Les dangers du cannabis
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Les dangers du cannabis
Les dangers du cannabis Retour sur l'article de Alain Dervaux, Mustapha Kanit, Xavier Laqueille publié dans le n° 540 du 28 mai 2001 service hospitalier universitaire de santé mentale et thérapeutique, dispensaire toxicomanie, 1, rue Cabanis, 75014 Paris, université Paris-V. Quelques chiffres – En France : . 50 % des jeunes adultes déclarent avoir consommé du cannabis au moins une fois (20 % le mois précédent) ; . 6 % en consomment régulièrement ; . Néanmoins, 70 % des lycéens n'en ont pas consommé dans l'année précedente. – Profil du consommateur : . sexe masculin ; . consommation parallèle régulière d'alcool et tabac ; . arrêt de la consommation vers 25-30 ans. – Une prise de cannabis serait retrouvée dans 7 à 56 % des accidents de la circulation. Signes de gravité à rechercher chez un consommateur régulier de cannabis 1. Sévérité de la dépendance – Consommation quotidienne. – Ancienneté de la consommation supérieure à 5 ans. – Signes de sevrage à l'arrêt de la consommation tels que craving et irritabilité. – Désintérêt affectif. – Désintérêt pour les activités habituelles (scolaires, professionnelles, loisirs). 2. Existence d'une comorbidité psychiatrique – Schizophrénie débutante. – Trouble de la personnalité, notamment personnalité psychopathique. – Trouble dépressif. 3. Troubles cognitifs – Troubles de la mémoire. – Troubles de l'attention et de la concentration. – Difficultés à réaliser des tâches complexes. 4. Troubles respiratoires – Bronchite chronique. Intoxication aiguë : l'ivresse cannabique • Effets psycho-actifs – Apparaissent dès les 1res minutes. – Durent 3 à 4 heures. – Variables selon les individus. – Amplification de l'humeur : euphorie, bien être, dysphorie, retrait social, hallucinations, sans adhésion aux hallucinations. – Cliniquement : tachycardie, sécheresse de la bouche, démarche ébrieuse, hyperhémie conjonctivale. – Altérations cognitives : troubles de l'attention et de la mémoire antérograde, allongement du temps de réaction. – Effets psychomoteurs : fonction de la dose ingérée. Attention : . risque d'aggravation des effets psychomoteurs de l'alcool ; . risque d'accident de la circulation. • Complications – Aucun décès par surdosage. – Angoisse ou attaque de panique : 20 % des cas, réversibles spontanément. – Idées de persécution : fréquentes et persistantes. – Pharmaco-psychoses cannabiques : rares (symptômes psychotiques persistants). – Confusion, agitation, idées délirantes : cèdent avec l'abstinence. Ce qu'il faut dire aux patients – L'usage occasionnel du cannabis est sans danger si l'on évite les tâches complexes. – Il peut cependant être à l'origine d'accidents, donc éviter : è les activités professionnelles sur des postes à risque ; è la conduite automobile dans les heures qui suivent sa consommation ; è d'y associer une prise d'alcool. – L'usage chronique peut s'avérer dangereux (effets cognitifs et psychiatriques, risques pulmonaires et de dépendance) avec un possible passage vers une toxicomanie plus « dure ». Consommation chronique : 6 types de dangers • Dépendance – Psychologique et physique. – Touche 1 usager sur 10. – Facteurs de risque : ATCD familiaux d'addiction, comorbidités psychiatriques, échec scolaire, troubles des conduites de l'enfance (fugues, instabilité, hyperactivité). – Possible porte d'entrée vers l'usage d'héroïne ou de cocaïne. • Troubles cognitifs – Persistants. – Répercussion scolaire et professionnelle. – Attention aux métiers à risque (contrôleurs aériens…). • Syndrome amotivationnel – Associe anhédonie, désintérêt, indifférence affective, apragmatisme. – Humeur souvent dépressive. – Lié à l'importance et à la durée de la consommation. – Disparaît à son arrêt. • Schizophrénie – Risque multiplié par 6 si consommation > 50 fois. – Aggravation des formes pré-existantes. • Atteinte pulmonaire – Liée à l'inhalation tabagique (goudrons responsables de bronchite chronique) et cannabique (éléments carcinogènes). – Effets indépendants, s'ajoutant à ceux du tabac. – Asthme, bronchite chronique, emphysème peuvent être aggravés. • Toxicité f tale – Hypotrophie f tale. – Risque d'altérations cognitives. Prise en charge – Évaluer consommation et contexte familial. – Rechercher des signes de gravité. – Dédramatiser l'usage occasionnel… – … Sans tomber dans la banalisation. – Insister sur les risques d'accidents, de dépendance et de complications pulmonaires. – Inciter au sevrage avec recours à une psychothérapie en cas d'usage régulier. – Traiter les comorbidités associées. Cannabis et THC Modes de consommation Le cannabis est extrait du chanvre indien ou cannabis sativa, cultivé dans les régions montagneuses sèches et chaudes. Les sommités fleuries et les feuilles de l'extrémité supérieure de la plante femelle, les plus riches en résine de cannabis, produisent le haschich communément appelé « shit ». Le haschich ou les feuilles séchées (« herbe ») se fument mélangé au tabac, sous la forme de « joints », « pétards » ou « tarpés ». Le cannabis est aussi parfois ingéré. Composition Le cannabis comprend plus de 60 cannabinoïdes identifiés, dont le principe actif est le delta9-tétrahydrocannabinol ou THC. Le taux de THC est variable : 0,5 à 5 % dans l'herbe, 2 à 20 % dans le haschich, davantage dans certaines spécialités produites sous serre aux PaysBas sous le nom de « nederwiet » et 15 à 50 % dans l'huile de cannabis [2]. Pharmacologie Le THC est très lipophile ; son passage dans la circulation sanguine à travers les membranes alvéolaires pulmonaires est immédiat après inhalation. La concentration sanguine maximale est atteinte 30 minutes après le début de l'absorption pulmonaire. Par voie orale, l'absorption varie entre deux et quatre heures. La demi-vie du THC est d'environ 7 jours. Son métabolisme est hépatique. Son élimination est lente en raison de sa fixation lipidique principalement dans le système nerveux central, les gonades et le tissu adipeux, d'où une présence prolongée dans les urines : 2 à 5 jours après une prise unique et jusqu'à un mois chez un consommateur régulier par les méthodes immunologiques. Effets psychoactifs Deux types de récepteurs cannabinoïdes ont été mis en évidence il y a une dizaine d'années : les CB1 au niveau du système nerveux central et les CB2 au niveau du système immunitaire. Les effets psycho-actifs du cannabis résultent de l'interaction du delta9-THC avec les récepteurs cannabinoïdes CB1 cérébraux. Localisés principalement dans les ganglions de la base, l'hippocampe, le cervelet, le cortex frontal et le striatum, les récepteurs CB1 sont impliqués dans la transmission de la douleur, la coordination des mouvements, la mémoire et les processus cognitifs [1, 4]. Le rôle de l'anandamide, ligand endogène des récepteurs CB1, est mal connu. Comme l'alcool, les opiacés, la cocaïne et le tabac, le cannabis augmente l'activité dopaminergique des voies mésolimbiques, notamment dans le nucleus accumbens, structure cérébrale impliquée dans le renforcement positif de l'appétence aux drogues. pour en savoir plus • Référence : – Zammit S, Allerbeck P, Andreasson et al. Self reported cannabis use as a risk factor for schizophrenia in Swedish conscripts of 1969 : historical cohort study. BMJ 2002 ; 325 : 1199-1201. – Solowij N, Stephens RS, Roffman RA et al. Cognitive functioning of long term heavy cannabis users seeking treatment. JAMA 2002 ; 287 : 1123 - 31.