L`ÉTHIQUE ET LA SÉCURITÉ OCCUPENT L`ÉCRAN

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L`ÉTHIQUE ET LA SÉCURITÉ OCCUPENT L`ÉCRAN
DOSSIER
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BOURSES DE FRET
L’ÉTHIQUE
ET LA SÉCURITÉ
OCCUPENT L’ÉCRAN
AU SOMMAIRE
z SÉCURISATION DES ÉCHANGES ET TRANSACTIONS
TELEROUTE SE DISTINGUE DE TIMOCOM . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 22
z EUROPE DU SUD
WTRANSNET JOUE LA CARTE ÉTHIQUE
....................
P. 24
z ÉDOUARD SAKAKINI, DG DE NOLIS
« LE CRITÈRE DE PRIX ESSENTIEL » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
P. 27
z AVIS ET COMMENTAIRES
« ELLES DEVRAIENT AMÉLIORER LA SÉCURISATION » . . . .
P. 28
z JEAN-CLAUDE PLÀ, PRÉSIDENT DU GROUPEMENT ASTRE
« NOUS SOMMES POUR LA LIBRE CONCURRENCE » . . . . . P. 30
RÉALISÉ PAR LA RÉDACTION DE L’OFFICIEL DES TRANSPORTEURS
Le déséquilibre des flux « nord/sud »
et la hantise des retours à vide poussent
les entreprises à se « brancher »
sur les bourses de fret. Dans le même
temps, elles permettent à des
« remettants » de trouver des camions
à vil prix. Choquant ? En ces temps
de crise (chute des tarifs au kilomètre,
risque d’impayés, affrètement
en cascade…), certaines façons
de faire affaire sur les places
de marché électroniques sont critiquées.
Les opérateurs en compétition (Teleroute,
Nolis, TimoCom, BDF, WTransnet)
se retrouvent dans l’obligation de sécuriser
les transactions, les flux et... de favoriser
une plus grande déontologie. Une nouvelle
course est engagée.
L’Officiel des Transporteurs – N° 2526 du 20 novembre 2009
‰‰
DOSSIER ‰‰ BOURSE DE FRET
BOURSE DE FRET
ˆˆ DOSSIER
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z SÉCURISATION DES ÉCHANGES ET DES TRANSACTIONS
TELEROUTE SE DISTINGUE DE TIMOCOM
Moutons noirs, intrusions malveillantes, risques d’impayés : la sécurité des bourses de fret qui vise les
données échangées, les transactions, les paiements ou le profil des utilisateurs est devenue cruciale.
Teleroute et TimoCom donnent des garanties. Pour mieux afficher leurs différences…
Alain Vernadat, Dg de Teleroute.
« LA SÉCURITÉ EST DEVENUE ESSENTIELLE. NOUS VOULONS GARDER
UNE LONGUEUR D’AVANCE »
de BDF à hauteur de 20% de plusieurs transporteurs, dont Vincent
Leprince, patron de Normandie
Logistique (76), n’est pas anodine
(voir p. 26). La prise de participation
va donner accès à des informations
sur le fonctionnement de l’intérieur
d’une bourse de fret, ses rouages,
ses comptes...
peut s’y échanger du fret volé, entrer en contact avec un interlocuteur indésirable ou « fantôme »,
donner à son insu des informations à autrui… De ce point de vue,
il convient de sécuriser sans que
cela devienne pour l’utilisateur
une usine à gaz. Ce n’est pas par
hasard que Teleroute et TimoCom
ont accès leurs communications
sur le thème de la sécurité de leur
plateforme.
• Les prix d’utilisation : déposes gratuites ou payantes, tarifs forfaitaires ou à la consultation, niveau
d’équipement nécessaire, temps
de formation nécessaire… Sur ce
sujet, la plupart des transporteurs
sont regardants, voire critiques devant certaines factures (voir témoignages p. 28 et 30).
LES ASSURANCES DE
TELEROUTE
Leader historique du marché en
France, créée en 1985, Teleroute entend le rester encore longtemps
dans l’Hexagone et en dehors. Dans
ce but, la bourse de fret proposera
fin novembre un nouvel outil, exclusif, le Safe Market Place (SMP). Il
CE QUI FAIT LA DIFFÉRENCE
doit garantir à 100 % la sécurité des
Sur quels critères les bourses de fret
échanges et des transactions. Avec
concurrentes peuvent-elles se dis70 000 abonnés et 200 000 offres de
fret par jour, le n°1 en France, avec
tinguer ? On peut en compter trois.
ses partenaires Atos Worldline et
• La surface d’affaires et les volumes
Atradius, veut border les flux d’inde fret qui se comptent en nomformations, les contacts et l’intense
bre de déposes et d’enlèvements
et le temps d’apérage (en secon- Christian Leleu, patron des commerce généré au quotidien.
des ou en minutes) entre les deux Transports éponymes (60) « La sécurité est devenue essentielle
opérations. « Il est de 35 à 40 se- et président du réseau pour nos clients. Nous voulons dans
condes en ce moment », note Alain Evolutrans.
ce domaine garder une longueur
d’avance », assure Alain Vernadat,
Vernadat, Dg de Teleroute. Sur
le directeur général Europe. La sécette bourse de fret, incontournable en France, les grands compcurité renforcée vise trois domaines.
tes représentent 75 % de la dépose.
Les données d’abord (qui concerTeleroute revendique une augnent les enregistrements, les
mentation de 30 % des consultants
connexions, les identifications, les
actifs sur l’axe France-Allemagne.
paiements en ligne…) qui doivent
• La sécurité des données et des
être protégées de tout type de corpaiements. La bourse de fret, sans
ruption ou d’intrusion de tiers. Des
contrôle ni vérification, peut deprocédés de cryptage, de protection
venir une « zone à risques ». On
avec log-in… visent à sécuriser les
L’Officiel des Transporteurs – N° 2526 du 20 novembre 2009
transactions et garantir la traçabilité. Les partenaires, ensuite, dont il
est utile de contrôler la fiabilité et le
sérieux sur la base d’informations
disponibles… Un Code de bonne
conduite est mis en place. Le process doit éloigner les utilisateurs indésirables et de permettre au « remettant » de choisir celui à qui il
confie son fret et de connaître le délai de paiement dès la dépose de
l’offre. Il y a enfin le recouvrement
des créances, toujours sensible. Un
service de médiation est proposé
pour recouvrer un impayé qui, dans
65 % des cas, s’avère efficace et règle le problème de paiement. « Mais
cela reste l’exception et le plus souvent pour des petits volumes », précise Alain Vernadat.
INTERFACES ET TMS
Pour valider la sécurisation des
échanges, un nouveau dispositif
baptisé e-confirm a pour vocation
de tracer toute transaction, de la
« personnaliser » et de la stocker en
mémoire. De plus, Teleroute lancera
au début 2010 le service SmartLink
qui n’est autre qu’un tableau de bord
avec de nombreux outils graphiques
qui permettent de réaliser des interfaces avec des TMS de chargeurs et
grands comptes et d’éliminer, par
exemple, les doubles saisies. « On
supprime ainsi les interfaces aveugles. Avec cet outil, on crée de la valeur sur le poste de travail », assure
Alain Vernadat. Teleroute avance sur
le chemin des nouvelles technologies. Ce qui explique que la dépose
sur minitel ne sera plus possible à
partir du 2è trimestre 2010.
LA « TRANSPARENCE »
SELON TIMOCOM
Grande rivale de Teleroute à l’échelon européen, la bourse de fret allemande TimoCom a fait son grand retour dans l’Hexagone en 2008, après
avoir un temps abandonner le terrain. Pour sa promotion, TimoCom
aime à rappeler sa couverture : 75000
utilisateurs et 230 000 offres dans la
bourse de fret et de camions, effective dans 44 pays, (et en 24 langues!).
La bourse de fret compte 270 employés et revendique un chiffre d’affaires de 39 M€ en 2008. Pour gagner
des parts de marché, elle a construit
sa feuille de route sur deux principes : la qualité et le prix.
« Comme la plupart de nos
confrères, nous vérifions l’identité,
la fiabilité et l’historique financier
de nos nouveaux clients afin de garantir une collaboration entre nos
clients, les transporteurs, à un ni- « LES “MOUTONS
veau professionnel et digne de
NOIRS” QUI
confiance. Mais, en plus, notre système de téléchargement évite l’ac- COTENT DES PRIX
cès à la bourse avec un mot de passe
TROP BAS
et des codes d’accès, trop faciles à
décoder », assure concrètement SERONT ISOLÉS
Werner Schneider, représentant de
AUX YEUX
TimoCom pour la France. Le téléchargement nous permet égale- DU CHARGEUR »
ment de vérifier l’environnement
(WERNER
digital du nouveau client : pas de
SCHNEIDER)
chance de se faire passer pour les
Tps. X à partir de chez soi. « Nous
voulons être la bourse la plus sûre »,
confirme M. Schneider.
AU CHARGEUR DE PAYER
La maîtrise des coûts est l’autre leitmotiv de TimoCom. « Une seule formule : le forfait », précise
M. Schneider. Le but de TimoCom
est de mettre le transporteur français en position de profiter du niveau de prix européen pour la
même prestation de service. « La
qualité n’est pas forcément chère.
TimoCom rajoute à son offre existante (bourse, profils, eMap) une
nouvelle fonction sans augmenter le
prix ». Aux clients de le vérifier dans
les faits ! TimoCom revendique l’approche suivante : la bourse de fret
électronique ayant structuré le marché spot (rendu beaucoup plus efficace par rapport au cahier d’adresses de l’affréteur), il s’agit de faire de
même avec le marché contractuel.
Dans le viseur : le coût de l’appel
d’offres. « C’est une aberration que
le transporteur soit obligé de payer
l’appel d’offres du chargeur. Chez
TimoCom et son nouveau produit
TC e-Bid c’est le chargeur qui paye.
Cela fait déjà réfléchir les chargeurs
qui lancent des appels d’offres juste
pour voir et jauger », souligne le représentant de TimoCom. Le nouvel
outil a été présenté lors du dernier
Top Transport, à Marseille, en septembre. Le raisonnement est le suivant : la participation gratuite des
© Visavu
L
e marché de la bourse de
fret est plus ouvert à la
concurrence qu’on ne le
croit : cinq opérateurs
(Teleroute, Nolis, TimoCom, BDF
Web et WTransnet) sont en course,
revendiquant leadership européen
(Teleroute et TimoCom) ou conquêtes commerciales. La situation n’est
pas pour déplaire aux entreprises
de transport, transitaires, affréteurs
et commissionnaires, très scrupuleux sur la place donnée à la concurrence. Elle est le gage de pression
sur les tarifs. « Nous sommes tous en
difficulté sur nos chiffres d’affaires.
Il est difficile de voir nos coûts de recherche augmenter », soulignait, en
substance, cet été, Christian Leleu,
patron des Transports éponymes
(60) et président du réseau
Evolutrans.
Dilemme ? Pour certains opérateurs
de transport routier, la bourse de fret
est un outil d’exploitation indispensable et d’un coût accepté ; pour
d’autres, elle est un mal nécessaire
pour combler les trous ou éviter les
trajets à vides, avec des factures à
hauteur variable. Dans ces temps
de crise, le coût d’utilisation des
bourses de fret est dans le collimateur. Bien des transporteurs, grands
« consommateurs » de bourse de fret
(et parfois souscripteurs à plusieurs
abonnements, ce qui n’arrange rien
!), cherchent à minimiser la facture.
C’est sur ce principe qu’en juin, cinq
groupements (Astre, Evolutrans,
FLO, France Benne et FrancePlateaux), revendiquant entre deux
et trois millions d’opérations par an,
ont fait connaître leurs discussions
pour organiser un appel d’offres
(L’OT 2510). A ce jour, le projet demeure et les tractations continuent,
comme cela a été annoncé lors du
dernier congrès Astre, à Vienne. La
démarche inédite marque la volonté
d’accéder à de nouvelles conditions
commerciales et d’exploitation.
Mais pas seulement. Faisant suite à
la sortie de TLF, l’entrée au capital
© D. Delion
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Werner Schneider, représentant
TimoCom France.
transporteurs à l’appel d’offres augmente le nombre des participants.
TimoCom veut tout simplement limiter les excès des appels d’offres.
« Si la grande majorité des transporteurs se comporte comme des bons
gestionnaires, les « moutons noirs »,
qui cotent des prix trop bas et irréalistes, seront isolés aux yeux du chargeur », note M. Schneider pour qui
TC e-Bid n’est pas une « vente aux
enchères », car c’est seulement au
terme de l’appel d’offres que le chargeur obtient les prix et le transporteur son placement.
Une façon pour TimoCom de militer pour la transparence. « Les appels d’offres sont devenus monnaie
courante dans la vie du transporteur, voire il les utilise lui-même
pour son approvisionnement. En favorisant la transparence, on peut
s’opposer à une tendance qui se sert
du marché « spot » pour la vente et
revente de commandes d’un transporteur à l’autre. » l
B. B.
L’Officiel des Transporteurs – N° 2528 du 20 novembre 2009
DOSSIER ‰‰ BOURSE DE FRET
z EUROPE DU SUD
WTRANSNET JOUE
LA CARTE ÉTHIQUE
Tout en confortant son leadership en Espagne et au Portugal, l’opérateur catalan ambitionne de progresser
en France en 2010. Son offre qui conjugue éthique et sécurisation des flux peut-elle concurrencer BDFWeb ?
F
ace aux deux poids
lourds de la bourse de
fret en Europe (Timocom et Teleroute),
l’opérateur espagnol Wtransnet
confirme son leadership dans la
péninsule ibérique. Depuis sa
création en 1996, la filiale de
Wotrant Technologies implantée
à Terrassa (Catalogne) décline
une offre qualitative. Son actualité récente est la création de
Wtransnet Brésil fin 2008 et
Wtransnet France en janvier 2009. « Le point fort c’est la
prise de contact avec les acteurs
du marché français », observe
Grégory Joubert, responsable
grands comptes. Les retombées
commerciales seront visibles dès
2010. Fait marquant, en dépit de
la crise, l’opérateur catalan a dépassé ses objectifs de renouvellement de contrat. « Notre taux
de reconduction est même supérieur à 90 % », se félicite Gaëlle
Geffard, responsable Télédépose.
Le taux d’adhésion mensuel
moyen est de l’ordre de 180 nouveaux clients. Sur les dix premiers
mois de l’année, Wtransnet a intégré 1770 nouvelles entreprises.
Au total, la bourse espagnole revendique 8362 entreprises clientes. Elle a déjà signé un contrat
avec cinq groupes français et
poursuit les pourparlers avec 13
groupes de transport et logistique. « Les transporteurs et affréteurs n’achètent pas seulement
une bourse de fret », martèle la
directrice commerciale, Anna
Esteve. Ils utilisent nos services
connexes pour générer du chiffre
d’affaires. » L’opérateur propose
la bourse de fret et de véhicules,
la bourse de trajets réguliers pour
les artisans-transporteurs et la
bourse de stockage pour les logisticiens (recherche de mètres
L’équipe commerciale de WTRANSNET :
de gauche à droite, Gaëlle Geffard,
Grégory Joubert, Anna Esteve
(directrice commerciale
et Sylviane Clavé)
© L. G.
24
LE COMITÉ D’AUDIT OU L’ÉTHIQUE DES ABONNÉS
Les entreprises de Wtransnet doivent répondre
également à des exigences de légalité, de sérieux
et de solvabilité pour être acceptées comme adhérentes et pour assurer leur pérennité dans la
Bourse. C’est toute la philosophie du comité d’audit des abonnés qui veille au bon usage et comportement des abonnés. Cette instance a été créée
lorsque Wtransnet comptait 7000 adhérents. Au
20 novembre 2009, la bourse de fret espagnole affiche près de 8362 entreprises clientes. La veille
juridique et éthique est d’autant plus nécessaire.
Il existe sept motifs qui vont déclencher la rédaction d’un rapport d’abus. Autrement dit enclencher le processus de vote d’un transporteur ou af-
carrés disponibles). En 2009, le
forfait annuel pour l’accès à tous
les services oscille entre 746,25 €
et 1087,81€ selon la taille de l’entreprise. Moyennant majoration,
des forfaits trimestriels et mensuels sont prévus.
OUTILS DE SÉCURITÉ
« Notre force, c’est d’être attentifs
aux risques d’impayés et d’intervenir dès les premières alertes de
L’Officiel des Transporteurs – N° 2526 du 20 novembre 2009
fréteur qui votera pour qu’un adhérent passe devant le Comité d’audit des abonnés : revente de
fret, prix abusif, non respect des délais de paiement, non mise en oeuvre de contrat de transport ; non-respect des normes d’éthique ; offre
inexistante ; soupçon d’une reprise d’une entreprise conflictuelle. En 2009, Wtransnet surveille
la sous-traitance en cascade et durcit le filtrage
des transporteurs pour prévenir le vol de fret. « Le
vol de marchandises sur les bourses de fret est
fréquent en Europe de l’Est et en Italie, affirme
Grégory Joubert. C’est la raison pour laquelle,
nous exigeons au minimum trois références
clients. »
retard de paiement », souligne
Grégory Joubert. En fait, la sécurisation des flux et la prévention
des risques d’insolvabilité fait
partie de la culture d’entreprise
de Wtransnet. L’opérateur a
même instauré un comité d’audit des abonnés, lequel surveille
le comportement des transporteurs (voir encadré). Cette politique vise à analyser les conduites irrégulières et à prendre des
sanctions temporaires ou définitives. Sur un total de 1040 sociétés qui ont quitté Wtransnet en
2009, l’opérateur en a expulsé
160 au motif qu’elles n’acquittaient pas leurs factures ou que
leur documentation professionnelle n’était pas en règle. En outre, il a refusé 1988 transporteurs
qui n’étaient pas solvables, soit
un manque à gagner pour la
bourse de l’ordre de 2,3 M €.
DOSSIER ‰‰ BOURSE DE FRET
« En tendance, nous contrôlons
aujourd’hui la sous-traitance en
cascade, explique Anna Esteve.
Ces comportements sont le fait
de transporteurs qui récupèrent
par exemple du fret sur Teleroute
ou Nolis afin de le déposer sur
Wtransnet. Une telle politique
porte préjudice à l’ensemble de
la profession ». « Par ailleurs, le
prix final est tellement low cost
que nous sommes amenés à
sanctionner l’entreprise dans le
cadre d’un rapport d’abus », rappelle Sylviane Clavé, responsable animation clientèle. Enfin,
l’opérateur s’emploie à réduire
les délais de paiement, lesquels
oscillent en Espagne entre 60 et
che, les entreprises s’engagent à
payer à 30 à 45 jours maximum », conclut Anna Esteve.
BDF WEB
L’OPÉRATEUR ATYPIQUE
Parce que la bourse de fret est
une opération de régulation pour éviter les retours à vide notamment- elle reste une variable
d’ajustement. En même temps,
les transporteurs ont intérêt à
nouer des relations commerciales saines et durables avec des affréteurs. « Par définition, une
bourse de fret est un système de
transport intelligent (STI) », note
Éric Louette, chargé de mission
pour le fret et la logistique à la
« GRÂCE À CETTE LISTE BLANCHE,
LES ENTREPRISES S’ENGAGENT À PAYER
À 30 À 45 JOURS MAXIMUM »
90 jours. Wtransnet a mis en
place un outil baptisé « liste blanche » afin de distinguer, les entreprises qui se sont engagées à
payer en respectant des conditions de paiement plus favorables que celles habituellement
pratiquées dans le secteur du
TRM. « Grâce à cette liste blan-
DGITM (Direction générale des
infrastructures, des transports et
de la mer). C’est la raison pour
laquelle les opérateurs ont tout
intérêt à développer une stratégie de relation client pour comprendre les attentes des transporteurs. Dans l’économie des
bourses de fret, le cas de
BOURSE DE FRET
BDFWeb demeure atypique.
Lancé sur le site bdfweb.com en
2006, c’est à ce jour l’unique opérateur dont une organisation soit
encore actionnaire. « TLF détient
3 % de notre capital mais souhaite progressivement se retirer,
annonce Benoît Aujay, président
de l’entreprise cavaillonnaise. La
nouveauté, c’est que la profession
des transporteurs et des logisticiens est aujourd’hui actionnaire
à hauteur de 20 %. » Difficile de
dire si cette nouvelle donne va
bousculer le paysage des bourses de fret en France. La politique commerciale implique que
les donneurs de fret paient la dépose. En revanche, ceux qui
consultent ne paient pas. « Ce
n’est pas BDFWeb qui a fait la démarche d’approche mais les
transporteurs qui sont venus
nous trouver », précise le responsable. 2009 est une année de repositionnement afin de mettre
en place la stratégie pour l’année
prochaine. L’opérateur a lancé
un service baptisé Route privée,
avec un abonnement qui
concerne aujourd’hui près de
8000 sous-traitants TPE/PME. En
raison de la crise, le volume des
offres sur le marché « spot » est
plus atone mais les offres trouvent preneur sur le bourse générale et Route Privée. A la fin de
l’année, l’opérateur estime que
10 000 entreprises seront inscrites sur cette dernière. BDFWeb
joue sur une visibilité à court
terme. « Nous renseignons les annuaires de sous-traitants et nous
faisons de la qualification de fichiers » précise Benoît Aujay. En
clair, l’affréteur veut savoir qui
est intéressé par l’offre de fret
avant même de la « pousser » vers
la communauté de sous-traitants. Enfin, le dirigeant salue la
qualité de l’offre du leader
Wtransnet en Espagne et au
Portugal et ne parle pas de
concurrence frontale. En effet,
depuis janvier 2007, un partenariat a été mis en place avec le réseau Freight In (1), lequel regroupe
neuf bourses de fret. Malgré la
crise, ce réseau revendique un
accès qui varie entre 80 000 et
100 000 offres en Europe. l
LOUIS GUARINO.
(1)
Le réseau indépendant Freight In
regroupe les bourses suivantes :
Espagne (Logistia), Italie
(Transpobank), France (BDF Web),
Allemagne (Fracht-Suche), Pologne
(Trans), Ukraine (Translot), Lituanie
(Cargo), Angleterre (Freight-X),
Russie (Autoregister).
ˆˆ DOSSIER
z ÉDOUARD SAKAKINI, DG DE NOLIS
« LE CRITÈRE DE PRIX ESSENTIEL »
‰‰ L’OT : Sur quels critères Nolis (7000 clients
en portefeuille, 40 000 offres par jour) se distingue de la concurrence ?
Le critère de prix est essentiel pour se démarquer. C’est pourquoi la dépose de fret est gratuite sur Nolis. Compte tenu de notre efficacité grandissante, nous sommes un réel
facteur d’économies pour les affréteurs. A l’inverse, la recherche est, elle, payante et c’est
pourquoi nous proposons des forfaits fixes et
illimités en fonction des besoins réels de l’utilisateur, qui permettent de connaître et donc
de maîtriser son budget bourse de fret. Le critère du budget est important car il est garanti
même en cas de fort besoin de consultation
comme actuellement. Dans ce contexte, nous
proposons une bourse de véhicules synchronisée avec notre bourse. Déposer du fret permettant de voir les véhicules disponibles correspondant aux critères définis et de
rechercher du fret permettant d’annoncer son
véhicule disponible pour être aussi appelé.
De plus, nous proposons une assurance paiement à l’acte, le tout dans une ergonomie simple et appréciée des utilisateurs
‰‰ La sécurité des transactions et paiements
est-elle un enjeu aujourd’hui ?
Oui, c’est une évidence. La trésorerie est le
poumon de l’entreprise. La loi Gayssot permet de mener une action en justice en cas de
litige. L’assurance paiement permet, elle, de
garantir le paiement en amont, lorsqu’on n’est
pas sûr de son affréteur.
dépose automatique, sans ressaisie, de véhicules est en développement.
‰‰ Quelles sont vos dernières conquêtes
commerciales ?
Nous préférons continuer notre croissance
discrètement. Néanmoins, nous pouvons
vous annoncer, par exemple, que nous sommes en partenariat avec l’UNTF (Union na‰‰ Comment évolue Nolis Cargo, la nouvelle tionale du transport frigorifique) afin de progresser fortement dans le secteur de la
bourse des camions ?
Cette bourse est actuellement privilégiée par température dirigée.
les groupes qui l’utilisent en bourse privée,
pour donner la priorité à leurs agences ou ‰‰ Sentez-vous une pression des transporpartenaires. Mais la synchronisation que nous teurs sur les bourses de fret et les tarifs ?
proposons entre le fret est le véhicule dispo- Les tarifs constituent inévitablement un souci
nible, doit permettre à moyen terme, à l’en- majeur pour nos clients qui sont eux-mêmes
semble des PME, de devenir proactif sur no- sous pression quotidienne. Les prix du transtre bourse : Je dépose une offre de fret et on port en France sont bien trop bas et nos enme propose un véhicule disponible; je recher- treprises ne sont pas toujours défendues équiche du fret et pour être plus efficace, j’an- tablement dans ce nouvel environnement
nonce aussi mon véhicule disponible per- européen. Néanmoins, Nolis n’est pas le poste
mettant aux affréteurs de m’appeler. Ce le plus important, d’autant que nos prix sont
produit est disponible sur la dernière version raisonnables et ont peu évolué cette année,
de l’Espace Nolis ADSL. Une interface de pour la première fois en 13 ans. l
B. B.
D. R.
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L’Officiel des Transporteurs – N° 2526 du 20 novembre 2009
L’Officiel des Transporteurs – N° 2526 du 20 novembre 2009
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DOSSIER ‰‰ BOURSE DE FRET
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z AVIS ET COMMENTAIRES
« ELLES DEVRAIENT AMÉLIORER
LA SÉCURISATION »
Comment utilisent-ils la bourse de fret ? Que voudraient-ils voir changé ou amélioré ? Les utilisateurs
ont la parole. Et ne laissent pas passer l’occasion de pointer certains points faibles.
Christèle Jimenez, des Transports Jimenez (31)
ous n’utilisons la bourse de fret Nolis
qu’une à deux fois par jour. En tant que
tractionnaire, nous avons des contrats annuels
aller-retour, avec des transporteurs. Quand on
nous demande une destination inhabituelle ou
dans les périodes un peu calmes, quand nos
transporteurs habituels n’ont pas de lots à nous
proposer nous y avons recours. Mais le plus souvent on préfère contacter d’abord nos transporteurs que nous connaissons bien. Sur une bourse de fret on ne sait pas à quel transporteur
on va confier son lot. Ceci dit, je trouve que sur Nolis les prix sont assez bien référencés et je n’ai jamais eu l’occasion de raccrocher au
nez d’une offre.
D. R.
«N
Olivier Marchetti, de Transmavin (20)
ous avons utilisé les bourses de fret Teleroute PC et Nolis
dans les années 2002 et 2003, je les ai quittées car nous avions
abandonné notre service tautliners, que nous avons réactivés. Nous
avions également regardé TimoCom, mais elle était beaucoup trop
spécialisée sur l’Est et donc pas forcément adaptée à nos besoins.
Depuis quelques semaines, nous les utilisons de nouveau, en national, pour des retours, pour les tautliners. Teleroute est apparemment
un peu plus chère mais présente plus d’offres, tandis que Nolis est
moins chère. Nous n’avons installé que cette dernière, car il nous manque un document pour utiliser Teleroute. Nous utilisons Nolis quasiment tous les jours, aussi bien pour les départs que pour les retours,
en régional comme en national. Les prix de transport par contre ne
correspondent pas à ce que l’on en attendrait ! Ils sont beaucoup
trop bas. En plus nous avons un énorme déséquilibre entre le Nord
et le Sud. Nous avons un déficit de fret dans le Sud pour remonter vers
le Nord et presque un excédent dans le Nord pour descendre. Quand
nous trouvons ce fret sur la bourse, c’est à des prix hallucinants. On
est bien souvent en dessous d’un euro le kilomètre. On se balade à 90
centimes, voire même 80 centimes. Et les clients indiquent des kilométrages un peu fantaisistes. Je pense que les bourses de fret devraient
améliorer la sécurisation des instructions, car dans le passé tous les
impayés que nous avons eus au niveau du groupe étaient des impayés
Minitel. Beaucoup de commissionnaires de transport donnaient des
ordres et ensuite ne payaient plus les transporteurs.
«N
D. R.
»
Benoît Renaud, des Transports Renaud (17)
ous ne sommes pas de gros utilisateurs de bourses de
fret. Quand nous y avons recours, c’est pour essayer
d’améliorer un peu notre exploitation ou par manque de
moyens humains ou matériels, pour avoir un fret de retour,
mais avant nous essayons de joindre des transporteurs avec
lesquels nous travaillons régulièrement. Nous utilisons aussi
la bourse de fret en plein été au moment des congés quand
nous avons une évolution du fret que nous n’avions pas anticipée et que nous ne disposons pas du nombre de conducteurs suffisant. Nous avons un abonnement sur Teleroute PC
et nous utilisons également Route privée chez BDF Web,
parce que TFE et Kuehne & Nagel nous en ont fourni les accès. Nous sommes spécialistes du frigo et dans leur état actuel,
les bourses de fret proposent tous les genres de fret, c’est la
raison de notre faible fréquentation.
«N
»
«J
»
Richard Gontier, des Transports Vincent (84)
aisant partie du réseau France Benne, je
n’ai pas besoin de chercher des offres sur
d’autres réseaux. Mais j’estime que les bourses
de fret auraient besoin d’être moralisées. Elles
devraient rédiger un cahier des charges et vérifier son respect. D’une manière générale, les prix
y sont trop bas.
L’Officiel des Transporteurs – N° 2526 du 20 novembre 2009
D. R.
«F
»
Georges Grenier, des Transports éponymes (21)
’utilise les bourses de fret Teleroute et Nolis pour tous
voyages, en national, pour déposer des offres et pour en
chercher, pour des retours. L’ennui c’est que leur utilisation
est relativement onéreuse. Teleroute entre autres est extrêmement chère. Nolis est un peu moins chère mais avec moins d’offres. Cela représente un budget assez important, surtout en période de difficulté, quand il faut être connecté dessus sans arrêt
parce que vous avez un camion perdu dans une région où vous
n’allez pas souvent. Il y a des moments où je les utilise assez
fortement. Cela représente peut-être 12 à 15 % de nos transports mais toujours dans des régions où nous n’avons pas l’habitude d’aller et où nous avons donc des difficultés pour recharger.
»
‰‰
DOSSIER ‰‰ BOURSE DE FRET
30
Thierry Ravier, de Gervais Transports (69)
ous utilisons relativement peu les
bourses de fret. Nous avons
Teleroute, mais nous faisons quatre à cinq
dossiers par jour au maximum, uniquement à partir de lots supérieurs à quatre palettes. Je trouve que sur les bourses
de fret, la réponse n’est pas assez précise,
en particulier sur la distance. Rien ne
vaut l’appel téléphonique.
D. R.
«N
»
Nicolas Guyamier, des Transports Guyamier (33)
ous sommes utilisateur des bourses de fret puisque nous
avons quelque 400 véhicules qui sillonnent la France en
zone longue. Nous avons des clients en direct et pour certaines régions nous sommes obligés de passer par une bourse de fret pour
recharger nos camions au retour. Nous travaillons avec Nolis et
Teleroute au rythme d’une quinzaine de consultations, en national. En régional, nous faisons de l’aller retour donc nous n’avons
pas besoin d’utiliser les bourses. J’estime que Nolis est bien géré.
Quand le Minitel s’arrêtera, nous passerons peut-être chez BDF
Web qui va alors monter en puissance. Il faudra voir comment ça
va se passer. L’avantage de Nolis est que l’on a un abonnement et
on n’a plus rien à payer alors qu’avec BDF Web il faut payer à chaque fois que l’on clique sur le lien du transporteur. Cette bourse
devrait donc coûter plus cher.
«N
»
3
Armando Simia, de Lannutti France (59)
ous utilisons surtout les bourses de fret pour les retours en
national et d’Espagne. En Italie nous avons notre maison mère et nous ne l’utilisons guère que pour un fret de retour
depuis le Sud du pays vers le nord avec du cabotage. Nous travaillons avec Teleroute et Nolis. Après il y a les bourses de fret
intraclients, Transporeon (plateforme logistique offrant une interconnexion directe entre chargeurs et transporteurs) ! On nous
oblige à les utiliser. Il faut être Lucky Lucke, tirer plus vite que
son ombre et avoir le bon prix au bon moment. Ce sont des bourses dans des grands groupes de chargeurs qui sont en place et
où les transporteurs qui travaillent déjà chez ces chargeurs disposent de l’offre. Vous essayez d’obtenir un voyage, mais si
quelqu’un d’autre met 50 euros de moins, vous êtes de la revue !
Il n’y a plus de relation avec le client. Avant la crise, nous y
dépensions 150 euros par mois parce que nous avions d’énormes volumes en direct. Avec la crise, même pour partir, il me
manquait du fret et nous sommes passés à 2 000 euros par
mois. Une bourse est donc utile, mais certains l’ont instrumentalisée. Avec les prix proposés, à un moment donné, il vaut mieux
réduire la voilure que de continuer à travailler comme ça. On y
voit des tarifs aberrants, par exemple 0,45 euro le kilomètre pour
un complet ! Et après ce sont les surprises au moment du règlement des factures : les impayés qui arrivent, les affrètements en
cascade. Les bourses de fret restent un bon instrument, mais ce
qui manque, c’est un certain contrôle, une déontologie.
«N
»
QUESTIONS À...
JEAN-CLAUDE PLÀ, PRÉSIDENT DU GROUPEMENT ASTRE
D. R.
« Nous sommes pour la libre concurrence »
‡‡ L’OT : Astre et les bourses de
fret : c’est un sujet brûlant cette
année ?
J-C. P. : En 2009, nous avons travaillé sur l’évolution de notre SIG
(Ndlr, outil Intranet du groupement). Notre problématique a été
de pouvoir ouvrir notre bourse
de fret aux autres prestataires.
Nous avons donc mené des négociations avec nos deux prestataires, Nolis et Teleroute, mais
également avec BDF Web,
Wtransnet et TimoCom. Notre
outil bourse de fret, que nous appelons Cargo Fret Community,
est en mesure d’envoyer des offres de fret sur les trois autres
prestataires. Reste à décider si
nous franchissons le pas, si nous
basculons sur ce mode de fonctionnement. La décision définitive n’a pas été prise. Elle va dépendre du choix de nos
adhérents et des autres groupements avec qui nous sommes en
discussion.
‡‡ Vous
avez des états d’âme ?
J-C. P. : La question consiste à sa-
voir quelle est la bonne stratégie
à mettre en œuvre au niveau des
bourses. Nous considérons que
l’outil bourse de fret nous coûte
trop cher. C’est une problématique qui dure depuis longtemps.
Nous ne sommes pas forcément
entendus sur ce registre : cela
nous conduit à étudier d’autres
pistes mais rien n’est arrêté. Il
existe plusieurs pistes de réflexion. Celles que nous développons en interne et celles que
nous partageons avec nos confrères. Aujourd’hui, nous considé-
L’Officiel des Transporteurs – N° 2526 du 20 novembre 2009
rons qu’il existe un monopole. Il
est né d’une efficacité que nous
reconnaissons à Teleroute mais
également à Nolis. Mais nous
avons du mal à vivre cette omniprésence, malgré nos accords
préférentiels et malgré le fait
qu’ils nous apportent beaucoup.
Nous sommes pour la libre
concurrence. Aujourd’hui, nos
adhérents sont libres d’acheter
ou de ne pas acheter dans les
protocoles, ils ont toute liberté.
Nous aimerions avoir un peu
plus de liberté pour imaginer
d’autres modes de fonctionnement au sein du groupement et,
pourquoi pas, avec nos confrères des autres groupements.
péens (ND, Kuehne & Nagel,
Geodis…), qui croient qu’à un
horizon plus ou moins lointain,
ils auront réussi à avoir notre
peau à tous ou que nous serons
tous devenus leurs sous-traitants.
Nous, nous pensons qu’ils se
trompent et que si nous parvenons à nous fédérer au niveau
des groupements, nous pouvons
constituer une alternative. Et faire
mentir en même temps les stratégies qui se profilent à long
terme et que bon nombre de politiques partagent. Je me souviens
qu’en 1992 on m’avait déjà dit :
« A quoi cela sert-il que vous vous
battiez, vous êtes déjà condamnés ». Nous sommes en 2009 et
nous sommes toujours là. Encore
plus vigoureux qu’en 1992. Nous
‡‡ Est-il facile de trouver des in- avons fait mentir ces pronostics
térêts convergents avec des et allons continuer dans cette
groupements concurrents ?
voie.
J-C. P. : Je préfère parler de collègues. Nos véritables concurrents
Propos recueillis
sont les grands opérateurs europar SLIMANE BOUKEZZOULA