Correction du commentaire de texte : l`excipit de Bel
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Correction du commentaire de texte : l`excipit de Bel
Correction du commentaire de texte : l’excipit de Bel-Ami, Maupassant Amorce et présentation : En cette fin de XIXème, sous la IIIème République, certains romanciers, dont Maupassant (auteurs de nombreux contes, romans ou nouvelles réalistes et/ou fantastiques), mettent en avant la montée du capitalisme et de l’ambition sociale dans leurs œuvres. Le roman naturaliste, dont nous allons analyser l’excipit, narre l’ascension fulgurante d’un homme tout en dénonçant les travers de la société parisienne. Cette fin de roman fait assister le lecteur à une sorte de couronnement du héros, Georges Duroy, devenu Du Roy du Cantel, qui épouse la fille de son patron, Suzanne Walter. Problématique : A travers une scène assez spectaculaire, nous nous demanderons dans quelle mesure celle-ci répond aux attentes de l’incipit. Plan : A cette fin, nous verrons que le romancier crée une sorte de parallèle avec l’incipit pour mieux en renforcer l’apogée de son héros dont le lecteur semble vivre la consécration. Introduction partielle : La mise en perspective des deux extraits montre que le personnage, bien qu’ayant connu une évolution sociale marquante, se retrouve en présence d’éléments qui n’ont cessé de l’accompagner au cours de celle-ci : l’argent, la politique et les femmes. Si le besoin d’argent se faisait cruellement sentir au début du roman, on peut dire que Georges du Roy est enfin parvenu à combler ses désirs et c’est lui qui est admiré, jalousé. Son comportement n’est plus le même : son agressivité première est retombée car il est sûr de lui, fier « Il allait lentement, d’un pas calme, la tête haute ». Il est conforté dans sa position sociale grâce à ce mariage qui attire sur lui l’admiration des gens rassemblés à cette occasion « D’autres personnes se poussaient [pour le voir] » et qui lui assure un avenir confortable « il lui sembla qu’il allait faire un bond du portique de la Madeleine au portique du Palais-Bourbon ». Ces deux lieux, sacré pour la Madeleine, profane pour le Palais-Bourbon, constituent l’axe même du pouvoir, l’église étant celles des « mondains » de l’époque, le Palais matérialisant la puissance politique et préfigurant une carrière brillante qui s’offre à lui. Déjà présente dans l’incipit, la Madeleine semble être donc le point d’accroche ou le but à atteindre déjà pressenti au premier chapitre ; lieu qui vient en somme couronner le parcours de cet homme avide de pouvoir « à genoux à côté de Suzanne ». Bien que n’étant mentionnée qu’à deux reprises, le lecteur perçoit que sa femme, et la femme en général, aura joué un rôle essentiel dans cette ascension. Cherchant déjà des aventures plus « relevées » au début, Bel-Ami paraît comblé sur le plan social avec sa femme et avec sa maîtresse, Mme de Marelle. Il l’a battue, mais elle lui revient humble et presque soumise « la douce pression qui pardonne » ; son triomphe est total. Comble de l’ironie, il songe déjà à tromper Suzanne « il sentit l’appel discret ». Le roman s’ouvre avec la femme et l’argent, et se termine avec la femme et le plaisir « flottait l’image de Mme de Marelle ». Pour notre héros, la femme est source de toutes les satisfactions. Si le roman s’achève sur le mot « lit », ce n’est pas par hasard : son parcours est comme jalonné par des aventures d’alcôve ; c’est un homme totalement dépourvu de grandeur. Transition : à la lumière de ces deux extraits, le lecteur mesure l’ampleur de la progression sociale du héros dont le mariage offre une consécration de l’arriviste triomphant. Nous assistons, effectivement, au triomphe d’un séducteur, imbu de sa personne, qui cependant ne s’attire guère les grâces du narrateur. Du Roy est le personnage central et le point de mire de tous les regards « Le peuple de Paris le contemplait » « les voir passer », de toutes les attentions « compliments » « serrait des mains » ; il est entouré d’une multitude que le narrateur semble présenter comme un personnage collectif (procédé récurrent dans l’écriture réaliste), venu louer le triomphe du héros : nombreux emplois de termes collectifs « défilé », « peuple », « monde » « foule » appuyés par la comparaison « comme un fleuve » qui donne de l’ampleur à cette impression de multitude immense, sans fin. Nous pouvons presque voir dans cette consécration un rappel des cérémonies romaines, à caractère politico-religieux, qui avaient pour but soit de louer un général vainqueur (le triomphe), soit d’immortaliser un empereur (l’apothéose) ; en effet, Georges du Roy a le comportement d’un « roi » : son nom en est un rappel ; le narrateur pose çà et là des éléments symboliques de la royauté « l’éclatant soleil », la réaction de la foule « contemplait » « acclamer », le héros « à genoux » comme pour un sacre, la solennité de l’instant « avait baissé le front » . Ce personnage, malgré l’image qu’il cherche à se donner, reste le « mauvais sujet des romans populaires » de ses débuts. Il est tout entier dans son succès, ignore même sa femme qui n’est qu’un faire-valoir « à côté de Suzanne » « reprit le bras de Suzanne » pour le mettre en évidence, ce mariage n’étant qu’une union d’intérêt ; le point de vue interne adopté traduit ses sentiments : il savoure sa victoire sur tout, sur tous et sur les femmes « Il sentait sur sa peau courir de longs frissons (…) que donnent les immenses bonheurs » ; sa réussite l’obnubile « affolé de joie », la métaphore « La foule coulait devant lui » crée l’impression qu’il est totalement envahi de sa propre réussite ; ce qui nous amène à considérer cet instant comme la parfaite illustration de sa mégalomanie grandissante « Il ne voyait personne. Il ne pensait qu’à lui ». Mais, derrière ce succès phénoménal du héros qui trouve ici son apogée, nous pouvons percevoir le regard ironique que porte le narrateur sur ce dernier. En effet, ce dernier ne partage guère l’enthousiasme de ce peuple sacrifié sur l’autel de l’argent « plein de reconnaissance pour la divinité qui l’avait ainsi favorisé » et de l’arrivisme; car Duroy est un personnage hypocrite qui joue la comédie de l’homme pieux « presque croyant » « presque religieux » : la répétition de l’adverbe montre combien il essaie de se donner des allures ; c’est un pantin qui accomplit des gestes mécaniques « Il serrait des mains, balbutiait (…) saluait (…) répondait » sans aucune réflexion ou originalité « Vous êtes bien aimable ». L’ironie suprême du narrateur est perceptible à travers la rencontre avec Mme de Marelle où domine le champ lexical de la sensualité « les baisers » « les caresses » « goût de ses lèvres », prouvant que Georges du Roy ne songe même plus à sa femme mais à l’adultère « le désir brusque de la reprendre » et à la promesse d’une nouvelle aventure « Leurs yeux (…) pleins d’amour ». Conclusion : le roman se clôt sur une sorte d’ouverture : ce mariage qui consacre la réussite du héros laisse entrevoir une suite ; contrairement à certains auteurs qui font mourir leurs personnages arrivistes (Julien Sorel par exemple chez Stendhal), Maupassant choisit d’ouvrir des perspectives pour mieux dénoncer cette soif insatiable d’aller toujours plus haut.