epreuve de synthese de dossier
Transcription
epreuve de synthese de dossier
CONCOURS SUR ÉPREUVES OUVERT AUX CANDIDATS TITULAIRES D’UN DIPLÔME VALIDANT LA FIN DE PREMIÈRE ANNÉE DU GRADE DE MASTER OU D’UN CERTIFICAT DE SCOLARITÉ VALIDANT L’ANNÉE PRÉCÉDENT CELLE DE L’ATTRIBUTION DU GRADE DE MASTER ------CONCOURS SUR ÉPREUVES OUVERT AUX FONCTIONNAIRES CIVILS DE L’ETAT, DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES, D’UN ETABLISSEMENT PUBLIC OU D’UN ORGANISME INTERNATIONAL COMPTANT AU MOINS CINQ ANS DE SERVICE DANS UN CORPS DE CATEGORIE A OU ASSIMILIE SESSION 2010 EPREUVE DE SYNTHESE DE DOSSIER (durée : 4 heures – coefficient : 5 – note éliminatoire <= 4 sur 20) Sujet : Afghanistan, les portes de sortie Réaliser, à partir de la documentation jointe, en trois pages maximum une synthèse objective, dénuée de toute appréciation personnelle, construite selon un plan classique (introduction, développement, conclusion). Cette synthèse doit être entièrement rédigée et seules les grandes parties peuvent éventuellement être précédées d'un titre. Documents joints : Pièce n° 1 : Un rapport sénatorial clairvoyant sur la situation en Afghanistan par Jean Guisnel Publié sur lepoint.fr le 01/12/2009 ; Pièce n° 2 : Conflit en Afghanistan : la France doit-elle rester ? La dépêche le 17/12/2009 J.-P. Bédéï ; Pièce n° 3 :Rapport sur KABOUL. Exclusif : le compte rendu de mission d'un colonel français VALEURS ACTUELLES. Fréderic Pons ; Pièce n° 4 : AFGHANISTAN, le nouveau Vietnam COURRIER INTERNATIONAL DU 23 AU 29 JUILLET 2009 ; 1/19 Pièce n° 5 : Afghanistan : le risque d’une guerre sans fin. Jean-Paul Mari Le Nouvel Observateur ; Pièce n° 6 : La Grande-Bretagne doute après la mort de huit soldats en Afghanistan – LEMONDE.FR du 12/07/2009 ; Pièce n° 7 : Barack Obama explique «sa» guerre en Afghanistan par Corine Lesnes– LEMONDE.FR du 28/03/2009. 2/19 Un rapport sénatorial clairvoyant sur la situation en Afghanistan Par Jean Guisnel Publié sur lepoint.fr le 01/12/2009 Dans un copieux (151 pages) rapport rendu public le 1er décembre, les sénateurs Josselin de Rohan (UMP), Didier Boulaud (PS) et Jean-Pierre Chevènement (MRC) rendent compte d'une mission effectuée en octobre dernier en Afghanistan, au Pakistan et en Inde. Les lecteurs intéressés le consommeront tout entier, mais en première approche, leur analyse mérite qu'on s'y arrête. Les sénateurs notent que quatre options sont en débat, la première étant le retrait pur et simple des troupes militaires. Ils estiment "impossible et même dangereux d'inscrire cette perspective dans un calendrier". Deuxième possibilité pour la coalition : le statu quo. Les auteurs du rapport considèrent qu'il "ne peut conduire qu'à un pourrissement de plus en plus grand de la situation, à la lassitude des opinions publiques". Il "fragiliserait encore un peu plus la coalition internationale et conduirait, à terme, à l'échec". Troisième éventualité : "décroître le niveau des forces tout en proposant une nouvelle stratégie". Les sénateurs considèrent que cette option possède ses partisans en Afghanistan même, et passe par un dialogue avant la réconciliation - avec les talibans, ce qu'ils traduisent ainsi : "Il faut donc inclure dans la stratégie politique de résolution du conflit l'ensemble des autres acteurs et engager un large dialogue, sans exclusive". On devine l'amertume que cette évolution ferait naître chez ceux qui se battent depuis huit ans dans ce pays... Enfin, les sénateurs proposent une quatrième option : le renforcement militaire (que Barack Obama confirmera la nuit prochaine), associé à une amélioration de la sécurité de la population. C'est la stratégie du général McChrystal que les parlementaires français estiment la meilleure, dès lors que "cette stratégie cohérente serait susceptible de permettre, à terme, le retrait des forces occidentales et la réalisation des objectifs poursuivis en termes de sécurité globale". L'Afghanistan et le Pakistan, une seule et même entité Les auteurs du rapport soulignent par ailleurs une évidence, à savoir "les nombreuses erreurs politiques et stratégiques commises depuis 2001." Ils en voient les effets dans une forte dégradation de la situation sécuritaire dans le pays, une régionalisation de l'insurrection doublée du développement d'autres sanctuaires du terrorisme international, notamment au Pakistan. Ils soulignent le "sentiment de déception, de frustration, et finalement de colère" de la population envers le gouvernement corrompu d'Hamid Karzaï que soutiennent les Occidentaux, et concluent que "les progrès en matière de gouvernance (institutions fiables et efficaces, lutte contre la corruption et les trafics, en particulier de drogue) ne sont pas totalement convaincants, pour utiliser un euphémisme". Belle lucidité encore quand les parlementaires reprennent les conclusions d'un rapport de la Chambre des communes britannique qui regrettait en août dernier "la faible coordination des Nations unies, le potentiel inexploité de l'Union européenne", tout en estimant que la présidence de George W. Bush avait été marquée par des "tendances unilatéralistes" et une priorité excessive accordée aux objectifs militaires. Les sénateurs fustigent aussi le fait que seules trois nations musulmanes (Turquie, Azerbaïdjan, Jordanie) participent à l'effort international de sécurisation de l'Afghanistan. Conclusion, concernant les troupes occidentales : leur "présence, faute de progrès en matière de développement et de gouvernance, est ressentie comme une occupation qui poursuit des objectifs propres et qui manipule un gouvernement afghan à son service". Cruel, mais clairvoyant... Au fil de ce rapport, les sénateurs insistent sur un fait avéré, à savoir que la situation dans la région doit être jugée à l'aune de ce qui se passe dans les deux pays voisins, l'Afghanistan et le Pakistan, qui composent désormais l'ensemble AfPak. Entité qu'il convient de considérer comme un tout, qui engage "la sécurité des États occidentaux, la paix et la stabilité du monde". Et là, nos auteurs décrivent le but à atteindre, à savoir "celui d'un Afghanistan suffisamment stable, disposant de forces lui permettant de gérer sa propre sécurité, de stopper les interférences des puissances de l'extérieur et de lutter contre l'établissement de bases terroristes et de camps d'entraînement sur son territoire." Une chose est sûre : par quelque bout que l'on prenne le problème, cet objectif est actuellement plus hors de portée que jamais ! 3/19 Conflit en Afghanistan : la France doit-elle rester ? Ladepeche.fr Publié le 17/12/2009 J.-P. Bédéï Assemblée. Lors du débat sans vote, hier, le ministre de la Défense Hervé Morin a confirmé que la France adoptera sa stratégie le 28 janvier. Nicolas Sarkozy n'a pas encore tranché sur l'attitude à adopter dans le conflit afghan. La France a reconnu hier être pressée par Washington d'envoyer des «moyens militaires supplémentaires» en Afghanistan, mais a suspendu toute décision aux conclusions de la conférence internationale convoquée le 28 janvier à Londres. «C'est à l'issue et seulement à l'issue de cet examen que la France et l'Allemagne décideront de leur participation ou non à un renforcement (du dispositif militaire allié) par des moyens que nous déterminerons ensemble», a déclaré le ministre de la Défense, Hervé Morin, à l'Assemblée nationale (voir ci-dessous). Selon des informations non confirmées, Washington avait appelé Paris à déployer 1.500 soldats supplémentaires en Afghanistan alors que le président Obama annonçait le 1er décembre l'envoi de renforts américains massifs - 30.000 hommes - dans l'espoir de maîtriser l'insurrection des talibans. Mais Hervé Morin a toutefois précisé qu'il entendait «simplement rappeler les éléments de la demande américaine et en aucun cas anticiper une décision qui sera prise à l'issue de la conférence de Londres». Washington, a-t-il indiqué, a notamment demandé des «moyens militaires humains ou matériels» supplémentaires aux Européens et à ses alliés. Au cours du débat à l'Assemblée nationale, le ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner a estimé que la France, «dans l'état actuel des choses», n'avait «pas besoin de renforcer le nombre» de ses soldats. Il a par ailleurs annoncé la tenue en juin à Kaboul d'une «conférence ministérielle» sur l'Afghanistan pour faire le point des engagements du président Karzaï et des forces alliées, cinq mois après celle de Londres. A la tribune, Jean Glavany, pour le PS, a qualifié de «camouflet» à l'égard de Paris la «révision stratégique décidée unilatéralement par le président Obama» en Afghanistan, réclamant une «feuille de route nouvelle» pour la coalition, «validée par l'ONU». De son côté, le député communiste Jean-Paul Lecoq a demandé « le retrait des troupes de l'Otan d'Afghanistan», appelant à «une conférence internationale sous l'égide de l'ONU pour définir les conditions de la paix en Afghanistan. Quant à Axel Poniatowski (UMP), il a souligné que «nul ne peut se satisfaire du statu quo actuel». «Il n'est pas souhaitable d'augmenter notre effectif militaire, en revanche oui à l'envoi d'instructeurs», a-t-il poursuivi, se calant prudemment sur la position de Sarkozy qui avait affirmé en octobre que la France n'enverrait «pas un soldat de plus» en Afghanistan, mais qu'elle devait y «rester pour gagner». « Le conflit s'enlise » François Heisbourg, conseiller spécial du président de la Fondation pour la recherche stratégique et auteur de « Après Al Qaida » (Stock) nous livre son analyse sur la situation en Afghanistan. La France doit-elle quitter l'Afghanistan ou maintenir sa présence ? La réponse à cette question dépend moins de la situation en Afghanistan que de la valeur que l'on attache à la relation avec nos partenaires américain et européens. La question est donc essentiellement politique. Dans les capitales européennes, on apprécierait mal que la France donne le signal du départ. Cela milite donc plutôt pour un maintien et un départ concerté avec nos partenaires. En repoussant au 28 janvier sa décision sur l'envoi éventuel de nouvelles troupes, Sarkozy n'est-il pas en train de gagner du temps ? Et pour quoi faire ? Je ne sais pas ce que fera Nicolas Sarkozy. Mais il a raison de ne pas se précipiter puisque nos relations avec nos partenaires sont au centre de la décision qu'il doit prendre. Cela permet de se concerter. Alors que le conflit en Afghanistan s'enlise, la nouvelle stratégie d'Obama n'est-elle pas optimiste ? 4/19 Le conflit s'enlise en effet depuis qu'en 2003, on a tenté d'établir une gouvernance politique et économique sous la houlette de l'Otan qui n'a pas une grande expérience en la matière. Obama pense qu'en augmentant les effectifs, la situation va pouvoir se retourner en un an. C'est peu pour changer la donne. Je ne suis pas sûr que ce pari sera gagné. Mais le fait que le président américain annonce le départ des militaires à partir de 2011, rend plus facile le maintien des troupes européennes car les gouvernements de celles-ci considéreront que cela ne vaut pas la peine de se brouiller avec les États-Unis pour un an, et cela favorisera la concertation entre les partenaires. Les scénarios d'Hervé Morin Le ministre de la Défense, Hervé Morin, a évoqué hier devant l'Assemblée nationale trois «options» pour la France en Afghanistan, dont l'envoi de «moyens militaires supplémentaires» en «fonction des conclusions de la conférence de Londres» prévue le 28 janvier. «C'est seulement à l'issue de cet examen que la France et l'Allemagne décideront de leur participation ou non à un renforcement par des moyens que nous déterminerons ensemble», a déclaré Morin à l'issue d'un débat sans vote sur la situation en Afghanistan. Cette participation, a-t-il précisé, «peut prendre plusieurs formes», un «renforcement de notre aide au développement», une «aide à la formation de la police ou de l'armée» afghanes ou «l'envoi de moyens militaires supplémentaires». La conférence de Londres, initiée par la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni avec le soutien des EtatsUnis, est destinée à faire évoluer les relations entre le nouveau gouvernement afghan et la communauté internationale. Elle doit réunir le gouvernement afghan, les Nations unies, l'Otan et les pays contributeurs. 5/19 VALEURS ACTUELLES Exclusif : le compte rendu de mission d'un colonel français Rapport sur KABOUL Éminent analyste auprès de l'état-major des armées, le colonel Michel GOYA revient d'Afghanistan. Voici son témoignage, en toute liberté. Décoiffant. Esprit libre, le colonel Michel Goya est l'un des plus fins analystes militaires français. Issu du corps des sous-officiers, frotté aux opérations extérieures dans les troupes de marine, docteur en histoire, il est titulaire de la chaire d'action terrestre que vient de créer le Centre de recherche des Écoles de Saint-Cyr Coëtquidan. Responsable de l'étude des nouveaux conflits à l'Irsem (Institut de recherche stratégique de l'École militaire), le nouveau pôle de recherche créé le 6 octobre pour« renforcer une pensée stratégique et de défense novatrice en France », il est l'auteur d'Irak, les armées du chaos (Economica), où il souligne l'importance de la capacité d'adaptation dans une armée moderne, pour « repenser les conditions de l'efficacité militaire occidentale ». Le colonel Goya revient de Kaboul,où il a prononcé des conférences au profit des officiers supérieurs afghans et suivi un stage de contre-insurrection organisé par les Américains. De retour à Paris, il livre ses « impressions de Kaboul » (que va publier la Lettre de l'Irsem) avec cette remarque : « Sur le plan de l'image donnée de leur action en France, beaucoup de Français sur place ont le sentiment d'une opération à bas bruit et à bas coût, sorte de guerre d'Indochine en modèle réduit. » Son analyse est d'une acuité et d'une franchise qui méritent d'être soulignées, au moment où les États-Unis redéfinissent leur stratégie et où la France réorganise son dispositif. La quasi-totalité des Français est maintenant regroupée dans l'est du pays, sous commandement américain, au sein de la force La Fayette. « L'objectif; à effectifs constants, est de rationaliser notre déploiement; d'assurer une meilleure cohésion et unité d'action », explique le général Georgelin. Autre nouveauté :l'envoi de 150 gendarmes pour assurer la formation de la police afghane et l'accompagner sur le terrain. L'analyse de Goya est d'autant plus intéressante que cette nouvelle posture modifie la donne. Quittant Kaboul pour l'Est, une zone d'activité stratégique pour les insurgés, jamais nos soldats (environ 3 000 hommes)n'ont été aussi nombreux en première ligne. Les risques d'affrontements et de pertes sont d'emblée accrus car les talibans restent pugnaces dans ce pays immense (650 000 kilomètres carrés), doté d'un État discrédité, au milieu d'une population (32 millions d'habitants) très attentiste. La réélection contestée du président sortant Hamid Karzaï (déclaré victorieux le 2 novembre après l'annulation du second tour) ne change rien à la donne. « La situation en Afghanistan est sérieuse et difficile », reconnaît l'état- major. « Nous ne sommes pas en Afghanistan pour gagner une guerre de type clausewitzien, répète le général Georgelin. La solution est la conjonction d'actions militaires sur le terrain et d'actions civiles. » Le colonel Goya est d'accord sur ce point. Pessimiste lucide, il dit aussi : « Cette guerre peut être gagnée. » 6/19 Voici des extraits en sept points de son rapport. 1.L'image de la Coalition "La Coalition apparaît comme une immense machine tournant un peu sur elle-même et souvent pour elle-même, en marge de la société afghane. Le quartier général de la Fias (Force internationale d'assistance et de sécurité, 2 000 personnes) et les différentes bases de Kaboul forment un archipel fermé sur l'immense majorité de la population. Les membres de la Coalition se déplacent en véhicules, de base en base, comme de petits corps étrangers, blindés et armés. Pour les Afghans, ces bases constituent des oasis de prospérité dont ils profitent bien peu. 2.La formation des officiers afghans "Même si les Français sont plutôt leaders dans cette formation, les ordres sont donnés par un organisme conjoint Coalition-ministère de la Défense afghan, dominé par les Anglo-Saxons. Le résultat est un empilement de périodes de formation. [.. .1 Les stagiaires sont majoritairement originaires de Kaboul et ne demandent qu'a y rester, quitte à acheter leur poste. Le facteur ethnique est également omniprésent et intervient dans toutes les décisions ou presque. ( J'ai vu des stagiaires pachtouns se plaindre de recevoir des calculatrices plus petites que celles données aux Hazaras.) On se retrouve ainsi avec un décalage important entre le corps des officiers formé à Kaboul et celui qui combat sur le terrain. Et encore, les officiers désertent-ils peu par rapport aux sous-officiers et militaires du rang (3 % contre respectivement 12 et 34 % D. Au total, l'ensemble du système de formation de l'armée afghane apparaît comme une machine à faible rendement alors que la ressource humaine locale, imprégnée de culture guerrière, est de qualité. On ne permet pas aux Afghans de combattre à leur manière, en petites bandes très agressives (comme les rebelles que nous avons en face de nous), tout en ayant du mal à les faire manoeuvrer à l'occidentale." 3. Le "marché de l'emploi guerrier" Les généraux afghans (.../ sont sidérés par le décalage entre les dépenses des coalisés et la faiblesse de la solde des soldats afghans (une mission moyenne, sans tir, d'un chasseur bombardier moderne équivaut presque à la solde mensuelle d'un bataillon afghan), d'autant plus qu'il existe un "marché de l'emploi guerrier. Il suffirait probablement de doubler la solde des militaires afghans (soit un total d'environ 200 à 300 millions de dollars par an, dans une guerre qui en coûte plus d'un milliard par semaine aux seuls contribuables américains) pour, d'une part, diminuer sensiblement le taux de désertion et, d'autre part, attirer les guerriers qui se vendent au plus offrant (pour l'instant les mouvements rebelles). Mais il est vrai que personne ne demande vraiment leur avis aux officiers afghans, comme lorsqu'il a été décidé d'échanger les increvables AK-47 dont ils maîtrisent le fonctionnement dès l'enfance, par des M-16 trop encombrants pour eux," 4. Les bavures américaines " Ma plus grande surprise a concerné les Américains. J'avais constaté à plusieurs reprises, il y a presque vingt ans, la médiocrité tactique de leurs petits échelons d'infanterie mais j'étais persuadé de leurs progrès après des années de combat en Irak et en Afghanistan. Les témoignages de plusieurs officiers insérés dans des opérations américaines tendent à prouver que je me trompais. Au sein d'une culture afghane féodale, guerrière et mystique, cette puissance de feu écrasante [des Américains] est comme un Midas qui transforme en héros ceux qui s'opposent à elle, en martyrs ceux qui en sont victimes et en vengeurs les proches de ces martyrs. Inversement, ceux qui se protègent derrière elle et refusent le combat rapproché apparaissent comme des lâches. Bien évidemment, et malgré les innombrables précautions (qui du coup en réduisent considérablement l'efficacité), cette dépendance au feu conduit à des bavures catastrophiques, d'autant plus facilement exploitées médiatiquement qu'il n'y a pas de contre-propagande. 7/19 La bavure de Kunduz, le 4 septembre dernier, lorsque les Allemands ont demandé aux Américains de détruire deux camions-citernes détournés par les rebelles et offerts par ces derniers à la population, est symptomatique de cette spirale négative, Les officiers afghans ne comprennent pas que les Allemands n'aient pas envoyé une unité terrestre récupérer ces citernes, apparemment si importantes, et qu'ils n'aient pas compris qu'elles seraient entourées de civils. Cette manière de faire la guerre à distance est incontestablement perdante à terme et toute la volonté de la directive McChrystal est d'enrayer cette spirale "vietnamienne", mais il s'agit là d'un combat à mener contre la culture de sa propre armée." 5. La guerre à la française "Les Français ne sont que des acteurs mineurs au sein de cet ensemble complexe, niais ils conservent une bonne image, d'autant plus que leurs résultats sont très bons mais aussi très différents selon les provinces. Si le district de Surobi, là même où dix de nos soldats avaient été tués le 18 août 2008, semble en voie de pacification, la situation dans la province voisine de Kapisa est beaucoup plus difficile. /....J Conscient de l'impossibilité de contrôler toute sa zone avec ses moyens limités, le 3' régiment d'infanterie de marine (RIMa), actuellement sur place, se contente d'une action indirecte et patiente concentrée sur la construction des routes et le repoussement des rebelles qui veulent s'y opposer, sans chercher à les traquer et à les détruire, l'humiliation de la fuite valant parfois mieux qu'une destruction valorisante. En réalité, seuls quelques chefs de bande, surtout s'ils sont étrangers à la zone, méritent vraiment d'être éliminés, mais nous nous refusons à pratiquer le targeting (tout en laissant faire les Américains). Cette approche indirecte du 3' RIMa a fait l'unanimité des officiers afghans à qui je l'ai présentée." 6.Propositions pour l'avenir "Il faut être conscient que cette guerre sera longue et difficile, mais qu'elle est gagnable ne serait-ce que parce que les talibans sont largement détestés. Au niveau stratégique, tous les officiers afghans rencontrés se plaignent de la gestion politique de cette guerre, considérant que l'action militaire comme continuation d'une politique corrompue ne peut qu'être corrompue elle-même. Tous réclament donc une action ferme de la Coalition sur l'administration. Le deuxième pilier de la victoire viendrait selon eux de l'arrêt total du soutien pakistanais aux mouvements rebelles. Ces deux conditions (considérables) réunies, il serait alors, toujours selon eux, facile de soumettre ou rallier les mouvements nationaux." 7.Des "officiers des affaires afghanes" "Plus que par une augmentation des effectifs, le surcroît d'efficacité viendrait surtout d'une meilleure "greffe" de la Coalition dans le milieu afghan. [...1 Les officiers afghans admettraient parfaitement que les bataillons français engagent directement sous contrat des soldats locaux dans leur rang, à la manière des unités "jaunies" d'Indochine. Une unité mixte associant la connaissance du milieu des Afghans et la compétence technique des Français serait un remarquable et peu coûteux multiplicateur d'efficacité au sein de chaque bataillon. Des officiers français suggèrent aussi de créer un petit corps permanent d'officiers des affaires afghanes", dont la connaissance parfaite de la langue et d'un secteur donné faciliterait grande- ment l'action des unités tournantes." Document présenté par frédéric PONS 8/19 AFGHANISTAN, le nouveau Vietnam Après la chute des talibans fin 2001, les Américains et leurs alliés pensaient que le conflit serait rapidement réglé. Erreur tragique. Les forces de la coalition essuient aujourd'hui des pertes sans précédent et aucune issue n'est en vue malgré l'envoi de renforts. Certains comparent même l'Afghanistan à la déroute des Américains au Vietnam. L'élection présidentielle du 20 août prochain peut-elle apporter une solution ? Les Afghans se plaignent de la corruption et de l'insécurité. Or Hamid Karzai, malgré son impopularité, risque d'être reconduit. Une population exténuée et des talibans remontés Les fiascos s'accumulent. Un exemple : la commission nationale indépendante chargée de réintégrer les chefs talibans dans la société afghane. Après sept années d'errements et d'incurie de la part de l'administration Bush, le président Obama n'a guère tardé à ordonner l'envoi de 21 000 soldats supplémentaires en Afghanistan. Le contingent américain dans ce pays se montera bientôt à plus de 68 000 hommes. Le remplacement du général David McKierman par le général Stanley McChrystal au commandement des troupes devrait également améliorer leur force de frappe. Les alliés des Etats-Unis sont, par ailleurs, priés de leur emboîter le pas en participant soit à la formation, soit au financement de la guerre, à défaut d'envoyer des hommes. Tous les alliés sont préoccupés par les récents succès des talibans qui sont parvenus à persuader des milliers de jeunes Afghans de donner leur vie pour lutter contre l'occupation. Les combattants talibans ont repoussé les forces du gouvernement afghan et des alliés sur un large territoire et sont arrivés jusqu'aux portes de Kaboul, installant leur pouvoir et leurs tribunaux islamiques. Leur chef, le mollah Omar, a ironisé sur la situation, offrant sa protection aux forces de l'OTAN qui accepteraient de quitter le pays, ainsi que l'avaient fait les moudjahidin avec l'armée soviétique défaite, il y a vingt ans. Si l'envoi de renforts est nécessaire pour faire pencher la balance en faveur des Etats- Unis et de leurs alliés, cette décision n'aura de conséquence durable qu'à condition d'être accompagnée d'un véritable effort politique pour convaincre une majorité de combattants talibans d'abandonner les armes. En fait, les stratèges américains n'ont pas correctement réfléchi aux moyens de parvenir à la réconciliation. Ils estiment que la solution consiste simplement à appâter la piétaille des talibans du côté américain. La Commission afghane nationale indépendante pour la paix et la réconciliation (plus connue sous le nom de PTS, d'après son acronyme en dari) aurait dû constituer le fer de lance du processus de réconciliation, mais elle s'est révélée inefficace. Lancé en 2005 et placé sous la direction d'un ancien chef du djihad, Sibghatullah Mojaddedi, le programme de la commission affichait des objectifs ambitieux ― la réinsertion des anciens combattants au sein de la société civile ― mais n'a quasiment reçu aucun moyen pour y parvenir. La commission PTS a délivré à d'anciens combattants des certificats leur permettant de prouver qu'ils avaient adhéré au programme et ne pouvaient dès lors être poursuivis en justice. Mais elle n'a jamais eu les moyens nécessaires pour les protéger des talibans ou des manoeuvres de harcèlement du gouvernement. Dans la province de Kandahar, bastion des talibans, l'antenne de la PTS se trouve dans une région cruciale. Pourtant, on dirait une farce. 9/19 Elle est censée fonctionner avec un budget mensuel de 600 dollars [425 euros] pour couvrir ses frais de fonctionnement et financer les aides destinées aux combattants ayant déserté la cause talibane. Ses activités se réduisent à peau de chagrin — distribution de tracts et rares aides au logement — et le bilan de l'agence est catastrophique. Sur les quelque7 000 personnes qui ont reçu un certificat du bureau de Kandahar ces quatre dernières années, moins d'une dizaine étaient des responsables talibans de rang moyen. Les autres n'étaient que de simples soldats ou n'avaient même pas de lien avec les talibans. La commission n'a mis en place aucun suivi automatique des personnes prises en charge. En l'absence de mesures concrètes de la part de la PTS, les anciens combattants talibans qui souhaitaient sincèrement abandonner les armes sont tombés de Charybde en Scylla, victimes tour à tour du harcèlement des forces de sécurité gouvernementales et des insurgés. Une fois le processus de réconciliation replacé au coeur du plan de reconstruction de l'Afghanistan, le gouvernement de Kaboul devra entièrement repenser sa stratégie. Il faudra alors privilégier les accords avec les grands réseaux de l'insurrection plutôt qu'avec les soldats ordinaires. Et il faudra fournir à ces réseaux, grâce au concours des agences nationales et des groupes internationaux, l'aide nécessaire pour assurer leurs besoins économiques et sécuritaires. Parmi toutes les erreurs commises par le gouvernement afghan et les forces alliées de l'OTAN, c'est leur incapacité à assurer la sécurité de la population qui a constitué le principal frein au processus de réconciliation. Les talibans ont ardemment fait monter les en-chères. "C'est incroyable de voir à quel point tout le monde à Kandahar a peur de parler des talibans et du processus de réconciliation", déclarait,en avril, un spécialiste afghan. "Il n'y a aucune stratégie (de la part des autorités] pour lutter contre les activités belliqueuses et hostiles à la réconciliation." De fait, la fragilité du gouvernement Karzai et la progression continue de l'insécurité dans les zones pachtounes de l'est et du sud du pays ont renforcé la position des insurgés. Pour donner une chance au processus de réconciliation, les Afghans ordinaires doivent se sentir en sécurité. La situation sur le terrain doit être stabilisée et les talibans doivent comprendre que leur campagne militaire est vouée à l'échec. Si le gouvernement afghan utilise la carotte de la réconciliation, il doit également pouvoir manier le bâton avec force. D'où l'importance d'envoyer davantage de soldats mais aussi, à long terme, de former des forces de sécurité nationales. Le processus de réconciliation doit apparaître comme partie intégrante d'une stratégie politique et militaire globale contre l'insurrection, à l'image de celle menée récemment par Washington en Irak : il faut persuader les combattants prêts à abandonner la lutte et tuer ou capturer les autres. Cristia Fotini et Michael Semple* • Cristia Fotini enseigne les sciences politiques au Massachusetts Institute of Technology. Michael Semple,spécialiste de l'Afghanistan et du Pakistan, a vécu àKaboul pendant prés de vingt ans en tant que représentant des Nations unies et de l'Union européenne,notamment. Il est l'auteur de Reconciliation ,n Afghanistan [La réconciliation en Afghanistan, à paraitre enseptembre 2009]. Des militaires de différentes nationalités qui s'ignorent. Des soldats qui ne comprennent pas leur mission et vivent dans une tension permanente. Voilà la réalité de la guerre en Afghanistan. El PAIS (extraits) Madrid Penché sur le capot du véhicule blindé, le caporal Wadock, du 7' régiment du train de Sa Majesté, montre de l'index sur un plan de Kaboul le chemin que nous allons suivre depuis l'aéroport jusqu'au quartier général. Les zones dangereuses sont signalées en rouge. Notre itinéraire, en vert. Les axes d'évacuation, en jaune. Les deux soldats qui nous escortent chargent leurs armes et nous montons dans une Toyota banalisée. "I l faut passer inaperçus, ne pas provoquer la population", nous précise-ton. Avant de démarrer,on met en marche l'inhibiteur d'ondes électromagnétiques qui pourrait nous sauver d'un attentat aux explosifs actionnés à distance. Nous démarrons en trombe. Oasis passe à la radio. Bienvenus en Afghanistan. La réalité a tôt fait de nous rattraper : c'est la guerre. Ou du moins cela y ressemble. 10/19 Atterrir à Kaboul à bord d'un avion de transport C-160 de l'armée allemande aura été notre première expérience du conflit. Pendant l'approche, le pilote prend ses précautions dans l'hypothèse où les talibans tireraient un missile contre l'appareil. Il se lance en piqué, effectue plusieurs virages et finit par se poser. Sa manoeuvre a coupé le souffle aux passagers alignés dans de durs fauteuils de parachutistes. Que qu'un avale sa salive. Le nouvel aéroport de Kaboul est le fruit de la reconstruction du pays, financée par la communauté internationale - comme tous les hôpitaux, les écoles, les travaux publics. Sur la piste impeccablement asphaltée, on assiste à un ballet d'hélicoptères et d'avions. Les places de station-nement sont occupées par des blindés français,allemands et britanniques. Quelque 500 soldats américains somnolent à même le sol,accrochés à leurs fusils. Ils rentrent de mission. La chaleur est suffocante. Dans cette marée de treillis blanchis par la poussière, la présence de civils armés, les yeux dissimulés derrière des lunettes noires, détonne. Certains portent des barbes à la manière talibane. Plusieurs ont des keffiehs palestiniens enroulés autour du cou. L'un est coiffé d'un bonnet pachtoune,l'autre porte un ensemble pantalon et chemise traditionnels, la salwar qameez, d'où dépasse une paire de pistolets automatiques. Ces hommes font partie des forces spéciales de l'armée américaine et de la CIA. Il s'agit des commandos qui recherchent Ben Laden. Ils s'embarquent dans des 4 x 4 immatriculés localement et se perdent en direction des montagnes qui dominent Kaboul. Ils n'ont pas à aller très loin. Huit ans après la chute des talibans, en Afghanistan, il meurt un soldat occidental par jour, quatre policiers afghans et au moins huit civils, ces derniers périssant sous les bombardements de l'aviation américaine ou aux mains des "insurgés", terme désignant cette nébuleuse terroriste formée de talibans, de mercenaires d'AI-Qaida, de seigneurs de la guerre, de trafiquants d'héroïne, de droits communs, et même de chômeurs attirés par un salaire de 200 dollars [140 euros] dans un pays où un policier en gagne 70. Cette nébuleuse n'a pas de chef ni de commandement centralisé. Certaines factions se battent pour chasser la coalition du territoire afghan, d'autres pour instaurer la loi islamique. Elles veulent parfois maintenir leur pouvoir féodal, mais la plupart pensent à leurs affaires : opium, contre-bande, corruption. Elles n'ont pas d'objectif commun, mais elles réussissent à enliser ce conflit sans nom. Aux Etats-Unis, on parle déjà du "Vietnamd'Obanza". Selon un général américain, on pourrait s'acheminer vers la création d' "un Etat viable et envisager un retrait honorable d'ici dix ans". La plupart des 62 000 soldats de la Force internationale d'assistance et de sécurité (ISAF)n'auront jamais une conversation avec un autochtone devant une tasse de thé. Des milliers de soldats occidentaux passeront entre six mois et un an cloîtrés dans ce pays sans échanger un seul mot avec les habitants. La méconnaissance est absolue. Il n'y a pas de haine, juste de l'ignorance. Quand enfin nous pénétrons sans escorte dans une ville afghane - après avoir déchargé l'ISAF de toute responsabilité pour ce qui pourrait nous arriver -, l'obsession des militaires en matière de sécurité pèse plus dans notre subconscient que la menace réelle. Mais il ne se passe rien. Les gens vont et viennent,ils ne nous regardent même pas. Ils poursuivent leur chemin. Parfois, un enfant s'approche timidement. A Herat, l'effervescence est constante et nous enveloppe comme un tourbillon de bruits. Le soir venu, les rues se remplissent d'ombres. Un jeune homme nous rassure :"Espagnols ? Ne vous inquiétez pas, nous savons que vous ne tuez pas." J. B. Dutton, général de division britannique, est le deuxième commandant en chef de la coalition. Un vétéran de l'Irak. E fait partie de cette nouvelle génération d'officiers qui se sont formés à la fois lors d'interventions militaires un peu partout dans le monde et dans les think tanks. 54 ans, le même profil que son chef, le général américain Stanley A. McChrys-tal, spécialiste du "côté obscur" de la guerre dont les commandos ont capturé Saddam Hus-sein en 2003. McChrystal a été désigné par Obama pour dénouer l'écheveau afghan. Dut-ton ressemble à l'idée qu'on se fait d'un ancien élève d'Oxford, mâchoire carrée et port aristocratique. Il s'exprime comme un politique."En quoi vous êtesvous trompés en Afghanistan ? 11/19 —Nous avons perdu la bataille de l'information. Les gens ne savent pas ce que nous faisons ici. Nos succès doivent se compter en routes, en hôpitaux et en écoles. Les Afghans vivent mieux que du temps des talibans. Ils sont moins de 10 % à souhaiter leur retour. Ils veulent la liberté. —Quand pourrez-vous dire : 'mission accomplie'?— Quand la nouvelle armée afghane prendra la relève et qu'elle garantira la sécurité. Quand l'Afghanistan sera redevenu un pays sûr où l'on pourra organiser des élections sans avoir peur. — On parle de manque de coordination entre les forces de la coalition... —Il n'y a aucun problème de coordination. Nous travaillons ensemble depuis soixante ans au sein de l'OTAN Notre langue est l'anglais et il existe une procédure comnune pour chaque situation." Notre entretien a lieu sur la terrasse de The Garden, le club d'officiers du quartier général de l'ISAF, à Kaboul. Une fraîche oasis d'aspect colonial, cachée dans cette base militaire immense et inhospitalière où vivent et travaillent 2 000 militaires de 42 pays. Le général Dutton assure que la coordination entre les 42 armées est parfaite - ce que la réalité dément. Dans cette base militaire (comme dans toutes celles que nous avons visitées), chaque nationalité a ses horaires, ses jours fériés, ses habitudes et ne fraye pour ainsi dire pas avec les autres. Dans tous ces camps, on se parle peu et on se sourit encore moins. Chacun fait ce qu'il a à faire. Peut-être est-ce une métaphore de la mission de l'ISAF en Afghanistan. Chaque pays lutte pour une part du gâteau de l'influence internationale. Chacun a sa stratégie et ses intérêts ; ses partenaires et ses influences ; ses contacts et ses cellules de renseignements. Ses propres règles d'affrontement avec l'ennemi. Et même une définition politique de sa mission qui ne coïncide pas toujours avec celle de ses alliés. Un colonel européen affecté au quartier général ne mâche pas ses mots : "Ici, c'est un labyrinthe, et les seuls à avoir l'air de vraiment savoir pourquoi ils sont là, ce sont les Américains et les Anglais. Les Américains sont engagés à mort et ils font venir 21 000 hommes de plus. Ils sont comme les Anglais. Ils sont dans les endroits les plus dangereux. Au sud et à l'est. Là où les autres pays ne veulent pas aller. Les Anglais, nous leur disons :'Méfiez-vous en entrant dans ce village, il y a des insurgés.' ils y vont quand même, ils fouillent les maisons. Et ils perdent un peloton. Ils savent que c'est une guerre. Les Espagnols et les Allemands, c'est tout le contraire : leurs gouvernements leur disent de ne pas s'attirer d'ennuis. Ils ne patrouillent pas la nuit, ne participent ni aux opérations antidrogue ni à la contre-insurrection. Ils ne peuvent utiliser leur sarmes que pour repousser une attaque. Ils disent qu'ils sont ici pour la reconstruction. Ils construisent un pont et, dès le lendemain, il saute. C'est une autre façon de concevoir le conflit." En Afghanistan, deux dispositifs militaires très différents coexistent. Le premier est l'opération Liberté immuable, organisée par les Etats-Unis pour envahir l'Afghanistan après l'attentat contre les Tours jumelles. Forte d'environ 30 000 soldats américains, elle avait pour objectif de venir à bout du terrorisme. En trois mois, Liberté immuable a chassé les talibans du pouvoir. Sans grande difficulté. En 2002,en pleine guerre, la coalition n'avait que 69 tués. L'Afghanistan était théoriquement une affaire classée. A la mi-2002, le président George W. Bush a posé son regard sur l'Irak. Il l'a envahi début 2003, retirant une grande partie de ses troupes d'Afghanistan, ce qui revenait à briser l'élan politique et économique du changement dans ce pays. Bush s'est trompé. Il a crié victoire trop tôt. Pour ses stratèges néo-conservateurs, le moment était venu de passer à la reconstruction. Ses partenaires de l'OTAN seraient chargés de la mener à bien. De l'autre côté du miroir de l'opération Liberté immuable,il y a donc l'ISAF, le dispositif militaire occidental sur le territoire afghan, sous le commandement de l'OTAN, dont le mandat est défini par les résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU. Il dispose de 62 000 soldats venus de 42 pays (la moitié étant américains),répartis en commandements. Nombre d'officiers occidentaux ne savent pas vraiment en quoi consiste leur mission aujourd'hui : se battre ou reconstruire. Sans compter que l'opinion publique les surveille de près :les soldats qui rentrent en cercueil ou les centaines de civils afghans qui meurent sous les bombardements anti-insurgés sont très mal acceptés. Une vraie impasse. Pour le commandant Amoriello, de la brigade italienne Folgore,détachée à Herat, "nous sommes pieds et poings liés. Pour nous, un mort est un problème, et pour les talibans, c'est de la propagande. 12/19 S'il y a 1 00 morts,leur cause ne s'en porte que mieux. Parce qu'ils savent que cela provoque un énorme mécontentement dans leur population. Et aussi dans la nôtre. Pas moins de 90 % des victimes sont des civils et nous devons amener à zéro le nombre de tués, car ils réduisent à néant nos efforts de pacification."Est-ce une guerre ou non ? Si ce n'en est pas une, cela y ressemble. A quatre heures du matin, un contingent de l'armée espagnole quitte Camp Arena, une base située dans les environs de Herat, pour escorter un convoi jusqu'à Qala-e-Naw, à une centaine de kilomètres, où l'Espagne effectue des missions de reconstruction. Il n'y a pas de route. Ce trajet représente quatorze heures de chemins impossibles à travers un no man's land. Et sous la menace d'un attentat. Le convoi ne s'arrète que pour le ravitaillement. Le dernier tronçon du trajet, qui leur fait traverser plusieurs agglomérations, est très éprouvant nerveusement. "Dans cette zone, les insurgés peuvent plus facilement nous attaquer et s'enfuir. Et avec le scrutin présidentiel [du 20 août] qui approche, ça va encore se gâter." Une heure plus tard, quand nous atteignons Camp Arena, un ou deux soldats ont du mal à tenir debout. Mais ils sont en vie. Avec l'élection, on pourra juger du travail accompli en Afghanistan par les 1 300 soldats espagnols et leurs collègues d'autres nationalités. S'il y a un fort taux de participation et qu'elles se déroulent pacifiquement et sans fraude, on aura des raisons d'espérer. DaoudAh Najafi, qui dirige la plus haute autorité du pays en matière électorale, est optimiste. "Par rapport aux élections d' il y a cinq ans, nous avons quatre millions et demi de nouveaux électeurs inscrits, se réjouit-il. Le pays veut voter Il veut du changement : 44 % des inscrits sont des femmes,et 25 % des sièges leur sont réservés. C'est une bonne nouvelle, vous ne trouvez pas ?" Jésus Rodriguez 13/19 Afghanistan : le risque d’une guerre sans fin Jean-Paul Mari Le Nouvel Observateur Après la chute des talibans, en 2001, la communauté internationale a raté le coche de la reconstruction. Et l’Afghanistan, l’une des priorités de Barack Obama en politique étrangère, est aujourd’hui un pays ravagé par la corruption, l’incurie et l’incompétence Il suffit de rouler dans Kaboul un jour de neige et de brouillard pour lire l’histoire de l’Afghanistan, la gloire passée, la malédiction de la guerre, la déchéance, l’espoir démesuré à la chute des talibans et la profonde amertume aujourd’hui. Sur une colline, dans le quartier de Daru Laman, l’ancien palais royal émerge de la brume comme un manoir hanté. Les ruines alentour sont talquées de poudre de givre, la neige sale vole dans l’air, mêlée aux effluves noirs et poisseux des gaz d’échappement, la rue sent le diesel, la crasse et la misère. Ici, pendant des mois, les combattants de Gulbuddin Hekmatyar et de Massoud se sont alliés à coups de roquettes pour tout raser, maison par maison. Les Afghans n’ont jamais oublié l’horreur de cette guerre civile. Du quartier ne reste qu’un immense terrain vague, quelques palissades cache-misère et un bunker jaune, tout crevé d’obus, l’ancien centre culturel russe, qui n’abrite plus qu’une colonie d’héroïnomanes de fumeurs d’opium hagards. Vers le nord, le chemin longe le stade de Kaboul, son aire de jeu où les talibans ont fait interrompre un match de football pour exécuter, face aux tribunes, une femme en burqa bleue, une « prostituée », d’une balle de kalachnikov dans la nuque. Pas de musique, de danse, de photos, de cerfsvolants, pas de cinéma, de chants d’oiseaux, les hommes en noir avaient transformé le monde en catacombe. Wazir Akhbar Khan, au coeur de la ville, est un des seuls quartiers à n’avoir jamais été détruit, juste à côté de Sherpur, autrefois un vaste terrain militaire habité par quelques dizaines de familles modestes. En 2002, peu après la libération, le nouveau ministre de la Défense a fait exproprier les habitants, raser les maisons de bois et distribuer le bien public aux seigneurs de guerre. Certains ont revendu, d’autres ont construit. On roule, les yeux écarquillés, entre d’épaisses villas aux murs bleu électrique, jaunes ou vert pistache, avec terrasses, tourelles, rouleaux de barbelés et postes de garde. Sherpur pue le mauvais goût, l’arrogance et l’argent des nouveaux riches, celui des warlords, des amis du pouvoir, des trafiquants d’opium et de tous les profiteurs de la guerre. Dès la sortie du ghetto, les mendiants sont là, englués dans les embouteillages, femmes en burqa aspergées par les jets de boue noire des 4x4 de luxe, estropiés de guerre posés sur leur béquille comme des hérons malades, gamins crasseux de 8, 10 ans, qui courent entre les voitures, un chiffon à la main, en espérant quelques afghanis. Sept ans ! Voilà sept ans que les talibans sont partis, vaincus. A la libération, les Américains, les Canadiens et les Européens, Français, Britanniques ou Allemands, tout ce que le monde compte de pays raffinés, avaient promis démocratie et développement, électricité, routes et puits d’irrigation, hôpitaux et écoles. Une sorte de grand bond en avant qui allait projeter en quelques années un Afghanistan quasi médiéval vers des lendemains qui allaient chanter. Emporté par son élan, un ambassadeur étranger a même parlé de « plan Marshall » pour ce pays brisé par près de trente ans de guerre ! Un rêve fou. Et les Afghans l’ont cru. Et ce soir, dans le salon d’un appartement du centre de la capitale, je prends des notes à la lampe de poche, en pardessus et bonnet de laine, parce que l’intellectuel que j’interroge n’a pas assez d’argent pour se payer un générateur électrique et alimenter un radiateur et ses ordinateurs. Kaboul n’est fournie en électricité que par tranches de deux heures, deux fois par jour, et les robinets ne distribuent pas d’eau potable. Dehors, l’asphalte des rues commerçantes est crevé de nids-de-poule. Un Afghan sur six est au chômage, un instituteur touche 60 dollars par mois, et un invalide de guerre, 10 dollars. Les pauvres claquent des dents dans l’hiver afghan, incapables d’approvisionner leur famille en thé, huile ou sucre... « La communauté internationale avait promis 25 milliards de dollars, elle en a versé 17. Où est passé cet argent ? », demande Shirshah Youssouf Zaï, historien et analyste économique. Comme toujours, une partie de l’aide - 40% - est repartie dans les pays donateurs, sous forme de contrats à la reconstruction ou de frais de fonctionnement. Le reste ? Le « taux de perte » des crédits alloués au pays est estimé à 85%. En clair, l’argent s’est envolé. Le « plan Marshall » a surtout profité aux spéculateurs, et le boom de la construction, les fonds investis dans les centres commerciaux, les tours d’affaires, les compagnies aériennes privées et les hôtels de luxe servent d’abord à blanchir l’argent sale de l’opium - 60% des revenus de l’Afghanistan. Dans le quartier ravagé de Daru Laman, un homme a planté sa tente dans la boue, face au Parlement afghan. Ramazan Bashardost était ministre du Plan en 2004 avant de claquer la porte du gouvernement. A 43 ans, diplômé en sciences politiques de l’université de Toulouse, le député de l’Assemblée nationale n’a pas de voiture, pas de maison, pas de femme, pas d’enfants et il redistribue l’essentiel de son salaire à la population. 14/19 A Kaboul, il est connu comme un homme simple, intègre et très radical, qui dit non à tout. Et surtout à la corruption des anciens chefs de milice reconvertis en notables politiques. « En 2001, les warlords se cachaient de peur d’être jugés pour crimes de guerre. Aujourd’hui, ils tiennent les postes clés du gouvernement, sont président de l’Assemblée nationale, ministre de la Culture ou haut responsable de l’armée ! » Il dresse la liste des apparatchiks formés par le régime communiste de Najibullah, des professionnels de la guerre, chefs des milices ethniques ou ex-commandants moudjahidin de l’Alliance du Nord, voire d’anciens talibans reconvertis : « Tous nos gouverneurs de province sont des princes rouges ou noirs. » Quatre mille dollars mensuels pour un ministre, 30 000 pour un conseiller du gouvernement, la fonction, grassement payée, est aussi une rente politique qui permet de faire main basse sur l’argent de l’Etat : « Pas un marché public qui ne soit accompagné d’énormes pots-de-vin ! » Quant aux fonctionnaires intègres - il y en a ! -, leur action est limitée par les moyens d’un Etat précaire qui dispose à peine de 800 millions de dollars de recettes propres, l’équivalent du budget du département de la Corrèze. La corruption, maladie endémique ? Bien sûr. Même les talibans en fin de règne s’étaient laissé gagner par le mal. Mais ils avaient réussi à rétablir une certaine sécurité dans le pays, à leur façon, d’une main de fer. Dans « l’Afghanistan libéré », ce n’est plus le cas. Les rues de Kaboul, les routes de campagne, les vallées de l’Oruzgan, de Helmand ou du Wardak, proches de la capitale, plus rien n’est sûr. Shakila Hashimi, 45 ans, femme et députée de la province du Logar, ne se risque plus à aller dans sa circonscription. Pour la rencontrer chez elle, à Kaboul, il faut du temps et pas mal de précautions. Devant sa villa, des hommes armés surveillent la rue et fouillent les rares visiteurs. Il y a deux ans, la parlementaire a commencé à recevoir des appels téléphoniques : « Quitte la politique, sinon tu es une femme morte. » Elle montre la photo de son aînée, 18 ans, superbe jeune femme : « Moi, j’étais dans le jardin avec des visiteurs... » Sa fille portait le pull-over de sa mère, elle est sortie sur le seuil de la maison. Une balle, tirée par un sniper avec un silencieux, lui a traversé la poitrine. Qui ? « Après trente ans de guerre dans ce pays, il y a bien 30 000 hommes armés qui ne supportent pas que les femmes fassent de la politique. » Assassinats, vols, enlèvements politiques ou mafieux, la criminalité a explosé en quelques années. Et puis il y a la guerre. 2008 a été l’année la plus meurtrière depuis la chute des talibans. En un an, le nombre des attaques à la bombe a doublé : 2 000 explosions, voitures piégées, attaques kamikazes et surtout IED, engins explosifs improvisés, enterrés sur la route. Elle a tué un millier de militaires afghans et 296 étrangers, dont 155 Américains et 25 soldats français. Et fait aussi de plus en plus de victimes civiles : 1 500 en 2007, près de 2 000 l’année dernière. Dans sa chasse aux talibans, l’armée américaine a lancé 4 000 raids aériens dans tout le pays et certains se trompent de cible : 620 non-combattants, hommes, femmes, enfants, massacrés par erreur. A chaque bavure sanglante, des villageois en colère crient vengeance et se ruent vers les montagnes rejoindre les insurgés. Au coeur de Kaboul, des attentats spectaculaires contre l’hôtel Serena - 8 morts -, l’ambassade de l’Inde ou le ministère de la Culture ont renforcé le sentiment d’insécurité. Bien sûr, Kaboul n’est ni assiégée ni encerclée par les insurgés. Mais le nombre croissant de victimes, les routes dangereuses ou coupées, les assassinats, les enlèvements et quelques attaques dans la capitale d’un pays investi par quarante nations et 70 000 soldats étrangers donnent l’impression que la rébellion gagne du terrain. Comme si l’armada sophistiquée -hommes, artillerie, tanks, avions de chasse, bombardiers, drones, systèmes d’écoutes, missiles... - envoyée dans ce pays n’était rien d’autre qu’un dispositif d’urgence pour empêcher la chute du régime. Un simple pansement compressif. « Le malheur est que personne n’a de stratégie pour ce pays, dit un diplomate occidental en poste depuis deux ans à Kaboul. L’Afghanistan ressemble à un bateau à la dérive, abandonné en pleine mer, sans vent et sans gouvernail. » Avant même le jour de son investiture comme président des Etats-Unis, Barack Obama a choisi, lui, de renforcer massivement les troupes en Afghanistan. Trente mille soldats de plus sont attendus dans les mois qui viennent. « Plus de soldats, c’est-à-dire plus de combats, de morts et de bavures... », dit l’ingénieur Matiullah Kharouti, chef d’une puissante tribu pachtoune. Costume, chemise et cravate noire, la voix pleine de colère, « l’ingénieur » peut vous parler pendant des heures de la faiblesse du gouvernement de Hamid Karzaï le Pachtoune, du manque de stratégie commune des alliés, des raids aériens destructeurs, des erreurs des Américains, de leur façon de se comporter en force d’occupation. Et de cette obstination à croire que la solution en Afghanistan est forcément militaire : « Il y a 40 millions de Pachtounes ici et au Pakistan... Est-ce qu’ils vont tous les tuer ? » Mais quand on lui demande si la résolution du conflit passe par le retrait des forces étrangères, la réponse est claire : « Surtout pas ! Un retrait aujourd’hui, ce serait le retour vers le chaos de la guerre civile. » Chef pachtoune, analystes politiques, intellectuels afghans ou experts occidentaux à Kaboul... tous répètent la même chose. Le problème de cette guerre n’est pas tant la puissance des talibans que la carence de l’Etat, sa faiblesse, la corruption ou l’incompétence de ses agents, le manque cruel de gouvernance qui laisse sans soins une population démunie. A Jaratu, dans le Wardak, en l’absence d’armée et de police, il a suffi de moins de 20 talibans pour soumettre tout un district peuplé de 10 000 personnes ! 15/19 A l’occasion, les islamistes savent aussi manier la terreur et ils n’ont pas hésité à décapiter, égorger ou pendre 140 « barbes blanches », des sages des villages qui leur résistaient. Même dans les rangs des talibans, les religieux ne dépassent pas 20% des combattants. « Prenez un villageois, pauvre et analphabète, au fin fond d’une montagne de l’Afghanistan, sans route et sans école, un père de famille sans emploi et sans avenir. Qu’un taliban lui offre 200 dollars et il courra faire la guerre contre « l’étranger ». Donnez-lui du travail... et il déposera les armes. » Faire une guerre à outrance aux Afghans insurgés ? Les Britanniques et 120 000 Russes en ont fait l’expérience. La chance est que, sept ans après l’espoir suscité par la chute des talibans et les promesses occidentales, les Afghans ne considèrent pas encore les Américains et les Européens comme des envahisseurs. Déçus, amers, parfois écœurés, oui, mais pas hostiles. Et toujours avides de changer de vie. Après 2001, les Américains, obsédés par l’Irak, les Européens, divisés, et la communauté internationale ont raté le coche d’un début de reconstruction de l’Afghanistan. Les premiers troubles sont apparus en 2005. L’insécurité s’étend. L’élection présidentielle approche. Maintenant il faut faire vite. Sous peine d’une guerre sans fin. 16/19 La Grande-Bretagne doute après la mort de huit soldats en Afghanistan LEMONDE.FR 12.07.09 Comme la France après l'embuscade qui a coûté la vie à dix parachutistes français, le Royaume-Uni s'interroge. La mort de huit soldats britanniques en Afghanistan en l'espace de 24 heures, jeudi et vendredi, continue d'émouvoir l'opinion et les médias. Depuis vendredi, les médias, les analystes militaires et l'opposition britanniques remettent en cause la stratégie du gouvernement et son engagement à équiper correctement les troupes. Les détracteurs du gouvernement travailliste mettent en cause le manque d'effectifs et de matériel, notamment d'hélicoptères ou de camions blindés. "Il est scandaleux que nos forces ne disposent toujours pas des hélicoptères dont elles ont désespérément besoin pour se déplacer dans le Helmand", a affirmé le chef de file des Conservateurs, David Cameron, dans un communiqué. Lors d'un dîner organisé par des parlementaires de l'opposition conservatric, le général Sir Richard Dannatt, chef d'état-major britannique, a demandé un renfort de 2 000 hommes supplémentaires, provoquant la colère de membres de la majorité. Dans une lettre adressée samedi aux parlementaires, le premier ministre Gordon Brown essaie d'éteindre l'incendie, répondant que son gouvernement a dépensé plus d'un milliard de livres (1,16 milliard d'euros) en véhicules blindés ces trois dernières années, et que la capacité en hélicoptère a été presque doublée depuis 2006. Il indique surtout que l'effectif britannique sur le terrain pourrait être augmenté Le contingent britannique en Afghanistan s'élève désormais à 9 000 hommes, depuis l'envoi de 700 soldats supplémentaires en vue de l'élection présidentielle du mois d'août. "S'ils ont besoin de matériel, quelle qu'en soit la nature, pour les soutenir en première ligne, alors bien sûr le gouvernement, via le Trésor, est prêt à les aider", a déclaré le ministre des finances Alistair Darling à la BBC, sans donner d'estimation. Selon The Independent, c'est plutôt à une réduction progressive des effectifs qu'il faut s'attendre, le quotidien évoquant le chiffre de 1 500 hommes. 17/19 Barack Obama explique "sa" guerre en Afghanistan LE MONDE | 28.03.09 Si ce n'était pas "sa" guerre, elle l'est devenue. En dévoilant, vendredi 27 mars, sa stratégie pour l'Afghanistan et le Pakistan, le président américain Barack Obama a repris à son compte l'offensive lancée par George Bush, le 7 octobre 2001, contre les talibans. "Cette cause ne pourrait être plus juste", a-t-il dit. Mais la nouvelle stratégie porte la "marque" Obama : structurée, complexe, très ambitieuse. Trop étroitement associé à l' Irak, le mot "surge", escalade renforcée, ne fait pas partie du vocabulaire. Mais c'est bien de cela qu'il s'agit sur le plan tant militaire que civil et diplomatique. "Barak Obama essaie de le masquer avec un langage modéré, mais il double la mise", a commenté David Brooks, l'éditorialiste conservateur du New York Times. M. Obama appelle la communauté internationale à participer ; de l'ONU à l'OTAN, de l'Arabie saoudite à l'Iran. A une opinion qui, à 51 %, se déclare désormais "opposée à la guerre en Afghanistan", il a réexpliqué les raisons de la présence américaine : "Démanteler et vaincre Al-Qaida au Pakistan et en Afghanistan." Dans des termes que n'aurait pas désavoués son prédécesseur, il a affirmé que les extrémistes continuaient à "préparer activement des attaques" contre le sol américain. "Aux terroristes qui sont contre nous, mon message est le même : nous vous vaincrons." La priorité est donnée à la lutte antiterroriste, ce qui, dans la doctrine Obama, suppose un gros volet d'aide au développement. Pour ne pas effrayer les "minimalistes", il n'est pas question de "nation building", mot que l'envoyé spécial Richard Holbrooke a balayé d'un geste : "L'Afghanistan est une nation depuis de longues années." Mais le détail des projets laisse peu d'ambiguïté. M. Obama souhaite envoyer des centaines de civils (ingénieurs, professeurs, agriculteurs) pour aider au développement du pays. Il compte sur sa secrétaire d'Etat, Hillary Clinton, pour convaincre ses collègues d'en faire autant, mardi 31 mars à la réunion de La Haye sur l'Afghanistan. Pour une conférence sortie de son chapeau "sous l'égide de l'ONU" par le président américain, 65 pays ont répondu présent, se félicitait, vendredi, le général James Jones, conseiller à la sécurité nationale. Sur le plan militaire, les effectifs américains passeront à 60 000 avant l'automne, soit un doublement en neuf mois. Le général David Petraeus, commandant en chef dans la région, a souligné la difficulté : "Nous devons être perçus comme des invités bien élevés, des amis qui viennent aider et pas comme des conquérants." Près de 4 000 soldats (de la 82e division aéroportée) s'ajouteront aux 17 000 annoncés mi-février pour accélérer la formation de l'armée afghane. MAILLON CENTRAL Avec le Pakistan, maillon central de l'instabilité dans la région, Washington est "sur le mode "restart"" (reprise), a indiqué le général Jones. Pas plus qu'à Kaboul les Américains ne veulent se mêler de politique intérieure : la page est tournée sur les video-conférences hebdomadaires entre George Bush et ses fidèles Hamid Karzaï et Pervez Musharraf. Pour convaincre le Congrès de voter une aide de 1,5 milliard de dollars à Islamabad pendant cinq ans, Barak Obama a comparé Al-Qaida à un "cancer qui risque de tuer le Pakistan de l'intérieur". Pour convaincre les Américains que l'argent ne disparaîtrait pas dans le puits sans fond de la corruption, il a promis qu'il ne ferait "pas de chèque en blanc". Le gouvernement pakistanais y étant formellement opposé, les forces étrangères ne pénétreront pas sur le sol pakistanais, a promis Richard Holbrooke. Mais les tirs de missiles par les avions sans pilote continueront sur les zones tribales et M. Obama a eu une formule elliptique signalant qu'il ne s'interdisait pas d'ordonner des frappes si Islamabad n'agissait pas contre les suspects. Une stratégie diplomatique tous azimuts se met en place. Un sommet trilatéral (Etats-Unis, Pakistan, Afghanistan) est prévu en mai, dans la veine de celui tenu en février à Washington, à la surprise quasi générale, après que M. Holbrooke eut réussi à faire asseoir les chefs des services secrets afghan et pakistanais à la même table. Le ministre afghan de l'intérieur, venu plaider pour le renforcement des effectifs des services de sécurité (qu'il a obtenu, avec 4 000 de plus) n'en revenait pas d'avoir été consulté. 18/19 Un groupe de contact devrait enfin être créé. Son ampleur a suscité la perplexité des diplomates étrangers. Outre les alliés de l'OTAN, M. Obama y a convié la Chine, l'Iran, l'Arabie saoudite, la Russie, tous les pays avec lesquels Washington aimerait trouver des bases de discussion, à la faveur de la stabilisation de l'Afghanistan. A part le républicain John McCain, qui a regretté que M. Obama n'ait pas dit aux Américains que le bilan des victimes risquait de s'alourdir, la classe politique a réagi de manière favorable. Les néo-conservateurs se sont déclarés "soulagés" que M. Obama poursuive l'entreprise de son prédécesseur, même s'il n'a pas parlé de démocratie. Certains critiques ont néanmoins fait remarquer que la "guerre" de M. Obama visait Al-Qaida et pas les talibans. Corine Lesnes 19/19