Numéro 4, Mai 2001
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Numéro 4, Mai 2001
Entre hier et demain, écrire l'histoire sociale du Val-de-Marne aujourd'hui. Mai 2001 Numéro 4 ————————— Bureau de l'Association Les élus municipaux L’actualité des élections municipales, nous a donné l’idée d’offrir un éclairage Président : Claude Pennetier, historique sur la vie municipale chercheur au CNRS, directeur du dans la banlieue sud-est, dans Maitron. l’aire géographique de l’actuel Val-de-Marne. Depuis la loi de Secrétaire : Françoise Bosman, 1884, la direction des directrice des Archives du Val-de- municipalités s’affirme comme Marne. un enjeu majeur de la vie locale. Les élections Secrétaire adjointe : Stéphanie municipales ne sont-elles pas Rivoire, Archives du Val-decelles qui entraînaient le plus Marne. fort taux de participation entreles-deux guerres. Trésorier : André Jondeau, ancien éditeur. L’étude des élus locaux est une des formes d’entrée essentielle Guy Krivopissko, conservateur du dans la vie politique locale. Par Musée de la Résistance nationale. leur nombre, leur diversité, ils sont un reflet anthropologique Albert Broder, Professeur à des populations locales. Ces l’Université de Paris XII fantassins de la vie politique témoignent des évolutions Gilles Morin, chercheur, sociales, de la mobilité Université Paris I. géographique : beaucoup d’élus de la « banlieue rouge » sont Michèle Rault, conservatrice du des provinciaux venus chercher patrimoine, archives d'Ivry-suren région parisienne, après les Seine. traumatismes de la Première guerre mondiale et Nathalie Viet-Depaule, l’affaiblissement du monde chercheuse au CNRS. rural, du travail, de bonnes conditions d’épanouissement IHOVAM de la famille, une certaine Archives départementales forme de modernité. 10 rue des Archives 94000 Créteil tél. : 01.53.79.29.81 E-mail:[email protected] La vie municipale s’affirmera comme une forme essentiellement d’entrée en politique des couches populaires, particulièrement des ouvriers. Cependant, jusqu’en la Seconde Guerre mondiale les femmes sont exclues des assemblées locales comme du droit de vote. Certes quelques listes s’autorisent en 1925 et 1929 à présenter des femmes (ainsi Marie Lefèvre à Ivry) qui, élues, étaient aussitôt invalidées. En région parisienne, la banlieue Nord avec Saint-Ouen ouvre la voie de la conquête socialiste en 1887, Saint-Denis suit en 1892 bientôt imité par Ivry-sur-Seine et Le Kremlin-Bicêtre en 1896, Alfortville et Le Pré-SaintGervais en 1904. En dépit de cette précocité, la banlieue sudest restera longtemps très diversifiée avec, à côté des villes « rouges » (notamment le pôle Ivry-Vitry-Villejuif) des communes radicales (Orly avec le docteur Marie), des D’où l’importance de thèmes communes « modérées » ou du logement, de l’école, des conservatrices qui se colonies de vacances, des maintiennent ou s’affirment. dispensaires, sur lesquelles sont Le travail important réalisé sur en concurrence les traditions les élus se réclamant du radicales et socialistes puis mouvement ouvrier (plusieurs communistes. centaines de notices) témoigne de l’intérêt d’approches biographiques par le local. ARLES Henri, Aimé. Pour suivre les élus, la préfecture de l’ancienne Seine disposait d’un grand registre conservé aux archives de Paris sous la cote DM3. Une double page est consacrée, par commune, à chaque élection avec la présentation des élus dans l’ordre des voix obtenues. Sont indiqués : le nom, le prénom, le métier, l’adresse, le nombre de voix, la date de naissance (mais pas le lieu), la tendance politique (mais pas toujours) et enfin des mentions éventuelles de démission, de décès, d’invalidation. Une autre double page récapitule les mandats de maire et d’adjoint, avec les dates et le nombre de voix obtenues. Ces sources précieuses avaient été largement utilisées par Claude Pennetier et Nathalie Viet-Depaule pour la préparation des notices de la quatrième partie du Maitron (1914-1939). Les archives départementales ont eu l’heureuse initiative de faire microfilmer les pages concernant le Val-de-Marne. Avec la participation d’Emmanuel Hagen, un dépouillement systématique est en cours pour établir les biographies des élus de la période 1945-1964. Parmi les notices d’élus, nous avons retenu quatre personnages dont le destin est lié au Val-de-Marne. (Avec l’autorisation des Éditions de l’Atelier) Né le 4 mai 1898 à LevalloisPerret (Seine), mort fin septembre 1995 à Bonneuil-surMarne (Seine) ; ouvrier puis artisan souffleur de verre ; maire communiste de Bonneuil-surMarne (Seine) de 1935 à 1939 et de 1944 à 1971. Son père est dit employé de commerce sur l’acte de naissance. En fait, il fut souffleur de verre et s’est dans son atelier à Joinville-le-Pont que le jeune Henri fit son apprentissage. Henri Arlès le présente comme “ vieux syndicaliste ” puis un artisan qualifié qui fabriquait des thermomètres médicaux et, comme le créateur d’une seringue médicale. Membre de l’ARAC après avoir été mobilisé en 1919, Henri Arlès adhéra au Parti communiste en 1923 à Joinvillele-Pont. Il vint à Bonneuil-surMarne en 1927. L’artisanat du verre ayant été touché par la crise, il travailla un temps comme manœuvre aux “ fermetures Périer ” où il créa un syndicat CGTU dont il était secrétaire en 1933. Henri Arlès refusa de participer à la campagne électorale des municipales partielles de 1932 parce que l’animateur de la liste n’était pas “ impeccable ” (entretien avec Claude Pennetier et Nathalie Viet-Depaule) mais il fut tête de liste communiste aux élections municipales de mai 1935. Les partis ouvriers n'avaient jamais détenu la municipalité et les effectifs communistes étaient partis de très bas : seize cartes et soixante timbres placés en 1921. Les communistes regroupaient 72 voix sur 307 suffrages exprimés et 330 inscrits aux élections municipales de mai 1925 ; quatre ans plus tard ils eurent 115 voix au premier tour (435 suffrages exprimés) et aux élections partielles du 27 novembre 1932, leur score monta à 125 voix sur 380 suffrages exprimés. L'implantation d'industries dans le port de Bonneuil permit une croissance de l'électorat ouvrier. Aussi, le 5 mai 1935, la liste Arlès obtint 207 voix de moyenne contre 166 aux républicains de gauche et 131 aux républicains. Arlès recueillit au second tour 326 voix sur 601 votants et 648 inscrits. Les communistes conquirent dix des seize sièges : Arlès, Charles Snoek, Eugène Loubière, Denis Beaume, Henri Poirson, Alfred Ribière, Raymond Brunelle, Georges Ferrand, Alexandre Guillou et Louis Le Métayer. L'assemblée municipale désigna Arlès aux fonctions de maire. La préfecture de la Seine le suspendit de ses responsabilités en octobre 1939 et constatant son refus de désavouer le Parti communiste, le déchut le 9 février 1940. Envoyé en séjour surveillé le 19 décembre 1939 à la Ferme Saint-Benoît (Seine-etOise), il fut appelé par l'autorité militaire et mobilisé le 12 janvier 1940 selon les rapports préfectoraux. Lorsqu’il se maria le 2 mars 1940 à Bonneuil, il était en effet “ soldat au dépôt de guerre n° 213 ”. Arlès donne un itinéraire plus précis dans une interview recueillie par Guy Gibout : “ Les flics m’embarquent au commissariat de Saint-Maur puis à la mairie du XIe arr. de Paris [...]Direction Saint-Étienne par Baillet, en Seine-et-Oise, et un détour par Rambouillet. A SaintEtienne, nous avons été accueillis par une manifestation de mineurs et de métallos, organisée par les communistes. En camions, nous nous sommes dirigés vers Chartreuse-deBrémol, dans l’Isère ” où Georges Marrane le fit évader. Il travailla sous la direction de celui-ci à la mise en place d’un réseau d’évasion dans ce camp puis il fut chargé de repérer des points de passage entre la zone sud et la zone nord. “ En 1941, le Parti me demande de remonter à Paris pour installer une imprimerie clandestine. C’était passage Lepreux, dans la rue de Charonne. Le papier, on le volait dans une imprimerie sous séquestres à Alfortville. Quelques agents de liaison ayant disparu, nous avons supprimé l’imprimerie et je me suis mis au vert dans l’Oise. ” (l’Humanité, 9 novembre 1991). Nommé maire à la Libération puis réélu en 1945, Henri Arlès conserva la première magistrature municipale jusqu'au 25 mars 1971. Affaibli par l'âge, il abandonna volontairement son écharpe à son premier adjoint, Bernard Ywanne. Il garda une grande popularité dans sa commune où il mourut à quatre-vingt-dix-sept ans. DELETTRE Albert, Michel. Né le 6 juin 1909 à Créteil (Seine) ; employé de la STCRP (puis RATP) ; conseiller municipal et militant socialiste de Créteil ; créateur du PSU. Fils d'un garçon boucher et de mère non dénommée (sera reconnu en 1914), receveur à la Société des Transports en commun de la région parisienne, Albert Delettre militait à la section socialiste SFIO de Maisons-Alfort en 1934. Le compte rendu de la réunion du 17 mars 1935 indiquait : “ Le camarade Delettre a dû donner sa démission de notre section en raison de son passage à la section de Créteil dont il est nommé le secrétaire. ” Favorable à la Gauche révolutionnaire, il devint secrétaire de la section PSOP (Parti socialiste ouvrier et paysan de Marceau Pivert) de Créteil en 1938. Combattant FTP, Delettre fut arrêté en février 1944. Il revint au Parti socialiste SFIO à la Libération et entra au conseil municipal de Créteil le 17 novembre 1950 mais, ses sympathies allaient à l'aile gauche du mouvement socialiste. En 1958, il entraîna une importante fraction de la section locale au Parti socialiste autonome puis fut le secrétaire de la section de Créteil du Parti socialiste unifié. Malgré de graves problèmes de santé, Albert Delettre resta un militant actif du PSU jusqu’à sa mort. Marié à Créteil le 22 juillet 1933, il y mourut le 19 octobre 1979. Georges Le Bigot passa toute son enfance à Villejuif : son père François Le Bigot, originaire de l'Eure-et-Loir, contrôleur à la Compagnie du Gaz, fut conseiller municipal radical de la commune puis adjoint avant 1921, date à laquelle il démissionna ; sa mère fut tour à tour nourrice et couturière. Il poursuivit ses études à l'école primaire supérieure et entra comme « petit commis » à la mairie de Gentilly . Il travailla également dans les mairies d'Arcueil et de Villejuif, acquérant des connaissances administratives qui devaient, par la suite, lui être d'un précieux secours. Pendant la Première guerre mondiale, il fut mobilisé comme brigadier d’artillerie. Son action militante débuta sur le terrain syndical. En 1923, il devint secrétaire administratif du syndicat unitaire des employés et ouvriers des communes de la Seine puis secrétaire général. Il participa au IIIe congrès national de la CGTU qui se tint du 26 au 31 août 1925. Délégué par ses camarades syndiqués, au cours de l'été 1925, il se rendit en Union soviétique et, à son retour, adhéra au Parti communiste. En 1927, il entra à la commission exécutive de la Fédération unitaire des Services Né le 11 février 1899 à Villejuif publics. Employé à la mairie de sa (Seine), marié à Villejuif le 21 mars 1929, père d'un enfant commune natale, Georges Le Bigot participa alors en 1932, mort le 15 septembre activement à la gestion de la 1942 à Auschwitz (Pologne) ; première municipalité employé de mairie ; secrétaire CGTU des employés et ouvriers communiste que Gaston Cantini avait enlevée en mai 1925 et des communes de la Seine, conseiller général en 1935, maire accepta même d'être délégué sénatorial en janvier 1927. communiste de Villejuif en 1937. LE BIGOT Georges, François. Sa collaboration le conduisit à se présenter aux élections municipales de 1929 sur la liste de Paul Vaillant-Couturier . Contraint d'abandonner son emploi pour être éligible, élu le 5 mai, en troisième position, il fut nommé deuxième adjoint. Devenu permanent municipal, il s'imposa comme la véritable cheville ouvrière du conseil. Il fut celui qui anima, en 1934, les premières rencontres locales entre le Parti socialiste et le Parti communiste. Réélu second de la liste le 5 mai 1935, il accepta les fonctions de premier adjoint et fit campagne, quelques jours plus tard, pour les élections cantonales, dans la seconde circonscription de Villejuif. Il battit Georges Gérard , conseiller sortant, maire socialiste SFIO du Kremlin-Bicêtre. Au conseil général de la Seine, il fit partie des commissions : Assistance aux vieillards et aliénés, Hygiène et police et Assainissement. Membre du comité régional du Parti communiste, il était également avec Albert Vassart , secrétaire de rédaction de l'Information municipale . Le 15 novembre 1937, Georges Le Bigot succéda au maire, Paul Vaillant-Couturier, qui venait de mourir. Mobilisé au début de la guerre, puis démobilisé, il fut arrêté le 5 octobre 1940 et interné à Aincourt (Seine-etOise). Transféré le 4 décembre suivant à Fontevrault (Maine-etLoire), puis à Gaillon, à Compiègne et enfin à la prison de Clairvaux (Aube) à partir du 20 janvier 1941 d'où il fut déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, il y mourut deux mois plus tard. Son frère, André Le Bigot, né le 11 mai 1910 à Villejuif, employé, qui avait été un des animateurs de la grève de juin 1936 à La Samaritaine, reprit le flambeau après le guerre et fut, à son tour, conseiller municipal de la commune à partir de 1953 et adjoint de Louis Dolly , maire communiste. de l’emploi depuis 1919, signé par cinq auteurs : Emmanuel Bellanger, Claude Pennetier, Jeanne Siwek-Pouydesseau, Michèle Velay et Emmanuelle Yohana. Autrefois parents pauvres de l’histoire sociale, observés longtemps sous le seul angle juridique, les employés LEFÈVRE Marie, Antoinette communaux font aujourd’hui l’objet d’études localisées. Les née AUBERT Marie. auteurs ont choisi d’aborder l’histoire sociale de l’emploi Née le 27 décembre 1899 à public et de sa gestion locale en Tiranges (Haute-Loire), fille d'un cultivateur, Marie Lefèvre s’interrogeant sur son rôle dans les chaînes de mobilité sociale, était infirmière de l'Assistance publique à l'hospice d'Ivry-sur- particulièrement dans les périodes de crise économique et Seine (Seine) où elle militait activement au sein de la cellule en mettant l’accent sur la confrontation des itinéraires et communiste. Malgré l'inéligibilité des femmes, elle fut des horizons sociaux des élus et des acteurs de la vie communale. la première conseillère Parmi les exemples choisis municipale de sa commune, le figurent deux villes du Val-de12 mai 1929, sur la liste de Georges Marrane. Membre des Marne : Créteil et Ivry-surSeine. (Mars 2000, 363 p.) commissions de l'hygiène et salubrité, du service social, elle participa aux travaux du conseil municipal jusqu'au 21 février 1930, date à laquelle le conseil de préfecture annula son élection pour inéligibilité. Marie Lefèvre mourut le 7 mars 1973 à l'hospice d'Ivry. Initiatives de ce semestre • le festival de l'Oh ! organisé Emploi communal. Dans le cadre du programme de recherche « Ville et emploi », le Plan urbain (Ministère de l’équipement), présente un rapport intitulé Ville-Employeur et personnel communal, élus et syndicalistes face à la question par le Conseil général du Val-deMarne les 19 et 20 mai prochain. A cette occasion l'Institut d'histoire sociale du Val-deMarne propose en collaboration avec les Archives départementales une exposition sur le thème des métiers de l'eau. • "Des femmes, des associations, des archives", journée d'étude organisée par le Centre historique des Archives nationales, le 16 mai 2001 (Hôtel de Rohan, 87 rue Vieille du Temple, 75003).