Synthèse sur la Médiation Familiale dans le champ de la

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Synthèse sur la Médiation Familiale dans le champ de la
Journée Nationale des aidants du 6/10/11. Intervention de Laetitia JOLY, Médiatrice Familiale.
La Médiation Familiale dans le champ de la dépendance.
La Médiation Familiale n’est pas, comme on le croit trop souvent, réservée aux
couples qui se séparent. D’un point de vue général, la Médiation Familiale s’adresse aux
personnes qui vivent une situation de conflits, de ruptures familiales.
I. L’intérêt de la Médiation Familiale dans le champ de la dépendance.
La Médiation Familiale a deux objectifs principaux :
-
1. la restauration de la communication ou la préservation des liens entre
membres d’une même famille.(Gestion du conflit)
-
2. l’accompagnement à la prise de décision.(Aide à la décision)
A partir du moment où la famille est en conflit face à une décision à prendre, l’idée de la
Médiation Familiale doit pouvoir émerger.
Le conflit sans prise de décision relèvera davantage du travail d’un thérapeute ; et la décision
à prendre, sans le conflit, d’un accompagnement en terme d’information ou de formation.
Or, on constate que « Conflit familial » et « Décision à prendre » sont très souvent deux
éléments qui se cumulent dans les situations de dépendance.
* Le « Conflit familial » :
La vieillesse, tout comme l’adolescence, constitue une des grandes crises pour le sujet luimême et pour la famille.
La dépendance d’un « Parent », même si elle ne résulte pas du grand âge, modifie
l’équilibre des relations familiales.
Cette menace de la perte engendre très fréquemment des sentiments de culpabilité, de
remord, de colère qui favorisent l’émergence de tensions, la réactivation des conflits.
Dans ces situations, très souvent apparaît le couple aidant/aidé isolé du reste de la famille.
Or ce huit clos peut être extrêmement destructeur pour l’aidant comme l’aidé.
L’aidant assume une charge très lourde d’un point de vue affectif, psychologique et
matériel. Il tarde souvent à demander de l’aide, s’épuisant dans la tâche qu’il estime devoir
assumer. Il se retrouve souvent isolé. Il arrive en effet très souvent que le groupe de frères et
sœurs mette l’un d’eux en position de réceptacle des tensions1.
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Serge Hefez,. Quand la famille s’emmêle, Hachette Littératures, 2004, collection Pluriel.
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Journée Nationale des aidants du 6/10/11. Intervention de Laetitia JOLY, Médiatrice Familiale.
Il peut ressentir aussi un manque de liberté ou d’indépendance, rongé par le sentiment de
devoir rendre, ce qui peut engendrer des situations de maltraitance, la maltraitance pouvant
être la seule façon qu’a trouvée l’aidant pour faire cesser les effets mortifères de sa relation
avec l’aidé2.
La personne vulnérable se retrouve aussi bien souvent au cœur de conflits familiaux
qu’elle subit. Ainsi se greffe à sa souffrance engendrée par la perte d’autonomie, la
souffrance de voir les siens se déchirer et d’être l’objet du conflit.
Les audiences de tutelles regorgent de situations qui font apparaître le désarroi de la personne
vulnérable dans ces conflits.
Situation 1: le conflit entre un père qui demande une tutelle d’état pour sa mère et sa fille qui
souhaite être tutrice. La grand-mère n’a plus de contact avec son fils et ses deux autres petites filles.
Elle se retrouve au cœur d’un conflit père/fille en subissant les conséquences, comme le subit l’enfant
placé au cœur du conflit de ses parents dans le cadre de la séparation. Ici c’est la grand-mère qui est
prise en otage.
Situation 2 faisant apparaître un conflit familial impliquant une personne souffrant de pathologie de
type Alzheimer. La fratrie est divisée. L’aîné fait obstacle, avec l’aval du père, à toutes relations entre
les autres enfants et leur mère malade.
Que ce soit les aidants ou la personne vulnérable, même s’ils constatent au quotidien les
tensions que crée la dépendance du parent au sein de leur famille, ils ne mesurent pas
toujours le lien entre dépendance et conflit familial et qu’il en va de même dans
beaucoup de familles confrontées à la dépendance.
Par ailleurs, lorsqu’on leur parle de médiation familiale, très souvent ils invoquent le
conflit, comme faisant échec à la médiation familiale.
Or le critère du conflit est tout à fait déterminant quand on évalue l'intérêt de faire une
Médiation Familiale. En l’absence de conflit, il n’y a pas de médiation, la décision se prend
par elle même. Et surtout ce n’est pas, quoi qu’on en pense à première vue, parcequ’on est
en conflit, qu’on ne souhaitera pas s’exprimer sur la nouvelle organisation à mettre en
place, les décisions à prendre.
*Les « Décisions à prendre »,
De nombreuses questions peuvent se poser :
- Autour du maintien à domicile.
En premier lieu, que souhaite l’intéressé ?
Peut-il rester vivre dans son lieu de vie ?
Une aide à domicile est-elle nécessaire et, plus généralement, quel projet de soin ou
d’accompagnement prévoir ?
Comment se répartir les taches au sein de la famille ?
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Voir Thierry Darnaud. « L’impact familial de la maladie d’Alzheimer », Chronique sociale, Lyon 2007 et
«L’entrée en maison de retraite », ESF, Paris 2007.
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Journée Nationale des aidants du 6/10/11. Intervention de Laetitia JOLY, Médiatrice Familiale.
- Autour d’une entrée en institution.
Son état justifie t-il une entrée en institution ?
Quel lieu pour quel coût ?
Quelles sont les ressources sur lesquelles il peut compter, aides comprises ?
Restera t-il un solde à charge ?
Comment le coût va alors se répartir ?
- Autour d’une protection dont pourrait avoir besoin la personne vulnérable.
Une mesure de protection est-elle nécessaire ou peut-elle être évitée ?
Quelle place pour la volonté de la personne vulnérable ?
Quelle mesure mettre en place ?
Choisit-on un représentant professionnel ou un proche, un membre de la famille ou quelqu’un
d’autre ?
Ces questions ont des répercussions importantes sur la vie de chacun.
De nombreux contentieux familiaux témoignent de l’importance pour la famille
d’échanger sur ces questions, prévenant ainsi un conflit plus important.
Situation 3 : Frères et sœurs se retrouvent assignés par l’établissement public hospitalier pour les
frais engendrés par leur mère âgée. Le placement s’est fait sans concertation et l’assignation agit
comme révélateur du conflit. Les différences de situations sociales et économiques s’expriment. Les
Jalousies et non dits ressortent à cette occasion et chacun se reproche la décision d’entrée en
institution.
Comment en effet accepter une décision, aussi difficile à prendre qu’un placement, lorsqu’elle
n’est pas concertée ? En participant à la décision, il est plus facile de l’accepter, même si la
solution trouvée est au bout du compte identique.
Lorsque la décision est prise de concert, la responsabilité de la décision est par ailleurs
plus diffuse et pèse moins lourdement sur les épaules de celui qui décide, comme nous le
montre cette autre situation :
Situation 4 dans le cadre d’une dénonciation de maltraitance : La fille aînée d’un monsieur âgé de
89 ans, atteint d’une pathologie dégénérative avec troubles du comportement signale la situation de
son père, entré en EHPAD deux ans avant, à la demande de cette dernière. L’appelante pense que
son père est victime de négligences actives de la part de l’établissement qui l’accueille. Elle pense
que la souffrance morale de son père est minimisée par l’établissement. Elle se sent impuissante face
au repli de son père. Son amaigrissement important amplifie ses angoisses. L’appelante précise aussi
qu’il existe un conflit important avec sa fratrie (5 enfants). Elle pense à un rapprochement de son
père du coté de chez elle, en structure cantou, mais elle craint une opposition de la part de la fratrie.
Ces situations nous montrent que les décisions importantes et difficiles à prendre
doivent être prises de concert afin d’éviter la culpabilisation des uns, la frustration des
autres et de rajouter du conflit aux tensions presque inévitables que provoque la
dépendance du parent âgé.
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Journée Nationale des aidants du 6/10/11. Intervention de Laetitia JOLY, Médiatrice Familiale.
Ainsi aider les aidants : C’est d’abord éviter qu’un aidant se retrouve seul à devoir
gérer la dépendance du parent et les décisions qui en découlent.
-) C’est donc l’aider à trouver ou retrouver sa place d’aidant.
C’est ainsi l’aider à replacer la personne vulnérable au centre du processus de décision
qui la concerne, dès lors que la personne dépendante doit conserver son autonomie le plus
longtemps possible et, si son état ne lui permet plus de décider pour elle, à tout le moins être
entendue sur ses désirs.
Les phénomènes de parentification sont fréquents.
Or l’autonomie n’est pas seulement la capacité à effectuer les actes de la vie courante, c’est
aussi le droit de décider pour soi.
Boris Cyrulnik « empêcher le récit d’une personne âgée, c’est interdire la seule action qui lui
reste, c’est l’empêcher de prendre sa place, c’est l’exclure affectivement et socialement, la
rendre confuse, désorientée dans un monde dépourvu de sens et de sensorialité. »
-) C’est encore l’aider à entrevoir qu’il n’est pas nécessairement seul à devoir
accompagner son parent dépendant et l’encourager à impliquer les autres aidants
potentiels. (Les autres personnes de la famille, l’entourage).
-) C’est favoriser la prise de décisions négociées3 et informer les aidants sur le processus
de Médiation Familiale qui permet de restaurer la communication familiale pour parvenir à
une décision négociée.
II. Les aspects pratiques de la MF dans le champ de la dépendance.
Qui fait la demande ?
La Médiation Familiale va se mettre en place à la demande d’un membre de la famille
(Bien souvent l’aidant principal ou l’aidé lui-même). Il formalisera sa demande auprès des
autres membres intéressés à la décision ou laissera au médiateur le soin de proposer cette
médiation.(Médiation spontanée)
La Médiation Familiale peut aussi se mettre en place sur proposition d’un juge (Juge des
Tutelles par exemple) lorsqu’une procédure est en cours et que les parties acceptent cette
médiation proposée. ( Médiation judiciaire).
Peut on obliger quelqu’un à faire une médiation ?
Non. Que la Médiation soit spontanée ou judiciaire, elle ne peut être imposée. La médiation
repose sur le principe de libre adhésion.
Le processus se mettra en place avec ceux qui acceptent d’y participer. Les membres de
la famille seront bien souvent reçus au préalable en entretien individuel pour préparer la
Médiation Familiale. Ainsi le refus de l’un ne fait pas nécessairement obstacle à la Médiation
Familiale.
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Voir Thierry Darnaud précité.
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Comment ça fonctionne ? « le processus ».
La mise en place du cadre de la Médiation Familiale comprenant l’application de règles
déterminées et le respect de principes déontologiques définis (Confidentialité, Indépendance,
Impartialité, Neutralité du médiateur qui fait tiers).
L’énonciation des attentes de chacun.
L’expression des besoins de chacun.
L’élaboration d’un projet d’accompagnement.
L’aidant principal a besoin de soutien et de réassurance. Il doit être accompagné dans
l’expression de ses besoins pour ne pas s’épuiser, s’oublier. La parole favorise la mise à
distance de ce que l’on ressent, permettant aussi de désamorcer le climat de violence qui
s’installe.
L’expression de chacun, l’écoute de chacun, la communication en présence du médiateur
familial va permettre à chacun de retrouver confiance en soi et en l’autre et de retrouver de la
souplesse dans les échanges.
La personne vulnérable elle-même entre dans une période de vie faite de rupture :
rupture parfois avec son conjoint, rupture avec sa famille, rupture de lien social, rupture avec
son confort de vie… Elle a besoin d’être écoutée sur ce qui est important pour elle et de
rester actrice de sa vie le plus longtemps possible.
La famille a besoin de trouver ou retrouver ses compétences.
C’est en valorisant les actions entreprises par chacun et en favorisant la reconnaissance des
limites de l’investissement de chacun que cette compétence va pouvoir se construire.
Le médiateur peut-il se déplacer ?
Oui le médiateur peut, si besoin est, se déplacer.
L’important est que le lieu soit suffisamment neutre pour que chacun s’y sente bien. La
limite se situe dans le respect des principes déontologiques du médiateur. Le lieu ne doit pas
être une entrave à ces principes.
Par exemple, certaines médiations ont eu lieu dans des EHPAD (salle de réception assurant la
confidentialité et neutralité nécessaire).
Combien ça coute ?
En Médiation Familiale, chacun paie pour soi. Les associations subventionnées par la CAF
ont une Grille tarifaire proportionnelle aux revenus.
Les libéraux peuvent aussi proposer plusieurs tarifs en fonction des revenus. Il faut compter
une moyenne de 35 € par personne la séance d’une heure et demi.
Peut aussi se négocier un forfait familial qui sera partagé entre les membres de la famille.
Quelles garanties ?
- Il est important que le médiateur soit diplômé d’état.
Ce diplôme d’Etat garantit le respect des principes déontologiques essentiels comme la
confidentialité, l’impartialité, la neutralité, l’indépendance.
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- Il est important de pouvoir pratiquer la co-médiation lorsque la fratrie est nombreuse.
- Il est important que le médiateur soit sensibilisé sur les problèmes de la dépendance et
les implications pour la famille.
Ces garanties ont été dégagées par un collectif de Médiateurs d’Ile de France et du
Centre dont je fais partie. Des regroupements mensuels sont organisés sur Paris sur le
thème de la Médiation Familiale face à la dépendance. Le but pour ces médiateurs étant :
- D’échanger leurs informations sur la question (lectures, colloques, expériences
vécues).
- De développer leurs compétences,
- D’analyser leur pratique sur ces situations.
Ce collectif de Médiateurs a élaboré un dépliant d’information qui comporte un numéro
d’appel (le 06 42 17 10 31) permettant d’accéder directement à une médiatrice du collectif
qui pourra renseigner au mieux sur ces situations.
Je reste aussi à votre disposition pour tout renseignement :
Laetitia MAULAY JOLY sur [email protected] ou au 06 32 75 71 18.
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