Télécharger le bulletin en format PDF
Transcription
Télécharger le bulletin en format PDF
BULLETIN Technologie et propriété intellectuelle Août 2010 Les renonciations : à utiliser avec prudence Par : Marek Nitoslawski La Cour d'appel fédérale confirme la décision du tribunal inférieur sur les renonciations en matière de brevets 1 2 Dans une décision unanime rendue le 19 juillet 2010 , la Cour d'appel fédérale a confirmé une décision de la Cour fédérale de 2009 qui a jugé qu'une renonciation ne pouvait être utilisée pour étendre la portée d'un brevet et qu'elle devrait nécessairement découler d'une erreur de bonne foi, d'un accident ou d'une inadvertance dans le mémoire descriptif initial du brevet. La présente affaire porte sur un circuit électronique, plus précisément des octocoupleurs utilisés dans les panneaux de contrôle d'alarmes électroniques pour isoler le circuit des interférences externes ou des surtensions électriques. Les deux brevets en litige prétendaient qu'un certain dispositif constituait une nouveauté dans l'isolation du circuit électronique, mais ces brevets omettaient de préciser la façon dont le dispositif allait être disposé afin d'obtenir le résultat promis dans les brevets. Peu après la délivrance du premier de ces deux brevets, le titulaire du brevet, Paradox, a menacé de poursuivre Tyco (connu alors sous l'appellation de DSC) pour contrefaçon de brevet; DSC a répliqué en contestant la validité du brevet. Le litige semblait tirer à sa fin mais, trois ans plus tard, Paradox a déposé des renonciations contre ses brevets (pour lesquels le délai de demande de redélivrance était expiré) dans une tentative de faire tomber les objections soulevées depuis des années par Tyco. Dans le litige, Paradox soutenait que les renonciations rétrécissaient la portée des revendications de ces brevets, mais en fait les renonciations ajoutaient divers éléments aux réclamations pour décrire la disposition des octocoupleurs de l'invention. Le juge de première instance a jugé que les renonciations étaient invalides, tout comme les brevets sous-jacents, pour divers motifs. Les trois principaux motifs ont été examinés par la Cour d'appel. D'abord, la Cour d'appel fédérale a jugé qu'une renonciation ne pouvait être utilisée pour ajouter aux revendications du brevet des éléments inventifs non revendiqués précédemment. La renonciation a pour but de réduire la portée d'un brevet et non de l'élargir ou de changer le point d'invention divulgué à l'origine dans le mémoire descriptif. Les titulaires de brevets doivent prendre note qu'à l'issue de cette décision ils doivent examiner très étroitement la formulation d'une renonciation au moment de son dépôt à l'égard d'un brevet. La renonciation doit clairement rejeter l'élément déjà revendiqué et ne doit pas chercher à ajouter ou proposer des éléments supplémentaires. Tout en se penchant sur cette question, la Cour d'appel fédérale a formulé plusieurs observations sur la nature de « marché » conclu entre un inventeur et le bureau des brevets afin de sécuriser un brevet : le Tribunal a réitéré que ce marché repose sur la fondation même du droit canadien des brevets. Si un titulaire de brevet souhaite élargir la portée d'une revendication de brevet, la redélivrance constitue la procédure adéquate et exige un examen par le bureau des brevets, parce que le titulaire du brevet demande en effet de rouvrir le marché représenté par le brevet. Le Tribunal a confirmé que les titulaires de brevets ne peuvent essayer de se soustraire à la redélivrance par la procédure très sommaire de la renonciation aux termes de laquelle il n'y a aucun examen par le bureau des brevets. De plus, la Cour d'appel fédérale a confirmé la décision du tribunal inférieur que si une renonciation est contestée dans un litige, il incombe au titulaire de brevet d'établir que la renonciation avait été déposée en raison « d'une erreur, d'un accident ou d'une inadvertance » dans le mémoire descriptif initial. Cette formulation nous provient de l'article 48.1 de la Loi sur les brevets du Canada et vise à s'assurer que le besoin d'une renonciation repose sur des motifs de bonne foi. Le Tribunal a implicitement confirmé que la relation entre les inventeurs et le bureau des brevets doit nécessairement être fondée sur la bonne foi afin que le système de brevets puisse fonctionner adéquatement. Durant le procès, Paradox n'a pas établi à la satisfaction du juge qu'il existait une erreur, un accident ou une inadvertance. La Cour d'appel 1 Hershkovitz c. Tyco Safety Products Canada Ltée, 2010 CAF 190. 2 2009 CF256, 73 C.P.R. (4th) 331. 1 VANCOUVER CALGARY TORONTO OTTAWA MONTRÉAL QUÉBEC LONDRES PARIS JOHANNESBURG BULLETIN Technologie et propriété intellectuelle fédérale a refusé de renverser cette décision et a rejeté la suggestion de Paradox que la norme pour établir une telle erreur, un tel accident ou une telle inadvertance était faible, de sorte que toute preuve était suffisante pour justifier une renonciation. Finalement, la Cour d'appel a confirmé dans des termes sans équivoque que le dépôt d'une renonciation constitue une admission que les revendications initiales du brevet étaient trop larges. Le formulaire que doit remplir un titulaire de brevet au moment de déposer une demande de renonciation en vertu des Règles sur les brevets du Canada renferme une déclaration selon laquelle la revendication initiale était trop large. Paradox a prétendu que cette déclaration constituait une simple formalité et qu'elle ne pouvait être considérée comme un aveu de droit. Encore une fois, la Cour d'appel fédérale a rejeté cette prétention en statuant que le dépôt d'une renonciation auprès du bureau des brevets constituait un « acte public, important et formel » [Traduction] qui lie le titulaire du brevet et qui ne peut être dissous. Les conséquences sont draconiennes : si la renonciation est jugée invalide, le titulaire du brevet ne peut revenir à la revendication initiale puisqu'en cherchant à obtenir la renonciation, le titulaire du brevet a déposé un document officiel dans lequel il admet que la revendication initiale était trop large et par conséquent invalide. La décision de la Cour d'appel s'inscrit dans le cadre d'un nombre croissant de décisions canadiennes sur les renonciations et renferme des lignes directrices essentielles sur l'utilisation à l'avenir des renonciations au Canada. Les titulaires de brevets doivent tirer plusieurs leçons de ce jugement, notamment : 1) Si vous pensez déposer une renonciation, soyez conscient des conséquences : la renonciation sera considérée comme une admission que la revendication renoncée était trop large et donc invalide; 2) Assurez-vous que la revendication ou une partie de celle-ci à laquelle vous cherchez à renoncer était initialement revendiquée à la suite « d'une erreur, d'un accident ou d'une inadvertance » de bonne foi – et soyez prêt à établir la nature de cette erreur, cet accident ou cette inadvertance en cas de contestation devant les tribunaux; 3) Idéalement, les renonciations devraient renoncer aux revendications en entier ou à des parties de celles-ci. En aucun cas, vous ne devez essayer d'ajouter des éléments supplémentaires qui n'avaient pas été précédemment revendiqués; 4) Agissez avec diligence, même si la décision de la Cour d'appel fédérale n'en fait pas mention. Tout manque de ponctualité pourrait suggérer un manque de bonne foi et invalider la renonciation ou, à défaut de quoi, cela pourrait avoir pour effet d'exclure des recours équitables pour contrefaçon du brevet faisant l'objet d'une renonciation. Tyco Safety Prodcuts Canada Limitée était représentée au procès et en appel par Marek Nitoslawski et David Turgeon du bureau de Montréal de Fasken Martineau. Personnes-ressources VANCOUVER TORONTO MONTRÉAL QUÉBEC Bruce Tattrie 604 631 4753 John P. Beardwood 416 868 3490 Julie Desrosiers 514 397 7516 Isabelle Chabot 418 640 2020 [email protected] [email protected] [email protected] [email protected] C. Ian Kyer 416 865 4396 Stéphane Gilker 514 397 7608 LONDRES [email protected] [email protected] Ralph Cox +44 207 917 8622 [email protected] Le présent document est un instrument d'information et de vulgarisation. Son contenu ne saurait en aucune façon être interprété comme un exposé complet du droit ni comme un avis juridique de Fasken Martineau DuMoulin S.E.N.C.R.L., s.r.l. ou de l'un des membres du cabinet sur les points de droit qui y sont discutés. © 2010 Fasken Martineau 2 VANCOUVER CALGARY TORONTO OTTAWA MONTRÉAL QUÉBEC LONDRES PARIS JOHANNESBURG