Régime mère fille : adoption d`une clause « anti

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Régime mère fille : adoption d`une clause « anti
NOVEMBRE 2016
DROIT FISCAL
Régime mère fille : adoption d’une clause « anti-abus »
L
e régime des sociétés mères et filiales (ou « mèrefille ») permet, sous certaines conditions, de ne pas
prendre en compte, dans les résultats imposables
d’une société, les dividendes distribués par ses
filiales, à l’exception d’une quote-part de frais et charges,
égale à 5% des sommes distribuées (ce taux étant ramené
à 1% au sein des groupes fiscalement intégrés).
Cette mesure permet ainsi d’éviter une double imposition
des résultats distribués, qui ont déjà supporté l’IS au niveau
des filiales.
Le régime mère-fille se traduit également par une absence
de retenue à la source pour les dividendes versés par des
filiales françaises à leur société mère, située au sein d’un
des Etats membres de l’Union Européenne (ou de l’Espace
Economique Européen).
En 2014, le Conseil de l’Union Européenne avait déjà encadré
l’application du régime, afin de lutter contre les dispositifs
de prêts hybrides, traités comme des intérêts déductibles au
niveau de la filiale, et comme des dividendes exonérés
(en application du régime mère fille) au niveau de la société
mère, permettant ainsi de minimiser la charge fiscale du
groupe.
Par une directive adoptée le 27 janvier 2015, le Conseil est
allé plus loin en instaurant une nouvelle clause « anti-abus»
pour l’application du régime mère-fille. Cette clause exclut
du bénéfice des sociétés mères et filiales les « dividendes
distribués dans le cadre d’un montage ou d’une série de
montages qui, ayant été mis en place pour obtenir, à titre
d’objectif principal ou au titre d’un des objectifs principaux,
un avantage fiscal allant à l’encontre de l’objet ou de la
finalité [du régime fiscal des sociétés mères], n’est pas
authentique compte tenu de l’ensemble des faits
et circonstances pertinents ».
DROIT FISCAL
CHRISTOPHE GERSCHEL A S S O C I É
PHILIPPE PESCAYRE A S S O C I É
STANISLAS VAILHEN A S S O C I É
JULIEN LEBEL A V O C A T S E N I O R
Cette clause s’applique à l’ensemble des Etats membres, qui
étaient tenues de transposer dans leur législation nationale,
avant la fin de l’année 2015, des règles au moins aussi
contraignantes que celles prévues par la directive.
En France, la clause anti-abus a été transposée par le Loi de
finances rectificative pour l’année 2015 (n°2015-1786, du 29
décembre 2015), qui a repris à l’identique les termes de la
directive.
Jusqu’à présent, l’administration fiscale refusait déjà
l’application du régime des sociétés mères dans le cadre de
certains schémas qu’elle considérait comme abusifs. Elle
n’avait dans ce cas pas d’autre solution que de recourir à la
procédure de répression des abus de droit, qui lui permet
d’écarter les montages présentant un caractère fictif, ou
motivés par un objectif exclusivement fiscal, qui va à
l’encontre de ceux poursuivis par le législateur.
Sont visés en particulier les schémas consistant à interposer,
dans une chaine de participation, une société mère située
au sein d’un pays communautaire, uniquement dans le but
d’échapper en France à la retenue à la source sur les
dividendes versés par des filiales françaises.
La nouvelle clause « anti-abus » a une portée plus large,
puisque ne sont plus visés les schémas artificiels mais
l’ensemble des schémas « non authentiques ». De la même
manière, la clause anti-abus ne sanctionne pas uniquement
les schémas ayant un objectif exclusivement fiscal, mais
ceux dont l’« un des principaux objectifs » est la recherche
d’un avantage fiscal. Ces deux critères sont toutefois
cumulatifs, puisque pour écarter l’application du régime des
sociétés mères et filiales, trois conditions devront être
réunies : (i) l’existence d’un montage non authentique,
(ii) dont l’objectif principal ou l’un des objectifs principaux
est la recherche d’un avantage fiscal, et (iii) qui repose sur
l’application du régime mère fille.
suite à la page 2
JÉRÉMIE MANCEL-COTTREL A V O C A T S E N I O R S
CÉCILE DE SMET A V O C A T S E N I O R
MARIE FANDRE A V O C A T
WILLIAM MATHIOTTE A V O C A T
GUILLEMETTE THOMAS A V O C A T
MAXIME SNIEGULA A V O C A T
PIERRICK BOUCHARD A V O C A T
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NOVEMBRE 2016
DROIT FISCAL
Les commentaires administratifs de cette
nouvelle disposition étaient particulièrement attendus,
et ont été publiés le 10 octobre 2016 (reprenant en grande
partie les premiers commentaires publiés le 7 juin 2016,
soumis à consultation publique jusqu’au 7 juillet).
suite de la page 1
Ces commentaires contiennent quelques précisions
rassurantes, en particulier s’agissant des holdings
patrimoniales. En effet le texte de loi, qui définit les
montages non authentiques comme ceux qui ne sont
« pas mis en place pour des motifs commerciaux valables qui
reflètent la réalité économique », faisait craindre une remise
en cause du régime mère fille à l’égard des sociétés holdings
dont l’activité se limite à la gestion de sociétés patrimoniales.
Or la doctrine précise expressément que les « structures de
détention patrimoniale, d’activités financières ou encore
répondant à un objectif organisationnel » ne sont, fort
heureusement, pas exclues par nature du bénéfice du
régime des sociétés mère.
En revanche, les commentaires administratifs restent pour
l’heure très flous quant aux motifs économiques permettant
de justifier l’authenticité du montage, puisqu’ils se
contentent de préciser que « l’analyse du caractère valable
du motif économique résulte d’une appréciation au cas par
cas, au regard tant des objectifs que des effets du
montage ».
L’administration précise également que la remise en cause
du régime des sociétés mères pourra s’accompagner, si les
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conditions sont réunies, des pénalités prévues en matière
d’abus de droit, c’est à dire notamment de la pénalité de
80%, applicable lorsque le contribuable est le principal
instigateur ou bénéficiaire de l’abus. Ainsi, l’application de
cette clause anti abus par l’administration pourra avoir des
conséquences particulièrement lourdes sur le plan fiscal.
Les commentaires administratifs précisent enfin que la
nouvelle clause anti-abus ne s’applique pas uniquement
dans un contexte communautaire, mais plus généralement
à l’ensemble des distributions bénéficiant du régime
mère-fille (y compris entre sociétés françaises) et qu’elle
s’applique à l’ensemble des distributions incluses dans les
résultats de la société mère au titre d’exercices ouverts à
compter du 1er janvier 2016, quelle que soit la date à laquelle
le schéma a été mis en place.
Espérons par conséquent que l’administration fera une
application mesurée de ce nouveau dispositif, et saura faire
preuve de discernement, tant le dispositif laisse une place
importante à l’interprétation. Il sera important, dans ce
contexte, de documenter au maximum les motivations
économiques ou organisationnelles qui ont guidé la mise en
place des schémas de détention reposant sur l’application
du régime des sociétés mères, en particulier dans la
documentation juridique. Il sera indispensable en outre
dans un contexte international de pouvoir démontrer que la
société mère a une réelle substance et des moyens matériels
et humains adaptés à la réalisation de son objet social.
JÉRÉMIE MANCEL-COTTREL A V O C A T S E N I O R R
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