COUV II a P 3 edito 339 - Etudes Economiques du Crédit Agricole

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COUV II a P 3 edito 339 - Etudes Economiques du Crédit Agricole
HORIZONS BANCAIRES
NUMÉRO 339 - DÉCEMBRE 2009
Banque de détail
et innovations technologiques
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Banque de détail et
innovations technologiques
ÉDITO ...................................................................................................................................................................................................................... 3
ALAIN DESCHÊNES, directeur informatique et industriel du groupe Crédit Agricole S.A.
Enrichir les usages, enrichir la relation
Banque et sites sociaux : retour d’expérience, perspectives
................................................................... 5
JEAN PHILIPPE, directeur général de la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel Pyrénées Gascogne
La banque tout électronique : mythes et réalités
.................................................................................................... 9
JEAN-PIERRE VAUZANGES, directeur du développement Caisses régionales, membre du Comité exécutif,
Crédit Agricole S.A.
Les consommateurs, les TIC et la banque
MICHÈLE FRANZA
ET
................................................................................................................... 12
DANIEL VILLATTE, direction études de marchés groupe, Crédit Agricole S.A.
Insuffler la confiance envers les nouveaux services
......................................................................................... 18
ALEXIS PETITJEAN, analyse stratégique groupe, Crédit Agricole S.A.
Innovations technologiques et mutualisme
................................................................................................................. 22
CHRISTIAN TALGORN, président de la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Morbihan
Nouveaux horizons
L’unification du système d’information
des Caisses régionales de Crédit Agricole : un projet historique
...................................................... 29
YVES NANQUETTE, directeur général de la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel d’Ille-et-Vilaine
Président du COSIR, Comité de pilotage du projet NICE
Les nouvelles technologies au service de la microfinance
....................................................................... 33
ÉTIENNE GUYOT, chef de projet, Crédit Agricole S.A.
ET FATIMA EL MOUKHTAFI, chargée des nouveaux développements, Fondation Grameen Crédit Agricole
La finance islamique appelle-t-elle de nouveaux outils informatiques ?
.................................. 40
LADISLAS GALLANT, global islamic banking, Calyon, Crédit Agricole CIB
Dessinons le futur
Les nouveaux enjeux de la concurrence bancaire en sortie de crise
........................................... 42
MICHEL CALLIAU, business development executive, GBS financial services sector, IBM France
ET OLIVIER PARISOT, consultant senior, GBS financial services sector, IBM France
L’agence du futur dans un dispositif « user centric »
...................................................................................... 50
JEAN-PHILIPPE BLANCHARD, responsable du pôle innovation, Crédit Agricole S.A.
Cinq défis sécuritaires des systèmes d’information bancaires du XXIe siècle
.................... 56
GIL DELILLE, directeur de la sécurité des systèmes d’information, direction informatique et industrielle groupe,
Crédit Agricole S.A. – Président du Forum des compétences
Le droit bancaire à l’épreuve des nouvelles technologies
......................................................................... 62
STÉPHANE HENRY, direction des affaires juridiques, Crédit Agricole S.A.
L’avenir à 50 ans
......................................................................................................................................................................................... 67
ALAIN ARGILE, direction des études économiques, études industrielles et sectorielles, Crédit Agricole S.A.
Argent, éthique et technologie : quelques réflexions pour mieux
construire l’après-crise ........................................................................................................................................................................ 72
LUC DE BRABANDÈRE, The Boston Consulting Group
ET LAURENT HUBLET, The Boston Consulting Group
Service aux lecteurs ............................................................................................................................................................................................... 77
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ALAIN DESCHÊNES
INFORMATIQUE ET INDUSTRIEL DU GROUPE
C RÉDIT A GRICOLE S.A.
À une époque où les chœurs médiatiques chantent les louanges de l’innovation
technologique, il serait trop facile de simplement se joindre à une telle chorale !
Dans ce domaine, à maintes reprises dans le passé, les prédictions et autres
certitudes ont fait long feu, parfois même au prix de bulles boursières.
Néanmoins, les enjeux concurrentiels, les dangers sécuritaires, les exigences de
nos clients sont eux actuels et bien réels, et c’est bien l’immobilisme qui présente
le plus de risque.
Sans être candides, nous devons donc intégrer toute l’étendue de ces bouleversements multiples qui dépassent la seule dimension technologique.
Bien que provenant d’horizons différents, il est intéressant de noter que les auteurs
réunis ici ont des visions souvent convergentes sur ces sujets. Leurs contributions
soulignent les nombreuses opportunités en matière de produits et de services
bancaires et l’engagement concret du groupe Crédit Agricole sur ces différents
thèmes ; lequel s’appuie sur des racines et des valeurs clairement assumées.
L’humain, client, collaborateur ou partenaire, est au centre de leurs propos en
particulier dans son usage familier des TIC ou de l’évolution de sa relation commerciale avec des industries comme la nôtre. Ainsi, le foisonnement d’innovations
technologiques, sources de succès universels souvent inattendus comme les
Texto/SMS, l’iPhone ou autre Facebook, démontre l’engouement de la société pour
des outils toujours plus communicants et son étonnante capacité d’assimilation.
Si aujourd’hui tout ce qui est tendance en matière de technologie se doit d’être
« virtuel » et « dans le nuage », les préoccupations plus classiques d’accessibilité
et d’ergonomie sont plus que jamais d’actualité, qu’il s’agisse de la nouvelle
agence bancaire, des services en ligne ou des processus métiers. Face aux
limites inhérentes des automates et autres serveurs vocaux, les clients souhaitent
maintenir et développer une relation de confiance fondée sur la disponibilité,
l’écoute, la sécurité, ainsi que les outils qui tissent et étendent cette relation. De
même, nos métiers en prennent la mesure et veulent en tirer eux-mêmes
pleinement avantage dans leurs activités.
Le culte du « tout numérique », porteur de bénéfices tangibles, doit donc soutenir
l’humain en particulier sur des domaines porteurs de valeurs essentielles comme
la proximité, l’accessibilité et la transparence.
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Enrichir les usages,
enrichir la relation
La révolution numérique porte en germe
une nouvelle façon de faire la banque.
Comment élargir la communication avec les clients ?
Comment inventer un « Internet de proximité »
valorisant l’ancrage territorial de la banque mutualiste
et la relation de confiance existant entre elle et ses sociétaires ?
Comment accompagner les transformations
de nos espaces de travail,
de consommation, de sociabilité ?
Autant de questions auxquelles les auteurs
des cinq articles suivants apportent
des réponses nourries d’expérimentations,
de réalisations et d’engagement.
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Internet enrichit la relation de proximité qui
existe entre une banque mutualiste et ses
sociétaires et clients. Les expériences menées
depuis quatre ans par la Caisse régionale
de Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogne
en apportent la preuve. De nouvelles idées,
de nouveaux projets émergent, dont celui
d’un « internet de voisinage » à partir de
chaque agence.
JEAN PHILIPPE
Directeur général de la Caisse régionale
de Crédit agricole mutuel Pyrénées Gascogne
dans l’agence : on identifie le client, mais on lui parle
aussi du temps qu’il fait, de la vie locale, on lui donne
des informations sur la banque et l’actualité, il y a un
échange de personne à personne. Si la relation par
Internet en reste à l’authentification et à la transaction,
elle oublie cette dimension de relation qui fait la force
du modèle de la banque de proximité. Si on sous-évalue cette dimension relationnelle, c’est parce qu’elle est
prise en charge depuis des décennies par les
conseillers en agence et que l’informatique bancaire se
concentre sur les traitements comptables. Les sites
sociaux offrent aux banques un moyen simple de rétablir cet équilibre, de renforcer leur avantage relationnel
en élargissant leur communication avec leurs clients.
Pour cela, il est souhaitable que les usages d’Internet
associent les services de consultation et de transaction
avec les outils d’échange et de partage interactifs. De
cette combinaison dépendra l’attractivité du site et
celle de la banque. Faut-il s’en occuper dès maintenant ? Les banques comptent aujourd’hui 50 %
APRÈS TOUT, LE MÉTIER DE BANQUIER EST
TROP SÉRIEUX pour céder à un effet de mode et il y
a bien d’autres moyens de séduire la clientèle des
jeunes ! Elle ne vient d’ailleurs pas sur ces sites pour
y rencontrer des financiers. À moins que ces nouveaux outils de communication ne portent en germe
une nouvelle façon de faire la banque ? C’est sur cette
conviction que le Crédit agricole mutuel Pyrénées
Gascogne a engagé de multiples usages professionnels de ces nouveaux réseaux. Explications.
Pourquoi une banque
s’intéresse-t-elle aux sites sociaux ?
Le métier de la banque de détail associe la connaissance des personnes à la sécurisation des valeurs et
des flux. Ce qui est vrai quand le client entre physiquement dans son agence et confie son dépôt au
banquier, est vrai aussi quand il s’authentifie par son
code personnel et effectue des opérations électroniques. Il se passe cependant bien d’autres choses
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Banque et sites sociaux :
retour d’expérience, perspectives
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d’internautes habituels, mais sur 100 internautes, 60
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commencé par des blogs. Celui du directeur général
a été le premier, en quelque sorte pour autoriser, pour
démystifier, pour ouvrir la voie. D’autres sont venus
depuis, gérés et enrichis chaque semaine par plusieurs collaborateurs. L’entreprise compte aujourd’hui
une cinquantaine de blogueurs. Faut-il dire « blogueur »
d’ailleurs ? Sans doute pas. Il s’agit en fait de sites Web
dont l’architecture est celle du blog, qui fonctionnent
comme un blog, mais qui parlent de la banque et
autour de la banque, du territoire et des clients. J’insiste
sur ce point car le « blog » fait peur tant le mot renvoie
à un journal intime nombriliste quand il n’est pas immoral ou pousse-au-crime. Pour illustrer cette appréhension, disons deux mots du journal d’entreprise que nous
avons décidé un jour d’éditer sous forme de blog
interne. Cette évolution n’a pas entrainé, loin s’en faut,
l’adhésion de tous les salariés en raison de cette image
qui fait peur. Nous avons alors décidé de ne plus
parler de blog mais de donner au site le nom du défunt
journal d’entreprise « PG Mag ». Les freins se sont
aussitôt levés et le site a été adopté sans réserve par
tous les salariés. Il faut respecter cette perception bien
compréhensible.
Depuis la page principale de la banque, les clients
accèdent désormais à des sites dédiés (patrimoniaux,
professionnels, agriculteurs, entreprises, jeunes) ou
traitant de sujets généraux, comme le mutualisme, le
développement durable ou encore l’innovation. Sur
ces pages, ce sont « des gens d’ici qui parlent aux gens
d’ici depuis ici », des Pyrénées, de la Gascogne. Les
rédacteurs parlent métier, ce sont des professionnels,
mais aussi territoire, car ils sont des voisins qui vivent
les mêmes villes, quartiers, villages, que les clients. A
tout moment, l’internaute peut réagir à une note,
demander un rendez-vous, accéder à des informations
plus détaillées sur tel ou tel produit ou service. Il peut
même pousser un « Coup de cœur » ou un « Coup de
gueule » que la banque affiche et auquel elle répond.
Le site « Do U speak jeunes ? » mérite une mention
spéciale. Au-delà de la présentation des offres et services, il a été utilisé pour organiser le concours du
meilleur site personnel des moins de 30 ans. Plus de
250 candidats ont concouru sur le territoire et chacun
a vu son site adressé depuis le site de la banque. Ce
succès montre l’intérêt des jeunes pour ce média (on
n’utilisent qu’un moteur de recherche et interrogent leur
compte, 30 vont au-delà et achètent fréquemment
sur le Web ou bavardent en ligne, et 10 % seulement
sont des internautes agiles intéressés par les sites
sociaux. Faut-il investir pour si peu de monde ? Nous
pensons que la banque doit se mettre au niveau des
plus agiles et penser ses services pour eux : c’est la
meilleure façon de bien servir les autres et d’être prête
quand tous les internautes auront progressé dans ces
usages.
Ajoutons que la banque mutualiste est plus concernée
que les autres. Puisque l’association entre finances et
territoire crée de la valeur durable dans la relation physique, que c’est sur ce modèle que les mutualistes ont
bâti leur réussite, pourquoi ne serait-ce pas vrai aussi
avec Internet ? Et pourquoi Internet ne permettrait-il pas
de valoriser la relation de proximité ? Pourquoi clients
et conseillers n’utiliseraient-ils pas les mêmes outils pour
partager sur ces sites et donner aux services en ligne
une dimension régionale et communautaire ? Pourquoi
les mutualistes ne se différencieraient-ils pas avec
cette forme nouvelle de « proximité augmentée » ? La
relation à distance renforcera alors pour le client la
confiance dans les personnes qu’il connaît, qui sont
dans l’agence proche et à qui il peut quand il le veut
serrer la main.
Peut-être pensez-vous que cela n’a rien de bien
original et que je décris là le modèle bien connu du
« click & mortar » ? En fait, il a plusieurs façons de faire
du « click & mortar » : en juxtaposant la banque « béton »
et la banque Internet, sans qu’elles communiquent ;
en associant le canal Internet et le conseil en agence,
les deux se parlant, intervenant l’un ou l’autre au fil
d’une même relation ; en créant sur Internet une relation proche de la relation physique avec des échanges
sur la vie, le quartier, l’actualité. C’est bien là notre
objectif : donner à la relation à distance une teneur la
plus proche possible de la relation humaine, chaleureuse et pas seulement « produits et techniques ».
Les expériences
de Pyrénées Gascogne
L’aventure de Pyrénées Gascogne sur les sites sociaux
remonte maintenant à quatre ans. Nous avons
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Banque et sites sociaux : retour d’expérience, perspectives
J E A N
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le savait déjà), mais aussi leur regard positif sur le partenaire qui valorise leurs créations en entrant dans
leur univers par leur centre d’intérêt. La remise des prix
a été faite sur Second life ®, il n’y en pas eu d’autre.
Soixante personnes étaient présentes en même temps
par leur avatar dans l’amphithéâtre de l’Institut
Mutualiste, une des installations que nous développons
depuis trois ans maintenant avec la Fédération nationale
du Crédit agricole sur des îles électroniques.
Les implantations sur Second Life ® participent plus du
« buzz » que du développement de la banque. Ce
genre de monde virtuel, fortement médiatisé, n’a pas
encore pris sa place dans les utilités du Web. Les
réunions en 3D apportent pourtant beaucoup d’avantages : on voit les participants, on dialogue avec eux,
on exprime des sentiments comme l’intérêt ou la lassitude, on se déplace. Ajoutons que le réalisme du 3D,
avec les formes, les couleurs, les décors, l’environnement, permet d’adapter l’ambiance à l’événement,
de suggérer un climat ; il est aussi possible de diffuser
des vidéos ou diapositives, de parler depuis une tribune,
de poser des questions. Tout cela donne aux réunions
une dimension très proche du réel.
Alors pourquoi en rester à l’expérimentation ? Tout
simplement parce que la technologie reste difficile
d’accès et demande un apprentissage. Ce frein sera
levé avant l’autre qui réside, là encore, dans l’image des
univers virtuels : ils ont été utilisés d’abord pour des jeux
vidéo et restent très marqués par cette origine (dans
« serious game », on entend plus « game » que
« serious »). Du coup, les utilités pour les clients, donc
l’intérêt pour les entreprises, passent au second plan,
et il est bien difficile d’intéresser à un conseil bancaire
un public qui vient pour jouer.
Nous sommes là en veille et c’est essentiel. D’abord,
il serait faux de croire que l’on aura toujours le temps
de s’y mettre car ceux qui prendront demain des positions fortes sur ces activités font aujourd’hui leur
apprentissage. Ensuite, en maîtrisant ces techniques
et leurs usages, nous améliorons la maîtrise des autres
techniques largement utilisées aujourd’hui : si Pyrénées
Gascogne a des sites sociaux qui marchent bien, c’est
parce qu’il est en recherche sur les évolutions du Web.
Dans la foulée des blogs, nous avons entrepris d’utiliser les outils sociaux les plus populaires, FaceBook ®
et Twitter ®. Nous les utilisons comme les « mordus »
du Web, c’est-à-dire en relais de nos sites professionnels. Chaque nouvelle note sur un site fait l’objet
d’un message sur ces sites sociaux, ce qui permet
d’informer nos « fans » et « followers » (nos abonnés).
Cette démarche ne suffit pas, bien sûr, et il est important
d’entretenir la relation et de coopérer en ligne en
émettant aussi des messages moins conventionnels
selon l’humeur de celui qui est au clavier.
Parler au nom de l’entreprise
Je me suis intéressé aux sites sociaux à titre personnel
avant de m’intéresser à leurs utilités pour la banque. Je
vous confie cette démarche parce qu’il me semble
essentiel de considérer ces nouvelles technologies
comme des moyens de communication qui prolongent les moyens humains. Ainsi, j’aurais pu commencer en vous disant : « J’ai appris à parler à titre personnel
avant de parler au nom de mon entreprise, et j’ai procédé pareil pour l’écriture », cela vous aurait paru une
évidence. De la même façon, il doit vous paraître évident
que l’on commence à écrire des blogs, à utiliser
Facebook ® et Twitter ® à titre personnel, à s’immerger dans des mondes virtuels comme Second Life ®
d’abord à titre personnel. Ce sont des moyens de prolonger les expressions que sont la voix et l’écriture.
Cette vision très humaine des sites sociaux est fondamentale. Envisager d’utiliser ces outils comme on le
fait de la publicité ou du spot télé, à savoir sans s’y
impliquer soi-même, c’est comme se mettre au micro
à la tribune sans avoir appris à parler. Mieux vaut rester spectateur. Il ne sert à rien à une entreprise de
s’offrir une place dans la « websphère » si c’est pour
reproduire les modes de communication utilisés dans
la publicité. Les internautes ne rejettent pas, mais ne
s’intéressent pas non plus. Cela ne fait pas de mal peutêtre, mais cela ne sert à rien. Une présence utile sur les
sites sociaux est autre : les propos sont personnels et
doivent s’affranchir des prudences habituelles ; il faut
être soi, avec ses goûts et ses préférences. L’entreprise
qui utilise ces sites ne peut donc le faire qu’en laissant
s’exprimer les personnes comme elles le souhaitent.
Celui qui s’adonne au clavardage (le tchat en
québécois), qui le fait déjà à titre personnel, peut le faire
aussi dans le cadre de son entreprise. C’est très 7
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exigeant puisqu’il parle alors « lui-même » en tant
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mais aussi, je dirais, l’excellence sur internet, a alors été
ressentie par beaucoup de collaborateurs comme une
condition indispensable à la réussite collective. Et ils ont
raison.
que représentant de son organisation, sans filtre, sans
faux-nez. Il doit être convaincu et porter les valeurs et
le projet de son entreprise. Cela suppose quelque
chose qui ressemble à du militantisme. L’exercice est
exigeant puisque les salariés et les clients ont accès
aux mêmes ressources et voient la même chose, ce
qui suppose un parti pris de sincérité. Il n’y a pas de
présence sur les sites relationnels sans cette forme
d’engagement, ce qui signifie que les entreprises qui
se lancent dans cette démarche ne peuvent le faire que
si leurs modes de relations internes sont compatibles
avec ceux du Web. Par exemple, à Pyrénées
Gascogne, les notes rédigées par les salariés internautes ne sont ni commandées ni relues. Mon expérience est qu’en quatre ans, je n’ai jamais demandé
d’en modifier un mot. L’exercice de la responsabilité
est total, les acteurs internes le savent et en font un
usage conscient et adapté. Je leur en suis énormément reconnaissant.
Lorsque nous avons envisagé, après des expériences
personnelles, d’utiliser les sites sociaux pour l’entreprise,
cela s’est fait par des coopérations internes. L’accès
à mon blog personnel a d’abord été ouvert aux salariés de Pyrénées Gascogne via l’Intranet. Une innovation qui a suscité chez certains l’indifférence, chez
d’autres une réaction de surprise, de crainte voire de
rejet, chez d’autres encore une réaction d’adhésion et
l’envie de participer. C’est avec ces derniers que nous
avons ensuite développé des sites d’entreprise. La
question de l’adhésion interne est fondamentale. Elle
a été possible parce que ces évolutions ont été comprises comme nécessaires pour accompagner un
mouvement plus important, plus structurant, celui
d’établir avec nos clients une relation nouvelle. Nous
avons inscrit ces évolutions dans une stratégie d’entreprise avec deux priorités affichées : offrir aux clients
une relation « multicanal » et réduire nos consommations de matières et d’énergie. L’utilisation d’internet
Quelles perspectives ?
Nous allons continuer. Nous avons le projet immédiat
de doter chaque agence d’un site d’information et
d’échange avec ses clients qui sera alimenté et animé
par l’agence elle-même. Ce sera le support d’un
« Internet de voisinage » qui apportera en ligne, en
plus des services bancaires, la relation humaine de
proximité avec l’agence et les conseillers que le client
connaît physiquement. Nous sommes également en
train d’équiper nos agences de postes de travail qui
vont permettre de développer la formation à distance
en univers virtuel. Nous avons aussi engagé un partenariat avec une société de « peer to peer » (« de pair
à pair ») qui, dans quelques semaines, proposera à des
épargnants de prêter en ligne à des porteurs de projets qui présenteront sur le site leur activité : il s’agit
d’utiliser un réseau social pour développer une activité bancaire, le microcrédit. Enfin, nous avons commencé à utiliser les vidéos faites par les équipes de la
banque pour présenter à la fois nos services et les
femmes et les hommes qui sont disponibles pour en
parler, avec bien sûr possibilité pour l’internaute d’engager le débat ou donner son avis.
Nous aurons certainement d’autres projets dans les
prochains mois, tant les choses vont vite dans ce
domaine. Nous prendrons position avec toujours trois
objectifs : renforcer notre expérience et notre agilité sur
la toile ; continuer de capitaliser sur l’image d’une
banque ouverte au monde et aux nouvelles technologies ; privilégier les applications qui apportent des flux
d’internautes ou de l’activité en banque ou assurance.
Ce qui est sûr, c’est que ce sont les équipes de
Pyrénées Gascogne qui décideront du contenu et du
rythme de ces nouvelles avancées. ◗
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La relation entre le client et la banque est
en train de s’inverser : ce n’est plus la banque
toute puissante qui définit ce qui est bon et
nécessaire pour son client, c’est celui-ci
qui décide quand et avec qui il souhaite parler
de ses projets et avancer. La banque
électronique s’insère dans cette évolution.
JEAN-PIERRE VAUZANGES
Directeur du développement Caisses régionales
Membre du Comité exécutif, Crédit Agricole S.A.
La banque tout électronique :
mythes et réalités
Vision d’angoisse !
L’opérateur Télécom devenu le fournisseur de moyens
de paiement au quotidien, le grand distributeur celui de
solutions de crédit. À quand les Livrets d’épargne
dans les stations-services, entre les bidons de laveglace et les bouteilles d’eau minérale, à côté des
cartes de rechargement de téléphone et des bonbons à la menthe ?
De cette vision d’un futur peut-être pas si lointain,
peut-on dire qu’il va rester un métier de conseiller de
proximité du client « captif » de la banque ? Et quelle
place pour la banque tout électronique ? Faut-il pousser
ce mode de relation, développer des sites marchands
en ligne, encourager les clients à les utiliser ? Et en
même temps repenser les agences, leurs organisations, leurs finalités ?
Rappelons-nous les évolutions dans l’organisation de
la relation entre le client et sa banque de détail ces vingt
dernières années.
▼
Une agence vide de clients où les conseillers commerciaux s’ennuient ! L’agence commerciale est devenue une vitrine sans vie où rentrent de temps à autres
des passants en mal de conversation.
Un client devenu un consommateur averti et mature qui
passe sur le Net de comparateur en comparateur, qui
vole d’offre promotionnelle en offre promotionnelle,
choisit le moment de son achat et le canal par lequel
il veut le réaliser de jour comme de nuit, dans n’importe
quel pays, sans souci de la distance ni de la langue. Un
client qui, de plus, décide du moyen avec lequel il
veut payer et se sent totalement libre de résilier ou de
changer d’offre quand cela lui chante.
Le conseiller indépendant, l’agent général qui visite le
client à son domicile le soir en semaine ou le dimanche
matin, et qui par ailleurs échange avec ce même client
à 23 heures par messagerie électronique sur la
meilleure offre du marché.
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DÉCEMBRE
Dans les agences, les comptoirs et les guichets
2009
banque a été entraîné dans cette évolution par les
changements de mode de vie et par le poids des
média qui facilitent l’affichage de la concurrence. Mais
c’est la banque elle-même qui, en utilisant la technologie pour optimiser ses processus de production et
de gestion, a fait évoluer ses organisations commerciales et transformé la nature de la relation avec son
client qui, à son tour, s’adapte à cette modernité de
consommation.
Il y a quelques années, des assureurs français ont
lancé des banques en ligne ; seule l’ouverture du
compte est réalisée en agence, l’essentiel de la relation
bancaire qui suit est gérée à distance, un peu encore
par le courrier, la plus grande partie par Internet. Ces
banques revendiquent toutes aujourd’hui plusieurs
centaines de milliers de clients actifs, preuve que la
banque au quotidien peut être gérée à distance. En
mode tout électronique ?
Non, car ces banques ont toutes mis en place des plateformes téléphoniques d’assistance au client sur des
horaires élargis.
Il est également vrai que la quasi-totalité de ces clients
sont en même temps bancarisés dans d’autres
réseaux. Ils ont une bonne connaissance de la gamme
des produits et des services de la banque au quotidien.
Ils arbitrent donc, en fonction de leurs besoins du
moment, le choix de la banque et le type de canal de
la relation.
Quand les Caisses régionales du Crédit Agricole lancent BforBank avec comme positionnement en communication : « Mon banquier, c’est moi », elles font le
pari qu’un segment de consommateurs est mature
pour un modèle de relation bancaire tout électronique,
et qu’il peut se passer de la relation en face à face dans
une agence.
disparaissent, remplacés par des bureaux et des
postes d’accueil en même temps que l’informatique
s’installe (pour le banquier !). Afin d’augmenter la
disponibilité des conseillers commerciaux, des
plateformes téléphoniques sont créées, déchargeant
ceux-ci des appels entrants. Au fil du temps, ces
plateformes montent en compétence et réalisent des
ventes, devenant ainsi un nouveau canal de distribution.
Très pratique pour le client, quand il n’est pas l’otage
du « taper 1, taper 2, musique d’attente, un conseiller
va vous répondre dans quelques instants, etc. ».
Un client indépendant
Dans le même temps, la banque met en place des
automates permettant de retirer de l’argent ou de le
déposer, de remettre des chèques et d’imprimer des
états de comptes. Plus de manipulations de monnaie dans les agences. Pratique également pour le
client, plus besoin de faire la queue au guichet : une
fois passée la phase d’apprentissage, il devient autonome.
Enfin, le déploiement d’Internet permet à ce même
client de consulter à distance sa situation personnelle,
puis au fil du temps de réaliser lui-même des opérations
bancaires simples et de disposer de l’information en
ligne sur les nouveaux produits et services. Car timidement, cette banque à distance électronique plutôt
« vitrine » devient marchande. D’autonome, le client
devient indépendant.
Le type de relation que le client entretient avec sa
banque a donc changé au fil des années, le sentiment de dépendance s’est estompé, le client est
devenu un consommateur ravi.
Ravi de pouvoir enfin choisir, de pouvoir prendre le
temps de s’informer et de comprendre en s’appuyant
de plus en plus sur une technologie qu’il maîtrise et qui
lui apporte toute la connaissance à la maison.
Ravi d’être « protégé » par des associations de
consommateurs qui dénoncent sans hésitation, réclament toujours plus et lancent toujours plus d’actions
juridiques. Ravi d’être « considéré » par des pouvoirs
publics qui régulent à tour de bras. Ravi enfin d’être
libéré de l’emprise de la relation client à sens unique.
Certes, il faut bien reconnaître que le client de la
Une relation équilibrée
Depuis longtemps, la banque de détail est, dans la
vision de son client, essentiellement un métier de
conseil et de distribution de produits et de services,
dans une relation voulue et organisée par le banquier
pour être pérenne ; cette relation fondamentalement
basée sur la proximité (d’abord géographique puis à
distance avec le téléphone et Internet) aurait dû permettre d’augmenter la connaissance du client pour
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La Banque tout électronique : mythes et réalités
JEAN-PIERRE
mieux l’accompagner dans les différentes étapes de sa
vie personnelle et professionnelle.
Mais la rotation des personnels des agences, le
rajeunissement des équipes commerciales, le
développement basé en majeure partie sur des campagnes successives d’équipement en produits et
en services bancaires, la mobilité croissante des
clients eux-mêmes, la lourdeur des programmes
internes d’informatisation en connaissance client,
sont autant de réalités que le client perçoit, qu’il
dénonce et dont il peut s’affranchir avec la banque
électronique.
La relation est en train de s’inverser : ce n’est plus la
banque toute puissante qui définit ce qui est bon et
nécessaire pour son client « captif », mais un consommateur qui a des envies, des besoins, voire des projets
et qui décide quand et avec qui il souhaite en parler et
avancer.
Dans une telle situation, le banquier doit demeurer
sans contestation un « producteur d’offres à forte
valeur ajoutée perçue par le client, un créateur de
solutions financières globales, un innovateur ». Le
VAUZANGES
« tout électronique » croisé avec le « tout à distance »
n’est pas la solution. Certes, le client doit pouvoir
choisir sa manière de communiquer avec la banque,
passer de l’Internet au téléphone et à l’échange en
entretien face à face. À condition que le « tout électronique » facilite le transfert de connaissance entre les
deux parties et assure la continuité des échanges
dans les différentes étapes de la relation.
Banque au quotidien en mode tout électronique ?
Banque « projets épargne, crédits » en relation face à
face dans l’agence, même si une partie du chemin a
été faite en amont par le client en mode « autonome » ?
Cette vision segmentée est tentante... mais trop
simplificatrice.
Mythes et réalités ?
Tout ce qui a été écrit plus haut démontre que la
banque électronique est déjà une réalité et rappelle que
comme toujours en matière de distribution, c’est le
client qui aura le mot final et que les organisations qui
sauront le mieux capter ses attentes en matière de
consommation tireront des profits dans une relation
marchande équilibrée. ◗
11
HORIZONS BANCAIRES
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339
–
DÉCEMBRE
2009
Les technologies de l’information et de la
communication (TIC) ont remanié en
profondeur nos environnements de travail, de
consommation, de sociabilité. Car plus encore
que de nouveaux outils, elles sont porteuses
de nouveaux usages. Le client bancaire est
désormais multicanal, épris d’accessibilité
sous toutes ses formes... et en attente de
signes d’humanité, contrepoids du virtuel.
MICHÈLE FRANZA
ET
DANIEL VILLATTE
Direction études de marchés groupe, Crédit Agricole S.A.
Les consommateurs, les TIC et la banque
capacités de production et économies d’échelle. Les
innovations des early 90’s étaient encore davantage
guidées par des préoccupations de réduction des
coûts que par une volonté de répondre aux attentes
des consommateurs. Or le client bancaire, peu réceptif à ce déploiement d’une technicité qui semblait le tenir
à l’écart, en était arrivé à prendre en grippe murs d’automates et plateformes téléphoniques.
L’enjeu consistait alors à passer des principes du
monde industriel, où la performance s’apprécie en
termes de productivité, à ceux de l’univers des services,
où ce sont la valeur ajoutée et la qualité de la relation
client qui constituent la performance.
Banques et clients ont beaucoup évolué depuis ces
débuts ingrats. Avec et par les technologies. Celles-ci
ont engendré un immense mouvement d’acculturation
du grand public, dont les attentes portent aujourd’hui
la trace à tous niveaux, depuis les produits et services
jusqu’à la relation à la marque, en passant par la
question du prix et celle des canaux.
L’INFORMATIQUE, INTERNET ET LA TÉLÉPHONIE
MOBILE, lieux phares de l’innovation, constituent pour
les consommateurs un univers formateur favorisant
l’apprentissage de nouvelles pratiques, l’acquisition
de nouvelles habitudes.
Ces nouveaux comportements s’étendent bien
au-delà des frontières du Web : c’est notre vie quotidienne dans son ensemble qui s’en trouve affectée. Les
relations à l’argent, au commerce, à la banque sont
donc inévitablement concernées.
Le champ est si vaste qu’on ne peut prétendre à
l’exhaustivité. Nous nous proposons donc d’éclairer
quelques facettes des transformations à l’œuvre au sein
de la relation commerciale bancaire, sous l’influence
des TIC.
Le passage du back au front office
L’informatisation, dans l’univers bancaire, s’est d’abord
appliquée au back-office, dans une optique de rationalisation de type industrialiste : augmentation des
12
Les consommateurs, les TIC et la banque
MICHÈLE
FRANZA
ET
DANIEL
VILLATTE
Au-delà d’eBay, c’est l’ensemble des pratiques commerciales sur Internet qui participent à ces changements. Le consommateur prend un certain plaisir à
court-circuiter les réseaux et marques classiques, pour
accéder à ce qu’il estime être un plus juste prix des
choses. Négocier, commercer, lui procurent le sentiment, non dénué de fierté, d’être l’un des acteurs de
ce monde en mutation et de contribuer à la création de
ses règles du jeu.
Et si les outils du Web 2.0 ne sont pas encore aussi
familiers au grand nombre, ils travaillent cependant
dans le même sens, et forgent pour les années à venir
un client beaucoup plus actif, participatif, autonome.
Ces marques qui donnent le ton
Les grands annonceurs des technologies inventent
de nouvelles manières de s’adresser à leur public, de
nouveaux services périphériques, de nouveaux modes
de tarification qui deviennent les standards auxquels le
client va désormais comparer les discours et les offres
des autres secteurs. Les marques sont observées, et
jugées selon leurs pratiques en matière de stratégie
marketing, de discours publicitaire, de techniques de
vente. Le consommateur a haussé jusqu’à l’expertise
ses compétences de consommateur : il sait plus, peut
plus, veut plus.
Apple et le marketing des usages
À une époque où le monde PC rivalisait à coups de
méga-octets et de gigahertz, Apple faisait valoir sa
différence en centrant son discours non sur les performances techniques mais sur les usages innovants, avec un slogan qui disait, en substance :
« l’important n’est pas ce que votre ordinateur peut
faire, mais ce que vous pouvez faire avec ». C’est
aujourd’hui sur ce même positionnement que
triomphe l’iPhone. Doté de l’interface intuitive et
ludique propre à la marque, il est devenu, avec sa
simplicité et sa richesse d’usage, la référence en
téléphonie mobile.
L’environnement Mac constitue ainsi un « pattern »
qui a remodelé les comportements et attentes des
consommateurs dans le sens d’une plus grande fluidité, simplicité, souplesse, légèreté, ergonomie.
De la banque à accès multiples
à la relation bancaire multimédia
Un maître-mot : accessibilité
L’accessibilité est la notion clé héritée des technologies.
Les immenses progrès accomplis dans ce sens par la
micro-informatique ont permis de l’appréhender, de
l’identifier, de l’isoler, au sens où l’on isole une substance, une nouvelle molécule. Et la complexification
de la vie urbaine, dans ses structures et sa temporalité, rend cette notion désirable, crée l’appel d’air. La
demande d’accessibilité se fait ainsi sentir à tous les
niveaux de la relation commerciale bancaire, qu’il
s’agisse d’accessibilité...
• physique : heures d’ouverture de l’agence, possibilités de parking ;
• à distance : téléphone, e-messagerie, sites
Internet ;
• technique : ergonomie, facilité d’emploi, « userfriendliness » ;
• intellectuelle : clarté des explications, des documents ;
• pécuniaire : aspect « abordable » des coûts des
services, des taux ;
• ou encore relationnelle : attitude d’écoute du
conseiller, disponibilité.
eBay ou le nouveau regard sur
la transaction commerciale
Les pratiques de ventes aux enchères à grande échelle
initiées par eBay ont, quant à elles, induit un changement de la perception de l’acte commercial. Tour à tour
vendeur et acheteur, le consommateur relit la situation
à la lumière de cette double position.
Il envisage désormais la transaction comme un travail
qui se fait à deux. Il a besoin que les deux parties y
trouvent leur compte, afin que soit assurée la pérennité
du système. Il y gagne l’intuition d’une relation
d’échange équilibrée, marquée de co-responsabilité,
qu’il va ensuite chercher à retouver dans d’autres
situations de sa vie de client ou de citoyen.
Tout client est multicanal
Pour le client, il est devenu impensable que la banque
ne mette pas à sa disposition ces outils qui lui sont
devenus familiers, quotidiens. La question stratégique
de savoir quel canal offrir à quel profil a perdu de son 13
HORIZONS BANCAIRES
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DÉCEMBRE
acuité. Tout client est « multicanal », au moins poten-
2009
Internet ses opérations de banque au quotidien ou la
gestion courante de ses titres, c’est malgré tout à
l’agence que l’on préfère se rendre pour signer un
contrat, le « noir sur blanc » du document officiel ayant
gardé toute sa valeur probatoire. C’est aussi à l’agence
que l’on va chercher un conseil lorsque l’information ne
suffit pas pour fonder une opinion, prendre une décision, et que l’on a besoin d’une écoute active.
C’est dire que le conseiller est vraiment attendu, aujourd’hui, dans son rôle de... conseiller : au-delà de la
transaction, de l’information, de la vente, le client lui
demande de l’accompagner dans les décisions relatives à la gestion de son argent et d’en faciliter la mise
en œuvre. La tâche est ardue face à ce consommateur
évolué, informé, outillé, exigeant : le conseiller doit, lui
aussi, être multicanal ! C’est donc bien sur la capacité
de l’enseigne à organiser ce fonctionnement multimédia que reposera la valeur d’usage offerte au client.
tiellement. La question est plutôt de parvenir à orchestrer et à harmoniser entre eux ces canaux, afin que
chaque client puisse choisir celui qui convient le mieux
à sa situation du moment, selon l’heure, le lieu, la
circonstance, le besoin.
Les clients utilisateurs des services de banque en ligne
se recrutent dans toutes les tranches d’âge et à tous
les niveaux de revenus, même si on les trouve, sans
surprise, légèrement plus nombreux parmi les populations aisées et chez les jeunes.
On a pu craindre un temps que l’usage d’Internet
n’éloigne ces clients de leur agence bancaire. Il n’en est
rien : leurs rythmes de fréquentation de l’agence restent très proches de ceux que l’on constate chez les
non-utilisateurs. Ils sont en effet 4 sur 10 à rendre
visite à leur agence au moins une fois par mois, contre
5 sur 10 chez ces derniers1.
Ceci n’a rien de paradoxal. C’est en effet l’un des corollaires de l’inflation du virtuel que de susciter un besoin
de matérialité compensatrice (c’est d’ailleurs ce besoin
qui a fait nommer bureau, fenêtre, dossier ou corbeille
les principaux éléments de l’interface informatique). Les
performances des technologies procurent à l’utilisateur
une impression de puissance et de facilité. Mais au
moindre grain de sable dans leurs rouages, elles laissent
la place à un sentiment d’isolement et de totale impuissance. D’où l’importance, pratique et psychologique, de
tous les signes concrets et humains venant de l’organisme auquel on confie son argent. Cela commence,
bien sûr, par l’agence et le conseiller. Mais les pages
Internet devront elles aussi en porter la trace.
Nouvelles technologies et innovation
Si les consommateurs s’attendent à bénéficier de
l’avancée des TIC dans le cadre de leur relation commerciale avec la banque, en ligne ou en agence, il y a
des limites à ce qui leur paraît légitime et recevable de
la part d’une banque. La crise n’a fait qu’exacerber
l’hostilité du public à toutes les formes de gadgétisation, les offres qui s’écartent du champ bancaire étant
souvent perçues comme une dispersion de l’énergie et
de l’attention dues aux clients.
De ce point de vue, TIC et banques ne sont pas égales
devant l’innovation. Du côté de la micro-informatique, de
la téléphonie mobile ou de l’image et son, l’appétit des
consommateurs reste vif pour les nouveaux objets,
parce qu’il y a en ce domaine de vraies innovations produits, et que celles-ci prennent des formes visuelles et
tactiles très attrayantes. De plus, ces innovations peuvent
garantir à leur producteur une longueur d’avance, du
moins pendant un certain temps. Il n’en est pas de
même dans le secteur bancaire, où l’offre est abstraite,
souvent aride et « copiable » presque instantanément. Les
deux secteurs vivent en effet sur des temporalités différentes. Ainsi, dans les TIC, où les consommateurs se
La valeur de l’agence
L’agence a ainsi une double valeur, d’usage et de
sens. Elle est avant tout, par sa matérialité et sa permanence, un lieu symbolique fort, qui apporte un
ancrage dans l’espace et dans le temps à cet espace
virtuel « où habite mon argent ». Cette fonction symbolique de l’agence justifierait à elle seule son existence.
Mais elle a d’autres raisons d’être, au croisement du
symbolique et du pratique. Si l’on effectue volontiers sur
1. Source : Moyenne des études de satisfaction réalisées en 2009 par Crédit Agricole S.A. pour des Caisses régionales de Crédit Agricole.
14
Les consommateurs, les TIC et la banque
MICHÈLE
FRANZA
ET
ruent sur la nouveauté, trois mois peuvent assurer une
avance précieuse, alors que, sauf exception, le dernier
modèle de convention de compte ou de plan d’épargne
ne suscitera pas le même rush. L’innovation attendue de
la part de la banque – le grand changement – concerne
moins les produits que ce qui entoure les produits : les
modalités d’accès aux produits (canaux, information,
conseil) et, au-delà, la relation du client à l’enseigne.
DANIEL
VILLATTE
montants comme sur celui des modalités, un juste
reflet de la consommation.
Échaudé par les packages « fourre-tout » des années
quatre-vingts, parfois égaré par les offres des opérateurs téléphoniques de la dernière décennie, le
consommateur fait trois vœux :
• Disposer d’une offre flexible et évolutive adaptée à ses
besoins.
• Ne payer que ce qu’il consomme.
• Maîtriser les coûts prévisionnels liés à sa consommation.
La télévision avait donné naissance au concept de
« bouquet ». Les consommateurs en ont gardé un
intérêt pour les packages thématiques, qui, sur une
offre trop vaste, opèrent un « pré-choix » conforme à
leurs besoins.
Les TIC sont allées plus loin, en mettant à leur disposition tout un éventail de modalités de tarification à
l’acte, à l’abonnement, au package, au temps passé...
Les consommateurs apprécient cette variété, qui, tout
en évitant habilement la confrontation entre payant et
non-payant, leur offre une large possibilité de choix et
suggère l’adaptabilité.
Un exemple : l’offre bancaire
sur téléphone mobile
Ces nouveaux services sont bien acceptés s’ils apportent une réelle nouveauté en termes de valeur d’usage.
C’est ainsi que sont valorisés ceux qui...
• permettent une réactivité forte face à des événements
personnels de la vie courante, et augmentent le potentiel d’action de leurs utilisateurs : ils sont alors vus
comme de vraies inventions ;
• garantissent un accès simple et sécurisé ;
• semblent avoir été pensés d’abord dans l’intérêt du
client.
L’attractivité de ces services n’implique pas pour
autant spontanément le principe d’un coût, dans la
mesure où :
• ils sont vus globalement comme une remise à niveau
nécessaire de la qualité de l’offre de services
bancaires ;
• la dématérialisation des services est perçue comme
une source d’économie pour la banque (ça se fait
tout seul, sans intervention humaine) ;
• la logique économique du téléphone mobile, fondée
sur les principes de forfaits et d’illimité, alimente l’attente
de gratuité.
En résumé, dans ce domaine, la seule offre qui puisse
justifier un coût est celle qui propose une solution là où
il n’en existait pas.
Mais la gratuité, il faut le rappeler, n’est pas toujours
attendue par les consommateurs pour ce qui concerne
les services bancaires. Un coût, modique s’entend, a
toujours cet effet de confirmation d’une valeur, à condition que celle-ci lui soit reconnue à l’usage.
Who’s afraid of the World Wide Web ?
Lors des transactions sur Internet, la peur est toujours plus ou moins présente. Elle est là chez les
novices qui s’aventurent dans la jungle du Net, elle s’atténue avec un peu de pratique, et elle revient en force
chez les plus experts, liée à la prise de conscience de
la complexité des échanges de flux financiers. Comme
l’explique l’un d’eux : « Plus j’ai peur, plus je m’informe,
et plus je m’informe, plus j’ai peur ! ». Il s’agit là de la
crainte d’exposer des données personnelles, en
particulier bancaires, aux risques de piratage.
Mais les transactions sur Internet charrient bien d’autres
inquiétudes. Un processus d’achat sur Internet
suppose un investissement en temps, en énergie, en
stress, dont on n’évaluera le retour qu’au terme de la
transaction. Lors d’un achat en magasin, la situation est
différente. Le consommateur peut garder le contrôle
des opérations tout au long de leur déroulement. Il peut
s’assurer corporellement, par un ou plusieurs sens, que
le magasin inspire confiance, que le vendeur a l’air honnête et compétent, que la matière est de belle qualité, Une offre tarifaire diversifiée
Ce qui est attendu d’un système de tarification des
services bancaires, c’est qu’il soit, sur le plan des
15
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DÉCEMBRE
que le fauteuil est confortable, le vêtement seyant...
2009
La délimitation dans le temps de cette génération est
sujette à controverses, mais on peut dire qu’elle touche,
en gros, les 15-25 ans. Quoi qu’il en soit, qu’il s’agisse
ou non d’un fonctionnement de cohorte importe peu
finalement. L’important est d’avoir identifié une nouvelle
logique, qui infiltre tous les secteurs de la vie en société,
et de recueillir quelques clés pour en comprendre la
cohérence.
Ils sont décrits comme fondamentalement « multitâches », surfant sur Internet tout en parlant au téléphone
ou en lisant leurs textos, moins « accro » à la télévision
que leurs aînés, accordant davantage de temps à leurs
activités privées, pilotant leur vie depuis leur mobile, et
partageant très libéralement leurs infos, via les réseaux
sociaux notamment (cf. liens en bas de page).
Il peut, à chaque étape, interrompre le processus s’il
n’est pas entièrement convaincu.
Un achat sur Internet ne permet pas d’évacuer ainsi la
charge d’angoisse par petites doses. Celle-ci, au
contraire, s’accumule au fil des questions qui se posent
aux différentes étapes : vais-je trouver le bon produit ? Arrivera-t-il en bon état ? Arrivera-t-il, tout simplement ? Sera-t-il conforme à mes attentes ? Ai-je fait
le bon choix ? Ce n’est qu’en fin de parcours, si tout
va bien, que la tension peut se relâcher.
Ces inquiétudes, le consommateur les endigue en
recherchant des signes de réassurance, tels que les
avis des autres consommateurs, la réputation d’un
site, le nombre d’étoiles, la présence d’un label de
sécurité, voire le soin apporté à l’annonce (qualité des
photos, précision du descriptif, niveau de langage)
qui témoignent de l’implication du vendeur.
Il leur oppose également la confiance qu’il existe un
recours qui va minimiser les risques et, du coup,
contenir l’angoisse. D’où son attente d’une panoplie
d’assurances et de garanties capables de le protéger
des aléas, des indélicatesses, et même de ses propres
erreurs, voire de ses caprices.
La victoire du bouche à oreille ?
Leurs comportements de consommateurs et leurs
attentes sont dessinés à traits fermes par les bloggeurs
qui s’intéressent à eux : des comportements où l’on
voit se préciser et s’accuser certaines tendances déjà
à l’œuvre. Un bref aperçu de leur rapport à la communication et au discours des marques en fournira ici
une illustration :
« They don’t care about your ad, they care what their
friends think » (Ils n’ont rien à faire de votre pub, ce qui
compte, c’est ce que pensent leurs amis).
«Parce qu’il sont en immersion constante dans les
médias, que ce soit en ligne ou hors ligne, la génération Y est cernée par le marketing, mais quand ils ont
une décision à prendre, ils se retournent vers leurs
amis. La génération Y a tendance à se reposer sur son
réseau social et ses recommandations bien plus que
sur le marketing et la publicité. »
[...] « Le partage est synonyme de pouvoir au sein de
cette génération, quoi que ce soit que l’on partage :
connaissance, liens, compétences ou musique, au
sein d’un cadre privé ou professionnel. Le pouvoir
s’acquiert par le partage, là où le fait de posséder
sans partager était lié au pouvoir pour les anciennes
générations, qui ont vécu dans une économie de la
Une nouvelle race de consommateurs
à l’horizon
On entend beaucoup parler, dans les coulisses de la
sociologie et du marketing, de la « Génération Y », et
il n’est pas possible de parler d’évolution de la consommation et de nouvelles technologies sans en dire
quelques mots.
La « Gen Y » : qui sont-ils ?
Il s’agit de ces jeunes hyper branchés, au sens propre,
c’est-à-dire vivant à longueur de journée avec un
terminal au bout des doigts (smartphone, « laptop »,
iPod, voire simple téléphone mobile ou console de
jeux vidéo), et qu’on appelle également « digital
natives » (traduction : ils sont tombés dedans quand ils
étaient petits).
16
Les consommateurs, les TIC et la banque
MICHÈLE
FRANZA
ET
rareté et ne comprennent pas cette économie de
l’abondance propre au numérique. »2
Si l’on en croit ces constats prophétiques, l’image de
l’enseigne tendra donc de plus en plus à s’émanciper
de « l’image corporate » construite par elle, pour être,
plus que jamais, fondée sur les expériences concrètes
des consommateurs, co-construite et diffusée par eux.
DANIEL
VILLATTE
comme je peux). L’accessibilité, c’est cette proximité
ponctuelle choisie. Une mise à disposition sans
pesanteur.
• C’est moi qui décide. Le choix, certes, mais un
choix accompagné, balisé, dans le dédale d’une offre
aussi diversifiée qu’abondante. D’où l’importance
grandissante du conseil, mais aussi des outils de
comparaison et de simulation, ainsi que du partage
d’expérience.
• C’est moi qui l’ai fait. On adapte, on décore, on
customise... son interface graphique, sa page Yahoo !,
son compte eBay, son iPod, etc. : une liste où « sa
carte bancaire » ne ferait pas figure d’intrus.
Une opportunité pour la banque de faire évoluer son
rapport à sa clientèle. ◗
Pour conclure :
trois concepts de premier plan
Accessibilité, choix, personnalisation : trois concepts
en phase avec le grand processus d’individualisation
observé par les sociologues. Trois concepts qui ont
creusé leur lit dans l’abondance et la fluidité des TIC :
• Où je veux, quand je veux, comme je veux (et
Sources : études réalisées en 2008 et 2009 pour Crédit Agricole S.A.
par les cabinets H2O, Initial, Innovacorp, Ipsos, Synovate, TNS Sofres
2. Sarah Perez, dans ReadWriteWeb du 15 mai 2008 ; traduction et extrapolations de Fabrice Epelboin, dans ReadWriteWeb France du 8 septembre 2009.
L’article : http://fr.readwriteweb.com/2009/09/08/analyse/generation-y/
La controverse : http://www.chroniquesduweb.com/2009/09/17/la-generation-y-est-elle-si-connectee/
17
HORIZONS BANCAIRES
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DÉCEMBRE
2009
Dans le domaine de la banque de détail,
la confiance du client face aux nouveautés,
qu’elles soient technologiques ou
commerciales, repose à la fois sur son
appréciation de l’adéquation de l’offre
nouvelle avec ses propres besoins et sur
la confiance qu’il accorde à l’établissement
qui la lui propose. Cette confiance dans
le produit s’inscrit toujours dans la durée.
ALEXIS PETITJEAN
Analyse stratégique groupe
Crédit Agricole S.A.
Insuffler la confiance
envers les nouveaux services
surmonter un certain nombre de difficultés autres que
monétaires. Ce qui le fera passer à l’acte, c’est non
seulement la confiance qu’il aura dans l’adéquation de
ce nouveau produit avec ses besoins et dans les
avantages qu’il en tirera par rapport à l’inaction, mais
aussi la confiance qu’il accordera à l’institution qui le
lui propose.
Dans le domaine de la banque de détail, cette
confiance est loin de naître ex nihilo. Pour le client
des services bancaires – et même si nombreux sont les
banquiers qui en rêvent – l’achat « coup de cœur » d’un
produit bancaire n’existe pas. De la même façon, pour
les établissements bancaires, l’activité ne se prête pas
davantage au lancement « minute » de nouveaux produits ou services. Avant sa mise en marché, chacun
d’entre eux est mesuré, pesé, évalué à l’aune de la réalité du marché lui-même, de sa réglementation et,
pour utiliser une expression d’actualité, de sa « soutenabilité ». Car dans le retail, pour que le client adhère
DEPUIS QUELQUES ANNÉES, l’approche consumériste se focalise sur les « coûts de sortie », c’est-àdire les difficultés, y compris de nature psychologique,
que rencontre un consommateur pour changer de
fournisseurs de biens ou de services. La Commission
européenne, au nom de la recherche d’une concurrence parfaite, regarde d’ailleurs avec suspicion tous
les secteurs économiques où la relation avec le client
dure trop longtemps. Même si cette vision est extrêmement partielle, voire partiale, la banque de détail
entre pour elle dans cette catégorie.
Les nouvelles technologies et les nouveaux services
ont cette particularité qu’ils inversent le paradigme : on
ne sort pas d’un nouveau service puisqu’il n’existait
auparavant, on ne peut qu’y entrer. Or, dans ce cas,
l’analyse consumériste a tendance à assimiler
« le coût d’entrée » au seul prix payé par le consommateur pour accéder à ce produit ou service. Pourtant,
lorsqu’un client choisit la nouveauté, il accepte de
18
Insuffler la confiance envers les nouveaux services
ALEXIS
PETITJEAN
à l’innovation, il ne s’agit pas seulement d’insuffler la
confiance, il faut aussi l’inscrire dans la durée. Au
risque de voir les autorités s’étonner de la longévité de
la relation banque-client, le souci permanent de cette
double démarche, y compris dans l’innovation, est
une caractéristique de la relation bancaire et le gage de
la satisfaction de la clientèle et de sa fidélité.
interne et externe. Quand il y a vingt ans, les banques
françaises choisirent de développer la carte à puce,
système qui est encore aujourd’hui parmi les plus
sécurisés au monde, elles réagirent exactement en
adéquation avec ce que leurs clients attendaient pour
adopter la technologie. Pour autant, ces gages de
sécurité ne suffisent pas pour que la greffe prenne,
même s’ils en constituent un élément essentiel. En fait,
s’il n’y a pas de ruée massive de la clientèle face à une
innovation technologique bancaire, il y a dans la plupart des cas une montée en puissance progressive et
régulière de l’adhésion à l’innovation. Source de coûts
à l’origine, c’est sur ce schéma que les banques françaises peuvent inscrire toutefois leur business model
en matière d’innovation technologique. En outre, dans
un pays comme la France où 99 % de la population
est bancarisé, la rentabilité d’une innovation, gage
de sa qualité, dépend en grande partie de son industrialisation. En conséquence, l’offre doit être accessible
au plus grand nombre tant en termes de prix que de
simplicité d’utilisation.
En matière de banque en ligne, les établissements
français ont également fait évoluer leurs services au fur
et à mesure que s’installait la confiance des consommateurs dans cette offre nouvelle. Vécu surtout au
départ comme une source d’information, Internet s’impose désormais comme un canal à part entière de la
relation banque-client. Un nombre significatif d’utilisateurs de ce canal ont dépassé le stade de
l’apprentissage et s’attendent à y trouver les mêmes
services qu’en agence, y compris en terme de sécurité
des opérations. Les banques y ont répondu en mettant
en place des moyens d’authentification performants,
comme la signature électronique.
En matière de produits commerciaux innovants, le
comportement prudent des clients est relativement
similaire, y compris lorsque les innovations sont encouragées par les pouvoirs publics. On l’a vu par exemple
avec les produits d’épargne retraite issus des lois
Fillon. On le constate également sur des innovations
commerciales comme la Garantie des accidents de la
vie, la GAV, lancée par les assureurs il y a moins de dix
ans. La montée en puissance a été progressive mais
elle est solide et personne n’imaginerait aujourd’hui son
retrait du marché.
Privilégier la sécurité et
la simplicité dans l’innovation
La relation banque-client est une relation commerciale
très particulière. L’argent, qui en est le ciment, est
une « matière première » multidimensionnelle. C’est
particulièrement vrai en France où il véhicule, à travers
l’histoire politique et sociale de notre nation, une dimension émotionnelle forte. L’innovation technologique ou
commerciale dans le domaine de la banque de détail
doit nécessairement en tenir compte. En la matière, le
leitmotiv s’apparente à l’adage de l’essayiste américain
Oliver Wendell Holmes : « Ne mettez pas votre
confiance dans l’argent mais mettez votre argent en
confiance ». Mettre son argent en confiance, c’est
avant tout s’assurer que les conditions sont réunies
pour bénéficier à la fois d’un environnement propice
mais aussi de la compétence et la solidité de l’institution à qui on le confie.
Un peu à l’image du comportement des Français face
à la campagne de vaccination contre la grippe A (H1N1),
le client du secteur bancaire est rarement un cobaye
enthousiaste.
Certes, il est sensible aux tendances sociétales mais
il adhérera d’autant plus facilement à une nouvelle
technologie ou un nouveau service qu’il sera convaincu
que l’état de l’art en la matière a été suffisamment
éprouvé pour offrir le maximum de garanties.
Si l’on se penche, par exemple, sur le développement de la carte bancaire à la fin des années 1980 ou
de la banque en ligne à la fin des années 1990, on
peut constater qu’il n’y a pas eu de ruée massive et
immédiate sur ces nouveaux produits. Pourtant, les
banques françaises n’ont rien d’apprentis sorciers et,
dans un passé récent, aucune d’elles n’a jamais lancé
sur le marché la moindre innovation sans l’avoir testée et fait valider par les clients eux-mêmes, et, pour
la plupart, par leurs autorités de tutelles et de contrôle
19
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DÉCEMBRE
L’importance de l’environnement
réglementaire
2009
comprend pas faute d’éducation adaptée) et/ou renforce le contrôle et les sanctions sur les établissements bancaires pour les décourager d’abuser de
cette asymétrie. La crise financière a accéléré cette dernière tendance. Plutôt que d’en expliquer la réalité
complexe, on a accusé les banques d’à peu près
tous les maux, y compris les banques françaises dont
la bonne résistance témoignait pourtant d’une gestion
beaucoup moins risquée que la plupart de leurs
consoeurs.
Avec une telle attitude qui encourage la suspicion à
l’égard de l’institution bancaire, il est pourtant très
encourageant de constater que les enquêtes d’opinion
menées auprès des clientèles des différentes banques
françaises confirment qu’elles maintiennent de façon
très largement majoritaire leur confiance dans leur
banque. Compte tenu des spécificités nationales évoquées plus haut, et notamment l’ambivalence entretenue à l’égard de l’argent, l’image de la banque en
général n’a jamais été excellente et a encore été fortement écornée par la crise. Comment expliquer alors
cette résistance ? Le « darwinisme » bancaire y est
sans doute pour quelque chose. Les sept ou huit établissements qui assurent aujourd’hui plus de 80 %
des services de banques de détail en France ont des
racines plus que centenaires. Cette longévité a permis
d’inscrire dans leur gène non seulement leur capacité
d’adaptation et de service mais aussi le sens des responsabilités à l’égard de leurs clientèles. La notoriété
de ces établissements et de leurs marques contribue
fortement au capital « confiance » dont elles bénéficient
auprès de leurs clients.
Parmi eux, rares sont ceux qui ont entendu parler de
la Directive MIF ou qui savent que le règlement
CRBF 97-02 demande aux banques de se couvrir
également contre les risques opérationnels ou les
risques de non-conformité. Mais par expérience,
même s’ils n’en connaissent pas le processus, ils
savent que leur banque n’a aucun intérêt à les flouer,
les surendetter ou les exposer à des expériences
technologiques douteuses. Et par intuition, ils
perçoivent que leurs exigences morales et
professionnelles à l’égard du secteur bancaire sont
un stimulant pour innover et améliorer en permanence les services proposés.
Quant à la réglementation, elle constitue un élément clef
de la confiance mais n’en est pas la pierre angulaire. Le
consommateur français a cette particularité de vouloir
être protégé par la loi – et le droit français est bien l’un
des plus protecteurs d’Europe – mais il se méfie presque
davantage de celui qui le protège que de celui contre qui
il souhaite être protégé. Ce particularisme est décrit
notamment dans l’ouvrage d’Y. Algan et P. Cahuc, « La
société de défiance » (Éd. Rue d’Ulm). Il se traduit par
une tendance forte à se tourner vers l’État pour plus de
réglementation et de protection mais la conséquence en
est une défiance croissante à l’égard des institutions qui,
malgré la multiplication de leurs interventions, laissent
toujours le monde dans l’imperfection. Et la multitude de
textes et de normes régissant les activités bancaires ne
fait rien pour arranger les choses, y compris face au
développement des innovations technologiques. La
plupart d’entre eux sont, bien sûr, indispensables. Certains en revanche sont fortement imprégnés d’une
dimension politique qui ne contribue pas nécessairement
à la clarté du service. On peut penser, par exemple, à
l’automatisation du solde bancaire insaisissable.
Avec un client à la fois prudent face à l’innovation et
souvent sceptique sur la réalité de sa protection (pourtant l’une des plus étendues d’Europe), comment les
banques françaises peuvent-elles alors figurer en tête
des palmarès mondiaux en matière d’innovation dans
les produits financiers? Sans doute parce qu’elles ont
choisi de répondre à la recommandation d’O. Wendell
Holmes : « mettez votre argent en confiance ».
La confiance à l’épreuve de
l’insuffisante éducation financière
La France souffre – et notre pays est loin d’être le
seul – d’un déficit chronique en matière d’éducation
financière et économique. Les banques n’en sont pas
responsables mais il en résulte, dans la relation banqueclient, une dépendance relative du client vis-à-vis de sa
banque. C’est ce que l’on qualifie aujourd’hui
d’asymétrie d’information entre le professionnel et le
client. Pour en atténuer les effets, le législateur, qu’il soit
national ou européen, multiplie les informations obligatoires à destination du client (que bien souvent il ne
20
Insuffler la confiance envers les nouveaux services
ALEXIS
PETITJEAN
La trop grande discrétion des banques
sur leurs efforts de recherche
Placer le client au cœur
du dispositif d’innovation
À l’égard de l’innovation, l’approche pragmatique et
prudente de la clientèle qui veut que le produit comme
l’établissement qui le propose aient fait leurs preuves,
a nécessairement un impact sur le marché. Au
moment de la bulle Internet ont fleuri les offres de
banque et de courtage en ligne. Mais, comme le
souligne le CECEI, autorité de tutelle des banques,
dans son rapport 2008, « Ces établissements novateurs se sont peu développés et, depuis 2002, on
assiste à un mouvement de repli de ce type de structures ». On l’a vu, l’innovation bancaire a un coût et
ce coût s’amortit dans la durée. Tout nouvel entrant
doit donc assumer à ses débuts non seulement les
exigences financières prudentielles indispensables à
sa présence sur le marché, mais aussi les pertes de
fonctionnement jusqu’à l’atteinte d’un seuil d’adhésion
(de conquête) suffisant pour le rendre rentable. Dans
ces conditions, on comprend que si le rôle de la
concurrence est très important dans l’organisation du
marché, fondamentalement celui-ci s’organise surtout
en fonction du comportement et des attentes de la
clientèle.
En bout de chaîne, le client ne perçoit pas nécessairement l’extraordinaire travail accompli par les équipes
internes de recherche. Elles constituent de véritables
laboratoires, que ce soit dans le domaine commercial
ou technologique. Les produits bancaires ne bénéficiant
pas du « copyright », tout ce travail est en général gardé
précieusement à l’abri des regards de la concurrence.
Le process mériterait peut-être d’être porté à la
connaissance du public afin qu’il réalise à quel point il
est indéniablement au cœur de la relation bancaire. En
matière d’innovation technologique, certains établissements commencent à mesurer l’enjeu d’une
meilleure visibilité donnée aux travaux de leurs laboratoires. Ainsi, la presse économique évoquait récemment le projet de « technolab » du Crédit Agricole qui
fonctionnerait comme une vitrine expérimentale,
notamment dans le domaine de l’application des
nouvelles technologies de l’information aux services
bancaires.
Dans son rapport annuel pour 2008, le CECEI rappelle
également que « le système bancaire et financier
français connaît depuis la deuxième partie des années
quatre-vingt-dix une restructuration continue (...).
Composé d’établissements expérimentés, dans les
activités traditionnelles comme dans les produits les
plus sophistiqués, le secteur bancaire français exerce
des activités aussi bien en France qu’à l’étranger. Ces
acteurs opèrent sur un marché de plus en plus ouvert
et concurrentiel, où le phénomène des concentrations
au plan européen est loin d’être achevé ».
A en croire de nombreux observateurs, la crise financière devrait encore accélérer ce mouvement de
concentration. Il n’est évidemment pas question de faire
le lien entre la fragilisation de certaines banques européennes – voire de systèmes bancaires nationaux – et
l’idée que ces établissements auraient quelque peu
perdu de vue les attentes réelles de leurs clientèles. Le
monde bancaire est plus complexe que ça. Pourtant
aujourd’hui, les banques qui ont su préserver la
confiance de leurs clients en les maintenant au cœur
de leurs préoccupations, savent le rôle que cette
confiance a joué pour les aider à traverser la crise. Plus
que jamais, elle constitue l’une des valeurs clefs de leur
fonds de commerce et contribue à leur solidité. Pas
étonnant que dans un monde où l’information circule
dès la survenance du moindre événement, les banques
accordent à leurs risques d’image et de réputation
une attention toute particulière. Pour le client, la « partie émergée de l’iceberg » est souvent le conseiller et,
en cas de difficultés, les services « qualité et relations
clientèle » et parfois le médiateur. Mais il ne faut pas
oublier qu’en amont, les fonctions liées au contrôle (inspection, audit, risque, conformité, déontologie...) représentent désormais une part significative des effectifs.
Pour la banque de détail française, insuffler auprès
de sa clientèle la confiance dans les nouveaux produits
et services, ne serait-ce pas finalement lui apporter la
garantie que d’un bout à l’autre de la chaîne de
l’innovation, la prise en compte de ses besoins et de
ses intérêts sont restés le fil conducteur de la
démarche ? ◗
21
HORIZONS BANCAIRES
NUMÉRO
339
–
DÉCEMBRE
2009
En donnant à chaque consommateur, à
chaque sociétaire la possibilité de participer
aux débats, d’apporter une contribution et de
devenir ainsi acteur, la deuxième génération
du web enrichit considérablement la vie du
mutualisme. Nous sommes pour un usage
sans limite de ces technologies qui
permettent de toucher toutes les populations,
dont les jeunes, et tous les territoires.
CHRISTIAN TALGORN
Président de la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel
du Morbihan
Innovations technologiques
et mutualisme
de l’usager consommateur à l’usager acteur, du web
des « biens » à celui des « liens » s’est accompagné
d’une autre évolution plus matérielle : celle des moyens
d’accès. Si l’ordinateur a pu constituer l’instrument privilégié dans l’usage du web, il est maintenant fortement
concurrencé par des moyens « miniaturisés » qui en
facilitent l’usage de manière permanente, tels l’iphone,
le téléphone portable, les tablettes... La démocratisation de ces moyens d’accès permet d’élargir de
manière considérable le champ des personnes pouvant
les utiliser. Ces multiterminaux par les commodités
offertes permettent de communiquer en tout temps et
en tout lieu sur la planète entière, de manière ultra
rapide. En outre, hormis le cas de services particuliers
et l’achat des éléments matériels, l’usage est le plus
souvent marqué par la gratuité.
L’impact de ces technologies se fait sentir autant au
niveau local qu’au niveau mondial. Cette « glocalisation » du phénomène offre de riches perspectives dans
LA PROFONDE ÉVOLUTION DES TECHNOLOGIES
d’information et de communication ces deux dernières
décennies a fortement impacté la sphère professionnelle
et privée, modifiant de manière irréversible les comportements. L’avènement du Web 1.0 dans les
années 90 avait déjà changé le paysage. C’était le web
des données, des connaissances, constituant une
véritable bibliothèque universelle. L’apparition du Web
2.0 au début de ce XXIe siècle modifie à nouveau et de
manière forte la donne. Le monde du Web 2.0 est celui
des personnes et des échanges, créant un véritable lieu
de vie caractérisé par le partage. Il densifie et intensifie
le lien social en mettant en présence, à tout moment et
sans véritable distinction ni des rôles, ni des fonctions,
une tribune et un auditoire, encore plus nettement
affirmé aujourd’hui par le recours à la visioconférence.
La recherche extrêmement prolifique menée en ce
domaine laisse présager de nouvelles avancées.
Ce passage d’un web statique à un web dynamique,
22
Innovations technologiques et mutualisme
CHRISTIAN
l’extension des relations humaines, proposant ainsi
des moyens de diffusion à toutes les cultures, à toutes
les nations, pouvant même résister mieux que d’autres
à la censure politique.
Des craintes se sont manifestées de manière protéiforme à la vue de ces nouvelles possibilités de
communication : distanciation de la relation personnelle
physique et donc son affaiblissement, triomphe du
virtuel et de la dématérialisation sur le réel, superficialité
des rapports plutôt qu’approfondissement, abandon de
la dimension territoriale au profit de repères incertains...
Au regard de ces craintes, la réflexion mérite d’être
menée sur les implications de ces technologies de
communication sur le mutualisme.
Sans entrer dans l’examen des valeurs qui lui sont
rattachées – solidarité, proximité et responsabilité,
elles-mêmes « complétées » par des principes qui
guideront l’action tels l’utilité des actes et des
comportements, la présence physique et relationnelle,
la confiance réciproque –, le mutualisme se décline
notamment à travers la relation de proximité avec un fort
ancrage territorial et sa dimension humaniste, les deux
s’imbriquant étroitement. La réalité territoriale doit être
appréhendée sous toutes ses formes – économique,
sociale, culturelle, vie citoyenne... – au profit des
femmes et des hommes qui vivent sur ce territoire.
Concernant le secteur bancaire, il est évident que
l’usage des nouvelles technologies est une nécessité
impérieuse. Il est vital de développer la banque dans
tous ses métiers au vu des opportunités offertes par
ces technologies. Mais il faut aussi que la banque
mutualiste en fasse un usage pour y développer non
seulement l’approche philosophique et juridique
du mutualisme, mais également en faisant état de ses
opérations et réalisations. En d’autres termes, si la
banque mutualiste dans un passé récent vivait son
mutualisme de manière très rituelle – relations traditionnelles lors des rencontres organisées ou assemblées de caisses locales ou régionales, communication
par le support papier – le nouveau paysage de la communication offre des capacités de développement du
mutualisme. Cela nous paraît d’autant plus pertinent
qu’assez souvent le manque de communication et
donc de médiatisation du mutualisme, de ses valeurs
et – encore plus – de ses concrétisations, est dénoncé.
TALGORN
Incontestablement, la vision traditionnelle de la proximité territorialisée s’en trouve remodelée dans une
photographie qui désormais fait appel à un grand
angle. En outre, internet offre la possibilité de mettre en
place un mutualisme dynamique qui nous amènera à
souligner l’apport de ces nouvelles technologies à la
fois sur l’organisation bâtie sur ce fondement et la
facilitation de la réalisation des valeurs.
La proximité renforcée
La relation physique s’atténuant par les nouvelles
formes de communication, ne va-t-on pas assister à
l’effritement de l’approche territoriale et voir de cette
manière s’effacer la relation de proximité ? Nous faisons
nôtre la réflexion de Jean Philippe, Directeur général de
la Caisse régionale du Crédit agricole de Pyrénées
Gascogne, quand il affirme sur son blog : « Puisque
l’association entre finances et territoire crée de la
valeur durable dans la relation physique, que c’est sur
ce modèle que les mutualistes ont bâti leur réussite,
pourquoi ne serait-ce pas vrai aussi avec Internet ? Et
pourquoi Internet ne permettrait-il pas de valoriser la
relation de proximité ? Pourquoi clients et conseillers
n’utiliseraient-ils pas les mêmes outils pour partager sur
ces sites et donner aux services en ligne une dimension régionale et communautaire ? » La valeur ajoutée
par ces nouvelles technologies créerait alors une
« proximité augmentée ». La relation à distance qui peut
a priori sembler une menace sur cette territorialité,
peut au contraire y trouver une valorisation.
Nous le savons, une banque mutualiste se doit avant
tout de mener son action sur son territoire, ce que le
Crédit agricole définit comme un espace prioritaire à
travers l’expression « la territoire attitude ». C’est aussi
sur ce territoire que doivent se développer et se concrétiser ses valeurs mutualistes. Le système décentralisé
de l’organisation d’une banque coopérative telle le
Crédit agricole permet une innovation permanente
dans les moyens d’appréhender le mutualisme et ses
réalisations sur le territoire. Chaque caisse locale,
chaque caisse régionale constitue elle-même un excellent terrain d’innovation et d’expérimentation. La réussite d’une opération permettra par la suite son extension aux autres entités du groupe et cela de manière
le plus souvent progressive en fonction du choix de 23
HORIZONS BANCAIRES
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–
DÉCEMBRE
chacune d’entre elles. À ce titre, nous pouvons citer
2009
leur ouvrage « Mutualisme financier, société de personnes et post-modernité » (éd. CNRS 2009). En
faisant état de relations sociales plus implicantes, du
partage d’expériences relationnelles, les auteurs témoignent de la réalité d’un espace qui peut être détaché
de l’espace physique. « Le territoire dont nous parlons
se rapproche d’une définition anthropologique, qui en
fait la somme d’un espace et d’une mémoire ». Et
d’affirmer qu’il est très probable « qu’une correspondance secrète existe entre le sentiment d’appartenance à une communauté sur la toile et la conviction
mutualiste, ce qui pourrait souligner l’actualité et la
puissance d’une telle culture dans l’esprit des jeunes
générations » (op. cit. p. 92 et s.). Il s’agit bien
du « renouveau du territoire » et une considération de
« l’humanisme au quotidien » par un développement de
la relation sociale, et non son affaiblissement.
Enfin, le Net par la proximité humaine qui s’y établit
arrive aussi à se faire rencontrer une communauté
dispersée dont l’identité, sous tous ses aspects, y
compris culturel, est attaché à un territoire. Ainsi, la
création toute récente sur internet de la banque affinitaire « Breizh- banque.com », en offrant outre les services bancaires tout un espace de discussion, forum,
visioconférence et en y intégrant un espace sociétaire, constituera un instrument privilégié de dialogue
au sein de la diaspora bretonne quel que soit le lieu où
les personnes se situent. L’interaction de la proximité
humaine renforcée par le net avec la notion de territoire
revêt en ce cas un aspect particulier.
comme exemples de réalisations expérimentées au
sein d’une caisse régionale et étendues par la suite à
bon nombre d’entre elles (et sans doute à toutes dans
un proche avenir), la mise en place du réseau « Passerelle » pour venir en aide aux accidentés de la vie,
l’apparition de la carte sociétaire avec les avantages qui
peuvent y être attachés, eux-mêmes différents selon les
caisses régionales, sans oublier l’ensemble des actions
menées pour aider la vie associative, dont les trophées
de la vie locale... La labellisation nationale sera
l’aboutissement de toute cette extension territoriale. Or,
la réussite de cette extension repose dès le départ sur
une communication interne non seulement de l’opération mais du savoir-faire pour sa mise en œuvre. Le
Web aujourd’hui accélère la connaissance de ces
opérations, l’identification des projets et de ses porteurs, le mouvement de transfert du savoir-faire et la
création de partenariats. De même, en diffusant sur la
toile les multiples formes de réalisations des opérations,
Internet permet de montrer la vitalité de la vie mutualiste et surtout, d’entrer plus facilement en contact
avec les publics concernés.
Par ailleurs, l’univers du web aboutit sans conteste à
développer des phénomènes d’appartenance à des
groupes, « familles », tribus, ou communautés (qu’atteste, notamment, la création des sites sociaux). Le
mutualisme est aussi l’expression d’un sens collectif
dont la manifestation concrète de manière traditionnelle
prend le plus souvent une forme juridique et rituelle :
assemblées de caisses locales, assemblées de caisses
régionales, rencontres spécifiques réservées aux sociétaires ou aux élus... Le Web autorise aujourd’hui – et
peut-être encore davantage demain – une conscience
collective d’appartenance sur un territoire donné à ce
corps de valeurs communes. En diffusant sur son
espace territorial l’information mutualiste – y compris
dans sa dimension conceptuelle – en faisant un état
des réalisations concrètes sur ce territoire quelle que
soit sa dimension, en permettant à tout moment aux
sociétaires – voire même clients – de se manifester sur
les valeurs mutualistes, la « plus-value territoriale » est
manifeste.
Un autre angle d’approche a été analysé d’une manière
pertinente par Marc Pouzet et Michel Maffesoli dans
La réalité mutualiste dynamisée
D’une manière récurrente, le concept mutualiste souffre
d’une déficience de communication. Peu véhiculé par
la recherche universitaire, peu médiatisé par les moyens
de communication traditionnels, le concept risque
d’être marginalisé et avec lui son support juridique, dont
la société coopérative (pour ne citer que celui-ci). Tel
est en quelque sorte le destin de ceux qui ne se
manifestent pas dans une société dominée par la
communication. De plus, la détention du statut
mutualiste ne vous pare pas de toutes les vertus.
Encore faut-il le faire vivre.
Précisément, à un moment où le modèle établi sur la
société de capitaux avec la loi du profit qui la carac-
24
Innovations technologiques et mutualisme
CHRISTIAN
térise a été à l’origine d’un cataclysme financier et
économique, avec son cortège de drames humains, le
modèle mutualiste offre une autre voie d’approche
sociétale. Pour dénoncer l’existence du modèle unique
et vanter les mérites d’un modèle mutualiste, encore
faut-il pouvoir en faire connaître l’existence et ses multiples apports. Déjà, la première génération du web
offrait cette capacité d’acculturation par les consultations et l’accès aux bases de données. Cette vertu
demeure. Mais le Web 2.0 offre de nouvelles perspectives bien plus satisfaisantes.
En donnant à chaque consommateur la possibilité de
participer aux débats, d’apporter une contribution et de
devenir ainsi acteur, la deuxième génération du Web
peut enrichir considérablement la vie du mutualisme.
Le Web devient l’instrument pour remédier – sans
doute pas totalement – à la carence informative déjà
signalée. La communication exacerbée faite à propos
de la société de capitaux – et la forme de « pensée
unique » qui en découle – tend à lui conférer le statut
de modèle de référence exclusif, passant ainsi sous
silence les mérites de la société coopérative et ses
valeurs mutualistes, y compris l’intelligence collective
qui s’y manifeste. Or, l’utilisateur du web devient à la
fois récepteur et émetteur, révélant de la sorte une
formidable démocratie participative bien réelle et
permettant de développer le débat mutualiste, de
l’enrichir de ses réalisations.
Cette diffusion-création s’affirme à plusieurs niveaux.
Pour une organisation décentralisée comme le Crédit
agricole, c’est un moyen incontestable de communication intense au plan interne au sein des caisses
locales, des caisses régionales et de l’ensemble des
entités constituant le groupe, y compris dans son volet
capitalistique. C’est en plus un moyen de communication mettant en connexion les élus et/ou les salariés,
le politique et l’opérationnel. C’est encore un moyen de
se faire connaître auprès des non-sociétaires, dont
les nouvelles générations, les jeunes étant particulièrement férus de ces technologies de communication.
En outre, c’est le moyen efficace d’affirmer la « banque
autrement ». La contrepartie, c’est une forte exigence :
celle de faire réellement vivre les sites car toute passivité ou inertie révélerait d’une manière évidente la faiblesse du mouvement. Le mutualisme trouvera la place
TALGORN
que voudront bien lui donner les acteurs de la banque,
dont les élus.
L’autre niveau de cette diffusion-création est sans
conteste le développement des relations à l’extérieur,
bien entendu avec les autres organisations de statut
similaire, mais surtout avec les entités qui en ignorent
le sens, pour ne pas dire l’existence.
Enfin, un dernier niveau de communication apparaît
à travers le caractère universel des moyens de communication qui permet ainsi d’entrer en contact avec
n’importe quelle partie du monde, avec les multiples
formes d’organisations et d’institutions tant privées
que publiques, aux missions et cultures différentes.
Les connaissances et les échanges qui peuvent s’en
dégager offrent alors une formidable tribune au
mutualisme. Du reste, une rapide recherche sur le Net
permet de prendre conscience de l’existence d’un vrai
patrimoine commun mutualiste au niveau mondial,
parfois décliné sous des mots différents ou des
formes propres au territoire sur lequel il s’exerce.
Cette ouverture « multinationale », « mondialisée » et
« transfrontalière » est source d’un enrichissement
sans limite de nature à vaincre le scepticisme des
opposants. Cela permet d’accéder aux échanges
d’expérience à ce niveau en intégrant dans le transfert de savoir-faire l’idée de partenariats à mettre en
place. La culture mutualiste, loin d’être attentiste et sur
la défensive, est bien présente pour relever les défis
d’un monde fortement perturbé et déséquilibré dans
son développement.
Mieux encore, cette forme de technologie facilite et
favorise tout modèle ascendant. Il s’agit bien du système du « bottom up « qui permet à toute personne et
à toute entité de proposer et participer à la vie mutualiste. Les forums de discussion permettent à chacun de
réfléchir, de s’exprimer à son rythme et selon sa propre
disponibilité. Il y a place pour l’expression de tous, y
compris pour ceux qui peuvent avoir en d’autres circonstances des réticences à s’exprimer. En outre, la
discussion ouverte n’a point de limite de temps ni de
moment : la créativité est permanente. Il n’y a plus d’exclusivité dans la création, puisque les dernières évolutions du Web permettent à tout un chacun d’être
coauteurs de textes.
25
HORIZONS BANCAIRES
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DÉCEMBRE
Les récentes évolutions renforcent encore la proxi-
2009
cation de tous les sociétaires aux assemblées par
voie électronique et éviter ainsi un usage inapproprié du
papier. Il en sera ainsi de la tenue de rencontres ponctuelles par le recours à la visioconférence intégrée,
de la possibilité de suivre ces assemblées, voire peutêtre même la tenue d’assemblées dans des
circonstances particulières.
Par ailleurs, une véritable vie mutualiste au sein d’une
banque oblige à une certaine discipline dans un souci
de pleine efficacité des dispositifs mis en place. Les
sites créés au sein des caisses régionales doivent être
parfaitement tenus pour ceux, sociétaires ou clients, qui
voudraient y accéder. Une condition du succès de
cette accessibilité à la connaissance et à l’identification
de l’action mutualiste de sa banque est bien la simplification du site, du portail et des différents menus. La
diffusion des offres bancaires, la description des
différentes opérations commerciales ne doivent pas
occulter le portail mutualiste, lequel doit être bien
identifié aux fins de « cliquage immédiat ». L’attractivité
du site demeure une condition fondamentale de son
succès.
En outre, de nouvelles potentialités sont offertes par ces
nouvelles technologies pour développer des agences
virtuelles – comme cela est perceptible sur Second life –
ou des agences plus ciblées de type affinitaire comme
nous l’avons signalé. Quelle que soit la forme retenue
et les modalités de mise en œuvre, ces nouvelles
agences disposent de moyens autrement plus adaptés pour développer les espaces sociétaires comparativement à ce qu’il est possible de faire dans les
agences ou bureaux « physiques ». Ces nouveaux
lieux de vie et ces nouvelles opportunités offertes pour
la connaissance du mutualisme illustrent d’une autre
manière l’apport des nouvelles technologies dans sa
diffusion.
Enfin, dans un souci de pleine efficacité et de maîtrise
de l’usage de ces nouvelles technologies, et face au
« mutant » que constitue Internet, une formation permanente adaptée s’impose aux utilisateurs – élus
notamment – non seulement au point de vue technique
mais aussi linguistique. La performance de la formation
commande la performance de l’usage de ces nouveaux moyens pour qu’ils ne soient pas l’exclusivité des
détenteurs de la connaissance.
mité humaine, puisqu’à l’écrit sur la toile, accompagné
par l’audio, s’ajoute aujourd’hui la visioconférence.
Ce sont de véritables débats interactifs qui se déroulent à distance, facilités par les nouveaux supports
matériels. La communauté mutualiste doit profiter de
ces nouvelles possibilités pour multiplier les échanges
sans trouver l’alibi d’une indisponibilité d’agenda ou de
déplacement difficile.
L’organisation remodelée
La diffusion et l’appropriation du concept mutualiste
dans les échanges sur la toile impose des disciplines
pour en assurer l’efficacité. Les nombreux partisans du
mutualisme doivent se réjouir des apports du web. Les
liens entre le mutualisme et les technologies de communication d’aujourd’hui nous autorisent à souligner la
contribution de ces dernières dans la réalisation de
valeurs mutualistes. Deux exemples vont l’illustrer.
Ainsi, il est indéniable que parmi les nombreux axes
d’action du mutualisme figure l’intégration sociale et
donc professionnelle des handicapés. Bien des apports
technologiques autres qu’internet facilitent cette intégration, quelle que soit la nature du handicap. Mais il
nous paraît opportun de souligner que les nouvelles
technologies de communication contribuent pleinement
aussi à cette réalisation. En changeant la configuration
des postes de travail, il est aujourd’hui possible pour
les handicapés qui connaissent de grandes difficultés
de mobilité de développer le télétravail. La visioconférence permet, en outre, d’intégrer un service ou une
équipe à distance. Cette dernière technique offre
encore la possibilité pour les malentendants d’entrer en
correspondance à distance avec des personnes souffrant du même handicap ou avec celles connaissant le
langage des signes.
Un autre exemple d’identification des valeurs mutualistes à travers les nouvelles technologies nous est
offert par leur apport en faveur du développement
durable, valeur sociétale incontournable. Or, les nouvelles formes de communication entraînent, entre
autres avantages, des économies substantielles de
papier et une réduction significative des déplacements.
Sur ce dernier point, il est facile d’imaginer, quand
tout un chacun disposera du terminal adapté, la convo-
26
Innovations technologiques et mutualisme
CHRISTIAN
TALGORN
qui peuvent s’animer autour du concept, les convictions
affirmées par les nombreux membres de la communauté, la diffusion des réalisations sont les éléments
fondamentaux pour la connaissance approfondie des
valeurs qui y sont rattachées. C’est aussi le moyen
adapté pour instaurer la confiance dans les organisations qui le mettent en œuvre. Pour une banque, cela
constitue un élément différenciant de tout premier
ordre. ◗
Conclusion
Les nouvelles technologies de communication offrent
sans conteste de réelles opportunités dans la diffusion
et l’enrichissement du mutualisme, touchant toutes
les populations dont celles des jeunes et tous les
territoires. « Être ou ne pas être » utilisateur n’est pas
la question tant l’évidence joue en faveur d’un usage,
que nous préconisons sans limite, de ces techniques
pour le développement du mutualisme. Les débats
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HORIZONS BANCAIRES
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DÉCEMBRE
2009
Nouveaux horizons
Les ruptures technologiques dont notre XXIe siècle bénéficie permettent
de traduire en projets concrets une vision équilibrée du développement.
Trois domaines différents donnent la mesure des sauts qualitatifs
ainsi rendus possibles :
– la création, en France, d’un système multicanal répondant aux besoins
de liberté et de facilité des clients et des collaborateurs des Caisses
régionales de Crédit Agricole, qui sera totalement opérationnel d’ici
trois ans et demi ;
– la diffusion dans les pays émergents de la microfinance comme
outil de lutte contre la pauvreté, grâce notamment à la téléphonie mobile
et à internet ;
– la diversification culturelle des approches financières avec, par exemple,
la finance islamique.
28
HORIZONS BANCAIRES
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339
–
DÉCEMBRE
2009
Le Crédit Agricole lance l’un des plus grands
projets de refonte de système d’information
en France, et sans doute en Europe.
Le prototype déjà réalisé permet de toucher
du doigt le saut qualitatif qui en résultera.
Description d’une démarche qui contribuera
à placer, en trois ans et demi, la banque de
proximité au cœur de l’univers technologique
du XXIe siècle.
YVES NANQUETTE
Directeur général de la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel
d’Ille-et-Vilaine
Président du COSIR, comité de pilotage du projet NICE
L’unification du système d’information
des Caisses régionales de Crédit Agricole :
un projet historique
L’ÉTUDE DE FAISABILITÉ sur la construction du
nouveau système d’information des Caisses régionales de Crédit Agricole, publiée juste un an après
le Congrès de Nice des 20 et 21 octobre 2008,
tient toutes les promesses faites par Jean-Paul Chifflet, secrétaire général de la Fédération nationale
de Crédit Agricole (FNCA). Il avait annoncé la création d’un système multicanal pour répondre aux
besoins de liberté et de facilité de nos clients et de
nos collaborateurs. Le prototype réalisé par les
équipes des cinq systèmes d’information régionaux
actuels (SIR) avait comme objectifs d’alimenter par
des exemples concrets le champ des possibles de
la technologie pour les internautes, les commerciaux et les métiers, et faire mieux appréhender certains points des nouvelles architectures technologiques devenues des normes d’utilisation et de
développement. Après une présentation en avantpremière fin octobre 2009 à des conseillers et direc-
teurs d’agence, le principal commentaire recueilli
était : « C’est vraiment bluffant ! » L’ambition est
donc clairement affichée.
Le qualificatif d’historique vient facilement à l’esprit.
Il faut toutefois se souvenir de notre passé récent.
Sans remonter à l’époque des fiches perforées
mécanographiques, les Caisses régionales en 1998
comptaient encore trente-quatre systèmes d’information différents. L’état actuel des cinq SIR ne date
que de 2007, avec la dernière bascule de la Caisse
régionale de Crédit agricole mutuel Centre France sur
l’un d’entre eux, AMT. Il s’agit donc d’une trajectoire
de convergences et de coopérations toujours plus
poussées. D’autre part, il est surtout question de la
vision que nous avons de la relation commerciale à
moyen terme avec nos clients, en face à face, à distance ou en acheteurs à l’unité. Le diagnostic appro-
29
▼
Un projet d’envergure hors normes
HORIZONS BANCAIRES
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DÉCEMBRE
fondi fait par les directeurs généraux des SIR et la
2009
Des ambitions au service du client,
un calendrier exigeant
FNCA a montré les limites de nos outils actuels, et la
nécessité de passer, tous ensemble, dans l’univers
technologique du XXIe siècle, où les normes sont
Il est important de s’arrêter un instant sur les ruptures
portées par les ambitions du projet. L’approche multicanal dans chacun des processus deviendra la norme,
avec une possibilité de commencer, d’interrompre et
de terminer une action en des temps, des lieux et sur
des outils différents (poste agence, iPhone, ordinateur du client...). D’ailleurs, les postes de travail du
conseiller et la « banque à accès multiple » des clients
(BAM) demain seront identiques. Les processus des
Caisses régionales deviendront plus convergents et
devront être complètement partagés avec les filiales,
ces scénarios de vente devant être structurés en fonction des besoins et des événements bancaires du
client. Client qui sera d’ailleurs beaucoup plus acteur
dans la relation, pouvant lui-même mettre à jour
certaines données le concernant. La facilité d’usage
devenant obligatoire, les schémas d’apprentissage
devront être naturels et intuitifs, les accès simplifiés tout
en gardant un excellent niveau de sécurité.
Au-delà, il sera possible aux Caisse régionales de
redonner à l’Internet une dimension territoriale de
proximité, en offrant la personnalisation de sites et de
leur banque en ligne. Enfin, le partage potentiel d’informations entre les entités du Groupe permettra un
meilleur service aux clients sur tout le territoire et une
plus grande efficience dans les coopérations.
Du côté des filiales, des évolutions seront parallèlement
nécessaires, pour livrer désormais des services qui
seront agrégés dans des scénarios de conseil et de
vente. Grâce à de nouveaux modes de développement, le détourage et la transformation des applications
actuelles pourront se faire à des coûts très raisonnables. En coordination sur le projet, la direction informatique de Crédit Agricole S.A. a largement été associée à l’ensemble des travaux. Et dans ses différentes
interventions en tribune, Georges Pauget, directeur
général de Crédit Agricole S.A., a déjà salué plusieurs
fois l’initiative et assuré les acteurs de tout son soutien.
Trois étapes sont prévues dans la montée en charge,
ce qui laissera donc à chacun le temps nécessaire pour
préparer les évolutions requises. En 2011, la première
version, ou V.1, aura traité les écarts fonctionnels
d’une part, et sera porteuse d’extension de fonctions
désormais « Touch » et « Search ». L’intuitif est le
maître mot.
Si historique n’est peut-être pas le meilleur qualificatif,
il s’agit en tout cas d’un des plus grands projets de
refonte de système d’information en France et sans
doute en Europe. Par exemple, les Caisses d’épargne
finaliseront l’an prochain leur unification, en basculant
deux de leurs systèmes sur le troisième au bout d’un
plan-projet qui aura duré quatre ans. Les Banques
populaires, sur la même durée, ont réalisé une quinzaine de migrations pour aboutir à un système unique.
Pour ce qui nous concerne, nous aurons trente-deux
migrations à conduire en trois ans et demi. La différence notable est la taille des banques concernées et
la cible sur un nouveau système. C’est en référence à
cette dimension hors normes et à cette ambition partagée de développement que l’on peut finalement
qualifier ce projet d’historique !
La cible du système d’information devra assurer, au travers d’un nouveau « SI 2.0 orienté client et distribution », un saut qualitatif et une compétitivité améliorée,
avec un potentiel de développement multiplié par trois
par rapport à la situation actuelle. Autre nouveauté, la
création d’une structure nationale pour la maîtrise
d’ouvrage (MOA) et une structure pour la maîtrise
d’œuvre (MOE) de type GIE employeur avec un pilotage
commun aux niveaux stratégiques et opérationnels. En
conséquence de ces réorganisations, on peut aussi
avoir des perspectives d’économies significatives sur
les études et sur la production dans le respect des personnes et de l’emploi en région.
Cette démarche s’appuiera sur un investissement très
important sur trois ans, dont bénéficieront les clients et
les collaborateurs : plus de 460 millions d’euros seront
mobilisés par les Caisses régionales pour réaliser les
migrations et surtout la création d’une nouvelle plateforme Internet et d’un nouveau poste de travail pour les
collaborateurs. Ce budget de transformation sera
assez largement amorti dans les comptes d’exploitation par les économies dues aux arbitrages collectifs qui
se feront dès le lancement des travaux.
30
L’unification du système d’information des Caisses régionales de Crédit Agricole : un projet historique
YVES
NANQUETTE
d’autre part (le logiciel Score Crédit Conso s’intégrant
dans le processus crédit complet, offre entreprises,
suivi du PNB Client, souplesse dans l’organisation
des agences grâce à des portefeuilles secondaires,
développement du PNB grâce à l’ouverture de nouvelles modalités de facturation, harmonisation des
Comptes services Crédit agricole avec une offre souple
répondant aux besoins clients pour trente-neuf Caisses
régionales...). Cette version apporte aussi des
améliorations comme la communication sur le poste de
travail (travail à trois avec les experts en plateforme), la
dématérialisation des processus (crédit, entrée en relation), l’intégration du canal téléphonique dans
l’approche multicanal, la finalisation de la refonte du
processus crédit et des compléments à la BAM (boutique en ligne, gamme de produits achetés de bout en
bout sur Internet...).
En 2012, la version 2 apportera des évolutions
majeures en s’appuyant sur la refonte de l’architecture
permettant la convergence des postes de travail des
agents selon une approche web, la gestion de processus interruptibles et tournés vers le client, le déploiement du CRM, l’exploitation d’un catalogue d’offres
personnalisables par client, le lancement des offres
entreprises à niveau avec le marché et la personnalisation des services pour le marché haut de gamme. En
2013, la version 3 finalisera la trajectoire vers le SI 2.0,
avec l’intégration totale des produits et services des
producteurs, la mise à niveau de tous les processus
métiers et commerciaux caractérisés par des processus tous interruptibles, la personnalisation du poste de
travail, la déclinaison de scénarios d’aide à la vente
intégrés au poste de travail client et conseiller, le dossier de crédit électronique entreprise et les adaptations
des offres aux collectivités publiques.
régionales, entre les métiers et l’informatique, entre le
futur GIE et les producteurs. Associé à ces éléments,
nous avons assez vite dessiné également le potentiel
d’économies, estimé à 35 %, que l’on peut attendre
d’une telle opération. La gouvernance unique du système d’information des Caisses régionales est basée
sur des structures qui leur garantissent le pilotage des
développements technologiques : une structure nationale pour la maîtrise d’ouvrage (MOA) et une structure
pour la maîtrise d’œuvre (MOE) de type GIE employeur
avec un pilotage commun aux niveaux stratégiques et
opérationnels. La MOA, qui allie professionnels des
domaines et des méthodes, prendra en charge les
projets du début à la fin, avec des ressources
employées par la structure ou détachées des Caisses
régionales. La MOA sera organisée autour de treize
pôles métiers regroupés en univers de besoin clients.
Ces pôles seront pris en charge par des Caisses
régionales leaders en liaison avec plusieurs Caisses
associées. Le métier crédit sera traité comme les
autres, au sein du SI 2.0, avec un directeur MOE qui
est le directeur de Greencam, GIE de développement
logiciel crédit. Le pôle métier crédit englobera l’intégralité des outils traitant du domaine crédit.
Conformément à la lettre d’intention signée en avril
2009 par les présidents des cinq SIR actuels, chaque
collaborateur de l’informatique retrouvera un poste
dans la nouvelle structure ou dans une des Caisses
régionales qui assurent solidairement le volet social du
projet. D’ailleurs, un système de péréquation a déjà été
imaginé. Aucun site ne sera fermé, puisque l’informatique est généralement hébergée dans les sièges des
Caisses régionales. Il sera toutefois nécessaire de
concentrer les équipes pour permettre une gestion
efficace de la cible à horizon 2014 autour d’une quinzaine de sites sélectionnés pour leur taille et leurs
compétences, pour les bassins d’emploi ou leur capacité à permettre des regroupements de proximité entre
sites actuels, pour répondre à un équilibre entre communautés et Caisses régionales. Quatorze sites seront
spécialisés sur les fonctions d’études et d’intégration
informatique, et deux sites consacrés à la production
avec un troisième site de secours. Par ailleurs, sur un
grand nombre de sites, verront se créer des fonctions
de maîtrise d’ouvrage « professionnalisées ».
Une gouvernance innovante,
responsable et efficace
Au Crédit Agricole, il y a au moins deux sujets avec lesquels on ne plaisante pas : la gouvernance et la gestion
budgétaire. À tel point que nous avons su développer
de réelles expertises sur ces aspects. Et ce projet a
confirmé que, si nous avons avancé rapidement, c’est
parce que nous avons donné très tôt une vision en
termes de répartition des pouvoirs, entre Caisses
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HORIZONS BANCAIRES
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DÉCEMBRE
Le dossier est soumis pour consultation aux instances
2009
multiples. Ensuite saluer la dynamique collective qui a
permis de mobiliser autant de collaborateurs dans
une échéance de temps aussi réduite pour produire un
dossier aussi complet et d’une grande qualité, illustré
même d’un prototype qui permet de mieux comprendre la nature du changement attendu. Enfin, se
redire que le nouvel outil deviendra d’autant plus un
avantage concurrentiel que nous saurons accompagner son implantation en faisant évoluer parallèlement
les compétences et savoir-être de nos collaborateurs,
nos modes de management et l’attention portée à
nos clients. ◗
du personnel et au Conseil d’administration des Caisses
régionales. Le résultat de ces consultations est attendu
pour la fin d’année 2009 et le lancement des travaux
pourrait donc avoir lieu avant le printemps 2010.
Quels enseignements peut-on déjà retirer des mois qui
viennent de s’écouler ? Tout d’abord se rassurer sur
la volonté et l’ambition du Crédit Agricole. Investir collectivement et aussi massivement dans un projet aussi
important témoigne de la confiance que nous avons en
notre avenir et en celui de la banque de proximité,
même si nous devons la réinventer sous des formes
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2009
Fourmillantes par essence, les technologies
de l’information investissent de plus en plus
le monde financier. La microfinance n’y
échappe pas, laissant entrevoir de nouvelles
opportunités de développement.
De plus en plus d’applications s’appuyant
sur le Web comme sur les téléphones mobiles
commencent déjà à faire leurs preuves.
Mais le tout n’est pas exempt de risques...
ÉTIENNE GUYOT
Chef de projet, Crédit Agricole S.A.
FATIMA EL MOUKHTAFI
Chargée des nouveaux développements
Fondation Grameen Crédit Agricole
Les nouvelles technologies
au service de la microfinance
Quand le Web se met au service
du développement
L’OBJECTIF DES ACTEURS DE LA MICROFINANCE
est de fournir des services financiers aux populations
pauvres, exclues des systèmes bancaires classiques,
déconnectées des marchés financiers globalisés. À
première vue, la relation entre la microfinance et les
nouvelles technologies semble ténue, ou du moins
loin d’être un facteur clé de succès. Il n’en est rien.
Dans les faits, on se rend compte que le boum de la
microfinance des années 1990 - 2000 correspond
également à celui des nouvelles technologies. Sans
pour autant surévaluer le rôle de ces nouvelles technologies dans l’évolution de la microfinance vers une
véritable industrie structurée à l’échelle mondiale, il
est évident qu’elles ont eu, et auront encore à l’avenir,
un rôle déterminant dans le développement de cet
outil de lutte contre la pauvreté. Deux innovations
récentes du secteur illustrent à merveille l’impact des
nouvelles technologies de l’information sur la microfinance : Internet et le téléphone mobile.
Un catalyseur de nouvelles ressources
S’il s’agit de la première illustration des nouvelles technologies au service de la microfinance, Internet reste
toutefois peu utilisé dans les pays en développement,
notamment par rapport au téléphone mobile. D’après
l’UIT (Union Internationale des Télécommunications), en
2008, l’Afrique comptait 5 % d’utilisateurs (avec une
concentration sur les deux extrêmes que sont l’Afrique
du Nord et l’Afrique du Sud) alors que le taux de
pénétration du téléphone mobile était de 33 %. La
faible progression du Web (passage de 4 % en 2005
à 5 % en 2008) est essentiellement due à l’infrastructure nécessaire ainsi qu’aux coûts d’abonnement qui
restent élevés malgré la concurrence exercée depuis
l’arrivée de nouveaux opérateurs ou le déploiement de
technologies sans fil (Wimax).
33
HORIZONS BANCAIRES
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2009
Si Internet sert les besoins de la microfinance, c’est
QU’EST-CE QUE LA MICROFINANCE ?
essentiellement au travers de son exploitation dans les
pays développés.
Internet a permis la mise à disposition de plates-formes
de gestion en open source au profit des Institutions de
Microfinance (IMF)1. La plus connue de ces platesformes, MIFOS, qui a été initiée par Grameen
Foundation, est déployée depuis 2006. Le logiciel est
aujourd’hui utilisé par neuf IMF dans huit pays (Sénégal, Ghana, Kenya, Népal, Inde, Tunisie, Philippines,
Honduras).
Internet a également contribué à la centralisation et à
la structuration d’informations relatives au secteur de
la microfinance. Le Mix Market par exemple est aujourd’hui la référence pour de nombreux acteurs du secteur de la microfinance. Il s’agit d’une base de données, accessible sur le Net 2 , fournissant des
La microfinance se définit par l’offre de services financiers (épargne,
crédit, assurance, etc.), à destination des plus pauvres. Elle s’adresse
à des personnes à faible revenu, n’ayant pas accès aux institutions
financières classiques et sans activité salariée régulière.
Aujourd’hui, la microfinance touche 150 millions de personnes dans
le monde, servies par plus de 10 000 Institutions de Microfinance
(coopératives, ONG, banques de microfinance) ou banques commerciales. On estime à 500 millions le nombre de personnes toujours
en attente de financement.
montant qu’ils souhaitent prêter, et, éventuellement, le
taux applicable à ce prêt. En général, un projet est
financé par plusieurs internautes. Aussi, le prêt est
réalisé une fois la somme nécessaire au micro-entrepreneur recueillie auprès des internautes. Le prêt n’est
pas directement affecté au micro-entrepreneur. La
somme est apportée à l’IMF dont le micro-entrepreneur
est client et qu’elle aura probablement déjà financé au
moment où les fonds sont reçus.
Il existe deux grands types de plates-formes de
social banking :
• Des plates-formes qui permettent de financer des
projets à taux zéro. C’est le cas de Kiva, première
plate-forme de social banking lancée en 2005, par
Matt Flannery et Jessica Jackley ou encore de Babyloan, lancée par Arnaud Poissonnier en France en
2008 et dont la conception est très largement inspirée
de Kiva.
• Des plates-formes qui permettent de financer des
projets à taux réduit et offrent donc une rémunération
aux internautes. C’est notamment le cas de MYC4 dont
la vocation est le financement de projets en Afrique.
Créé par Mads Kjaer et Tim Vang en 2006, MYC4
fonctionne sur un modèle similaire à celui de Kiva à la
différence notable que les internautes/investisseurs
perçoivent un taux d’intérêt sur leurs financements. Ces
taux d’intérêt sont fixés par un système d’enchères à
la baisse entre les différents internautes. C’est aussi le
cas de Microplace, filiale d’E-Bay dont la particularité
est de permettre à des particuliers d’investir dans des
IMF : les internautes acquièrent des parts auprès de
informations sur les IMF, les fonds investissant dans
la microfinance, les agences de notation, consultants,
agences gouvernementales et autres autorités réglementaires. L’objectif du Mix Market est de mettre en
relation les IMF avec les investisseurs et bailleurs de
fonds et ainsi de promouvoir l’investissement au profit de la microfinance.
Mais l’une des avancés les plus novatrices, ce
sont les plates-formes de microcrédit en ligne,
également appelées plates-formes de social
banking ou encore sites Internet de microcrédit
solidaire.
Les plates-formes de microcrédit en ligne mettent en
relation des internautes des pays du Nord avec des
micro-entrepreneurs des pays du Sud et les premiers
financent les projets des seconds en réalisant des
prêts de faible montant non ou faiblement rémunérés.
Concrètement, des micro-entrepreneurs des pays du
Sud sont présentés à des internautes au travers de
photos et d’une description de leurs projets entrepreneuriaux ainsi que de leur situation socio-économique.
Sur la base de ces informations, les internautes/investisseurs sociaux choisissent de participer au financement d’un ou de plusieurs projets. Ils indiquent le
1. Une IMF est une structure de proximité délivrant des services financiers de faible montant (crédit, épargne, assurance) à des populations privées d’accès aux systèmes
bancaires traditionnels.
2. www.mixmarket.org
34
Les nouvelles technologies au service de la microfinance
ÉTIENNE
GUYOT
ET
FATIMA
Microfinance Investment Vehicules (MIV)3 qui apportent
EL
MOUKHTAFI
Au vu du succès de Kiva, on peut estimer que les
plates-formes de microcrédit solidaire ont un potentiel
de croissance important, une croissance qui devra
cependant faire face à un certain nombre de limites.
ensuite leur financement à des IMF. Lancé en 2007, le
site compte aujourd’hui 6 500 membres et a permis la
réalisation de plus de 26 000 prêts à des micro-entrepreneurs partout dans le monde.
Limites de ce mode de financement
pour les IMF
Si l’on reconnaît l’impact bénéfique des plates-formes
de microcrédit solidaire en termes de financement du
secteur de la microfinance, on sait aussi que ces
plates-formes sont génératrices de coûts et de risques
pour les IMF.
Ce sont les IMF qui sont chargées de présenter les projets des micro-entrepreneurs sur les plates-formes :
elles doivent collecter l’information, la mettre en ligne
et assurer son suivi en précisant notamment la mesure
de l’impact final du financement apporté par les internautes. Ce travail mobilise a minima une personne au
sein de l’IMF et nécessite une certaine infrastructure
dont les IMF ne sont pas toujours dotées.
Outre le coût du financement (même lorsque les prêts
sont effectués à taux zéro par les internautes, celui-ci
fait l’objet d’une facturation par les plates-formes), il est
donc important de considérer le coût du reporting.
Autres facteurs potentiellement limitants : le risque de
change qui pèse sur les IMF, les internautes prêtant
dans leurs devises ainsi que le risque de liquidité
généré par l’absence de garantie sur la stabilité du
financement dans le temps.
L’apport de ces plates-formes
au secteur de la microfinance
En permettant à des internautes des pays du Nord de
soutenir et financer des projets de micro-entrepreneurs dans les pays du Sud, les plates-formes de
microcrédit solidaire constituent une nouvelle source de
financement pour les IMF.
Les montants en jeu sont loin d’être négligeables : à
l’occasion de son 4e anniversaire, en octobre 2009, Kiva
annonce avoir passé la barre des 100 millions de dollars
de prêts cumulés pour le financement de projets dans
les pays du Sud. Les fonds, levés auprès de
573 000 prêteurs, ont permis le financement de
240 000 projets dans cinquante pays. MYC4, grâce au
soutien de plus de 15 000 investisseurs, a investi
quelques 10 millions d’euros dans 5 000 projets en
Afrique (Ouganda, Kenya, Côte d’Ivoire, Rwanda,
Ghana, Sénégal et Tanzanie). Quant à Babyloan, dernière
née des plates-formes de social banking, après un an
de fonctionnement, elle aura permis la collecte de près
de 400 000 euros auprès de 4 000 membres et le
financement de 1 500 projets dans six pays. Ces chiffres
représentent plus que ceux de Kiva la première année.
GRAMEEN CRÉDIT AGRICOLE MICROFINANCE FOUNDATION
Grameen Crédit Agricole Microfinance Foundation a été créée en 2008 à l’initiative
conjointe de Crédit Agricole S.A. et de
Grameen Trust en partenariat avec le
professeur Muhammad Yunus, Prix Nobel de
la Paix 2006 et fondateur de la Grameen Bank
au Bangladesh, dans le but de contribuer à
l’éradication de la pauvreté dans le monde
par l’outil de la microfinance.
Grameen Crédit Agricole Microfinance Foundation fait siennes les valeurs de ses
fondateurs et traduit en action leur engage-
ment, en accompagnant le développement
des institutions de microfinance et en facilitant
l’émergence de « social business » dans les
pays en développement. Elle propose aux IMF
une gamme complète de financements dans
un esprit de partenariat. Elle s’adresse aux
institutions qui se conforment aux meilleures
pratiques de gouvernance, de transparence
et de protection des consommateurs. Elle
donne priorité aux institutions de microfinance
dédiées au secteur agricole et rural et à celles
qui s’adressent principalement aux femmes.
Organisme sans but lucratif, Grameen Crédit
Agricole Microfinance Foundation intervient
dans des conditions lui permettant de maintenir
dans le temps la dotation de 50 millions
d’euros reçue de ses fondateurs.
La Fondation est présidée par René Carron
et compte le Professeur Yunus parmi les
membres de son Conseil d’Administration.
Plus d’informations sur :
www-grameen-credit-agricole.org
3. MIV est la formule générique désignant l’ensemble des organisations dont la mission est de refinancer des IMF, quels que soient leur statut juridique et leur objectif
commercial.
35
HORIZONS BANCAIRES
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DÉCEMBRE
L’enjeu consiste à encadrer le risque
2009
trois-quarts dans les pays émergents (voir graphique 1).
Les facteurs qui expliquent cette envolée sont multiples,
mais nous retiendrons particulièrement :
• le prix des terminaux basiques (les modèles utilisés
dans les pays émergents) qui a considérablement
baissé ces dernières années, passant d’un prix moyen
d’environ 250 $ en 1997 à 20 $ aujourd’hui ;
• l’adoption d’un modèle de paiement prépayé qui
convient davantage aux pays pauvres ayant une culture
de l’argent liquide que les facturations a posteriori
mises en place initialement. Au Nigéria, la plus petite
carte de rechargement ne coûte que 50 Naira, soit
environ 0,40 $ ;
• la libéralisation du marché des télécommunications
dans beaucoup de pays, ce qui, en dynamisant la
concurrence, a permis d’augmenter la couverture tout
en faisant baisser les tarifs.
Dès lors, le téléphone mobile a commencé à montrer
les opportunités de développement qu’il offrait au
niveau économique : l’explosion de l’utilisation des
messages textes et l’arrivée de nouveaux services tels
que la fourniture d’informations sur l’agriculture, les
marchés ou la santé ont permis aux agents économiques d’augmenter leur productivité et de diminuer
leurs coûts d’exploitation. Une étude de la Banque
mondiale4 menée sur 120 pays est venue valider ces
constats en calculant qu’à chaque augmentation de
et réduire les coûts pour maximiser
l’impact social
Au travers du développement des plates-formes de
social banking, Internet aura permis de promouvoir,
auprès du grand public, une nouvelle forme de solidarité dont le succès est aujourd’hui indéniable. Reste
à espérer que ce changement de comportement du
grand public se confirme dans le temps : les platesformes de social banking sont particulièrement actives
sur les plans de la pédagogie et de la communication.
Reste aussi à espérer qu’elles ne se focalisent pas uniquement sur la collecte de fonds mais aussi sur les
moyens de soutenir le secteur de la microfinance dans
les meilleures conditions de coût et de sécurité.
Le téléphone mobile, nouvel outil
phare du développement
Les premiers apports du téléphone mobile
Le secteur des télécommunications fait partie de ces
secteurs où les pays émergents n’ont pas à rougir de
la comparaison avec les pays développés. En Asie, en
Afrique ou en Amérique latine, partout, la téléphonie
mobile effectue une percée spectaculaire. A fin 2009,
l’ITU estime que le nombre de téléphones portables utilisés dans le monde sera de 4,6 milliards dont les
G RAPHIQUE 1. Abonnements mobiles (en milliards)
4
3,5
5
Pays émergents
Pays développés*
3
2,5
5
2
1,5
5
1
0,5
5
0
2000
2001
2002
2003
2004
*Membres de l’OCDE
2005
2006
2007
2008
Source : Banque mondiale, ITU
4. Voir le rapport de la Banque mondiale, « Information and Communications for Development 2009 : Extending Reach and Increasing Impact », mai 2009.
36
Les nouvelles technologies au service de la microfinance
ÉTIENNE
GUYOT
ET
FATIMA
EL
MOUKHTAFI
T ABLEAU 1. Bancarisation et équipement mobile en Afrique : le grand écart
Pays
Tanzanie
Kenya
Liberia
Mozambique
Sierra Leone
Zambie
Soudan
Nigeria
Accès Services Financiers
5%
10 %
11 %
12 %
13 %
15 %
15 %
15 %
Pénétration Téléphonie Mobile
2008
2012*
33 %
61 %
49 %
101 %
29 %
49 %
26 %
42 %
26 %
55 %
31 %
63 %
29 %
73 %
46 %
97 %
*Projection
Sources : Banque mondiale « Finance for all? », Wireless Intelligence
• le paiement par mobile : l’abonné utilise son téléphone pour effectuer des paiements ou recharger son
temps de communication. Selon les pays et les offres,
les paiements vont du règlement de factures d’électricité au règlement des commerçants voire à des
solutions de paiements B2B. La solution Celpay, développée en Zambie et au Congo, propose par exemple
à une entreprise ayant un vaste réseau de distribution
de passer par le mobile pour encaisser à distance les
paiements de chaque point de vente ;
• l’épargne : l’abonné effectue des dépôts et se constitue ainsi une épargne de précaution afin de faire face
à d’éventuels coups durs (maladies, accidents...).
Cette épargne peut parfois être liée à un compte bancaire « réel » comme le propose par exemple l’opérateur Zain grâce à des accords avec Citibank et Standard Chartered Bank.
À l’avenir, d’autres facettes du monde bancaire pourraient être déclinées sur les téléphones mobiles comme
le crédit – le service Pepesha Pesa de M-Pesa propose
déjà de payer les échéances d’un prêt aux clients de
la Family bank – ou même les assurances (paiement
des primes, versement des dédommagements...).
10 % de la pénétration des téléphones mobiles correspondait une hausse de la croissance économique
de 0,8 % dans les pays émergents.
Le mobile banking, nouvelle ruée
vers l’or des nouvelles technologies
Les services de mobile banking (m-banking) recouvrent
notamment les applications permettant de fournir des
services financiers sur un terminal mobile. Ils suscitent
particulièrement l’intérêt des acteurs du développement
en ce qu’ils permettraient de toucher une gigantesque
population de personnes non bancarisées. Le CGAP5
prévoit ainsi que d’ici 2012, 1,7 milliard d’individus nonbancarisés seront équipés d’un terminal mobile. L’Afrique
illustre particulièrement bien ce principe avec des taux de
bancarisation particulièrement faibles et un équipement
en téléphone mobile qui explose (voir tableau 1).
De nombreuses entreprises proposent déjà des services de m-banking dans les pays émergents :
• le transfert de fonds : l’abonné peut transférer des
fonds à ses proches au niveau national voire dans
certains cas depuis l’étranger (par exemple : offre
Smart Padala pour la diaspora philippine). Cette fonction est essentielle car elle est souvent la première
adoptée par les utilisateurs et celle qui va les familiariser avec le maniement de la monnaie électronique. Le
cabinet de consultants Juniper research prévoit que
500 millions de personnes utiliseront des services de
transferts via leur téléphone d’ici 20146 ;
Comment le m-banking est-il
vecteur de développement ?
Ces offres ont commencé à montrer leur efficacité dans
les pays les plus en avance comme le Kenya (voir encadré M-Pesa), les Philippines, l’Inde ou l’Afrique du Sud. 5. Consultative Group to Assist the Poor, organisme de recherche indépendant visant à améliorer l’accès de la population pauvre au système financier.
6. Voir l’étude : « Mobile Money Transfer & Remittances : Markets, Forecasts & Strategies 2009-2014 », octobre 2009.
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HORIZONS BANCAIRES
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Pour les utilisateurs, les avantages sur les autres
2009
tion et dispersion géographique... Plus la population est
urbaine et déjà familiarisée avec les offres bancaires,
moins les efforts d’éducation seront lourds avant de
faire comprendre l’intérêt des solutions proposées.
En revanche, il ressort d’une étude comparative entre
le Kenya et la Tanzanie que les choix technologiques
importent finalement peu et les différentes solutions
peuvent fonctionner tant que l’ergonomie reste simple.
formes de services financiers sont multiples. L’absence
de manipulation de liquide les rend plus sûrs qu’il
s’agisse de transfert ou d’épargne. L’argent est plus
accessible qu’en passant par le réseau d’agences
bancaires notamment dans les zones rurales. Les utilisateurs apprécient également la rapidité et la praticité
des transferts et des paiements réalisés par téléphone.
Cela leur évite de coûteux déplacements pour rapatrier
ou aller chercher l’argent.
Au total, ces apports ont une réelle incidence financière
pour les abonnés : une étude du centre de recherche
CGAP menée au Kenya a fait ressortir des hausses de
revenus de la population rurale (cible des transferts)
pouvant aller de 5 à 30 %7.
Les IMF y voient aussi un moyen de sortir de l’exclusion financière des populations qu’elles n’arrivaient
pas à toucher auparavant. Ces technologies leur
ouvrent en effet l’accès à des clients plus reculés pour
un moindre coût. De plus, la mise en place de solutions
mobiles constitue pour elles l’occasion de rationnaliser
leurs processus de fonctionnement souvent archaïques
(réunions hebdomadaires de remboursement, tenue
des comptes sur des cahiers, etc.).
Tout n’est pas joué
Malgré les premiers résultats encourageants, plusieurs
problèmes pèsent sur le m-banking laissant de nombreuses zones d’incertitude.
Les problématiques liées au contexte national tout
d’abord. Au-delà des risques d’instabilité politique, la
réglementation en vigueur peut considérablement
évoluer : un opérateur peut-il émettre de la monnaie ?
Un agent peut-il faire des opérations de dépôt ou de
retrait ? Comment mettre en œuvre les procédures
Know your customer (KYC) dans le cadre du
m-banking ? Comment lutter contre le blanchiment
et le financement du terrorisme ? Toutes les réponses
à ces questions pourront radicalement modifier
l’environnement des acteurs.
Il existe aussi des risques liés à la sécurité des solutions,
risques variant fortement en fonction de la technologie
utilisée. Or, il est à prévoir que les tentatives de fraude
et de piratage augmenteront à mesure que les technologies auront du succès.
L’état des infrastructures locales peut aussi constituer
un frein important dans les pays les plus mal servis. En
Afrique, l’ITU précise qu’en 2008, 58,5 % des habitants
se trouvaient à proximité d’un signal mobile mais la
couverture reste limitée pour les zones rurales.
L’interopérabilité des réseaux est également un point
à surveiller, certains opérateurs pouvant être tentés de
conserver leurs clients en interdisant l’utilisation des
services aux non-clients.
Enfin, la gestion du cash, maillon essentiel de la chaîne,
peut devenir très complexe lorsque les agents sont
dans des zones reculées.
On le voit, les schémas ne sont pas aisément duplicables entre les différents pays. Il appartient aux acteurs
Faciliter l’adoption des utilisateurs
Au regard des premières expériences menées, il est
déjà possible de souligner plusieurs conditions qui
faciliteront l’adoption des utilisateurs :
• la mise en place d’un réseau de distribution décentralisé et étendu pour faciliter l’approvisionnement en
liquide (les utilisateurs auront toujours besoin d’argent
liquide et la praticité du service sera grandement fonction de la proximité de l’agent au travers duquel ils
pourront effectuer dépôts et retraits) ;
• la notoriété et l’implantation des acteurs dont le nom
est associé à la solution facilitera l’entente du message
et de ce fait, l’adoption du service ;
• l’adoption d’une tarification adaptée : au lancement
du service, la tarification doit être la plus simple et
transparente possible (type commission fixe) ;
• les aspects sociologiques : éducation de la population, familiarité avec les offres « bancaires », urbanisa-
7. CGAP brief note, “Poor people using mobile financial services : observations on customer usage and impact from M-Pesa”, août 2009, O. Morawczynski & M. Pickens.
38
Les nouvelles technologies au service de la microfinance
ÉTIENNE
GUYOT
ET
FATIMA
de savoir prendre en compte les spécificités de leur
EL
MOUKHTAFI
coûts et de rentabilité – paraissait ne pas avoir de
réponse.
Cependant, comme toujours sur les marchés pionniers
et particulièrement en matière de technologie, les
risques ne sont pas encore pleinement circonscrits et
la prudence reste de mise. Pour reprendre la terminologie introduite par D. Porteous8, il faut savoir jouer
entre ouverture, facteur d’innovation et certitude, facteur de stabilité. Il est probable qu’à mesure que les
marchés arriveront à maturité, les États passeront
d’un système très ouvert et peu régulé à un système
plus contrôlé. L’avenir appartiendra alors aux acteurs
qui auront le mieux su anticiper et s’adapter. ◗
marché. L’exemple le plus frappant est fourni par le
lancement de la solution M-Pesa en Tanzanie qui
peine à percer alors qu’elle a explosé dans le Kenya
voisin (voir encadré M-Pesa).
En conclusion
Les nouvelles technologies ont très clairement fourni
d’importants relais de croissance pour les IMF et
tous les acteurs du développement. En simplifiant
l’accès aux ressources en amont comme aux entrepreneurs en aval, elles offrent des perspectives là
où la banque traditionnelle – pour des raisons de
M-PESA, UNE SUCCESS STORY KENYANE
Mis au point par Vodafone en partenariat avec
l’opérateur kenyan Safaricom, le système
M-Pesa a été lancé par ce dernier en mars
2007. Cette offre est rapidement devenue un
phénomène dans le monde du m-banking de
par le succès commercial qu’elle a rencontré
au Kenya. À ce jour, M-Pesa sert près de
6,5 millions d’abonnés (sur 38 millions d’habitants) pour un volume de transactions moyen
de 1,96 millions de dollars par jour.
M-Pesa a construit son succès en captant les
flux financiers qui transitaient entre les travailleurs urbains et leurs familles restées à la
campagne. Mais au-delà des transferts de
fonds, l’offre permet également d’ouvrir un
compte sur lequel effectuer des dépôts comme
des retraits, payer des factures aussi diverses
que l’électricité, les frais de scolarité ou le taxi
ou encore acheter du temps de communication. Aguerri par ses différents succès,
Safaricom propose même depuis septembre
2009 un service de paiement des échéances
de prêts pour les clients de la Family Bank
ainsi que le transfert de fonds entre le Kenya et
le Royaume-Uni.
Si le succès du système M-Pesa attise les
ambitions de nombreux acteurs dans le
monde, la réussite n’est cependant pas
garantie. Safaricom a en effet pu s’appuyer
sur un contexte national favorable : sa part
de marché est de 80 %, la population kenyane
était relativement familiarisée avec le système
financier (en 2006, seuls 38 % de la population
n’utilisait aucune forme de services financiers,
à comparer avec 54 % en Tanzanie) et le
régulateur a été peu contraignant. En outre,
Safaricom a pu s’appuyer sur son large réseau
de distribution initial pour signer des contrats
avec d’autres agents, passant ainsi en deux
ans de 300 à quasiment 10 000 agents de
proximité.
G RAPHIQUE 2. Impact du service M-Pesa sur les transferts d’argent au Kenya
T RANSFERTS D ’ ARGENT
AU
K ENYA
AVANT
M-P ESA
T RANSFERTS D ’ ARGENT
AU
Virement
sur compte
De la main
à la main
Chèque
Compte
tiers
Par bus
APRÈS
M-P ESA
Par bus
Services de
transferts
de fonds
Mandat
postal
K ENYA
Virement
sur compte
Autres
De la main
à la main
M-PESA
Source : FinAccess, 2006
Source : FSD Kenya M-PESA study 2007
8. Étude DFID, “The enabling environment for mobile banking in Africa”, mai 2006, D. Porteous.
39
HORIZONS BANCAIRES
N U M É R O
3 3 9
–
D É C E M B R E
2 0 0 9
Les systèmes informatiques jouent un rôle
crucial en finance islamique. Il est souvent
nécessaire de construire des architectures
sur mesure capables de gérer à la fois
les principes et les actifs réels sous-jacents.
LADISLAS GALLANT
Global islamic banking, Calyon, Credit Agricole CIB
La finance islamique appelle-t-elle
de nouveaux outils informatiques ?
une relation étroite avec des fonctions telles que la
comptabilité ou le département de gestion des risques.
La difficulté de la gestion informatique s’étend jusqu’aux confirmations puisque celles-ci doivent représenter l’achat et la vente des commodities, et non le
produit conventionnel.
LA FINANCE ISLAMIQUE EST UNE FINANCE
FONDÉE SUR DES PRINCIPES ISLAMIQUES
(Murabaha, Ijarah...) faisant appel à des actifs réels et
tangibles tels que des immeubles ou des matières
premières. Ces principes sont utilisés afin de répliquer
l’effet économique d’un produit conventionnel (dépôt,
financement, dérivés). On peut par exemple reproduire un swap par combinaison de Murabahas. La prise
en considération de ces principes à plusieurs niveaux
pose de nombreux problèmes puisqu’ils ne correspondent pas à un produit en soit, mais servent à reproduire les caractéristiques d’un produit conventionnel.
À travers ces quelques exemples, on constate le rôle
crucial des systèmes informatiques dans le cadre de
l’activité de finance islamique. Une analyse de son
architecture informatique et de la souplesse de ses systèmes est un des pré-requis avant le lancement de
cette activité. Plusieurs sociétés ont su saisir cette
opportunité et proposent des systèmes dédiés à la
finance islamique. Toutefois, ces solutions s’appliquent
à des banques purement islamiques, plus difficilement
aux banques déjà établies qui ne pourraient utiliser
ces systèmes spécifiques que parallèlement à leur
architecture. Ainsi, aujourd’hui, les banques telles que
Calyon ont dû établir des architectures sur mesure
qui impliquent notamment de surveiller la compatibilité des systèmes entre eux. D’où la mobilisation de leurs
équipes informatiques ! ◗
D’un point de vue informatique, les challenges concernent la mise en place de systèmes qui soient capables
de gérer les principes et en même temps le produit
qu’ils répliquent. Ainsi, un Murabaha est concrètement un achat spot suivi d’une vente spot de matières
premières avec paiement différé à un prix majoré.
Toutefois, les systèmes dans une banque classique ne
peuvent gérer un produit conventionnel à travers de
simples achats et ventes de commodities. Cela
implique donc l’emboîtage de différents systèmes et
40
L’unification du système d’information des CR : un projet historique
YVES
NANQUETTE
Dessinons le futur
L’ampleur des changements engendrés par
la révolution numérique implique de nombreux domaines :
le droit, bien sûr, la sécurité informatique, l’aménagement des agences,
les modèles concurrentiels... sans oublier l’éthique.
Six articles pour poser les repères des prochaines années.
41
HORIZONS BANCAIRES
NUMÉRO
339
–
DÉCEMBRE
2009
À l’évocation des nouvelles formes de
concurrence issues de la crise, il est facile
de penser « nouvel entrant spécialiste
low cost ». Mais ce serait occulter un peu
hâtivement la banque de détail qui grâce
à son modèle, et sous réserve d’une relation
client repensée, possède tous les atouts
pour demeurer une figure incontournable
de ce nouveau paysage concurrentiel.
MICHEL CALLIAU
Business development executive
GBS financial services sector, IBM France
OLIVIER PARISOT
Consultant senior
GBS Financial Services Sector, IBM France
Les nouveaux enjeux de la concurrence
bancaire en sortie de crise
Une nouvelle donne issue de la crise
Relation Client centré sur la connaissance du
comportement client, dont les ambitions sont l’efficacité
opérationnelle des ventes croisées et la complémentarité des canaux de distribution, il est désormais crucial
de recentrer la relation commerciale sur des valeurs de
conseil et d’éthique pour combler ce déficit d’image.
Dans cette optique, l’agilité et la souplesse de l’offre
deviennent des vecteurs majeurs de différentiation
dans la reconquête d’un client devenu consommateur
de produits et services dépassant largement le cadre
du cœur de métier historique d’une banque.
Indépendamment des éléments concurrentiels clé
que sont, pour la banque de détail, les spécificités de
l'organisation, le rôle prépondérant des collaborateurs
et l'efficacité du modèle de distribution multicanal,
cet article analyse plus particulièrement en quoi les
technologies de l’information peuvent contribuer à
supporter les enjeux d’une relation client repensée
en adéquation aux nouveaux comportements de
consommation.
Plus d’un an après la faillite de la banque Lehman
Brothers, s’il est encore tôt pour enterrer la crise et en
dresser son bilan, force est de constater que les
banques de détail ont plutôt bien résisté et que de
nombreux indicateurs repassent au vert : les activités
de banques d’investissement renouent avec les bénéfices et plusieurs acteurs majeurs ont remboursé les
aides publiques débloquées en urgence l’an passé.
Pour autant, quel que soit son développement futur,
cette crise laissera une séquelle durable : la perte de
confiance des clients envers l’institution bancaire qui se
reflète par une détérioration de l’image de la banque et
de ses collaborateurs, en particulier ceux en contact
direct avec la clientèle. À l’issue de cette crise, l’enjeu
principal sera par conséquent la reconquête du client
en donnant aux collaborateurs les moyens de porter de
nouvelles valeurs. En effet, alors que l’on assiste depuis
une dizaine d’années à des investissements de la part
des banques de détail sur un modèle de Gestion de la
42
Les nouveaux enjeux de la concurrence bancaire en sortie de crise
MICHEL
CALLIAU
ET
Les enjeux de personnalisation
de l’offre commerciale
OLIVIER
PARISOT
Par exemple : finaliser la simulation d’un crédit
immobilier avant de proposer une assurance MRH et
un crédit à la consommation pour les travaux.
• Par diagnostic de situation client : cette approche, qui
ne peut être envisagée que dans une relation directe,
permettant de travailler en profondeur sur les besoins
à différents horizons du client et de lui constituer une
véritable offre sur mesure.
Par exemple : établir une préconisation d’optimisation patrimoniale suite à un entretien exploratoire avec
le client.
• Par sollicitation d’offres privilèges : cette approche,
qui se base sur des études d’appétence par
comparaison de l’équipement et de population type,
permet de contacter le client sur différents canaux en
lui proposant des offres pré-calibrées par le marketing
à des conditions préférentielles.
La flexibilité au centre
des nouvelles orientations marketing
Cette nécessité de rééquilibrer la balance de la relation
commerciale afin de conquérir et de conserver leurs
clients force les banques à adopter un comportement
quasi schizophrénique. L’enjeu est de recomposer
leurs offres pour mieux répondre aux attentes et aux
besoins du client, tout en optimisant leur produit net
bancaire. Cette recomposition intègre la prise en
compte des nouveaux comportements de consommation en multicanal, mais aussi la capacité à s’adapter à une situation client et à proposer des modules sur
mesure et à la carte permettant d’améliorer la rentabilité
de l’équipement client.
Dans ce cadre, si l’approche « pack » qui permet de
maîtriser le rapport « avantages client / assurance de
PNB » reste d’actualité, notamment pour les entrées en
relation et l’équipement de base, elle doit évoluer pour
inclure plus de flexibilité. Selon le principe de « choix
cadré », cette flexibilité consiste à proposer des produits optionnels à forte valeur ajoutée au libre choix du
client, tandis que la banque aura assuré son PNB via
des produits obligatoires composant le cœur de l’offre.
Cependant, une recomposition de l’offre ne peut se
limiter à une simple évolution de cette approche qui
reste incertaine en regard des évolutions réglementaires
latentes, de son rejet par les associations de consommateurs, mais surtout de la réticence d’un client devenu
méfiant et qui attend d’avantage de sa banque.
C’est pourquoi une nouvelle approche commerciale de
vente multi produits à géométrie variable émerge. Basée
sur la détection de situations client, elle permet de
composer une offre à partir d’un groupe de produits
pouvant être contractualisés unitairement tout en offrant
des avantages croisés. Dans cette approche, le lien
situation client / offre de produits groupés doit se décliner
dans le contexte de relation commerciale notamment :
• Par foisonnement suite à une simulation produit
aboutie : cette approche permettant de répondre au
besoin primaire du client avant d’entamer la proposition d’un certain nombre de produits complémentaires améliorant sa couverture bancaire.
La composition et l’édition du contrat doivent suivre le
modèle de construction dynamique de l’offre, pour
supporter sa flexibilité et son agilité et éviter qu’un
accord d’offre client ne soit qu’un simple agrégat des
contrats produits. Cependant cette agilité se heurte au
respect des cycles respectifs d’acceptation selon les
lignes produits.
Une personnalisation
qui s’étend jusqu’aux tarifs
Si la flexibilité de l’offre est un point clé de la
reconquête, le prix reste au centre des préoccupations
d’un client sensible aux messages des nouveaux
entrants qui axent le plus souvent leur communication
exclusivement sur ce critère. Pour les banques de
détail, la tarification devient donc un levier stratégique
aussi bien dans l’acquisition des nouveaux clients que
dans la fidélisation de son portefeuille existant. C’est
pourquoi, la mise en place des nouvelles stratégies
commerciales doit s’accompagner de politiques tarifaires efficaces et innovantes.
Ces dernières doivent se globaliser sur l’ensemble de
la relation commerciale et la tarification doit donc évoluer pour dépasser le seul contenu de l’offre vendue.
D’ores et déjà on constate la mise en place de mécanismes d’avantages tarifaires pouvant s’étendre du
cadeau au cash back en passant par la réduction sur 43
HORIZONS BANCAIRES
NUMÉRO
339
–
DÉCEMBRE
des produits partenaires ou propriétaires afin d’en-
2009
Enfin, dans le cadre des nouveaux modèles de
distribution, les banques devront opérer une césure
entre leur gestion de l’offre et celle des produits se
déclinant jusqu’à la dissociation entre les tarifs de
vente de l’offre aux clients et les coûts de gestion des
produits par les producteurs, qui leur permettra alors
de disposer d’un plus grand nombre de leviers d’optimisation de leur marge.
courager la vente croisée. Néanmoins, de telles
mesures ne prouveront leur efficacité que si elles sont
accompagnées :
• D’une connaissance toujours meilleure du client, de
ses relations, mais aussi de son comportement, de sa
rentabilité et de son potentiel pour mieux cibler le type
d’avantage à offrir.
• D’un effort pour rendre ces avantages plus lisibles aux
acteurs de la relation commerciale qu’ils soient clients,
collaborateurs ou partenaires, et ainsi intégrer la composition de l’offre dans les nouvelles perspectives de
négociation.
Par exemple : Argumenter sur les simulateurs en ligne
et autres comparateurs de taux de crédits immobiliers
qui occultent une partie de l’offre globale allant des frais
de dossier aux possibilités de rééchéancement ou de
rachat.
Des modèles de distribution
centrés sur l’offre
Le découplage Distribution / Production
Les principes de découplage entre les entités de distribution et celles de production pour les organismes
financiers sont bien antérieurs à la crise. Dès février
2002, lors des entretiens de la Maison Dorée, Henri de
Castries s’exprimait sur le sujet :
« Pour maximiser notre positionnement, nous devons
accepter de mettre nos produits dans des réseaux que
nous ne maîtrisons pas et accepter que nos propres
réseaux vendent des produits que nous ne fabriquons
pas ».
Ainsi, là où les atouts du distributeur sont la relation
client et la connaissance qui en découle pour lui
permettre de proposer le bon produit, au bon client, au
moment le plus opportun, via le bon canal. Pour le
producteur, ce sont le développement d’une expertise
métier et l’adaptabilité de ses produits conjugués à
l’optimisation opérationnelle de ses processus de
gestion qui doivent lui permettre de passer des accords
de partenariats avec des distributeurs internes ou
externes et ainsi atteindre la masse critique nécessaire à la rentabilité de son activité.
Les principaux acteurs du marché ont, dès cette
époque, adopté ces principes de spécialisation de la
distribution et de mutualisation des productions.
Toutefois, l’extension du catalogue commercial à des
produits et services dépassant le strict cadre du cœur
de métier de la bancassurance impose de structurer ce
découplage autour de nouveaux modèles adaptés
aux besoins d’un client devenu consommateur.
L’agilité de l’offre, vecteur
de croissance et de fidélisation
Dans tous les cas, une offre agile, personnalisable et
lisible dans son contenu et dans son prix, devient un
outil majeur aussi bien pour supporter la croissance,
où la capacité à lancer rapidement des offres innovantes à forte valeur ajoutée sera essentielle, que
pour renforcer la fidélisation, où apparaître comme un
partenaire capable de comprendre et d’adapter son
offre aux situations de son client sera primordial. Pour
répondre à ces enjeux, la tendance vise à corréler
l’offre à des situations client qui apparaissent en temps
réel lors du contact quelque soit le canal. Pour ce faire,
les concepteurs des offres doivent prévoir les critères
qui permettront, lors de l’identification de la situation,
de proposer en mode réactif les produits et tarifs
adaptés, ainsi que les argumentaires de vente scénarisés associés.
Toutefois, cette approche ne se substitue pas aux
campagnes marketing ciblées en mode proactif, mais
celles-ci devront évoluer afin d’intégrer les situations
client, et d’adapter leurs conditions de déclenchement et de scénarisation. Les campagnes ainsi
menées se révèleront plus efficaces, mais éviteront
surtout la sur-sollicitation, véritable plaie de la relation
commerciale.
Les nouveaux modèles de distribution
Aujourd’hui, dans un marché mature, composé de
banques universelles et d’un ensemble d’acteurs
44
Les nouveaux enjeux de la concurrence bancaire en sortie de crise
MICHEL
CALLIAU
ET
spécialisés faisant face à un client informé, averti et
multi bancarisé, ce découplage doit se structurer au
travers de modèles centrés sur l’offre.
Déclinés sur l’ensemble de la chaîne de valeur de
vente, depuis la conception jusqu’à la production, ces
modèles représentés dans les schémas qui suivent,
formalisent le partage des prestations offertes par le distributeur (bleu) et le producteur (vert). Cependant, ces
modèles n’ont pas pour objectif de spécifier l’acteur
ayant en charge d’exécuter ces activités, cette
déclinaison étant généralement spécifiée lors de la
mise en place d’accords de partenariat ou à l’occasion
des réflexions sur l’articulation des activités front et
back, en particulier via le partage des processus métier.
Le modèle Intégrateur (voir figure 1.2)
En tant qu’intégrateur d’usines produit, le distributeur
maîtrise l’ensemble des activités de conception et de
distribution de l’offre. Après les activités de vente
et d'après-vente, le distributeur sollicite le ou les
producteurs pour qu'ils réalisent la gestion et les
traitements après-vente des produits unitaires entrants
dans l’offre contractualisée avec le client.
F IGURE 1.2. Chaîne de valeur du modèle intégrateur
Conception
Le modèle Prescripteur (voir figure 1.1)
En phase de conception, après avoir qualifié les besoins
pour une cible, le distributeur après avoir choisi le
producteur ayant l'offre la plus adaptée, se positionne
en tant que prescripteur d’une offre clé en main conçue
par ce producteur. Dans la distribution, après les
DéfiniCondi- Market
tion
tions offre
offre
DéfiniCondi- Market
tion
tions offre
offre
Accueil Vente
Aprèsvente
Accueil Vente
Aprèsvente
Production
Gestion
Traitement
aprèsvente
Source : IBM
Production
Gestion
Distribution
Dans ce modèle, le changement d’un producteur n’a
pas un impact majeur ce qui augmente les opportunités
de mutualisation. L’adaptabilité et la généricité de ce
modèle sont optimum. En revanche, même si l’intégration des producteurs est simple pour les processus
et pour les SI, la réactivité est fortement pénalisée par
la nécessité de développer intégralement les phases de
vente et d’après-vente dès que l’on souhaite élargir
l’offre à de nouveaux produits.
Ce modèle peut répondre à une stratégie Universal
bank reposant sur une offre stable intégrant les produits
historiques de la banque.
F IGURE 1.1 Chaîne de valeur du modèle prescripteur
Distribution
PARISOT
activités d'accueil et de découverte du besoin, le
distributeur sollicite le producteur pour dérouler la
chaîne de valeur pour l'intégralité des activités de
vente et d'après-vente liées à cette offre.
Dans ce modèle, la réactivité est forte grâce à la
simplicité de l’intégration au niveau des processus et
du SI, mais l’adaptabilité est limitée au strict périmètre
initial de l’offre et la généricité est faible.
Ce modèle peut répondre à une stratégie Industry
specialist sur un produit spécifique qui n’est pas à un
instant donné dans le cœur de métier de la banque mais
qui doit être présent rapidement dans son catalogue.
En fonction de la stratégie de la banque sur une famille
de produits ou un segment de marché, ces modèles
se projettent de façon spécifique selon trois axes de
qualification d’une offre :
• La réactivité qualifie chaque modèle sur sa capacité
à mettre en marché rapidement une offre.
• L’adaptabilité le qualifie sur sa capacité à adapter facilement une offre au comportement d’un client.
• La généricité le qualifie sur sa capacité à s’intégrer simplement dans un processus de relation
commerciale.
Conception
OLIVIER
Traitement
aprèsvente
Source : IBM
45
HORIZONS BANCAIRES
NUMÉRO
339
–
DÉCEMBRE
Le modèle Agrégateur (voir figure 1.3)
sur une large gamme de producteurs spécialisés.
De son côté, un producteur souhaitant avoir une stratégie multi-distributeur pour améliorer sa rentabilité et
répondre à différentes stratégies de distribution, pourra
proposer pour son périmètre d’activités les trois
modèles à des distributeurs internes ou partenaires.
Quels que soient ces positionnements au travers des
modèles, l’articulation de l’offre entre le client, le distributeur et le producteur amène à reconsidérer le
paradigme de la qualité de service.
En tant qu’agrégateur de services, au niveau
conception le distributeur maîtrise les activités liées à
la définition de l’offre et ses conditions puis s’appuie sur
les producteurs les plus compétitifs pour y intégrer
leurs conditions de produits associées. Au niveau
distribution, pour la vente, les activités de découverte
& composition, de négociation & contractualisation
de l’offre sont celles du distributeur, le producteur
supporte celles liées aux accords sur les conditions de
fonctionnement de produits ainsi que les demandes de
modifications contractuelles associées.
La maîtrise des processus au service
de la qualité de la relation commerciale
F IGURE 1.3. Chaîne de valeur du modèle Agrégrateur
Conception
DéfiniCondi- Market
tion
tions offre
offre
Distribution
Accueil Vente
Aprèsvente
Du fait des changements dans la relation commerciale,
la qualité de service est encore, plus que par le passé,
un élément majeur de la reconquête. D’une part, le
client devient défiant et attend d’avantage de sa
banque : il veut savoir ce qu’il se passe, ce qu’il paie,
et comment les services dont il bénéficie lui sont
rendus. D’autre part, les banques de détail, dans leur
volonté d’afficher envers leurs clients et leurs collaborateurs une nouvelle éthique, doivent suivre la transformation de leur métier : vendeurs de produits bancaires, il leur faut maintenant appréhender la situation
du client pour pouvoir le conseiller et lui proposer la
composition de l’offre la plus adaptée.
Dès lors, le maintien a minima du niveau actuel de
qualité de service client devient un challenge qui, pour
être relevé, passe par un contrôle de bout en bout des
processus liés à la relation client.
Dans ce cadre, un processus ne doit pas être vu
comme une simple modélisation de procédures à appliquer pour répondre à une demande client en dehors de
tout autre contexte, mais comme un élément de référence dans la maîtrise de l’ensemble des interactions
entre les participants dont dépend la qualité de la
relation commerciale. En effet, même s’il est toujours
propriété d’un acteur de la banque, un processus peut
faire participer tour à tour un collaborateur, un partenaire
ou le client et ce via l’agence, le web ou le mobile.
Ainsi, un processus n’est plus isolé, il doit intégrer les
événements liés aux différents acteurs sur les différents
canaux. Il n’est plus simplement exécuté en straight
through processing, mais peut être suspendu et repris
avec un changement de canal ou d’acteur sans perdre
Production
Gestion
2009
Traitement
aprèsvente
Source : IBM
Dans ce modèle, l’adaptabilité est forte sous réserve
d’un bon niveau de paramétrage par les producteurs
des conditions des produits et services composant
l’offre. La généricité est optimum et la réactivité est
bonne grâce à l’utilisation de « briques de services »
fournies par les producteurs.
Ce modèle peut répondre à une stratégie Multi specialist
reposant sur une souplesse de conception des offres
tout en s’appuyant sur des producteurs spécialisés.
L’offre et les modèles de distribution
En regard des stratégies par ligne produit ou segment
client, un distributeur qui se positionne comme acteur
de plein exercice sur le marché de la banque de détail
verra probablement cohabiter ces trois modèles avec
un certain degré de porosité. Il pourra ainsi, via la
solution d’un spécialiste, répondre rapidement à une
attente client sur un produit périphérique à son cœur
de métier, continuer à se différencier sur ses offres
historiques, mais surtout coller au plus près des
besoins de ses clients via une offre évolutive s’appuyant
46
Les nouveaux enjeux de la concurrence bancaire en sortie de crise
MICHEL
CALLIAU
ET
son contexte et son état d’avancement. Enfin il doit
pouvoir être suivi par l’ensemble des participants qu’ils
soient collaborateurs, clients ou partenaires.
Pour répondre à cet enjeu sans tomber dans le travers
d’une démarche exhaustive de modélisation détaillée,
ni dans le syndrome « couteau suisse » d’une
approche trop conceptuelle et générale, il convient de
distinguer et de spécialiser les diverses perspectives
sous-tendues par la notion générique de gestion de
processus.
OLIVIER
PARISOT
Modéliser les processus pour
les analyser et les implémenter
Au-delà de cette perspective de partage, supportée par
une démarche type dictionnaire de processus, il peut
être intéressant de les analyser et de les modéliser pour
supporter une perspective d’implémentation répondant
à une finalité précise.
Au cours de ces dernières années, les grandes
initiatives autour des processus, notamment avec les
projets dits de workflow ou de BPM1, ont été entreprises sans généralement adapter les principes de
modélisation aux objectifs, ce qui a eu souvent pour
conséquence de complexifier leur réalisation voire d’en
perdre la finalité. Si l’on veut limiter ces travers, il faut
voir la modélisation de processus suivant trois grandes
perspectives :
• La perspective de suivi représente le franchissement des étapes d’un processus, avec pour objectif
d’une part de piloter les engagements de service et les
performances, et d’autre part d’exprimer les situations client pour supporter la découverte d’offres.
• La perspective d’orchestration représente la distribution d’activités au sein d’un processus, avec pour
objectif d’optimiser son déroulement. Une activité
s’entend ici comme un ensemble de tâches déclenchées par un seul évènement, réalisée par un seul et
même acteur sans qu’il ait besoin de s’interrompre.
• La perspective de chorégraphie représente un
enchainement de services informatiques, avec pour
objectif le développement d’applications du système
d’information.
En fonction de leur finalité, ces modélisations peuvent
être réalisées indépendamment, mais dans le cas où
une perspective d’orchestration serait modélisée,
s’appuyer sur elle pourra accélérer la modélisation
des deux autres.
Décrire les processus
pour les comprendre et les partager
Un processus est une représentation conceptuelle du
savoir faire métier de l’entreprise. Il décrit et formalise
via un enchaînement de phases « comment se fait
mon métier » et avec quel résultat. Dans l’objectif de
faire des processus métier un véritable capital intellectuel de l’entreprise, il faut, dans un premier temps,
les décrire et les partager :
• Au niveau des acteurs de la chaîne de valeur de l’offre
pour en particulier qualifier les responsabilités
Distributeur et Producteur dans chacun des modèles
de découplage.
• Au niveau des entités partageant les mêmes processus pour identifier les spécificités ou les axes de
mutualisation comme par exemple lors de réorganisation suite à une fusion.
• Au niveau des décideurs afin de pouvoir prioriser plus
finement les axes de développement, mais aussi de
tracer le respect des exigences tout au long du cycle
de mise en œuvre.
Pour accélérer et faciliter la compréhension et le partage, il faut être vigilant sur le nombre et l’homogénéité
des processus décrits, mais surtout sur la granularité
des phases. De fait, si l’on considère la cinquantaine
de processus majeurs d’une banque de détail, chaque
phase devra exprimer une action portant sur un objet
métier issu d’un catalogue d’environ une trentaine
d’éléments permettant de classer les principales
informations manipulées dans l’entreprise.
Intégrer la sphère événementielle
La modélisation de processus s’appuie sur la gestion
des événements. Qu’ils soient constatés ou déterminés, ces derniers contribuent à identifier les risques et
les opportunités métier et à partager l’information au 1. Business Process Management.
47
HORIZONS BANCAIRES
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339
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DÉCEMBRE
bon moment. En revanche, du fait du nombre élevé
2009
bien pour les données que pour les règles métier.
• Pour la structuration des modèles de distribution :
s’appuyer sur une architecture d’intégration riche et
adaptable en fonction du modèle de découplage retenu
pour la gestion d’un produit. Cette architecture devra
offrir des mécanismes industrialisés permettant en
particulier :
– dans le cas du modèle prescripteur, l’intégration
d’IHM2 entre les activités d’accueil et de vente et la
réplication de données pour les remontées d’informations de la production ;
– dans le cas du modèle intégrateur, la réplication de
données au fil de l’eau et par vacation une fois l’acte
de vente réalisé et les échanges d’événements nécessaires aux processus de suivi et d’orchestration ;
– dans le cas du modèle agrégateur couvrir les périmètres des deux modèles précédents complétés par
l’intégration de services métier pour la création des
contrats produit.
• Pour la maîtrise de la qualité de service au travers des
processus : bâtir un référentiel de processus de suivi
et d’orchestration pour les instancier en tant que véritable donnée de référence de la relation commerciale
tout en industrialisant les points de capture des
événements et leur exploitation dans le SI.
C’est pourquoi, afin de pérenniser les investissements
déjà réalisés tout en répondant à ces nouveaux enjeux,
les banques de détail vont devoir s’engager dans des
chantiers de transformation du système d’information
capables de conjuguer rationalisation des existants et
mise en œuvre des nouvelles ambitions. Pour cela, les
grands acteurs du marché optent pour une stratégie de
construction progressive d’assets de distribution via des
étapes ayant un apport métier mesurable et s’intégrant
sur un périmètre non-régressif dans un existant rénové.
Pour accélérer, via le partage de composants, les
développements de ces nouveaux assets et faciliter leur
intégration dans la souche existante, doit s’associer à
cette démarche la mise en place d’un socle d’intégration composé :
d’interactions pouvant survenir dans le cadre de la
relation commerciale, la modélisation des évènements
métier se conjuguera à celle des processus modélisés
leur permettant alors de jouer pleinement leur rôle de
transformation d’information en action.
Par ailleurs, un évènement isolé n’a pas forcément de
valeur métier. C’est pourquoi, il peut être intéressant
de le replacer dans son écosystème car, corrélé avec
une série d’autres évènements, il peut faire apparaître une nouvelle situation de risque ou d’opportunité
commerciale.
Cette combinaison de la gestion des événements avec
les différentes perspectives des processus, notamment celles de suivi et d’orchestration, permet de renforcer l’efficacité opérationnelle et commerciale de la
banque, mais aussi de répondre aux attentes des
clients en analysant et en exploitant au mieux toutes les
interactions constituant la relation commerciale.
Le système d’information support
de ces stratégies
Aujourd’hui, à l’issue des programmes de GRC multicanale initiés début des années 2000, les systèmes
d’information des principales banques de détail
implémentent avec une certaine efficacité, notamment
au travers de référentiels client, les activités liées à la
relation commerciale. En revanche, ils ont subi avec
plus ou moins de douleur les vagues successives de
rapprochements et de consolidations qui ont impacté
leur homogénéité.
C’est dans ce contexte que les enjeux liés à la
personnalisation de l’offre, la structuration des modèles
de distribution et à la maîtrise de la qualité de service
au travers des processus viennent à leur tour percuter
les SI. Pour pouvoir absorber cette nouvelle onde de
choc, les SI devront être capables d’opérer les transformations nécessaires, notamment :
• Pour la personnalisation de l’offre : extraire les
règles métier d’éligibilité et de tarification des systèmes de production pour construire un atelier de
conception à la main du métier pilotant l’alimentation
du référentiel d’offre du système opérationnel aussi
• Au niveau fonctionnel :
– des référentiels « Personnes et Contacts », « Offres
et Produits », et « Processus et Evènements » ;
2. Interface Homme Machine.
48
Les nouveaux enjeux de la concurrence bancaire en sortie de crise
MICHEL
CALLIAU
ET
OLIVIER
PARISOT
Une opportunité pour la banque de détail
– des mécanismes transverses de type ECM 3 ,
workflow, dispatching d’événements et moteurs de
règle.
• Au niveau technique :
– de framework d’intégration de fonctions (IHM et
Services), de données (au fil de l’eau et par vacation),
d’événements (pour le suivi et l’orchestration) ;
– de framework de développement pour les couches
de présentation et de navigation, d’orchestration et
d’intégration, et de services métier et d’information
(voir figure 2).
Comme nous l’avons vu, la crise a induit une double
transformation sur le marché : le client devient méfiant
et exigent envers les organismes financiers qui, de
leur côté, se recentrent sur la maîtrise de l’offre dans
le cadre de la relation commerciale.
À l’instar du marché de la bourse, il semble fort
probable que seule une minorité de clients experts
souhaitera gérer elle-même l’ensemble de ses produits
en s’adressant en direct, et au cas par cas, à des spécialistes. C’est dans ce cadre que les banques de
détail ont une réelle opportunité de capitaliser sur leur
valeur ajoutée principale : leur réseau de distribution
et la maîtrise de la relation commerciale. En proposant
à leurs clients une offre lisible et flexible, et en se
concentrant sur leur rôle de conseil, ces banques
peuvent se positionner en tiers de confiance et reconquérir le client.
Ainsi, en adoptant une stratégie de multi spécialiste,
elles pourront proposer l’agrégation d’un ensemble
de prestations au sein d’une offre agile dont la
compétitivité sera comparable par domaine à celle
des meilleurs acteurs du marché, quitte à les intégrer
via des accords de partenariats, et pour laquelle la qualité de service, grâce à une maîtrise des processus de
l’ensemble de l’offre, sera bien supérieure à celle de la
somme des prestations unitaires. ◗
En complément, pour supporter les objectifs de
rationalisation et mesurer la contribution du SI aux
enjeux métier, cette transformation doit également
s’accompagner d’un investissement sur :
• La chaîne de valeur de la construction logicielle
couvrant l’ensemble des étapes de la fabrication à
l’utilisation, en intégrant les nouveaux enjeux
d’assemblage, d’adaptation, d’intégration, et de
déploiement propres aux nouveaux modèles de développement logiciel basés sur l’intégration.
• Une gouvernance permettant de tracer les besoins
métier de leur modélisation dans les processus à leur
implémentation en tant que services métier tout en
optimisant la réutilisation fonctionnelle par l’approche
processus.
F IGURE 2. Construire et intégrer
Agence
Internet
Mobile
Nouveau Système Distribution
Vente
Aprèsvente
Personnes,
Offres, Processus
Bornes
Système de distribution
intégration
Accueil
Téléphone
Vision globale Client,
Gestion des contacts
Système de production
Gestion
des
Crédits
Socle d’intégration
Réalisation Ventes,
Banque au quotidien
Gestion
de
l’épargne
Gestion
des Moyens
de Paiement
Source : IBM
3. Enterprise Content Management.
49
HORIZONS BANCAIRES
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DÉCEMBRE
2009
Malgré la prolifération des canaux de
distribution numériques et la prégnance
croissante d’internet et des téléphones
mobiles, l’agence bancaire reste un élément
important dans la relation client, contredisant
les oracles qui avaient prématurément
annoncé sa disparition et même celle
des banques classiques au profit de
nouveaux entrants « tout numériques ».
JEAN-PHILIPPE BLANCHARD
Responsable du pôle innovation
Crédit Agricole S.A.
L’agence du futur dans un dispositif
« user centric »
Nouvelles approches
permettant à la banque d’améliorer l’usage de ses ressources humaines et logistiques en inscrivant son
image dans la modernité. Mais elle permet aussi, par
la dématérialisation et les progrès des modes de
communication, de prendre en compte un changement important de comportement de la clientèle : la
mobilité.
L’agence s’inscrit donc au sein d’une expérience utilisateur multi-canal qui gagne en cohérence, grâce à
une expérience client enrichie mettant en valeur chaque
canal en tant que tel et surtout en tant que maillon en
continuité avec les autres. Par conséquent, la logique
du web et des téléphones mobiles s’invite dans
l’agence, et symétriquement cette dernière en fait de
même au sein des canaux électroniques : l’imbrication
agence physique / agence virtuelle entre dans la réalité, créant de meilleures synergies entre canaux (une
opération peut être initiée sur un canal et débouclée sur
un autre) et accroissant la valeur de la relation face à
face en agence au-delà de la relation à distance.
La grande tendance des zones d’automates, amorcée
au milieu des années 90, a peu à peu modifié les
habitudes des clients, faisant gagner de la productivité
sur les opérations de base. Elle a cependant eu des
effets pervers en banalisant la relation et en diminuant
drastiquement les occasions d’instants commerciaux.
Certes, les centres d’appels sortants ont tenté de
prendre le relais, cependant le constat demeure : la
relation-client s’est distendue.
Paradoxalement les ouvertures d’agences continuent,
mais leur positionnement dans la logique « distribution »
est en train de se modifier pour recréer le lien humain
et pour valoriser le conseil et la réelle prise en compte
des désirs et besoins du client ou du prospect.
La technologie a son rôle à jouer dans cette recréation
de valeur commerciale sur plusieurs points : permettre d’une part au client de mieux s’approprier les
offres, notamment par une personnalisation à sa main,
offrir de l’autre une qualité de conseil accrue tout en
50
L’agence du futur dans un dispositif « user centric »
JEAN-PHILIPPE
BLANCHARD
En parallèle, de nombreux prototypes, puis des produits industriels ont banalisé la « tactilité ». Les plus
connus sont le mobile iPhone de Apple et la table
Surface : cette dernière innovation sera détaillée dans
la suite de l’article.
Une autre technologie, « le sans contact », a permis
de créer de nouvelles opportunités. Ce terme générique recouvre plusieurs techniques : le RFID (Radio
Frequency Interference Identification), le NFC (Near
Field Communication) et le Bluetooth (liaison par microonde à courte distance), mais on pourrait aussi y
ajouter les « tags graphiques »... Ces technologies permettent de reconnaître des objets ou d’échanger des
données entre objets. Les applications sont multiples,
par exemple reconnaître un client et personnaliser
une application, faire reconnaître par une borne un
objet promotionnel pour lancer une publicité, télécharger de l’information à la demande dans un téléphone portable, authentifier un client dans un processus bancaire comme la dématérialisation de la
signature contractuelle... Cette tendance appelée
« l’internet des objets » est en train de se généraliser
à beaucoup d’actes du quotidien : c’est le cas de
Navigo pour les transports en commun, mais aussi, de
manière moins visible pour le consommateur, dans la
gestion logistique. Elle s’invite maintenant dans les
agences bancaires et les moyens de paiement.
Par exemple, il serait aujourd’hui possible de proposer à la clientèle, notamment lors de la mise en œuvre
de ses premiers contrats, un objet ayant la forme
d’une clé USB, donc utilisable sur un PC, contenant
une puce RFID permettant de lire et de mettre à jour
la mémoire, cette dernière étant un coffre-fort électronique sécurisé par un code PIN comme une carte
bancaire. L’idée est de proposer au client d’y stocker
son identité numérique sécurisée ; on y stockerait
également le certificat du client, mais aussi sa signature scannérisée. Quand il signerait un contrat en
agence, il présenterait la clé à un lecteur sans contact
et saisirait son code PIN. Sur le contrat dématérialisé
apparaîtrait la signature digitalisée et le document
serait scellé via le certificat. À domicile, les mêmes
fonctions seraient possibles en enfichant la clé USB,
permettant ainsi de sécuriser les paiements sur
internet. Enfin, la clé disposerait d’espace mémoire Rendre l’agence plus attractive
La première rupture concerne l’organisation de la
chalandise des agences. Elle part du constat que la
mise en place des murs d’automates dans les
agences à l’entrée de l’espace commercial a permis
l’élargissement des plages horaires sur les services de
base, mais qu’elle a aussi provoqué une baisse de la
fréquentation des espaces commerciaux classiques en
agence. Afin de rétablir un flux en direction des guichets, les concepteurs ont tendance à faire machine
arrière en intégrant une partie des bornes au sein
même de l’agence. Certaines banques ont même
imaginé des îlots d’automates mobiles au centre de
l’espace d’accueil pendant les heures d’ouverture,
puis déplacés dans la zone librement accessible au
client pendant les heures de fermeture de l’agence.
Au-delà de cette problématique de positionnement, les
automates évoluent vers de nouveaux modes
d’interactions, en particulier le tactile et le sans contact.
Les bornes de publicités sur le lieu de vente ont été les
premières à bénéficier de ces tendances. Les premiers
écrans tactiles étaient limités à un contact et les applications dérivaient des interfaces informatiques classiques, le curseur de la souris étant remplacé par le
doigt. On était plus près des bornes SNCF que de ce
que l’on voit aujourd’hui. Des matériels et logiciels
spécifiques sont apparus il y a deux ans, prenant en
compte deux contacts digitaux puis plusieurs doigts
simultanés, ce qui a permis d’envisager un saut
qualitatif vis-à-vis des interfaces homme-machine
(voir figure 1).
F IGURE 1. L’apparition d’un menu contextuel
sur un produit bancaire interactif
par multi-contact sur une borne tactile
51
HORIZONS BANCAIRES
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339
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DÉCEMBRE
utilisable pour stocker des documents soit dans la
2009
d’usage et apportant une plus-value explicative pour
chaque produit ou service. Ces objets graphiques doivent être capables de mettre en scène des situations
simples ou plus complexes, comme par exemple des
interactions financières entre produits.
Ce travail va bien au-delà de ce que nous connaissions
dans la conception classique d’une application. Il s’agit
de mettre en œuvre un processus créatif connu dans
l’industrie sous le terme de « design thinking »1 et qui
fait ses premières armes dans le « design de services
financiers ». Le challenge repose sur la nature le plus
souvent immatérielle de la prestation bancaire qu’il va
falloir représenter concrètement sur l’interface tactile
afin que le client et le commercial puissent « jouer »
ensemble. Ce contact matériel crée réellement un
phénomène bien connu des écoles de vente : « si le
client prend le produit en main, la vente est quasiment faite ».
D’où l’intérêt de l’ajout d’interaction avec des objets
réels comme la carte, renforçant l’expérience utilisateur
(voir figure 2).
zone confidentielle, soit dans une zone publique. Une
borne interactive équipée de RFID pourrait donc y
transférer de la documentation à la demande.
Un changement dans
la relation bancaire
Ces bornes de nouvelles générations posent un questionnement sur le rôle du commercial. Ne risquent-elles
pas d’éloigner encore plus le client du vendeur ?
Paradoxalement non si on en profite pour établir une
relation à trois : le client, le commercial, l’écran.
L’exemple-type concerne « Surface » de Microsoft,
composé d’une table tactile où commercial et client
peuvent choisir de se mettre face à face ou côte à côte
pour dialoguer en s’appuyant sur une application bancaire conçue pour enrichir l’échange.
L’ergonomie et le design deviennent des éléments
essentiels pour mettre le client en situation d’appropriation. Pour ce faire, il faut créer des métaphores
graphiques compréhensibles au premier regard, faciles
F IGURE 2. Recherches autour des interfaces tactiles
1. Design Thinking : processus créatif pluri-disciplinaire « user centric » qui associe non seulement les informaticiens et les maîtrises d’ouvrage métier, mais aussi des
sociologues, comportementalistes, ergonomes, designers graphistes, marketing, commerciaux ... et clients.
52
L’agence du futur dans un dispositif « user centric »
JEAN-PHILIPPE
Ces technologies permettent de s’interroger aussi sur
les processus de vente déterministes. En effet, ce
type d’interface peut privilégier l’immersion du client
dans un « espace des désirs et des besoins » où il va
naviguer librement et faire ses choix dans un ordre
quelconque, ce qui implique la nécessité de prévoir des
scénarios très souples et des techniques de réalisation
privilégiant des processus flexibles.
Bien évidemment, le poste de travail du commercial
évolue aussi sous l’influence de ces nouvelles possibilités, dont l’une des plus intéressantes est l’intégration
des outils de « communication unifiée ». Ce nouveau
concept est la transposition professionnelle de produits
grand public comme Skype, qui allie messagerie instantanée, téléphonie, visioconférence interpersonnelle
ou en groupe, partage d’applications et « présence »,
cette dernière fonction signalant la disponibilité de
chaque personne (« libre », « occupé », « absent », « ne
pas déranger »...).
L’une des applications marquantes est la possibilité de
faire dialoguer expert, client et responsable commercial, avec une qualité de contact remarquable : grand
écran vidéo, partage d’applications... Mais cette technologie peut être aussi intégrée aux bornes classiques
ou tactiles. Elle répond également à des besoins
internes, comme réunions à distance, formation sur
sites dédiés ou sur postes de travail, permettant une
rentabilisation rapide des investissements.
BLANCHARD
la solidarité, la vie sociale, la culture, les agences
devenant un point de rencontre pour les habitants
afin de créer et renforcer les liens en l’insérant dans la
dynamique locale.
Mais il est nécessaire aussi de prolonger le contact audelà de l’agence physique. Que ce soit sur le web ou
sur le mobile, l’agence doit être présente. L’éditorial du
directeur, le conseil du commercial, l’annonce de
changements de personnel, la rénovation de l’agence,
une promotion, la participation à une animation locale...
autant d’opportunités pour communiquer de manière
plus personnelle avec sa clientèle.
De plus les technologies du Web 2.0 permettent d’aller plus loin dans le prolongement de l’agence dans le
monde virtuel via les technologies de communication
unifiée, donnant au client l’accès à son commercial ou
à un pool de commerciaux et d’experts à partir d’un
simple ordinateur. Cette généralisation de la vidéoconférence apporte une qualité de présence, de
partage d’information et de conseil personnalisé
proches d’un entretien en vis-à-vis.
Les capacités croissantes des téléphones mobiles
permettront à court terme de faire aussi de la visioconférence, sachant qu’il est déjà possible d’avoir un
indicateur de disponibilité de son interlocuteur, de
lui envoyer des messages et de lui téléphoner d’un
clic.
Cette continuité entre les différents canaux physiques
et virtuels se retrouve dans les mécanismes de vente
et d’opérations bancaires, toute action pouvant être
initiée à partir de n’importe quel canal et finalisée sur
un autre. L’agence s’imbrique donc intimement dans
la relation multicanal.
Renforcer le lien avec le client
L’aménagement des agences contribue aussi à la
recherche de « plus d’humain ». Sont ainsi visées des
salles d’attente plus attrayantes avec des coins enfants
disposant non seulement de jouets classiques mais
aussi de distractions technologiques, des zones de
détente accueillantes, bref, un vrai travail sur l’ambiance de chaque zone : matériaux, couleurs, lumières,
musique... et même odeur. Les recherches se
multiplient donc, y compris dans l’intégration de la
zone bancaire dans des zones de chalandises plus
larges ou, inversement, l’intégration de boutiques au
sein même de l’agence. Les banques du nord de
l’Europe, en Allemagne, en Suède, au Danemark
notamment, ont ouvert la voie depuis plus de deux ans.
Des initiatives voient le jour autour de valeurs comme
De nouveaux écosystèmes
Les changements de mode de vie actuels sont en
train de modifier le rapport de force au sein du système
économique et remettent en question les habitudes des
entreprises.
Longtemps dominé par un univers de l’offre et par le
productivisme jusqu’au milieu du XXe siècle (« Tout le
monde peut avoir une Ford T de la couleur qu’il souhaite, à condition que ce soit le noir... »), le marketing
a pris peu à peu la mesure de la demande, mais en
restant le plus souvent dans un raisonnement centré 53
HORIZONS BANCAIRES
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339
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DÉCEMBRE
sur l’entreprise qui se sentait « propriétaire du client »
2009
opérateurs de télécommunication pour mettre en
œuvre des infrastructures pouvant accueillir des
services marchands au sein d’un catalogue où les utilisateurs pourront puiser pour se créer leur propre
bouquet de services, y compris en les assemblant
sous forme de « composition de services ».
Inquiétant ? Certes, mais c’est ce que le client a
toujours fait dans le monde physique en allant d’une
boutique à l’autre. La différence est que, dans le
monde numérique, l’offre est encore plus pléthorique,
la compétition exacerbée et le risque de désintermédiation plus élevé si l’on n’y prend garde.
Le défi pour les offreurs de services est donc de :
• lever tous les freins d’accessibilité du client aux
offres, notamment en termes de mobilité ;
• créer une forte valeur ajoutée autour d’un écosystème
cohérent, évolutif et ouvert, capable de répondre aux
désirs et aux besoins du client ;
• ne pas se limiter à son propre écosystème en étant
prêt à partager les profits plutôt que de tout perdre.
Ces éléments de stratégie ont des conséquences
multiples sur la manière de concevoir les offres et les
délivrer dans la sphère physique de l’agence comme
dans l’espace numérique. La gestion de la relation
client, le passage d’une relation systématique d’affrontement à une recherche d’interopérabilité avec les
compétiteurs anciens et les nouveaux entrants, bref,
passer d’un monde fermé à un monde ouvert où ce
n’est pas celui qui tente de se poser en dominant qui
gagne, voici probablement l’un des défis qui nous
attend demain.
Il faut donc s’interroger sur l’avantage qui pourrait être
accordé aux entreprises qui accepteraient de s’intégrer
comme une ressource à disposition du consommateur
dans un ensemble plus vaste, lui laissant le choix de
construire/personnaliser son écosystème : en un mot,
aux entreprises s’organisant pour être « centrées vers
l’utilisateur ».
Dans ce futur contexte ouvert, l’agence devient un
élément à forte valeur, car elle symbolise et concrétise
et s’organisait pour se protéger contre la concurrence.
Michaël Porter, dans les années 80, avait formalisé les
limites de cet exercice en décomposant la chaîne de
valeur et en théorisant la création et le maintien de
l’avantage compétitif qui, le plus souvent, ne peut
exister que par une intégration des partenaires,
sous-traitants, distributeurs, clients mais aussi
« coopétiteurs » (concurrents avec lesquels on coopère
sur des éléments de l’offre) dans la construction de
l’offre.
Peu à peu, et notamment par la nécessité d’intégrer
des métiers non maîtrisés par l’entreprise ou par la
recherche d’effets d’échelle, les collaborations entre
compétiteurs directs ou indirects se sont multipliées en
se limitant la plupart du temps au « back office » de
l’offre (pièces détachées puis équipementiers dans
l’automobile, filiales communes dans la gestion des
titres, commercialisation de produits tiers, etc.). Mais
clairement, l’entreprise considérait toujours le client
comme « captif » ou « à rendre captif ».
Cette ambition de retenir le client reste fondamentale
et les efforts faits notamment autour de la connaissance
client ou de nouveaux concepts comme l’exploitation
des réseaux sociaux (marketing viral, utilisation des
communautés, communication plus interactive) vont
dans le sens de la fidélisation.
Malgré cela, la volatilité devient, si ce n’est la règle, du
moins un facteur incontournable, le client devenant plus
critique vis-à-vis de ses fournisseurs habituels, adepte
du picorage (« cherry picking »), capable de se fabriquer
un service sur mesure en assemblant lui-même les
meilleurs composants, Il est aidé en cela par les sites
comparateurs d’offres. Les évolutions technologiques
actuelles (portails personnalisables, « mash up ») et
celles que l’on peut percevoir à cinq ans (composition
dynamique de services par l’utilisateur2) ne font que
renforcer les possibilités laissées au client de choisir et
personnaliser son écosystème numérique. Les premiers travaux de recherche ont commencé chez les
2. Composition de services : cette technique consiste à assembler plusieurs fonctionnalités suivant diverses modalités. La plus simple consiste en un portail
permettant de juxtaposer des services sans interaction (vous sélectionnez par exemple plusieurs services d’information pour vous construire votre portail personnalisé
dans Netvibes ou iGoogle). Plus sophistiqué, le « mashup « mixe deux fonctions pour créer une application (le grand classique : une application ayant des adresses
géographiques qui sont localisées sur GoogleMap ou BingMap). Stade ultime qui en est aux premiers balbutiements techniques : la composition par l’utilisateur
lui-même.
54
L’agence du futur dans un dispositif « user centric »
JEAN-PHILIPPE
l’écosystème aux couleurs de la banque. Cela nécessite une continuité dans la relation multicanal, où le
client peut commencer un acte en un point de vente
physique ou virtuel et le finir dans un autre, et entrer à
tout moment en relation avec un ou plusieurs commerciaux. De plus, comme la composition de services
sera au cœur des écosystèmes, l’agence devra être
BLANCHARD
capable de fournir des services dépassant son propre
cadre, sans doute dans des espaces multi-fonctions
et multi-partenaires. Elle peut donc jouer sur la proximité tant géographique que numérique grâce à ses
prolongements sur le web et le mobile afin d’accroître
l’appétence de l’écosystème, et donc la fidélisation du
client. ◗
55
HORIZONS BANCAIRES
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339
–
DÉCEMBRE
2009
Les systèmes informatiques bancaires des
deux prochaines décennies opéreront dans
des environnements bouleversés.
Nous en sentons les prémices en observant
les évolutions de l’informatique individuelle.
La donne sécuritaire change en profondeur.
Plutôt que subir ce changement, il faut en
faire le moteur de la réflexion sur la sécurité
des nouveaux systèmes et en déduire
des avantages « business ».
GIL DELILLE
Directeur de la Sécurité des Systèmes d’Information,
Direction Informatique et Industrielle Groupe,
Crédit Agricole S.A.
Président du Forum des Compétences
Cinq défis sécuritaires des systèmes
d’information bancaires du XXIe siècle
Une donne sécuritaire
en plein bouleversement
s’amenuise : travail à domicile sur l’ordinateur familial,
pléthore de terminaux depuis lesquels peuvent être
passées des transactions et dont on ne pourra pas
indéfiniment garantir la compatibilité avec nos applications transactionnelles.
• L’étanchéité des réseaux des entreprises s’effrite
au fur et à mesure que les éditeurs proposent des
logiciels contournant les systèmes de sécurité qu’ils ont
parfois eux-mêmes vendus. Nos ordinateurs sont
désormais envahis de programmes communiquant
de façon permanente avec le monde extérieur.
• Le piratage, autrefois maîtrisé par quelques individus
chevronnés, est désormais à la portée de tout utilisateur
« avancé ». Les outils sont largement diffusés, que ce
soit sur Internet ou... dans les kiosques. Les logiciels
malveillants permettent la prise de contrôle à distance
d’un poste de travail et se propagent automatiquement ; les fameux pare-feux ne sont plus une panacée.
• La rentabilité économique, la part décroissante du prix
des ordinateurs par rapport à celui des infrastructures
La plupart des systèmes d’information bancaires
actuels ont été conçus dans les années 1990. Depuis
cette époque, le contexte sécuritaire a profondément
changé et tout laisse à penser que les choses vont
continuer :
• Les banques dépendent toujours plus de leurs systèmes informatiques, non seulement pour leurs opérations classiques mais également pour leurs échanges
multicanaux avec la clientèle particulière ou institutionnelle. Les frontières entre les réseaux d’entreprise
et l’extérieur, notamment l’Internet, s’atténuent rapidement : l’Internet projette ses synapses dans
l’entreprise et l’entreprise y exporte ses ressources
informatiques. Les limites entre entreprises s’estompent : joint-ventures, intérêts croisés, mutualisation
« d’usines » favorisent l’existence d’entreprises dont les
réseaux sont intimement liés à leurs multiples géniteurs.
• La frontière entre les sphères privée et professionnelle
56
Cinq défis sécuritaires des systèmes d’information bancaires du XXIe siècle
GIL
DELILLE
immobilières et logistiques, amènent des concentrations extrêmes de matériels dans quelques lieux dont
la probabilité de destruction n’est pas nulle.
• La réglementation s’est durcie et se durcira encore :
confidentialité des données, lutte contre la fraude,
traçabilité des échanges avec la clientèle, signature
électronique et, globalement, intensification du besoin
de contrôle permanent.
Dans ces conditions, l’entreprise qui conçoit maintenant un système d’information destiné à perdurer se
doit de devancer la tendance plutôt que la subir. Quels
sont les défis à relever ?
Quelles orientations pour mieux s’adapter ?
S’affranchir des faiblesses
de l’environnement « client »
Si l’on renonce au dogme imposant l’utilisation
exclusive des systèmes depuis des terminaux parfaitement contrôlés, deux voies complémentaires sont à
explorer.
L’une consiste à « virtualiser » les composants essentiels du système d’information et à n’en transmettre que
l’image. L’application bancaire s’exécute sur un
dispositif virtuel (sain, précisément contrôlé au sein
de l’entreprise), son image étant projetée sur le terminal
de l’utilisateur. Ce mode de fonctionnement soustrait
les composants du système d’information bancaire
aux comportements potentiellement hostiles des terminaux non contrôlés ; les tentatives de malveillance
(recherche de vulnérabilités, exploitation de failles techniques, détournement des transactions) buteront sur
une simple image.
L’autre voie consiste, plutôt que chercher à sécuriser
l’environnement, à faire entrer en jeu des moyens de
validation hors de portée des fraudeurs car indépendants du terminal de l’utilisateur. Il s’agit, pour toute
transaction saisie (par un utilisateur légitime ou non), de
contrôler, à différents stades de son exécution, son
auteur et l’intégrité de ses caractéristiques (par
exemple, en vérifiant que ni le montant, ni le bénéficiaire
n’ont été modifiés par rapport à ce que l’utilisateur avait
saisi).
Cette logique est en rupture avec les habitudes
acquises. Dans les systèmes actuels, les contrôles
sont trop souvent faits au début d’une session de travail puis considérés comme acquis par les systèmes
successivement impliqués, sans nouvelle vérification.
Il est ainsi possible qu’un utilisateur passe des dizaines
de transactions en n’ayant prouvé son identité qu’une
seule fois. Dans ces conditions, la tâche du fraudeur est
grandement facilitée. Cette approche était défendable
dans un environnement sain où les terminaux étaient
parfaitement maîtrisés. Garantie environnementale perdue d’avance, comme nous l’avons vu...
C’est pourquoi, avec la nouvelle voie que nous venons
de décrire, l’identité de l’émetteur et l’inaltération des
caractéristiques de la transaction sont vérifiées tout au
long de la chaîne de traitement. Un maillon de la chaîne Défi n° 1 : résister à un environnement
moins maîtrisé
De quoi s’agit-il ?
Les vers informatiques transportent des Chevaux de
Troie. Ceux-ci « squatteront » de plus en plus souvent
nos ordinateurs et ceux de nos partenaires et clients.
Ils seront de plus en plus difficiles à détecter.
Par ailleurs, force est de constater que la tactique
« traditionnelle » consistant à empêcher la diffusion,
dans l’entreprise, de logiciels communiquant constamment avec l’extérieur est battue en brèche. La téléphonie et vidéoconférence dans le PC, les outils
bureautiques centrés sur l’Internet (voire dépendant
d’Internet), les échanges d’ordinateurs à ordinateurs
(« peer to peer ») ébranlent la fragile citadelle de l’ordinateur individuel. Dans ces conditions, comment
garantir que ces logiciels ne seront jamais dévoyés ?
Par ailleurs, les techniques de prise de contrôle malveillante d’un ordinateur se sont largement répandues
et vulgarisées (des tutoriels en vidéo sont disponibles).
Enfin, le développement du travail à distance, l’utilisation d’applications depuis des sociétés dont nous ne
maîtrisons pas la sécurité, l’éventuelle externalisation
de fonctions bancaires et, bien sûr, les banques en
ligne, font que nos systèmes seront de plus en plus utilisés depuis de multiples terminaux (table intelligente,
console de jeux, smartphone, affiche interactive, etc.)
dont nous ne saurons presque rien.
L’ensemble de ces évolutions augmente le risque
d’une utilisation frauduleuse du système d’information bancaire.
57
HORIZONS BANCAIRES
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DÉCEMBRE
échappera forcément au contrôle du fraudeur. La
2009
d’interopérabilité entre systèmes d’un même groupe
mais aura d’autres retombées. Les entreprises
maîtrisant les technologies de publication de services
sécurisés seront en mesure de commercialiser leur
savoir-faire plus vite que les concurrents.
démarche s’appuie sur le scellement et sur l’une de ses
variantes, la signature électronique.
S’adapter aux évolutions du modèle
de sécurité interne
Nous faisons face à des paradoxes :
• Les réseaux internes devraient être de plus en plus
hermétiques pour contrecarrer la montée en puissance des outils de piratage.
• Les nouveaux usages bancaires (muticanal et
mobilité) et les logiques de partage d’information entre
utilisateurs (outils collaboratifs) tendent au décloisonnement des réseaux.
Partons du principe que, dans les dix prochaines
années, la segmentation des réseaux va perdre du
terrain. Certaines réflexions vont jusqu’à anticiper
l’abolition de la barrière entre Intranet et Internet. Ces
réflexions ne sont pas des vues de l’esprit : la mobilité,
les ambiguïtés sur la nature personnelle ou professionnelle des terminaux portables, les interconnexions
de réseau érodent la thèse de la ségrégation.
Dans ces conditions, il vaut mieux que les applications
destinées à durer soient conçues dans une optique de
résistance intrinsèque face à un environnement incertain. Nous avons vu qu’il fallait les empêcher d’être
dupes d’une fraude, il s’agit maintenant d’en empêcher
l’altération.
En d’autres termes, un système d’information d’avenir
est conçu pour résister d’emblée à un réseau hostile,
en particulier à l’Internet. Nous maîtrisons ce savoirfaire puisque nous plaçons des applications sensibles
sur Internet. Pourtant, pour des raisons historiques,
certains ajouteraient « financières », les développements à vocation interne ne bénéficient pas des
mêmes égards. La construction d’un système d’information moderne est l’occasion de rompre avec
cette inconsistance.
Un système d’information moderne ne comptera plus
sur l’herméticité des réseaux pour garantir sa propre
intégrité. La reconnaissance des serveurs entre eux, par
recours à la cryptographie, permettra le passage
d’ordres sécurisés, via des interfaces pourtant
accessibles depuis des réseaux publics, « entreprise
étendue » oblige. Réussir ce tournant sera un gage
Défi n° 2 : survivre au pire
De quoi s’agit-il ?
La dépendance des entreprises vis-à-vis du système
d’information s’accroît sans relâche. Il s’agit donc :
• De concevoir les infrastructures informatiques pour
qu’elles résistent à la panne d’un composant.
• De prévoir l’hypothèse selon laquelle ces infrastructures, dites résilientes, pourraient elles-mêmes subir
une défaillance logique qui corromprait les données
nominales et leur sauvegarde.
Nous savons que beaucoup d’efforts sont consacrés
à la résilience. Le premier cas (panne d’un composant)
est, en général, pris en compte dès la conception des
systèmes. Il s’agit de doubler un composant sensible
par un « miroir ». En revanche, le traitement de scénarios de corruption ou de destruction logique de
données dans ce type d’environnement peut poser
problème et en particulier la copie simultanée des
données entre le composant et son « miroir ».
En outre, la concentration, voire la mutualisation, des
infrastructures de calcul et de stockage réduisent la
tolérance aux aléas d’un redémarrage en cas de
sinistre.
Comment améliorer la capacité
de reprise en cas de sinistre ?
Lorsque plusieurs banques victimes d’un sinistre de
centre informatique attendent la reconstruction des
données d’un système d’information vital, il s’agit de
connaître :
• (dans le cas d’une remise en ligne de données sauvegardées en temps réel), le délai de remise en ligne
prenant en compte le temps de vérification de l’état
d’exécution et de l’intégrité des transactions qui étaient
en cours au moment de l’incident ;
• (dans le cas d’une reconstruction des données après
une destruction logique par bug ou malveillance des
58
Cinq défis sécuritaires des systèmes d’information bancaires du XXIe siècle
GIL
DELILLE
données et de leur copie instantanée), le délai de
restauration des données à partir d’une sauvegarde,
incluant le délai de vérification de l’état des données et
du statut des transactions depuis la dernière sauvegarde exploitable ainsi que le délai de reconstitution
manuelle des données perdues entre le moment de la
sauvegarde et l’instant de l’incident.
Un système d’information moderne doit être conçu
pour maîtriser ces deux problématiques.
S’en déduisent de multiples caractéristiques souhaitables :
• une résilience portant sur les données mais aussi sur
la capacité de traitement (processeurs) pour favoriser
le maintien, sans interruption, de l’activité et limiter le
délai d’indisponibilité lié à la validation des données et
des transactions ;
• une identification des transactions, de bout en bout,
inter-systèmes, probablement inter-entreprises, pour
faciliter l’examen de l’état de finition des transactions
interrompues par le désastre et partiellement propagées dans les chaînes de systèmes de traitement ;
• la production, dans le même but, de traces suffisamment riches et compréhensibles ;
• des performances de sauvegarde/restauration (capacité et temps de reconstitution des données) en rapport, de manière vérifiée (tests), avec les exigences des
métiers.
Un système d’information moderne doit proposer une
gestion de la sécurité qui favorise cette agilité.
Comment favoriser l’agilité ?
Comme vu précédemment, le système d’information
idéal, conçu pour œuvrer en environnement « incertain »,
pourra être mis à la disposition de tiers via des réseaux
ouverts. La question de l’ouverture, sans risque
d’utilisation réussie du système par des indésirables,
étant réglée, il s’agit maintenant de maîtriser le
processus selon lequel les droits d’accès seront gérés
en particulier par des partenaires. Il y aura divers cas
de figure à traiter :
• délégation, ou non, de la gestion des accès par le
propriétaire du système d’information ;
• délégation des contrôles.
Pourquoi externaliser si l’on ne tire pas la quintessence
de cette externalisation, en particulier, si l’on gère,
dans le détail, les accès des tiers ? Il faut donc, dans
un cadre contractuel bien conçu et responsabilisant
l’entreprise partenaire, ouvrir la voie à la délégation
de l’administration des droits d’accès détaillés.
Mais le fait de sous-traiter ne dégage pas des
responsabilités (textes réglementaires relatifs aux
prestations de services essentiels externalisées).
Lorsque le système d’information est rendu accessible
à autrui, la maîtrise des opérations reste une
obligation.
Défi n° 3 :
favoriser l’agilité du business
Les systèmes d’information modernes doivent donc
anticiper l’émergence d’une entreprise composite : ils
devront permettre la délégation de l’administration
d’un domaine à des tiers tout en autorisant un contrôle
précis des opérations par le propriétaire du système
d’information.
De quoi s’agit-il ?
On peut estimer que les activités bancaires devraient
évoluer davantage dans les quinze prochaines années
qu’elles n’ont changé dans le passé :
• les acquisitions et/ou reventes s’intensifieront pour
s’adapter rapidement aux évolutions des marchés ;
• la localisation des activités sera révisée régulièrement
(centralisation ou décentralisation de back-offices,
délégation de prestations essentielles à des sociétés
tierces...) ;
• les co-entreprises se multiplieront ainsi que les
partenariats avec des entreprises tierces (mise à
disposition de services, etc).
Nous avons vu qu’une banque doit garder un œil sur
l’activité en cas de sous-traitance de ses activités.
Allons plus loin et considérons maintenant que les
systèmes puissent servir de base à l’activité de tiers
auxquels seraient proposés des services.
Il faudrait alors que les entreprises tierces disposent de
moyen de contrôle de leurs propres activités et d’une
vue sur la liste des personnes ayant accès à leurs
données.
59
HORIZONS BANCAIRES
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–
DÉCEMBRE
Si un groupe bancaire souhaitait se positionner comme
2009
Nous constatons aussi que des comportements
anormaux (prêt d’identifiant, sans que cette
délégation soit consignée) sont induits par une
conception inadéquate des systèmes qui ne
permettent pas, sauf rare exception, la délégation
temporaire d’une activité. Ces mécanismes de délégation deviendraient nécessaires, quoi qu’il en soit,
si le recours à la biométrie se développait (on peut
« prêter » son mot de passe, mais pas son empreinte
digitale ou son iris !).
offreur de services hébergés, les choses seraient plus
aisées si ses systèmes assuraient, au tiers, des
garanties de confidentialité des données vis-à-vis de
l’hébergeur technique et de l’administrateur central.
Seul un design particulièrement soigné le permet.
Défi n° 4 :
faciliter l’exercice du contrôle
De quoi s’agit-il ?
Les exigences de contrôle permanent s’accroissent
constamment mais il n’est pas rare que le contrôle
s’exerce sans que des fonctionnalités spécifiques
soient prévues dans les systèmes. Il s’appuie donc sur
des moyens marginaux (extraits bruts, rapprochement
manuel d’informations collectées depuis divers
éléments du système d’information, etc.).
Or, à l’instar de toute autre activité, le contrôle
permanent, exercé par des milliers de personnes,
devrait pouvoir s’appuyer sur des fonctionnalités visant
à faciliter son exercice. Il y va de la faisabilité du
contrôle mais aussi de son efficacité. Dans un univers
réglementé, le contrôle fait partie intégrante du
business ; il est nécessaire de le doter d’outils
adéquats, bien intégrés ; c’est devenu un enjeu de
productivité pour l’entreprise.
Défi n° 5 : répondre à l’accroissement
des exigences
De quoi s’agit-il ?
Si nous résumons la somme des exigences issues
des autorités de tutelles, des législations en vigueur ou
des grands opérateurs (Visa et Mastercard), et qui
influencent directement la politique de sécurisation du
système d’information, il s’agit très grossièrement de :
• mieux protéger les données au nom du secret
professionnel ou de la protection de la vie privée
(Loi n° 2004-801 modifiant la loi n° 78-17) ;
• pratiquer la catégorisation de la clientèle pour les
opérations de marchés (MIF) ;
• prévenir la fraude (CRBF 9702 modifié par décret de
janvier 2009) ;
• pratiquer la signature électronique ;
• assurer la protection avancée des données liées aux
cartes bancaires (PCI-DSS).
Comment faciliter l’exercice du contrôle ?
Le système d’information moderne intègre des fonctions visant à faciliter le contrôle permanent :
• production de traces lisibles par les métiers sans
recours au savoir-faire des informaticiens ;
• mise à disposition de fonctions spécialement conçues
pour le contrôle ;
• prise en compte de besoins d’utilisateurs, relatifs à
la sécurité, pour éviter les comportements générateurs de risques (prêt d’identifiant et d’authentifiant).
Pour éviter l’enfreinte à la réglementation par le recours,
hors de toute traçabilité, à des expertises techniques
pour obtenir la correction de données erronées, un système d’information bien pensé devrait aussi permettre
les « opérations bistouri » sur les données tout en
produisant les traces nécessaires.
Comment ?
Nous n’aborderons pas les exigences de la MIF qui se
traduisent par une revue fonctionnelle des processus
« métier », ni la prévention de la fraude et la signature
électronique abordées supra.
Il reste la question d’une meilleure protection des
données (données à caractère personnel, données
liées aux cartes bancaires). Il est manifeste que la
seule gestion rigoureuse des droits d’accès ne suffira
pas indéfiniment. De plus en plus, les autorités ou
fournisseurs incontournables spécifient la nature des
moyens à mettre en œuvre et en particulier le recours
au chiffrement.
60
Cinq défis sécuritaires des systèmes d’information bancaires du XXIe siècle
GIL
DELILLE
Un système d’information moderne se doit donc d’intégrer des solutions cryptographiques qui, lorsqu’elles
sont bien conçues, s’appuient sur des infrastructures
globales, en particulier une Infrastructure de Gestion de
Clefs Publiques. Cette infrastructure étant nécessaire
à la signature électronique, déjà évoquée, son retour
sur investissement n’est pas exclusivement basé sur
la confidentialité.
Le chiffrement doit être étudié globalement : de l’unité
de stockage du micro-ordinateur de l’utilisateur (collaborateur ou client) aux dispositifs de sauvegarde
centralisés. Le but est de dissocier la capacité
d’intervenir techniquement sur les systèmes et la capacité d’exploiter les données qui y sont stockées, en
d’autres termes : soustraire les données des métiers
à la convoitise d’un informaticien peu scrupuleux.
Un système d’information ayant vocation à traverser les
années 2010-2020 ne peut éluder la question de la
cryptographie, harmonieusement intégrée à chacun de
ses maillons.
Conclusion
Relever ces cinq défis dès à présent, lors de la
conception de chaque nouveau composant du
système d’information, permettra d’anticiper les
risques futurs plutôt que de les subir. Un système
hautement interopérable, apte à tirer parti des réseaux
ouverts, s’accommodant de tout type de terminal,
résistant aux environnements hostiles, propice à
l’évolution de l’entreprise et des marchés n’est pas
antinomique de sécurité, bien au contraire. Dans
l’intervalle, il nous faut encore bichonner nos anciens
systèmes d’information, donc les environnements
réseaux et les postes de travail qui y accèdent...
chaque chose en son temps. La vitesse de concrétisation des systèmes « tout terrain », garants de la
malléabilité des offres business et des grands
partenariats des décennies à venir, sera proportionnelle
à la conviction dont les métiers feront preuve dans
leurs expressions de besoins. Chaque occasion de
progresser devra être saisie ! ◗
61
HORIZONS BANCAIRES
NUMÉRO
339
–
DÉCEMBRE
2009
Plus de 200 ans de pratique et de règles
issues du code Napoléon de 1804 sont
malmenés par l’irruption des nouvelles
technologies dans la vie quotidienne.
Revue des évolutions du droit dans
la banque de détail.
STÉPHANE HENRY
Direction des affaires juridiques
Crédit Agricole S.A.
Le droit bancaire à l’épreuve
des nouvelles technologies
LA BANQUE DE DÉTAIL connaît depuis une dizaine
d’années des évolutions technologiques majeures
dues principalement au développement spectaculaire
d’internet et des nouveaux moyens de communication
en ligne, ainsi qu’à la transformation des mentalités et
des comportements.
Il ne s’agit pas là d’un phénomène passager : la perspective d’un fort potentiel de développement pour les
entreprises, conjuguée à un engouement croissant
des particuliers pour l’utilisation des nouvelles technologies dans leur vie quotidienne, montrent qu’il s’agit
d’un mouvement en profondeur qui va marquer, voire
révolutionner, nos habitudes pour les années à venir.
Cette mutation de l’économie traditionnelle vers l’économie numérique entraîne dans son sillage toutes les
professions, même les plus traditionnellement conservatrices comme le notariat, qui est cependant la pre-
mière à s’être dotée d’une signature électronique
sécurisée, pierre angulaire de la dématérialisation des
contrats.
Pour que cette projection soit parfaite et se concrétise,
il est indispensable que les personnes physiques aient
confiance dans l’utilisation des nouvelles technologies
et que disparaisse progressivement dans l’inconscient
collectif ce sentiment que le commerce électronique est
une zone de non droit et d’insécurité.
Les tribunaux ont très vite apporté une première
réponse en transposant les règles juridiques existantes
lorsque cela était possible. Toutefois, certains verrous
ne pouvaient être levés que par l’intervention du législateur tant la mutation est profonde, notamment quand
il s’agit de modifier plus de 200 ans de pratique et des
règles issues du code Napoléon de 1804.
Nous verrons successivement les principaux domaines
62
Le droit bancaire à l’épreuve des nouvelles technologies
STÉPHANE
du droit qui, sous l’effet de l’introduction des nouvelles technologies dans la banque de détail, ont déjà
ou vont progressivement évoluer.
HENRY
forme dématérialisée dès leur émission (« e-facture »,
« e-relevé », « e-bulletin de salaire ») sans que le
client ne puisse remettre un original papier si la
banque le lui demande. Non encore véritablement
entrée dans les habitudes et retranscrite dans les
procédures, cette situation devrait à terme conduire
la banque à accepter et à conserver ces « e-documents » dans ses dossiers clients comme justificatifs
de ses contrôles. Toutefois, la banque devra au préalable s’assurer techniquement que ces documents
sont authentiques.
La réglementation bancaire
et la connaissance du client
Le développement des nouvelles technologies, parce
qu’elles permettent la réalisation d’opérations bancaires par un moyen de communication en ligne,
conduit les établissements de crédit à s’interroger sur
la façon dont ils vont pouvoir s’acquitter de leurs obligations de vigilance et de contrôle imposées par la
réglementation bancaire, et plus particulièrement en ce
qui concerne les règles du KYC (Know your customer).
L’identification des clients est une obligation fondamentale pour la banque, notamment au regard de la
réglementation relative à la lutte contre le blanchiment
des capitaux et le financement du terrorisme, et pour
prévenir les fraudes en général. Dans le cas contraire,
elle risque de voir sa responsabilité engagée.
Traditionnellement, la relation en face à face permet à
la banque, avant de nouer une relation contractuelle ou
d’assister son client dans la préparation ou la réalisation
d’une transaction, de vérifier l’identité de son
co-contractant par la présentation de tout document
écrit probant et de conserver la trace de son contrôle.
L’application fidèle de ces règles conduit les établissements de crédit désireux d’effectuer ces opérations
en ligne à devoir adapter, voire différer leur réalisation
en attendant une évolution prochaine des technologies,
dès lors que la banque ne peut effectuer ses contrôles
dans des conditions satisfaisantes.
Ainsi, il serait aujourd’hui hasardeux de procéder à
l’ouverture en ligne d’un compte à un prospect en
l’absence de production d’un justificatif d’identité fiable
comme le serait la carte nationale d’identité électronique promise par les autorités pour bientôt, et qui
permettrait d’attester sans autre formalité et production de justificatifs de son identité, en bénéficiant de la
présomption légale attachée à ce type de document.
Quant aux autres pièces justificatives que la banque
doit demander, figurent les justificatifs de domicile et
les documents permettant de vérifier les déclarations
du client (relevé bancaire, bulletin de salaire, avis
d’imposition…) qui prennent de plus en plus une
Le secret bancaire et la sécurité des
systèmes d’informations de la banque
L’évolution permanente des techniques, leur maîtrise
quelquefois imparfaite par les utilisateurs et surtout
l’apparition de pirates informatiques de plus en plus
affûtés, posent sous un éclairage nouveau le problème du secret bancaire.
L’établissement de crédit devra en permanence lutter
contre toutes les formes d’intrusion frauduleuse ou
malveillante dans ses systèmes d’informations, mais
également être particulièrement vigilant quant à sa
propre maîtrise des outils informatiques afin de garantir le secret bancaire et d’éviter que des internautes
aient accès en ligne à des comptes de tiers.
Le droit a dû évoluer afin de prendre en compte les
nouvelles pratiques bancaires, en reconnaissant la
validité de l’utilisation d’un code confidentiel comme un
élément d’authentification du porteur d’une carte bancaire ou du titulaire d’un compte en ligne, permettant
de lui attribuer la paternité d’une opération et laissant
reposer sur ses épaules la garde de ses identifiants et
les conséquences d’une usurpation de ceux-ci.
Avec le développement des nouvelles technologies
et des risques inhérents à leur utilisation, nous constatons de la part des différents acteurs, qu’il s’agisse des
banques, des autorités de contrôle, des tribunaux,
voire même des clients, un aveu d’impuissance face
aux risques technologiques et, par voie de conséquence, la nécessité de composer avec les principes
jusque-là établis.
La banque informe aujourd’hui très clairement ses
clients dans ses contrats, sa documentation et ses sites
en ligne des risques inhérents à l’utilisation des 63
HORIZONS BANCAIRES
NUMÉRO
339
–
DÉCEMBRE
nouvelles technologies et elle insiste particulièrement
2009
cipalement sur la suprématie de l’écrit-papier, qu’il
s’agisse du régime de la preuve ou de la validité de certains actes, cette introduction ne pouvait avoir lieu
sans l’intervention du législateur. Les bases juridiques
indispensables au développement de l’économie
numérique ont été données par la loi pour la confiance
dans l’économie numérique du 21 juin 2004 (LCEN).
Ce texte reconnaît, sous réserve de satisfaire à certaines exigences techniques, la validité juridique de la
signature électronique et de l’écrit électronique, les
hissant au même rang que la signature manuscrite et
l’écrit-papier.
En ouvrant cette brèche abyssale, le législateur ne
pouvait reprendre l’ensemble des textes où il est fait
référence à l’écrit-papier ou à des procédures
empreintes de matérialité. Avec sagesse et au-delà
même de toutes espérances, il va donc préciser à
l’article 1369-10 du Code civil que « lorsque l’écrit sur
papier est soumis à des conditions particulières de lisibilité ou de présentation, l’écrit sous forme électronique
doit répondre à des exigences équivalentes ». Dans
cette course technologique, le droit passe ainsi le
relais aux spécialistes des nouvelles technologies pour
trouver, mais également pour renouveler, les dispositifs techniques jugés équivalents en termes de finalité
et de sécurité. Dans certains cas, le législateur doit
néanmoins apporter certaines précisions. Ainsi,
l’exigence d’un formulaire détachable est satisfaite
par un procédé électronique qui permet d’accéder au
formulaire et de le renvoyer par la même voie. En
matière de pluralité d’exemplaires, la condition est
satisfaite sous la forme électronique si l’écrit peut être
imprimé par le destinataire. La mention manuscrite
(art.1326 du Code civil) est remplacée dans le texte par
une mention écrite « par lui-même » laissant aux spécialistes des nouvelles technologies le soin de mettre
en place un dispositif technique répondant aux exigences légales.
Forte de ces adaptations législatives indispensables, la
banque de détail s’attache à les mettre en application
en recherchant, opération par opération, celles que la
banque peut effectuer en ligne et en vérifiant, par rapport au régime légal de la preuve ou de la validité des
actes, le niveau de sécurité requis pour déterminer le
dispositif technique qui sera utilisé, tant pour la signa-
sur les précautions à prendre.
En présence d’une clientèle désormais avertie et sensibilisée, la banque mettra conventionnellement à la
charge de son client des obligations technologiques
d’installation et de mise à jour régulière de son équipement informatique et de ses « antivirus » et « firewalls »,
et le soumettra à des conditions d’utilisation de ses
services. Elle exclura sa responsabilité en cas d’accès
à son site bancaire depuis un cybercafé ou un
équipement dont le client n’a pas la totale maîtrise, ou
encore en cas de connexion à partir d’une borne wifi
sans mise en sécurité préalable de son matériel.
En matière de secret bancaire, et sans que l’on puisse
véritablement parler d’un assouplissement des règles,
il suffit de constater que la banque, pour dégager sa
responsabilité, devra seulement démontrer qu’elle n’a
pas commis d’erreur et qu’elle a déployé les moyens
techniques nécessaires et suffisants correspondant à
l’état de l’art à un moment donné et compatibles avec
le niveau de ses obligations.
Lorsqu’il est impossible de répartir les responsabilités
face à des cas de fraude liés à l’utilisation des nouvelles
technologies, et afin d’instaurer la confiance, le législateur n’hésite pas à intervenir en faveur du consommateur souvent impuissant à se défendre, en créant
des présomptions irréfragables (interdisant la preuve
contraire) ou simples (renversant la charge de la
preuve).
Ainsi, la loi dégage le client en cas de contestation, de
toute responsabilité pour les paiements par carte effectués sans utilisation physique de celle-ci (art.L 132-4
du Code monétaire et financier). Dans le domaine de
la signature électronique, l’utilisation d’une signature
« sécurisée » bénéficie d’une présomption de fiabilité
mettant à la charge de celui qui en conteste la validité
le soin d’en apporter la preuve.
Preuve des obligations
et conditions de validité des actes
L’introduction des nouvelles technologies dans la
banque de détail conduit celle-ci à réexaminer toutes
les opérations dont elle souhaite la dématérialisation,
afin de s’assurer qu’au regard des textes en vigueur ce
processus est juridiquement possible. Reposant prin-
64
Le droit bancaire à l’épreuve des nouvelles technologies
STÉPHANE
ture que pour l’archivage électronique des documents.
Désormais, sous réserve de quelques exceptions en
nombre limité pour lesquelles le législateur n’a pas
souhaité autoriser la dématérialisation en raison de la
solennité qu’il attache à certains actes peu compatibles
avec la rapidité de décision qu’engendrerait leur dématérialisation (droit des successions, droit de la famille et,
dans le domaine bancaire, garanties et sûretés non
professionnelles), tous les actes sous seing privé peuvent être dématérialisés.
HENRY
obligation d’information et de conseil qui dans certains
domaines est particulièrement importante et parfois difficile à réaliser en raison du caractère inadapté des supports, comme la taille réduite de l’écran d’un téléphone portable.
Lorsqu’elle est en mesure de délivrer ce conseil ou
cette information, la banque devra conserver la preuve
de la diligence accomplie, en encadrant notamment
leur diffusion et en conservant la trace informatique des
différents consentements recueillis.
Selon la technologie employée, il pourra s’avérer difficile de communiquer toute l’information et le conseil
nécessaires, de sorte que la banque devra recourir à
d’autres moyens de communication pour y satisfaire,
ce qui dans certains cas peut limiter considérablement le recours à diverses technologies de communication en ligne pour la commercialisation de certains
produits ou services bancaires.
Droit de la consommation
et droit bancaire
L’apparition de nouveaux modes de commercialisation
à distance autres que ceux traditionnels a conduit le
législateur et les autorités de contrôle à veiller à ce que
le consommateur ne soit pas privé des règles de
protections habituelles, et à prévoir de nouvelles
dispositions destinées à renforcer la confiance des
consommateurs.
Ce renforcement de la confiance passe en premier lieu
par l’information du consommateur sur l’établissement de crédit. La loi pour la confiance dans l’économie numérique oblige la banque, comme tout cybercommerçant, à indiquer en toute transparence et de
façon accessible les informations permettant de l’identifier clairement, d’informer les tiers du statut et des
règles professionnelles qui lui sont applicables et de
pouvoir être joint directement.
Parce qu’elle bouleverse les habitudes, l’utilisation des
nouvelles technologies peut être source d’erreurs et
d’appréhensions, voire d’inattentions conduisant le
consommateur à préférer les moyens traditionnels
pour les actes pouvant l’engager. Aussi, pour les
accompagner dans l’usage des nouvelles technologies,
le législateur est intervenu en précisant dans le Code
civil, sous l’article 1369-1, la façon dont se forme juridiquement un contrat sous forme électronique, en
énumérant les informations qui doivent être communiquées et les différentes étapes qui doivent être suivies afin que le consommateur puisse être parfaitement
informé et puisse contrôler de bout en bout l’ensemble
du processus contractuel.
Le législateur comme la jurisprudence mettent à la
charge du banquier, surtout en banque de détail, une
Informatique et libertés
L’activité bancaire, et en particulier la banque de détail,
est devenue du fait des évolutions technologiques un
secteur particulièrement sensible et porteur de risques
pour les libertés individuelles, tant la banque traite de
données à caractère personnel.
La facilité des interrogations et interconnexions de
fichiers que permettent aujourd’hui ces nouvelles technologies conduit, plus que par le passé, à collecter et
traiter un nombre important de données dont le caractère intrusif dans la vie privée ne manquerait pas d’inquiéter les citoyens si, d’une part, des mesures de cloisonnement n’étaient pas mises en place par les
responsables conformité des établissements de crédit
et si, d’autre part, la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, modifiée par la
loi du 6 août 2004, n’imposait pas le respect de principes fondamentaux.
Le secteur bancaire est d’ailleurs l’un des secteurs où
les contrôles de la Commission informatique et libertés (CNIL) sont les plus importants, qu’il s’agisse des
contrôles préalables par le biais des demandes d’autorisation avant mise en œuvre d’un traitement, ou
des contrôles a posteriori.
La vigilance de la CNIL s’exerce particulièrement sur les
points suivants :
65
HORIZONS BANCAIRES
NUMÉRO
339
–
DÉCEMBRE
• le droit à l’oubli, principe qui oblige la banque à ne
2009
vers des pays non membres de l’Union européenne qui
seraient considérés comme « non adéquats » en
termes de protection ;
• la communication non autorisée de données à des
tiers. Outre la cession volontaire de données sans
autorisation, la CNIL contrôle et sanctionne de plus en
plus toutes les atteintes à la sécurité et à la confidentialité des données, quelle qu’en soit la forme : non respect des règles d’habilitation, absence de code d’accès, système de sécurité insuffisant ou inadapté. Cette
atteinte à la sécurité et à la confidentialité des données
est en effet aujourd’hui un risque majeur dans un
contexte de développement technologique, où les
données se dupliquent et se stockent aisément. ◗
plus conserver dans ses traitements actifs des données
de clients, passé un certain délai, afin d’éviter tout
risque de stigmatisation ;
• le droit d’accès et de rectification, qui permet à une
personne physique de connaître les raisons qui sous
tendent une décision prise à son encontre ou d’en corriger les éventuelles erreurs ;
• l’interdiction du détournement de finalité, corollaire du
principe de loyauté, qui interdit l’utilisation d’une donnée à d’autres fins que celle pour laquelle elle a été collectée et traitée ;
• la garantie de la mise en œuvre d’un régime de protection des données en cas de transfert des données
66
HORIZONS BANCAIRES
N U M É R O
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D É C E M B R E
2 0 0 9
Les technologies qui ont fait émerger puis
croître le monde numérique depuis cinquante
ans continuent de progresser.
Une nouvelle ère paraît s’ouvrir alors que
plus de 4 milliards d’individus vont disposer
d’outils toujours plus puissants et
communicants facilitant l’usage de services
plus nombreux et innovants.
ALAIN ARGILE
Direction des études économiques,
études industrielles et sectorielles
Crédit Agricole S.A.
L’avenir à 50 ans
Un peu d’histoire
pour éclairer l’avenir
L’ère numérique a 50 ans : elle est née quand deux
ingénieurs américains, Jack Kilby (Texas Instruments)
et Robert Noyce (Fairchild Semiconductors) ont réalisé les premiers circuits intégrés. La lignée la plus riche
fut celle de Noyce, qui utilisait le silicium comme matériau semi-conducteur. Il créa Intel en 1968 avec Gordon
Moore, auteur de la « loi » éponyme qui, en affirmant
que le nombre de transistors sur une puce de silicium
double tous les deux ans, explique la « numérisation »
progressive des appareils électroniques. D’abord les
ordinateurs diminuèrent de taille tout en étant capables
de réaliser un nombre toujours plus grand d’opérations
sur les données. Vinrent ensuite le son numérique et les
« compact-disc » qui ont renvoyé les vinyles à leurs
pochettes, puis les images éliminant le film argentique
du marché en moins d’une dizaine d’années.
ment autorisé, Microsoft lance Windows 95, premier
système d’exploitation grand public, et le navigateur
1. La simultanéité du développement des nouvelles technologies et de la déréglementation des secteurs des télécommunications et de la finance explique d’ailleurs
l’explosion de la « bulle » au début des années 2000.
67
▼
C’est à la même époque que les découvertes de
C. K. Kao, pour lesquelles il a reçu le prix Nobel en
2009, ont ouvert l’ère de l’optique dans les télécommunications. La capacité de transmission des fibres
optiques explose alors, donnant naissance au concept
« d’autoroutes de l’information ». Parallèlement, la
commutation de circuits cède la place à la commutation de paquets qui va progressivement sonner le glas
des systèmes propriétaires – et donc coûteux – du
monde des télécommunications. La première liaison est
établie pour les militaires américains en 1969. Désignant
initialement un protocole de communication, Internet
devient l’appellation générique du réseau quand
Arpanet fut progressivement ouvert aux universitaires
puis au grand public. L’année 1995 est un tournant
majeur1. L’usage commercial d’Internet est définitive-
HORIZONS BANCAIRES
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3 3 9
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D É C E M B R E
graphique de Netscape permet de surfer facilement sur
2 0 0 9
Toujours plus
Ce court résumé historique permet de mesurer l’extraordinaire chemin parcouru ce dernier demi-siècle
(cf. figure 1). Il montre également deux tendances
majeures :
• La loi de Moore permet la miniaturisation des produits
et la baisse de leur prix : ils deviennent portables et
accessibles à un nombre toujours croissant de personnes. De quelques dizaines de milliers d’utilisateurs
en 1980, on en est à plusieurs milliards en 2008, d’où
un cercle vertueux toujours à l’œuvre.
• Le développement des télécommunications, car
tous ces produits et les individus qui les portent, sont
désormais connectés et à des débits toujours plus
élevés2.
Le motto inventé par Ericsson devient donc réalité :
l’accès à tout, n’importe où et n’importe quand3. Les
hauts débits sont en effet apparus sur les réseaux fixes
ce que tout le monde désigne désormais par
l’acronyme « www », ou toile mondiale WorldWideWeb.
L’histoire de la téléphonie mobile débute également à
la toute fin des années 1950, quand Ericsson lance en
Suède le premier service automatique de ce nouveau
mode de communication. Le terminal pèse alors 40 kg
et le service comprend jusqu’à 600 abonnés dix ans
plus tard. La première génération réellement portable naît
aux États-Unis chez Motorola dans les années 1970 ;
la deuxième génération devient numérique en Europe
au début des années 90. Les appareils sont de plus en
plus performants mais aussi de plus en plus légers et
de moins en moins chers. Avec plus d’1,1 milliard
d’unités vendues en 2008, c’est désormais l’appareil
électronique le plus vendu dans le monde. On recense
aujourd’hui plus de 4 milliards d’abonnés, dont 3 milliards dans les pays émergents (cf. graphique 1).
G RAPHIQUE 1. Base installée de téléphones mobiles et pourcentage des smartphones dans les ventes annuelles
5 000 000
45 %
4 500 000
40 %
4 000 000
35 %
3 500 000
30 %
3 000 000
25 %
2 500 000
20 %
2 000 000
15 %
1 500 000
10 %
1 000 000
5%
500 000
0%
0
2003
2004
2005
2006
Base installée
2007
2008
Ventes annuelles
2009
2010
2011
2012
2013
% Smartphones
Source : Gartner
2. Alcatel Lucent a récemment battu le record mondial en acheminant 155 canaux transportant chacun 100 Gbit/s de données, soit au total 15,5 Tbit/s, sur
7 000 km. Ceci équivaut à la transmission du contenu de 400 DVD en 1 seconde entre Paris et Chicago.
3. “Anything, Anywhere, Anytime”, motto d’Ericsson.
68
L’ a v e n i r à 5 0 a n s
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A R G I L E
à partir de 2000 et la masse critique dépassée vers
2005, provoquant une explosion de l’usage et des
usages d’Internet. Ce saut qualitatif est également
en passe d’être franchi par les réseaux mobiles : les
dernières versions 3G4 permettent des débits de plu-
véritables « couteaux suisses » numériques et portables, accèderont à Internet via des débits de 50 à 100
Mbits/seconde sur 80 % de la surface du monde habité. Le marché potentiel des différentes déclinaisons
(smartphones, consoles de jeux, navigateurs, lecteurs
audio ou vidéo, tablettes PC...) pourrait dépasser les
10 milliards d’unités.
sieurs Mbits/seconde, du même ordre de grandeur
que ceux obtenus sur les réseaux fixes. Une nouvelle révolution de l’usage est donc en cours avec des
produits emblématiques comme l’iPhone d’Apple,
dont l’ergonomie et la convivialité ont rendu facile
l’accès des téléphones mobiles à Internet, et sans
doute comme la future « iTablet » du même Apple
qui devrait être lancée en 20105.
Le monde numérique chemine rapidement. Et même
si les progrès sont amenés à ralentir – on se rapproche
des limites physiques théoriques de l’électronique sur
silicium – la tendance restera la même. À échéance cinq
à dix ans, des appareils compacts et multifonctions,
Tous ces terminaux feront appel à la mémoire et aux
capacités de calcul d’ordinateurs et de serveurs répartis dans le monde et liés par Internet selon le concept
de « l’informatique dans le nuage » (cloud computing).
Il concrétise, vingt ans après, la vision de Scott McNealy,
fondateur de Sun6, pour qui « l’ordinateur c’est le
réseau »7. Des datacenters rassemblant des centaines
de milliers de serveurs, reliés entre eux par des liaisons
optiques à très haut débit, seront à la disposition des
entreprises et des particuliers via un simple naviga- F IGURE 1. Monde numérique : moments clefs
Nombre
d’utilisateurs
Anything
Anywhere
Anytime
Téléphonie mobile 3G
données bas débit
Téléphonie mobile 1G
analogique
10 mds
Téléphonie mobile 2G
numérique
Mobile Internet haut débit
1 md
200 m
Ordinateurs portables
connectés sans fil
100 k
1980
Ordinateurs
personnels
Ordinateurs personnels
connectés Internet
1995
2005
2010
4. 3,5 G HSDPA ; 3,75G HSPA.
5. Pas plus que l’iPhone n’a été le premier « smartphone », l’«iTablet « ne sera pas la première du genre. Toshiba et le Français Archos ont déjà mis sur le marché des
produits de ce type. Mais ils ne possède pas l’« Apple Touch »...
6. Acquisition en cours par Oracle dont le PDG, Larry Ellison, partageait alors la même vision alimentée par une opposition commune virulente à Microsoft.
7. “The network is the computer”.
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HORIZONS BANCAIRES
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2 0 0 9
F IGURE 2. Nuage de mots clefs (Tag Cloud) du Web 2.0
Source : http://images.google.fr
teur. Avec le cloud computing, l’informatique se rap-
techniques. Tous les progrès dans la capacité de calcul
et les débits de connexion n’ont débouché sur une
explosion de l’usage que par les améliorations apportées
à la facilité d’utilisation et à l’élaboration de nouvelles
applications. Le terme (marketing) de Web 2.09 rassemble des technologies centrées sur l’utilisateur, qui
ont fait du web un outil relationnel (cf. figure 2).
Dans le « Web 2.0 », l’internaute n’est plus seulement
un consommateur passif, il devient acteur et acquiert
de facto un nouveau pouvoir10. Les contenus créés par
les utilisateurs envahissent la toile : vidéos sur YouTube
ou DailyMotion11, blogs (20 millions recensés, dont
420 000 permettraient à leurs auteurs d’être rémunérés)
ou encore Wikipédia, encyclopédie où chacun peut
contribuer à la rédaction d’articles (elle compterait
désormais 13 millions d’articles en 250 langues).
L’industrie des médias traditionnels est menacée12.
proche de l’électricité ; la puissance de calcul devient
une commodité à laquelle on accède en se « connectant » sur le Web et que l’on paie à l’usage. Abaissement
des barrières à l’entrée (plus besoin d’acheter des
matériels et des logiciels) et puissance disponible
ouvrent le champ des applications possibles. Les applications de partage de photos, l’utilisation de logiciels
comme des services (SaaS8), ou encore les jeux en ligne
en sont les premiers exemples. Amazon d’abord,
Google ensuite et progressivement tous les grands
acteurs (américains) de l’informatique et de l’Internet ont
développé des offres techniques et commerciales pour
les entreprises, mais aussi pour les particuliers.
L’iPhone montre que le succès d’un produit dépend plus
de son design, de la facilité d’utilisation et de la richesse des applications portées que de ses performances
8. Software as a Service.
9. Tim O’Reilly : http://oreilly.com/web2/archive/what-is-web-20.html
10. Voir sur ce sujet : « Le nouveau pouvoir des internautes », M.E. Carrasco, F.X. Hussher, C. Hussher (Timée Edition, 2006) ; « Comment le Web change le
monde », par F. Pisani, D. Piotet (Pearson, 2008).
11. Ces sites ont démontré leur puissance en diffusant les dérapages verbaux de responsables politiques.
12. Voir Éclairage n° 137 : Laurent Collet, « La presse voit son avenir en ligne ». http://etudes-economiques.credit-agricole.com
70
L’ a v e n i r à 5 0 a n s
A L A I N
A R G I L E
Autre phénomène à noter, le monde s’horizontalise. Les
réseaux d’individus s’organisent avec des lieux de
partage et d’échange. Le premier réseau social mondial, Facebook, compte ainsi plus de 300 millions de
membres. Quant à Twitter, qui se développe sur les
mobiles, il en compterait 18 millions à fin 2009.
De même, une multitude de nouveaux services émergent. Ils tablent toujours sur la désintermédiation mais
y ajoutent les atouts du Web 2.0 : facilité d’usage, création de communautés et participation active des
internautes. La forte baisse des barrières à l’entrée leur
permet d’exploiter des micro-niches de marché
(« longue traîne »13).
Le monde bancaire est directement concerné par ces
évolutions. Très présents sur la toile, banques et paiements en ligne connaissent un fort développement
après un début difficile lors de la première vague
Internet. Par ailleurs, des projets « très Web 2.0 » initiés en dehors de la sphère bancaire traditionnelle,
tels que Prosper, Zopa, Smava, Boober..., cherchent
à capitaliser sur le désamour entre consommateurs et
banques après la crise financière en mettant directement en contact offreurs de capitaux et demandeurs
de prêts.
On notera également le rôle croissant joué par les
sociétés non bancaires. Acquis par eBay, Paypal a
été le pionnier et reste loin devant. Mais de plus en plus
de grands acteurs, venant notamment de l’univers
des mobiles, proposent ou vont proposer leurs propres
services financiers. Côté constructeurs, Nokia a ainsi
lancé Nokia Money en 2009. Les opérateurs téléphoniques ne devraient pas, non plus, être absents : le
président-directeur général de NTT DoCoMo a par
exemple déclaré, il y a plus de quatre ans maintenant,
que la banque était l’avenir des opérateurs mobiles.
Selon le cabinet Gartner, le transfert d’argent et les
paiements par mobiles figurent dans les dix premières
applications grand public qui se développeront sur
les mobiles d’ici 2012. Dans les pays émergents, où les
réseaux de télécommunications mobiles sont parmi les
seules infrastructures à fonctionner correctement, les
opérateurs sont très actifs sur ce créneau depuis deux
ans déjà.
Une nouvelle ère Internet s’installe14. On aurait tort de
penser qu’elle connaîtra le même sort que la précédente. La combinaison de terminaux aux fonctions
multiples, plus nombreux et surtout plus communicants, avec des outils logiciels facilitant les usages et
multipliant l’offre de services, est sans précédent.
Deux freins persistent cependant. La sécurité d’abord,
qui reste le talon d’Achille de la toile. L’autre est culturel. Mais les « natifs numériques » (« digital natives »)
sont aujourd’hui bien plus nombreux qu’il y a dix ans :
le monde numérique est un quinquagénaire plein
d’avenir ! ◗
13. “The Long Tail: Why the future of Business is Selling More for Less”, Chris Anderson (Hyperion, 2006).
14. http://www.clipevents.tv/cedap-serge-soudoplatoff/
71
HORIZONS BANCAIRES
NUMÉRO
339
–
DÉCEMBRE
2009
La crise financière récente nous remet face à
quelques questions fondamentales.
Qu’est-ce que l’argent ? Quel est son lien
avec la morale et avec l’éthique ?
Comment ce lien s’est-il transformé avec
la révolution numérique ? Quelques pistes
de réflexion pour ouvrir le débat et tenter
de préparer au mieux l’après-crise.
LUC
DE
BRABANDÈRE
The Boston Consulting Group
LAURENT HUBLET
The Boston Consulting Group
Argent, éthique et technologie :
quelques réflexions pour
mieux construire l’après-crise
« UNE COMPAGNIE DE CHEMIN DE FER A SON
IMMENSE MATÉRIEL, QUI FAIT SES RECETTES ;
tandis que le vrai matériel d’une banque est son
crédit ; elle agonise, dès que son crédit chancelle. »
Peut-être cette phrase aurait-elle pu être prononcée
par un expert interrogé il y a quelques mois par
Les Échos au sujet de la crise des subprimes,
n’est-ce pas ? Elle est pourtant extraite d’un livre
publié par Émile Zola, il y a plus d’un siècle, sobrement
intitulé « L’Argent ». Zola y décrit la frénésie autour
d’une société créée par l’intrigant Sacart, l’élévation
progressive du cours de bourse de la société doublée
de l’ascension sociale du directeur, puis la chute
brutale entourée de rumeurs de malversations et la
débâcle qui s’en suit.
Bien sûr, beaucoup de choses ont changé dans l’univers financier depuis la publication de « L’Argent » :
le téléphone a remplacé la criée dans la corbeille, puis
il a lui-même été supplanté par les plateformes
d’échanges électroniques. De nouveaux produits financiers, plus complexes sont apparus ; des acteurs
importants tels que les agents de change ont disparu.
Et pourtant, de nombreux éléments de « L’Argent »
trouvent un écho étonnant dans l’actualité financière de
ces derniers mois : l’accès à l’information et plus particulièrement le rôle de la presse financière, les
croyances collectives qui se transforment en peurs
incontrôlées, le manque de réactivité de certains
conseils d’administration où trônent « des muets et des
aveugles ».
Pourquoi donc, cent ans après, a-t-on alors un peu
l’impression que « rien n’a changé sous le soleil » ?
Vaste et ambitieuse question, à laquelle nous ne donnerons certainement pas une réponse définitive. Notre
72
Argent, éthique et technologie : quelques réflexions pour mieux construire l’après-crise
LUC
DE
BRABANDÈRE
ET
but est plutôt d’esquisser des pistes, en nous attachant
à montrer la chose suivante : au cœur de la notion de
finance, il existe une distinction entre l’élément collectif (« monnaie ») et l’élément individuel (« argent ») ; cette
distinction est analogue à celle que l’on retrouve dans
de nombreuses activités humaines, entre la morale et
l’éthique. L’incroyable évolution technique liée à l’argent
LAURENT
HUBLET
relation est vue sous une forme collective. Si la monnaie a une nationalité, l’argent est alors universel (ou
presque). En tant qu’individu, on ne possède pas de
monnaie2.
Cette distinction sémantique remonte en fait à l’époque
latine, où « argent » se disait pecunia (dérivé de pecus,
le bétail, que l’on peut compter) et « monnaie » par
moneta (issu du temple de Junon Moneta, où l’Empire
battait monnaie). La distinction argent/monnaie a
d’ailleurs donné des idées à certains. Dans un discours
prononcé à l’occasion de la signature du traité de
Maastricht de 1992, François Mitterrand opposait,
sémantiquement et idéologiquement, la monnaie
– instrument de la richesse collective et institution qui
cimente les nations – à l’argent, qu’il présentait comme
le symbole de l’accumulation de la richesse individuelle et de la passion égoïste. « Le règne de l’argent,
quand il y a un certain refus d’en partager les profits est
une cause de dégradation morale » disait à l’époque
le président français3.
On trouve en philosophie morale un couple présentant
d’étonnantes similitudes avec le couple argent/
monnaie : l’éthique et la morale. L’éthique, c’est un
système de règles personnelles ; elle distingue le bon a considérablement modifié notre rapport à ce dernier ;
pourtant, la crise actuelle nous montre bien que l’argent
reste profondément lié à l’éthique, seule à même de
générer la confiance indispensable à l’équilibre du
système financier.
Argent ou monnaie ?
Pour désigner l’élément monétaire, le français (comme
de nombreuses autres langues, l’anglais par exemple)
fait la distinction entre l’argent (money) et la monnaie
(currency)1.
L’argent, c’est le support individualisé ou individualisable. La relation entre l’individu et l’élément matériel
est vue sous un prisme subjectif. De ce fait, on peut
non seulement posséder de l’argent mais également
émettre des jugements sur celui-ci (l’aimer, le détester...). La monnaie, c’est le support institutionnalisé ; la
G RAPHIQUE 1. Typologie des liens entre l’argent, la monnaie, l’éthique et la morale
Argent
Monnaie
• Je : étalon qui relie l’individu
• Nous : étalon qui relie
à une chose
les individus d’une communauté
• Valeur subjective
• Valeur collective
Régulation,
contrôle prudentiel
Confiance
Ethique
Morale
• Je : système de règles personnelles
• Nous : système de règles collectives
établies par la communauté
• Distingue le bon du mauvais
• Distingue le bien du mal
Source : Luc de Brabandère et Laurent Hublet
1. Il y a d’ailleurs eu un glissement sémantique intéressant du français vers l’anglais : l’élément collectif « monnaie » en français a donné lieu à l’élément individuel « money »
(« argent » et non « monnaie ») en anglais.
2. Le français ne nous facilite pas la vie, comme souvent... On peut bien sûr posséder de la monnaie, au sens de quelques pièces perdues au fond d’une poche, mais
chacun reconnaîtra qu’il s’agit « d’argent » et non de « monnaie » au sens dont on parle ici.
3. Voir : Goux J.-J., « Frivolité de la valeur - Essai sur l’imaginaire du capitalisme », Blusson, Paris, 2000.
73
HORIZONS BANCAIRES
NUMÉRO
339
–
DÉCEMBRE
du mauvais. Par contre, la morale repose sur un
2009
Pour cette raison, l’éthique de l’argent est une éthique
de la promesse, où la notion de confiance est
centrale5. En effet, quand la confiance se rompt, la
ensemble de règles établies par une communauté ; elle
distingue le bien du mal4. L’analogie entre la distinction
argent/monnaie et la distinction éthique/morale est
tentante : chaque premier terme a une forte
connotation individuelle et subjective, chaque second
terme une connotation collective et institutionnelle
(voir graphique 1).
promesse n’est plus et l’argent cesse d’exister ; il
reste peut-être un morceau de papier (un billet, une
action), dérisoire car sans valeur. C’est notamment
pour cette raison, très simple finalement, que la
confiance d’un client dans sa banque est fondamentale, ou que la perte de confiance des acteurs financiers
dans la solvabilité d’une institution peut avoir les conséquences que l’on a vues récemment.
Quelle éthique de l’argent ?
La monnaie est d’ordre collective, son bon fonctionnement est régi par des règles : on peut donc dire que
la morale de la monnaie, c’est la régulation prudentielle.
Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que certains parlent
de « bible » des banquiers à propos de Bâle II : on y
dit ce qu’une banque doit faire, on y distingue le bien
du mal dans l’activité bancaire. Sans plus. Les
partisans d’un retour à une régulation plus forte du
marché bancaire veulent donc « moraliser » la pratique
financière. Mais est-ce bien cela qui a posé problème ? Ne passe-t-on pas alors à côté de l’aspect
« éthique/argent » ?
Si l’argent peut être mis en parallèle avec l’éthique,
quelle est alors la nature de ce lien ? Une éthique
ayant trait à l’argent vise à permettre que ce dernier
remplisse au mieux sa fonction. Or, l’argent n’est pas
une fin en soi, il vise à faciliter l’échange et à acquérir
d’autres biens. La société se moque d’ailleurs de ceux
qui confondent le moyen avec la fin : les pingres, les
dépensiers compulsifs... La tirade de l’avare dans la
pièce éponyme de Molière montre avec humour et
férocité le ridicule d’un personnage épris d’argent
comme d’autres le sont d’une femme, de leurs enfants
ou même de leur animal domestique. Pour remplir
convenablement sa fonction, l’argent doit donc circuler.
Mais cela ne suffit pas. Pour que vous acceptiez de
céder un bien (votre voiture par exemple) contre une
somme d’argent, qui n’est jamais que la promesse de
pouvoir acheter un jour un autre bien (une autre voiture,
une semaine en thalasso...), il faut que vous ayez
confiance dans la persistance de cette promesse.
Comment la technique a-t-elle
changé l’argent ?
Au cours de l’histoire, l’argent a pu prendre des formes
multiples, et cela importe peu finalement puisque le
support sert uniquement à matérialiser un lien social,
une promesse. Pourtant, certains auteurs n’hésitent
pas à annoncer la fin prochaine de l’argent, liée à la
révolution numérique. Pour Joël Kurtzman par exemple,
dans son livre « The Death of Money6 », l’argent a
perdu sa fonction de communication entre les individus
d’une organisation ou d’un groupe social. Dès lors,
l’argent est mort et a cédé la place au « megabyte
money », un langage électronique, formé exclusivement
de bits 0 ou 1. On ne peut pas tout à fait lui donner
tort : en mémorisant quelques chiffres de son numéro
de carte de crédit et son code secret, il est possible,
même à un voleur, d’acheter n’importe quel bien (ou
presque) sans aucun support économique matériel.
Plusieurs changements fondamentaux dans notre rapport à l’argent ont eu lieu avec la révolution numérique ;
loin de faire disparaître l’argent, nous pensons qu’ils
ouvrent de nouvelles perspectives d’innovations aux
acteurs financiers. Ainsi par exemple, le développement
de la banque en ligne a créé un nouveau rapport,
désindividualisé, entre le client et sa banque. Le client
exige une maîtrise « en temps réel » de sa gestion financière (pour ses passages d’ordres en bourse par
exemple), mais il y a en réalité une double réduction de
l’espace-temps : les choses peuvent être faites tout de
4. Voir : de Brabandère L. (en collaboration avec Stanislas Deprez), « Le Sens des idées », Dunod, Paris 2004.
5. La promesse est tellement importante qu’elle est même signée sur chaque billet par le directeur de la banque centrale.
6. Kurtzman J, « The Death of Money: How the Electronic Economy Has Destablized the World’s Markets and Created Financial Chaos », New York, Simon and Schuster,
1993.
74
Argent, éthique et technologie : quelques réflexions pour mieux construire l’après-crise
LUC
DE
BRABANDÈRE
ET
LAURENT
HUBLET
G RAPHIQUE 2. Évolution de la typologie des liens entre l’argent, la monnaie, l’éthique et la morale
Argent
Ethique
Élargissement du champ
régulatoire
Ouverture sur l’illimité
Désindividualisation
des rapports bancaires
Confiance « intensive »
Monnaie
Nouveaux acteurs ?
Quelle confiance leur accorder
Morale
Sourcce : Luc de Brabandère et Laurent Hublet
The Economist7, montre les nouvelles perspectives
offertes par ces bouleversements. Dans de nombreux
pays africains, l’obtention d’argent liquide est un
processus souvent long et fastidieux : il faut prendre le
bus jusqu’à la ville, patienter dans la file d’attente à la
banque, être muni de ses papiers... Pour les sociétés
de télécom, cela posait d’ailleurs problème : les clients
ne disposaient pas de cash pour pouvoir acheter des
recharges pour leur portable. Un brainstorming efficace
a transformé le problème en aubaine : nombre d’opérateurs télécom africains se sont lancées dans le
« mobile money ». Par l’envoi d’un simple SMS, un
client peut envoyer de l’argent à un autre client qui va
le retirer auprès d’une boutique de l’opérateur. Plus de
voyage, plus de file, et l’opérateur télécom s’est mué
en banquier, voire même un banquier central puisqu’il « émet » sa propre monnaie. Le développement
de monnaies complémentaires, à l’exemple des miles
aériens dont le volume ouvert dépasse les montants de
billets de dollars en circulation8, est révélateur des suite et à tout moment, puisque le répondant n’est plus
un homme mais une machine. Le client a l’impression
d’être en prise directe avec son argent, ou presque ;
le banquier se fait transparent. Quelle conclusion
éthique en tirer pour le banquier ? La notion de
confiance se serait-elle amoindrie ?
Certes, dans ses transactions quotidiennes, le client a
sans doute moins besoin d’être rassuré. Mais que se
passerait-t-il par exemple le jour où tous les systèmes
seraient en panne ? Où s’ils étaient détruits ? La probabilité de ce genre d’événement est infime, chacun en
conviendra, mais ils n’en sont pas moins générateurs
d’une certaine peur, liée à la survenance de catastrophes majeures. Le rapport de confiance évolue donc ;
il est plus ponctuel et lié à des événements extrêmes.
On pourrait l’appeler la « confiance intensive », pour
faire un parallèle avec le monde hospitalier et les soins
intensifs prodigués aux patients dans un état critique.
La monnaie n’échappe pas non plus à la révolution
digitale. Un exemple, récemment mis en évidence par
7. The Economist, «The Power of Mobile Money », 16 Septembre 2009.
8. Pour cette raison, The Economist n’avait pas hésité à titrer il y a quelques années sur la fin du leadership du dollar : « the dollar has already been toppled as the world’s
leading currency. (...) It has been superseded not by the euro, nor by the yen or yuan, but by another increasingly popular global currency: frequent-flyer miles. »
(The Economist, 6 Janvier 2005).
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nouvelles perspectives monétaires ouvertes à des
2009
En conclusion, on peut dire que l’argent ouvre toujours
sur une promesse, celle de permettre à tout individu
(ange ou voleur) d’acquérir le bien de son choix. En
corolaire de cette promesse, qui constitue le cœur
même de l’activité financière, les acteurs du monde
financier ont le devoir de maintenir la confiance indispensable à la pérennité de l’argent. La forme que
revêt cette confiance évolue au gré des (r)évolutions
technologiques, et les acteurs du monde financier
doivent s’adapter à ces nouveaux besoins des clients.
Par ailleurs, de nouvelles perspectives liées à la
monnaie s’ouvrent, à la fois pour les acteurs bancaires
mais également pour de nouveaux acteurs (sociétés
actives dans d’autres secteurs ou inexistantes
aujourd’hui), qui pourraient constituer les grands
concurrents de demain. Cependant, malgré les
bouleversements technologiques de ces dernières
décennies, l’essence de l’argent – rapport social
d’échange incarné dans une réalité plus ou moins
matérielle – ne change pas. La confiance reste un
élément primordial de la pérennité de l’activité financière, ce qui rend quelques histoire vieilles d’un siècle
ou plus encore, étonnement actuelles... ◗
acteurs non bancaires. Et il est bien clair que ces
changements impliquent des évolutions dans la «
morale de la monnaie ».
En effet, dans le cadre de cette « ouverture monétaire
sur l’illimité », une compagnie aérienne, un constructeur
de voiture ou un concepteur de site internet peuvent
s’arroger des prérogatives de banquier, pratiquement
du jour au lendemain. Ceci ouvre de nombreuses
questions, pour toutes les parties prenantes. De nouvelles formes d’activité monétaire engendrent-elles de
nouveaux concurrents sur le long terme, tels que par
exemple les opérateurs de télécommunication ? Quelle
confiance les clients peuvent-ils avoir dans ces
nouveaux acteurs monétaires ? Quelles règles faut-il
promulguer pour garantir la stabilité du système ? Les
nouveaux acteurs ne seraient-ils pas privilégiés par
rapport aux acteurs financiers classiques, du fait qu’ils
ne seraient pas soumis aux mêmes règles prudentielles ? Ne faudrait-il pas dès lors élargir le champ de
la régulation monétaire ?
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