« Reverse logistics » : stratégies et techniques
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« Reverse logistics » : stratégies et techniques
Logistique & Management « Reverse logistics » : stratégies et techniques Dr. Dale S. ROGERS Professor of Supply Chain Management, University of Nevada, Dr. Ronald S. TIBBEN-LEMBKE Assistant Professor of Supply Chain Management, University of Nevada, Les gestionnaires accordent un intérêt grandissant à la « reverse-logistics » . Celle-ci occupe une place beaucoup plus importante qu’il y a quelques années. Le présent document décrit synthétiquement plusieurs stratégies et technologies nouvelles que les responsables de « reverse-logistics » peuvent utiliser aujourd’hui pour améliorer les « flux à rebours », et dont ils devraient disposer dans le futur. Introduction Si la « reverse logistics » n’a fait l’objet que d’un intérêt limité dans le passé, cette situation commence à changer. La parution de ce numéro spécial qui lui est consacré, de même que le nombre croissant d’articles de la presse commerciale1 et de conférence2 qui lui sont consacrés, en sont la preuve. En outre, plusieurs ouvrages3 et documents4 ont été publiés sur le sujet récemment. Il est évident que davantage d’entreprises accorderont un intérêt très significatif à la « reverse logistics » à l’avenir. Les travaux de recherche existants proposent plusieurs définitions de la « reverse logistics ». Le présent document retiendra la définition suivante : Processus de planification, de mise en œuvre et de contrôle, de manière rationnelle et avantageuse, des flux de matières premières, de produits semi-finis, de produits finis et d’informations y afférentes, du point de consommation jusqu’au point d’origine, dans le but de récupérer ou de créer de la valeur ou d’améliorer l’élimination des déchets5. Ce document cherche à montrer aux entreprises les possibilités d’amélioration de leurs Vol. 7 – N°2, 1999 pratiques de reverse logistics. Les conclusions qu’il présente sont le fruit d’une récente étude menée par les auteurs sur la reverse logistics. La finalité de ces travaux consistait en partie à déterminer l’importance des activités reverse logistics aux Etats-Unis et, au-delà, à déterminer les pratiques actuelles, à examiner ces pratiques et à collecter des données sur les tendances dans le domaine de la reverse logistics. Les chercheurs ont contacté 1 200 responsables américains de reverse logistics en vue de leur participation à l’étude. Au total, 258 questionnaires n’ont pas pu être livrés aux destinataires et 311 réponses exploitables ont été reçues – soit un taux de réponse de 29,53 %. L’équipe de recherche a également mené des entretiens approfondis avec plus de 150 responsables de reverse logistics, y compris en Europe. Elle a visité des entreprises afin d’observer les processus reverse logistics. Les problèmes de retour de produits rencontrés récemment par des entreprises spécialisées dans le commerce électronique ont dévoilé l’importance de la reverse logistics, ainsi que les difficultés qui lui sont inhérentes. L’avantage du commerce sur Internet réside en partie dans le fait que le détaillant n’a pas besoin de bâtir une 1 - Marcia Jedd, “Going Forward with Reverse Logistics”, Inbound Logistics, août 1999, pp. 46-52 ; “Shifting Logistics into Reverse”, Transport Topics, 18 janvier, 1999 ; Julie Ritzer Ross, “Returns Gatekeeping Seen as Key to Efficient Reverse Logistics”, Stores, février 1998, pp. 49-50 ; Jodi E. Melbin, “The Never-Ending Cycle”, Distribution, octobre 1995, pp. 36-38. 2 - Par exemple : James R. Stock, “Development and Implementation of Reverse Logistics Programs,” CLM 1998 Annual Conference ; Dale S. Rogers, “Going Backwards: a Study of Reverse Logistics Trends and Practices,” CLM 1998 Annual Conference ; James H. Austhof, Omar Keith Helferich et Arthur H. Otis, “Achieving an Effective Supply Chain: Color My Pipeline Green”, CLM 1997 Annual Conference. 15 Logistique & Management 3 - Dale S. Rogers et Ronald S. Tibben-Lembke, Going Backwards: Reverse Logistics Trends and Practices, Pittsburgh, PA, RLEC Press, 1999 ; James R. Stock, Development and Implementation of Reverse Logistics Programs, Oak Brook, IL, Council of Logistics Management, 1998 ; Ronald Kopicki, Michael J. Berg, Leslie Legg, Vijetha Dasappa et Cara Maggioni, Reuse and Recycling–Reverse Logistics Opportunities, Oak Brook, IL, Council of Logistics Management, 1993; Hans Ronald Krikke, Recovery Strategies and Reverse Logistic Network Design, Enschede (Pays-Bas), University of Twente, 1998. 4 - Craig R. Carter et Lisa M. Ellram, “Reverse Logistics: A Review of the Literature and Framework for Future Investigation”, Journal of Business Logistics, 19:1, 1998, pp. 85-102; Martin Thierry, Marc Salomon, Jo van Nunen et Luk van Wassenhove, “Strategic Issues in Product Recovery Management”, California Management Review, 37:2, hiver 1995 ; Leo Kroon et Gaby Vrijens, “Returnable Containers: an Example of Reverse Logistics”, International Journal of Physical Distribution and Logistics Management, 25:2, 1995; Terrance L. Pohlen et M. Theodore Farris II, “Reverse Logistics in Plastic Recycling”, International Journal of Physical Distribution and Logistics Management, 22:7, 1992). 5 - Dale S. Rogers et Ronald S. Tibben-Lembke, Going Backwards: Reverse Logistics Trends and Practices, Pittsburgh, PA, RLEC Press, 1999 ; Dale S. Rogers et Ronald S. Tibben-Lembke, “An Examination of Reverse Logistics Processes”, soumis au Journal of Business Logistics. 16 boutique, ni un réseau de boutiques en dur afin de proposer ses produits aux clients. De nombreuses entreprises pensent de ce fait que les moyens et les processus physiques ne sont pas importants dans le commerce électronique. Malheureusement, elles n’ont pas su tirer les leçons de l’expérience passée de la vente par correspondance. Les détaillants sur catalogue avaient fini par se rendre compte que si les clients ne peuvent pas examiner les produits physiquement avant de les acheter, ils retourneront probablement un pourcentage élevé d’articles par la suite. Force est de constater que les entreprises de commerce électronique n’échappent pas à cette règle, bon nombre d’entre elles ayant vu leurs perspectives de rentabilité sérieusement compromises du fait de leur incapacité à gérer de manière rationnelle et efficace les flux à rebours de leurs produits. De nombreuses entreprises n’ont pris conscience de l’importance de la reverse logistics que depuis relativement peu de temps, mais ne se sont pas encore rendu compte du rôle stratégique qu’elle peut jouer. Afin de réduire les coûts de reverse logistics, les entreprises devront s’atteler à améliorer avant tout certains aspects de leur logistique à rebours, notamment : l l l l Améliorer leur technologie de filtrage d’accès aux flux à rebours (”gatekeeping technology” chez les Anglo-saxons) ; Prendre plus tôt les décisions en matière d’élimination des déchets ; Accélérer le traitement/réduire le temps des cycles ; Améliorer la gestion des données. Le présent document examine essentiellement la manière dont les entreprises peuvent réduire le coût de la gestion de leurs flux logistiques à rebours. L’un des moyens les plus simples pour réduire le coût des flux logistiques à rebours est de réduire le volume des produits qu’elles sont amené à transporter. Cela implique deux choses : premièrement, empêcher les produits non qualifiés d’entrer dans les flux ; deuxièmement, une fois que des produits sont entrés dans les flux, les écouler et les faire sortir du système aussitôt que possible. Réduire les flux logistiques à rebours Pour réduire les flux de produits dans le système reverse logistics, il existe plusieurs technologies et techniques nouvelles qu’on peut utiliser pour s’assurer que chaque produit qui entre dans les flux logistiques à rebours rem- plit les conditions requises pour être dans le système. Gestion du cycle de vie des produits On peut considérer qu’une bonne gestion de la reverse logistics s’inscrit dans le cadre d’un concept plus large dénommé gestion du cycle de vie des produits. Dans le futur, les entreprises à la pointe du progrès commenceront probablement à mettre l’accent sur la gestion de l’ensemble du cycle de vie des produits. Le concept de gestion du cycle de vie des produits signifie que l’entreprise met en œuvre l’appui logistique et marketing approprié en fonction, du moins en partie, du stade où le produit se trouve dans son cycle de vie. L’idée maîtresse du concept de cycle de vie des produits est que tous les produits ont une vie limitée et passent par différents stades. Généralement, la courbe du cycle de vie d’un produit se divise en quatre phases distinctes, à savoir le lancement, la croissance, la maturation et le déclin. Les quantités du produit augmentent dans les phases de lancement et de croissance. Lorsqu’un produit se trouve au stade de maturation, les ventes commencent à se tasser, puis à diminuer. Durant la phase de déclin, les ventes enregistrent une très forte baisse et les profits générés par le produit diminuent. Selon le stade où il se trouve dans son cycle de vie, un produit a besoin d’un type de gestion et d’un type d’appui différents. La gestion logistique requise durant le stade du lancement est très différente des besoins d’appui au stade de maturation. En outre, la gestion de la chaîne logistique requise à la fin de la vie d’un produit diffère par rapport aux autres stades. Le cycle de vie n’est pas uniforme d’un produit ou d’un secteur d’activité à un autre. C’est un concept théorique qui peut être utile ; cependant, dans la pratique, il est difficile de déterminer le stade où un produit se trouve dans son cycle de vie une fois qu’il a dépassé les stades de lancement et de croissance. L’entreprise doit surveiller les tournants de la demande du produit. Elle ne peut les identifier que si elle comprend bien l’historique et le marché dudit produit. Malheureusement, dans de nombreuses entreprises, les départements Marketing et Logistique se focalisent seulement sur le début et le milieu du cycle de vie des produits. La mission de ces départements est beaucoup plus claire au début du cycle de vie : lancement du produit nouveau, développement des ventes et appui y afférent sont alors leurs Vol. 7 – N°2, 1999 Logistique & Management préoccupations principales. Par ailleurs, il est parfois difficile pour une entreprise d’admettre qu’un produit se trouve en fin de vie. Les décisions sont différées parce que des gestionnaires pensent qu’ils peuvent prolonger d’un peu plus la vie d’un produit. Les départements Ventes et Marketing peuvent même essayer de camoufler une baisse des ventes d’un produit, pensant qu’une telle baisse serait interprétée comme une baisse de leurs propres performances. Lorsque le produit approche la fin de sa vie, les coûts de détention de stocks augmentent. Ces coûts incluent notamment le coût respectif de l’argent, de l’assurance, des taxes, des pertes physiques, de l’entreposage et de l’obsolescence. Au fur et à mesure qu’un produit évolue dans son cycle de vie et se rapproche de la fin de sa vie commerciale, les coûts d’obsolescence passent d’un niveau très faible à 100 %. Les coûts d’entreposage du produit iront aussi en croissant. Cela signifie qu’une entreprise ne peut pas se baser sur un coût unique de détention de stocks tout au long du cycle de vie du produit. Le schéma 1 présente un scénario d’évolution du coût de détention des stocks. Il importe tout autant de bien gérer les produits à la fin de leur vie qu’au début. Comme le montre le schéma, il peut s’avérer plus crucial de bien gérer les stocks à la fin de la vie d’un produit qu’au début. Schéma 1. Coût de détention des stocks. », de telle sorte que le système d’information conçu pour la logistique avant ne fonctionne généralement pas bien pour la reverse logistics. La majeure partie des processus de retour impliquent beaucoup de paperasserie. L’automatisation de ces processus est difficile parce que les processus reverse logistics se caractérisent généralement par des exceptions nombreuses. Par ailleurs, la reverse logistics consiste généralement en processus embrassant plusieurs entreprises ou unités différentes de la même entreprise. La conception d’un système d’information qui doive fonctionner à l’échelle de plusieurs entités complique davantage le problème. Pour bien fonctionner, un système d’information dédié à la reverse logistics doit être flexible. Lorsqu’un produit atteint la fin de sa vie, il a des chances d’entrer dans les flux logistiques à rebours. Une bonne reverse logistics est un élément fondamental de la gestion du cycle de vie des produits. Une fois que le produit a dépassé le stade de la vente en grandes quantités dans son cycle de vie, l’entreprise doit commencer à « débarrasser » le canal par une gestion reverse logistics appropriée. Les gestionnaires doivent planifier la fin de la vie du produit, de même qu’ils doivent bien penser les autres stades du cycle de vie. S’ils sont capables de planifier une bonne partie des aspects de la gestion à la fin de la vie d’un produit, plutôt que de réagir tardivement devant l’obsolescence des stocks, le bénéfice total tiré du produit en question par l’entreprise sera supérieur. Un tel système d’information devrait utiliser des programmes informatiques précis à même de réaliser des mesures reverse logistics importantes, telles que la conformité avec les besoins des magasins, les taux de retour, les taux de recouvrement et, enfin, la rotation des stocks de retours. Dans certains cas, le contrôle des retours nécessitera de toute évidence une extension et une amélioration significatives du système informatique. Système d’information D’autre part, les outils tels que le marquage par radiofréquence sont utiles. Les innovations telles que les codes à barres à deux dimensions et l’identification par radiofréquence – qui permet de doter chaque article d’un numéro d’immatriculation – deviendront courants peut-être sous peu. Afin de mieux gérer la reverse logistics, les entreprises devront améliorer leur système d’information dédié à la reverse logistics. L’environnement de la logistique à rebours est assez différent de celui de la logistique « avant Vol. 7 – N°2, 1999 Même si elles ne mettent pas en place ce contrôle, les entreprises développeront un meilleur système d’information dédié à la reverse logistics dans le futur. Il faut souligner que le système d’information actuel de nombreuses entreprises ne leur permet pas de suivre la situation de leurs retours. 17 Logistique & Management Technologie de filtrage d’accès aux flux à rebours L’un des aspects essentiels de la réduction du coût de la gestion des flux à rebours est la réduction du nombre de produits qu’on laisse entrer dans le système alors qu’ils ne devraient pas s’y trouver. Le processus de décision quant aux produits à admettre dans le système est dénommé filtrage d’accès (”gatekeeping”). Si un produit est destiné à être jeté, le coût de son transport du magasin jusqu’au centre de traitement des retours avant qu’il soit jeté est encouru en pure perte. L’amélioration du filtrage d’accès aux flux à rebours peut permettre de réduire le volume de ces flux, et partant de réduire sensiblement leur coût. Afin d’améliorer le filtrage d’accès aux flux à rebours, il est indispensable de fournir aux employés en première ligne des informations appropriées sur les produits à admettre dans les flux logistiques à rebours, tâche qui n’est pas aisée. Sa difficulté tient notamment au fait que les employés en première ligne qui prennent les décisions d’admission des retours sont pour une bonne partie des personnes inexpérimentées rémunérées au salaire minimum. Les détaillants sont réticents à engager des dépenses importantes pour la formation de ces employés, car le taux de rotation de ces derniers a tendance à être élevé. Des efforts de formation permettraient d’améliorer à coup sûr le filtrage d’accès aux flux à rebours, mais des mesures importantes de formation sur une base permanente ne seraient pas rentables. S’il n’est pas faisable d’offrir au personnel responsable de l’admission des retours un niveau élevé de formation, de nombreux fabricants ont cherché à mettre en place des garde-fous dans le système de retour en indiquant aux employés des éléments à suivre lors du processus d’admission d’un retour. Ces éléments permettent à l’employé de connaître les produits qui peuvent être rendus, le délai autorisé de retour après l’achat ou encore les éléments qui devraient accompagner l’article principal. Par exemple, dans le cas d’un magnétoscope, l’employé devrait s’assurer que le magnétoscope lui-même, la télécommande et les cordons sont tous présents, et que la télécommande correspond bien à l’appareil. Afin de faciliter aux détaillants le traitement des retours, un fabricant bien intentionné peut mettre au point un classeur contenant une fiche synthétique sur chacun des éléments qui devraient être présents pour chacun de ses produits. 18 Malheureusement, ces éléments mis au point avec grand soin deviennent souvent obsolètes juste quelques mois ou semaines après leur impression en raison des changements de produits. Le principal inconvénient de ces éléments est qu’ils impliquent beaucoup de paperasserie. Prenons l’exemple banal d’un Service retour : une demi-douzaine de fabricants ou plus lui ont envoyé chacun leur propre classeur, et lui envoient périodiquement des mises à jour. En peu de temps, le Service retour est submergé d’éléments, et aucun de ses employés ne sait où se trouvent l’ensemble des éléments, ni les éléments qui sont obsolètes ou qui sont à jour. Plutôt que d’essayer de se retrouver dans cet enchevêtrement de procédures et de règlements, les employés préfèrent tout simplement les ignorer. Filtrage d’accès aux flux à rebours sur Internet Pour améliorer le filtrage d’accès aux flux à rebours, certains détaillants investissent dans des systèmes de filtrage d’accès. Une solution qui semble prometteuse consiste en une page web sur l’Internet ou sur un intranet qui guide l’employé dans la procédure de retour pour chaque produit. Lorsqu’un client vient rendre un article, l’employé balaie le code à barres UPC sur l’article. L’ordinateur demande alors automatiquement au système informatique du fabricant la procédure de retour pour ce produit particulier. Puis, une page web apparaît sur l’écran de l’employé afin de le guider dans la procédure de retour pour ce produit. Si l’on reprend l’exemple du magnétoscope, une fois que l’employé a balayé le code UPC de l’article, apparaît sur son écran une page web qui présente une image et une brève description du produit. Il est demandé à l’employé si l’appareil qu’il a en main correspond au modèle présenté à l’écran. Si tel n’est pas le cas, l’employé peut choisir le modèle correspondant sur un menu. La page peut aussi inclure une image de tous les éléments qui devraient accompagner l’appareil, à savoir la télécommande, les cordons et le mode d’emploi. A côté de chaque élément, il peut y avoir une case, que l’employé cochera si l’élément est présent. Les détaillants et les fabricants interrogés dans le cadre de la présente étude ont fait état à maintes reprises d’un problème, à savoir que les employés n’ont pas pleinement conscience de l’importance de la présence des accessoires et autres éléments. En effet, certains fabricants n’accepteront pas le retour d’un article Vol. 7 – N°2, 1999 Logistique & Management si certains éléments essentiels manquent, ou n’accorderont alors qu’un crédit partiel au détaillant. Il se peut que ce dernier ait remboursé intégralement au client le prix d’un magnétoscope rendu, mais qu’il ne reçoive en fin de compte du distributeur qu’un crédit de 50 % du prix parce qu’il manquait la télécommande, par exemple. C’est la raison pour laquelle tant les fabricants que les détaillants ont fait part de leur souhait d’informer, autant que possible, les employés du coût facturé au magasin pour l’absence de certaines pièces. Comme nous l’avons expliqué plus haut, il n’est malheureusement pas possible de tenir à jour les systèmes de filtrage de retours basés sur le papier pour chaque produit de chaque distributeur proposé à la vente. Par contre, il est possible de mettre à jour rapidement les matériaux dans le cas d’un système de filtrage basé sur un web. Par exemple, la page web pourrait inclure, à côté des images de la télécommande et des cordons du magnétoscope, le coût qui serait facturé au détaillant s’il manquait chacun de ces éléments. Cela ferait prendre conscience à l’employé de l’importance de la présence de chacune de ces pièces. Le coût facturé pour certaines pièces peut être supérieur à celui facturé pour d’autres ; il est possible qu’une télécommande égarée coûte 5 USD au détaillant, et qu’un cordon égaré ne coûte rien. La page web pourrait même calculer le remboursement auquel aurait droit un client en fonction des éléments que l’employé a vérifiés. Outre le coût facturé pour les éléments requis par le distributeur, le détaillant peut imposer des pénalités supplémentaires pour les autres éléments. L’emballage, par exemple, est très important pour la protection des produits lors de leur acheminement dans les flux à rebours. Le détaillant peut imposer une pénalité supplémentaire pour emballage manquant afin de couvrir les dommages susceptibles d’être causés à l’article en raison de l’absence d’emballage. Échange de données informatisées L’échange de données informatisées (EDI) est également une technologie importante. Si l’EDI n’est pas nouveau, la plupart des entreprises ayant participé à l’étude ne l’ont pas encore totalement adopté. Certes, de nombreux processus peuvent être automatisés au sein d’une organisation, mais il est difficile de mobiliser les ressources nécessaires pour mettre en place l’ensemble des transactions d’EDI dont une entreprise pourrait souhaiter Vol. 7 – N°2, 1999 disposer. De toute évidence, pour la plupart des entreprises, la logistique à rebours ne fait pas partie des priorités en termes d’adoption et de mise en place d’outils. L’ensemble de 180 transactions d’EDI a été conçu pour automatiser le traitement des retours6. Malheureusement, aucune des nombreuses entreprises avec lesquelles l’équipe de recherche s’est entretenu n’avait adopté cet outil. Le filtrage d’accès aux flux à rebours sur Internet permet d’améliorer le système reverse logistics d’un autre point de vue, à savoir qu’il fournit aux détaillants un outil de traitement des retours, voire même au distributeur des données sur les produits qui entrent dans les flux à rebours et lui parviendront éventuellement sous peu. Enregistrement au point de vente Dans certains cas, les fabricants sont disposés à accepter les retours des clients pendant une période de temps limitée après l’achat initial. Si un détaillant rend un produit au fabricant après l’expiration de ce délai, le fabricant ne lui accordera pas de crédit. Dans ce cas de figure, le détaillant doit connaître la date exacte de l’achat du produit. Une technologie peut fournir cette information au détaillant, à savoir l’enregistrement au point de vente : il suffit au détaillant de balayer par un lecteur optique et d’enregistrer ainsi le numéro de série du produit au moment de la vente. Les chercheurs ont découvert l’existence d’un système de ce type lors de la phase de collecte de données. Dans ce système, le détaillant envoie par voie électronique le numéro de série et la date de la vente au fabricant. Le fabricant archive le numéro de série, la date de la vente et le nom du magasin qui a vendu le produit. Lorsqu’un client tente de rendre un produit par la suite, le détaillant consulte le fabricant pour savoir si le produit est toujours sous garantie. Si un système de retour basé sur un web analogue à celui décrit plus haut est mis en place, on pourrait inclure cette fonction dans la page web. Dès que l’employé balaie le code UPC du produit, apparaît une page web qui lui demande de balayer le numéro de série de l’article. Ensuite, la page web accède à la base de données et dit à l’employé si le produit a été acheté dans ce magasin et s’il peut en principe accepter le retour de l’article. Un tel système permet d’éliminer pratiquement les retours indus. Dans le cas décrit, le 6 - Rogers et Tibben-Lembke, “Appendix D: EDI 180 Transaction Set”. 19 Logistique & Management fabricant verse au détaillant 0,5 USD pour chaque produit enregistré. De toute évidence, ce système a un coût pour le fabricant : outre le coût de l’enregistrement des produits, le fabricant doit prendre en charge le coût élevé du développement et de la mise en place d’un tel système. En dépit du coût d’un tel système, il peut générer des retombées substantielles pour certains produits. Les avantages seront d’autant plus importants qu’il s’agit de produits de valeur élevée à cycle de vie court. Le fait qu’un produit ait un cycle de vie court peut inciter davantage le client à essayer de le rendre au-delà de la période autorisée de retour (période de garantie). Lorsqu’une nouvelle version d’un produit sort sur le marché, de nombreux clients veulent rendre l’ancienne version afin d’obtenir la nouvelle. S’il s’est écoulé trop de temps depuis l’achat pour que le fabricant autorise le retour, certains clients essaieront d’abuser le système de retour. Plus fréquente est la sortie de nouvelles versions du produit, et plus les clients sont enclins à abuser le système. De même, plus élevée est la valeur du produit, et plus les clients sont enclins à abuser le système. Lutter contre les retours abusifs L’enregistrement au point de vente est l’illustration d’une technologie dont l’utilisation pourrait se répandre dans le futur, sachant que détaillants et fabricants se donnent la main pour lutter contre les retours abusifs. Il est évident que le retour abusif de produits par les consommateurs cause un préjudice tant aux fabricants qu’aux détaillants. Même si les fabricants et les détaillants ont souvent des intérêts divergents sur de nombreuses questions, la lutte contre les retours abusifs est un domaine dans lequel les deux parties peuvent s’entendre pour coopérer. Identification par radiofréquence Déterminer la position et la destination de produits dans la chaîne logistique à rebours peut exiger beaucoup de temps. De nombreux produits sont rendus sans l’emballage original ou avec un emballage endommagé. Dans ces cas, il est très difficile d’utiliser un lecteur de codes à barres pour suivre le mouvement des produits dans les flux logistiques à rebours. L’identification par radiofréquence (ci-après « IRF ») est une technologie relativement nouvelle qui peut s’avérer pratique dans ces situations. Les méthodes usuelles d’identification des produits sont passives. Pour déterminer la présence d’un article particulier, le seul 20 moyen est de se rendre à l’entrepôt pour vérifier si l’article s’y trouve. Par contre, l’IRF est une forme d’identification plus active ; elle consiste à incorporer à chaque produit un émetteur radio de très petite dimension et de faible puissance qui émet un signal très faible. Malgré sa taille modeste, la mar-que d’IRF contient une pile qui peut durer plusieurs années. Le signal est assez fort pour pouvoir être capté par les récepteurs disposés dans l’entrepôt. Chaque article peut émettre un signal différent. On peut fabriquer jusqu’à 10 millions d’articles (micro-ordinateurs, par exemple) et incorporer une marque d’IRF différente dans chacun qui émettrait ainsi un signal propre. On peut utiliser l’IRF de deux manières : la manière passive et la manière active. Dans l’IRF passive, une « sentinelle » disposée à l’entrée de l’entrepôt enregistre l’identité de chaque produit lorsqu’il entre dans l’entrepôt, puis lorsqu’il en sort. En toute logique, tout élément qui est entré dans l’entrepôt mais qui n’en est pas sorti doit toujours s’y trouver. Dans l’IRF active, des récepteurs sont disposés à plusieurs endroits dans l’entrepôt. Pour déterminer si un article particulier se trouve dans l’entrepôt, les récepteurs recherchent le signal dudit article. Si ce signal est capté par plus d’un récepteur, on peut alors déterminer, par triangulation, l’endroit de l’entrepôt où se trouve l’article. Par exemple, l’utilisation de l’IRF pour aider à la gestion du retour des micro-ordinateurs pourrait s’avérer judicieuse. Le système qui consisterait à placer une marque d’IRF sur l’appareil lors de son montage permettrait d’éviter les erreurs inhérentes à la chaîne des documents et aiderait à la gestion du cycle de vie des micro-ordinateurs. Une entreprise interrogée dans le cadre de l’étude avait mis au point un système d’IRF à même de lire simultanément les différentes marques passives émettant depuis les différents cartons contenus sur une palette, sans que ce balayage ne nécessite le déballage des articles. Pour certains produits, la marque d’IRF pourrait être placée sur la carte de circuit ou encastrée dans le boîtier plastique (micro-ordinateur, par exemple). L’IRF peut aider les opérations reverse logistics de plusieurs manières. Comme nous l’avons souligné plus tôt, elle peut être utile pour suivre la trace d’articles dans un entrepôt. De plus, elle peut servir au filtrage de l’accès aux flux à rebours. Enfin, elle peut être utilisée pour enregistrer l’identité des articles lors de leur vente, informations qui peuvent Vol. 7 – N°2, 1999 Logistique & Management servir ultérieurement à déterminer ceux dont le retour peut être accepté. Codes à barres à deux dimensions Le codage à barres à deux dimensions est une autre technologie qui s’annonce prometteuse pour les opérations reverse logistics. Les systèmes de codes à barres à deux dimensions tels que PDF417, MaxiCode ou Aztec permettent à l’utilisateur d’incorporer beaucoup plus d’informations dans un code à barres que les systèmes à une dimension tels que l’UPC. Les systèmes à une dimension contiennent un chiffre ou un code que l’ordinateur doit traduire et faire correspondre à des informations déjà présentes dans ses fichiers. Avec les systèmes de codes à barres à deux dimensions, le code à barres peut contenir non seulement un code, mais en plus une description et d’autres commentaires relativement longs. Les transactions et les processus de reverse logistics se caractérisant généralement par des exceptions, il est possible que les informations nécessaires pour actualiser les fichiers de l’ordinateur excèdent la capacité d’un code à barres à une dimension. Ce handicap des systèmes de codes à barres à une dimension pourrait signifier que, pour les applications reverse logistics, les nouvelles technologies – telles que l’IRF ou les codes à barres à deux dimensions – deviendront la règle plutôt que l’exception. Collecte de données Grâce à l’utilisation de technologies améliorées de suivi des articles, telles que celles que nous venons d’examiner, et de systèmes d’information améliorés pour le suivi des flux de ces articles, les entreprises disposeront de beaucoup plus d’informations sur leurs processus reverse logistics. Et le défi sera alors pour elles de savoir utiliser ces informations de manière efficace à leur profit. Dans le cadre de l’étude, les chercheurs ont observé plusieurs exemples d’entreprises qui ont employé des systèmes d’information dédiés à la reverse logistics pour contrôler les problèmes de qualité de leurs produits. En surveillant le nombre de retours pour un produit, une entreprise peut mettre à jour une anomalie et prendre les mesures appropriées. Dans un de ces exemples, le prestataire tiers en charge de la gestion des retours pour le compte d’un détaillant avait remarqué qu’un nombre anormalement élevé d’articles en provenance d’un distributeur étaient rendus pour cause de défauts. Le prestataire tiers a alors recommandé au fabricant de procéder à une enquête, qui Vol. 7 – N°1, 1999 a permis de découvrir un vice de conception. Le fabricant a pu ainsi remédier au problème, et les taux de retours ont diminué par la suite. Sans un système efficace de collecte et d’analyse de données, le problème aurait bien pu passer inaperçu. Conception adaptée à la reverse logistics Certaines entreprises se sont employé à concevoir des produits plus faciles à fabriquer – Conception adaptée à la fabrication (”Design For Manufacture “ ou “DFM” chez les anglo-saxons). D’autres ont conçu des produits plus faciles à traiter par la chaîne logistique – Conception adaptée à la gestion de la chaîne logistique (”Design For Supply Chain Management” ou “DFSCM”). Dans un proche avenir, il est possible que davantage d’entreprises commencent à réfléchir à la conception de produits dont la gestion reverse logistics serait plus facile. Nous suggérons un terme pour cette idée : la Conception adaptée à la reverse logistics (”Design For Reverse Logistics” ou “DFRL”). Dans certains cas, les entreprises ont tenu compte de besoins reverse logistics dans la conception du produit (par exemple, emballage conçu pour permettre une lecture optique du numéro de série sur le point de vente). La plupart des entreprises de vente directe aux consommateurs fournissent avec le produit une étiquette comportant leur adresse afin que les clients puissent retourner facilement le produit si nécessaire. Certaines entreprises encouragent les consommateurs à rendre le produit avec son emballage, ou encore à rendre les produits usagés (cartouches d’encre de photocopieuse ou d’imprimante, par exemple) lorsqu’ils achètent des produits neufs. La Conception adaptée à la reverse logistics consiste à tenir compte des besoins reverse logistics dans la conception et l’emballage du produit, autrement dit à intégrer besoins reverse logistics et besoins de protection de l’environnement, d’une part, et produit et chaîne reverse logistics, d’autre part. Remboursement partiel Une fois qu’un système d’information dédié au retour est en place, une entreprise peut déterminer de manière plus précise le montant du crédit qu’un client devrait recevoir. Au lieu d’accorder un remboursement intégral au client et de prendre sur lui le coût de la télécommande manquante, par exemple, le détaillant peut choisir de n’accorder au client qu’un remboursement partiel, lui faisant ainsi assumer le coût de l’élément manquant. Le détail- 21 Logistique & Management lant peut même aller plus loin et ajouter à ce coût une pénalité pour retour incomplet. Dans certains cas, si le client a égaré un élément accompagnant l’article principal, il se peut que l’employé ait pour instruction de refuser le retour. Le remboursement partiel constituerait un juste milieu par rapport à la politique qui forcerait l’employé à opérer un choix entre l’acceptation ou le refus d’un remboursement intégral de l’article. En effet, si l’employé refuse d’accepter le retour de l’article parce que le client a, dans la réalité, égaré un accessoire, le client peut en être contrarié ; il vaut peut-être mieux alors donner à l’employé l’option supplémentaire d’accorder au client un remboursement partiel. Le remboursement partiel incitera fortement le client à s’assurer de l’état complet du produit avant de le rendre, et aura ainsi pour effet de réduire le coût des retours pour le détaillant. Indépendamment de la mise en place chez un détaillant d’un système d’information moderne, l’amélioration des moyens technologiques mis à la disposition des employés responsables du filtrage d’accès aux flux à rebours sera un facteur important pour la réduction des coûts de reverse logistics. Gestion des flux logistiques à rebours Une fois que des produits ont été admis dans le système reverse logistics, les entreprises doivent gérer les flux de ces produits afin de minimiser leur impact sur les profits. Standardisation des processus L’une des difficultés les plus courantes que l’équipe de recherche a observée au niveau des systèmes reverse logistics actuels est le manque de standardisation des processus au sein des entreprises. Si les processus ne sont pas standardisés, il est très difficile pour les employés de l’organisation d’échanger des idées sur les moyens de résoudre les problèmes reverse logistics. La mise en place de processus reverse logistics efficaces commence au point de vente au détail par la simplification et la standardisation des politiques et des procédures en matière de retour. Ces politiques et procédures simplifiées devraient se traduire par une baisse du temps consacré au traitement des retours, ainsi que par des décisions de meilleure qualité. 22 Pour des raisons diverses, la reverse logistics est souvent perçue comme un domaine de priorité secondaire dans de nombreuses entreprises. Dans le futur, les entreprises prendront de plus en plus conscience de l’importance stratégique de la reverse logistics, ce qui devrait se traduire par l’affectation de ressources accrues à la gestion des flux logistiques à rebours. Un grand nombre d’entreprises ont découvert que les avantages majeurs de la certification ISO 9000 de leur canal « avant » découlent de la standardisation de l’ensemble de leurs processus. Même s’il se peut que de nombreuses entreprises ne choisissent pas d’obtenir une certification ISO pour leurs processus reverse logistics, compte tenu de l’accroissement des ressources disponibles, elles apprécieront les avantages de la standardisation. Centres de centralisation des retours L’une des conclusions de l’étude est que les répondants qui avaient mis en place un centre de centralisation des retours (« CCR » ci-après) étaient d’accord sur le fait que l’utilisation d’un CCR distinct du centre de distribution « avant » (« CD » ci-après) présentait de nombreux avantages. Dans un CCR, les employés traitent un volume nettement plus important de produits qu’ils ne pourraient jamais le faire dans un magasin de vente au détail. Cela leur permet de développer des compétences pointues, qui peuvent s’avérer très profitables à l’entreprise. De plus, l’utilisation d’un CCR distinct permet au personnel affecté au traitement des retours de se consacrer exclusivement à cette tâche. Demander à un employé de « servir deux maîtres » en lui confiant à la fois la distribution « avant » et la distribution à rebours ne semble pas donner de bons résultats. Le problème ne réside pas dans la séparation physique du CCR et des CD « avant », mais dans la séparation du contrôle. Dans le futur, les entreprises continueront à pratiquer la séparation, avantageuse, du contrôle des canaux « avant » et à rebours. Cependant, elles apprendront vraisemblablement à traiter les retours dans un CCR qui se trouve physiquement peut-être dans le même site qu’un CD « avant ». Cela leur permettra d’installer le CCR dans le meilleur emplacement géographique, indépendamment de la présence ou de l’absence d’un CD. Vol. 7 – N°2, 1999 Logistique & Management Prestataires tiers Dans les années 80 et 90, l’une des tendances majeures dans le domaine de la logistique a été la reconnaissance de la logistique comme une fonction en soi. Ayant analysé leurs compétences de base, de nombreuses entreprises se sont rendu compte qu’elles ne possédaient pas le savoir-faire, ni les compétences, ni l’expérience pour assumer certaines fonctions internes. Dans le futur, de nombreuses entreprises estimeront peut-être que la reverse logistics rentre dans la catégorie des activités qu’il est préférable d’externaliser. Les entreprises se rendront compte que le traitement efficace des flux à rebours et la maximisation des revenus tirés des marchés secondaires nécessitent des compétences spécialisées. De nombreuses entreprises, qui n’auraient jamais envisagé d’externaliser leur distribution il y a trente ans de cela, estiment aujourd’hui qu’elles peuvent réduire sensiblement leurs coûts en recourant à des prestataires de logistique. Dans le futur, il est possible qu’une bonne partie de ces mêmes entreprises parviennent à des conclusions similaires en ce qui concerne les activités reverse logistics. Marchés secondaires Le terme de « marché secondaire » est utilisé pour désigner l’ensemble des intermédiaires, distributeurs et détaillants spécialisés dans les produits qui ont déjà été proposés à la vente au détail une fois. Pour une bonne partie, ces produits ont été retirés des magasins de vente au détail parce qu’ils ne se vendaient pas bien, ou ont été vendus mais retournés. Plutôt que de jeter ces produits, on les vend généralement à l’une des nombreuses entreprises présentes sur le marché secondaire7. Ce recyclage de produits est souvent désigné sous le terme de recouvrement d’investissement ou d’actifs. Le recouvrement d’actifs est devenu une source de revenus beaucoup plus importante pour les entreprises qui écoulent des produits sur le marché secondaire. Les consommateurs américains y achètent beaucoup plus volontiers des articles que dans le passé. En raison de ce phénomène, les entreprises qui vendent sur le marché secondaire de manière organisée et efficace sont en mesure de récupérer une plus grande valeur de l’actif initial. Il y a quelques années de cela, un important détaillant s’est lancé dans la commercialisation de produits en provenance des flux à rebours et a constaté qu’à la fin de l’année elle avait tiré 25 % de son bénéfice net du recouvrement d’actifs. Vol. 7 – N°1, 1999 Dans le futur, les entreprises vont probablement coopérer beaucoup plus étroitement avec leurs partenaires sur le marché secondaire. Le paradigme logistique actuel de l’acheminement des matériaux de l’usine au centre de distribution de produits finis, puis au magasin, s’élargira pour inclure l’écoulement des stocks de produits invendus ou retournés sur le marché secondaire. Ces 10 dernières années, les magasins d’usine sont passés d’une modeste quote-part du total des ventes à une quote-part nettement supérieure. Ils avaient été conçus à l’origine pour écouler les marchandises invendues ou retournées. La croissance du segment des magasins d’usine a exigé de plus grandes quantités de produits pour assurer son approvisionnement à un niveau suffisant. De nombreuses entreprises ont saisi cette opportunité en commençant à fabriquer des produits spécialement destinés au marché des magasins d’usine. Il est difficile de prédire quel sera l’avenir du marché secondaire. Toutes les indications laissent à penser qu’il continuera à croître. Au fur et à mesure de cette croissance, certains fabricants prendront des mesures pour mieux maîtriser le sort de leurs produits après leur sortie du canal « A » . Marchés secondaires sur Internet L’utilisation de l’Internet fait partie des modes d’écoulement de marchandises qui ont connu le développement le plus spectaculaire. Elle reste quelque peu limitée à ce jour, mais se développe rapidement, et il semble qu’elle deviendra dans le futur un mécanisme important pour l’écoulement d’articles en provenance des flux logistiques à rebours. Une étude récente qui a utilisé un moteur de recherche sur Internet a identifié plus de 1 500 sites de vente aux enchères, et plus de 2,5 millions de pages web incluant le terme anglais « auction » (c.-à-d. vente aux enchères). Même si ces chiffres ne constituent pas des estimations scientifiques, ils indiquent clairement que le web est très utilisé pour la mise aux enchères d’articles. L’Internet permet d’établir un lien direct avec les consommateurs. En éliminant plusieurs étapes intermédiaires, une chaîne logistique basée sur l’Internet peut être plus efficace qu’un canal classique, ce qui peut être très utile lorsqu’on vend des articles en provenance de flux logistiques à rebours. Certains produits sont vendus aux enchères sur le marché secondaire par voie électro- 7 - Rogers et Tibben-Lembke, “Chapter 3: Disposition and the Secondary Market”. 23 Logistique & Management nique, c’est-à-dire sur l’Internet. Une vente aux enchères sur l’Internet permet aux consommateurs de faire une offre pour des articles jusqu’à un temps de clôture fixé à l’avance. Les sites Internet tels que ou permettent de liquider des marchandises tout en maximisant les revenus. Généralement, ces sites Internet proposent quelques unités d’un produit et permettent aux consommateurs de faire une offre d’achat. Plutôt que de vendre ces articles à un prix déterminé, on les vend aux enchères, ce qui signifie que les clients feront monter le prix jusqu’à un point d’équilibre entre la demande et l’offre. Le fait de retenir une certaine quantité du produit incite les consommateurs à faire monter le prix pour le nombre limité d’unités qui est disponible pour les enchères ce jour là. Cela permet au vendeur de maximiser les revenus tirés d’un produit qui, autrefois, aurait pu être liquidé avec une perte substantielle. Les revendeurs du marché secondaire s’approvisionnent également dans le cadre de ventes aux enchères à accès restreint. Un courrier électronique est envoyé à un groupe de revendeurs du marché secondaire, message qui inclut généralement un lien avec un fichier contenant la liste des articles proposés. Il est ainsi demandé aux revendeurs de faire une offre pour les marchandises figurant sur ladite liste. Les offres doivent être soumises dans un délai préétabli. Ce mécanisme a accru l’efficacité du recouvrement d’actifs. L’Internet constitue pour l’entreprise un moyen-test rapide pour savoir s’il existe un marché rentable pour le produit. Si le produit ne rencontre pas de succès lors de la vente aux enchères sur l’Internet, alors l’entreprise devrait peut-être envisager une autre option d’écoulement. L’un des aspects contraignants des ventes aux enchères sur l’Internet est que seul les consommateurs qui ont accès à l’Internet peuvent les utiliser. Au fur et à mesure du développement de l’utilisation de l’Internet, ce problème ira en s’atténuant. Actuellement, la majeure partie des articles du marché secondaire proposés via l’Internet sont des produits informatiques ou connexes. Par ailleurs, on note une certaine appréhension à l’égard des ventes aux enchères, due au fait que leur utilisation peut porter atteinte à l’image des marques. Retour zéro En guise de solution de gestion des flux à rebours, plusieurs entreprises expérimentent 24 des programmes de retour zéro. Dans un programme de retour zéro, le fabricant ne reprend jamais un article une fois celui vendu. Le détaillant assume la responsabilité de l’écoulement du produit conformément aux stipulations du fabricant. En échange, le détaillant reçoit une somme destinée à couvrir le coût des articles qui lui sont rendus et de l’écoulement de ces articles. En transférant les besoins de gestion des retours, le fabricant escompte des économies de coûts suffisantes pour plus que compenser la somme supplémentaire versée au détaillant. Dans le cadre de certains programmes de retour zéro, le magasin reçoit toujours un crédit équivalent à un certain pourcentage des ventes, indépendamment du taux de retour effectif. Si le crédit est de 6 %, et si les retours effectifs n’atteignent que 2 %, le détaillant est gagnant. Dans un cas de figure opposé où le crédit est fixé à 2 % et où les retours effectifs s’élèvent à 6 %, le détaillant est perdant. Dans ces programmes, l’idée est quand même de fixer le crédit à un niveau suffisant pour excéder le niveau moyen de retour enregistré par le détaillant. Cependant, étant donné le pouvoir des grandes chaînes de vente au détail, il peut s’avérer difficile pour le fabricant de faire prévaloir son point de vue par rapport à celui du détaillant dans cette situation. Malheureusement, étant donné le laxisme avec lequel de nombreuses entreprises suivent leurs retours, les programmes de retour zéro ne font pas l’objet d’un contrôle suffisant. Certains fabricants accusent les détaillants de « vouloir le beurre et l’argent du beurre », en prenant de l’argent du fabricant pour détruire le produit et en écoulant ensuite tranquillement le produit par un circuit dérobé à un intervenant du marché secondaire. Amélioration des processus En cherchant à améliorer les processus reverse logistics, une entreprise peut être confrontée à une multiplicité de pratiques particulières. La standardisation des processus est utile à cet égard. La reverse logistics ayant tendance à se caractériser par des exceptions, souvent les processus ne suivent pas une règle générale et sont propres à chaque lieu ou gestionnaire. La standardisation des processus peut aplanir les problèmes et permettre de mieux rentabiliser le recouvrement d’actifs. De même, l’équipe de recherche a observé que la prise en compte du cycle de vie des produits permet d’améliorer les processus reverse logistics. Les possibilités d’écoule- Vol. 7 – N°2, 1999 Logistique & Management ment sont susceptibles de varier en fonction du stade où le produit se trouve dans son cycle de vie. Les produits qui se situent au début de leur cycle de vie peuvent être plus faciles à rendre au fabricant et s’écouler à un prix plus élevé sur le marché secondaire. En fonction du cycle de vie des produits d’un fabricant, et de la valeur de ces produits, les entreprises découvriront que différentes combinaisons des stratégies examinées dans le présent document seront nécessaires pour traiter de manière efficace et rationnelle leurs retours. Pour les produits de valeur élevée et à cycle de vie court, tels que les micro-ordinateurs, les jeux vidéo ou les camescopes par exemple, un système d’enregistrement au point de vente peut constituer pour les détaillants et les fabricants un moyen très efficace pour réduire le coût des retours abusifs. Cependant, le coût du système d’enregistrement au point de vente peut rendre l’adoption de ce système dissuasive pour de nombreux articles. Par exemple, le coût du suivi d’une unité d’un produit à faible coût, tel qu’une paire de jeans, interdirait probablement l’utilisation du système en question. Résumé et conclusions De toute évidence, la reverse logistics occupe une place de plus en plus importante. Les entreprises sont en train de se rendre compte qu’une bonne gestion de la reverse logistics peut contribuer à la fois à accroître leurs revenus et à réduire leurs coûts d’exploitation. Lorsqu’une entreprise consacre des investissements au développement d’outils tels que la gestion du cycle de vie des produits et les technologies améliorées de filtrage d’accès aux flux logistiques à rebours, ces outils produisent généralement un bon rendement. Si la majorité des gestionnaires ne se préoccupent pas encore beaucoup des flux à rebours de produits, ils sont de plus en plus nombreux Vol. 7 – N°2, 1999 à commencer à se rendre compte que la reverse logistics est un volet important et souvent stratégique de leur gestion. Dans le cadre de cette étude, l’équipe de recherche a observé de nombreux exemples d’incidence significative de la gestion reverse logistics sur la rentabilité. En effet, des gestionnaires brillants qui s’emploient à améliorer les processus reverse logistics de leur entreprise font actuellement réaliser des économies et des profits substantiels à celle-ci. De toute évidence, même si on la qualifie parfois d’un ton dérisoire de « gains de chiffonnier ferrailleur », une valeur non négligeable peut être récupérée de manière avantageuse des produits sur le marché secondaire. Certes, le traitement et l’écoulement efficaces des produits rendus ou invendus ne deviendront probablement jamais la priorité de la gestion d’une entreprise, mais ils peuvent lui donner un avantage compétitif. Les auteurs Dale Rogers PhD est le directeur du Center for Logistics Management et professeur de Gestion de la chaîne logistique à l’University of Nevada. Il est titulaire d’un doctorat, d’une maîtrise de gestion et d’une licence de la Michigan State University. M. Rogers est l’auteur de plusieurs articles publiés dans des revues logistiques et le coauteur de trois ouvrages sur la logistique, notamment Going Backwards: Reverse Logistics Trends and Practices, écrit avec Ron Tibben-Lembke. Ron Tibben-Lembke est professeur assistant de Gestion de la chaîne logistique à l’University of Nevada. Il est titulaire d’un doctorat et d’une maîtrise de sciences en Ingénierie industrielle de la Northwestern University, ainsi que d’un diplôme en Mathématiques et informatique du St. Olaf College (Northfield, Minnesota). M. TibbenLembke, qui a collaboré avec plusieurs entreprises dans le domaine de la conception de réseaux de distribution, est le coauteur de Going Backwards: Reverse Logistics Trends and Practices, écrit avec Dale Rogers. Dr. Ronald S. Tibben-Lembke (775) 784-6993 x318 Fax : (775) 784-1769 [email protected] 25 Logistique & Management 26 Vol. 7 – N°2, 1999