C.A. Paris, P.2, Ch. 3, 20 octobre 2014, n° 13-09766
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C.A. Paris, P.2, Ch. 3, 20 octobre 2014, n° 13-09766
COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 2 - Chambre 3 ARRÊT DU 20 OCTOBRE 2014 (n°14/ , 8 pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 13/09766 Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Mars 2013 -Tribunal de Grande Instance de MEAUX RG n° 12/00798 APPELANT Monsieur Gérard A. Représenté par Me Caroline H., avocat au barreau de PARIS Assisté de Me Emmanuelle G., avocat au barreau de PARIS INTIMÉES Compagnie d'assurances MACIF, prise en la personne de ses représentants légaux Représentée par Me David BOUAZIZ de la SCP BOUAZIZ - GUERREAU - SERRA - AYALA, avocat au barreau de FONTAINEBLEAU Assistée de Me Clothilde CHALUT-NATAL, avocat plaidant pour la SCP BOUAZIZ - GUERREAU - SERRA - AYALA, avocat au barreau de FONTAINEBLEAU CPAM DE SEINE ET MARNE, prise en la personne de ses représentants légaux Défaillante COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 15 Septembre 2014, en audience publique, devant la Cour composée de : Madame Régine BERTRAND-ROYER, Présidente de chambre Madame Catherine COSSON, Conseillère Madame Marie-Brigitte FREMONT, Conseillère, entendue en son rapport qui en ont délibéré Greffier, lors des débats : Mme Nadia DAHMANI ARRÊT : RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Madame Catherine COSSON, conseillère, pour la présidente empêchée et par Mme Nadia DAHMANI, greffier présent lors du prononcé. **** EXPOSE DU LITIGE Le 15 août 2009 à Coulommiers, Monsieur Gérard A. a été victime d'un accident de la circulation dans lequel était impliqué le véhicule conduit par Monsieur Roger BONNET et assuré auprès de la société MACIF. Il a fait l'objet d'un examen médical contradictoire effectué le 5 septembre 2011 par les docteurs P. ( désigné par la MACIF) et P. ( désigné par la victime), dont les conclusions ont été acceptées par les parties. Par jugement du 19 mars 2013, le tribunal de grande instance de Meaux a: - déclaré Monsieur Gérard A. bien fondé à solliciter la réparation intégrale des conséquences dommageables de l'accident de circulation dont il a été victime le 15 août 2009, - fixé l'entier préjudice de Monsieur Gérard A. à la somme de 170.181,13 euros, - condamné la MACIF à payer à Monsieur Gérard A. : * la somme de 79.005,15euro , tous chefs de préjudices confondus, déduction opérée des prestations versées par la CPAM de SEINE et MARNE, * la somme de 1.500euro sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, - débouté Monsieur Gérard A. du surplus de ses demandes et notamment de la demande formée au titre des pertes de gains professionnels actuels, - condamné la MACIF aux dépens et fait application de l'article 699 du code de procédure civile, - ordonné l'exécution provisoire du jugement, - dit que, dans l'hypothèse où, à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par le jugement à intervenir, l'exécution forcée devrait être réalisée par l'intermédiaire d'un huissier, le montant des sommes retenues par l'huissier en application du tarif des huissiers devra être supporté par la MACIF, - déclaré le jugement commun à la CPAM de SEINE et MARNE. Monsieur Gérard A. a relevé appel du jugement. Dans ses dernières conclusions signifiées le 18 juillet 2013, Monsieur Gérard A. demande à la Cour de : - le dire bien fondé à solliciter la réparation intégrale des conséquences dommageables de l'accident de circulation dont il a été victime le 15 août 2009, - condamner la MACIF à lui verser les sommes de : - 58.724,80 euro sauf mémoire au titre du préjudice patrimonial - 87.630,50 euro au titre du préjudice extra-patrimonial - 7.000,00 euro au titre de l'article 700 du CPC. - dire que, dans l'hypothèse où, à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par le jugement à intervenir, l'exécution forcée devrait être réalisée par l'intermédiaire d'un huissier, le montant des sommes retenues par l'huissier en application du tarif des huissiers devra être supporté par le débiteur. Il fait valoir que certaines indemnités allouées sont insuffisantes et demande, en réparation de son préjudice, la condamnation de la MACIF à lui verser les montants mentionnés dans le tableau ci-dessous. Par dernières conclusions signifiées le 3 septembre 2013, la MACIF ne conteste pas le droit à indemnisation de Monsieur Gérard A. mais soutient que certaines indemnités accordées sont excessives et offre les sommes suivantes: DEMANDES OFFRES Préjudices patrimoniaux * temporaires: -dépenses de santé actuelles: * exposées par les organismes 89.464,91euro sociaux: 89.464,91euro -frais divers restés à la charge 1523euro de la victime : 293euro - tierce personne: 557,14euro 684,80euro - préjudice matériel: -perte de gains professionnels 6.417euro actuels: * permanents: 4.009,70euro -incidence professionnelle: 50.000euro 15.000euro Préjudices extra-patrimoniaux: * temporaires: -déficit fonctionnel temporaire 10.630,50euro : 5.925euro -souffrances: 30.000euro 18.000euro -déficit fonctionnel permanent : 33.000euro 18.000euro - préjudice d'agrément: 8.000euro 3.000euro -préjudice esthétique: 6.000euro 3.000euro Art.700 du CPC: 3.500euro rejet * permanents: La CPAM de Seine et Marne, assignée à personne habilitée, n'a pas constitué avocat mais a fait connaître par courrier du 25/07/2014 le décompte définitif des prestations versées à la victime ou pour elle, soit: * prestations en nature: 89.464,91euro * indemnités journalières du 15/08/2009 au 3/10/2010 : 13.896,76euro CELA ÉTANT EXPOSÉ, LA COUR : Sur le préjudice corporel: Il ressort du rapport d'examen médical qu'à la suite de l'accident Monsieur Gérard A. a présenté une fracture de la diaphyse humérale gauche, une luxation du genou gauche avec ruptures multi-ligamentaires (ruptures du ligament croisé antérieur, du ligament croisé postérieur et du ligament latéral interne), des érosions cutanées multiples du membre supérieur droit, une plaie de la main gauche et un traumatisme dorsal sans lésion osseuse. Les conclusions de ce rapport sont les suivantes : - hospitalisation du 15 août 2009 au 15 janvier 2010, puis du 27 janvier 2010 au 1er février 2010, puis du 29 juin 2010 au 3 juillet 2010, puis du 5 juillet 2010 au 27 août 2010, - arrêt de travail imputable jusqu'au 3 octobre 2010 ; reprise le 4 octobre 2010 au même poste, moyennant l'utilisation de chaussures spécifiques plus légères et plus souples. Il subsiste par ailleurs une certaine pénibilité au travail (diminution de la résistance physique). - gêne temporaire totale durant les hospitalisations * du 15 août 2009 au 15 janvier 2010 * du 27 janvier 2010 au 1er février 2010 * du 29 juin 2010 au 27 août 2010 - gêne temporaire partielle : * Classe 4 : du 16/01/2010 au 26/01/2010 * Classe 3: du 02/02/2010 au 22/02/2010 * Classe 4 : du 23/02/2010 au 01/04/2010 * Classe 2 : du 02/04/2010 au 28/06/2010 * Classe 2 : du 28/08/2010 jusqu'à consolidation - consolidation au 4/10/2010 - souffrances endurées : 5/7 - AIPP : 15% - dommage esthétique : 2,5/7 - tierce personne: 10 heures par semaine du 16 janvier 2010 au 26 janvier 2010 et du 02 février 2010 au 22 février 2010 - préjudice d'agrément : le blessé n'est pas en mesure de reprendre l'escalade qu'il pratiquait l'été et au printemps. Reprise des autres activités physiques, course à pied mais avec gêne pour le vélo. Au vu de ces éléments et de l'ensemble des pièces versées aux débats, le préjudice corporel de Monsieur Gérard A. qui était âgé de 40 ans (né le 24 août 1968) lors de l'accident et de 42 ans à la consolidation et exerçait la profession d'ascensoriste, sera indemnisé comme suit, étant précisé, qu'en vertu de l'article 31 de la loi du 5 juillet 1985, modifié par l'article 25 de la loi du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007, les recours subrogatoires des tiers payeurs s'exercent, poste par poste sur les seules indemnités qui réparent les préjudices qu'ils ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel, sauf s'il est établi que le tiers payeur a effectivement, préalablement et de manière incontestable, versé des prestations indemnisant un poste de préjudice personnel. Préjudices patrimoniaux: * temporaires, avant consolidation: - dépenses de santé actuelles: Elles ont été prises en charge par la CPAM de Seine et Marne pour la période du 15/08/2009 au 4/10/2009 pour un montant de 85.404,91euro et la victime ne demande aucune somme pour des dépenses de santé qui seraient restées à sa charge. - frais divers : Les frais de vêtements réclamés par Monsieur Gérard A. à hauteur de 200euro ne sont pas critiqués par la société MACIF ; il convient donc de confirmer cette somme allouée par les premiers juges. Les frais de téléphone et de télévision lors de ses hospitalisations sont justifiés par des factures à hauteur de 123euro. La société MACIF s'oppose au remboursement des honoraires du médecin conseil de la victime arguant que ceux ci auraient été pris en charge par l'assureur de Monsieur Gérard A.. Elle ne démontre cependant pas son affirmation alors que la victime verse aux débats trois factures d'hono- raires pour un montant total de 1200euro et ne fait pas état d'un remboursement par son assureur, la société Generali. Il est en conséquence fait droit à la demande. Il revient donc à la victime la somme de 1523euro au titre des frais divers. - tierce personne temporaire: Monsieur Gérard A. sollicite la somme de 684,80euro calculée en fonction d'un taux horaire de 16euro alors que la société MACIF offre la somme de 557,14euro au taux horaire de 13euro. L'expert a évalué le besoin en tierce personne de Monsieur Gérard A. à 10 heures par semaine à sa sortie de l'hôpital du 6/01/2010 au 16/01/2010 puis du 2/02/2010 au 22/02/2010. Ce préjudice doit donc être indemnisé au taux horaire retenu de 13euro comme suit : 32 jours /7 jours x 10H x 13euro = 594,29euro - perte de gains professionnels actuels: Monsieur Gérard A. indique avoir subi une perte de gains de 6.417euro calculée sur un revenu de référence annuel perçu en 2008 de 20.896euro, duquel il déduit les sommes déclarées au titre de ses revenus en 2009 et 2010. La société MACIF évalue cette perte de gains par la différence entre la somme de 18.211,65euro correspondant à la perte de revenus de Monsieur Gérard A. telle qu'évaluée par son employeur, et la somme de 14.201,95euro montant de la créance de la CPAM versée au titre des indemnités journalières, soit 4.009,70euro. L'employeur de Monsieur Gérard A. a dans une attestation datée du 12/06/2013 évalué la perte de revenus nets de Monsieur Gérard A. à 18.211,65euro pour la période du 29 septembre 2009 au 3 octobre 2010. Pendant la même période, la CPAM de Seine et Marne a versé à Monsieur Gérard A. des indemnités journalières brutes de 13.896,76euro, soit après déduction des la CSG (6,20%) et de la CRDS (0,5%) une somme nette de 12.965,68euro. Ainsi la perte de gains subie par Monsieur Gérard A. s'est élevée à la somme de 18.211,65euro 12.965,68euro = 5.245,97euro. * permanents, après consolidation: - incidence professionnelle : Monsieur Gérard A. rappelle qu'il est ouvrier ascensoriste, réparateur en atelier et sur site. Il expose qu'il subit actuellement une pénibilité au travail et serait dévalorisé sur le marché du travail s'il venait à perdre son emploi ; il demande une indemnisation à hauteur de 50.000euro de ce chef. L'assureur offre la somme de 15.000euro pour la pénibilité subie par la victime dans son travail. Les médecins qui ont examiné Monsieur A. relèvent que l'intéressé a repris son activité professionnelle le 4 octobre 2010 au même poste moyennant l'utilisation de chaussures de sécurité spécifiques plus légères et plus souples et qu'il subsiste une certaine pénibilité au travail. Selon eux, cette pénibilité est caractérisée par la diminution de la résistance physique de Monsieur Gérard A., la survenance de douleurs à la montée d'escaliers et aux efforts notamment lors de soulèvement, ainsi qu'une diminution de l'accroupissement du côté gauche, et une raideur de l'épaule gauche associée à des phénomènes douloureux. Il est aussi noté que les mouvements de vissage dévissage sont très perturbés du côté gauche, qu'il subsiste une perte de force musculaire avec perte de résistance associée et que les douleurs sont réputées météosensibles. Ces séquelles dévalorisent Monsieur A. sur le marché du travail, le fait qu'il ait conservé son emploi antérieur étant indifférent, et génèrent une fatigabilité et une pénibilité dans l'exercice de sa profession, qu'il devra subir pendant encore une vingtaine d'années. Ce préjudice justifie l'octroi de la somme de 30.000 euro. Préjudices extra-patrimoniaux: * temporaires, avant consolidation: - déficit fonctionnel temporaire: Il est demandé par la victime la somme de 10.630,50euro et la société MACIF offre la somme de 5.925euro. Les parties s'accordent pour fixer la durée de l'incapacité fonctionnelle totale à 219 jours, l'incapacité fonctionnelle partielle à 50% à 20 jours et celle à 25% à 125 jours, mais divergent sur la durée de l'incapacité fonctionnelle partielle à 75%. Au vu des périodes d'incapacité fonctionnelle de classe 4 retenues par l'expert, cette dernière a duré 49 jours ; l'incapacité fonctionnelle totale et partielle subie par la victime durant la maladie traumatique pour la période antérieure à la date de consolidation ainsi que sa perte de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante, la privation de ses activités privées soufferts durant cette même période seront donc indemnisées par la somme de 5940euro. - souffrances: Monsieur Gérard A. sollicite une indemnisation de 30 000euro et il est offert par l'assureur celle de 18 000euro. Ces souffrances sont caractérisées par le traumatisme initial et les traitements subis, dont quatre interventions : une ostéosynthèse de la fracture humérale gauche avec une contention du membre supérieur gauche et une contention du genou gauche par une genouillère en résine pendant 6 semaines puis par attelle, la mobilisation de ce genou sous anesthésie générale, des complications survenues par une pseudarthrose de la fracture humérale, et la reconstruction du ligament croisé antérieur par autogreffe et du ligament croisé postérieur sous arthroscopie, ainsi que les nombreuses périodes de rééducation fonctionnelle au Centre de Coubert. . Cotées à 5/7, elles seront indemnisées par la somme de 25 000euro. * permanents, après consolidation: - déficit fonctionnel permanent : Les séquelles décrites par l'expert (accroupissement diminué du quart du côté gauche, raideur douloureuse de l'épaule gauche et du genou gauche) et conservées par Monsieur Gérard A. après la consolidation de son état, entraînent non seulement des atteintes aux fonctions physiologiques mais également des douleurs ainsi qu'une perte de qualité de vie et des troubles dans les conditions d'existence, personnelles, familiales et sociales, qui justifient, pour une victime âgée de 42 ans lors de la consolidation de son état, la somme de 30 400euro . - préjudice d'agrément: Monsieur Gérard A. démontre par la communications de plusieurs attestations qu'il pratiquait régulièrement l'escalade, leu football et la course à pied. Les experts ont indiqué qu'il pouvait reprendre la course à pied, mais les témoins attestent qu'il n'est plus en mesure de courir en raison de la survenance immédiate de douleurs. Il lui sera attribué de ce chef, une indemnité de 8000euro. - préjudice esthétique permanent: Fixé à 2,5/7 du fait de l'existence de cicatrices sur le bras et le genou gauche, il justifie l'allocation de la somme de 3000euro. TOTAL: 109.703,26euro Sur l'article 700 du CPC Il serait inéquitable de laisser à la charge de la victime l'intégralité des frais et honoraires exposés par elle et non compris dans les dépens. La somme fixée de ce chef par le premier juge sera confirmée. La société MACIF s'oppose à la demande faite à ce titre en cause d'appel au motif que Monsieur Gérard A. ne conteste pas bénéficier d'un contrat de protection juridique qui lui maintient le libre choix du conseil, et que la suppression des avoués à la Cour exclut une double prise en charge sous couvert de postulation. Chaque partie est en droit de choisir librement son conseil, et l'obligation qui lui est faite de constituer avocat devant la Cour de céans pour plaider sa cause permet d'allouer à Monsieur Gérard A. la somme complémentaire de 3000euro au titre des frais irrépétibles qu'il a dû engager en cause d'appel. Sur les dépens et les frais d'exécution forcée Les dépens sont mis à la charge de la société MACIF. Rien ne permet de condamner le débiteur à payer des frais de recouvrement, non encore engagés, qui sont mis à la charge du créancier par les dispositions réglementaires prévues par l'article 10 du décret du 12 décembre 1996. PAR CES MOTIFS Infirme le jugement à l'exception de ses dispositions relatives à l'article 700 du CPC et au dépens, Statuant à nouveau, dans cette limite, et y ajoutant : Condamne la société MACIF à verser à Monsieur Gérard A. : * la somme de 109.703,26 euro en réparation de son préjudice corporel, en deniers ou quittances, provisions et somme versée en vertu de l'exécution provisoire non déduites, ladite somme augmen- tée des intérêts au taux légal à compter du jugement à concurrence des sommes allouées par celui-ci et à compter du présent arrêt pour le surplus, * la somme complémentaire de 3000 euro sur le fondement de l'article 700 du CPC, Rejette la demande relative à la prise en charge par le débiteur des frais de recouvrement éventuels. Condamne la société MACIF aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC. LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE