Massalia Blues, Minna Sif
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Massalia Blues, Minna Sif
EXTRAITS DE PRESSE Massalia Blues, Minna Sif Presse écrite Le Figaro Littéraire, 20 juin 2013 Méchamment marseillais Elle a du style, Minna Sif. Elle l'avait prouvé quand elle nous avait offert Méchamment berbère, un récit truculent d'une famille issue du Maghreb. Peinture sociologique sans la lourdeur de l'essai. Avec l'humour, on décrypte mieux. Son décor était un quartier populaire de Marseille, la porte d'Aix (qui n'a rien à voir avec la bourgeoise Aix-enProvence, bien au contraire). Ce quartier, véritable personnage, on le retrouve dans son nouveau roman. La narratrice est écrivain public – parents illettrés obligent, elle a fait ça toute sa vie. Elle veut absolument convaincre, avec insistance et hargne, Brahim, « clochard céleste » qui trimballe son chariot, de demander des papiers. À chaque fois, il rebrousse chemin juste avant de franchir la porte du bonheur. C'est cette saga que nous conte avec virtuosité et verve Minna Sif, elle en profite pour brosser des portraits dignes d'une cour des Miracles. À la dernière page, la romancière brosse également son autoportrait, elle dit « L'intensité du mouvement intérieur qui préside l'écriture m'inspire de la joie ». Aux lecteurs aussi. Mohammed Aissaoui Corse Matin, 12 juin 2013 Avec Massalia Blues, Minna Sif signe un pont entre deux rives Minna Sif est née en Corse, dans une famille originaire du sud marocain, elle a obtenu un diplôme de journaliste reporter d'images en 1994 et anime depuis 2008 des ateliers d'écriture à Marseille à destination des jeunes et des adultes. Elle est l'auteur de Massalia Blues, ouvrage qu'elle a dédicacé à la librairie des Palmiers, l'occasion d'une rencontre. Son écriture décrit avec un fort réalisme le quartier populaire de la Porte d'Aix à Marseille où grouillent de nombreux personnages. Portraits saisis sur le vif, scènes parfois incisives de la vie quotidienne, style aux mélanges subtils : son écriture vigoureuse et rythmée puise à la source d'un multiculturalisme. L'auteur apporte un éclairage subtil sur l'univers d'un livre foisonnant, riche et ouvert. Pourquoi ce titre ? Il m'a été offert par un ami écrivain. Massalia évoque le côté merveilleusement antique de la ville, Blues, une complainte pleine de hargne, d'humour féroce et de mélancolie. Parmi les nombreux thèmes évoqués dans votre livre, où va votre préférence ? Mon livre met en avant les femmes, la parole des femmes et la capacité à faire corps avec un hameau, un douar, une culture. Le héros Brahim, clochard, survit au milieu du « pays des femmes ». Il se construit grâce à elles, sa mère, Zina sa maîtresse, Leïla la prostituée, Fatem, la poétesse... L'écrivain public qui crée un pont d'une rive à l'autre de la Méditerranée est-il important dans votre roman ? Il les relie à un monde bien réglé, eux en retour le relient à un bled inconnu, « ce lieu dépositaire de toutes les transes nostalgiques ». Un échange se crée. Les correspondances langagières permettent de s'ouvrir aux autres d'une rive à l'autre, en ayant son propre monde. Et la Corse ? J'ai raconté un souvenir d'enfance en Corse où je suis née dans le livre collectif Une enfance corse. La place de la langue corse dans ce que j'ai écrit est très forte, elle occupe la même place que la langue berbère et que la langue française. Ma langue d'écriture est imprégnée de la musicalité de la langue corse. Un projet d'écriture concerne les portraits de marocains dans l'île. Le multiculturalisme présent dans votre écriture n'en constitue-t-il pas la richesse ? Je suis le produit de ce multiculturalisme. Je fais valoir mes origines, ma terre natale. Dans mon roman, je ne m'en explique pas, je m'en étale. Quand on vient de plusieurs endroits, ça donne une liberté dans l'insolence et une responsabilité. J'essaie de servir le texte et non pas de me servir du texte. Tout est inventé. Le meilleur de l'être humain est de se renouveler à l'endroit où il est, renouveler son langage. Vous êtes également un écrivain engagé... La prise de position citoyenne est une arme absolue car la pire des violences, c'est d'empêcher l'autre de s'exprimer dans sa singularité, le nier dans ce qui fait justement sa richesse. Votre richesse ne vient-elle pas de votre plume ou de votre don de l'observation ? À 2 ans, à Porto-Vecchio, ma mère m'asseyait sur une marche et me disait : « Regarde ». Rien ne m'échappait de ce qui se passait dans le hameau. Très silencieuse et très timide, je m'imprégnais de la situation. Propos recueillis par Christine Bottero L’Humanité, 30 mai 2013 Porte d'Aix, la vie à hauteur de Caddie Brahim, clochard céleste de la porte d'Aix, chante la ville et les femmes dans le beau roman de Minna Sif. C'est au lieu-dit Les Pierres plates, au pied du fort Saint-Jean qu'a été construit le Mucem. Avant cette consécration culturelle, le haut lieu était un non-lieu, où atterrissaient épaves en tout genre, routards en fin de parcours, dealers, clochards partageant en frères, leur fatigue ensoleillée à l'abri du mistral, veillés craintivement par de rares couples d'amoureux. C'est là que la narratrice fait la connaissance de Brahim, la cloche incarnée Dans son improbable Caddie, Brahim véhicule, bien caché dans son monde portatif une boule de poils affublée d'un ruban bleu, un chien qui manque de passer à la baille, poussé par le mistral au moment où il aboie contre un ferry. On se rencontre comme on peut. C'est ainsi que Brahim fait son entrée dans le roman. La narratrice, écrivain public à la poste Colbert, le persécute pour qu'il aille, enfin demander des papiers s'attirant l'invariable réponse : « Ce n'est pas pour moi. » Amour de la liberté et méfiance largement fondée vont décourager toute tentative de le faire entrer dans la queue du bureau des étrangers de la préfecture, malgré l'attitude de plus en plus pressante des CRS. Alors Brahim parle. De lui, de son père, de son grand-père. Façon comme une autre de parler de ce qui compte vraiment pour lui, et pour ses auditeurs les femmes. Les aventures de Fadela, sa mère de Haffida, sa grand-mère, et des innombrables femmes qui traversent d'une manière ou d'une autre le chemin de son père, Lyazid-n'a-qu'un-pied, invalide de guerre, de son grand père Saïd Ganga Boullila, gredin mort en odeur de sainteté, ou de l'un ou l'autre des mâles de la famille. S'en suit un récit haut en couleur, où les quartiers du trabendo marseillais et les villages berbères de l'Atlas se superposent sans se confondre, les rapports entre hommes et femmes, dominants et dominés, malades et guérisseurs ne différant que selon d'infinitésimales variantes. Ce qui préside au destin de Brahim, c'est le mauvais œil, qui l'a saisi dans son berceau dès le premier soir de sa vie et l'a précipité dans cette existence errante dont seules les femmes constituent le repère. Vieilles ou jeunes, amiantes ou indifférentes, secourables ou vindicatives, elles sont la substance du monde de Brahim et la trame du roman de Minna Sif. L'auteur de Méchamment berbère donne un deuxième roman très abouti, servi par une langue rabelaisienne qui donne de Marseille une lecture inattendue et vraie. A.N. Corse Matin, 22 mai 2013 Massalia Blues aux Palmiers Minna Sif est née dans le sud de la Corse d'une famille originaire du Sud du Maroc. Et comme elle est vraiment vouée à ce point cardinal c'est au sud de la France, à Marseille, qu'elle vit et travaille - oups ! - dans les quartiers Nord... Son deuxième roman, Massalia Blues publié chez Alma met en scène un clochard libertaire qui se refuse à demander des papiers où à payer un marchand de sommeil. Une vie, sur les deux rives d'une Méditerranée qui oseille du tragique à la drôlerie. La vie d'un homme, Brahim, totalement conditionné par les femmes qui l'ont accompagné depuis sa naissance. On a comparé l'écriture de Minna Sif à celle de Céline et son dernier roman à un « remake populaire et phocéen des Mille et une nuits ». Elle ira à la rencontre des lecteurs pour une séance de dédicace cet après-midi à partir de 17 heures à la Librairie des Palmiers. Politis, 11 avril 2013 Affreux, sales et drôlement méchants Dans Massalia Blues, Minna Sif dynamite les clichés sur les populations immigrées. Brahim et ses acolytes, Maghrébins échoués sur le port de Marseille, sont des Gargantua et des Pantagruel sans le sou. Leur appétit phénoménal ne connaît pas de répit, et leur énergie, fille du désespoir, se déploie dans les activités les plus humiliantes. Mendicité, prostitution, petits trafics en tous genres... Les pauvres hères de Massalia Blues, second roman de Minna Sif, s'adonnent sans relâche aux vices dont regorgent les clichés associés aux immigrés qui résident en France. À tel point qu'ils échappent au réalisme teinté de misérabilisme encore dominant dans les littératures relatives à l'immigration. La démarche de l'auteure évoque celle du romancier d'origine togolaise Sarni Tchak. Dans Place des fêtes (2001), celui-ci affuble ses personnages - eux aussi issus de l’immigration - d'une sexualité plus que débridée, il les fait succomber à l'inceste et à une tripotée d'autres pratiques réprouvées. En grossissant jusqu'à l'absurde les idées reçues qui pèsent sur les populations venues d'ailleurs, les textes de ces auteurs détournent avec truculence les discours de rejet de la figure de l'étranger. Plus sales, immoraux et excentriques que ne les aurait décrits le plus intolérant des racistes, les protagonistes de Massalia Blues sont des caricatures de caricatures. Imaginés par une narratrice écrivain public officiant au bureau de poste Colbert, ces personnages forment une topographie de la misère des déracinés au visage clownesque. Nul besoin de les lier entre eux par une intrigue. Brahim, le clochard céleste et chapardeur notoire, l'oncle Kébir, marchand de sommeil sans vergogne, Fatima Kader, l'ancienne prostituée hystérique, ou encore Hadj Abdelsalem, le « saint homme qui exorcisait les envoûtes et les fous délirants à l'eau salée », ont chacun leur moment de gloire dans le Marseille dessiné par la prose gouailleuse de Minna Sif. La langue argotique de l'auteure, truffée de néologismes, relie entre elles les aventures picaresques des différents personnages Elle révèle l'inventivité de la population mise à l'honneur dans l'ouvrage, conférant aux immigrés un véritable vocabulaire corporel. Expert en solutions de survie toutes plus tordues les unes que les autres, le personnel romanesque de ce texte est un génie en haillons. Plus il se vautre dans des situations a priori dégradantes, plus il prouve sa souveraine intelligence et son humour envers et contre tout. Anais Heluin La Vie, 28 mars 2013 ROMAN. Alors que les projecteurs sont braqués sur Marseille, capitale européenne de la culture 2013, ce roman fait entendre une note bleue aux reflets fauves, qui donne une image autrement réaliste, et même impressionniste, de la cosmopolite cité phocéenne. D'origine marocaine, la jeune auteure corse de Méchamment berbère dépeint sa ville d'adoption à travers la lorgnette populaire du quartier de la Porte-d'Aix et de sa faune interlope : une véritable cour des miracles, peuplée d'immigrés illettrés, de marchands de sommeil, de prostitués et autres miséreux. Tel Ibrahim, le héros de ces aventures picaresques : à la fois « clochard céleste », refusant de demander des papiers à la préfecture, et « conteur roublard » d'une rocambolesque saga familiale qui nous conduit jusqu'au Maroc. À travers sa narratrice, écrivain public du côté de la Poste Colbert, Minna Sif nous plonge dans un monde d'abjections truculentes et de putains sublimes. On en ressort un peu sonné. De fait, sa verve véhémente décoiffe. Volubile et outrancière, sa plume, affûtée dans les ateliers d'écriture qu'elle anime à Marseille, charrie même de jubilatoires trouvailles linguistiques. Malheureusement, à vouloir trop en faire, elle vire souvent au pesant exercice de style. Restent, dans ses phrases fleuve travaillées à l'excès, croulant sous les adjectifs et les hyperboles, des moments d'une grâce sauvage et singulière. Anne Berthod Livres Hebdo, 8 mars 2013 Vauvert : Un festival contre les discriminations DU 15 AU 17 MARS. La librairie La Fontaine aux livres, à Vauvert (Gard), et les éditions Au Diable vauvert créent le festival du livre In/Différences contre les discriminations, qui aura lieu chaque année pendant la Semaine nationale contre le racisme. Le thème retenu pour cette première - l'immigration - permettra d'entendre le rappeur MC Jean Gab1, Minna Sif (Massalia blues, Alma), Aissa Lacheb, qui fut un temps bibliothécaire en prison, le raseteur Jacky Simeon, passé à l'écriture, le journaliste Pierre Daum. Au programme, tables rondes (« Français, d'ailleurs », « Rap'elle toi Victor Hugo ! », « Racismes et immigrations »), rencontres avec des collégiens et signatures sur le marché, place des Halles. [[email protected]]. Mars Actu, 26 février 2013 Minna Sif : "MP 2013, c'est de l'événementiel qui méprise l'essence même de Marseille" Invitée de notre talk, l'écrivain Minna Sif a présenté son dernier roman Massalia Blues, une complainte de sa ville d'adoption. À l’issue de l'interview, la romancière a fustigé la vision étriquée et peu représentative de la ville défendue par MP2013. http://www.marsactu.fr/culture-2013/minna-sif-mp2013-cest-de-levenementiel-quimepriselessence-meme-de-marseille-30445.html Le temps n'est rien, vient nous dire Minna Sif qui publie seize ans après la sortie de Méchamment Berbère, Massalia Blues *, sa complainte sur Marseille. Le titre, évocateur, est une proposition d’Achmy Halley, directeur de la villa Marguerite Yourcenar, lieu de résidence d'auteurs situé dans les Flandres. "Je me suis jetée dessus car les titres sont des cadeaux". Minna Sif se jette aussi éperdument dans ses histoires, des destins de personnages qui, portés par une imagination fertile ancrée dans la réalité de cette ville effervescente, paraissent véritables. Le point névralgique de Massalia Blues n'est autre que "la porte d'Aix. C'est mon territoire littéraire, la porte d'entrée et de sortie de la Méditerranée et l'endroit que traversent les gens quand ils descendent des ferries en provenance de Tunis, Alger, Ajaccio et Bastia. Lorsque les gens remontent le boulevard des Dames, passent par la porte d'Aix, ce mouvement est symbolique du passage de l'autre rive et de la conquête d'une nouvelle ville. C'est un quartier populaire, mais où règne une solidarité extraordinaire. On va s'y ressourcer et prendre un élan pour ensuite descendre à la conquête du cours Belsunce, de la Canebière et prendre à bras-le-corps cette ville", s'épanche la romancière, intarissable. "Épouilleur de la ville monde" Lorsque Minna Sif décrit le héros de son roman, Brahim, elle en parle avec affection : "une sorte de clochard céleste, un homme en errance. Quelqu'un qui un jour est arrivé à Marseille et n'a jamais voulu avoir de papiers parce que le désir qui l'anime est d'être à la fois et d'ici et de là-bas et de faire un tout avec ces deux rives. " L'homme pousse son caddie porte d'Aix, il est un "épouilleur de la ville monde", comme l'écrivain en voit tant, penchés au-dessus des poubelles pour ensuite revendre leurs trouvailles dans les marchés clandestins de la ville. Minna Sif se fiche bien des critiques, qui lui reprochent parfois une surabondance d'adjectifs, tandis que d'autres y décèlent une écriture rythmée et foisonnante à la manière d'un Ferdinand Céline. "Lorsque j'écris, ce qui me vient curieusement à l'esprit ce sont mes langues, à la fois maternelles et intérieures." Avec des parents marocains d'origine berbère émigrés en Corse, Minna Sif se dit portée par des langues fortes. "En arrivant à Marseille, j'ai aussi appris le 'maghrébin', c'est-à-dire une langue fusionnelle, ce métissage entre le marocain, le tunisien et l'algérien dialectal". Enfant, à l'école Maurice Korsec, la maîtresse la déclare interprète et traductrice de ses camarades de classe, primo arrivantes. Auprès de ses parents analphabètes, Minna Sif sert également d'interprète familiale. "Devenir interprète constitue la meilleure manière dont dispose l'enfant d'une langue étrangère de s'approprier l'autre espace de sa langue adoptive." Vision bourgeoise Aujourd'hui, Minna Sif écrit uniquement en français, sa langue adoptive mais "charnelle aussi". Convaincue par l'utilité de la maîtrise de la langue française, la romancière anime des ateliers d'écriture dans les quartiers Nord de Marseille, ces mêmes quartiers qu'elle estime délaissés par l'événement Marseille-Provence, capitale européenne de la culture. En aparté, elle tranche, comme elle l'avait fait auprès de Libération et de France Culture : "Marseille est la capitale du rap et aucun lieu n'est dédié au rap alors qu'ils construisent des tas de musées. C'est un très mauvais message envoyé aux quartiers sensibles, porteurs de cette culture hip-hop." Vindicative, Minna Sif ressort l'argument des "contres", celui du vrai Marseille oublié versus son fac-similé : "MP2013 ne fait pas la part du vrai Marseille, il ne présente aucune dimension humaine, guère plus de cohésion culturelle. C'est de l'événementiel, quelque chose de touristique, qui méprise l'essence même de Marseille." Assénant le coup final, elle lance : "MP2013 représente une vision bourgeoise de la culture alors que cette ville possède un potentiel extraordinaire". Elodie Crézé AFP, 21 février 2013 Marseille: une partie de la scène rap se sent exclue de la capitale de la culture Un point de vue partage par la romancière Minna Sif, qui vient de publier "Massalia Blues" (éditions Alma) et est intervenue dans un atelier d'écriture pour les rappeurs, à la cité de la Busserine (14e arrondissement). Béatrice Roman-Amat La Marseillaise, 10 février 2013 Fiction. Notre ville, capitale européenne de la culture, sert de décor à l'invention de deux romancières. Marseille vire au sombre Bon ! autant ne pas prendre de chemin détourné et dire d'emblée qu'avec Massalia Blues de Minna Sif, ça va fort, très fort ! Difficile de sortir indemne d'une écriture (celle de la protagoniste, écrivain public) qui ne prend pas de gants avec les mots pour vous conter la misère qui sévit au Maroc et le sort des immigrés (et plus particulièrement de Brahim) dans notre ville phocéenne - véritable Cour des Miracles, où l'on ose à peine s'aventurer et qui n'a rien à envier à celle de l'Ancien Régime Une seule différence : les mendiants, aveugles, paralysés et nains d'autrefois ont été remplacés par les étrangers aux "articulations vermoulues par l'arthrose du marteau-piqueur", les vendeurs à la sauvette, les petits trafiquants, les sans-papiers, et les jeunes prostitués (pour ce qui est de ces derniers, ils n'ont pas attendu notre époque pour se livrer, à leur corps souvent défendant, aux volontés d'autrui). Sans oublier les logeurs véreux qui n'hésitent jamais à louer des habitations misérables, envahies de rats attentifs "au vol des miettes tombées du fourneau à gaz" Écrit dans un style outrancier, digne des coups de gueule des décadents du XIXe siècle, le roman de Minna Sri a choisi de se laisser aller à l'immodération et de piquer au vif Et c'est tant mieux. Il faut bien, de temps en temps, que la démesure déboulonne la bienséance et que les battes verbales heurtent de front Dame convention et Messire bon usage. Anne-Marie Mitchell The New-York Times, 4 février 2013 Known for Crime and Poverty, but Working on Its Image To be sure, there is harsh criticism, too. Minna Sif, a novelist from Marseille, born to Moroccan parents, compared the festivities to a “sardinade,” a traditional Mediterranean dish of grilled sardines, lined up and covered in olive oil. “It’s hard for me,” she wrote in the newspaper Libération, “to recognize myself in this sardinade, stamped as the capital of right-thinking, feel-good culture, run by a mess of preening cultural morons, of those assigned to the uncultivated and of ambitious people with their mouths stuffed with words.” Steven Erlanger and Mai de la Baume http://www.nytimes.com/2013/02/05/world/europe/marseille-france-tries-to-alter-imagefrom-rough-to-cultured.html?_r=0 Libération, 21 janvier 2013 Marseille, capitale d’une autre culture Par MINNA SIF Romancière Le 12 janvier chaque Marseillais fut convié à pousser sa clameur au milieu des couacs chichement festifs d'une — imposture annoncée : Marseille capitale de la débâcle culturelle, car fomentée sans la singularité de ses territoires. L'ignominie des décideurs, ces peureux d'une culture pour tous, fut d'instrumentaliser le multiculturalisme qui fonde cette ville le temps de la candidature pour mieux le nier par la suite. Ainsi nul lieu dédié au bip hop. Pourtant Marseille est une capitale du rap dont la réputation a franchi les frontières de l'Hexagone. Difficile de me reconnaître dans cette sardinade estampillée capitale de la culture bien pensante, conduite par un fatras de « cakes » cultureux, de commissionnés à l'inculture et d'ambitieux pleins de bouche. Sans oublier les élues de la République issues des quartiers, en pleine guerre des cagoles, appelant à la ruée vers les Roms, conviant tanks et armée au chevet des quartiers, au lieu de se battre pour qu'existé à Marseille une reconnaissance des cultures Hip-hop. Où sont passés les poètes et poétesses du rap ? Elle est où la reconnaissance de la diversité culturelle marseillaise ? Au con de la Sainte-Baume ! J'ai passé ces trois dernières années dans les quartiers à animer près d'une centaine d'ateliers d'écriture qui font partie des chantiers Marseille-Provence 2013. Lors d'un atelier rap à la Busserine, une cité du XIVe, j'ai croisé des jeunes qui ont une familiarité renversante avec la langue française, une intimité avec les mots que beaucoup leur envieraient. Des auteurs vraiment tous au plus près de la phrase, de son rythme intérieur. Des trouvères, troubadours, rwais, raissas, griots et griottes de la langue. Tel ce garçonnet de 11 ans qui a chaque atelier nous faisait écouter sa prose, enregistrée, mixée, puissante déjà dans sa revendication. Trois musées sont sortis de terre, tant mieux, cette rage du monument historique est enfin comblée. Il faut à Marseille un lieu vivant, dédié au hip-hop. Un lieu emblématique de ce multiculturalisme dont je suis issue et que certains haïssent par dégoût du genre humain. Un lieu pour contenir la poésie vibrante qui secoue les Marseillais de Keny Arkana, petit génie aux textes mordants, à Soprano, Psy4 de la rime, 3 e Œil... d'autres encore, en passant par I AM. La très grande majorité des jeunes Marseillais sont atteints de poésie déclamatoire car ils sont les arrière-petits-enfants de ces hommes et ces femmes qui parcourraient les douars, rebâbs et loutars en bandoulière, pour dénoncer les injustices et moquer les frasques de tel caïd ou tel col blanc. Leurs mots nous sont indispensables. Ne pas leur offrir une tribune où clamer leurs hauts faits, rapper l'amour, la peur de la drogue et dénoncer les injustices sociales est un non-sens. Leur poésie est bien d'ici. Légitime et brillante. Sans ce lieu, une part de Marseille restera éteinte, prostrée dans cette inertie qu'on lui connaît. On nous parle de la violence des quartiers. La pire des violences c'est empêcher l'autre de s'exprimer dans sa singularité, le nier dans ce qui fait justement sa richesse. À paraître le 7 février 2013 : « Massalia Blues », éditions Alma Livres Hebdo, 18 janvier 2013 La complainte de Brahim D'une prose enragée, Minna Sif écrit le chant des damnés de Marseille. Clandestin à Marseille, Brahim trimbale son chien Minot et un caddie plein de marchandises trouvées dans la rue, qu'il tente de vendre entre deux descentes de police sur le marché sauvage de la place Jules-Guesde où se presse tout ce que la cite compte de pauvres, d'exclus et de bandits. La narratrice, écrivain public dans une grande poste du centre-ville, l'a rencontré un an plus tôt, injuriant d'une plage, à l'embouchure du Vieux-Port, les ferries en partance. C'est elle qui fait les présentations au début de ce roman cru et plein de verve, avant de laisser le clochard conter lui-même son histoire commencée sur la rive sud de la Méditerranée, poursuivie rive nord à partir du début des années 1960. En troubadour emporté Brahim écrit la légende des siens, se souvient de son père rentré au douar amputé d'une jambe, laissée dans les tranchées de la Grande Guerre. Il évoque les femmes, surtout, de là-bas et d'ici, mamans et putains, guerrières sorcières et noumaères affrontant la misère et les maléfices des « jnouns » : la mère (« Fadéla, ma mère, n'en faisait qu'à sa tête, le coup de cœur brouillon »), la grand-mère paternelle, Haffida, Zina la Morte, la prostituée devenue apothicaire, survivante d'un tremblement de terre auquel a réchappé aussi Brahim, la blonde Antoinette, la plantureuse Fatima Kader qui a le pouvoir d'interpréter les songes. Réfractaire magnifique, Brahim refuse d'aller demander des papiers au bureau des étrangers de la préfecture Et trouve « les rues de la ville moins humides que les cellules dégoulinantes » de l'oncle Kédir, le vieil Arabe qui depuis trente ans a fourni des piaules infâmes à une « armada de brûleurs de frontières » Massalia blues est un blues qui cogne dur, qui hurle, qui exagère, qui gémit, qui implore. Minna Sif chante son amour furieux pour le peuple de Marseille et sa prose à l'accent célinien emprunte au mistral ses rafales d'enfer. L'auteur de Méchamment berbère (J'ai lu, 2000) ressemble à la narratrice de son roman qui a hérité de la « bonté terrible » de son père et est « animée d'une rage indélébile à [se] mettre du côté des proscrits, des gens perdus, des âmes rugueuses ». C’est une « forte en langue » qui a mis toute sa ferveur dans cette geste à la gloire des humiliés. Véronique Rossignol Livres Hebdo, 09 janvier 2013 Marseille-Provence 2013 se livre Au rayon littérature, un des auteurs de la rentrée littéraire d’hiver, Minna Sif, qui signe chez Alma éditeur Massalia blues, le 7 février, est associé à la compagnie Le Théâtre de la mer dans le cadre de Marseille Capitale européenne de la Culture 2013 et participe au projet « Foot(ing) Marseille » en animant de nombreux ateliers d’écriture. Anne-Laure Walter Internet Zone Critique, 17 juillet 2013 C’est avec plaisir que Zone Critique vous présente aujourd’hui son troisième article en provenance de son nouveau partenaire, La Cause Littéraire. Zone Critique héberge chaque mois deux articles de ce magazine, dont la finalité toute affichée est de servir la littérature. Aujourd’hui retour sur le roman de Minna Sif, Massalia Blues. Minna Sif nous plonge au cœur d’une sorte de cour des miracles, pègre et misère s’y côtoient, pour le pire et exceptionnellement pour le meilleur. C’est Marseille la belle, ses quartiers, son vieux port, ses vendeurs à la sauvette, ses marchands de sommeil, ses parias et ses prostituées, et dans cette cour grouillante de la ville basse, un roi découronné pousse son Caddie. Clochard et clandestin, fier et roublard, Brahim refuse d’aller chercher des papiers à la préfecture. Et cela, malgré les offres d’aide insistantes de la narratrice, écrivain public du côté de la Poste Colbert, pour tout un monde sans voix, parfois même sans droits. Enfant déjà, elle était la voix de ses parents, venus eux aussi de douars marocains aux noms imprononçables. « Cet emploi d’écrivain public était pour moi un pont ténu entre une population venue de l’autre bord de la Méditerranée et cet autre monde bien ordonné qui ne voulait d’eux que du bout des lèvres, du bout de ce tutoiement dont on les gratifiait encore trop souvent ». Brahim, vieux fou, est aussi un conteur hors pair. Lui, dont la vie comme tant d’autres a fait le grand écart au-dessus de la Méditerranée, ne transporte pas qu’un affreux cabot déplumé et tout un tas de vieilles saloperies au fond de son Caddie, mais aussi des pelletées d’histoires incroyables, dont les héroïnes sont des femmes, que dis-je, des furies, des ogresses débordantes de chair et de vie. Fadéla la dégourdie, Zina la morte, Leïla la putain aux dents d’or, Haffida la dévoreuse, Fatem la poétesse, la blonde Antoinette et d’autres encore. Mères, grand-mères, sœurs, épouses, maîtresses… Tout un univers féminin aussi jouissif qu’étouffant, en butte à la brute lâcheté des hommes. Hardie, sacrément fleurie et explosive, l’écriture de Minna Sif déborde comme une opulente poitrine du corsage étroit de la bienséance. Elle ne craint pas de tremper sa plume dans les sucs et les fiels, l’amour et la haine étant bien souvent trop emmêlés pour pouvoir les distinguer. Les cris, la rage, les larmes, le sperme et les vers qui rongent les plaies. L’humanité dans toutes ses splendeurs et ses déchéances, excessive et délirante comme l’amour de ces mères du sud pour leur progéniture, à Marseille, aussi bien que dans les douars marocains. On se perd dans la narration un peu brouillonne, forcément, à l’image de ce bouillon de cultures, d’où jaillissent cependant des envolées de génie. Il y a du fellinien, du rabelaisien… Nul n’y est à une fourberie ou une contradiction près, nous ne sommes pas chez ceux qui pètent dans la soie le petit doigt levé. Ici, c’est avec les poings et le verbe haut que la vie se conjugue. C’est à peine exagéré, comme la vie de Brahim, c’est un vécu du feu de dieu, à moins que ce ne soit celui d’un djoun, et c’est donc aussi forcément marseillais. Un lexique à la fin permet de s’y retrouver dans les emprunts à la langue arabe et on apprend ainsi qu’Harraguas signifie littéralement « brûleurs de frontière » et désigne les jeunes émigrants qui rejoignent l’Europe clandestinement au péril de leur vie, et que les Hittistes, « teneurs de murs », sont de jeunes diplômés chômeurs qui passent la journée adossés à un mur. Massalia Blues à nous en faire rougir les tympans. Ça se lit avec le sourire, le souffle court et une certaine stupéfaction. Tant de gouaille sous la plume d’une jeune fille, ça ne s’invente pas, ça se vit et se transmet comme un bouton de fièvre. Âmes délicates s’abstenir, mais ce serait dommage. Cathy Garcia La Cause Littéraire, 5 juillet 2013 Minna Sif nous plonge au cœur d’une sorte de cour des miracles, pègre et misère s’y côtoient, pour le pire et exceptionnellement pour le meilleur. C’est Marseille la belle, ses quartiers, son vieux port, ses vendeurs à la sauvette, ses marchands de sommeil, ses parias et ses prostituées, et dans cette cour grouillante de la ville basse, un roi découronné pousse son Caddie. Clochard et clandestin, fier et roublard, Brahim refuse d’aller chercher des papiers à la préfecture. Et cela, malgré les offres d’aide insistantes de la narratrice, écrivain public du côté de la Poste Colbert, pour tout un monde sans voix, parfois même sans droits. Enfant déjà, elle était la voix de ses parents, venus eux aussi de douars marocains aux noms imprononçables. « Cet emploi d’écrivain public était pour moi un pont ténu entre une population venue de l’autre bord de la Méditerranée et cet autre monde bien ordonné qui ne voulait d’eux que du bout des lèvres, du bout de ce tutoiement dont on les gratifiait encore trop souvent ». Brahim, vieux fou, est aussi un conteur hors pair. Lui, dont la vie comme tant d’autres a fait le grand écart au-dessus de la Méditerranée, ne transporte pas qu’un affreux cabot déplumé et tout un tas de vieilles saloperies au fond de son Caddie, mais aussi des pelletées d’histoires incroyables, dont les héroïnes sont des femmes, que dis-je, des furies, des ogresses débordantes de chair et de vie. Fadéla la dégourdie, Zina la morte, Leïla la putain aux dents d’or, Haffida la dévoreuse, Fatem la poétesse, la blonde Antoinette et d’autres encore. Mères, grand-mères, sœurs, épouses, maîtresses… Tout un univers féminin aussi jouissif qu’étouffant, en butte à la brute lâcheté des hommes. Hardie, sacrément fleurie et explosive, l’écriture de Minna Sif déborde comme une opulente poitrine du corsage étroit de la bienséance. Elle ne craint pas de tremper sa plume dans les sucs et les fiels, l’amour et la haine étant bien souvent trop emmêlés pour pouvoir les distinguer. Les cris, la rage, les larmes, le sperme et les vers qui rongent les plaies. L’humanité dans toutes ses splendeurs et ses déchéances, excessive et délirante comme l’amour de ces mères du sud pour leur progéniture, à Marseille, aussi bien que dans les douars marocains. On se perd dans la narration un peu brouillonne, forcément, à l’image de ce bouillon de cultures, d’où jaillissent cependant des envolées de génie. Il y a du fellinien, du rabelaisien… Nul n’y est à une fourberie ou une contradiction près, nous ne sommes pas chez ceux qui pètent dans la soie le petit doigt levé. Ici, c’est avec les poings et le verbe haut que la vie se conjugue. C’est à peine exagéré, comme la vie de Brahim, c’est un vécu du feu de dieu, à moins que ce ne soit celui d’un djoun, et c’est donc aussi forcément marseillais. Un lexique à la fin permet de s’y retrouver dans les emprunts à la langue arabe et on apprend ainsi qu’Harraguas signifie littéralement « brûleurs de frontière » et désigne les jeunes émigrants qui rejoignent l’Europe clandestinement au péril de leur vie, et que les Hittistes, « teneurs de murs », sont de jeunes diplômés chômeurs qui passent la journée adossés à un mur. Massalia Blues à nous en faire rougir les tympans. Ça se lit avec le sourire, le souffle court et une certaine stupéfaction. Tant de gouaille sous la plume d’une jeune fille, ça ne s’invente pas, ça se vit et se transmet comme un bouton de fièvre. Âmes délicates s’abstenir, mais ce serait dommage. Cathy Garcia Actualitté.fr, 15 mars 2013 In/Différences, le festival du livre contre la discrimination Et on ne "diabolise" pas... Les discriminations ont la peau dure, mais Le Diable Vauvert pourrait bien les égratigner à coups de fourche : la maison d'édition s'associe avec la librairie Fontaine aux Livres de Vauvert (Gard) pour la première édition du Festival In/Différences, contre les discriminations, et plus particulièrement le racisme pour cette année. Et ce alors que la région est désormais représentée dans les médias par un député FN, Gilbert Collard. Avec d'autres associations de Vauvert, comme les radios Raje et Radio Système, Le Diable a réuni quelques auteurs pour des tables rondes, des dédicaces et des débats entre le 15 et le 17 mars : le rappeur MC Jean Gab'1 […] Minna Sif (Massalia Blues, Alma éditions). Myboox.fr, 10 février 2013 Marseille-Provence 2013 célébré par les livres Tous les projecteurs sont braqués sur la métropole provençale cette année Capitale européenne de la culture. Un événement qui suscite une abondante production éditoriale. Marseille-Provence 2013, Capitale européenne de la culture, c’est parti ! Des musées sortent de terre, des spectacles se donnent ici et là et une effervescence éditoriale tous azimuts est annoncée, comme le rappelle le magazine Livres hebdo. Le bouillonnement artistique de la plus vieille ville de France s’illustre dans les nombreux livres qu’elle inspire. Le couple Marseille-Polar fonctionne toujours Au rayon littérature d'abord, avec Minna Sif, auteur de cette rentrée d’hiver qui anime des ateliers d’écriture dans les quartiers Nord de la ville. Elle signe chez Alma éditeur, le roman picaresque Massalia blues qui évoque Marseille, ville de mélanges et nous emmène aussi de l’autre côté de la Méditerranée, au Maroc. S.M. Radio France Culture, « Le Carnet d’or » d’Augustin Trapenard, samedi 4 mai à 17h France Culture, « Un autre jour est possible » de Tewfik Hakem, 26 février 2013 L'invité : Le Milieu interlopé d'un quartier populaire de Marseille est le point d'ancrage du roman de notre invité qui dévide les fils de la vie des mendiants, prostituées et autres bandits composant cette sarabande. http://www.franceculture.fr/player/reecouter?play=4581589