« Reverse logistics » : stratégies et techniques

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« Reverse logistics » : stratégies et techniques
Logistique & Management
« Reverse logistics » :
stratégies et techniques
Dr. Dale S. ROGERS
Professor of Supply Chain Management, University of Nevada,
Dr. Ronald S. TIBBEN-LEMBKE
Assistant Professor of Supply Chain Management, University of Nevada,
Les gestionnaires accordent un intérêt grandissant à la « reverse-logistics » . Celle-ci
occupe une place beaucoup plus importante qu’il y a quelques années. Le présent
document décrit synthétiquement plusieurs stratégies et technologies nouvelles
que les responsables de « reverse-logistics » peuvent utiliser aujourd’hui pour améliorer les « flux à rebours », et dont ils devraient disposer dans le futur.
Introduction
Si la « reverse logistics » n’a fait l’objet que
d’un intérêt limité dans le passé, cette situation commence à changer. La parution de ce
numéro spécial qui lui est consacré, de même
que le nombre croissant d’articles de la presse
commerciale1 et de conférence2 qui lui sont
consacrés, en sont la preuve. En outre, plusieurs ouvrages3 et documents4 ont été publiés
sur le sujet récemment. Il est évident que
davantage d’entreprises accorderont un intérêt très significatif à la « reverse logistics » à
l’avenir.
Les travaux de recherche existants proposent
plusieurs définitions de la « reverse logistics ». Le présent document retiendra la définition suivante :
Processus de planification, de mise en œuvre
et de contrôle, de manière rationnelle et avantageuse, des flux de matières premières, de
produits semi-finis, de produits finis et d’informations y afférentes, du point de consommation jusqu’au point d’origine, dans le but
de récupérer ou de créer de la valeur ou
d’améliorer l’élimination des déchets5.
Ce document cherche à montrer aux entreprises les possibilités d’amélioration de leurs
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pratiques de reverse logistics. Les conclusions
qu’il présente sont le fruit d’une récente étude
menée par les auteurs sur la reverse logistics.
La finalité de ces travaux consistait en partie à
déterminer l’importance des activités reverse
logistics aux Etats-Unis et, au-delà, à déterminer les pratiques actuelles, à examiner ces pratiques et à collecter des données sur les
tendances dans le domaine de la reverse logistics.
Les chercheurs ont contacté 1 200 responsables américains de reverse logistics en
vue de leur participation à l’étude. Au total,
258 questionnaires n’ont pas pu être livrés aux
destinataires et 311 réponses exploitables ont
été reçues – soit un taux de réponse de
29,53 %. L’équipe de recherche a également
mené des entretiens approfondis avec plus de
150 responsables de reverse logistics, y compris en Europe. Elle a visité des entreprises
afin d’observer les processus reverse logistics.
Les problèmes de retour de produits rencontrés
récemment par des entreprises spécialisées dans
le commerce électronique ont dévoilé l’importance de la reverse logistics, ainsi que les difficultés qui lui sont inhérentes. L’avantage du
commerce sur Internet réside en partie dans le
fait que le détaillant n’a pas besoin de bâtir une
1 - Marcia Jedd, “Going
Forward with Reverse
Logistics”, Inbound Logistics,
août 1999, pp. 46-52 ; “Shifting
Logistics into Reverse”,
Transport Topics, 18 janvier,
1999 ; Julie Ritzer Ross,
“Returns Gatekeeping Seen as
Key to Efficient Reverse
Logistics”, Stores, février 1998,
pp. 49-50 ; Jodi E. Melbin, “The
Never-Ending Cycle”,
Distribution, octobre 1995,
pp. 36-38.
2 - Par exemple : James R.
Stock, “Development and
Implementation of Reverse
Logistics Programs,” CLM 1998
Annual Conference ; Dale
S. Rogers, “Going Backwards: a
Study of Reverse Logistics
Trends and Practices,” CLM
1998 Annual Conference ;
James H. Austhof, Omar Keith
Helferich et Arthur H. Otis,
“Achieving an Effective Supply
Chain: Color My Pipeline
Green”, CLM 1997 Annual
Conference.
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3 - Dale S. Rogers et Ronald S.
Tibben-Lembke, Going Backwards: Reverse Logistics Trends
and Practices, Pittsburgh, PA,
RLEC Press, 1999 ; James R.
Stock, Development and Implementation of Reverse Logistics
Programs, Oak Brook, IL, Council of Logistics Management,
1998 ; Ronald Kopicki, Michael
J. Berg, Leslie Legg, Vijetha Dasappa et Cara Maggioni, Reuse
and Recycling–Reverse Logistics Opportunities, Oak Brook,
IL, Council of Logistics Management, 1993; Hans Ronald
Krikke, Recovery Strategies and
Reverse Logistic Network
Design, Enschede (Pays-Bas),
University of Twente, 1998.
4 - Craig R. Carter et Lisa M.
Ellram, “Reverse Logistics:
A Review of the Literature and
Framework for Future Investigation”, Journal of Business
Logistics, 19:1, 1998,
pp. 85-102; Martin Thierry,
Marc Salomon, Jo van Nunen et
Luk van Wassenhove, “Strategic
Issues in Product Recovery
Management”, California
Management Review, 37:2, hiver
1995 ; Leo Kroon et Gaby Vrijens, “Returnable Containers:
an Example of Reverse Logistics”, International Journal of
Physical Distribution and Logistics Management, 25:2, 1995;
Terrance L. Pohlen et M. Theodore Farris II, “Reverse
Logistics in Plastic Recycling”,
International Journal of Physical Distribution and Logistics
Management, 22:7, 1992).
5 - Dale S. Rogers et Ronald S.
Tibben-Lembke, Going Backwards: Reverse Logistics Trends
and Practices, Pittsburgh, PA,
RLEC Press, 1999 ; Dale S.
Rogers et Ronald S. Tibben-Lembke, “An Examination
of Reverse Logistics Processes”,
soumis au Journal of Business
Logistics.
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boutique, ni un réseau de boutiques en dur afin
de proposer ses produits aux clients. De nombreuses entreprises pensent de ce fait que les
moyens et les processus physiques ne sont pas
importants dans le commerce électronique.
Malheureusement, elles n’ont pas su tirer les leçons de l’expérience passée de la vente par correspondance. Les détaillants sur catalogue
avaient fini par se rendre compte que si les
clients ne peuvent pas examiner les produits
physiquement avant de les acheter, ils
retourneront probablement un pourcentage élevé d’articles par la suite. Force est de constater
que les entreprises de commerce électronique
n’échappent pas à cette règle, bon nombre
d’entre elles ayant vu leurs perspectives de rentabilité sérieusement compromises du fait de
leur incapacité à gérer de manière rationnelle et
efficace les flux à rebours de leurs produits.
De nombreuses entreprises n’ont pris conscience de l’importance de la reverse logistics
que depuis relativement peu de temps, mais ne
se sont pas encore rendu compte du rôle stratégique qu’elle peut jouer. Afin de réduire les
coûts de reverse logistics, les entreprises
devront s’atteler à améliorer avant tout certains aspects de leur logistique à rebours,
notamment :
l
l
l
l
Améliorer leur technologie de filtrage
d’accès aux flux à rebours (”gatekeeping
technology” chez les Anglo-saxons) ;
Prendre plus tôt les décisions en matière
d’élimination des déchets ;
Accélérer le traitement/réduire le temps
des cycles ;
Améliorer la gestion des données.
Le présent document examine essentiellement
la manière dont les entreprises peuvent réduire
le coût de la gestion de leurs flux logistiques à
rebours. L’un des moyens les plus simples pour
réduire le coût des flux logistiques à rebours est
de réduire le volume des produits qu’elles sont
amené à transporter. Cela implique deux choses : premièrement, empêcher les produits non
qualifiés d’entrer dans les flux ; deuxièmement, une fois que des produits sont entrés dans
les flux, les écouler et les faire sortir du système
aussitôt que possible.
Réduire les flux logistiques
à rebours
Pour réduire les flux de produits dans le système reverse logistics, il existe plusieurs technologies et techniques nouvelles qu’on peut
utiliser pour s’assurer que chaque produit qui
entre dans les flux logistiques à rebours rem-
plit les conditions requises pour être dans le
système.
Gestion du cycle de vie des produits
On peut considérer qu’une bonne gestion de la
reverse logistics s’inscrit dans le cadre d’un
concept plus large dénommé gestion du cycle
de vie des produits. Dans le futur, les entreprises à la pointe du progrès commenceront probablement à mettre l’accent sur la gestion de
l’ensemble du cycle de vie des produits. Le
concept de gestion du cycle de vie des produits signifie que l’entreprise met en œuvre
l’appui logistique et marketing approprié en
fonction, du moins en partie, du stade où le
produit se trouve dans son cycle de vie.
L’idée maîtresse du concept de cycle de vie
des produits est que tous les produits ont une
vie limitée et passent par différents stades.
Généralement, la courbe du cycle de vie d’un
produit se divise en quatre phases distinctes, à
savoir le lancement, la croissance, la maturation et le déclin. Les quantités du produit augmentent dans les phases de lancement et de
croissance. Lorsqu’un produit se trouve au
stade de maturation, les ventes commencent à
se tasser, puis à diminuer. Durant la phase de
déclin, les ventes enregistrent une très forte
baisse et les profits générés par le produit
diminuent.
Selon le stade où il se trouve dans son cycle de
vie, un produit a besoin d’un type de gestion et
d’un type d’appui différents. La gestion logistique requise durant le stade du lancement est
très différente des besoins d’appui au stade de
maturation. En outre, la gestion de la chaîne
logistique requise à la fin de la vie d’un produit diffère par rapport aux autres stades.
Le cycle de vie n’est pas uniforme d’un produit ou d’un secteur d’activité à un autre.
C’est un concept théorique qui peut être utile ;
cependant, dans la pratique, il est difficile de
déterminer le stade où un produit se trouve
dans son cycle de vie une fois qu’il a dépassé
les stades de lancement et de croissance. L’entreprise doit surveiller les tournants de la
demande du produit. Elle ne peut les identifier
que si elle comprend bien l’historique et le
marché dudit produit.
Malheureusement, dans de nombreuses
entreprises, les départements Marketing et
Logistique se focalisent seulement sur le
début et le milieu du cycle de vie des produits.
La mission de ces départements est beaucoup
plus claire au début du cycle de vie : lancement du produit nouveau, développement des
ventes et appui y afférent sont alors leurs
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préoccupations principales. Par ailleurs, il est
parfois difficile pour une entreprise d’admettre qu’un produit se trouve en fin de vie.
Les décisions sont différées parce que des
gestionnaires pensent qu’ils peuvent prolonger d’un peu plus la vie d’un produit. Les
départements Ventes et Marketing peuvent
même essayer de camoufler une baisse des
ventes d’un produit, pensant qu’une telle
baisse serait interprétée comme une baisse de
leurs propres performances.
Lorsque le produit approche la fin de sa vie,
les coûts de détention de stocks augmentent.
Ces coûts incluent notamment le coût respectif de l’argent, de l’assurance, des taxes, des
pertes physiques, de l’entreposage et de l’obsolescence. Au fur et à mesure qu’un produit
évolue dans son cycle de vie et se rapproche de
la fin de sa vie commerciale, les coûts d’obsolescence passent d’un niveau très faible à 100
%. Les coûts d’entreposage du produit iront
aussi en croissant. Cela signifie qu’une entreprise ne peut pas se baser sur un coût unique
de détention de stocks tout au long du cycle de
vie du produit. Le schéma 1 présente un scénario d’évolution du coût de détention des
stocks.
Il importe tout autant de bien gérer les produits à la fin de leur vie qu’au début. Comme
le montre le schéma, il peut s’avérer plus crucial de bien gérer les stocks à la fin de la vie
d’un produit qu’au début.
Schéma 1. Coût de détention des stocks.
», de telle sorte que le système d’information
conçu pour la logistique avant ne fonctionne
généralement pas bien pour la reverse logistics.
La majeure partie des processus de retour
impliquent beaucoup de paperasserie. L’automatisation de ces processus est difficile parce
que les processus reverse logistics se caractérisent généralement par des exceptions
nombreuses. Par ailleurs, la reverse logistics
consiste généralement en processus embrassant plusieurs entreprises ou unités différentes
de la même entreprise. La conception d’un
système d’information qui doive fonctionner
à l’échelle de plusieurs entités complique
davantage le problème. Pour bien fonctionner,
un système d’information dédié à la reverse
logistics doit être flexible.
Lorsqu’un produit atteint la fin de sa vie, il a
des chances d’entrer dans les flux logistiques
à rebours. Une bonne reverse logistics est un
élément fondamental de la gestion du cycle de
vie des produits. Une fois que le produit a
dépassé le stade de la vente en grandes quantités dans son cycle de vie, l’entreprise doit
commencer à « débarrasser » le canal par une
gestion reverse logistics appropriée. Les gestionnaires doivent planifier la fin de la vie du
produit, de même qu’ils doivent bien penser
les autres stades du cycle de vie. S’ils sont
capables de planifier une bonne partie des
aspects de la gestion à la fin de la vie d’un produit, plutôt que de réagir tardivement devant
l’obsolescence des stocks, le bénéfice total
tiré du produit en question par l’entreprise
sera supérieur.
Un tel système d’information devrait utiliser
des programmes informatiques précis à même
de réaliser des mesures reverse logistics
importantes, telles que la conformité avec les
besoins des magasins, les taux de retour, les
taux de recouvrement et, enfin, la rotation
des stocks de retours. Dans certains cas, le
contrôle des retours nécessitera de toute évidence une extension et une amélioration
significatives du système informatique.
Système d’information
D’autre part, les outils tels que le marquage
par radiofréquence sont utiles. Les innovations telles que les codes à barres à deux
dimensions et l’identification par radiofréquence – qui permet de doter chaque article
d’un numéro d’immatriculation – deviendront
courants peut-être sous peu.
Afin de mieux gérer la reverse logistics, les
entreprises devront améliorer leur système
d’information dédié à la reverse logistics.
L’environnement de la logistique à rebours est
assez différent de celui de la logistique « avant
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Même si elles ne mettent pas en place ce
contrôle, les entreprises développeront un
meilleur système d’information dédié à la
reverse logistics dans le futur. Il faut souligner
que le système d’information actuel de nombreuses entreprises ne leur permet pas de
suivre la situation de leurs retours.
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Technologie de filtrage d’accès aux flux à rebours
L’un des aspects essentiels de la réduction du
coût de la gestion des flux à rebours est la
réduction du nombre de produits qu’on laisse
entrer dans le système alors qu’ils ne
devraient pas s’y trouver. Le processus de
décision quant aux produits à admettre dans le
système est dénommé filtrage d’accès (”gatekeeping”). Si un produit est destiné à être jeté,
le coût de son transport du magasin jusqu’au
centre de traitement des retours avant qu’il
soit jeté est encouru en pure perte. L’amélioration du filtrage d’accès aux flux à rebours peut
permettre de réduire le volume de ces flux, et
partant de réduire sensiblement leur coût.
Afin d’améliorer le filtrage d’accès aux flux à
rebours, il est indispensable de fournir aux
employés en première ligne des informations
appropriées sur les produits à admettre dans
les flux logistiques à rebours, tâche qui n’est
pas aisée. Sa difficulté tient notamment au fait
que les employés en première ligne qui prennent les décisions d’admission des retours
sont pour une bonne partie des personnes
inexpérimentées rémunérées au salaire minimum. Les détaillants sont réticents à engager
des dépenses importantes pour la formation
de ces employés, car le taux de rotation de ces
derniers a tendance à être élevé. Des efforts de
formation permettraient d’améliorer à coup
sûr le filtrage d’accès aux flux à rebours, mais
des mesures importantes de formation sur une
base permanente ne seraient pas rentables.
S’il n’est pas faisable d’offrir au personnel
responsable de l’admission des retours un
niveau élevé de formation, de nombreux
fabricants ont cherché à mettre en place des
garde-fous dans le système de retour en indiquant aux employés des éléments à suivre lors
du processus d’admission d’un retour. Ces
éléments permettent à l’employé de connaître
les produits qui peuvent être rendus, le délai
autorisé de retour après l’achat ou encore les
éléments qui devraient accompagner l’article
principal. Par exemple, dans le cas d’un
magnétoscope, l’employé devrait s’assurer
que le magnétoscope lui-même, la télécommande et les cordons sont tous présents, et que
la télécommande correspond bien à l’appareil.
Afin de faciliter aux détaillants le traitement
des retours, un fabricant bien intentionné peut
mettre au point un classeur contenant une
fiche synthétique sur chacun des éléments qui
devraient être présents pour chacun de ses
produits.
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Malheureusement, ces éléments mis au point
avec grand soin deviennent souvent obsolètes
juste quelques mois ou semaines après leur
impression en raison des changements de produits. Le principal inconvénient de ces éléments est qu’ils impliquent beaucoup de
paperasserie. Prenons l’exemple banal d’un
Service retour : une demi-douzaine de fabricants ou plus lui ont envoyé chacun leur
propre classeur, et lui envoient périodiquement des mises à jour. En peu de temps, le
Service retour est submergé d’éléments, et
aucun de ses employés ne sait où se trouvent
l’ensemble des éléments, ni les éléments qui
sont obsolètes ou qui sont à jour. Plutôt que
d’essayer de se retrouver dans cet enchevêtrement de procédures et de règlements,
les employés préfèrent tout simplement les
ignorer.
Filtrage d’accès aux flux à rebours sur
Internet
Pour améliorer le filtrage d’accès aux flux à
rebours, certains détaillants investissent dans
des systèmes de filtrage d’accès. Une solution
qui semble prometteuse consiste en une page
web sur l’Internet ou sur un intranet qui guide
l’employé dans la procédure de retour pour
chaque produit. Lorsqu’un client vient rendre
un article, l’employé balaie le code à barres
UPC sur l’article. L’ordinateur demande alors
automatiquement au système informatique du
fabricant la procédure de retour pour ce produit particulier. Puis, une page web apparaît
sur l’écran de l’employé afin de le guider dans
la procédure de retour pour ce produit.
Si l’on reprend l’exemple du magnétoscope,
une fois que l’employé a balayé le code UPC
de l’article, apparaît sur son écran une page
web qui présente une image et une brève description du produit. Il est demandé à l’employé si l’appareil qu’il a en main correspond
au modèle présenté à l’écran. Si tel n’est pas le
cas, l’employé peut choisir le modèle correspondant sur un menu. La page peut aussi
inclure une image de tous les éléments qui
devraient accompagner l’appareil, à savoir la
télécommande, les cordons et le mode d’emploi. A côté de chaque élément, il peut y avoir
une case, que l’employé cochera si l’élément
est présent.
Les détaillants et les fabricants interrogés
dans le cadre de la présente étude ont fait état à
maintes reprises d’un problème, à savoir que
les employés n’ont pas pleinement conscience
de l’importance de la présence des accessoires
et autres éléments. En effet, certains fabricants n’accepteront pas le retour d’un article
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si certains éléments essentiels manquent, ou
n’accorderont alors qu’un crédit partiel au
détaillant. Il se peut que ce dernier ait remboursé intégralement au client le prix d’un
magnétoscope rendu, mais qu’il ne reçoive en
fin de compte du distributeur qu’un crédit de
50 % du prix parce qu’il manquait la télécommande, par exemple.
C’est la raison pour laquelle tant les fabricants
que les détaillants ont fait part de leur souhait
d’informer, autant que possible, les employés
du coût facturé au magasin pour l’absence de
certaines pièces. Comme nous l’avons expliqué plus haut, il n’est malheureusement pas
possible de tenir à jour les systèmes de filtrage
de retours basés sur le papier pour chaque produit de chaque distributeur proposé à la vente.
Par contre, il est possible de mettre à jour rapidement les matériaux dans le cas d’un système de filtrage basé sur un web.
Par exemple, la page web pourrait inclure, à
côté des images de la télécommande et des
cordons du magnétoscope, le coût qui serait
facturé au détaillant s’il manquait chacun de
ces éléments. Cela ferait prendre conscience à
l’employé de l’importance de la présence de
chacune de ces pièces. Le coût facturé pour
certaines pièces peut être supérieur à celui
facturé pour d’autres ; il est possible qu’une
télécommande égarée coûte 5 USD au détaillant, et qu’un cordon égaré ne coûte rien. La
page web pourrait même calculer le remboursement auquel aurait droit un client en fonction des éléments que l’employé a vérifiés.
Outre le coût facturé pour les éléments requis
par le distributeur, le détaillant peut imposer
des pénalités supplémentaires pour les autres
éléments. L’emballage, par exemple, est très
important pour la protection des produits lors
de leur acheminement dans les flux à rebours.
Le détaillant peut imposer une pénalité supplémentaire pour emballage manquant afin de
couvrir les dommages susceptibles d’être causés à l’article en raison de l’absence d’emballage.
Échange de données informatisées
L’échange de données informatisées (EDI) est
également une technologie importante. Si
l’EDI n’est pas nouveau, la plupart des entreprises ayant participé à l’étude ne l’ont pas
encore totalement adopté. Certes, de nombreux processus peuvent être automatisés au
sein d’une organisation, mais il est difficile de
mobiliser les ressources nécessaires pour
mettre en place l’ensemble des transactions
d’EDI dont une entreprise pourrait souhaiter
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disposer. De toute évidence, pour la plupart
des entreprises, la logistique à rebours ne fait
pas partie des priorités en termes d’adoption et
de mise en place d’outils.
L’ensemble de 180 transactions d’EDI a été
conçu pour automatiser le traitement des
retours6. Malheureusement, aucune des nombreuses entreprises avec lesquelles l’équipe
de recherche s’est entretenu n’avait adopté cet
outil.
Le filtrage d’accès aux flux à rebours sur
Internet permet d’améliorer le système
reverse logistics d’un autre point de vue, à
savoir qu’il fournit aux détaillants un outil de
traitement des retours, voire même au distributeur des données sur les produits qui entrent
dans les flux à rebours et lui parviendront
éventuellement sous peu.
Enregistrement au point de vente
Dans certains cas, les fabricants sont disposés
à accepter les retours des clients pendant une
période de temps limitée après l’achat initial.
Si un détaillant rend un produit au fabricant
après l’expiration de ce délai, le fabricant ne
lui accordera pas de crédit. Dans ce cas de
figure, le détaillant doit connaître la date
exacte de l’achat du produit.
Une technologie peut fournir cette information au détaillant, à savoir l’enregistrement au
point de vente : il suffit au détaillant de balayer
par un lecteur optique et d’enregistrer ainsi le
numéro de série du produit au moment de la
vente. Les chercheurs ont découvert l’existence d’un système de ce type lors de la phase
de collecte de données. Dans ce système, le
détaillant envoie par voie électronique le numéro de série et la date de la vente au fabricant. Le fabricant archive le numéro de série,
la date de la vente et le nom du magasin qui a
vendu le produit. Lorsqu’un client tente de
rendre un produit par la suite, le détaillant
consulte le fabricant pour savoir si le produit
est toujours sous garantie.
Si un système de retour basé sur un web analogue à celui décrit plus haut est mis en place,
on pourrait inclure cette fonction dans la page
web. Dès que l’employé balaie le code UPC
du produit, apparaît une page web qui lui
demande de balayer le numéro de série de l’article. Ensuite, la page web accède à la base de
données et dit à l’employé si le produit a été
acheté dans ce magasin et s’il peut en principe
accepter le retour de l’article.
Un tel système permet d’éliminer pratiquement les retours indus. Dans le cas décrit, le
6 - Rogers et Tibben-Lembke,
“Appendix D: EDI 180
Transaction Set”.
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fabricant verse au détaillant 0,5 USD pour
chaque produit enregistré. De toute évidence,
ce système a un coût pour le fabricant : outre le
coût de l’enregistrement des produits, le fabricant doit prendre en charge le coût élevé du
développement et de la mise en place d’un tel
système.
En dépit du coût d’un tel système, il peut générer des retombées substantielles pour certains
produits. Les avantages seront d’autant plus
importants qu’il s’agit de produits de valeur
élevée à cycle de vie court. Le fait qu’un produit ait un cycle de vie court peut inciter
davantage le client à essayer de le rendre
au-delà de la période autorisée de retour
(période de garantie). Lorsqu’une nouvelle
version d’un produit sort sur le marché, de
nombreux clients veulent rendre l’ancienne
version afin d’obtenir la nouvelle. S’il s’est
écoulé trop de temps depuis l’achat pour que
le fabricant autorise le retour, certains clients
essaieront d’abuser le système de retour. Plus
fréquente est la sortie de nouvelles versions du
produit, et plus les clients sont enclins à abuser
le système. De même, plus élevée est la valeur
du produit, et plus les clients sont enclins à
abuser le système.
Lutter contre les retours abusifs
L’enregistrement au point de vente est l’illustration d’une technologie dont l’utilisation
pourrait se répandre dans le futur, sachant que
détaillants et fabricants se donnent la main
pour lutter contre les retours abusifs. Il est évident que le retour abusif de produits par les
consommateurs cause un préjudice tant aux
fabricants qu’aux détaillants. Même si les
fabricants et les détaillants ont souvent des
intérêts divergents sur de nombreuses questions, la lutte contre les retours abusifs est un
domaine dans lequel les deux parties peuvent
s’entendre pour coopérer.
Identification par radiofréquence
Déterminer la position et la destination de produits dans la chaîne logistique à rebours peut
exiger beaucoup de temps. De nombreux produits sont rendus sans l’emballage original ou
avec un emballage endommagé. Dans ces cas,
il est très difficile d’utiliser un lecteur de codes
à barres pour suivre le mouvement des produits dans les flux logistiques à rebours.
L’identification par radiofréquence (ci-après
« IRF ») est une technologie relativement nouvelle qui peut s’avérer pratique dans ces situations. Les méthodes usuelles d’identification
des produits sont passives. Pour déterminer la
présence d’un article particulier, le seul
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moyen est de se rendre à l’entrepôt pour vérifier si l’article s’y trouve. Par contre, l’IRF est
une forme d’identification plus active ; elle
consiste à incorporer à chaque produit un
émetteur radio de très petite dimension et de
faible puissance qui émet un signal très faible.
Malgré sa taille modeste, la mar-que d’IRF
contient une pile qui peut durer plusieurs années. Le signal est assez fort pour pouvoir être
capté par les récepteurs disposés dans l’entrepôt. Chaque article peut émettre un signal différent. On peut fabriquer jusqu’à 10 millions
d’articles (micro-ordinateurs, par exemple) et
incorporer une marque d’IRF différente dans
chacun qui émettrait ainsi un signal propre.
On peut utiliser l’IRF de deux manières : la
manière passive et la manière active. Dans
l’IRF passive, une « sentinelle » disposée à
l’entrée de l’entrepôt enregistre l’identité de
chaque produit lorsqu’il entre dans l’entrepôt,
puis lorsqu’il en sort. En toute logique, tout
élément qui est entré dans l’entrepôt mais qui
n’en est pas sorti doit toujours s’y trouver.
Dans l’IRF active, des récepteurs sont disposés à plusieurs endroits dans l’entrepôt. Pour
déterminer si un article particulier se trouve
dans l’entrepôt, les récepteurs recherchent le
signal dudit article. Si ce signal est capté par
plus d’un récepteur, on peut alors déterminer,
par triangulation, l’endroit de l’entrepôt où se
trouve l’article.
Par exemple, l’utilisation de l’IRF pour aider à
la gestion du retour des micro-ordinateurs
pourrait s’avérer judicieuse. Le système qui
consisterait à placer une marque d’IRF sur
l’appareil lors de son montage permettrait
d’éviter les erreurs inhérentes à la chaîne des
documents et aiderait à la gestion du cycle de
vie des micro-ordinateurs.
Une entreprise interrogée dans le cadre de
l’étude avait mis au point un système d’IRF à
même de lire simultanément les différentes
marques passives émettant depuis les différents cartons contenus sur une palette, sans
que ce balayage ne nécessite le déballage des
articles. Pour certains produits, la marque
d’IRF pourrait être placée sur la carte de circuit ou encastrée dans le boîtier plastique (micro-ordinateur, par exemple).
L’IRF peut aider les opérations reverse logistics de plusieurs manières. Comme nous
l’avons souligné plus tôt, elle peut être utile
pour suivre la trace d’articles dans un entrepôt. De plus, elle peut servir au filtrage de
l’accès aux flux à rebours. Enfin, elle peut être
utilisée pour enregistrer l’identité des articles
lors de leur vente, informations qui peuvent
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servir ultérieurement à déterminer ceux dont
le retour peut être accepté.
Codes à barres à deux dimensions
Le codage à barres à deux dimensions est une
autre technologie qui s’annonce prometteuse
pour les opérations reverse logistics. Les systèmes de codes à barres à deux dimensions
tels que PDF417, MaxiCode ou Aztec permettent à l’utilisateur d’incorporer beaucoup plus
d’informations dans un code à barres que les
systèmes à une dimension tels que l’UPC. Les
systèmes à une dimension contiennent un
chiffre ou un code que l’ordinateur doit traduire et faire correspondre à des informations
déjà présentes dans ses fichiers. Avec les systèmes de codes à barres à deux dimensions, le
code à barres peut contenir non seulement un
code, mais en plus une description et d’autres
commentaires relativement longs.
Les transactions et les processus de reverse
logistics se caractérisant généralement par des
exceptions, il est possible que les informations nécessaires pour actualiser les fichiers
de l’ordinateur excèdent la capacité d’un code
à barres à une dimension. Ce handicap des
systèmes de codes à barres à une dimension
pourrait signifier que, pour les applications reverse logistics, les nouvelles technologies
– telles que l’IRF ou les codes à barres à deux
dimensions – deviendront la règle plutôt que
l’exception.
Collecte de données
Grâce à l’utilisation de technologies améliorées de suivi des articles, telles que celles que
nous venons d’examiner, et de systèmes d’information améliorés pour le suivi des flux de
ces articles, les entreprises disposeront de
beaucoup plus d’informations sur leurs processus reverse logistics. Et le défi sera alors
pour elles de savoir utiliser ces informations
de manière efficace à leur profit.
Dans le cadre de l’étude, les chercheurs ont
observé plusieurs exemples d’entreprises qui
ont employé des systèmes d’information
dédiés à la reverse logistics pour contrôler les
problèmes de qualité de leurs produits. En surveillant le nombre de retours pour un produit,
une entreprise peut mettre à jour une anomalie
et prendre les mesures appropriées. Dans un
de ces exemples, le prestataire tiers en charge
de la gestion des retours pour le compte d’un
détaillant avait remarqué qu’un nombre anormalement élevé d’articles en provenance d’un
distributeur étaient rendus pour cause de
défauts. Le prestataire tiers a alors recommandé au fabricant de procéder à une enquête, qui
Vol. 7 – N°1, 1999
a permis de découvrir un vice de conception.
Le fabricant a pu ainsi remédier au problème,
et les taux de retours ont diminué par la suite.
Sans un système efficace de collecte et d’analyse de données, le problème aurait bien pu
passer inaperçu.
Conception adaptée à la reverse logistics
Certaines entreprises se sont employé à
concevoir des produits plus faciles à fabriquer
– Conception adaptée à la fabrication
(”Design For Manufacture “ ou “DFM” chez
les anglo-saxons). D’autres ont conçu des produits plus faciles à traiter par la chaîne logistique – Conception adaptée à la gestion de la
chaîne logistique (”Design For Supply Chain
Management” ou “DFSCM”). Dans un
proche avenir, il est possible que davantage
d’entreprises commencent à réfléchir à la
conception de produits dont la gestion reverse
logistics serait plus facile. Nous suggérons un
terme pour cette idée : la Conception adaptée à
la reverse logistics (”Design For Reverse
Logistics” ou “DFRL”).
Dans certains cas, les entreprises ont tenu
compte de besoins reverse logistics dans la
conception du produit (par exemple, emballage conçu pour permettre une lecture optique
du numéro de série sur le point de vente). La
plupart des entreprises de vente directe aux
consommateurs fournissent avec le produit
une étiquette comportant leur adresse afin que
les clients puissent retourner facilement le
produit si nécessaire. Certaines entreprises
encouragent les consommateurs à rendre le
produit avec son emballage, ou encore à
rendre les produits usagés (cartouches d’encre
de photocopieuse ou d’imprimante, par
exemple) lorsqu’ils achètent des produits
neufs. La Conception adaptée à la reverse
logistics consiste à tenir compte des besoins
reverse logistics dans la conception et l’emballage du produit, autrement dit à intégrer
besoins reverse logistics et besoins de protection de l’environnement, d’une part, et produit
et chaîne reverse logistics, d’autre part.
Remboursement partiel
Une fois qu’un système d’information dédié
au retour est en place, une entreprise peut
déterminer de manière plus précise le montant
du crédit qu’un client devrait recevoir. Au lieu
d’accorder un remboursement intégral au
client et de prendre sur lui le coût de la télécommande manquante, par exemple, le détaillant peut choisir de n’accorder au client qu’un
remboursement partiel, lui faisant ainsi assumer le coût de l’élément manquant. Le détail-
21
Logistique & Management
lant peut même aller plus loin et ajouter à ce
coût une pénalité pour retour incomplet.
Dans certains cas, si le client a égaré un élément accompagnant l’article principal, il se
peut que l’employé ait pour instruction de
refuser le retour. Le remboursement partiel
constituerait un juste milieu par rapport à la
politique qui forcerait l’employé à opérer un
choix entre l’acceptation ou le refus d’un remboursement intégral de l’article. En effet, si
l’employé refuse d’accepter le retour de l’article parce que le client a, dans la réalité, égaré
un accessoire, le client peut en être contrarié ;
il vaut peut-être mieux alors donner à l’employé l’option supplémentaire d’accorder au
client un remboursement partiel.
Le remboursement partiel incitera fortement
le client à s’assurer de l’état complet du produit avant de le rendre, et aura ainsi pour effet
de réduire le coût des retours pour le détaillant.
Indépendamment de la mise en place chez
un détaillant d’un système d’information
moderne, l’amélioration des moyens technologiques mis à la disposition des employés
responsables du filtrage d’accès aux flux à
rebours sera un facteur important pour la
réduction des coûts de reverse logistics.
Gestion des flux logistiques
à rebours
Une fois que des produits ont été admis dans le
système reverse logistics, les entreprises doivent gérer les flux de ces produits afin de
minimiser leur impact sur les profits.
Standardisation des processus
L’une des difficultés les plus courantes que
l’équipe de recherche a observée au niveau
des systèmes reverse logistics actuels est le
manque de standardisation des processus au
sein des entreprises. Si les processus ne sont
pas standardisés, il est très difficile pour les
employés de l’organisation d’échanger des
idées sur les moyens de résoudre les problèmes reverse logistics.
La mise en place de processus reverse logistics efficaces commence au point de vente au
détail par la simplification et la standardisation des politiques et des procédures en
matière de retour. Ces politiques et procédures
simplifiées devraient se traduire par une
baisse du temps consacré au traitement des
retours, ainsi que par des décisions de meilleure qualité.
22
Pour des raisons diverses, la reverse logistics
est souvent perçue comme un domaine de
priorité secondaire dans de nombreuses entreprises. Dans le futur, les entreprises prendront
de plus en plus conscience de l’importance
stratégique de la reverse logistics, ce qui
devrait se traduire par l’affectation de ressources accrues à la gestion des flux logistiques à
rebours.
Un grand nombre d’entreprises ont découvert
que les avantages majeurs de la certification
ISO 9000 de leur canal « avant » découlent de
la standardisation de l’ensemble de leurs processus. Même s’il se peut que de nombreuses
entreprises ne choisissent pas d’obtenir une
certification ISO pour leurs processus reverse
logistics, compte tenu de l’accroissement des
ressources disponibles, elles apprécieront les
avantages de la standardisation.
Centres de centralisation des retours
L’une des conclusions de l’étude est que les
répondants qui avaient mis en place un centre
de centralisation des retours (« CCR »
ci-après) étaient d’accord sur le fait que l’utilisation d’un CCR distinct du centre de distribution « avant » (« CD » ci-après) présentait
de nombreux avantages. Dans un CCR, les
employés traitent un volume nettement plus
important de produits qu’ils ne pourraient
jamais le faire dans un magasin de vente au
détail. Cela leur permet de développer des
compétences pointues, qui peuvent s’avérer
très profitables à l’entreprise.
De plus, l’utilisation d’un CCR distinct permet au personnel affecté au traitement des
retours de se consacrer exclusivement à cette
tâche. Demander à un employé de « servir
deux maîtres » en lui confiant à la fois la distribution « avant » et la distribution à rebours ne
semble pas donner de bons résultats. Le problème ne réside pas dans la séparation physique du CCR et des CD « avant », mais dans
la séparation du contrôle.
Dans le futur, les entreprises continueront
à pratiquer la séparation, avantageuse, du
contrôle des canaux « avant » et à rebours.
Cependant, elles apprendront vraisemblablement à traiter les retours dans un CCR qui se
trouve physiquement peut-être dans le même
site qu’un CD « avant ». Cela leur permettra
d’installer le CCR dans le meilleur emplacement géographique, indépendamment de la
présence ou de l’absence d’un CD.
Vol. 7 – N°2, 1999
Logistique & Management
Prestataires tiers
Dans les années 80 et 90, l’une des tendances
majeures dans le domaine de la logistique a
été la reconnaissance de la logistique comme
une fonction en soi. Ayant analysé leurs
compétences de base, de nombreuses entreprises se sont rendu compte qu’elles ne possédaient pas le savoir-faire, ni les compétences,
ni l’expérience pour assumer certaines fonctions internes. Dans le futur, de nombreuses
entreprises estimeront peut-être que la reverse
logistics rentre dans la catégorie des activités
qu’il est préférable d’externaliser.
Les entreprises se rendront compte que le traitement efficace des flux à rebours et la maximisation des revenus tirés des marchés
secondaires nécessitent des compétences spécialisées. De nombreuses entreprises, qui
n’auraient jamais envisagé d’externaliser leur
distribution il y a trente ans de cela, estiment
aujourd’hui qu’elles peuvent réduire sensiblement leurs coûts en recourant à des prestataires de logistique. Dans le futur, il est possible
qu’une bonne partie de ces mêmes entreprises
parviennent à des conclusions similaires en ce
qui concerne les activités reverse logistics.
Marchés secondaires
Le terme de « marché secondaire » est utilisé
pour désigner l’ensemble des intermédiaires,
distributeurs et détaillants spécialisés dans les
produits qui ont déjà été proposés à la vente au
détail une fois. Pour une bonne partie, ces produits ont été retirés des magasins de vente au
détail parce qu’ils ne se vendaient pas bien, ou
ont été vendus mais retournés. Plutôt que de
jeter ces produits, on les vend généralement à
l’une des nombreuses entreprises présentes
sur le marché secondaire7.
Ce recyclage de produits est souvent désigné
sous le terme de recouvrement d’investissement ou d’actifs. Le recouvrement d’actifs est
devenu une source de revenus beaucoup plus
importante pour les entreprises qui écoulent
des produits sur le marché secondaire. Les
consommateurs américains y achètent beaucoup plus volontiers des articles que dans le
passé. En raison de ce phénomène, les entreprises qui vendent sur le marché secondaire de
manière organisée et efficace sont en mesure
de récupérer une plus grande valeur de l’actif
initial. Il y a quelques années de cela, un
important détaillant s’est lancé dans la
commercialisation de produits en provenance
des flux à rebours et a constaté qu’à la fin de
l’année elle avait tiré 25 % de son bénéfice net
du recouvrement d’actifs.
Vol. 7 – N°1, 1999
Dans le futur, les entreprises vont probablement coopérer beaucoup plus étroitement
avec leurs partenaires sur le marché secondaire. Le paradigme logistique actuel de
l’acheminement des matériaux de l’usine au
centre de distribution de produits finis, puis au
magasin, s’élargira pour inclure l’écoulement
des stocks de produits invendus ou retournés
sur le marché secondaire.
Ces 10 dernières années, les magasins d’usine
sont passés d’une modeste quote-part du total
des ventes à une quote-part nettement supérieure. Ils avaient été conçus à l’origine pour
écouler les marchandises invendues ou
retournées. La croissance du segment des
magasins d’usine a exigé de plus grandes
quantités de produits pour assurer son approvisionnement à un niveau suffisant. De nombreuses entreprises ont saisi cette opportunité
en commençant à fabriquer des produits spécialement destinés au marché des magasins
d’usine.
Il est difficile de prédire quel sera l’avenir du
marché secondaire. Toutes les indications
laissent à penser qu’il continuera à croître. Au
fur et à mesure de cette croissance, certains
fabricants prendront des mesures pour mieux
maîtriser le sort de leurs produits après leur
sortie du canal « A » .
Marchés secondaires sur Internet
L’utilisation de l’Internet fait partie des modes
d’écoulement de marchandises qui ont connu
le développement le plus spectaculaire. Elle
reste quelque peu limitée à ce jour, mais se développe rapidement, et il semble qu’elle deviendra dans le futur un mécanisme important
pour l’écoulement d’articles en provenance
des flux logistiques à rebours. Une étude récente qui a utilisé un moteur de recherche sur
Internet a identifié plus de 1 500 sites de vente
aux enchères, et plus de 2,5 millions de pages
web incluant le terme anglais « auction »
(c.-à-d. vente aux enchères). Même si ces chiffres ne constituent pas des estimations scientifiques, ils indiquent clairement que le web est
très utilisé pour la mise aux enchères d’articles.
L’Internet permet d’établir un lien direct avec
les consommateurs. En éliminant plusieurs
étapes intermédiaires, une chaîne logistique
basée sur l’Internet peut être plus efficace
qu’un canal classique, ce qui peut être très
utile lorsqu’on vend des articles en provenance de flux logistiques à rebours.
Certains produits sont vendus aux enchères
sur le marché secondaire par voie électro-
7 - Rogers et Tibben-Lembke,
“Chapter 3: Disposition and the
Secondary Market”.
23
Logistique & Management
nique, c’est-à-dire sur l’Internet. Une vente
aux enchères sur l’Internet permet aux
consommateurs de faire une offre pour des
articles jusqu’à un temps de clôture fixé à
l’avance. Les sites Internet tels que ou permettent de liquider des marchandises tout en
maximisant les revenus. Généralement, ces
sites Internet proposent quelques unités d’un
produit et permettent aux consommateurs de
faire une offre d’achat. Plutôt que de vendre
ces articles à un prix déterminé, on les vend
aux enchères, ce qui signifie que les clients
feront monter le prix jusqu’à un point d’équilibre entre la demande et l’offre. Le fait de
retenir une certaine quantité du produit incite
les consommateurs à faire monter le prix pour
le nombre limité d’unités qui est disponible
pour les enchères ce jour là. Cela permet au
vendeur de maximiser les revenus tirés d’un
produit qui, autrefois, aurait pu être liquidé
avec une perte substantielle.
Les revendeurs du marché secondaire s’approvisionnent également dans le cadre de ventes aux enchères à accès restreint. Un courrier
électronique est envoyé à un groupe de revendeurs du marché secondaire, message qui
inclut généralement un lien avec un fichier
contenant la liste des articles proposés. Il est
ainsi demandé aux revendeurs de faire une
offre pour les marchandises figurant sur ladite
liste. Les offres doivent être soumises dans un
délai préétabli. Ce mécanisme a accru l’efficacité du recouvrement d’actifs.
L’Internet constitue pour l’entreprise un
moyen-test rapide pour savoir s’il existe un
marché rentable pour le produit. Si le produit
ne rencontre pas de succès lors de la vente aux
enchères sur l’Internet, alors l’entreprise
devrait peut-être envisager une autre option
d’écoulement.
L’un des aspects contraignants des ventes aux
enchères sur l’Internet est que seul les
consommateurs qui ont accès à l’Internet peuvent les utiliser. Au fur et à mesure du développement de l’utilisation de l’Internet, ce
problème ira en s’atténuant. Actuellement, la
majeure partie des articles du marché secondaire proposés via l’Internet sont des produits
informatiques ou connexes. Par ailleurs, on
note une certaine appréhension à l’égard des
ventes aux enchères, due au fait que leur utilisation peut porter atteinte à l’image des marques.
Retour zéro
En guise de solution de gestion des flux à
rebours, plusieurs entreprises expérimentent
24
des programmes de retour zéro. Dans un programme de retour zéro, le fabricant ne reprend
jamais un article une fois celui vendu. Le
détaillant assume la responsabilité de l’écoulement du produit conformément aux stipulations du fabricant. En échange, le détaillant
reçoit une somme destinée à couvrir le coût
des articles qui lui sont rendus et de l’écoulement de ces articles. En transférant les besoins
de gestion des retours, le fabricant escompte
des économies de coûts suffisantes pour plus
que compenser la somme supplémentaire
versée au détaillant.
Dans le cadre de certains programmes de
retour zéro, le magasin reçoit toujours un crédit équivalent à un certain pourcentage des
ventes, indépendamment du taux de retour
effectif. Si le crédit est de 6 %, et si les retours
effectifs n’atteignent que 2 %, le détaillant est
gagnant. Dans un cas de figure opposé où le
crédit est fixé à 2 % et où les retours effectifs
s’élèvent à 6 %, le détaillant est perdant. Dans
ces programmes, l’idée est quand même de
fixer le crédit à un niveau suffisant pour excéder le niveau moyen de retour enregistré par le
détaillant. Cependant, étant donné le pouvoir
des grandes chaînes de vente au détail, il peut
s’avérer difficile pour le fabricant de faire prévaloir son point de vue par rapport à celui du
détaillant dans cette situation.
Malheureusement, étant donné le laxisme
avec lequel de nombreuses entreprises suivent
leurs retours, les programmes de retour zéro
ne font pas l’objet d’un contrôle suffisant.
Certains fabricants accusent les détaillants de
« vouloir le beurre et l’argent du beurre », en
prenant de l’argent du fabricant pour détruire
le produit et en écoulant ensuite tranquillement le produit par un circuit dérobé à un
intervenant du marché secondaire.
Amélioration des processus
En cherchant à améliorer les processus
reverse logistics, une entreprise peut être
confrontée à une multiplicité de pratiques particulières. La standardisation des processus
est utile à cet égard. La reverse logistics ayant
tendance à se caractériser par des exceptions,
souvent les processus ne suivent pas une règle
générale et sont propres à chaque lieu ou gestionnaire. La standardisation des processus
peut aplanir les problèmes et permettre de
mieux rentabiliser le recouvrement d’actifs.
De même, l’équipe de recherche a observé
que la prise en compte du cycle de vie des produits permet d’améliorer les processus
reverse logistics. Les possibilités d’écoule-
Vol. 7 – N°2, 1999
Logistique & Management
ment sont susceptibles de varier en fonction
du stade où le produit se trouve dans son cycle
de vie. Les produits qui se situent au début de
leur cycle de vie peuvent être plus faciles à
rendre au fabricant et s’écouler à un prix plus
élevé sur le marché secondaire.
En fonction du cycle de vie des produits d’un
fabricant, et de la valeur de ces produits,
les entreprises découvriront que différentes
combinaisons des stratégies examinées dans
le présent document seront nécessaires pour
traiter de manière efficace et rationnelle leurs
retours.
Pour les produits de valeur élevée et à cycle de
vie court, tels que les micro-ordinateurs, les
jeux vidéo ou les camescopes par exemple, un
système d’enregistrement au point de vente
peut constituer pour les détaillants et les fabricants un moyen très efficace pour réduire le
coût des retours abusifs. Cependant, le coût du
système d’enregistrement au point de vente
peut rendre l’adoption de ce système dissuasive pour de nombreux articles. Par exemple,
le coût du suivi d’une unité d’un produit à
faible coût, tel qu’une paire de jeans, interdirait probablement l’utilisation du système en
question.
Résumé et conclusions
De toute évidence, la reverse logistics occupe
une place de plus en plus importante. Les
entreprises sont en train de se rendre compte
qu’une bonne gestion de la reverse logistics
peut contribuer à la fois à accroître leurs revenus et à réduire leurs coûts d’exploitation.
Lorsqu’une entreprise consacre des investissements au développement d’outils tels que la
gestion du cycle de vie des produits et les technologies améliorées de filtrage d’accès aux
flux logistiques à rebours, ces outils produisent généralement un bon rendement.
Si la majorité des gestionnaires ne se préoccupent pas encore beaucoup des flux à rebours
de produits, ils sont de plus en plus nombreux
Vol. 7 – N°2, 1999
à commencer à se rendre compte que la
reverse logistics est un volet important et souvent stratégique de leur gestion. Dans le cadre
de cette étude, l’équipe de recherche a observé
de nombreux exemples d’incidence significative de la gestion reverse logistics sur la rentabilité. En effet, des gestionnaires brillants qui
s’emploient à améliorer les processus reverse
logistics de leur entreprise font actuellement
réaliser des économies et des profits substantiels à celle-ci. De toute évidence, même si on
la qualifie parfois d’un ton dérisoire de « gains
de chiffonnier ferrailleur », une valeur non
négligeable peut être récupérée de manière
avantageuse des produits sur le marché secondaire. Certes, le traitement et l’écoulement
efficaces des produits rendus ou invendus ne
deviendront probablement jamais la priorité
de la gestion d’une entreprise, mais ils peuvent lui donner un avantage compétitif.
Les auteurs
Dale Rogers PhD est le directeur du Center for Logistics
Management et professeur de Gestion de la chaîne logistique à l’University of Nevada. Il est titulaire d’un doctorat, d’une maîtrise de gestion et d’une licence de la
Michigan State University. M. Rogers est l’auteur de plusieurs articles publiés dans des revues logistiques et le
coauteur de trois ouvrages sur la logistique, notamment
Going Backwards: Reverse Logistics Trends and Practices, écrit avec Ron Tibben-Lembke.
Ron Tibben-Lembke est professeur assistant de Gestion
de la chaîne logistique à l’University of Nevada. Il est
titulaire d’un doctorat et d’une maîtrise de sciences en
Ingénierie industrielle de la Northwestern University,
ainsi que d’un diplôme en Mathématiques et informatique
du St. Olaf College (Northfield, Minnesota). M. TibbenLembke, qui a collaboré avec plusieurs entreprises dans
le domaine de la conception de réseaux de distribution,
est le coauteur de Going Backwards: Reverse Logistics
Trends and Practices, écrit avec Dale Rogers.
Dr. Ronald S. Tibben-Lembke
(775) 784-6993 x318
Fax : (775) 784-1769
[email protected]
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