Adapter les auto-confrontations collectives dans

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Adapter les auto-confrontations collectives dans
Adapter les auto-confrontations collectives dans une intervention en entreprise
Corinne Van de Weerdt1
Si l’analyse de l’activité constitue l’un des principaux fondements de l’ergonomie, il n’en
reste pas moins que d’autres disciplines des sciences humaines et sociales y ont recours
également, afin de mieux comprendre comment le travail s’effectue et comment il évolue. En
fonction des objectifs de ces différentes disciplines, l’analyse de l’activité peut prendre des
formes variées. De plus, elle évolue vers la recherche continuelle d’une meilleure adaptation des
méthodes aux situations de travail, présentes et futures. Les conditions de travail évoluant à grand
pas, les méthodes d’analyse de l’activité sont souvent revues et ajustées pour pouvoir répondre au
mieux à cette réalité évolutive. C’est ainsi que l’on voit apparaître des méthodes nouvelles pour
analyser l’activité, dans des contextes professionnels qui peuvent être variés, avec une visée de
recherche mais aussi d’intervention.
La communication présentée ici vise à exposer une méthode d’auto-confrontation
collective, telle qu’elle a été utilisée sur le terrain dans le cadre d’une recherche-action. Nous
avons adapté et exploité cette méthode dans un centre de soins à domicile, en utilisant une
approche psycho-ergonomique, pour améliorer nos connaissances des conditions de travail du
secteur, des risques professionnels associés (surtout psychosociaux), et mettre en place des
actions de prévention de ces risques. Parallèlement à l’analyse de l’activité, nous avons aussi
focalisé notre attention sur les émotions au travail ressenties par le personnel.
La présentation de cette étude de cas a pour but de détailler la méthode que nous avons
utilisée, ainsi que les résultats principaux qu’elle a produits, dans le cadre d’une réflexion
méthodologique autour de la question d’adaptation des méthodes d’analyse et d’intervention en
situation, et en particulier, l’auto-confrontation collective.
Cadre théorique
Après une présentation des particularités du secteur du soin à domicile dans lequel la
recherche-action a été menée, nous aborderons les méthodes d’auto-confrontation en montrant
qu’elles se réfèrent à des techniques modulables en fonction des situations, des personnes qui
l’utilisent et des buts recherchés.
Le secteur du soin à domicile
Le soin à domicile est en pleine expansion dans nos sociétés. Il fait partie des secteurs
d’activité qui ont connu la croissance la plus rapide en quelques décennies. Le Bureau des
Statistiques2 prévoit d’ailleurs que l’emploi des soignants à domicile progresse aux Etats-Unis de
55% d’ici 2016. Plusieurs raisons peuvent expliquer cette évolution. La population vieillissante a
créé de nouvelles demandes pour cette autre forme de soin qui permet en effet d’apporter une
assistance médicale vitale aux personnes âgées, handicapées, ou en convalescence qui vivent
dans leur propre maison au lieu de séjourner dans des services hospitaliers. Le coût des séjours à
l’hôpital étant élevé, il contribue à l’expansion de ce nouveau type de soin. En outre, un grand
nombre de personnes préfèrent demeurer au sein de leur environnement quotidien, plutôt que de
séjourner en milieu hospitalier, ou bien de vivre chez des membres de leur famille. Généralement,
1
2
INRS, Département Homme au Travail, Laboratoire Ergonomie et Psychologie Appliquées à la Prévention.
Bureau of Labor Statistics, Career Guide to Industries, Health Care, 2008-09 Edition, 2008.
1
les personnes souhaitent garder le plus d’indépendance possible. Par ailleurs, le soin à domicile
est particulièrement adapté pour des personnes risquant de chuter et qui ne pourraient se relever
seules, ou encore pour des personnes risquant d’oublier de prendre leurs médicaments. Le soin à
domicile permet aux patients de revenir précocement dans leur environnement familier après une
hospitalisation, et il leur offre la possibilité de recevoir des soins médicaux de qualité dans le
confort de leur environnement habituel.
Nous savons depuis des décennies que les soignants à domicile sont confrontés à des
risques pour leur propre santé3. Récemment, le Niosh (The National Institute for Occupational
Safety and Health, Centers for Disease Control and Prevention)4 a publié un rapport décrivant
une liste de risques professionnels auxquels ces salariés sont exposés. Y figurent les risques
chimiques et biologiques, de troubles musculo-squelettiques, ainsi que les risques psychosociaux.
À propos de ces derniers, le rapport cite notamment : le surinvestissement, l’épuisement
professionnel, les agressions verbales et physiques, l’isolement, le stress au travail. Le burnout est
également un phénomène très présent dans ces professions5. De même, l’étude européenne
NEXT, dont l’enquête initiale menée de 2002 à 2003, et poursuivie jusqu’en 2005, portait sur la
qualité de vie des personnels soignants, montre les difficultés que ces derniers rencontrent dans
l’exercice de leur métier, et explique l’abandon prématuré de leur profession6. Il s’agit d’une
préoccupation majeure puisque les dix pays participant à l’étude sont concernés. De la même
façon, le travail émotionnel est courant dans ces professions. Les soignants doivent souvent gérer
des situations difficiles en lien avec cette part affective de leur travail, qui les expose à de fortes
exigences émotionnelles dans leur activité7. Par exemple, un soignant est parfois amené à
dissimuler ses émotions négatives relatives à l’évolution de la maladie d’un patient s’il a des
doutes sur la progression de la guérison. Ceci a pour but d’éviter d’influencer négativement les
émotions de ce patient. Un autre exemple concerne celui des tentatives d’évitement de contagion
émotionnelle, qui sont souvent mises en œuvre par le personnel, comme l’ont montré plusieurs
chercheurs8.
3
El-Askari E, DeBaun B., The Occupational Hazards of Home Health Care. In: Charney W, Fragala G, editors. The
epidemic of health care worker injury. Boca Raton, Florida: CRC Press, p. 201-13, 1999.
4
Centers for Disease Control and Prevention, The National Institute for Occupational Safety and Health – NIOSH,
Niosh Hazard Review : occupational hazards in home healthcare, Publication No. 2010-125, Atlanta, 2010.
5
Estryn-Béhar M., Van der Heijden B., Ogińska H., Camerino D, Le Nézet O, Conway P.M., Fry C. Hasselhorn
H.M., NEXT Study Group, The impact of social work environment, teamwork characteristics, burnout, and personal
factors upon intent to leave among European nurses, Medical Care, 45, 10, 939-50, 2007.
6
Meissner A., Hasselhorn H.M., Estryn-Behar M., Nézet O., Pokorski J., Gould D., Nurses’ perception of shift
handovers in Europe: results from the European Nurses’ Early Exit Study. Journal of advanced nursing. 57, 5, 53542, 2007.
7
Hochschild A.R., The Managed Heart : The commercialization of Human Feeling, UCP, Berkeley, CA, 1983 .
Soares A., Le prix d’un sourire. Travail, émotion et santé dans les services, In D. Harisson et C. Legendre (Eds.),
Santé, sécurité et transformation du travail, Presses de l’Université du Québec, 229-250, 2002. Totterdell P, Holman
D., Emotion regulation in customer service roles: Testing a model of emotional labor. Journal of Occupational
Health Psychology, 8, 55-73, 2003. Soares,A., Le prix d’un sourire. Travail, émotion et santé dans les services. In D.
Harisson et C. Legendre (Eds.), Santé, sécurité et transformation du travail. Presses de l’Université du Québec, 229250, 2002. Van De Weerdt C. & Baratta R., Conditions de travail, activité et stratégies émotionnelles de soignants à
domicile. In C. Bastien, J. Cegarra, A. Chevalier, J. Dinet, N. Gregori & V. Grosjean (Eds.), Epique’2011. Sixième
Colloque de Psychologie Ergonomique (pp. 297-303). Nancy: Presses Universitaires de Nancy, 2011.
.
8
Hatfield E., Cacioppo J. T., Rapson R. L., Emotional Contagion. Cambridge University Press, 1994. Barsade S.G.,
The Ripple Effect: Emotional Contagion and its Influence on Group Behavior. Administrative Science Quarterly, 47,
2
Les méthodes d’auto-confrontation
L’auto-confrontation relève d’une technique qui consiste à faire expliquer, par l’opérateur,
la face cachée de son activité, au-delà du simple comportement, pour recueillir des éléments
échappant à l’observation directe ou aux mesures. L’origine de l’auto-confrontation se situerait
vers les années 1950, utilisée sous le terme de « rappel stimulé » en psychologie9, puis dans les
années 1960 sous son appellation actuelle. Dans la décennie 1980, on voit arriver des variantes au
dispositif, avec par exemple la confrontation d’une personne à son comportement (en
laboratoire). La méthode sera reprise ensuite progressivement dans les analyses ergonomiques10.
L’auto-confrontation est basée sur la verbalisation, en tant que production provoquée
d’énoncés (le plus souvent verbaux) à une autre personne (un chercheur ou intervenant). La
notion de confrontation est centrale, car la méthode consiste à présenter à la personne les traces
les plus nombreuses possible de son comportement et à lui demander de les commenter. La
méthode comporte deux étapes : des enregistrements de l’activité puis la confrontation lors
d’entretiens ultérieurs.
L’auto-confrontation peut, comme c’est le cas en psychologie, être utilisée pour
comprendre des comportements complexes, pratiquer une modélisation d’un savoir-faire, accéder
aux procédures et processus cognitifs qui sous-tendent ces comportements. Elle peut aussi servir
à identifier les raisons d’agir, les buts recherchés et les motivations qui guident l’action11. D’une
manière générale, elle permet d’avoir accès à ce qui n’est pas directement observable.
Cependant, l’auto-confrontation est une technique modulable qui peut prendre plusieurs
formes selon le contexte, les personnes impliquées, les objectifs visés.
L’auto-confrontation simple permet la production d’une verbalisation d’un opérateur
lorsqu’il est confronté aux données recueillies sur son activité et qu’il répond aux questions
portant directement sur ces données. Son utilisation permet de valider les données d’observation,
spécifier les informations jugées pertinentes et utilisées par l’opérateur, préciser les processus
cognitifs mis en jeu par les opérateurs et la logique d’action1213. Lorsque l’auto-confrontation
porte sur l’activité, elle permet une analyse fine de celle-ci, du fait des possibilités de retour en
arrière et des arrêts sur image.
Dans l’auto confrontation croisée14, un opérateur est amené, à un moment donné, à
commenter l’activité de l’un de ses collègues, et vice-versa. La méthode se décompose en trois
phases. La première consiste à déterminer quelles situations, parmi celles observées, doivent être
644-675, 2002. Van Hoorebeke, D., La contagion émotionnelle : problème ou ressource pour les relations
interpersonnelles dans l’organisation ? Humanisme et Entreprise, 279, 1-18, 2006. Ribert-Van de Weerdt C., Les
contraintes de travail et les stratégies de régulation émotionnelle en centre de relation clientèle, Le Travail Humain,
vol.74, n°4, pp.321-339, 2011.
9
Bloom B. S., Thoughts processes in lectures and seminars. Journal of General Education,7, 160-169, 1953.
10
Boubée N., La méthode de l’autoconfrontation : une méthode bien adaptée à l’investigation de l’activité de
recherche d’information ? Etudes de communication, 26, 47-60, 2010.
11
Brangier E., Lancry A., Louche C. (Dir.), Les dimensions humaines du travail. Théories et pratiques en
psychologie du travail et des organisations. Nancy : Presses universitaires de Nancy, 2004.
12
Theureau J., L’entretien d’autoconfrontation comme composante d’un programme de recherche empirique et
technologique. Communication aux IIe Journées Internationales des Sciences du Sport, INSEP, Paris, 2002.
13
Mollo,V. & Falzon P., Auto- and allo-confrontation as tools for reflective activities. Applied Ergonomics, 35 (6),
531-540, 2004.
14
Clot Y. Faïta D., Fernandez G., Scheller L., Entretiens en autoconfrontation croisée : une méthode en clinique de
l’activité. Pistes, 2, 1, 2000.
3
analysées. La seconde met en face à face des professionnels et un chercheur dans un dialogue
portant sur une situation donnée. Ont lieu alors une auto-confrontation simple (entre un
professionnel et un chercheur), puis une auto-confrontation croisée (entre deux ou plusieurs
professionnels et un chercheur). La troisième étape consiste à réunir l’ensemble des opérateurs
concernés pour susciter, dans un cycle dialogique, des interactions entre « ce que les travailleurs
font, ce qu’ils disent de ce qu’ils font, ce qu’ils font de ce qu’ils disent faire ». Cette activité de
description et d’explications est une co-construction, une co-analyse de l’activité de travail. Les
controverses et contradictions ont beaucoup de valeur pour comprendre ce qui se joue dans le
travail.
L’auto-confrontation collective, quant à elle, conjugue des observations, le plus souvent
filmées, de l’activité de plusieurs personnes, travaillant ensemble ou séparément, et consiste à les
réunir afin de récolter, à partir des séquences vidéo récoltées (ou des traces), leurs commentaires
sur l’activité réalisée. L’auto-confrontation collective est également filmée pour pourvoir
produire un document vidéo de restitution finale151617. La méthode est conçue dès le départ non
seulement comme un outil de diagnostic, mais aussi comme un moyen d’action, permettant de
transformer les pratiques et la nature des relations des acteurs dans le travail. Les débats qui sont
impulsés de cette façon ont pour finalité de mettre collectivement en discussion les
dysfonctionnements rencontrés par les opérateurs et constatés sur le terrain au cours de
l’observation. Cela permet d’ouvrir un espace de délibération entre les différents acteurs, de
pénétrer dans l’intimité de leurs pratiques et dans les valeurs culturelles qui encadrent leurs
comportements. L’auto-confrontation collective est une occasion donnée aux opérateurs de
mettre à jour leur représentation, d’évoquer ce qui fait sens, ce qui est redouté ou attendu, par une
expression collective, sans pour autant chercher le consensus absolu. L’auto-confrontation
collective est un moment privilégié permettant de « travailler sur le travail »18.
Méthodologie
Notre recherche-action s’inscrit dans une approche psycho-ergonomique dont l’objectif
est triple : l’apport de connaissances, la mise en œuvre d’une méthodologie spécifique, et la
transformation du travail. Menée dans un service de soin à domicile de 45 personnes, elle avait
pour but d’étudier les conditions de travail du personnel – c’est-à-dire les « soignants » (les
infirmiers et les aides-soignants) et les « coordinateurs » – et leurs impacts sur leur travail en
termes de tâche, d’activité, d’émotions au travail, de relation avec les autres (les patients, les
collègues, la direction, etc.). Dans cette perspective, elle a cherché à analyser l’activité, ainsi que
la charge émotionnelle et les contraintes de travail. Cette recherche-action avait également pour
but d’améliorer la connaissance des risques pour la santé et la sécurité des soignants à domicile,
et de contribuer à les réduire par une démarche participative. Dans ce cadre, des
recommandations ont été construites et mises en place avec le concours des salariés. Ces objectifs
font suite à l’analyse de la demande de l’entreprise, qui a souhaité qu’on l’aide à prévenir les
15
Baratta R., & Berthet M., Vidéo et intervention. Actes du Congrès de la Société d’Ergonomie de Langue Française
(SELF), pp. 317-327, 2000.
16
Baratta R., L’auto-confrontation collective : un espace de controverse sur le travail. In Coryne Eyraud & Guy
Lambert (Ed.). Filmer le Travail, Cinéma et sciences sociales (pp. 119-125). Aix-en –Provence : Université de
Provence, Coll. Hors Champ, 2010.
17
Baratta R., Eloge du plan de coupe et de l’imprévu. Revue Ethnographiques.org, Filmer le travail : chercher,
montrer, démontrer, n°25, décembre 2012, 2012.
18
Baratta R., & Berthet M., Vidéo et intervention. Actes du Congrès de la Société d’Ergonomie de Langue Française
(SELF), pp. 317-327, 2000.
4
risques, mais aussi, que l’on participe à l’amélioration des conditions de travail et de la
communication interne. En effet, selon le directeur, le dialogue était « coupé », ou du moins
entravé, comme si une rupture existait entre la direction et personnel. Il a donc été question de
« remettre de la communication là où elle s’était perdue ». Pour cela, nous avons identifié avec la
direction les moyens de nous y atteler, en décidant d’agir entre autres sur les représentations du
travail mutuelles, et plus précisément sur la perception des contraintes de travail des uns et des
autres.
Le service de soins, créé il y a 20 ans, s’est étendu très rapidement, en particulier sur les
plans humain et financier. Ainsi, en 10 ans, le nombre de salariés a doublé et le budget a été
multiplié par trois. Le directeur du service emploie 19 infirmiers, 17 aides-soignants, 3
coordinateurs (2 infirmiers-coordinateurs et un aide-soignant coordinateur), ainsi que 3
secrétaires (deux secrétaires médicales et une secrétaire administrative). Les coordinateurs sont
aussi cadres, managers de proximité et responsables de leur équipe (d’infirmiers ou d’aidessoignants).
La recherche-action au sein de ce service a été menée par deux intervenants et a duré 13
mois. L’activité de 8 infirmiers, 7 aides-soignants, 3 coordinateurs et 3 secrétaires a été observée
pendant une semaine et enregistrée par vidéo lorsque cela était possible et accepté par les
personnes concernées. La méthodologie repose sur l’utilisation de l’outil vidéo comme vecteur
d’analyse des situations de travail à travers différentes auto-confrontations collectives avec le
personnel soignant et administratif. Cette méthodologie a été construite spécifiquement pour
récolter des données sur l’activité et les émotions au travail. Elle a été adaptée aussi pour pouvoir
réunir, dans certains cas, des professionnels de même métier, et dans d’autres, des professionnels
de métiers différents. De plus, elle a également été modifiée par rapport à la méthode classique
pour pouvoir réunir à certains moments des personnes dont les fonctions hiérarchiques pouvaient
différer. En effet, étant donné que l’entreprise souhaitait que les personnes travaillant dans le
centre de soins partagent leurs représentations des contraintes de travail, y compris pour des
personnes de métier différents mais collaborant ensemble, la réunion de personnes de métiers et
niveaux hiérarchiques distincts trouvait toute sa place. De plus, cela permettait de construire
collectivement des solutions en vue d’une amélioration des situations de travail et de la
communication interne. Ainsi, la démarche a été construite en quatre étapes (Tableau 1).
DETAIL DE LA METHODE
PHASE 1:
Pré-enquête
PHASE 2:
Enquête sur le contexte global, les
- visite des services
- analyse de documents
- 9 entretiens individuels exploratoires avec le directeur,
les coordinateurs, les représentants du personnel,
- préparation de l’intervention
- pré-observation de l’activité de salariés dans le centre
de soins
- observation de deux réunions d’équipes
- observation d’une réunion mensuelle avec la
participation des aides-soignants à domicile
5
contraintes de travail
PHASE 3:
Analyse de l’activité et des
émotions en cours d’action
- 3 entretiens individuels avec des infirmiers à domicile
- 3 entretiens individuels avec des aides-soignants à
domicile
- 2 entretiens individuels avec les infirmierscoordinateurs
- 1 entretien individuel avec le coordinateur des aidessoignants
- 1 entretien individuel avec un infirmier assurant les
permanences
- 1 entretien individuel avec la secrétaire médicale
- 1 entretien individuel avec la secrétaire administrative
- 17 observations de l’activité réelle durant 5 jours
- enregistrement vidéo de l’activité lorsque cela était
possible et accepté par les salariés
- 5 auto-confrontations pour récolter des commentaires
de la part des personnes sur l’activité, les conditions
de travail et les émotions au travail
- Enregistrement vidéo des auto-confrontations lorsque
cela était possible et accepté par les salariés
- 3 auto-confrontations de validations des vidéos avant
diffusion
- 1 présentation orale des résultats avec la diffusion de
supports (vidéo et diaporama) au Conseil
d’Administration, à la direction, aux coordinateurs,
PHASE 4:
aux représentants du personnel et aux salariés
Réflexion collective à propos des
volontaires
1 rapport écrit
pistes d’action
- 1 plan de prévention construit avec le directeur, les
coordinateurs, les représentants du personnel, les
salariés volontaires
Tableau 1 : Les quatre phases de la méthodologie issue de l’approche psycho-ergonomique
La première étape a consisté à réaliser une pré-enquête pour prendre en compte
l’organisation de la structure, son fonctionnement interne et la culture d’entreprise. Elle a été
réalisée essentiellement à partir de visites des services, d’une analyse de documents, de la
réalisation d’entretiens individuels exploratoires (avec le directeur, les coordinateurs et les
représentants du personnel), et des pré-observations de l’activité.
La seconde étape visait à évaluer le contexte général de la structure, les contraintes de
travail et la santé perçue par les employés. Par entretiens individuels et collectifs semi-directifs, il
a été question de saisir la représentation des conditions de travail par les personnes internes au
service, ainsi que leur propre évaluation de leur état de santé, ceci en référence aux théories
démontrant l’importance de la subjectivité dans l’évaluation des situations de travail et des
6
contraintes1920. Nous avons effectué aussi des observations de plusieurs réunions d’équipe et des
entretiens individuels avec le personnel.
La troisième étape était relative à l’analyse de l’activité réelle, par des observations
directes, l’enregistrement vidéo de situations (lorsque cela était possible et accepté par les
personnes), et des auto-confrontations collectives pour récolter, à partir des séquences vidéo ou
des notes, les commentaires des participants sur l’activité réalisée et sur les émotions au travail
ressenties en cours de travail. Les observations de l’activité réelle, menées en parallèle par les
deux intervenants, ont duré 5 jours. Une phase de traitement des vidéos brutes sur l’activité réelle
du personnel a ensuite permis de réaliser un tri des séquences les plus pertinentes à retenir et à
présenter au personnel. Les séquences pertinentes, selon nous, correspondaient à des extraits de
l’activité qui méritaient d’être abordées en auto-confrontation collectives, car elles étaient
illustratives de :
- conditions de travail difficiles,
- situations ayant créé une émotion (positive ou négative, directement observable ou
verbalisée),
- zones d’ombre à éclaircir,
- situations fréquences méritaient d’être débattues.
Les auto-confrontations collectives étaient basées sur la présentation de ces séquences aux
participants dont l’activité avait été suivie, et visaient à recueillir leurs commentaires. Ces
séances d’auto-confrontation collective ont été également enregistrées au moyen de la vidéo.
Nous avons réalisé ensuite un montage vidéo comprenant des extraits de l’activité réelle et des
extraits des auto-confrontations collectives. Les participants avaient au préalable donné leur
accord pour participer à ces séances et pour être filmés. Pour ceux qui n’avaient pas donné leur
accord, des auto-confrontations ont été effectuées sur la base des notes prises pendant les
observations de l’activité réelle, avec, pour support, un diaporama présentant les données de
l’enquête réalisée en phase 2, sélectionnées comme pertinentes à présenter pour les débats.
Les séances d’auto-confrontations collectives ont réuni d’abord des personnes du même
métier, puis des personnes de métiers différents (Tableau 2). Elles ont permis, dans les deux cas,
d’approfondir les connaissances, de débattre des conditions de travail et d’envisager leur
amélioration.
19
Karasek, R.A., Job demands, job decision latitude, and mental strain: implications for job design. Administrative
Science Quarterly, 24, pp. 285-308, 1979.
20
Lazarus, R.S., Folkman, S., Stress, appraisal, and coping. New York: Springer Publishing Company Inc., 456 p.,
1984.
7
NOMBRE DE PERSONNES SUIVIES
NOMBRE D’AUTO-CONFRONTATIONS
PAR METIER ET PAR MOYEN
D’OBSERVATION
PAR METIER ET PAR NATURE DU SUPPORT
Ø 4 infirmiers – avec vidéo
Ø 2 auto-confrontations – par métier (entre infirmiers et
entre aides-soignants) – avec vidéo
Ø 3 infirmiers – sans vidéo (notes)
Ø 2 aides-soignants – avec vidéo
Ø 2 aides-soignants – sans vidéo (notes)
Ø 1 auto-confrontation – métiers différents (entre
coordinateurs et secrétaires) – avec vidéo
Ø 2 auto-confrontations – par métier (entre infirmiers et
entre aides-soignants) – sans vidéo (notes)
Ø 3 auto-confrontations – validation des vidéos finales
Tableau 2 : Nombre d’observations et d’auto-confrontations.
La préparation des auto-confrontations a été effectuée en différentes étapes qui ont
consisté à : (a) exploiter les données brutes issues des entretiens (en réalisant des analyses de
contenu thématique), (b) effectuer des sélections de thèmes à retenir pour les auto-confrontations
collectives, (c) exploiter les données issues des observations (en réalisant des chroniques
d’activité), (d) réaliser des sélections des situations filmées pertinentes, (e) repérer les thèmes
pertinents abordés en entretien mais auxquels aucune séquence vidéo n’était liée, (f) identifier les
situations de travail qui nous ont interpellées en tant qu’intervenant et méritant d’être abordées,
(g) expliciter des éléments concrets du travail pour créer un débat et faire émerger des solutions
pratiques aux problèmes rencontrés.
Pour synthétiser ces données, nous avons construit un tableau (Tableau 3) dans lequel
figurent les thèmes retenus, et en correspondance, les situations filmées de l’activité (en séparant
les conditions de travail positives et négatives), ainsi que les thèmes sans vidéos à aborder et les
questions sur des pistes de solution.
PRINCIPAUX THEMES DE L’ANALYSE DE CONTENU THEMATIQUE
THEMES A
QUESTIONS
ABORDER
POUR CREER
DES DEBATS
Aspects positifs des conditions
Aspects négatifs des conditions
POUR
de travail
de travail
ECLAIRCIR
Analyse de
Extraits vidéo
Analyse de
Extraits vidéo
LES ZONES
contenu
ou notes
contenu
ou notes
D’OMBRE
correspondant
correspondant
Adaptation
Extrait vidéo
Ecart entre
Extrait vidéo
Les tâches
Discuter au
en temps réel
correspondant :
les attentes
correspondant :
des soignants
sein du
du
l’infirmier prend
de l’infirmier
l’infirmier
à domicile
groupe du
8
programme
le temps
à propos du
soutient le patient
sont-elles
sens des
des visites
d’expliquer au
temps
par quelques
clairement
limites de
par les
patient la raison
nécessaire
paroles apaisantes
définies dans
chacun. Créer
employés
de l’injection.
pour faire le
pour éviter qu’il
le service ?
un débat sur
pour assurer
Note: l’infirmier
travail et le
ne s’inquiète.
Les salariés
les critères de
la qualité de
donne un appel à
temps imposé Note: l’aide-
pensent-ils
qualité du
soins.
un collègue pour
par la
soignante donne
qu’il est
travail.
demander de
pression
quelques conseils
important de
l’aide pour lever
temporelle.
sommaires sur
débattre des
l’hygiène et dit
limites de
après la visite
leur rôle pour
qu’elle fait un
les définir
travail à moitié.
clairement ?
un patient lourd.
Le salarié
Extrait vidéo
Ecart entre
Extrait vidéo
Ces
Existe-t-il un
incite le
correspondant :
les attentes
correspondant :
situations
contrat
patient à
l’infirmier laisse
du patient et
un patient insiste
sont-elles
d’accueil qui
réaliser la
le patient faire sa
ce que peut
pour avoir une
courantes ?
définit les
tâche par lui-
toilette seul.
apporter
douche alors
tâches des
même pour
Note: l’aide-
l’infirmier.
qu’elle n’est pas
soignants ?
l’inciter à
soignant
prévue.
Existe-t-il
garder son
encourage le
Note: le patient
une fiche
autonomie.
patient à se raser
n’est pas au
décrivant les
seul.
domicile alors
missions des
que la visite est
salariés à
programmée.
donner aux
patients ?
Tableau 3 : Extrait du tableau de préparation des auto-confrontations collectives.
Le contenu des débats à engager en auto-confrontation collective portait en grande partie sur
des aspects organisationnels du travail (par exemple sur les ambiguïtés de rôles, les conflits de
rôles, ou encore les consignes implicites).
A propos de la généralité des situations rencontrées et filmées, nous avons vérifié, durant les
auto-confrontations collectives, si ces situations relatives à l’activité d’un salarié avaient déjà été
rencontrées par les autres participants. Lorsque cela était le cas, on cherchait à savoir si cela était
9
fréquent ou non. Nous avons donc tenu compte de l’occurrence et de la fréquence des situations
(sur un plan quantitatif), en plus de leur importance pour les personnes (sur un plan qualitatif).
Une fois les auto-confrontations réalisées, nous avons procédé aux montages vidéos pour
obtenir 3 vidéos distinctes (2 par groupe de métiers et 1 avec des métiers différents). Ces vidéos
d’une durée d’1 heure environ réunissent des séquences de l’activité réelle et d’autoconfrontation collective. Afin de valider le contenu de celles-ci, nous les avons présentées aux
participants pour obtention de leur accord avant diffusion dans le centre de soins. Certaines
scènes ont été aménagées (coupées et floutées). Une vidéo de synthèse de 52 minutes a également
été montée pour diffusion lors de la restitution finale.
Enfin, la dernière étape avait pour finalité la présentation des résultats à la direction, au
Conseil d’Administration, aux coordinateurs, aux représentants du personnel et aux salariés
volontaires. Nous y avons diffusé un diaporama et la vidéo courte de synthèse. Cette séance avant
pour but de faire connaître les résultats, qu’un partage des représentations des conditions de
travail ait lieu, et que les recommandations proposées soient discutées. Ces deux documents, en
plus des documents vidéo complets de 3 heures, ont été transmis ensuite au centre de soins
(laissant à la direction la possibilité de diffuser comme elle le souhaitait des extraits filmés, par
exemple pour mener des discussions internes ultérieurement).
Cette présentation des résultats avait aussi pour but de proposer un plan d’action de
prévention sous la forme de recommandations. Les échanges et débats qui ont eu lieu ont permis
d’ajuster au mieux les recommandations et de les valider. Le rapport écrit transmis ensuite au
centre de soins a tenu compte des recommandations retenues et validées.
Résultats
Les résultats sont organisés en trois parties. La première décrit l’activité des soignants
dans leur travail quotidien, en montrant notamment les contraintes temporelles existantes. La
seconde montre l’importance de la dimension émotionnelle du travail. La troisième porte sur les
actions de prévention qui ont été appliquées pour améliorer les conditions de travail et agir en
prévention des risques, y compris psychosociaux.
L’activité des soignants sous pression
L’activité des infirmiers et des aides-soignants est à la fois technique et relationnelle. Elle
consiste à administrer des soins, mais aussi à répondre à des exigences émotionnelles. Ces deux
dimensions sont jugées par les soignants comme aussi importantes l’une que l’autre. Or, on
observe que la charge de travail ne permet pas toujours de privilégier la relation. Par exemple, la
durée moyenne des visites des infirmiers est de 8 minutes le matin et de 6 minutes de soir. Le
temps passé auprès des patients est limité et ne permet pas toujours de développer cette partie
relationnelle de l’activité. La part consacrée aux dimensions technique et relationnelle est
variable selon la situation et le contexte, et également selon le patient et ses caractéristiques.
Lorsque tout se déroule comme prévu, sans aléa pouvant retarder les visites, la part technique du
soin est équivalente à celle liée à la relation. Mais en cas de retard, la technicité est privilégiée.
Les situations les plus nombreuses sont celles dans lesquelles la qualité de la relation est
primordiale pour pouvoir effectuer le soin. Par exemple, c’est le cas lorsqu’un patient se plaint de
douleur, résiste en adoptant une position incommode pour le soignant, prononce des paroles
agressives, réclame des explications répétées sur le soin, ou encore, manifeste un besoin de
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recevoir des paroles apaisantes. Dans ce cas, l’activité relationnelle est favorisée car elle
conditionne la réalisation de l’acte.
La façon dont les soignants gèrent les visites dépend de l’articulation entre les aspects
techniques et relationnels (pour éviter un cumul des retards par rapport au programme prévu). Les
programmes de visites étant organisés à l’avance par les coordinateurs, l’ajustement réalisé par
les soignants a des conséquences sur le travail des coordinateurs, qui doivent prendre en compte
cette régulation faite sur le terrain et adapter au mieux le programme des visites à organiser pour
les jours à venir. Mais le nombre de visites et les durées de trajets étant élevés (Tableau 4), la
gestion du travail par les soignants et les coordinateurs est difficile à réaliser.
MATIN
SOIR
Durée
moyenne des
visites
Durée
moyenne
des trajets
par tournée
Durée
moyenne de
trajet entre
2 visites
Durée
moyenne
des visites
Durée
moyenne
des trajets
par tournée
Durée
moyenne de
trajet entre
2 visites
Activité
des aidessoignants
32 minutes
56 minutes
pour 5h de
travail
8 minutes
15 minutes
1h05 pour
2h30 de
travail
10 minutes
Activité
des
infirmiers
8 minutes
1h47 pour
6h de travail
8 minutes
6 minutes
1h15 pour
3h de travail
6 minutes
Tableau 4 : Moyenne des durées consacrées aux visites et aux trajets des soignants à domicile.
Les observations de l’activité des soignants montrent que la durée des trajets lors d’une
tournée est élevée. La nécessité de se déplacer, dans des conditions parfois difficiles (de trafic,
d’enneigement, ou encore de blocage par un véhicule encombrant la route par exemple) réduit
d’autant plus le temps des soignants passé aux côtés des patients à domicile. Or, on pourrait
s’attendre à ce que le temps passé auprès des patients à leur domicile soit plus important. Ceci
renforce l’idée que le temps que peuvent consacrer les infirmiers à la part émotionnelle et
relationnelle du travail est diminué d’autant.
Le besoin de reconnaissance de la part émotionnelle du travail des soignants
La reconnaissance de la dimension relationnelle et émotionnelle du travail des soignants
est fondamentale pour la réalisation de leur activité dans de bonnes conditions. Elle est essentielle
pour aider les soignants à produire un travail de qualité. Cela repose en grande partie sur une
bonne coordination interne entre les salariés : les coordinateurs qui planifient les visites et les
intervenants au domicile. De même, la prise en compte des contraintes des uns et des autres est
fondamentale pour le bon fonctionnement de la structure. Ces deux éléments constituent une clé
de réussite.
Or, les sources de stress constatées chez les soignants proviennent essentiellement du manque
de prise en compte de cette dimension émotionnelle par la structure. Cela se traduit par une
confrontation à des exigences contradictoires, pouvant entraver la qualité du travail. Par exemple,
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les soignants doivent travailler rapidement, tout en veillant à garantir une qualité de la qualité
optimale de la relation avec les patients. Ceci peut être vécu parfois comme paradoxal. Même si
les soignants tentent d’être en adéquation avec les consignes prescrites de rapidité dans
l’exécution du travail, ils sont souvent pris dans des situations dans lesquelles ils doivent
privilégier l’aspect relationnel.
On a également observé que certaines émotions sont exprimées, et d’autres sont dissimulées,
en fonction du contexte et des interlocuteurs. Les soignants essayent de dissimuler leurs émotions
négatives face aux patients, pour éviter de leur transmettre leur état émotionnel du moment. Par
contre, ils les expriment auprès de leurs collègues après leurs visites. Ces moments de partage
émotionnel ont lieu en dehors des heures de travail par manque de temps (Tableau 4). Plus ce
travail émotionnel est intense et fréquent, plus ils ressentent le besoin d’en parler à leurs
collègues les plus proches.
Les actions mises en place pour améliorer les conditions de travail et agir en prévention
Notre intervention avait pour objectif d’approfondir nos connaissances du secteur,
appliquer une méthodologie spécifique et mettre en place des actions pour la transformation du
travail. Une fois les risques pour la santé et la sécurité du personnel mis en évidence, nous avons
donc cherché à les réduire, en proposant des recommandations dans une démarche collaborative
avec la direction et les salariés. L’approche participative a donné lieu à un plan d’action qui a été
construit collectivement et appliqué sur le terrain.
Il a consisté tout d’abord à mettre en place des groupes de travail (ou de parole) pour que
les salariés puissent évoquer leurs émotions au travail et trouver des solutions par rapport aux
difficultés rencontrées, dans le but de changer les conditions de travail. La possibilité de partager
ses émotions avec ses collègues, pour le personnel, a trouvé en effet une place au sein de
l’organisation. Ces moments de partage avaient lieu jusque-là en dehors des heures de travail.
Ces groupes de parole pérennisés constituent un apport bénéfique pour diminuer la charge
émotionnelle et reconnaître cette part du travail.
Une autre action a ensuite consisté à mettre à disposition certains matériels pour faciliter
le travail des soignants. Par exemple, des seringues à ailettes ont été achetées pour aider à
effectuer les injections particulièrement délicates.
Notre intervention a également permis de clarifier certaines consignes qui étaient perçues
comme floues par les soignants, notamment concernant l’entraide entre salariés. Par exemple, la
consigne qui « tolérait » le travail en binôme « à pratiquer de façon exceptionnelle », a été
explicitée. Maintenant, elle précise les situations dans lesquelles les collègues peuvent s’appeler
pour demander de l’aide (c’est le cas notamment lorsqu’un patient est lourd à manipuler). Cette
clarification a permis d’autoriser l’entraide sous certaines conditions et d’éviter que les soignants
se sentent mal à l’aise lorsqu’ils y avaient recours. Ceci a permis aussi un renforcement du
soutien social, une réduction des risques de lombalgie (par le partage des charges lourdes) et des
risques psychosociaux (par une rupture de l’isolement).
Plusieurs exemples des actions que nous avons menées ont été présentés. Ces actions sont
le fruit de collaborations avec l’ensemble du personnel du service de soins. L’objectif était
d’améliorer les conditions de travail et également de prévenir les risques psychosociaux. La
description de cette recherche-action montre que les conditions de travail peuvent être
améliorées, grâce à la mise en place d’une méthode basée sur des auto-confrontations collectives,
qui sont le point de départ de l’élaboration et l’application de mesures techniques ou
organisationnelles.
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*
*
*
La recherche-action présentée brièvement ici a permis de tester une méthodologie basée
sur des auto-confrontations collectives adaptées aux besoins de l’entreprise. Elle a consisté à
réunir des personnes de même métier ou des personnes de métiers et de fonction hiérarchique
différents. En ce sens, elle a permis la mise en débats de situations vécues et concrètes. La
démarche instaurée a mis en évidence l’activité et les émotions ; elle a permis le partage des
représentations du travail, l’émergence de solutions collectivement construites, le renforcement
d’un dialogue interne qui était perdu, et une dynamique pérenne de recherche de solutions au sein
du centre de soins.
Au niveau méthodologique, l’application de la méthode d’auto-confrontation collective
présente un certain nombre d’avantages et de limites. Si l’on se place du côté des intérêts, cette
méthode permet non seulement d’analyser l’activité, mais également de vérifier la fréquence des
situations rencontrées, de construire un point de vue collectif sur les conditions de travail dans
une visée d’amélioration (sur base d’exemples de situations concrètes et réelles), d’identifier les
causes de stress, et enfin, d’échanger sur les stratégies mises en œuvre. Du côté des
inconvénients, une certaine lourdeur de la mise en application des dispositifs techniques et des
délais peut être déploré.
Cette démarche d’intervention participative conduit à renforcer la collaboration interne et
à faciliter la mise en place de solutions. Elle contribue à augmenter le sentiment de confiance
mutuelle et à recréer un climat social favorable au dialogue. Notre intervention a eu également un
effet positif en termes de motivation au travail, comme en témoigne le personnel. L’utilisation de
l’outil vidéo, selon la méthodologie mise en œuvre, permet de valoriser le travail réalisé par les
salariés, surtout lorsqu’ils interviennent de manière isolée comme dans le soin à domicile.
Si la démarche a été construite sur les principes de l’auto-confrontation, nous avons
montré qu’elle est aussi adaptée pour transformer les situations de travail et les représentations.
Construite dans un but de compréhension du travail, elle permet aussi de mener des actions vers
l’atteinte d’un mieux-être des salariés au travail. Ces évolutions méthodologiques de démarches
devenues classiques en ergonomie se justifient en raison de la rapide et continuelle
transformation du monde du travail.
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