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3 pages La délicate rentrée poltique du spectacle vivant LA LETTRE D LETTRE ÉLECTRONIQUE DE LA FNCC La délicate rentrée politique du spectacle vivant Fin juillet, le député des Ardennes (SRCD) Philippe Vuilque adressait une question écrite au ministre de la Culture. Réponse est donnée fin septembre. Cet échange très direct et d’une grande clarté des deux parts fournit un condensé saisissant des prochains enjeux des politiques culturelles concernant le spectacle vivant. Des enjeux d’autant plus délicats que la hausse annoncée du budget de ministère de la Culture (+2,1%) concernera essentiellement les secteurs culturels générateurs de valeur, c’est-à-dire les industries culturelles et le patrimoine. A propos d’une question écrite d’un député de l’opposition et de la réponse du ministère de la Culture QUELQUES ÉLÉMENTS DE CONTEXTE. Le ministère de la Culture a rendu publique une circulaire, datée de fin août, cadrant l’ensemble des cahiers des charges des dix labels et réseaux engageant ses subventions et donc son action sur l’ensemble du territoire. Faisant suite à une volonté commune exprimée lors des Entretiens de Valois, ces textes à caractère administratif apaisent quelques inquiétudes quant à des rumeurs de désengagement de l’Etat sur ce champ très sensible de son intervention mais génèrent aussi une certaine « amertume » car, estime Jean-Marc Bador, président de la FEPS (Fédération des employeurs du spectacle vivant publics et privés), « la circulaire est présentée comme un objet de consensus, alors que ni les syndicats professionnels ni les collectivités ne s’y retrouvent » (cf. la Lettre du Spectacle n°258)… Côté syndicats. Le Syndeac, qui, lui, plaide pour une loi d’orientation et de programmation pour le spectacle vivant, s’est mis en position de “miroir” avec la nouvelle Direction générale de la création artistique (DGCA) du ministère en modifiant ses statuts afin d’être en mesure de fédérer aussi des structures d’arts plastiques, par exemple les FRAC (Fonds régionaux d’art contemporain) ainsi que des structures de spectacle privées. Cette réorganisation, qui le met en meilleure position d’interlocuteur de l’Etat, a également été l’occasion de faire signer à ses adhérents une motion écartant toute collaboration avec le Conseil de la Création artistique … Côté législatif. Le Gouvernement a voté, le 28 septembre, la réforme des collectivités pourtant jugée inapplicable par les présidents des deux chambres parlementaires. Avec 299 voix pour et 242 contre, l’Assemblée nationale adopte un texte que le Sénat avait largement modifié – supprimant notamment les articles 35 à 35 quinquies traitant de la répartition des compétences et régulant la possibilité des cofinancements, un sujet sensible pour les politiques culturelles. Promis à être réexaminé en commission mixte paritaire, l’opposition des deux chambres augure mal d’une possible convergence, laissant ainsi à l’Assemblée le dernier mot sur une loi qui concerne pourtant expressément les représentants nationaux des collectivités territoriales que sont les sénateurs… FNCC La Lettre d’Echanges n°54 - fin septembre 2010 page 1 La délicate rentrée poltique du spectacle vivant Côté collectivités. Sous l’impulsion de la FNCC, dix associations d’élus ont signé à Avignon une Déclaration d’engagement solidaire en faveur de la culture – un geste jugé « historique » par le président de la FEPS –, même si les collectivités ne cachent pas que leurs difficultés financières croissantes risquant de grever l’efficacité de leur engagement… Côté budget de l’Etat. Et ce d’autant plus que le budget 2011 du Gouvernement prévoit la baisse des crédits pour les relations avec les collectivités ainsi le gel de leurs dotations de l’Etat, qui resteront fixes pendant trois ans (– 6% pour une commune sur six, selon Philippe Laurent, vice président de la FNCC et président de la commission finance de l’AMF). Gilles Carrez a déposé, en juin, un rapport d’information au nom de la commission des Finances de l’Assemblée générale. Il note que « avant même que le projet de loi de finances pour 2011 ne soit examiné, près de 1,3 milliard d’euros de marges de manœuvres budgétaires sont préemptés en 2011 par des mesures nouvelles en matière de recettes. Les perspectives budgétaires pour 2011 confirment l’ampleur des économies à réaliser pour permettre le respect de la norme de dépense. » C’est dans cet esprit de rigueur que sera donc examiné en octobre le projet de loi de finances 2011 présenté en Conseil des ministres le 29 septembre, un budget dont François Baroin a déclaré que son « axe majeur » était « la réduction des dépenses » (le Monde du 30/09)… Côté budget du ministère de la Culture. « Alors que la plupart des pays européens ont choisi de tailler, parfois massivement, dans les budgets de la culture, la France a fait un choix différent » a expliqué Frédéric Mitterrand le 29 septembre. Car le président de la République considère que « l’offre culturelle est un élément déterminant de notre attractivité et de notre développement économique. » D’où la progression de 2,1% du budget du ministère. Mais cette approche économique a une conséquence : ce sont les secteurs des page 2 industries culturelles ainsi que le patrimoine (dont les musées - cf. la Lettre d’Echanges n°53) qui bénéficieront le plus de la hausse. Le spectacle vivant, lui, verra ses crédits seulement « préservés ». Côté public, enfin, le contexte ne porte pas à l’optimisme non plus. Selon Les Chiffres de la diffusion 2009, publiés par le Centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV), la progression globale des publics est de + 21% par rapport à 2008. Mais elle bénéficie massivement aux grosses productions. En revanche les spectacles moins ‘‘grand public’’ voient leur fréquentation faiblir (– 4%). Cet écart croissant entre la bonne santé des “gros” et la plus en plus grande fragilité des “petits” est l’exact miroir de ce qui se passe pour le cinéma (cf. La Lettre d’Echanges n°38). Analyse du président et du directeur du CNV : il s’agit donc d’une « hausse en trompe l’œil » ; plus encore, si les grosses productions voient leurs recettes progresser de 42%, celles des petites baissent (– 1%), ce qui « confirme une tendance à la concentration : c’est tout l’écosystème du spectacle vivant qui s’en trouve menacé ». QUESTION ET RÉPONSE ÉCRITES. Le député Philippe Vuilque pose trois questions en une. La RGPP. « Le processus de révision générale des politiques publiques engagé en 2009 se traduit par la réduction drastique du service public de la culture et le rétrécissement de l’administration culturelle. La restructuration du ministère de la Culture repose sur le désengagement financier de l’État, au niveau central comme au niveau régional, et sur la réduction des effectifs de la fonction publique. » Cette allusion à la RGPP est d’autant plus d’actualité qu’une nouvelle vague de mesures, au nombre de 150, est décidée pour 2011/2013 et qu’est prévue la suppression de 31 638 postes dans la fonction publique d’Etat, en équivalent temps-pleins (en 2010, 33 749 postes n’ont pas été remplacés). Cela étant, il semble que le ministère de la La Lettre d’Echanges n°54 - fin septembre 2010 FNCC Culture moins concerné que d’autres par d’autres suppressions de poste, l’effort le plus grand étant demandé à l’Education nationale, à la Défense et au Budget. La réponse du ministère met en avant le fait que la RGPP « a eu pour enjeu de conduire, dans le domaine des missions de l’État, des réformes essentielles afin d’améliorer l’efficacité de l’État dans ses différents champs d’intervention. Pour le ministère de la culture et de la communication, la RGPP a visé précisément à en refonder l’action en prenant mieux en compte les attentes des publics, des artistes et des professionnels. Le ministère a ainsi été réorganisé autour d’un secrétariat général et de trois directions générales afin de recentrer les services centraux sur leurs missions prospectives de pilotage et de stratégie au service des patrimoines, de la création et de la diffusion. » Est également souligné l’acquis du maintien des 29 DRAC au sein des huit directions régionales placées auprès du préfet de région, ce qui confirme « le poids de la culture dans la politique menée par le Gouvernement ». Enfin, « en matière budgétaire, les crédits du ministère ont augmenté de 6 % entre 2007 et 2010. La politique culturelle nationale, qu’elle concerne la création, le patrimoine ou la transmission des savoirs, reste donc un axe d’action très important pour le Président de la République lui-même ». Le Conseil de la Création. Deuxième inquiétude du député : « L’installation en février 2009 d’un Conseil pour la création artistique court-circuite l’action du ministère de la Culture et absorbe une partie non négligeable de son budget. Cet organe, placé sous l’égide de l’Élysée, cherche à promouvoir une vitrine culturelle française qui relève avant tout de l’opération de communication et néglige le maillage artistique et culturel du territoire. » Réponse : le conseil de la création artistique a formulé en septembre 2009 dix propositions tendant à développer la création française et à la diffuser le plus large- ment possible. « Loin d’être en concurrence avec le ministère de la Culture, le Conseil de la création artistique est avant tout un allié dans la volonté du Gouvernement de rendre la culture accessible à tous. » La réforme des collectivités. La troisième remarque de Philippe Vuilque porte sur la persective d’encadrement des cofinancements contenue dans la réforme de collectivités territoriales. « Pour subsister, les établissements culturels devront se tourner de plus en plus vers la recherche de ressources propres ce qui conduira à terme à une marchandisation de la culture. Les petites structures, quant à elles, seront pour beaucoup condamnées à disparaître, ce qui endommagera irrémédiablement la création et l’éducation artistique tout en détruisant les emplois du secteur, alors même que chacun s’accorde à reconnaître l’importance pour l’avenir de l’économie créative. » Sur ce sujet, le ministère note qu’il est à l’origine d’un amendement excluant la culture, le sport et le tourisme de la répartition des compétences. « Le Gouvernement est particulièrement attaché à préserver la clause générale de compétence des collectivités territoriales dans le domaine culturel qui permet d’assurer un réel maillage du territoire en matière de soutien à la culture et de diffusion culturelle grâce à l’action conjointe de l’État et des collectivités territoriales. Le Sénat est revenu en juillet sur la rédaction de l’article 35. L’Assemblée nationale devra de nouveau se prononcer sur ce sujet à la rentrée. Le ministère de la Culture restera vigilant pour que le nouveau paysage institutionnel prenne bien en compte la spécificité culturelle. » Aujourd’hui, la réforme est votée avec l’exception culturelle ainsi qu’avec de nombreux aménagements pour préserver la possibilité des cofinancements (cf. la Lettre d’Echanges n°53), même si la complexité de ces dispositifs peut faire craindre des difficultés d’applications. La “vigilance” du ministère, tout comme celle des élus, restent donc nécessaire. Vincent Rouillon FNCC La Lettre d’Echanges n°54 - fin septembre 2010 page 3