états-Unis - Villa Gillet

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états-Unis - Villa Gillet
Donner la parole aux autres
Biographie
Né en 1930 à Boston, Frederick Wiseman est cinéaste. Dans
ses films, il est réalisateur, scénariste, producteur, monteur,
ingénieur du son, et parfois même interprète. Documentariste
controversé, il s’est principalement appliqué à dresser un
portrait social des grandes institutions américaines. Après
son premier film Titicut Follies, il poursuit une série de
documentaires aux titres évocateurs : High School et Law and
Order en 1969, Hospital en 1970, Juvenile Court en 1973, et
Welfare en 1975. Ils donnent une vision très critique des grandes
institutions créées en principe à des buts d’aide et montrent la
déshumanisation imposée par les systèmes bureaucratiques. Il
filme aussi durant cette période ses documentaires aux images
les plus fortes : Primate en 1974 et Meat en 1976, respectivement
sur l’expérimentation animale et l’élevage de masse des bœufs
destinés à la consommation. Dès 1970, afin de se garantir
une indépendance de création, il crée sa propre société de
production. Son ambition est de dresser un portrait critique des
États-Unis, et, comme il le dira ensuite, le résultat est « un seul
et très long film qui durerait quatre-vingts heures ». Même The
Cool World, film qu’il a seulement produit, se veut dans cette
lignée, sorte de semi-documentaire sur la jeunesse délinquante
de Harlem. Dans une deuxième phase de son travail, il observera
plus particulièrement les lieux privilégiés de la société de
consommation avec Model en 1980 puis The Store en 1983. En
1986, il construit une trilogie traitant de l’influence des tares
physiques sur l’esprit, puis repart dans ses sujets de prédilection.
Il affirme dès son premier documentaire ses principes de base :
ce sont l’absence d’interviews, de commentaires off, et de
musiques additionnelles pour privilégier un lent apprivoisement
des personnes à la caméra, jusqu’à ce qu’elles ne la remarquent
plus.
D. R.
Frederick Wiseman
états-Unis
« Si le film marche c’est parce que le spectateur a le sentiment
qu’il est présent au cours des événements. Une partie de mon
travail consiste à lui donner assez de renseignements pour cela.
Le montage doit laisser du temps au raisonnement. […] Je dois
donner au spectateur le sentiment qu’il peut avoir confiance
dans ce que je lui fournis. »
Frederick Wiseman
Zoom
Crazy Horse (2011, 134 min.)
Pour son 39e film, Frederick Wiseman lève le rideau sur les coulisses
de la création de Désirs, l’actuel spectacle du cabaret parisien du
groupe Crazy Horse, inauguré en septembre 2009. Au cœur de
l’institution parisienne, la caméra de Frederick Wiseman suit la
création de la nouvelle revue du plus avant-gardiste des cabarets
parisiens. De jour en jour, de semaine en semaine, il suit le récit d’une
création saisissante à travers ses acteurs principaux : les danseuses
mythiques telles que Zula Zazou, Nooka Karamel, Fiamma Rosa,
Loa Vahina, mais aussi les régisseurs, les costumières, Philippe
Decouflé - le metteur en scène - et Ali Mahdavi, le directeur artistique
du spectacle. Le spectateur découvre à travers le regard de Frederick
Wiseman un Crazy Horse tel qu’il ne l’a jamais encore vu : explorant
son langage artistique, explorant ses codes mythiques, travaillant sur
la vision de la femme d’aujourd’hui, pénétrant ses codes légendaires,
et vivant tout simplement une magnifique aventure humaine.
« J’ai tourné ce film pour plusieurs raisons, notamment abstraites : je
suis très intéressé par les fantasmes, et ils sont variés dans le monde
du Crazy : les fantasmes du public qui vient voir ça, les fantasmes
des danseuses acceptant de s’exposer presque nues, les fantasmes
des actionnaires qui veulent gagner de l’argent, ceux du metteur
en scène qui doit montrer ce qu’est le Désir... Toutes ces questions
m’intéressent. » F.W.
La presse
« Promenant sa caméra dans les coulisses du cabaret, Wiseman montre
comment l’érotisme est construit de toutes pièces par les longues
séances de maquillage, les faux cils, les perruques, le rouge à lèvres
outrancier dont les gros plans révèlent qu’il déborde largement le dessin
réel des bouches des danseuses et les jeux de lumière qui subliment les
corps. Wiseman explore cet art et ce commerce de l’illusion. »
Le Monde
Ressources
http://www.dailymotion.com/video/xm6yg6_frederickwiseman-entretien-sur-le-montage-de-crazy-horse_creation
6es Assises Internationales du Roman / Un événement conçu et réalisé par Le Monde et la Villa Gillet / Du 28 mai au 3 juin 2012 aux Subsistances (Lyon) / www.villagillet.net
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Filmographie
La Danse. Le Ballet de l’Opéra de Paris
(2009,158 min.)
La Dernière Lettre (2001, 61 min.)
La Comédie-Française ou L’amour joué (1996,
223 min.)
Crazy Horse (2011, 134 min.)
Boxing Gym (2010, 91 min.)
La Danse. Le Ballet de l’Opéra de Paris
(2009,158 min.)
State legislature (2007, 217 min.)
The Garden (2004, 196 min.)
Domestic violence 2 (2002, 196 min.)
Domestic violence (2001, 196 min.)
La Dernière Lettre (2001, 61 min.)
Belfast, Maine (1999, 248 min.)
Public housing (1997, 195 min.)
La Comédie-Française ou L’amour joué (1996,
223 min.)
Ballet (1995, 170 min.)
High school II (1994, 220 min.)
Zoo (1992, 130 min.)
Aspen (1991, 146 min.)
Near Death (1989, 358 min.)
Central Park (1989, 176 min.)
Missile (1987, 115 min.)
Blind (1986, 132 min.)
Deaf (1986, 164 min.)
Adjustement and work (1986, 120 min.)
Multi-handicapped (1986, 126 min.)
Racetrack (1985, 114 min.)
The Store (1983, 118 min.)
Seraphita’s diary (1982, 90 min.)
Model (1980, 129 min.)
Manœuvre (1979, 115 min.)
Sinaï field mission (1978, 127 min.)
Canal zone (1977, 174 min.)
Meat (1976, 113 min.)
Welfare (1975, 167 min.)
Primate (1974, 105 min.)
Juvenile Court (1973, 144 min.)
Essene (1972, 86 min.)
Basic training (1971, 89 min.)
Hospital (1970, 84 min.)
Law and Order (1969, 81 min.)
High School (1968, 75 min.)
Titicut Follies (1967, 84 min.)
Paris. Un vieil et majestueux édifice. À
l’intérieur, un corridor vide et une coulisse.
Sur la scène, les plus grands ballets du
monde. Le regard méticuleux et patient de
Wiseman se tourne cette fois sur l’univers de
la danse. Au-delà du simple documentaire
d’art, il s’intéresse davantage aux mécanismes
institutionnels régissant les rapports humains.
L’œil attentif du documentariste décortique
dans son brillant montage la réalité du travail
derrière la représentation. Avec en plus la
magie de prestations sublimes, si chèrement
obtenue.
Suite à son documentaire sur La ComédieFrançaise, Frederick Wiseman fut invité par
cette institution à monter une adaptation du
chapitre 17 de Vie et Destin de Vassili Grossman.
Catherine Samie, sociétaire de la ComédieFrançaise, déclame cette dernière lettre qu’une
mère juive adresse à son fils avant d’être
exécutée par les nazis.
Délaissant pour la première fois l’observation
de la réalité américaine, Frederick Wiseman
tourne sa caméra vers la Comédie-Française
et filme l’activité de cette célèbre institution
dans ses aspects les plus prestigieux comme
les plus terre à terre.
High School II (1994, 220 min.)
Blind (1986, 132 min.)
Deaf (1986, 164 min.)
Nouvelle observation du monde de l’éducation,
cette fois-ci au sein de la Central Park East
Secondary School, lycée pilote de Harlem
réputé pour ses excellents résultats proposant
des méthodes alternatives d’enseignements à
destination d’élèves en grandes difficultés.
L’enseignement et la vie quotidienne des élèves,
depuis le jardin d’enfants jusqu’au 12e grade,
dans un institut spécialisé pour aveugles en
Alabama.
Deaf suit les activités pédagogiques et la vie
quotidienne des élèves d’un institut spécialisé
pour enfants sourds à Talladega en Alabama.
« Je voulais tourner sur la vie d’un théâtre et il
n’y a aucune institution qui ait une telle tradition
[aux États-Unis], qui ait duré si longtemps, qui
ait l’appui de l’Etat et qui soit si bonne. En plus,
je suis un amateur de la Comédie-Française
depuis les années 50, à l’époque où je vivais à
Paris. »
Frederick Wiseman
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The Store (1983, 118 min.)
Model (1980, 129 min.)
Meat (1976, 113 min.)
Welfare (1975, 167 min.)
« La vente » voilà ce qui, selon son directeur
du marketing, unit tout le personnel de Neiman
Marcus, célèbre departmental store de Dallas.
Frederick Wiseman y promène sa caméra et
nous montre les rites, les artifices, les mises
en scène ; tout un décorum au service d’un mot
d’ordre : vendre.
Au sein de l’agence Zoli à New York, les
mannequins hommes et femmes travaillent
sur des publicités, des spectacles de mode
et des couvertures de magazines. Un travail
bien plus ardu et exténuant qu’on ne pourrait
l’imaginer. Wiseman nous montre également
le fonctionnement de l’agence : entrevues avec
des candidats, conseils en carrière, travail
sur les portfolios, discussions avec les clients,
préparation des voyages... Un film fascinant sur
la fabrication du glamour et les processus de
standardisation de la beauté.
Le processus de transformation de la viande,
du bœuf dans la prairie au hamburger, est filmé
dans une gigantesque entreprise industrielle, la
Compagnie Montfort qui possède des ranchs,
des usines d’engraissement, des abattoirs. Les
installations permettent de recevoir jusqu’à
500.000 têtes et d’abattre 2000 bœufs et 3000
moutons par jour. L’ordre des opérations,
inamovible, commande aussi la succession
des images. La genèse de cette « fabrication »
conduit à une représentation de la société
humaine, de son organisation et de ses buts
(travail, distribution, consommation).
Wiseman filme un bureau d’aide sociale à
New York et lève le voile sur l’Amérique des
marginaux.
Primate (1974, 105 min.)
Juvenile Court (1973, 144 min.)
Hospital (1970, 84 min.)
Law and Order (1969, 81 min.)
Au centre de recherche zoologique sur les
primates de Yerkes à Atlanta, les scientifiques
observent les singes. Wiseman observe les
scientifiques. Description du comportement
sexuel et psychomoteur des animaux,
expériences sur leurs réactions en situation
d’apesanteur et autres opérations chirurgicales
sont passées en revue. « En un sens, Primate,
c’est High School car c’est de la même discipline
qu’il s’agit, celle du contrôle du comportement
sexuel et de l’agressivité », dit Wiseman. Un
film extrêmement troublant et rarement vu.
Dans les locaux du tribunal pour mineurs de
Memphis, au Tennessee, Wiseman filme le
quotidien de la justice américaine. L’équipe
du juge Turner y travaille avec compétence et
dévouement sur des dossiers difficiles, parfois
tragiques. Parents irresponsables, familles
monoparentales dépassées, vols, violences
domestiques, agressions sexuelles réelles ou
supposées, agressions à main armée, trafic et
usage de drogue, adolescents fugueurs... Le
juge observe, interroge, écoute les témoignages,
consulte les travailleurs sociaux, réunit des
commissions, en essayant de ne pas pénaliser
inutilement les jeunes délinquants.
Frederick Wiseman investit un grand hôpital
municipal (public et gratuit) de New York et,
par delà les plaies et pathologies des patients,
y observe les symptômes d’une société malade.
Law and Order suit le travail quotidien d’une
brigade de police dans un quartier défavorisé
de Kansas City. Le film contient certaines des
scènes les plus marquantes de toute l’oeuvre de
Wiseman, dignes des séries policières les plus
haletantes. Arrestation violente d’une prostituée,
sauvetage d’une petite fille abandonnée,
intervention risquée dans un magasin, dispute
tragicomique dans un taxi... Un discours de
Nixon sur le respect de la loi et l’ordre donne
un éclairage historique particulièrement
intéressant au film.
« Dans le film, vous voyez des cas de maladie
et des urgences classiques, mais surtout
beaucoup qui sont les épiphénomènes médicaux
de la société extérieure : drogue, criminalité,
analphabétisme,
chômage,
logements
insalubres, alcoolisme, etc. »
Frederick Wiseman
« Welfare commence par des gens en train de se
faire faire des photos d’identité obligatoires pour
avoir une carte d’aide sociale. Tout de suite on
a un échantillon du « melting-pot » […] Voilà ce
qu’est devenu le paradis de « l’Amérique les bras
ouverts ». »
Frederick Wiseman
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High School (1968, 75 min.)
Titicut Follies (1967, 84 min.)
Après son premier film coup-de-poing,
Titicut Follies, sur les prisons psychiatriques,
Wiseman tourne à la North East High School
de Philadelphie, établissement fréquenté par
les enfants de la middle class. «High School,
commente le cinéaste, c’est l’apprentissage de
la normalité, c’est-à-dire de tout ce qui n’est pas
Titicut Follies. Quand on pense éducation, on
pense mathématiques, physique… Or la fonction
sociale de l’école, c’est d’apprendre un certain
type de discours. (…) Ce qui se passe dans les
lycées est directement en relation avec ce qui se
passe dans la société. C’est le cas de toutes les
institutions mais c’est peut-être encore plus vrai
des lycées. »
Au travers de rencontres avec le personnel
du lycée, les enseignants, les élèves et les
parents, Wiseman démonte les valeurs du
système scolaire américain et sa fonction
de conditionnement social. Dans la dernière
séquence, on voit le proviseur lire en public une
lettre d’un ancien élève combattant au Vietnam.
Sans commentaire ni interviews aux questions
dirigées, sans soutien d’une musique de fond
dramatique ni effet spéciaux, Wiseman va à
l’essentiel, par un simple mais efficace jeu de
montage. Magistral.
Interdit par la censure américaine de 1967 à
1991, Titicut Follies, le premier film de Frederick
Wiseman et aujourd’hui encore son plus
légendaire, montre sans détours l’effroyable
quotidien des détenus de l’hôpital psychiatrique
de Bridgewater, dans le Massachusetts. La
caméra se fond au milieu de cette jungle isolée
du reste de la société, accompagnant au plus
près la dérive de ces prisonniers « fous »,
écrasés par un système pénitentiaire d’un autre
âge. Un film choc, que le temps a heureusement
légitimé.
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