L`ÉTHIQUE ET LA SÉCURITÉ OCCUPENT L`ÉCRAN
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L`ÉTHIQUE ET LA SÉCURITÉ OCCUPENT L`ÉCRAN
DOSSIER 21 BOURSES DE FRET L’ÉTHIQUE ET LA SÉCURITÉ OCCUPENT L’ÉCRAN AU SOMMAIRE z SÉCURISATION DES ÉCHANGES ET TRANSACTIONS TELEROUTE SE DISTINGUE DE TIMOCOM . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 22 z EUROPE DU SUD WTRANSNET JOUE LA CARTE ÉTHIQUE .................... P. 24 z ÉDOUARD SAKAKINI, DG DE NOLIS « LE CRITÈRE DE PRIX ESSENTIEL » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 27 z AVIS ET COMMENTAIRES « ELLES DEVRAIENT AMÉLIORER LA SÉCURISATION » . . . . P. 28 z JEAN-CLAUDE PLÀ, PRÉSIDENT DU GROUPEMENT ASTRE « NOUS SOMMES POUR LA LIBRE CONCURRENCE » . . . . . P. 30 RÉALISÉ PAR LA RÉDACTION DE L’OFFICIEL DES TRANSPORTEURS Le déséquilibre des flux « nord/sud » et la hantise des retours à vide poussent les entreprises à se « brancher » sur les bourses de fret. Dans le même temps, elles permettent à des « remettants » de trouver des camions à vil prix. Choquant ? En ces temps de crise (chute des tarifs au kilomètre, risque d’impayés, affrètement en cascade…), certaines façons de faire affaire sur les places de marché électroniques sont critiquées. Les opérateurs en compétition (Teleroute, Nolis, TimoCom, BDF, WTransnet) se retrouvent dans l’obligation de sécuriser les transactions, les flux et... de favoriser une plus grande déontologie. Une nouvelle course est engagée. L’Officiel des Transporteurs – N° 2526 du 20 novembre 2009 DOSSIER BOURSE DE FRET BOURSE DE FRET DOSSIER 23 z SÉCURISATION DES ÉCHANGES ET DES TRANSACTIONS TELEROUTE SE DISTINGUE DE TIMOCOM Moutons noirs, intrusions malveillantes, risques d’impayés : la sécurité des bourses de fret qui vise les données échangées, les transactions, les paiements ou le profil des utilisateurs est devenue cruciale. Teleroute et TimoCom donnent des garanties. Pour mieux afficher leurs différences… Alain Vernadat, Dg de Teleroute. « LA SÉCURITÉ EST DEVENUE ESSENTIELLE. NOUS VOULONS GARDER UNE LONGUEUR D’AVANCE » de BDF à hauteur de 20% de plusieurs transporteurs, dont Vincent Leprince, patron de Normandie Logistique (76), n’est pas anodine (voir p. 26). La prise de participation va donner accès à des informations sur le fonctionnement de l’intérieur d’une bourse de fret, ses rouages, ses comptes... peut s’y échanger du fret volé, entrer en contact avec un interlocuteur indésirable ou « fantôme », donner à son insu des informations à autrui… De ce point de vue, il convient de sécuriser sans que cela devienne pour l’utilisateur une usine à gaz. Ce n’est pas par hasard que Teleroute et TimoCom ont accès leurs communications sur le thème de la sécurité de leur plateforme. • Les prix d’utilisation : déposes gratuites ou payantes, tarifs forfaitaires ou à la consultation, niveau d’équipement nécessaire, temps de formation nécessaire… Sur ce sujet, la plupart des transporteurs sont regardants, voire critiques devant certaines factures (voir témoignages p. 28 et 30). LES ASSURANCES DE TELEROUTE Leader historique du marché en France, créée en 1985, Teleroute entend le rester encore longtemps dans l’Hexagone et en dehors. Dans ce but, la bourse de fret proposera fin novembre un nouvel outil, exclusif, le Safe Market Place (SMP). Il CE QUI FAIT LA DIFFÉRENCE doit garantir à 100 % la sécurité des Sur quels critères les bourses de fret échanges et des transactions. Avec concurrentes peuvent-elles se dis70 000 abonnés et 200 000 offres de fret par jour, le n°1 en France, avec tinguer ? On peut en compter trois. ses partenaires Atos Worldline et • La surface d’affaires et les volumes Atradius, veut border les flux d’inde fret qui se comptent en nomformations, les contacts et l’intense bre de déposes et d’enlèvements et le temps d’apérage (en secon- Christian Leleu, patron des commerce généré au quotidien. des ou en minutes) entre les deux Transports éponymes (60) « La sécurité est devenue essentielle opérations. « Il est de 35 à 40 se- et président du réseau pour nos clients. Nous voulons dans condes en ce moment », note Alain Evolutrans. ce domaine garder une longueur d’avance », assure Alain Vernadat, Vernadat, Dg de Teleroute. Sur le directeur général Europe. La sécette bourse de fret, incontournable en France, les grands compcurité renforcée vise trois domaines. tes représentent 75 % de la dépose. Les données d’abord (qui concerTeleroute revendique une augnent les enregistrements, les mentation de 30 % des consultants connexions, les identifications, les actifs sur l’axe France-Allemagne. paiements en ligne…) qui doivent • La sécurité des données et des être protégées de tout type de corpaiements. La bourse de fret, sans ruption ou d’intrusion de tiers. Des contrôle ni vérification, peut deprocédés de cryptage, de protection venir une « zone à risques ». On avec log-in… visent à sécuriser les L’Officiel des Transporteurs – N° 2526 du 20 novembre 2009 transactions et garantir la traçabilité. Les partenaires, ensuite, dont il est utile de contrôler la fiabilité et le sérieux sur la base d’informations disponibles… Un Code de bonne conduite est mis en place. Le process doit éloigner les utilisateurs indésirables et de permettre au « remettant » de choisir celui à qui il confie son fret et de connaître le délai de paiement dès la dépose de l’offre. Il y a enfin le recouvrement des créances, toujours sensible. Un service de médiation est proposé pour recouvrer un impayé qui, dans 65 % des cas, s’avère efficace et règle le problème de paiement. « Mais cela reste l’exception et le plus souvent pour des petits volumes », précise Alain Vernadat. INTERFACES ET TMS Pour valider la sécurisation des échanges, un nouveau dispositif baptisé e-confirm a pour vocation de tracer toute transaction, de la « personnaliser » et de la stocker en mémoire. De plus, Teleroute lancera au début 2010 le service SmartLink qui n’est autre qu’un tableau de bord avec de nombreux outils graphiques qui permettent de réaliser des interfaces avec des TMS de chargeurs et grands comptes et d’éliminer, par exemple, les doubles saisies. « On supprime ainsi les interfaces aveugles. Avec cet outil, on crée de la valeur sur le poste de travail », assure Alain Vernadat. Teleroute avance sur le chemin des nouvelles technologies. Ce qui explique que la dépose sur minitel ne sera plus possible à partir du 2è trimestre 2010. LA « TRANSPARENCE » SELON TIMOCOM Grande rivale de Teleroute à l’échelon européen, la bourse de fret allemande TimoCom a fait son grand retour dans l’Hexagone en 2008, après avoir un temps abandonner le terrain. Pour sa promotion, TimoCom aime à rappeler sa couverture : 75000 utilisateurs et 230 000 offres dans la bourse de fret et de camions, effective dans 44 pays, (et en 24 langues!). La bourse de fret compte 270 employés et revendique un chiffre d’affaires de 39 M€ en 2008. Pour gagner des parts de marché, elle a construit sa feuille de route sur deux principes : la qualité et le prix. « Comme la plupart de nos confrères, nous vérifions l’identité, la fiabilité et l’historique financier de nos nouveaux clients afin de garantir une collaboration entre nos clients, les transporteurs, à un ni- « LES “MOUTONS veau professionnel et digne de NOIRS” QUI confiance. Mais, en plus, notre système de téléchargement évite l’ac- COTENT DES PRIX cès à la bourse avec un mot de passe TROP BAS et des codes d’accès, trop faciles à décoder », assure concrètement SERONT ISOLÉS Werner Schneider, représentant de AUX YEUX TimoCom pour la France. Le téléchargement nous permet égale- DU CHARGEUR » ment de vérifier l’environnement (WERNER digital du nouveau client : pas de SCHNEIDER) chance de se faire passer pour les Tps. X à partir de chez soi. « Nous voulons être la bourse la plus sûre », confirme M. Schneider. AU CHARGEUR DE PAYER La maîtrise des coûts est l’autre leitmotiv de TimoCom. « Une seule formule : le forfait », précise M. Schneider. Le but de TimoCom est de mettre le transporteur français en position de profiter du niveau de prix européen pour la même prestation de service. « La qualité n’est pas forcément chère. TimoCom rajoute à son offre existante (bourse, profils, eMap) une nouvelle fonction sans augmenter le prix ». Aux clients de le vérifier dans les faits ! TimoCom revendique l’approche suivante : la bourse de fret électronique ayant structuré le marché spot (rendu beaucoup plus efficace par rapport au cahier d’adresses de l’affréteur), il s’agit de faire de même avec le marché contractuel. Dans le viseur : le coût de l’appel d’offres. « C’est une aberration que le transporteur soit obligé de payer l’appel d’offres du chargeur. Chez TimoCom et son nouveau produit TC e-Bid c’est le chargeur qui paye. Cela fait déjà réfléchir les chargeurs qui lancent des appels d’offres juste pour voir et jauger », souligne le représentant de TimoCom. Le nouvel outil a été présenté lors du dernier Top Transport, à Marseille, en septembre. Le raisonnement est le suivant : la participation gratuite des © Visavu L e marché de la bourse de fret est plus ouvert à la concurrence qu’on ne le croit : cinq opérateurs (Teleroute, Nolis, TimoCom, BDF Web et WTransnet) sont en course, revendiquant leadership européen (Teleroute et TimoCom) ou conquêtes commerciales. La situation n’est pas pour déplaire aux entreprises de transport, transitaires, affréteurs et commissionnaires, très scrupuleux sur la place donnée à la concurrence. Elle est le gage de pression sur les tarifs. « Nous sommes tous en difficulté sur nos chiffres d’affaires. Il est difficile de voir nos coûts de recherche augmenter », soulignait, en substance, cet été, Christian Leleu, patron des Transports éponymes (60) et président du réseau Evolutrans. Dilemme ? Pour certains opérateurs de transport routier, la bourse de fret est un outil d’exploitation indispensable et d’un coût accepté ; pour d’autres, elle est un mal nécessaire pour combler les trous ou éviter les trajets à vides, avec des factures à hauteur variable. Dans ces temps de crise, le coût d’utilisation des bourses de fret est dans le collimateur. Bien des transporteurs, grands « consommateurs » de bourse de fret (et parfois souscripteurs à plusieurs abonnements, ce qui n’arrange rien !), cherchent à minimiser la facture. C’est sur ce principe qu’en juin, cinq groupements (Astre, Evolutrans, FLO, France Benne et FrancePlateaux), revendiquant entre deux et trois millions d’opérations par an, ont fait connaître leurs discussions pour organiser un appel d’offres (L’OT 2510). A ce jour, le projet demeure et les tractations continuent, comme cela a été annoncé lors du dernier congrès Astre, à Vienne. La démarche inédite marque la volonté d’accéder à de nouvelles conditions commerciales et d’exploitation. Mais pas seulement. Faisant suite à la sortie de TLF, l’entrée au capital © D. Delion 22 Werner Schneider, représentant TimoCom France. transporteurs à l’appel d’offres augmente le nombre des participants. TimoCom veut tout simplement limiter les excès des appels d’offres. « Si la grande majorité des transporteurs se comporte comme des bons gestionnaires, les « moutons noirs », qui cotent des prix trop bas et irréalistes, seront isolés aux yeux du chargeur », note M. Schneider pour qui TC e-Bid n’est pas une « vente aux enchères », car c’est seulement au terme de l’appel d’offres que le chargeur obtient les prix et le transporteur son placement. Une façon pour TimoCom de militer pour la transparence. « Les appels d’offres sont devenus monnaie courante dans la vie du transporteur, voire il les utilise lui-même pour son approvisionnement. En favorisant la transparence, on peut s’opposer à une tendance qui se sert du marché « spot » pour la vente et revente de commandes d’un transporteur à l’autre. » l B. B. L’Officiel des Transporteurs – N° 2528 du 20 novembre 2009 DOSSIER BOURSE DE FRET z EUROPE DU SUD WTRANSNET JOUE LA CARTE ÉTHIQUE Tout en confortant son leadership en Espagne et au Portugal, l’opérateur catalan ambitionne de progresser en France en 2010. Son offre qui conjugue éthique et sécurisation des flux peut-elle concurrencer BDFWeb ? F ace aux deux poids lourds de la bourse de fret en Europe (Timocom et Teleroute), l’opérateur espagnol Wtransnet confirme son leadership dans la péninsule ibérique. Depuis sa création en 1996, la filiale de Wotrant Technologies implantée à Terrassa (Catalogne) décline une offre qualitative. Son actualité récente est la création de Wtransnet Brésil fin 2008 et Wtransnet France en janvier 2009. « Le point fort c’est la prise de contact avec les acteurs du marché français », observe Grégory Joubert, responsable grands comptes. Les retombées commerciales seront visibles dès 2010. Fait marquant, en dépit de la crise, l’opérateur catalan a dépassé ses objectifs de renouvellement de contrat. « Notre taux de reconduction est même supérieur à 90 % », se félicite Gaëlle Geffard, responsable Télédépose. Le taux d’adhésion mensuel moyen est de l’ordre de 180 nouveaux clients. Sur les dix premiers mois de l’année, Wtransnet a intégré 1770 nouvelles entreprises. Au total, la bourse espagnole revendique 8362 entreprises clientes. Elle a déjà signé un contrat avec cinq groupes français et poursuit les pourparlers avec 13 groupes de transport et logistique. « Les transporteurs et affréteurs n’achètent pas seulement une bourse de fret », martèle la directrice commerciale, Anna Esteve. Ils utilisent nos services connexes pour générer du chiffre d’affaires. » L’opérateur propose la bourse de fret et de véhicules, la bourse de trajets réguliers pour les artisans-transporteurs et la bourse de stockage pour les logisticiens (recherche de mètres L’équipe commerciale de WTRANSNET : de gauche à droite, Gaëlle Geffard, Grégory Joubert, Anna Esteve (directrice commerciale et Sylviane Clavé) © L. G. 24 LE COMITÉ D’AUDIT OU L’ÉTHIQUE DES ABONNÉS Les entreprises de Wtransnet doivent répondre également à des exigences de légalité, de sérieux et de solvabilité pour être acceptées comme adhérentes et pour assurer leur pérennité dans la Bourse. C’est toute la philosophie du comité d’audit des abonnés qui veille au bon usage et comportement des abonnés. Cette instance a été créée lorsque Wtransnet comptait 7000 adhérents. Au 20 novembre 2009, la bourse de fret espagnole affiche près de 8362 entreprises clientes. La veille juridique et éthique est d’autant plus nécessaire. Il existe sept motifs qui vont déclencher la rédaction d’un rapport d’abus. Autrement dit enclencher le processus de vote d’un transporteur ou af- carrés disponibles). En 2009, le forfait annuel pour l’accès à tous les services oscille entre 746,25 € et 1087,81€ selon la taille de l’entreprise. Moyennant majoration, des forfaits trimestriels et mensuels sont prévus. OUTILS DE SÉCURITÉ « Notre force, c’est d’être attentifs aux risques d’impayés et d’intervenir dès les premières alertes de L’Officiel des Transporteurs – N° 2526 du 20 novembre 2009 fréteur qui votera pour qu’un adhérent passe devant le Comité d’audit des abonnés : revente de fret, prix abusif, non respect des délais de paiement, non mise en oeuvre de contrat de transport ; non-respect des normes d’éthique ; offre inexistante ; soupçon d’une reprise d’une entreprise conflictuelle. En 2009, Wtransnet surveille la sous-traitance en cascade et durcit le filtrage des transporteurs pour prévenir le vol de fret. « Le vol de marchandises sur les bourses de fret est fréquent en Europe de l’Est et en Italie, affirme Grégory Joubert. C’est la raison pour laquelle, nous exigeons au minimum trois références clients. » retard de paiement », souligne Grégory Joubert. En fait, la sécurisation des flux et la prévention des risques d’insolvabilité fait partie de la culture d’entreprise de Wtransnet. L’opérateur a même instauré un comité d’audit des abonnés, lequel surveille le comportement des transporteurs (voir encadré). Cette politique vise à analyser les conduites irrégulières et à prendre des sanctions temporaires ou définitives. Sur un total de 1040 sociétés qui ont quitté Wtransnet en 2009, l’opérateur en a expulsé 160 au motif qu’elles n’acquittaient pas leurs factures ou que leur documentation professionnelle n’était pas en règle. En outre, il a refusé 1988 transporteurs qui n’étaient pas solvables, soit un manque à gagner pour la bourse de l’ordre de 2,3 M €. DOSSIER BOURSE DE FRET « En tendance, nous contrôlons aujourd’hui la sous-traitance en cascade, explique Anna Esteve. Ces comportements sont le fait de transporteurs qui récupèrent par exemple du fret sur Teleroute ou Nolis afin de le déposer sur Wtransnet. Une telle politique porte préjudice à l’ensemble de la profession ». « Par ailleurs, le prix final est tellement low cost que nous sommes amenés à sanctionner l’entreprise dans le cadre d’un rapport d’abus », rappelle Sylviane Clavé, responsable animation clientèle. Enfin, l’opérateur s’emploie à réduire les délais de paiement, lesquels oscillent en Espagne entre 60 et che, les entreprises s’engagent à payer à 30 à 45 jours maximum », conclut Anna Esteve. BDF WEB L’OPÉRATEUR ATYPIQUE Parce que la bourse de fret est une opération de régulation pour éviter les retours à vide notamment- elle reste une variable d’ajustement. En même temps, les transporteurs ont intérêt à nouer des relations commerciales saines et durables avec des affréteurs. « Par définition, une bourse de fret est un système de transport intelligent (STI) », note Éric Louette, chargé de mission pour le fret et la logistique à la « GRÂCE À CETTE LISTE BLANCHE, LES ENTREPRISES S’ENGAGENT À PAYER À 30 À 45 JOURS MAXIMUM » 90 jours. Wtransnet a mis en place un outil baptisé « liste blanche » afin de distinguer, les entreprises qui se sont engagées à payer en respectant des conditions de paiement plus favorables que celles habituellement pratiquées dans le secteur du TRM. « Grâce à cette liste blan- DGITM (Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer). C’est la raison pour laquelle les opérateurs ont tout intérêt à développer une stratégie de relation client pour comprendre les attentes des transporteurs. Dans l’économie des bourses de fret, le cas de BOURSE DE FRET BDFWeb demeure atypique. Lancé sur le site bdfweb.com en 2006, c’est à ce jour l’unique opérateur dont une organisation soit encore actionnaire. « TLF détient 3 % de notre capital mais souhaite progressivement se retirer, annonce Benoît Aujay, président de l’entreprise cavaillonnaise. La nouveauté, c’est que la profession des transporteurs et des logisticiens est aujourd’hui actionnaire à hauteur de 20 %. » Difficile de dire si cette nouvelle donne va bousculer le paysage des bourses de fret en France. La politique commerciale implique que les donneurs de fret paient la dépose. En revanche, ceux qui consultent ne paient pas. « Ce n’est pas BDFWeb qui a fait la démarche d’approche mais les transporteurs qui sont venus nous trouver », précise le responsable. 2009 est une année de repositionnement afin de mettre en place la stratégie pour l’année prochaine. L’opérateur a lancé un service baptisé Route privée, avec un abonnement qui concerne aujourd’hui près de 8000 sous-traitants TPE/PME. En raison de la crise, le volume des offres sur le marché « spot » est plus atone mais les offres trouvent preneur sur le bourse générale et Route Privée. A la fin de l’année, l’opérateur estime que 10 000 entreprises seront inscrites sur cette dernière. BDFWeb joue sur une visibilité à court terme. « Nous renseignons les annuaires de sous-traitants et nous faisons de la qualification de fichiers » précise Benoît Aujay. En clair, l’affréteur veut savoir qui est intéressé par l’offre de fret avant même de la « pousser » vers la communauté de sous-traitants. Enfin, le dirigeant salue la qualité de l’offre du leader Wtransnet en Espagne et au Portugal et ne parle pas de concurrence frontale. En effet, depuis janvier 2007, un partenariat a été mis en place avec le réseau Freight In (1), lequel regroupe neuf bourses de fret. Malgré la crise, ce réseau revendique un accès qui varie entre 80 000 et 100 000 offres en Europe. l LOUIS GUARINO. (1) Le réseau indépendant Freight In regroupe les bourses suivantes : Espagne (Logistia), Italie (Transpobank), France (BDF Web), Allemagne (Fracht-Suche), Pologne (Trans), Ukraine (Translot), Lituanie (Cargo), Angleterre (Freight-X), Russie (Autoregister). DOSSIER z ÉDOUARD SAKAKINI, DG DE NOLIS « LE CRITÈRE DE PRIX ESSENTIEL » L’OT : Sur quels critères Nolis (7000 clients en portefeuille, 40 000 offres par jour) se distingue de la concurrence ? Le critère de prix est essentiel pour se démarquer. C’est pourquoi la dépose de fret est gratuite sur Nolis. Compte tenu de notre efficacité grandissante, nous sommes un réel facteur d’économies pour les affréteurs. A l’inverse, la recherche est, elle, payante et c’est pourquoi nous proposons des forfaits fixes et illimités en fonction des besoins réels de l’utilisateur, qui permettent de connaître et donc de maîtriser son budget bourse de fret. Le critère du budget est important car il est garanti même en cas de fort besoin de consultation comme actuellement. Dans ce contexte, nous proposons une bourse de véhicules synchronisée avec notre bourse. Déposer du fret permettant de voir les véhicules disponibles correspondant aux critères définis et de rechercher du fret permettant d’annoncer son véhicule disponible pour être aussi appelé. De plus, nous proposons une assurance paiement à l’acte, le tout dans une ergonomie simple et appréciée des utilisateurs La sécurité des transactions et paiements est-elle un enjeu aujourd’hui ? Oui, c’est une évidence. La trésorerie est le poumon de l’entreprise. La loi Gayssot permet de mener une action en justice en cas de litige. L’assurance paiement permet, elle, de garantir le paiement en amont, lorsqu’on n’est pas sûr de son affréteur. dépose automatique, sans ressaisie, de véhicules est en développement. Quelles sont vos dernières conquêtes commerciales ? Nous préférons continuer notre croissance discrètement. Néanmoins, nous pouvons vous annoncer, par exemple, que nous sommes en partenariat avec l’UNTF (Union na Comment évolue Nolis Cargo, la nouvelle tionale du transport frigorifique) afin de progresser fortement dans le secteur de la bourse des camions ? Cette bourse est actuellement privilégiée par température dirigée. les groupes qui l’utilisent en bourse privée, pour donner la priorité à leurs agences ou Sentez-vous une pression des transporpartenaires. Mais la synchronisation que nous teurs sur les bourses de fret et les tarifs ? proposons entre le fret est le véhicule dispo- Les tarifs constituent inévitablement un souci nible, doit permettre à moyen terme, à l’en- majeur pour nos clients qui sont eux-mêmes semble des PME, de devenir proactif sur no- sous pression quotidienne. Les prix du transtre bourse : Je dépose une offre de fret et on port en France sont bien trop bas et nos enme propose un véhicule disponible; je recher- treprises ne sont pas toujours défendues équiche du fret et pour être plus efficace, j’an- tablement dans ce nouvel environnement nonce aussi mon véhicule disponible per- européen. Néanmoins, Nolis n’est pas le poste mettant aux affréteurs de m’appeler. Ce le plus important, d’autant que nos prix sont produit est disponible sur la dernière version raisonnables et ont peu évolué cette année, de l’Espace Nolis ADSL. Une interface de pour la première fois en 13 ans. l B. B. D. R. 26 L’Officiel des Transporteurs – N° 2526 du 20 novembre 2009 L’Officiel des Transporteurs – N° 2526 du 20 novembre 2009 27 DOSSIER BOURSE DE FRET 28 z AVIS ET COMMENTAIRES « ELLES DEVRAIENT AMÉLIORER LA SÉCURISATION » Comment utilisent-ils la bourse de fret ? Que voudraient-ils voir changé ou amélioré ? Les utilisateurs ont la parole. Et ne laissent pas passer l’occasion de pointer certains points faibles. Christèle Jimenez, des Transports Jimenez (31) ous n’utilisons la bourse de fret Nolis qu’une à deux fois par jour. En tant que tractionnaire, nous avons des contrats annuels aller-retour, avec des transporteurs. Quand on nous demande une destination inhabituelle ou dans les périodes un peu calmes, quand nos transporteurs habituels n’ont pas de lots à nous proposer nous y avons recours. Mais le plus souvent on préfère contacter d’abord nos transporteurs que nous connaissons bien. Sur une bourse de fret on ne sait pas à quel transporteur on va confier son lot. Ceci dit, je trouve que sur Nolis les prix sont assez bien référencés et je n’ai jamais eu l’occasion de raccrocher au nez d’une offre. D. R. «N Olivier Marchetti, de Transmavin (20) ous avons utilisé les bourses de fret Teleroute PC et Nolis dans les années 2002 et 2003, je les ai quittées car nous avions abandonné notre service tautliners, que nous avons réactivés. Nous avions également regardé TimoCom, mais elle était beaucoup trop spécialisée sur l’Est et donc pas forcément adaptée à nos besoins. Depuis quelques semaines, nous les utilisons de nouveau, en national, pour des retours, pour les tautliners. Teleroute est apparemment un peu plus chère mais présente plus d’offres, tandis que Nolis est moins chère. Nous n’avons installé que cette dernière, car il nous manque un document pour utiliser Teleroute. Nous utilisons Nolis quasiment tous les jours, aussi bien pour les départs que pour les retours, en régional comme en national. Les prix de transport par contre ne correspondent pas à ce que l’on en attendrait ! Ils sont beaucoup trop bas. En plus nous avons un énorme déséquilibre entre le Nord et le Sud. Nous avons un déficit de fret dans le Sud pour remonter vers le Nord et presque un excédent dans le Nord pour descendre. Quand nous trouvons ce fret sur la bourse, c’est à des prix hallucinants. On est bien souvent en dessous d’un euro le kilomètre. On se balade à 90 centimes, voire même 80 centimes. Et les clients indiquent des kilométrages un peu fantaisistes. Je pense que les bourses de fret devraient améliorer la sécurisation des instructions, car dans le passé tous les impayés que nous avons eus au niveau du groupe étaient des impayés Minitel. Beaucoup de commissionnaires de transport donnaient des ordres et ensuite ne payaient plus les transporteurs. «N D. R. » Benoît Renaud, des Transports Renaud (17) ous ne sommes pas de gros utilisateurs de bourses de fret. Quand nous y avons recours, c’est pour essayer d’améliorer un peu notre exploitation ou par manque de moyens humains ou matériels, pour avoir un fret de retour, mais avant nous essayons de joindre des transporteurs avec lesquels nous travaillons régulièrement. Nous utilisons aussi la bourse de fret en plein été au moment des congés quand nous avons une évolution du fret que nous n’avions pas anticipée et que nous ne disposons pas du nombre de conducteurs suffisant. Nous avons un abonnement sur Teleroute PC et nous utilisons également Route privée chez BDF Web, parce que TFE et Kuehne & Nagel nous en ont fourni les accès. Nous sommes spécialistes du frigo et dans leur état actuel, les bourses de fret proposent tous les genres de fret, c’est la raison de notre faible fréquentation. «N » «J » Richard Gontier, des Transports Vincent (84) aisant partie du réseau France Benne, je n’ai pas besoin de chercher des offres sur d’autres réseaux. Mais j’estime que les bourses de fret auraient besoin d’être moralisées. Elles devraient rédiger un cahier des charges et vérifier son respect. D’une manière générale, les prix y sont trop bas. L’Officiel des Transporteurs – N° 2526 du 20 novembre 2009 D. R. «F » Georges Grenier, des Transports éponymes (21) ’utilise les bourses de fret Teleroute et Nolis pour tous voyages, en national, pour déposer des offres et pour en chercher, pour des retours. L’ennui c’est que leur utilisation est relativement onéreuse. Teleroute entre autres est extrêmement chère. Nolis est un peu moins chère mais avec moins d’offres. Cela représente un budget assez important, surtout en période de difficulté, quand il faut être connecté dessus sans arrêt parce que vous avez un camion perdu dans une région où vous n’allez pas souvent. Il y a des moments où je les utilise assez fortement. Cela représente peut-être 12 à 15 % de nos transports mais toujours dans des régions où nous n’avons pas l’habitude d’aller et où nous avons donc des difficultés pour recharger. » DOSSIER BOURSE DE FRET 30 Thierry Ravier, de Gervais Transports (69) ous utilisons relativement peu les bourses de fret. Nous avons Teleroute, mais nous faisons quatre à cinq dossiers par jour au maximum, uniquement à partir de lots supérieurs à quatre palettes. Je trouve que sur les bourses de fret, la réponse n’est pas assez précise, en particulier sur la distance. Rien ne vaut l’appel téléphonique. D. R. «N » Nicolas Guyamier, des Transports Guyamier (33) ous sommes utilisateur des bourses de fret puisque nous avons quelque 400 véhicules qui sillonnent la France en zone longue. Nous avons des clients en direct et pour certaines régions nous sommes obligés de passer par une bourse de fret pour recharger nos camions au retour. Nous travaillons avec Nolis et Teleroute au rythme d’une quinzaine de consultations, en national. En régional, nous faisons de l’aller retour donc nous n’avons pas besoin d’utiliser les bourses. J’estime que Nolis est bien géré. Quand le Minitel s’arrêtera, nous passerons peut-être chez BDF Web qui va alors monter en puissance. Il faudra voir comment ça va se passer. L’avantage de Nolis est que l’on a un abonnement et on n’a plus rien à payer alors qu’avec BDF Web il faut payer à chaque fois que l’on clique sur le lien du transporteur. Cette bourse devrait donc coûter plus cher. «N » 3 Armando Simia, de Lannutti France (59) ous utilisons surtout les bourses de fret pour les retours en national et d’Espagne. En Italie nous avons notre maison mère et nous ne l’utilisons guère que pour un fret de retour depuis le Sud du pays vers le nord avec du cabotage. Nous travaillons avec Teleroute et Nolis. Après il y a les bourses de fret intraclients, Transporeon (plateforme logistique offrant une interconnexion directe entre chargeurs et transporteurs) ! On nous oblige à les utiliser. Il faut être Lucky Lucke, tirer plus vite que son ombre et avoir le bon prix au bon moment. Ce sont des bourses dans des grands groupes de chargeurs qui sont en place et où les transporteurs qui travaillent déjà chez ces chargeurs disposent de l’offre. Vous essayez d’obtenir un voyage, mais si quelqu’un d’autre met 50 euros de moins, vous êtes de la revue ! Il n’y a plus de relation avec le client. Avant la crise, nous y dépensions 150 euros par mois parce que nous avions d’énormes volumes en direct. Avec la crise, même pour partir, il me manquait du fret et nous sommes passés à 2 000 euros par mois. Une bourse est donc utile, mais certains l’ont instrumentalisée. Avec les prix proposés, à un moment donné, il vaut mieux réduire la voilure que de continuer à travailler comme ça. On y voit des tarifs aberrants, par exemple 0,45 euro le kilomètre pour un complet ! Et après ce sont les surprises au moment du règlement des factures : les impayés qui arrivent, les affrètements en cascade. Les bourses de fret restent un bon instrument, mais ce qui manque, c’est un certain contrôle, une déontologie. «N » QUESTIONS À... JEAN-CLAUDE PLÀ, PRÉSIDENT DU GROUPEMENT ASTRE D. R. « Nous sommes pour la libre concurrence » L’OT : Astre et les bourses de fret : c’est un sujet brûlant cette année ? J-C. P. : En 2009, nous avons travaillé sur l’évolution de notre SIG (Ndlr, outil Intranet du groupement). Notre problématique a été de pouvoir ouvrir notre bourse de fret aux autres prestataires. Nous avons donc mené des négociations avec nos deux prestataires, Nolis et Teleroute, mais également avec BDF Web, Wtransnet et TimoCom. Notre outil bourse de fret, que nous appelons Cargo Fret Community, est en mesure d’envoyer des offres de fret sur les trois autres prestataires. Reste à décider si nous franchissons le pas, si nous basculons sur ce mode de fonctionnement. La décision définitive n’a pas été prise. Elle va dépendre du choix de nos adhérents et des autres groupements avec qui nous sommes en discussion. Vous avez des états d’âme ? J-C. P. : La question consiste à sa- voir quelle est la bonne stratégie à mettre en œuvre au niveau des bourses. Nous considérons que l’outil bourse de fret nous coûte trop cher. C’est une problématique qui dure depuis longtemps. Nous ne sommes pas forcément entendus sur ce registre : cela nous conduit à étudier d’autres pistes mais rien n’est arrêté. Il existe plusieurs pistes de réflexion. Celles que nous développons en interne et celles que nous partageons avec nos confrères. Aujourd’hui, nous considé- L’Officiel des Transporteurs – N° 2526 du 20 novembre 2009 rons qu’il existe un monopole. Il est né d’une efficacité que nous reconnaissons à Teleroute mais également à Nolis. Mais nous avons du mal à vivre cette omniprésence, malgré nos accords préférentiels et malgré le fait qu’ils nous apportent beaucoup. Nous sommes pour la libre concurrence. Aujourd’hui, nos adhérents sont libres d’acheter ou de ne pas acheter dans les protocoles, ils ont toute liberté. Nous aimerions avoir un peu plus de liberté pour imaginer d’autres modes de fonctionnement au sein du groupement et, pourquoi pas, avec nos confrères des autres groupements. péens (ND, Kuehne & Nagel, Geodis…), qui croient qu’à un horizon plus ou moins lointain, ils auront réussi à avoir notre peau à tous ou que nous serons tous devenus leurs sous-traitants. Nous, nous pensons qu’ils se trompent et que si nous parvenons à nous fédérer au niveau des groupements, nous pouvons constituer une alternative. Et faire mentir en même temps les stratégies qui se profilent à long terme et que bon nombre de politiques partagent. Je me souviens qu’en 1992 on m’avait déjà dit : « A quoi cela sert-il que vous vous battiez, vous êtes déjà condamnés ». Nous sommes en 2009 et nous sommes toujours là. Encore plus vigoureux qu’en 1992. Nous Est-il facile de trouver des in- avons fait mentir ces pronostics térêts convergents avec des et allons continuer dans cette groupements concurrents ? voie. J-C. P. : Je préfère parler de collègues. Nos véritables concurrents Propos recueillis sont les grands opérateurs europar SLIMANE BOUKEZZOULA