Mohamed al-Maghout, poète sans étoiles
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Mohamed al-Maghout, poète sans étoiles
poésie Mohamed al-Maghout, poète sans étoiles C’est en 1955, alors qu’il est prisonnier politique, que Mohamed al-Maghout (1934/2006) découvre l’écriture poétique. En tant que militant du Parti nationaliste syrien, il a subi l’isolement et la torture – la mort et la douleur données par l’homme à l’homme. Une violence qui habite toute son écriture. Un seul recueil de Mohamed al-Maghout a été traduit en français : La joie n’est pas mon métier (traduction par Abdellatif Laâbi, éditions Orphée/ La Différence). Un ouvrage épuisé. Une œuvre d’épuisement. Qui est-on quand sa douleur ne procède ni de la maladie, ni de la foudre, ni de l’accident, ni du temps s’étirant qui, par la loi naturelle, accentue la pression de ses mains sur notre gorge à tous et nous édifie dans un immense partage avec les autres, avec les bêtes, comme des êtres de finitude ? Quel homme devient-on quand la douleur est une donnée d’intention d’un autre homme, une intention non pour défendre une valeur – une patrie, un idéal, une lutte contre une oppression – mais pour qu’il n’y ait plus de valeurs, pour les écraser toutes sous la peur ? Alors, on est quelqu’un qui parle ainsi : Je ne veux pas remercier je ne veux pas sourire je ne mourrai pas sans noyer le monde de mes larmes ni donner des coups de pied aux bateaux comme à des cailloux Mohamed al-Maghout ajoute, à l’intention des tortionnaires, ses compatriotes : Ici au milieu du front où des centaines de paroles agonisent je veux le coup de grâce ô mes frères Et à l’intention de Dieu (dont il craint qu’il ne soit analphabète) : Vous les prisonniers en tout lieu envoyez-moi tout ce que vous avez de terreur, de hurlement et d’ennui Je prépare un ‘‘énorme dossier’’ sur la souffrance humaine pour le soumettre à Dieu On voulait ici parler de l’écriture de Mohamed al-Maghout, de son étrange qualité vide, sans soin, sans satisfaction esthétique, comme un vomissement dont on espère qu’après, ça ira mieux… Mais c’est trop difficile. Et puis quels vers citer ? Pourquoi celui-là plutôt que cet autre. Une fois refermé La joie n’est pas mon métier – « eux possèdent les potences / nous, nous avons les cous » –, on a l’impression de n’avoir rien lu et d’en avoir fini avec la lecture. Juste poser ces quelques questions : savons-nous vraiment entendre cette parole désastreuse ? Ne faut-il pas endurer la parole de ceux qui savent à ce point pourquoi on ne peut pas s’aimer et qui le répètent sans cesse parce qu’en fait, et même s’il est compréhensible de vouloir d’avoir « pour métier la joie », y a-t-il quelque chose d’autre qui peut être dit ? Je vais sans étoiles ni barques seul, les yeux stupides Mais je suis triste, mes poèmes se ressemblent maintenant Pas d’étoiles devant moi Vincent Rouillon On trouvera les informations biographiques et bibliographiques des auteurs présentés dans ces pages dans la ‘‘Poéthèque” du site du Printemps des Poètes : www.printempsdespoetes.com La Lettre d’Echanges n°88 - fin mai 2012