10 Bonnes pratiques en prévention des violences dans le

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10 Bonnes pratiques en prévention des violences dans le
Bonnes pratiques en
prévention des violences
dans le contexte de la prostitution
© Garance ASBL
1
Table de matières
Le projet européen
3
Action de santé communautaire
4
Actions transfrontalières en milieu festif
6
Alliances avec les mouvements LGBT
8
Animation autour du sac à main
10
Autodéfense spécifique pour femmes prostituées
12
Cours de français spécifiques liés à l'activité prostitutionnelle de rue
14
Confidentialité dans les démarches juridiques suite à des agressions
16
Equipes pluridisciplinaires et médiation culturelle
18
Formation de formatrices en autodéfense adaptée au contexte de la prostitution
21
Journal des répressions
23
Ligne d'urgence téléphonique
25
Partenariat entre associations d'autodéfense féministe et de santé communautaire
27
Permanence juridique
29
Permanence médicale
32
Projet routier: prévention et éducation à la santé des clients routiers
34
Réseau de formatrices d'autodéfense
36
Symbolisation des violences et des stratégies de défense
38
Travailler avec des personnes relais pour toucher certaines communautés
40
Visibilité des personnes prostituées
42
Cette publication a été rédigée par les associations partenaires au projet européen, chacune prenant en charge la
description de ses bonnes pratiques.
© Garance ASBL, Bruxelles 2010
Avec le soutien de:
Cette publication a été produite avec le soutien financier du programme Daphne de la Commission européenne. Les
contenus de cette publication sont sous la seule responsabilité de Garance ASBL et ne reflètent en aucun cas les
opinions de la Commission européenne.
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Le projet européen
« Prévention des violences auprès des femmes
travaillant dans le milieu de la prostitution »
La présente publication est le fruit d'un projet européen qui a eu lieu en 2010. Il a réuni huit
associations LGBT, d'autodéfense féministe et de soutien aux personnes prostituées en Belgique et
en France. L'objectif était de développer des outils de prévention des violences qui sont adaptés
aux besoins et aux réalités de vie des femmes prostituées.
Par des animations et des entretiens individuels, les associations partenaires ont récolté des
témoignages des femmes sur les violences auxquelles elles sont confrontées dans le cadre de leur
activité. Au centre de l'intérêt : comment elles y font face. En se basant sur leurs trucs et leurs
astuces, un guide de sécurité a été rédigé – par les prostituées pour les prostituées. Mon corps,
ma fierté, ma force est actuellement distribué auprès des femmes prostituées.
Un deuxième produit du projet, également en étroite collaboration avec les femmes prostituées, a
été le Putain de manifeste. Cette publication réunit les revendications des femmes travaillant
dans le contexte de la prostitution, envers les clients, les décideurs politiques, la police, les services
psycho-médico-sociaux, les habitant/e/s des quartier de prostitution, leurs familles et toute autre
personne en contact avec elles. Elles y expliquent ce que le respect signifie pour elles, comment
elles veulent être traitées et dénoncent les comportements inacceptables envers elles. Ce
manifeste existe en format de poche (facile à emporter) et en affiche. Toutes les publications sont
téléchargeables sur les sites des associations partenaires.
Pièce de résistance du projet : la formation de nouvelles formatrices d'autodéfense
sensibilisées aux problématiques de la prévention des violences dans le contexte de la prostitution.
En plus des techniques de prévention et de défense mentale, verbale et physique habituellement
enseignées dans ces formations, des stratégies collectives et individuelles ont été développées pour
des situations spécifiques:
 techniques verbales pour demander le port du préservatif
 pose de limites et négociation du contrat
 gérer des situations où la confidentialité de l'activité prostitutionnelle est en cause
 se faire respecter par des représentant-e-s des autorités administratives, policières et
médicales
 stopper des agressions en voiture et en chambre
 et un accent particulier sur la protection contre les agressions sexuelles.
Huit personnes prostituées, ex-prostituées ou non prostituées ont été formées afin de transmettre
ce savoir auprès de leur public et/ou de leurs paires.
Pour présenter ces outils et sensibiliser un plus grand public, les associations partenaires ont
organisé une journée d'action qui s'est clôturé par un coup de sifflet simultané à 17h12.
Associations partenaires: Brin d'Acier, Dijon
Cabiria, Lyon
Centre LGBT Lille/Nord Pas de Calais J'en suis j'y reste
Diana Prince Club, Paris
Entre2, Bruxelles
Garance, Bruxelles
Grisélidis, Toulouse
Les Amis du bus des femmes, Paris
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Action de santé communautaire
1. Contexte
La santé communautaire a pour principales caractéristiques :
 Une base collective (un ensemble de personnes réunies pour un problème, une situation ou
un objectif communs pour une action ou des actions à construire ensemble)
 Un repérage collectif des problèmes, des besoins, des ressources et des réponses à
apporter
 La participation ouverte à tous les acteurs concernés: usagers, spécialistes, professionnels…
La santé communautaire part souvent de la définition de la santé globale telle que définie par
l’OMS (« La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas
seulement en une absence de maladie ou d'infirmité. »). Ainsi, selon cette approche, le bien-être
des gens résulte de déterminants très divers (emploi, logement, soins, éducation…). Les actions ou
démarches communautaires peuvent donc avoir une entrée « santé publique » mais impliquent
souvent des actions dans d’autres secteurs pour se développer. Des équipes pluridisciplinaires,
touchant différent secteurs d’activité, des actions transversales et la multiplicité des partenariats
sont ainsi des éléments constitutifs des actions communautaires. Au coeur du concept de
promotion de la santé et de santé communautaire se situe la participation et l’implication
active des personnes concernées. Les actions communautaires inscrivent la participation des
personnes comme une condition de réussite et pour la plupart comme un critère de leur
évaluation.
L’action de santé communautaire est née dans les années 1980 suite à l’apparition du VIH. Les
spécialistes et/ou experts (médecins, chercheurs, etc…) se sont sentis démunis face à cette
pandémie. Les acteurs de santé publique ont alors décidé d'associer les personnes concernées à la
mise en place d'actions de prévention et de dépistage santé/VIH/IST (Infections sexuellement
transmissibles) en acceptant de se déplacer de leur fonction d’experts.
C’est dans les années 1990 que ces projets se sont plus spécifiquement orientés vers les prostituée-s. L’idée que les personnes prostituées n’étaient pas des vecteurs de transmission de maladie(s)
mais bien des agents de prévention santé a alors été intégrée. Au-delà de cette première mission
de santé publique, il s’est agit aussi de travailler sur les questions de stigmatisation, d’exclusion
sociale, voire de répression (comme c’est le cas en France depuis 2003 à travers le délit de
racolage, art. 225-10.1 du code pénal) et donc d’accès aux droits.
Les personnes prostituées ne représentaient plus un groupe cible à « réadapter » socialement,
mais étaient elle-mêmes au coeur de la mise en place des actions qui les concernent, travaillant
avec d'autres professionnels du secteurs médical, social et juridique pour leurs compétences, leurs
connaissances du contexte spécifique (social et/ou culturel), permettant ainsi d’ajuster au mieux les
pratiques professionnelles.
2. Objectifs
La stratégie de santé communautaire est nécessaire et essentielle pour
 Toucher les personnes prostituées dans leurs diversités sociales, culturelles et autres
 Améliorer le bien-être des personnes prostituées
 Répondre aux grandes priorités de santé d’aujourd’hui (santé = bien-être global)
 Améliorer les démarches de proximité et intersectorielles, impliquant fortement les
personnes
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3. Mise en pratique
La démarche communautaire prend en compte les besoins et les attentes des personnes ayant une
expérience prostitutionnelle. Nous menons avec elles (personnes prostituées dans notre équipe,
dans notre conseil d’administration) des actions pour améliorer leur santé dans une vision globale.
Ces actions permettent aux personnes de s’approprier des informations et d’acquérir des
aptitudes pour agir dans un sens favorable à leur santé et à celle de la collectivité.
Toutes les actions mises en place dans une association communautaire doivent émaner d'un désir
ou d'un besoin exprimé par la communauté. Dans le cadre de notre projet, la prévention des
violences et le partage de connaissance sur les stratégies de prévention et de lutte contre les
violences était une envie des personnes prostituées d'avoir des outils mis à dispositions afin de
lutter contre les violences faites aux personnes prostituées.
4. Valeur ajoutée
Dans le cadre de notre projet, la démarche communautaire permet d’apporter une meilleure
compréhension des situations de violence, le développement d'outils de prévention répondant aux
demandes des personnes prostituées, ainsi qu’une meilleure capacité à l’appropriation de ces outils
par les personnes prostituées. Cela permet un plus grand empowerment des personnes.
5. Facteurs déterminants de succès
La participation active des personnes prostituées est un facteur déterminant de succès dans nos
actions. Plus les personnes y sont associées, plus nos actions sont pertinentes. Pour cela, il faut:
 Une action inscrite dans le long terme (dans notre cas 20 ans) pour créer un lien de
confiance avec les femmes prostituées
 Une demande qui émane de la communauté des personnes prostituées
 Une participation à toutes les étapes du projet des personnes issues de la communauté
 Une attention toute particulière portée au respect des règles fondamentales de non
jugement, d’écoute, de convivialité et de participation active et nécessaire
6. Conditions de transfert
Les attentes institutionnelles sont peu compatibles avec les actions communautaires. Les
procédures budgétaires et les logiques de financement public ne sont pas adaptés aux démarches
d’accompagnement à long terme difficilement programmables.
Sans arrêt, se pose la difficulté de faire coexister la logique des programmes et une démarche
d’accompagnement des populations.
7. Limite temporelle
L’approche communautaire est une démarche qui s’inscrit dans le long terme. Or, on se trouve
dans une situation paradoxale dans la mesure où c’est en période de crise ou de conflits aigus que
l’on se rend compte de la pertinence des approches communautaires de gestion des situations à
problèmes.
8. Coordonnées/références
Muriel Jaunas et Penelope Giacardy
Les Amis du bus des femmes
58 rue des Amandiers, FR-75020 Paris
Tél. +33 1 43 14 98 98
www.lesamisdubusdesfemmes.com, [email protected]
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Actions transfrontalières en milieu festif
1. Contexte
Le Nord de la France partage un espace transfrontalier avec la Belgique. De plus, comme dans
beaucoup d’autres pays « traverser la frontière » rime avec liberté, anonymat, plaisirs, rencontres,
sexualité… (pour certain-e-s). Dans cette zone de frontière, des lieux festifs attirent beaucoup de
personnes venues de toute l’Europe pour s’amuser, danser, consommer des drogues, avoir des
rapports sexuels (tarifés ou pas).
Des associations communautaires de réductions des risques de consommation de drogues en
milieu festif et des associations de lutte contre le sida s’associent pour donner du matériel de
prévention (VIH et autres infections sexuellement transmissibles …), des informations, du soutien
lors de ces immenses rassemblements festifs. Elles constatent différentes formes de travail du sexe
dans ces lieux et des violences faites aux personnes prostituées.
2. Objectifs
 Sensibiliser les acteurs de ces associations aux violences subies par les personnes
prostituées
 Transmettre des outils de prévention des violences à des personnes prostituées qui
travaillent principalement dans ce milieu
 Sensibiliser les femmes fréquentant le milieu festif à poser leurs limites et à se défendre si
besoin en découvrant les savoirs et les stratégies mises en place par les personnes
prostituées
3. Mise en pratique
Des rencontres en amont autour des modes d’opération des associations de santé communautaire
(voir p. 4) ont permis de présenter un guide de sécurité élaboré par des femmes prostituées pour
des femmes prostituées et d'échanger les expériences autour des publics, recherches de relais auprès des personnes prostituées dans ce milieu festif transfrontalier.
Ce guide est désormais disponible dans les locaux des association communautaires de réduction
de risque. Les partenaires le diffusent également lors des soirées où ils interviennent. L'organisation d'une soirée festive franco-belge avec la présence d'associations des deux pays est prévue
pour février 2011.
4. Valeur ajoutée
Associer notre projet à l'action transfrontalière a permis d'aller à la rencontre de personnes
prostituées et travailleuses du sexe ne fréquentant pas les associations communautaires et qui sont
donc plus difficiles à rencontrer. Il y avait une richesse dans le partage de la démarche de santé
communautaire avec d’autres groupes proches de ceux de l’auto-support des usagers de drogues.
5. Facteurs déterminants de succès
 Du respect, une bienveillance, un vrai intérêt de part et d’autre de ces groupes
 Du temps pour mieux se connaître, échanger les expériences et comprendre les approches
des autres
 Un outil de prévention des violences prêt à l'emploi, donc facile à transmettre à des
personnes externes au projet de prévention des violences
 La volonté de tisser des liens et de communiquer vers l'extérieur sur ces liens
 Une connaissance mutuelle qui passe par la participation en amont aux actions des
partenaires pour comprendre leur mode d'action et d'intervention auprès de leur public
6. Conditions de transfert
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6
En plus des facteurs de succès déjà cités, il faudra:
 Une bonne connaissance du monde associatif et de ses objectifs et acteurs pour chercher
des partenariats
 Un travail en partenariat avec le monde commercial des boites de nuit, ce qui peut être
difficile à obtenir
7. Limite temporelle
Si des contacts avec les associations de réduction des risques existent déjà, il faut prévoir quelques
mois; sinon il faut au minimum six mois de préparation. La durée est aussi liée aux lieux festifs et à
leurs fonctionnements (certains lieux ont des « vies » éphémères).
8. Coordonnées/références
Le Centre LGBTF J’en Suis J’y Reste
19 rue de Condé, FR-59 000 Lille
Tél: +33 3 20 52 28 28
www.jensuisjyreste.org, [email protected]
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Alliances avec les mouvements LGBT
1. Contexte
Au sein des communautés Lesbiennes, Gays, Bi et Transexuel-le-s vivent des personnes prostituées
ou travailleuses du sexe. Les personnes LBGT partagent également un certain nombre de stigmates
avec les personnes prostituées ou travailleuses du sexe. Cela a mené, par exemple, à l'arrestation et
déportation de lesbiennes sous la même catégorie « asociale » que les femmes prostituées durant
la Seconde Guerre Mondiale au Troisième Reich et dans ses territoires occupés.
Lors du mouvement de libération des homosexuel-le-s aux USA, les personnes prostituées LGBT
ont été très actives ainsi qu’au début de l’épidémie du Sida où elles se sont fortement mobilisées.
Lors des différents temps de mobilisation de la communauté LGBT (Pride, Journée Mondiale de
lutte contre le Sida) et ceux des personnes prostituées ou travailleuses du sexe (Journée Mondiale
de lutte contre le Sida, 17 décembre), les acteurs et les personnes de ces groupes se côtoient et
s’entraident.
Malgré cela, nous constatons un silence dans beaucoup d'associations LGBT par rapport à la
prostitution, ce qui signale à des personnes LGBT prostituées que leurs demandes et expériences
spécifiques ne sont pas les bienvenues. De même, la communauté prostituée manifeste de la
lesbophobie et transphobie. C'est pourquoi les personnes LGBT prostituées se retrouvent entre
toutes les chaises: isolées et plus vulnérables aux violences.
2. Objectifs
 Rendre visibles les personnes prostituées dans leurs diversités sociales, culturelles,
d’orientation sexuelle et d'identité de genre
 Permettre aux personnes prostituées LGBT de s’exprimer au sein des groupes LGBT et au
sein des associations de santé communautaire
 Lutter contre la lesbophobie, l’homophobie et la transphobie
 Sensibiliser les personnes LGBT aux violences subies par les personnes prostituées et
développer leur solidarité avec elles
3. Mise en pratique
Tout d'abord, nous avons voulu créer une meilleure connaissance des actrices des mouvements
LGBT et des personnes prostituées entre elles, d'un côté par une connaissance de l’histoire de
chaque communauté et de l'autre côté par la découverte des personnes prostituées impliquées
dans ces mouvements. Pour cela, nous avons organisé des rencontres en amont des journées d’actions du Centre LGBT afin de mieux partager des problématiques communes comme par exemple
l’invisibilité dans la sphère publique des violences subies au sein de ces communautés. La participation à un projet commun comme la réalisation de la brochure Mon corps, ma fierté, ma force a permis d’affirmer notre solidarité, notre implication et ainsi permettre aux personnes prostituées
LGBT fréquentant le Centre de s’exprimer sans avoir peur d’être exclues ou jugées par leurs pairs
et créer davantage d’empowerment de ces personnes.
4. Valeur ajoutée
Cette alliance entre mouvement LGBT et mouvement des personnes prostituées permet à toutes
les personnes prostituées, quelque soit leur orientation sexuelle ou leur identité de genre, de se
sentir concernées par la prévention des violences. Plus concrètement par rapport au projet
européen, elle a évité de reproduire de l’invisibilisation de certaines d’orientations sexuelles et
identités de genre ou encore de l’hétéronormativité au sein du partenariat et dans ses produits.
5. Facteurs déterminants de succès
Selon notre expérience, plusieurs facteurs sont nécessaires:
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 La création d'un climat de respect, de bienveillance et de véritable intérêt entre les
différents partenaires
 Une attention toute particulière portée au respect des règles fondamentales de non
jugement, d’écoute, de convivialité et de participation active
 La volonté de tisser des liens et de communiquer vers l'extérieur sur ces liens
 Une connaissance mutuelle qui passe par la participation en amont aux actions des
partenaires pour comprendre leur mode d'action et d'intervention auprès de leur public
 La connaissance des luttes de chaque groupe
6. Conditions de transfert
En plus de ces facteurs de succès, il est important de mener une réflexion partagée sur l’histoire
des mécanismes d’oppression communs et spécifiques à ces mouvements.
7. Limite temporelle
Les alliances entre mouvements sont une démarche qui s’inscrit dans le long terme. Cela dure tant
que les dialogues sont nourris de respect, d’attentions et d’idées (et bien sur de convivialité !)
8. Coordonnées/références
Le Centre LGBTF J’en Suis J’y Reste
19 rue de Condé, FR-59 000 Lille
Tél: +33 3 20 52 28 28
www.jensuisjyreste.org, [email protected]
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Animation autour du sac à main
« ET VOUS, DANS VOTRE SAC, QU’EMMENEZ VOUS POUR TRAVAILLER ? »
1. Contexte
Dans le cadre de leur activité, les personnes prostituées sont confrontées à de multiples agressions
ou tentatives d’agressions (agressions physiques, sexuelles, psychologiques, vols…). Elles mettent en
place des stratégies de prévention et de lutte contre ces agressions. Elles ont toujours développé
des techniques afin de limiter les vols et les dangers liés à l’activité de rue.
La composition du sac à main est un élément important. Loin d’être anodin, il se constitue de
manière réfléchie et chaque objet a son importance et une place bien précise. Autrefois, les
anciennes formaient les plus jeunes et leur expliquaient les règles essentielles de sécurité.
Aujourd’hui, on constate une forte baisse des liens de solidarité et de transmissions de savoir faire.
2. Objectifs
Cette affiche et la constitution d’un sac à main « idéal » vise à faire partager les stratégies de
prévention des violences et de proposer des temps d’échange entre les personnes prostituées.
Cette bonne pratique permet d'évoquer les stratégies individuelles et collectives de prévention des
violences et de créer des solidarités.
3. Mise en pratique
Un sac à main est composé de nombreux éléments qui peuvent être utiles lorsqu’on pratique la
prostitution. Nous pouvons réaliser cette action lors de focus group, ou à l'occasion de temps
d'échange formels ou informels avec une ou plusieurs personnes, dans les permanences mobiles ou
au local associatif.
Chaque élément est sorti du sac et l’on discute ensemble de son utilité, ou de son éventuelle
inutilité voire dangerosité à être là. Les discussions s’organisent au sujet de quel objet, à quelle
place ? Une affiche a également été créée et affichée dans les locaux d'accueil afin de susciter des
réactions spontanées et de favoriser ces temps d’échanges.
Les échanges sont nombreux et ont permis à des nombreuses femmes de partager des
expériences et des connaissances entre elles.
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4. Valeur ajoutée
 Participation des personnes prostituées présentes
 Coût financier de réalisation très faible
 Suscite de nombreuses discussions et met en valeur de nombreuses stratégies
 Aborder un sujet important de manière ludique et conviviale
 Peut être utilisé sous forme d’affichage dans un local associatif et/ou un bus mobile de
prévention
 Le sac à main peut également être mis à disposition des personnes et susciter des échanges
5. Facteurs déterminants de succès
 Instaurer un climat de confiance propice à la discussion
 Non jugement, écoute, confidentialité
 L’intérêt d’avoir des animatrices-teurs issues de la communauté prostitutionnelle qui
connaissent les nombreux codes liés à l’activité prostitutionnelle
6. Conditions de transfert
 Une approche communautaire et inscrite dans le non-jugement est essentielle afin que
cette bonne pratique puisse fonctionner.
7. Limite temporelle
 Mise en place immédiate
 Temps d’animation de 15 minutes à une heure
 Peut être répété à volonté selon la fluctuation du public
8. Coordonnées/références
Muriel Jaunas et Penelope Giacardy
Les Amis du bus des femmes
58 rue des Amandiers, FR-75020 Paris
Tél. +33 1 43 14 98 98
www.lesamisdubusdesfemmes.com, [email protected]
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Autodéfense spécifique pour femmes prostituées
1. Contexte
Les conditions d’exercice d'une activité prostitutionnelle en font une occupation à risque qui
expose les femmes qui y sont actives à la discrimination et criminalisation, aux agressions et à
l’exploitation. Ces violences sont une manifestation de la stigmatisation qui colle à la prostitution,
indépendamment de son statut légal (bien qu’un statut illégal ou ambigu semble accroître la
violence). Ceci peut avoir pour effet chez certaines prostituées qu’elles considèrent la violence
comme une part intégrante de leur travail, ne connaissent pas leurs droits, ne portent pas plainte
et/ou ne sont pas entendues par les autorités lorsqu’elles ont besoin d’aide.
Des faits de violence contre les personnes prostituées dans le cadre de leur activité sont
fréquents. S’ajoutent les agressions auxquelles elles sont confrontées dans leur vie privée. Plus les
femmes sont socialement et économiquement vulnérables, plus cela limite leur capacité d’action en
matière de prévention de violences et leur accès aux droits. Elles ont moins de ressources à leur
disposition dans des contextes plus précaires (prostitution de rue, prostitution clandestine,
situation de séjour illégal…), mais restent toujours actrices de leur sécurité.
Dans ce contexte, il est important de renforcer la capacité d'action individuelle et collective des
femmes prostituées. Des ateliers d'autodéfense féministe répondent à ce besoin.
2. Objectifs
Les ateliers d'autodéfense féministe proposés aux femmes prostituées dans le cadre du projet
européen avaient plusieurs buts:
 renforcer la confiance en soi du public
 agrandir la capacité d'agir du public face aux violences interpersonnelles et institutionnelles
 renforcer la solidarité entre les femmes travaillant dans le contexte de la prostitution
3. Mise en pratique
Une collaborations entre associations travaillant avec les personnes prostituées et associations
d'autodéfense féministe a permis d'organiser des ateliers d'autodéfense. Leurs particularités :
 l'organisation pratique était adaptée le plus possible aux réalités de vie des prostituées
(horaire, durée, gratuité, communication, conditions d'accès, traduction) pour rendre les
ateliers le plus accessible possible;
 les ateliers ont eu lieu dans un contexte déjà bien connu par les femmes fréquentant les
associations de terrain afin de pouvoir profiter de ce cadre de confiance (des
intervenantes accompagnaient les formatrices externes et/ou étaient formées elles-mêmes
à l'autodéfense; les formatrices externes se sont fait connaître au public avant les
formations, lors de visites de routine sur le terrain);
 le contenu des ateliers a été adapté aux demandes et aux besoins du public, c'est à dire
que nous avons, d'un côté, cherché à rendre visible et à valoriser les ressources que les
femmes utilisent déjà et avons proposé de nouveaux outils verbaux, mentaux et physiques
pour répondre aux situations pour lesquelles les femmes cherchaient des solutions;
 le contact personnel entre personnes en toute leur diversité (travailleuses – prostituées,
âges, nationalités etc.) a créé des nouveaux liens entre personnes et communautés et
surmonté des ruptures et concurrences intracommunautaires.
4. Valeur ajoutée
Formatrices, intervenantes et participantes ont appris à agir de manière préventive et protectrice
dans des situations diverses: comment négocier le contrat, se débarrasser d'un client non choisi,
éviter un enlèvement en voiture, se défendre en cas d'agression sexuelle pendant la passe etc. Les
participantes ont exprimé de l'enthousiasme et de la surprise en découvrant leurs capacités. Des
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femmes venant de communautés qui normalement ne se fréquentent pas ont découvert que non
seulement elles sont confrontées aux mêmes situations problématiques, mais aussi qu'elles peuvent
se soutenir mutuellement pour accroitre leur sécurité.
5. Facteurs déterminants de succès
 Comme le sujet de la prostitution est conflictuel au sein du mouvement féministe, il était
nécessaire que les associations travaillant auprès des femmes prostituées rencontrent et
prennent confiance en les associations d'autodéfense féministe, et vice versa.
 Il était également nécessaire de partager de manière solidaire les savoirs et savoir-faire en
autodéfense féministe et en travail communautaire avec les femmes prostituées.
Comprendre les situations problématiques et leurs stratégies individuelles et collectives a
été suivi par la complétion de leurs stratégies avec des outils d'autodéfense féministe.
 Plus proche les formatrices sont du public cible, plus les ateliers apportent: parce que les
participantes peuvent mieux s'identifier à la formatrice, parce que la formatrice sait
communiquer de manière plus efficace, parce que la formatrice peut partager ses propres
expériences de manière plus crédible et relevante...
 Un financement suffisant pour permettre ce travail en réseau (déplacements et séjours,
concertation, formation, location de salles, de matériel...) est un élément clé.
6. Conditions de transfert
 Une ou des formatrices sensibilisé/es à la problématique des violences faites aux personnes
prostituées, si possible avec expérience de terrain;
 L'ancrage du projet dans toute l'équipe de l'association pour une communication efficace
(ex. une formation préalable à l'autodéfense pour l'équipe)
 Un contact de confiance et un climat de non jugement avec des femmes prostituées qui
permet de les informer et motiver à participer à l'activité;
 L'accompagnement par une ou des intervenant/e/s déjà connues par les participantes;
 Des stratégies individuelles et collectives pour des situations spécifiques d'agression
(surtout en ce qui concerne les agressions sexuelles et verbales)
 Une salle convenable pour des activités de mouvement, éventuellement du matériel.
7. Limite temporelle
L'idéal est d'instaurer un groupe ouvert à rythme régulier (ex. deux heures par semaine). De cette
manière, les aléas d'une activité prostitutionnelle peuvent être accommodés par la flexibilité et
souplesse de l'offre. Nous avons fait des bonnes expériences avec des ateliers en semaine en fin de
matinée ou en début d'après-midi. Cette régularité permet aux femmes de venir selon leurs
besoins et envies, pour certains sujets qui les intéressent plus que d'autres ou chaque fois si elles le
désirent. De plus, des ateliers inscrits dans la durée laissent le temps pour que le bouche-à-oreille
puisse faire son effet pour recruter des nouvelles participantes.
8. Coordonnées/références
Garance ASBL
Boulevard du Jubilé 155, 1080 Bruxelles
T/F +32 2 216 61 16
www.garance.be, [email protected]
Irene Zeilinger: Non c'est non! Petit manuel d'autodéfense à l'usage de toutes les femmes qui en ont
marre de se faire emmerder sans rien dire. La Découverte, Paris 2008 (gratuitement consultable sur
http://www.editions-zones.fr/spip.php?page=lyberplayer&id_article=60)
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Collecter et intégrer les expériences et
les expertises des femmes prostituées étrangères
à la mise en place et l’organisation de cours de
français spécifiques liés à l’activité de rue
1. Contexte
Les différents cours de français et d’alphabétisation dans le droit commun n’abordent que peu ou
rarement la prévention des violences, surtout dans le cadre de l’activité prostitutionnelle. Pourtant,
savoir négocier les tarifs et les pratiques, savoir accepter et refuser un client, décrire une personne,
sont autant de leviers pour réduire les violences faites aux personnes prostituées. Lors de nos
recueils de témoignages effectués lors de temps individuels et collectifs à notre local et dans nos
permanences mobiles, fréquemment les femmes affirment qu’elles auraient pu limiter les violences
s’ils elles avaient eu accès à un vocabulaire adapté.
2. Objectifs
 Associer l'expérience et l'expertise des personnes prostituées non francophones pour
organiser des cours de français spécifiques
 Développer un vocabulaire de base adapté à la prévention des violences dans le contexte
de la prostitution
 Obtenir une participation active des personnes prostituées non francophones à la
préparation et la mise en place des cours de français spécifique
3. Mise en pratique
Toujours dans l’optique de travail communautaire en travaillant avec et pour les personnes
prostituées, nous avons développé des temps de parole dédiés aux violences et aux stratégies de
prévention des violences identifiées des personnes ressources dans les groupes. Ainsi deux
personnes qui ont connu des situations de prostitution sans parler la langue française ont travaillé
avec l’équipe à la mise en place de cours de français spécifiques. Nos temps de paroles ont permis
de soulever les moments où la non maîtrise d’un vocabulaire spécifique n’a pas permis aux femmes
d’avoir l’empowerment nécessaire pour faire respecter leurs choix/décisions.
Ces jeunes femmes aujourd’hui sont assez autonomes dans la maitrise du français. Aussi, avec le
professeur de français/FLE de l’association et la chef de projet des actions communautaires, nous
avons organisé des temps de travail avec ces deux personnes pour prendre du recul sur les
situations passées et identifier le vocabulaire qui leur a semblé le plus important à apprendre en
terme de stratégies de prévention des violences.
Ces temps nous ont permis de débuter des programmes des cours spécifiques :
 Négocier dans la pratique prostitutionnelle (bien nommer les tarifs, les prestations…)
 Savoir appeler à l’aide, décrire les lieux d’agressions, décrire une personne
4. Valeur ajoutée
Cela a permis d’une part de permettre à des personnes de prendre du recul sur leur situation
personnelle et d’autre part de les impliquer dans le processus de création de ces cours afin de
valoriser leurs expériences et leurs expertises et de mettre en avant leurs stratégies de réussite.
Aussi, les modules travaillés ont répondu aux problématiques des jeunes femmes suivant
actuellement des cours de français et ainsi permettre d’aborder sans tabou les thèmes liés à la
prostitution et aux différentes violences qu’elles peuvent rencontrer et avoir une valeur ajoutée
pratique dans leur quotidien prostitutionnel.
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5. Facteurs déterminants de succès
 Une demande qui émane des personnes suivies à l’association.
 La position communautaire de l’association qui implique toujours les personnes accueillies
dans les actions
 Non jugement des expériences vécues
 Liberté de parole
6. Conditions de transfert
En plus des facteurs de succès ci-dessus, il faut:
 Une attitude de non jugement, d'écoute et d'adaptabilité aux expériences et pratiques des
personnes prostituées
 Des personnes prostituées avec un trajet migratoire et prêtes à partager leurs expériences
et expertises
 Une structure d'alphabétisation et d'apprentissage de la langue française existante dans
l'association d'aide aux personnes prostituées
7. Limite temporelle
Nous avons mis trois mois avec les personnes pour débuter notre module spécifique. Nous
n’avons pas de recul sur le temps de cette action. Une fois le vocabulaire de base établi, il peut être
utilisé dans tous les cours d'alphabétisation et d'apprentissage du français par la suite.
8. Coordonnées/références
Muriel Jaunas et Penelope Giacardy
Les Amis du bus des femmes
58 rue des Amandiers, FR-75020 Paris
Tél. +33 1 43 14 98 98
www.lesamisdubusdesfemmes.com, [email protected]
© Garance ASBL
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Confidentialité dans les démarches juridiques
de suivi des agressions
1. Contexte
Suite à des agressions, plusieurs personnes prostituées ne se décidaient pas à porter plainte avec
leur adresse personnelle, de crainte que l’agresseur n’aie connaissance de l’endroit où elles vivent,
ou bien de crainte que leur famille ne découvre, en voyant dans la boîte aux lettre des courriers du
ministère de la Justice, leurs démarches juridiques et par extension leur activité.
2. Objectifs
Nous avons souhaité donner aux femmes un moyen de réceptionner leur courrier en toute
confidentialité, afin que leurs craintes ne soient plus un obstacle à mener à terme des démarches
juridiques.
3. Mise en pratique
Cabiria possède une boîte postale. L’association propose aux personnes qui le souhaitent de
donner comme adresse de réception de leur courrier l’adresse de l’association avec la référence
de la boite postale. Ainsi, chaque matin, la/le secrétaire va chercher le courrier de l’association et
celui des usagères. Le courrier est trié par nom et rangé dans une boîte, en attendant que les
personnes concernées viennent le récupérer lors des heures d’ouverture de l’accueil. Si nous
savons que la personne est en attente de courrier urgent, nous l’appelons quand son courrier
arrive. L’équipe n’ouvre pas le courrier reçu, sauf sur demande des personnes.
4. Valeur ajoutée
Cela permet la protection de l’anonymat des femmes : leur agresseur ne peut pas les retrouver ou
connaître leur domicile. Par ailleurs, cela leur permet de ne pas être préoccupées quant à la
découverte de leur activité par leur famille. Elles ont donc moins de crainte de mener à terme leur
défense devant la justice quand elles sont agressées. Cette possibilité de domiciliation resserre le
lien de confiance entre les femmes et l’équipe salariée.
5. Facteurs déterminants de succès
 La confiance des femmes dans la structure
 Une bonne diffusion de l’information qu'il est possible de recevoir du courrier à
l’association
 Le suivi régulier du courrier par l’équipe
6. Conditions de transfert
Proposer la confidentialité lors de démarches juridiques nécessite avant tout une équipe attentive
(qu'il faudra éventuellement former à ces objectifs):
 Qui respecte les choix d’anonymat sans jugement sur les pratiques des personnes
prostituées
 Qui fait attention à l’impact sur la vie des femmes qu’aurait la découverte de leur activité
par leurs proches
 Qui comprenne les possibilités de représailles de l’agresseur
De plus, il faut organiser un planning qui inclut la gestion du courrier dans les tâches quotidiennes.
7. Limite temporelle
Le temps de créer une boite postale, mais surtout d’avoir un relevé régulier du courrier. Au
démarrage, l’action ne demande que quelques heures : définition du projet en équipe, ouverture
© Garance ASBL
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d’une boîte postale. Mais c’est la gestion au quotidien de cette boîte qui demande le plus de temps
et qui s’inscrit dans une durée longue (plusieurs années à raison d’au moins cinq heures par
semaine).
8. Coordonnées/références
Cabiria
BP 1145, FR-69203 Lyon Cedex 01
Tél. 0033 4 78 30 02 65
www.cabiria.asso.fr, [email protected]
© Garance ASBL
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Equipes pluridisciplinaires et médiation culturelle
dans le cadre de l’action de la santé communautaire
1.Contexte
Le travail du sexe s'exerce de jour comme de nuit, dans la rue, en établissement ou via Internet. Il
est difficile d'établir un portrait type de l'ensemble de la population prostituée. L'hétérogénéité
s'exprime par le genre (femmes, hommes, transgenres), les différences générationnelles (des jeunes
adultes à des personnes de plus de 60 ans...), mais aussi par la diversité des origines ethniques et
socioculturelles. Par exemple, à Toulouse se croisent des femmes migrantes originaires d'Afrique
subsaharienne, des pays d'Europe de l'est et celles dites « traditionnelles ». L'ensemble de cette
population partage de façon générale une forte stigmatisation et de multiples discriminations liées
à la pratique de l'activité prostitutionnelle. Le rejet et la mise à l'index par la société amènent les
prostituées à développer des stratégies de « protection »: par le repli sur soi et la clandestinité. Audelà de ces deux facteurs, les travailleuses du sexe ne sont pas plus épargnées par les attitudes de
rejet. Le racisme et leur mise en concurrence peuvent entraîner des violences intracommunautaires.
2. Objectifs
Briser l'isolement, travailler sur l'estime de soi et favoriser la mise en place de solidarités intra- et
intercommunautaires sont les principaux objectifs.
 Contribuer à la valorisation des compétences et savoir-faire individuels et collectifs en
tenant compte de la diversité
 Permettre un accès équitable aux outils d'information et de communication (accès à la
citoyenneté et autonomisation) en levant les freins dûs aux barrages de la langue et des
différents « codes » culturels. Par exemple, la norme occidentale est régie par la nécessité
d'archiver tous les documents administratifs et d'être en mesure de les produire tout au
long de son existence. La culture africaine est plus une culture dite de transmission orale: la
gestion de ces documents peut poser des problèmes.
3. Mise en pratique
Dans ce contexte spécifique, mettre en place des actions adaptées qui favorisent la création d'une
relation de confiance, la réparation du lien social représentent un véritable défi. Il a fallu mettre en
place une méthode et des outils adaptés à l’action en santé communautaire. C’est à dire, intégrer
dans les équipes de travail et à l’intérieur de toutes les instances de décision de l’association des
personnes issues de la prostitution dite « traditionnelle » mais aussi des personnes issues des
communautés migrantes présentes sur le terrain ainsi que des personnes en lien avec l’escorting
via Internet. Le travail de terrain se fait en binôme et en mixité culturelle.
Si chaque pôle professionnel reste spécifique dans ses compétences – comme par exemple les
évaluations ou les suivis santé supervisés par les infirmières ou bien l’action insertion
professionnelle conduite par l’éducatrice spécialisée –, chaque membre de l’équipe tend à rester
polyvalent : ainsi, médiatrices ou animatrices-teurs de prévention sont en capacité de gérer un
entretien d’évaluation de situation globale, de prendre le relais sur les accompagnements santé,
juridiques ou d’accès à l’emploi tout comme les infirmières sont amenées à prendre en charge la
globalité d’un suivi qui peut comprendre une prise en compte des questions juridiques (comme
dans les cas des violences qui très souvent obligent à accompagner les personnes pour des
procédures pénales au-delà des conséquences directes de ces violences en terme de santé). La
médiation culturelle, bien au-delà d’une simple fonction de traduction, représente un pôle essentiel
dans la mise en route des projets, tant auprès des infirmières, éducatrices, des chargées de mission
qu’avec les « usagèr-e-s ».
© Garance ASBL
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L’approche communautaire a été également transposée en direction des escorts qui travaillent via
Internet ; comme sur le terrain de la rue, les codes communs de langage, la forte sensibilisation aux
problématiques spécifiques du travail du sexe sur Internet, le fait d’être présente aux heures et sur
les lieux virtuels d’échanges des escorts ont permis de mettre en place des actions justes et
pertinentes pour créer des relations de confiance.
4. Valeur ajoutée
Cette volonté de construire une équipe pluridisciplinaire permet de mettre en place des actions
adaptées aux réalités vécues et aux besoins des « usagèr-e-s ». Par exemple, suite au constat dans
un premier temps, d’échec des programmes proposés par les plateformes de réinsertion
professionnelle, nous avons reconsidéré la réalité des demandes en prenant en compte que nous
nous adressions à des personnes qui ont, de fait, une activité qui génère des revenus, et réfléchi de
façon plus adaptée aux questions d’insertion professionnelle, voire de proposer cette action plus
comme une reconversion ou reprofessionnalisation.
La pluridisciplinarité d’une équipe permet également de travailler au quotidien sur nos
représentations, d’adapter de façon plus juste et pertinente toute nos actions en respectant
l’interculturalité (par exemple en terme d’identification des violences dans l’espace privé, les
différentes pratiques autour de l’IVG…). Cette approche transversale et égalitaire intégrée à
l’intérieur de l’équipe permet également de créer des liens différents avec les « usagèr-e-s » ; nous
pouvons penser qu’en dehors de notre présence les personnes se légitimeront plus facilement face
à d’autres professionnels (par exemple, médecins, avocats, assistant-e-s de services sociaux,etc…)
L’évaluation des usagèr-e-s nous permet aussi de valider nos actions ; ainsi, le fait que bon nombre
de prostitué-e-s nous sollicitent sur l’avancée du projet de formation en autodéfense pour les
travailleuses du sexe, l’accueil enthousiaste à la parution d'un guide de sécurité qui valorise leurs
stratégies, des sifflets d'alarme, nous permet d’abord de savoir qu’un tel projet répond à des
attentes réelles, et ensuite, de partager des expériences, d’échanger autour des stratégies de
défense verbale ou physique, dans une valorisation beaucoup plus égalitaire, ce qui nous permet de
ne pas être tentée par l’injonction.
5. Facteurs déterminants de succès:
 Pour que cette méthodologie d’intervention sociale fonctionne de façon satisfaisante, sa
compréhension et l’implication de l’ensemble de l’équipe est indispensable.
 Ce qui est essentiel également est de mettre à disposition de l’équipe les outils nécessaires
à la prise de distance avec sa pratique professionnelle, comme les sessions régulières
d’analyse des pratiques. Les réunions sont structurées de façon pédagogique afin de
permettre à l’ensemble de l’équipe non seulement de partager les savoirs, mais également
d’ajuster et de construire un socle commun de compétence.
 Ces espaces de formation en interne restant insuffisants, la structure favorise largement
l’accès aux formations professionnelles, et les projets se construisent en lien avec les
projets personnels des personnes et les besoins de la structure.
 En conclusion, si nous ne pouvons pas préconiser une « recette miracle », l’orientation de
tous les échanges, des pratiques, tant en interne qu’avec les prostitué-e-s est basée sur la
notion d’empowerment, d’autonomisation des personnes, la valorisation des savoirs et
compétences de chacun-e.
6. Conditions de transfert
 En plus des facteurs de succès mentionnés ci-dessus, il est fondamental que les pouvoirs
publics soutiennent cette démarche et soient en mesure de financer l'ensemble des actions
qui demandent beaucoup de polyvalence à l'image des besoins d'un groupe hétérogène et
© Garance ASBL
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de la complexité des dispositifs
 Des travaux de recherche et un apport théorique autour de ce type d’intervention sociale
permettraient d’identifier les facteurs nécessaires à la mise en place, sa valorisation
 Des outils de formation adaptés qui permettraient de croiser les différents secteurs socioprofessionnels
7. Limite temporelle
La construction d'une équipe, de surcroit pluridisciplinaire, s'inscrit dans la durée. C'est une logique
qui est souvent en contradiction avec les politiques publiques de financement de projet qui ont un
horizon annuel.
8. Coordonnées/références
Grisélidis
14 rue Lafon, FR-31000 Toulouse
Tél.: +33 9 77 79 70 20
www.griselidis.com, [email protected]
© Garance ASBL
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Formation de formatrices en autodéfense
adaptée au contexte de la prostitution
1. Contexte
L'autodéfense féministe comme outil de prévention des violences faites aux femmes existe depuis
30 ans. Elle réunit des techniques mentales, verbales et physiques pour mettre un terme à des
situations désagréables ou potentiellement dangereuses et pour se protéger contre la violence.
Des enquêtes ont démontré que des participantes à une formation en autodéfense ont plus de
confiance en elles et se sentent plus en sécurité qu'avant, mais aussi qu'elles sont moins souvent
confrontées à des situations d'agression et savent mieux y faire face.
Malgré son impact positif, l'autodéfense n'obtient que peu de reconnaissance officielle, sans doute
aussi parce qu'elle met en question une des bases de la domination masculine: celle de la
domination physique des hommes sur les femmes. Le manque de financement mène à une pénurie
de formatrices en Belgique et en France et rend les formations d'autodéfense moins accessibles car
payantes. De plus, peu de ressources sont disponibles pour développer des outils spécifiques pour
travailler avec des femmes prostituées.
2. Objectifs
Pour cette première formation de formatrices spécifiquement adaptée à la réalité de terrain de la
prostitution, nous avons voulu:
 former des femmes (ex-)prostituées à mener de manière autonome des activités
d'autodéfense avec leurs paires
 développer des outils d'animation et de prévention spécifiques
 sensibiliser des futures formatrices « grand public » à cette spécificité
3. Mise en pratique
La formation a eu lieu en quatre blocs de 158h d'animation collective, basés sur un manuel de
formatrices, ainsi qu'un accompagnement individuel. Deux formatrices expérimentées ont encadré
la formation dans tous ses aspects.
La formation collective incluait des contenus « grand public » (animation de groupe, pédagogie
féministe, techniques verbales, physiques et mentales, savoir théorique, accueil et orientation de
victimes de violence), tout comme des contenus spécifiques: défense verbale pour des situations
spécifiques (résister à la discrimination institutionnelle, maintenir le secret de l'activité, répondre au
jugement de proches ou d'inconnus, refuser des demandes des clients) et défense physique en
voiture et contre des agressions sexuelles spécifiques (fellation forcée, viol vaginal ou anal...). Les
principes de l'autodéfense féministe étaient au centre des animations collectives, notamment la coconstruction du savoir (rédaction de rapports pour documenter ces savoirs) et la réflexion
critique sur les conditions socio-politiques des violences faites aux femmes, prostituées ou non.
Comme les formatrices étaient souvent séparées par de longues distances géographiques des
participantes, un accompagnement individuel continu n'était pas possible. Pour pallier ce manque,
les animations par les participantes ont pris plus de place dans les cours collectifs pour leur
donner l'occasion de pratiquer et de recevoir un feedback sur leur travail. En plus, chaque
participante a pu animer au moins un stage complet d'autodéfense sous la supervision d'une des
formatrices au sein de son association. Plusieurs associations partenaires ont opté pour une
formation pour l'équipe en premier lieu pour sensibiliser celle-ci et tester l'outil d'autodéfense
avant de le proposer au public. D'autres ont préféré organiser des groupes mixtes équipe-public ou
des ateliers spécifiques pour le public.
4. Valeur ajoutée
© Garance ASBL
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Le croisement d'expériences entre associations d'autodéfense féministe et associations travaillant
avec des personnes prostituées a permis d'augmenter le savoir et savoir faire sur la prévention des
violences dans le contexte de la prostitution. Cela des deux côtés: les associations d'autodéfense
ont acquis du savoir sur les violences faites aux personnes prostituées et du savoir-faire sur
l'animation avec ce public, tandis que les associations travaillant avec des personnes prostituées ont
pu développer leur savoir et savoir-faire sur les stratégies de prévention et de protection, aussi en
ce qui concerne d'autres types de violence non liés à une éventuelle activité prostitutionnelle. De
13 participantes, 8 ont obtenu un diplôme, dont trois ayant des expériences de prostitution.
Quatre participantes ont décroché, une n'a pas atteint les critères de réussite.
5. Facteurs déterminants de succès
 Un partenariat entre associations d'autodéfense féministe et associations d'aide aux
personnes prostituées
 Un financement suffisant pour les formatrices, les déplacements et séjours, la location de
salles et de matériel
 Une analyse des situations de violence spécifiques au contexte de la prostitution pour
développer des outils répondant à ces situations
 La participation active de personnes prostituées dans la formation de formatrices
 Des formatrices expérimentées qui peuvent répondre avec facilité et flexibilité aux
obstacles et besoins spécifiques
 Une attention particulière à la diversité des participantes et leurs expériences, en ce qui
concerne la langue, les habitudes d'apprentissage, les valeurs, les compétences, leur
orientation sexuelle, leur identité de genre...
6. Conditions de transfert
En plus des conditions de réussite mentionnées ci-dessus, nous avons fait l'expérience que les
facteurs suivants peuvent aider à rendre la formation de formatrices plus accessible et efficace:
 Des critères de sélection clairs et consensuels entre associations partenaires et formatrices
pour prévenir le décrochage des participantes;
 Le défraiement des participantes prostituées pour les heures passées en formation et/ou
animation afin de leur permettre une participation sans perte de revenus;
 Un protocole de communication entre formatrices, participantes et associations pour
permettre un encadrement optimal des participantes tout en respectant les règles de
confidentialité inhérentes à une telle formation;
 Une organisation plus locale pour réduire les déplacements et augmenter le nombre de
formatrices dans une même région qui peuvent se soutenir mutuellement.
7. Limite temporelle
La formation était organisée sur une année, mais nous avons fait l'expérience que plus de temps
d'apprentissage collectif et plus d'accompagnement individuel seraient nécessaire pour permettre
une réussite à toutes les participantes. C'est pourquoi nous conseillons de plutôt organiser une
telle formation sur deux années, avec plus d'heures d'apprentissage collective et individuelle,
distribué en plus de blocs plus courts. Il est aussi indiqué de prévoir une formation continue après
la formation pour soutenir les nouvelles formatrices et permettre une mise en réseau.
8. Coordonnées/références
Garance ASBL
Bld du Jubilé 155, BE-1080 Bruxelles
T/F +32 2 216 61 16
www.garance.be, [email protected]
© Garance ASBL
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Journal des répressions
1. Contexte
Le journal des répressions a été créé en automne 2002 suite au premier arrêté municipal antiracolage de Lyon, en France. La criminalisation de la prostitution a compliqué l'accès aux droits des
travailleuses du sexe et Cabiria a craint d'une part que cela implique une augmentation des
violences et que par ailleurs la volonté de prise en charge des violences par la police soit
compromise. C'est pourquoi l'association a senti la nécessité de prendre en charge la visibilisation
des violences subies par des personnes prostituées. Initialement le journal était nommé le journal
des répressions, de violence et de non-respect des droits.
2. Objectifs
➢ Mener un journal et le mettre en ligne pour visibiliser les violences que subissent les
prostituées
➢ Souligner que les violences ne sont pas le fait uniquement de passants ou de clients mais
aussi le fait de harcèlement policier (mise en fourrière, procès verbaux, amendes)
3. Mise en pratique
Le travail de terrain régulier de l'équipe (tournée de rues en voiture et en camping car, de journée
comme de nuit, accueil au local, ainsi que l'existence d'une ligne téléphonique d'urgence) permet le
recueil des témoignages de violence, d'agressions, de harcèlement, d’arrestations mais aussi de tous
les éléments qui forment le terreau de ces violences (arrêtés municipaux, réunions avec les
décideurs, etc).
Tenu à jour régulièrement, il est retranscrit puis publié sur internet. Des extraits sont également
publiés dans le rapport de synthèse de l'association Cabiria.
4. Valeur ajoutée
Cette visibilité permet de soutenir un argumentaire politique de revendication aux droits et aux
respects, d'alimenter des études sociologiques sur le contexte d'émergence des violences. Le
journal des répressions permet une transmission des connaissances du terrain ainsi que le fait que
les histoires sombres ne sombrent pas dans l'oubli.
5. Facteurs déterminants de succès
 Un travail de terrain régulier
 La tenue régulière du journal
 La mise en place de relations de confiance avec les travailleuses du sexe
 Le maintien d'un lien continu, régulier
6. Conditions de transfert
 Un suivi avec des personnes, une relation de confiance et que la question des violences
fasse partie des préoccupations quotidiennes de l’équipe
 Il faut aussi se placer dans une perspective politique qui refuse de considérer les violences
comme ne relevant que de faits interindividuels, mais qui les inscrit dans un contexte
politique, économique et institutionnel donné
 Intégrer la tenue du journal au travail déjà conséquent d'une équipe de terrain, mettre en
place un cahier pour prendre note rapidement des faits relevés, dégager du temps de
retranscription, de mise en forme et d’anonymisation des données
 La perspective d’une édition ou d’une mise en ligne fait l’objet d’heures de travail
supplémentaires, soit mené par l’équipe, soit par un-e professionnel-le qui facture la
prestation
© Garance ASBL
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7. Limite temporelle
Plusieurs heures par semaine sont nécessaires à la tenue de ce journal. L’action s’étend sur la durée
(plusieurs années), ce qui permet de rendre visible l’évolution de la situation par un traitement des
données.
8. Coordonnées/références
Cabiria
BP 1145, FR-69203 Lyon Cedex 01
Tél. 0033 4 78 30 02 65
www.cabiria.asso.fr, [email protected]
Le journal des repressions en ligne: www.cabiria.asso.fr/JDR/jdr.html.
Un article en ligne dans la revue Vacarme: www.vacarme.org/article363.html
© Garance ASBL
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Ligne d’urgence téléphonique
1. Contexte
La ligne d’urgence téléphonique a été mise en place parce que des personnes avaient besoin d’aide
à des moments où les bureaux de l'association de santé communautaire (voir p. 4) étaient fermés
et où le bus mobile de prévention ne tournait pas sur le terrain. Nous avons décidé de proposer
un numéro où être joignables 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24, même pendant les vacances.
2. Objectifs
 Rassurer les personnes prostituées victimes d'une agression
 Apporter un soutien sur le moment en cas d’agression
 Orienter la personne vers des services adéquats si besoin
3. Mise en pratique
L’association a ouvert une ligne téléphonique sur un portable. Chaque salarié-e assure l’astreinte
téléphonique à tour de rôle pendant une semaine, c’est-à-dire que les appels sont transférés
automatiquement sur le portable du/de la salarié-e. Pendant les moments où le bus de nuit circule,
la ligne d’urgence est « reprise » par les salariés qui assurent le service de nuit. À chaque nouvelle
rencontre, l’équipe parle de la ligne d’urgence à la nouvelle venue et lui conseille d’enregistrer le
numéro sur son portable. Son rayon d'impact est donc local. Ce sont surtout les personnes qui
connaissent déjà notre association qui utilisent cette ligne d'urgence. Malgré le fait que le numéro
est renseigné sur notre site web, nous recevons des appels de personnes inconnues une fois par
an.
En réalité, les personnes appellent surtout pour avoir une écoute : notre rôle est de rassurer la
personne, de la calmer. En général, il n’y a pas besoin d’intervenir sur le moment et les démarches
peuvent attendre le lendemain. Nous prenons rendez-vous avec elle pour voir avec elle les
démarches qu'elle souhaite mettre en oeuvre (soins, plainte...). Dans le cas de violences physiques
graves et/ou quand nous avons l'impression que la personne n'arrivera pas à être prise en charge
par les services d'urgence et la police, il peut être indispensable de se déplacer. C'est toutefois
rare.
4. Valeur ajoutée
La ligne d’urgence est essentielle pour les travailleuses du sexe car cela leur apporte un soutien
immédiat dans une situation difficile. De plus, la ligne d’urgence renforce le lien de confiance avec
les personnes car elles sentent que l’équipe est présente.
5. Facteurs déterminants de succès
 Comme équipement technique, il faut un portable et une ligne ouverte
 Il a fallu communiquer très précisément auprès des travailleuses du sexe sur ce qu’est une
urgence
 Il est aussi essentiel que la personne qui assure l’astreinte soit réellement en mesure de
répondre, de prendre le temps
 Les salarié/e/s en garde reçoivent une prime de sujetion pour être en ordre avec la
législation sociale
6. Conditions de transfert
 L'installation technique demande un investissement financier faible.
 Il faut une mission, une formation (par exemple le soutien d'un-e écoutant-e expérimenté-e
pour une nouvelle recrue) et des limites claires pour les écoutant-e-s qui participent
idéalement à leur élaboration.
© Garance ASBL
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 Pour l'écoute, il faut au moins quatre personnes (pour une schéma de rotation d'une
semaine par mois) disposées à s'impliquer réellement dans l'astreinte, soit dans le cadre
d'un travail volontaire, soit avec un financement suffisant pour rémunérer le temps de
l'astreinte.
 L'équipe doit assurer le suivi des situations relevées par la ligne d'urgence.
7. Limite temporelle
Il faut le temps nécessaire pour ouvrir la ligne auprès de l'opérateur télécom et une demi-heure
pour apprendre à transférer les appels. La ligne d'urgence est inscrite dans la durée avec une grille
de garde définie en équipe.
8. Coordonnées/références
Cabiria
BP 1145, FR-69203 Lyon Cedex 01
Tél. 0033 4 78 30 02 65
www.cabiria.asso.fr, [email protected]
© Garance ASBL
Grisélidis
14 rue Lafon, FR-31000 Toulouse
Tél. 0033 561 62 98 61
www.griselidis.com, [email protected]
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Partenariat entre associations d’autodéfense
féministe et associations de santé communautaire
1. Contexte
Nous sommes partis du constat que les femmes travaillant dans le domaine de la prostitution
subissaient de la violence de la part des clients, des forces de l’ordre, du personnel médical, de leur
famille etc. Il y a un outil de prévention efficace des violences faites aux femmes, l'autodéfense
féministe. Pour des raisons liées, d'un côté à la marginalisation des personnes prostituées et, de
l'autre côté, au manque de soutien structurel à l'autodéfense féministe, cet outil est largement
inaccessible pour les femmes prostituées. C'est pourquoi, dans le cadre du projet européen
Daphné, l’association d’autodéfense féministe Garance a donc souhaité travailler à une
collaboration entre associations d’autodéfense et associations en lien avec le monde de la
prostitution. Ce partenariat était basé sur le croisement de regards et d'analyses et le
développement d'une perspective commune sur la prévention des violences dans le contexte de la
prostitution.
2. Objectifs
La finalité du projet était d'accroitre la sécurité des personnes prostituées. L’objectif principal était
d’échanger nos savoirs et savoir-faire entre associations d’autodéfense et associations travaillant
avec les personnes actives dans le domaine de la prostitution. Pour permettre cet échange, deux
objectifs opérationnels ont guidé notre travail:
 la création d'un guide de sécurité et d'une charte autour des stratégies de défense des
personnes prostituées
 la formation à l’autodéfense des personnes actives dans le milieu de la prostitution.
3. Mise en pratique
Au coeur du partenariat était un processus de coordination et de coopération qui était encadré
par quatre réunions de représentant-e-s de toutes les associations partenaires. Lors de ces
réunions, les détails du projet ont été planifiés, grâce à une mise en réseau et une réflexion
approfondi sur le sujet et les méthodes de travail. Ces réunions étaient un lieu privilégié pour
apprendre à mieux nous connaître et pour échanger sur nos différentes pratiques et expériences
respectives. Entre les réunions, la communication était possible grâce à une liste de diffusion et un
site d'échange de fichiers.
Pour d'autres activités, voir aussi p. 12 et p. 21.
4. Valeur ajoutée
Ce projet a permis dans un premier temps la découverte de deux expertises différentes : celle de
l’autodéfense et celle du travail communautaire dans le contexte de la prostitution. Les associations
d’autodéfense ont fait le constat que les stratégies de prévention étaient très importantes dans le
travail du sexe et ont pu enrichir leurs propres savoirs dans ce domaine. Il y a également eu une
évolution de la vision que pouvait avoir les associations d’autodéfense sur le monde de la
prostitution. Et les associations travaillant avec les personnes prostituées ont découvert
l’autodéfense féministe et ont enrichi leur répertoire d'outils d'animation et de stratégies de
prévention des violences. De même, elles ont pu prendre conscience de la diversité des positions
féministes par rapport à la prostitution et des possibilités d'alliances stratégiques.
Nous avons échangé de nombreux outils de travail, notamment nos stratégies, nos valeurs. Nous
avons surtout créé des ponts entre associations et des partenariats interpersonnels et interassociatifs. Cela a permis d’élargir la pratique de l’autodéfense féministe à un public difficile d’accès
en raison des horaires de travail, de la précarité, de la marginalisation. Ce projet a aussi renforcé
© Garance ASBL
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l’envie de réunir toutes les instructrices francophones afin d’échanger sur nos différentes pratiques
et de créer un réseau dans l’idée de mieux travailler ensemble.
5. Facteurs déterminants de succès
La mise en place d'un tel partenariat ne demande pas seulement une attitude d'ouverture vers
d'autres pratiques et valeurs, mais aussi:
 une excellente coordination de projet
 des contacts face-à-face pour apprendre à se connaître et créer des liens de confiance
 le financement nécessaire pour les déplacements permettant de tels contacts
 investir du temps dans la création de relations de confiance
 ouverture pour d'autres pratiques et valeurs
 un apprentissage et partage mutuels
6. Conditions de transfert
En plus des facteurs de réussite mentionnés ci-dessus, nous avons observé la nécessité:
 d’avoir un bon outil de communication à distance, comme une plateforme internet par
exemple
 un lien fort entre les différentes activités menées dans le partenariat (par exemple, les
associations dont au moins une personne participait à la formation de formatrices ET à la
coordination ont tiré plus de bénéfices de ce projet)
 de s'assurer en permanence de la bienveillance des partenaires pour éclaircir des
malentendus et surmonter ensemble des difficultés
7. Limite temporelle
La mise en place du partenariat a demandé six mois de préparation et de mise en réseau avant la
demande de financement à la Commission européenne. La durée de projet était d'un an, mais nous
avons constaté qu'une plus longue durée aurait été bénéfique pour une meilleure participation des
personnes prostituées à toutes les activités. Vu l'investissement de temps nécessaire pour maintenir
un tel partenariat, il faudrait un financement subséquent pour assurer la longévité du partenariat
après la fin du projet.
8. Coordonnées/références
Brin d’Acier
c/o Lapierre, 14b, Rue Castelneau, FR-21000 Dijon
www.autodéfense-pour-femmes.net, [email protected]
© Garance ASBL
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Permanence juridique
1. Contexte
En France, le contexte pénal et légal de la prostitution est très complexe:
➢ La prostitution est une activité illicite et soumise à déclaration de ressources au titre des
bénéfices non commerciaux, mais tous les moyens de l'exercer sont réprimés par la loi.
➢ Le proxénétisme est un délit qui ne nécessite pas de victime, ce qui veut dire que même s'il
n'y a pas de plainte, les cours de justice peuvent diligenter des enquêtes et les services de
police procéder à des arrestations.
 Le proxénétisme d'aide et de soutien: toute aide à la prostitution d'autrui est un délit. Cette
définition est suffisamment large pour permettre de poursuivre l'une des associées si les
personnes prostituées partagent un local ou un véhicule.
 Le proxénétisme hôtelier: toute personne qui laisse à la disposition un local dans lequel
s'exerce l'activité.
 Les dispositifs légaux contre la traite des êtres humains et l'exploitation à des fins sexuelles
 Par ailleurs, sur le nombre de femmes suivies par l'association, 80% sont migrantes. La
moitié originaire du Nigeria, souvent en demande d'asile, ou du Ghana, l'autre moitié issues
de Bulgarie ou de Roumanie. Ces deux derniers pays sont en période de probation, et les
ressortissants ne disposent pas des mêmes droits que les autres ressortissants européens:
pas de droit systématique au travail, conditions de résidence devant justifier de revenus
suffisants pour séjourner en France et déclaration de présence sur le territoire français
dans une administration, et relevant d'un régime de couverture sociale. Si l'une de ces
conditions n'est pas remplie, les ressortissants peuvent se voir délivrés par la préfecture
l'obligation de quitter le territoire français .
 Enfin, le contexte social fortement stigmatisant pour les personnes qui exercent la
prostitution: cette activité représente parfois un moyen d'exercer des pressions qui
amènent à des situations de chantage ou de harcèlement par des proches, ex-conjoints etc.
Les violences subies dans le travail de rue (agressions physiques, vols, agressions sexuelles), sont
tellement prégnantes que parfois les victimes renoncent à se constituer partie civile par crainte de
devoir justifier d'un nombre trop important de procédures. Les escorts travaillant via internet
s'exposent également à ces mêmes types d'agression, même si l'outil de communication les protège
des violences de la rue. Les personnes prostituées sont donc quasi « assurées » de fréquenter les
tribunaux (les tribunaux de grande instance, les cours d'assises, les tribunaux administratifs), soit en
qualité de délinquantes, soit en qualité de victimes, et nous constatons que souvent cette
fréquentation sera au double titre de victime et présumée coupable.
2. Objectifs
Le cadre de nos missions au-delà de l'action porteuse sur la santé et la prévention VIH/IST
comporte effectivement le volet d'accès aux droits et la lutte contre les discriminations. Cet accès
aux droits doit:
 Rendre l'accès à l'information facile (technicité des informations, possibilité des traductions
par les salariées médiatrices culturelles)
 Garantir aux personnes un espace de respect de leur mode de vie (veiller à ce que le
professionnel ne renvoie pas une image stigmatisante, dévalorisante ou culpabilisante est un
facteur important de motivation et d'encouragement à suivre les procédures)
 De façon plus générale, proposer les mêmes garanties du respect de l'usagère que dans
l'ensemble des services proposés par la structure: gratuité des consultations lors de ces
permanences, respect de l'anonymat si tel est le souhait exprimé.
 Proposer un accompagnement aux personnes; en effet, l'avocat est un professionnel qui n'a
© Garance ASBL
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pas la possibilité de prendre en charge toute la dimension humaine et est généralement peu
disponible (technicité du droit difficile à comprendre, l'isolement social et/ou géographique
qui ne permet pas aux personnes d'être entourées et soutenues tout le long des
procédures et lors des procès, accompagnement lors des démarches en préfecture, visites
dans les prisons ou les centres de rétention).
3. Mise en pratique
La permanence juridique a été l'une des priorités parmi la mise en place des services proposés par
l'association aux prostituées. Nous avons privilégié comme critères fondamentaux requis chez le
professionnel d'être en bonne connaissance du droit des étrangers et sensibilisé aux questions de
la prostitution. Le droit des étrangers est un champ de spécialisation à part entière. Et puis, les
avocats, comme d'autres professionnels, ne sont pas toujours épargnés par les fortes
représentations qui pèsent sur les personnes prostituées. Par exemple, il n'est pas rare que lors
des jugements pour viol, les avocats de la défense discutent sur la notion de consentement ou
évoquent le « différend commercial » pour relativiser les circonstances de l'agression (rappelonsle, le viol est un crime passible des cours d'assises). Ou encore, une mère s'adresse à un avocat
spécialiste en droit privé et de la famille pour une question de séparation et de résidence de
l'enfant réclamé par le père au motif qu'elle exerce l'activité de « péripatéticienne ». L'avocat
s'inquiétera en tout premier lieu de ne pas être « rattrapé » par la partie adverse par des
problèmes de drogue, y compris pendant l'adolescence de la mère. Cet exemple illustre comment
sur la force des lieux communs sur les prostituées, cette cliente devra avant tout répondre d'une
addiction éventuelle pour obtenir l'information adéquate; il est peu probable qu'à situation égale, la
même question ait été posée à une infirmière...
L'accès aux droits se décline par une permanence gratuite de deux heures une fois par semaine au
local de l'association. Il est possible pour les usagères de se faire assister par l'une des médiatrices
culturelles salariées par la structure (en bulgare, anglais, pigi et autres langues spécifiques aux zones
géographiques africaines) ou toute autre salariée de l'association pour un soutien et un suivi plus
global.
4. Valeur ajoutée
Un lieu de réponse concret et facile d'accès pour les usagères; le local de l'association est un lieu
familier aux usagères et la présence régulière de l'avocat permet de dédramatiser et de
déconstruire le côté « impressionnant » qu'induisent les cabinets d'avocats; le langage utilisé est
rendu accessible.
Par ailleurs, les prostituées ont la garantie de ne pas se trouver exposées à des honoraires parfois
excessifs, en raison de leur activité et de leur mode de paiement qui s'effectue en espèces la
plupart du temps. Ce côté, loin d'être négligeable, permet de réparer le lien social, leur permet de
réévaluer une croyance qui serait que la qualité du service serait à la hauteur des honoraires.
Cette permanence est aussi un lieu ressource pour l'ensemble de l'équipe: il y est possible de se
faire préciser des questions plus générales, de se tenir informé sur l'actualité juridique et de
bénéficier ainsi des conseils et de l'expérience du professionnel. Nous considérons que cette
permanence est un lieu de formation permanente qui permet d'adapter les conseils lors des
entretiens avec les personnes, ou des accompagnements vers des cabinets libéraux d'avocats.
Finalement, la mise en place de la permanence juridique nous a permis d'identifier un réseau de
plusieurs avocats.
5. Facteurs déterminants de succès
➢ Etre un bon technicien du droit ne suffit pas. Il est nécessaire que le professionnel soit
motivé et impliqué dans un plus fort engagement social; qu'il soit suffisamment disponible
(la densité de fréquentation des permanences est aléatoire), souvent une consultation
© Garance ASBL
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ouvre un suivi réel sur le long terme (les étapes de régularisation des migrants sont
longues, complexes et semées d'embuches)
➢ Il nous a souvent fallu déconstruire l'idée reçue qu'un avocat peut-être un bon technicien
du droit seulement s'il est onéreux et inaccessible.
➢ Le local de l'association est un lieu déjà identifié pour d'autres services et activités adaptés:
Ce n'est pas nécessaire de se déplacer exprès.
➢ les personnes ne se trouvent pas seules face à l'information technique et la dimension
globale d'une perspective d'une procédure; la présence de l'équipe et les espaces collectifs
permettent de rassurer, de prendre du temps pour la dimension émotionnelle; souvent les
personnes ne partent pas immédiatement après les consultations et prennent du temps soit
pour un entretien individuel, soit restent dans l'espace collectif pour décompresser.
6. Conditions de transfert
Pour que ça fonctionne dans un contexte différent, il est nécessaire de faire un diagnostic préalable
du contexte législatif et son impact sur les personnes prostituées qui varie d'un pays à l'autre afin
d'élaborer des objectifs, identifier des professionnel-le-s susceptibles de pouvoir répondre à la
demande et développer un plan d'évaluation.
7. Limite temporelle
Ce service doit être proposé de manière régulière et permanente.
8. Coordonnées/références
Grisélidis
14 rue Lafon, FR-31000 Toulouse
Tél.: +33 9 77 79 70 20
www.griselidis.com, [email protected]
© Garance ASBL
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Permanence médicale
1. Contexte
Les besoins des personnes prostituées en matière d'accès aux soins préventifs et curatifs sont
connus depuis longtemps. Néanmoins, on constate que les préjugés et la marginalisation existent
aussi chez des professionnel/le/s de la santé qui ne sont pas sensibilisé/e/s aux réalités de vie des
personnes prostituées. C'est pourquoi la permanence médicale d'Entre2 joue un rôle important:
elle permet d'offrir un service médical de première ligne spécifique à la situation prostitutionnelle,
où les différentes demandes seront toujours accueillies sans aucun jugement ni stigmatisation.
2. Objectifs
L’idée était – tout en respectant la spontanéité des échanges - d’amorcer le dialogue autour de la
question des violences et de saisir l’opportunité – en termes de temps de discussion – pour
amener le public à partager leurs expériences de violence et leurs stratégies de prévention. Ceci
nous permet de mieux accéder à leur réalité vécue, concrète, abrupte même, tout en profitant de
l'effet catalyseur du groupe sur l'envie ou non de s'exprimer et de témoigner.
3. Mise en pratique
Nous avons à de nombreuses reprises constaté que la permanence médicale constituait un
moment clé – sorte de catalyseur – autour duquel beaucoup d’informations pouvaient passer.
Ainsi, au-delà même ou parallèlement à la demande exprimée en termes de soins de santé, de
nombreux échanges ont lieu pendant ou précédant la visite avec le médecin, qui permettent tant à
l’équipe qu’au public d’évoquer plus qu'avant ou mieux ou différemment les problèmes et/ou
questions qui les préoccupent.
Tout naturellement, les travailleurs sociaux – ayant intériorisé la nécessité de construire et de
nourrir les échanges autour de la problématique « violence » – ont tenté au cours de ces
rencontres d’amener le public à s’exprimer autour de cette question. Nous nous sommes
notamment appuyés sur l'effet catalyseur et "boule de neige" du groupe, ce qui a aidé à libérer la
parole de chacune en s'appuyant sur l'exemple du précédent, le premier témoignage servant
souvent de déclencheur. Nous avons aussi expressément construit et utilisé un support pour ce
projet : la symbolisation des violences et des stratégies de défense (voir p. 38).
Si les échanges portant sur cette thématique sont denses et que leur contenu nécessite un suivi
nous prévoyons alors un contexte autre que la permanence pour que la personne puisse
poursuivre de manière adéquate son histoire. Si la demande en est exprimée, de façon directe ou
indirecte, ou si l'interlocutrice/teur envisage que cela pourrait être utile à la personne, un ou
plusieurs rendez-vous individuels lui sont alors proposés avec un travailleur social, au cours
desquels elle aura la possibilité d'exprimer en profondeur son vécu, et cela en toute discrétion. Si
nécessaire, le travailleur social pourra aussi proposer à la personne un relais vers une prise en
charge psychologique, auprès d'un psychologue, psychothérapeute ou psychiatre externes à
l'association.
4. Valeur ajoutée
Le fait que les échanges se passent dans un cadre médical a sans doute facilité la possibilité pour les
travailleurs d’aborder cette question. Même si la plupart du temps, ces questions sont abordées de
manière confidentielle – en face to face avec un travailleur – certaines « indiscrétions » évoquant le
climat plus général de violence sur le terrain permettent parfois de parler de manière collective de
ce phénomène ce qui permet de profiter de l'effet groupe.
5. Facteurs déterminants de succès
 L'existence d'une permanence médicale connue et utilisée par les personnes prostituées
© Garance ASBL
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 Un cadre d'intervention basé sur le respect, le non jugement, la participation volontaire et
la confidentialité.
 Un lieu convivial qui permet des échanges informels lors de l'attente
 Les ressources nécessaires pour proposer un suivi multidisciplinaire en cas de besoin
6. Conditions de transfert
En plus des facteurs de réussite mentionnés ci-dessus, il faut:
 Une réflexion de toute l'équipe sur les causes, contextes et conséquences des violences
faites aux personnes prostituées.
7. Limite temporelle
Le travail de faire émerger les expériences de violence du public autour de la permanence
médicale peut servir à court terme pour collecter des témoignages et/ou pour acquérir une
meilleure compréhension sur les situations rencontrées sur le terrain.
Il peut aussi s'inscrire dans la durée afin de mieux cerner les besoins des personnes suite à des
agressions, de les encourager de faire usage de leurs droits et pour lutter contre le climat
d'impunité par rapport aux violences faites aux personnes prostituées.
8. Coordonnées/références
Entre2
Boulevard d'Anvers 20, 1000 Bruxelles
Tél. +32 2 217 84 72
www.entre2.org, [email protected]
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Projet routier: prévention et éducation à la santé
des clients routiers des personnes prostituées
1. Contexte
Depuis la Loi de Sécurité Intérieure adoptée en France en 2003, Cabiria est toujours plus sollicitée
par les travailleuses du sexe qui déplorent un nombre croissant de demandes de relations non
protégées de la part de leur clients. En effet en France, aucune campagne nationale de prévention
ne s’adresse aux clients, ce sont donc les personnes prostituées elles-mêmes qui ont en charge la
prévention au quotidien. Le fait d’être acheteur de services sexuels est très stigmatisé et s’exerce
le plus souvent dans la clandestinité, ce qui favorise les prises de risque. D'autre part, l'insécurité
permanente dans laquelle exercent les personnes prostituées et l'étiquette de délinquante qui leur
est accolée semble induire chez certains clients des comportements violents et problématiques.
Cabiria, convaincue de la nécessité d’une campagne de prévention pour la santé des personnes
prostituées, de leurs clients et des familles et partenaires des clients, a décidé en 2007 de lancer
une action d’envergure nationale de prévention à l’intention des clients. En prolongement de cette
campagne qui s'adresse à tous les clients, un projet spécifique a été créé pour toucher les routiers.
Les autoroutes (aires, parkings, etc) ont toujours été des lieux où s’est pratiqué l’échange
économico-sexuels, mais sont loin de l'attention des associations de prévention.
2. Objectifs
Le projet s’est articulée autour de deux axes :
 Conception, édition et diffusion d’une brochure à l’attention des clients « Travail du sexe de
rue. Cher client… », dont le contenu est axé autour de deux thématiques : la prévention des
comportements violents et irrespectueux, et la prévention du VIH et des IST
 Mise en place d’une action de proximité vers les clients routiers, sur l’axe routier et
autoroutier Lyon - Perpignan
Les objectifs étaient multiples:
 Lutter pour une meilleure attention envers les personnes prostituées en favorisant les
comportements respectueux des personnes
 Constater une diminution des comportements abusifs des clients quant aux demandes de
rapports sexuels non protégés
 Informer et sensibiliser les routiers aux risques de transmission des IST, dont le VIH, et aux
moyens de réduire ces risques
 Promouvoir les comportements préventifs parmi les routiers
 Promouvoir la démarche de dépistage des IST, dont le VIH, auprès des clients routiers
3. Mise en pratique
Dans l’action quotidienne de Cabiria, la brochure est distribuée aux clients rencontrés pendant les
tournées sur le terrain. Elle est aussi distribuée aux femmes pour qu’elles-mêmes s’en saisissent et
communiquent sur cette brochure auprès de leur client. Certaines femmes la mettent à disposition
dans leurs camionnettes pour les clients qui ne veulent pas emmener la brochure chez eux,
d’autres la distribuent à leur clients lorsqu’ils veulent bien la prendre. Par ailleurs, nous avons
constaté que les personnes prostituées passent la brochure aussi à leurs fils adultes. La brochure
est aussi téléchargeable sur le site Internet pour les travailleuses du sexe ou les clients qui veulent
la consulter. La brochure a été envoyée à toutes les associations qui travaillent avec les travailleuses
du sexe afin que la campagne de communication atteigne un maximum de villes.
En ce qui concerne le projet routier, nous assurons une présence sur l’axe autoroutier LyonPerpignan : sur les aires d’autoroute, dans les établissements de restauration, sur les parkings. Ceci
nous permet de créer le contact avec les routiers, de dialoguer sur les pratiques à risque et les
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comportements respectueux et de les informer (distribution de la brochure, de matériel de
prévention, de documentation d’information). L'action est menée sur le terrain par deux
professionnels qui connaissent le milieu de la prostitution.
4. Valeur ajoutée
Il s'agit de la mise en place de la première action de prévention d’envergure nationale en direction
des clients sans regard critique ou moralisateur et sans jugement moral qui a porté un regard
positif sur les pratiques préventives des personne prostituées. Par notre présence sur le terrain
autoroutier, nous avons pu établir des contacts et un travail de prévention avec les hommes et
femmes qui travaillent sur les aires d’autoroutes (employé-e-s des restaurants, etc), ainsi qu'avec
des personnes prostituées inconnues de l’association. Comme les travailleuses du sexe participent
à la diffusion des brochures, leurs compétences en matière de prévention sont valorisés.
5. Facteurs déterminants de succès
 Il était important que le projet soit mené par une médiatrice de santé qui connaît bien les
réseaux de routiers.
 Le fait qu’il y ait un homme dans l’équipe facilite l’accès à des discussions avec les clients qui
sont des hommes.
6. Conditions de transfert
 Une voiture
 1 ou 2 conducteurs-trices connaissant les codes sociaux pour parler avec ces hommes
hétérosexuels pour la majorité.
 Etudier les autoroutes, prendre contact avec une personne dans chaque établissement pour
avoir un-e seul-e interlocuteur-trice qui soit sensibilisé-e à la problématique, qui
réapprovisionne le stock de brochures sur les comptoirs et accepte de parler avec les
routiers qui les questionneront (personnes relais)
 Prendre contact avec les directions des différents commerces se situant sur les autoroutes,
pour avoir l’autorisation que l’équipe salariée de l’établissement puisse servir de relais à
l’équipe menant le projet
 Un financement des déplacements et du temps de travail prenant en compte les éventuelles
frontières départementales ou d'autres unités administratives
7. Limite temporelle
Comme un grand nombre de routiers traverse l'Europe de manière continue, l'action pourrait
continuer de manière indéterminée. Ce sont les demandes de financements qui prennent le plus de
temps.
8. Coordonnées/références
Cabiria
BP 1145, FR-69203 Lyon Cedex 01
Tél. 0033 4 78 30 02 65
www.cabiria.asso.fr, [email protected]
Brochure disponible:
http://cabiria.asso.fr/l-association/nos-publications/article/travail-du-sexe-de-rue-cher-client
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Réseau de formatrices d'autodéfense
1. Contexte
Dans le cadre du projet européen Daphné, l’association d’autodéfense féministe Garance à
organisé une formation de formatrices d’autodéfense en direction des personnes prostituées. Cela
a permis à différentes formatrices de se rencontrer et de travailler ensemble. Constat est que des
formatrices travaillent souvent de manière isolée, par manque de reconnaissance officielle pour
l'autodéfense féministe en tant que moyen efficace de prévention des violences. Par conséquent,
des lieux de réflexion, d'échange et de soutien mutuel manquent. Une sensibilisation des
formatrices d'autodéfense féministe aux besoins et demandes spécifiques des personnes
prostituées est donc difficile.
2. Objectifs: qu'est-ce qu'on a voulu obtenir?
L’objectif de la création d'un réseau de formatrices d'autodéfense féministe est de renforcer la
discipline de l’autodéfense féministe. Plus spécifiquement concernant la prévention des violences
dans le contexte de la prostitution, le réseau permet de
 Sensibiliser les formatrices d'autodéfense qui n'ont pas directement participé au projet
européen à cette thématique
 Partager des outils créés dans le cadre du projet européen
 Soutenir les nouvelles formatrices travaillant avec des personnes prostituées avec
l'expertise technique et pédagogique des formatrices expérimentées.
3. Mise en pratique
Une première rencontre a eu lieu à Lyon entre les formatrices d'autodéfense féministe de Lyon,
Grenoble et Dijon.
Il a été possible de mobiliser les formatrices, car elles ont un envie partagé: se démarquer
clairement des techniques d’autodéfense dite « féminines » souvent proposées par des hommes, et
d’affirmer la différence par un message clair et une organisation rigoureuse. La mise en réseau et
l'élaboration de règles de qualité permet de protéger la méthode et d'éviter la concurrence. Il a
été décidé d'organiser des rencontres annuelles entre formatrices afin d’échanger sur nos
pratiques, de pouvoir nous soutenir et nous aider mutuellement à monter des projets. La création
de projets communs par rapport à la méthodologie et des publics cibles spécifiques commence par
le partage de nos connaissances et par la sensibilisation d’autres formatrices aux réalités de vie des
personnes prostituées.
4. Valeur ajoutée
Les formatrices constatent que la première rencontre a permis de créer une solidarité et de se
sentir moins seules et isolées.
5. Facteurs déterminants de succès
Il est important de créer un climat de confiance entre formatrices. Cela passe par une bonne
communication : en se créant des outils internet comme des listes de discussions ou des plateformes où nous pouvons aussi partager des documents, des calendriers pour organiser des
réunions. Il est aussi important de détacher une équipe de travail pour chaque rencontre qui
coordonne toute la partie logistique (trouver une salle, des financements).
6. Conditions de transfert
En plus des facteurs de réussite mentionnés ci-dessus, il faut:
 un réel besoin de travailler ensemble
 une attitude acceptant et valorisant la diversité de l'autodéfense féministe
© Garance ASBL
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 la volonté d'ouvrir cette pratique à des publics plus vulnérables, ex. les personnes
prostituées
 des subventions seraient d'une grande aide pour la location d'une salle d'entraînement,
l'achat de matériel (tapis, paos) et le défraiement des participantes.
7. Limite temporelle
Une mise en réseau s'inscrit toujours dans la durée. Une rencontre de formatrices est prévue pour
l’été 2011 ainsi qu’un colloque sur l’autodéfense féministe en septembre 2011 qui permettra de
toutes nous réunir.
8. Coordonnées/références
Brin d’Acier
c/o Lapierre, 14b, Rue Castelneau, FR-21000 Dijon
www.autodéfense-pour-femmes.net, [email protected]
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Symbolisation des violences
et des stratégies de défense
1. Contexte
Entre2 impulse un travail de conscientisation auprès des personnes prostituées par rapport à ce
qu’elles vivent dans leur quotidien. Que ce soit dans le cadre personnel ou professionnel,
différentes formes de violences sont banalisées et il devient difficile d’en parler. Tout en récoltant
des témoignages, nous voulions créer une manière d’interpeller notre public à ce sujet.
2. Objectifs
 Créer un support pour matérialiser la violence, pouvoir la projeter et la déposer, de
manière symbolique
 Ouvrir de débats autour des différentes formes de violences vécues, entre et avec les
personnes accueillies, travailleurs sociaux, médecin,…
3. Mise en pratique
Deux grands bocaux, l’un à coté de l’autre : l’un accueille des violences mentales et physiques
(symbolisées par des boules de couleur bleues et violettes) et l’autre accueille des stratégies de
défense individuelles et collectives (marrons et jaunes). Lors de chaque témoignage, les personnes
sont invitées à construire deux boules à l’aide de ballon de baudruche et de riz, qu’elles peuvent
personnaliser ensuite et venir déposer dans les deux bocaux.
Avec le temps, les bocaux se sont remplis de boules de couleurs personnalisées (mais toujours de
manière anonyme pour les autres), ce qui permettait à chacun-e une visibilité de la nature des
violences vécues ainsi que des défenses mises en place et d’en parler. Lors du dépouillement de
témoignages en parallèle avec les boules, il en est ressorti un haut pourcentage de défenses
individuelles dans le cadre privé ainsi qu’un pourcentage élevé et quasi égal de défenses
individuelles et collectives dans la sphère professionnelle.
De temps à autre, lors de discussions individuelles et collectives, les personnes ayant confectionné
leurs boules revenaient chercher celle qui leur parlait le plus et l’utilisait pour faire de petits
massages de nuque, de dos ou de pieds.
Néanmoins, au sein de l'association, en manque de ressources humaines, tels que psychologue ou
thérapeute, nous n’avons pas pu donner suite à l’évolution de ce projet pour continuer sur ce
travail de symbolisation auprès des personnes concernées.
4. Valeur ajoutée
Les boules se sont avérées être des vecteurs de lien et ont permit de renforcer et approfondir les
débats sur le sujet de la violence et des stratégies.
Cette expérience a permis à des personnes, d’une part, de verbaliser certaines violences vécues, de
se sentir écoutées par les travailleurs sociaux, et d’autre part, d’être valorisées dans leurs
expériences de vie et leur stratégies de réussite.
5. Facteurs déterminants de succès
 Temps consacré aux personnes accueillies
 Ecoute, empathie, non jugement des expériences vécues
 Relation de confiance établie
 Participation active des personnes concernées
 Investissement peu onéreux en matériel (bocaux, riz, baudruche)
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6. Conditions de transfert
Idem
Limite temporelle
Notre action a duré deux mois. Les bocaux sont restés à l’accueil, visibles de tous, ce qui a permis
de continuer les débats sur le sujet.
Coordonnées/références
Entre2
Boulevard d'Anvers 20, 1000 Bruxelles
Tél. +32 2 217 84 72
www.entre2.org, [email protected]
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Travailler avec des personnes relais
pour toucher certaines communautés
1. Contexte
Lors de notre travail de terrain nous avons constaté qu'une population hispanophone composée
majoritairement de personnes transsexuelles est plus souvent agressée verbalement et
physiquement, par des passants, clients… Etant donné que parfois certaines de ces personnes
éprouvent des difficultés à parler le français et donc de se défendre verbalement, nous avons
envisagé qu'un rassemblement puisse se faire de la part d'une personne relais, elle-même issue de
cette communauté.
2. Objectifs
 faciliter la communication et toucher une plus grande partie du public et le sensibiliser à
l'autodéfense
 permettre l'acquisition des techniques concrètes d'autodéfense et apprendre à maîtriser et
utiliser leur force de manière adéquate
3. Mise en pratique:
La personne relais vit une violence quotidienne de par son origine, son transsexualisme, sa langue.
Cela nous a fait prendre conscience qu’il y a beaucoup d’autres personnes dans la même situation.
Nous avons proposé à une personne de la communauté transsexuelle et hispanophone qui nous a
fait part des violences qu'elle vit au quotidien de servir de relais envers ses collègues. Cela nous a
semblé la solution la plus adéquate car faisant partie de ce milieu, le contact avec ses paires était un
facteur facilitateur.
Elle a tout de suite répondu favorablement et s’est sentie investie par ce rôle. Pour la mise en
pratique de son rôle, nous lui avons laissé le choix. Elle a émis l’idée de contacter ses
connaissances, nous lui avons proposée de pouvoir disposer du téléphone du bureau ainsi que de
tous les outils nécessaires à la distribution des flyers les invitant à l’atelier. Ce qu'elle a fait. Des
rencontres ont été mises en place aussi bien par téléphone que physiquement.
4. Valeur ajoutée
La personne relais peut communiquer plus facilement avec ses paires, connaissant le milieu, la
culture et la langue. Elles nous a facilité la prise de contact avec certaines personnes qui ne
s’adressent pas volontairement à notre association ou simplement ne la connaissent pas. Elle a joué
le rôle d'intermédiaire entre l'association et des nouvelles personnes qui maintenant sollicitent
aussi nos services.
Grâce à la personne relais, nous avons pu toucher une autre partie du public avec ses spécificités,
même si celui-ci semblait réticent au départ étant donné que ces personnes disent pouvoir se
défendre et donc ne pas avoir besoin d'outils supplémentaires. Par la suite, après avoir fait de la
sensibilisation à la violence auprès de notre public, nous avons constaté que l'intérêt porté à cette
problématique les concernait davantage.
5. Facteurs déterminants de succès
➢ Tout d'abord la relation de confiance basée sur le non jugement, qui nous permet de parler
plus ouvertement du sujet des violences auxquelles les personnes prostituées sont
confrontées au quotidien
➢ Ensuite le fait qu'une travailleuse sociale de l'équipe parle la même langue est un facilitateur
de communication qui fût le point de départ d'un certain effet boule de neige: la travailleuse
sociale a instauré le contact avec une personne hispanophone et transsexuelle qui est
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devenue par la suite la personne relais au sein du public visé
6. Conditions de transfert
 Cibler une population précise afin de pouvoir transposer cette idée de personne relais
 Pour pouvoir transférer un savoir faire, le lien de confiance avec le public est essentiel. A
partir de là, nous pouvons travailler ensemble. Chaque personne a des ressources, à nous
de les identifier, de mettre à profit leurs compétences en tenant compte de leurs limites et
en s’adaptant à leur rythme pour pouvoir accéder à une plus grande communauté.
 Prendre le temps pour discuter de ce qui coince, ce qui marche, l’équipe peut aussi se
relayer pour soutenir la personne dans son rôle et rester disponible pour envisager
ensemble une autre façon de faire.
 Laisser la personne mener le groupe de travail mais assurer une présence afin de pouvoir
recadrer les choses si nécessaire
 Pour éviter des effets pervers, il faut rester attentif et communiquer le plus possible sans
perdre de vue l’objectif du projet, clarifier si nécessaire que le rôle de la personne relais
n’est pas de faire passer en premier ses propres idées, ses convictions mais de trouver
ensemble celles qui sont communes à la communauté.
7. Limite temporelle
Pour mettre en place une personne relais cela peut prendre une semaine. Une fois que le projet
est en cours, nous espérons que celui-ci soit reconnu par notre public et renouvelé régulièrement
avec d'autres participant-e-s.
8. Coordonnées/références
Entre2
Boulevard d'Anvers 20, 1000 Bruxelles
Tél. +32 2 217 84 72
www.entre2.org, [email protected]
© Garance ASBL
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Visibilité des personnes prostituées
1. Contexte
La prostitution est une activité « clandestine ». Que les états soient tolérants ou plus répressifs,
exercer la prostitution signifie, d'une façon ou d'une autre, s'exposer à des risques de représailles
sociales et institutionnelles. Les prostituées souvent sont séparées des « bonnes femmes ».
Longtemps, et encore aujourd'hui, ce sont les hommes, seuls, qui se sont fait l'écho de l'espace
prostitutionnel; ; ils ont évoqué ce qui se passait avec « ces femmes » selon leur perception et des
éléments anecdotiques qui ne portaient pas trop atteinte à leur statut de dominant. Il y a eu aussi,
au début du XXe siècle, les premières conventions pour lutter contre la « traite des blanches ».
L'approche de la question s'est plus formalisée.
En parallèle, l'histoire collective des femmes, leur visibilisation et la prise en compte politique sont,
rappelons-le, récentes. Le mouvement de révolte des prostituées en France dans les années 1970,
en alliance avec les grandes luttes féministes, s'est très rapidement dissout. Il est d'usage de parler
des prostituées et à leur place, et pendant de longues décennie. Ce fut une pratique difficile à
remettre en cause, souvent de par la légitimité du discours apporté par le monde des chercheurs,
du travail social et des institutions. En conséquence, les médias ont diffusé profusion d'images
stéréotypées du monde de la prostitution.
Les prostituées, en général, ne se reconnaissent pas dans les discours portés par les médias; et ce,
indifféremment qu'elles soient, ou aient été à un moment, contraintes ou qu'elles exercent
librement cette activité. Pire, elles évaluent que les images et les discours portés par les médias
envers le grand public se révèlent plutôt préjudiciables à leurs conditions de vie et à leur sécurité.
Et beaucoup plus grave, des dispositifs d'états répressifs leur ôtent tout espoir d'un libre accès à la
citoyenneté en les consignant au silence. Les différentes formes de contrôle social et l'opprobre
publique n'ont pas incité les personnes prostituées à se visibiliser: bien au contraire, il s'agit de
mettre en place toutes les stratégies possibles pour s'invisibiliser et tout au moins « se faire le plus
discret possible ». L'exclusion sociale, l'intégration du stigmate, le genre féminin auquel s'apparente
ce stigmate et le renvoi systématique à une problématique individuelle sont des facteurs
prédominants d'invisibilisation.
2. Objectifs
Il a fallu alors réfléchir aux différents facteurs qui favoriseraient l'expression des prostituées et à la
question du « comment ». Les objectifs de la visibilisation des personnes prostituées sont:
 Ajuster les mesures, les prises de décision adaptées aux besoin des personnes
 Mettre en place des outils appropriés à leur sécurité et au respect de leur intégrité, de leur
santé, de leur choix de vie.
 Intégrer en toute légitimité les hémicycles où il est question de la prostitution
(conférences, débats...)
 Intégrer aussi les sphères de prise de décision ou d'action concernant les prostituées, en
terme de santé publique, d'action sociale, d'accès à la citoyenneté plus largement (tissu
associatif, politiques publiques et locales...) afin d'intégrer et de participer à différents
projets
 Sensibiliser les professionnels actuels et futurs (police, services sociaux etc.) ainsi que le
grand public
3. Mise en pratique
Envers les médias, il faut travailler en profondeur pour faire reculer l'instrumentalisation qui
voudrait faire vendre du papier ou gagner de l'audimat; souvent leur demande est posée en terme
de scénarios pour lesquels ils procèdent en mode de casting. Par exemple, il peut se présenter des
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demandes de types « Nous préparons une grande émission pour parler de la prostitution et de
comment elles le vivent dans leur vie privée; nous aurions besoin d'une femme qui se prostitue et
vit en couple, d'une autre qui vit seule avec ses enfants. Nous préférons la transparence pour notre
émission, et si elles acceptent de parler à visage découvert, c'est mieux. Ça rendra mieux la
dimension humaine aux téléspectateurs. ». Bien sûr que de telles propositions d'espace
d'expression sont des pièges.
Le groupe cible est minoritaire, la plupart des femmes ne s'identifiant pas aux prostituées. Pourtant,
ce groupe si fortement tenu à l'écart croise des enjeux communs avec les politiques sociales, les
questions du genre, la question du droit des femmes. Il s'agit de créer des alliances avec d'autres
groupes minoritaires et discriminés. Nos actions à ce but:
 Envers le monde associatif/espace citoyen: stand de prévention (Journée internationale de
lutte contre le sida, Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes)
 Mobilisation (Journée internationale contre les violences faites aux personnes prostituées):
la diffusion des outils du projet européen et la promotion de l'autodéfense sont des
exemples qui permettent aux femmes prostituées de se présenter comme actrices et non
comme victimes passives
 Envers les médias: interviews, mais aussi revue de presse, tenus par des personnes
prostituées – et le plus délicat de tous: le support télévisuel
 Intervenir dans divers centres de formation tels qu'écoles de travailleurs sociaux etc. afin
de sensibiliser les futur-e-s professionnel-le-s
 Favoriser une étroite collaboration avec le monde académique concernant les objectifs de
recherche sur la prostitution (sociologie, anthropologie...)
4. Valeur ajoutée
Pouvoir « se diluer » au milieu d'un groupe plus large, créer et solidifier des alliances, permettent
une visibilité d'ordre collectif et non plus d'ordre individuel: cela donne une dimension politique
aux problématiques dénoncées.
5. Facteurs déterminant de succès
 Les alliances, par exemple avec des groupes féministes, sont essentielles. C'est tout le
support de soutien logistique, l'échange de réflexion.
 La présence continuelle sur tous les événements publics
6. Conditions de transfert
Idem
7. Limite temporelle
Le travail sur l'intériorisation du stigmate, rompre l'isolement des personnes prostituées, la
construction des alliances et la présence continuelle dans les espaces citoyens, demandent de
travailler à plusieurs niveaux et obligent à des perspectives à long terme.
8. Coordonnées/références
Grisélidis
14 rue Lafon, FR-31000 Toulouse
Tél.: +33 9 77 79 70 20
www.griselidis.com, [email protected]
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