Les yeux en poésie textes LA
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Les yeux en poésie textes LA
Séquence 4 « Lire, écrire, dire la poésie » Les yeux, le regard en poésie Lectures analytiques 1 - Louise LABÉ (1524-1566), Sonnets(1555) Ô doux regards, ô yeux pleins de beauté, Petits jardins pleins de fleurs amoureuses Où sont d'Amour les flèches dangereuses, Tant à vous voir mon oeil s'est arrêté ! Ô coeur félon, ô rude cruauté, Tant tu me tiens de façons rigoureuses, Tant j'ai coulé de larmes langoureuses, Sentant l'ardeur de mon coeur tourmenté ! Doncques, mes yeux, tant de plaisir avez, Tant de bons tours par ces yeux recevez ; Mais toi, mon coeur, plus les vois s'y complaire. Plus tu languis, plus en as de souci, Or devinez si je suis aise aussi, Sentant mon oeil être à mon coeur contraire. 2 - Victor HUGO (1802-1885), Les Contemplations(1858), “Elle était déchaussée, elle était décoiffée...” Elle était déchaussée, elle était décoiffée, Assise, les pieds nus, parmi les joncs penchants ; Moi qui passais par là, je crus voir une fée, Et je lui dis : Veux-tu t'en venir dans les champs ? Elle me regarda de ce regard suprême Qui reste à la beauté quand nous en triomphons, Et je lui dis : Veux-tu, c'est le mois où l'on aime, Veux-tu nous en aller sous les arbres profonds ? Elle essuya ses pieds à l'herbe de la rive ; Elle me regarda pour la seconde fois, Et la belle folâtre alors devint pensive. Oh ! comme les oiseaux chantaient au fond des bois ! Comme l'eau caressait doucement le rivage ! Je vis venir à moi, dans les grands roseaux verts, La belle fille heureuse, effarée et sauvage, Ses cheveux dans ses yeux, et riant au travers. 3 - Charles BAUDELAIRE (1821-1867), Les Fleurs du mal(1857) Le flambeau vivant Ils marchent devant moi, ces Yeux pleins de lumières, Qu'un Ange très savant a sans doute aimantés ; Ils marchent, ces divins frères qui sont mes frères, Secouant dans mes yeux leurs feux diamantés. Me sauvant de tout piège et de tout péché grave, Ils conduisent mes pas dans la route du Beau ; Ils sont mes serviteurs et je suis leur esclave ; Tout mon être obéit à ce vivant flambeau. Charmants Yeux, vous brillez de la clarté mystique Qu'ont les cierges brûlant en plein jour ; le soleil Rougit, mais n'éteint pas leur flamme fantastique ; Ils célèbrent la Mort, vous chantez le Réveil ; Vous marchez en chantant le réveil de mon âme, Astres dont nul Soleil ne peut flétrir la flamme ! 4 – Guillaume Apollinaire (1880 - 1918), Alcools(1913) La Loreley à Jean Sève À Bacharach il y avait une sorcière blonde Qui laissait mourir d'amour tous les hommes à la ronde Devant son tribunal l'évêque la fit citer D'avance il l'absolvit à cause de sa beauté Ô belle Loreley aux yeux pleins de pierreries De quel magicien tiens-tu ta sorcelerie Je suis lasse de vivre et mes yeux sont maudits Ceux qui m'ont regardée évêque en ont péri Mes yeux ce sont des flammes et non des pierreries Jetez jetez aux flammes cette sorcellerie Je flambe dans ces flammes ô belle Loreley Qu'un autre te condamne tu m'as ensorcelé Evêque vous riez Priez plutôt pour moi la Vierge Faites-moi donc mourir et que Dieu vous protège Mon amant est parti pour un pays lointain Faites-moi donc mourir puisque je n'aime rien Mon coeur me fait si mal il faut bien que je meure Si je me regardais il faudrait que j'en meure Mon coeur me fait si mal depuis qu'il n'est plus là Mon coeur me fit si mal du jour où il s'en alla L'évêque fit venir trois chevaliers avec leurs lances Menez jusqu'au couvent cette femme en démence Vat-en Lore en folie va Lore aux yeux tremblant Tu seras une nonne vétue de noir et blanc Puis ils s'en allèrent sur la route tous les quatre la Loreley les implorait et ses yeux brillaient comme des astres Chevaliers laissez-moi monter sur ce rocher si haut Pour voir une fois encore mon beau château Pour me mirer une fois encore dans le feuve Puis j'irai au couvent des vierges et des veuves Là haut le vent tordait ses cheveux déroulés Les chevaliers criaient Loreley Loreley Tout là bas sur le Rhin s'en vient une nacelle Et mon amant s'y tient il m'a vue il m'appelle Mon coeur devient si doux c'est mon amant qui vient Elle se penche alors et tombe dans le Rhin Pour avoir vu dans l'eau la belle Loreley Ses yeux couleur du Rhin ses cheveux de soleil 5 - Paul Eluard (1895-1952), Capitale de la douleur (1926) La courbe de tes yeux fait le tour de mon coeur, Un rond de danse et de douceur, Auréole du temps, berceau nocturne et sûr, Et si je ne sais plus tout ce que j'ai vécu C'est que tes yeux ne m'ont pas toujours vu. Feuilles de jour et mousse de rosée, Roseaux du vent, sourires parfumés, Ailes couvrant le monde de lumière, Bateaux chargés du ciel et de la mer, Chasseurs des bruits et sources des couleurs, Parfums éclos d'une couvée d'aurores Qui gît toujours sur la paille des astres, Comme le jour dépend de l'innocence Le monde entier dépend de tes yeux purs Et tout mon sang coule dans leurs regards.