knew I was that one. Mel Brooks ■ le shofar In f o r m at i on s u t i l es VIE COMMUNAUTAIRE OFFICES DE SHABBAT Vendredi à 19h et samedi à 10h30 Shabbat leDor vaDor, tous les premiers vendredis du mois, à 18h30. ■ Talmud torah Tous les mercredis après-midi. Voir calendrier. ■ Cours adultes et cercles d’etude Contactez Rabbi Marc Neiger ■ Yizkor Si vous voulez être informés des dates de Yizkor pour des membres de votre famille, contactez Yardenah ( 02.332.25.28 SOCIÉTÉ D’INHUMATION A.S.B.L. GAN HASHALOM En cas de nécessité, téléphonez aux numéros suivants : Le jour A Beth Hillel (02.332.25.28) Le soir Rabbi Marc Neiger (02.318.83.55) Si vous désirez souscrire à Gan Hashalom, téléphonez à Willy Pomeranc en journée (02.522.10.24) Gan Hashalom est réservé aux membres de la CILB en règle de cotisation et ayant adhéré à la société d’inhumation 55