Jacques Gauthier: “Je me souviens

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Jacques Gauthier: “Je me souviens
Jean Mouzay : “Je me souviens…”
Jean Mouzay est né en novembre 1930, bercé dans un monde artisanal rural. Il est issu
d’une famille de charron - forgeron – maréchal-ferrant.
Il a choisi de nous parler plus particulièrement de la période passée au centre
d’apprentissage de Pontlevoy alors qu’il avait 13 ans. Il s’agit par là-même d’un moment
particulier de l’histoire de l’abbaye.
En effet le Centre d’Orientation Professionnelle a été créé en 1942 par le Commissariat
Général aux Prisonniers de Guerre dans les locaux de l’Abbaye de Pontlevoy et
fonctionnait en Centre de Jeunesse, organisé pour accueillir les fils de prisonniers de
guerre et quelques enfants locaux. Il a été transformé en 1944 en Centre
d’Apprentissage jusqu’à sa disparition en 1948.
Ce centre accueillait 200 à 220 élèves répartis en 4 groupes correspondants aux 4
dortoirs. Le dortoir des « grands » appelé –Empire- était dans la grande galerie, celui
des « moyens » -Ailes et Marine- au-dessus et celui des « petits » -Chasseurs- , dont
dépendait Jean, dans le retour face au cèdre dans la cour d’entrée. Cuisine et réfectoire
étaient aux 2 niveaux du bâtiment du fond de la cour, longeant la rue de Sibérie
(actuellement rue des anciens combattants d’AFN) avec son retour vers la tour Charles
VII.
Il y avait 8 sections professionnelles : menuiserie, maçonnerie, électricité, ajustage,
tôlerie, forge, mécanique agricole et jardinage. Les premiers temps, l’élève passait
obligatoirement 3 semaines par mois dans chaque atelier pour faciliter son orientation
professionnelle (pré-apprentissage) et recevait ensuite une formation dans l’un des métiers
enseignés au centre. Cette formation alternait partie cours et partie atelier chaque jour
du lundi au samedi. La 4ème semaine était consacrée aux travaux divers que chaque élève
devait obligatoirement accomplir : jardinage et porcherie, forestage en forêt de
Montrichard et travaux à la ferme des Hauts Marchais.
La forêt de Montrichard, ayant servi de stockage d’essence par les Allemands, bombardée
par les Américains, était couverte de bidons et d’arbres éclatés par l’impact des bombes,
qu’il fallait exploiter, procurant ainsi du bois de chauffage pour les poêles en hiver. C’est
ainsi que par roulement, il y avait une équipe en permanence en forêt.
Face à la forêt, la ferme du centre des Hauts Marchais permettait de fournir légumes et
céréales pour la nourriture des élèves ainsi que pour la porcherie. Le lait était également
fourni par le troupeau de la ferme. Ainsi chaque jour, 2 garçons faisaient la navette pour
convoyer les bidons de lait à pied avec une petite remorque.
Le jardinage permettait aussi la récolte de légumes, et en porcherie, les cochons étaient
en quantité importante.
La journée commençait toujours par le réveil au son du clairon comme dans l’armée. Puis
suivait la séance de « dérouillage », forme d’hébertisme (méthode d’éducation physique)
en tenue légère quelle que soit la saison, dans la prairie, les quinconces (tilleuls de
l’abbaye) et le petit bois. Puis venait le moment de la toilette à l’eau froide évidemment,
suivie du petit déjeuner au réfectoire. Pour la petite histoire, les assiettes, les gamelles
en alu cabossées, voire même trouées, étaient empilées au bout des grandes tables, aux
premiers de prendre les moins abîmées ! L’hiver le chocolat au lait gelait dans les
gamelles, car il y avait sûrement plus d’eau que de lait.
Après le petit déjeuner les élèves assistaient au lever des couleurs avec salut au drapeau.
Le mât drapeau était au centre de la cour d’honneur où les élèves étaient rassemblés en 4
groupes, correspondant aux dortoirs, avant la dispersion dans les ateliers et salles de
cours. Certains soirs il y avait répétition chants et théâtre.
Le fonctionnement du centre, et sa discipline, était celui des centres de jeunesse. c’est
ainsi que les élèves avaient une tenue de sortie, bleue marine, avec blouson, pantalon
genre golf avec petites guêtres blanches sur chaussures montantes et le béret
« chasseur », ce qui les amenait à faire le salut militaire lorsqu’ils croisaient directeur,
sous-directeur et moniteurs. ces formalités se sont progressivement estompées vers 1945
quand le centre d’orientation est devenu centre d’apprentissage sous le contrôle de
l’éducation nationale.
Jean a été élève dans la section forge avec Mr Raffart comme moniteur de 1943 à 1945,
la 1ère année comme interne, puis comme externe, rentrant chaque soir chez ses parents à
Thenay.
A la fermeture du centre en 1948, les différentes sections professionnelles ont été
affectées dans différents points du département, comme Romorantin , le Fort Girard et
Vendôme, avec la création des Centres d’Enseignement Professionnel (CEP), devenus depuis
Lycées d’Enseignement Professionnel (LEP).
C’est ainsi que l’abbaye a cessé toute activité pendant de nombreuses années …