A quoi servent le PC et l`Internet à domicile pour

A quoi servent le PC et l’Internet à domicile pour la jeunesse
tunisienne?
Abderraouf Ghanmi
Etudiant – Mastère GRH
Institut Supérieur de Gestion de Tunis
E-mail: [email protected]
et
Aymen Kassab
Etudiant – Mastère GRH
Institut Supérieur de Gestion de Tunis
IE-mail: [email protected]
sous la direction de
Mohamed El Louadi
Maître de conférences
Institut Supérieur de Gestion de Tunis
41, Rue de la Liberté – Cité Bouchoucha
Le Bardo, Tunis 2000 – Tunisie
Tél.: (216-71) 561-854 Fax: (216-71) 568-767
E-mail: [email protected]
Résumé
La généralisation des TIC constitue l’une des caractéristiques du monde actuel. Leur introduction
dans le quotidien de l’individu a modifié son style de vie et fait évoluer son quotidien vers un univers de haute technologie. Vu les possibilités d’apprentissage, de communication et de divertissement que ces technologies permettent, particulièrement dans les économies émergentes, nous
assistons aujourd’hui à un accroissement de l’utilisation des TIC dans le monde. Cependant, leur
introduction ne se fait pas avec le même rythme d’un pays à un autre. Les économies émergentes
ne bénéficient pas du même degré d’utilisation de ces technologies. Des études ont décelé un
manque d’utilisation de ces TIC par les jeunes et avancent souvent que ce manque d’engouement
est dû à des raisons économiques. Dans notre étude, nous nous sommes concentrés sur des
quartiers de la Tunisie où la situation économique est relativement élevée afin d’étudier le comportement des jeunes qui en font partie. Les résultats montrent que même lorsque la variable économique est écartée, l’utilisation que font les jeunes des TIC n’est pas nécessairement celle souhaitée.
Introduction
Depuis 1985, la Tunisie n’a pas lésiné sur les efforts pour démocratiser l’outil informatique au niveau de l’enseignement et de l’administration (voir Abassi, 2005, pour un exposé des différentes
étapes majeures). Et à partir de 1997 la Tunisie a adopté une stratégie visant à promouvoir
l’utilisation des TIC dans le pays afin de s’intégrer dans l’économie mondiale. Des dispositifs ont
été mis en place à diverses échelles, notamment au niveau de l’enseignement et de la famille afin
de «permettre à toutes les catégories sociales d’adhérer à la société de l’information»1. Cette stratégie n’a pourtant pas toujours eu les résultats escomptés.
Les investissements consentis par la Tunisie au secteur des TIC se sont élevés à plus de 860 millions de DT entre 1992 et 1996. Plus de 1,5 milliard de DT y ont été investis dans le cadre du 9ème
Plan de Développement économique et social (1997-2001) avec un taux de croissance annuel de
17%, soit près du triple du taux de croissance moyen du PIB tunisien. Le 11ème Plan couvrant la
période 2007-2011 continue à considérer les TIC comme un secteur stratégique avec une part
dans le PIB projetée à plus de 13% à la fin de 2011 (voir la figure 1).
1 400 000
2 000
1 294 910
1 800
1 200 000
1 500
1 500
1 000 000
953 770
835 000
800 000
1 000
630 000
860
600 000
505 500
410 000
400 000
500
400
250 000
200 000
150 000
160
0
0
6ème Plan
7ème Plan
8ème Plan
9ème Plan
1999
10ème Plan
Figure 1. L’évolution des investissements alloués
par le gouvernement tunisien au secteur des technologies de l’information; des taux de croissance annuels de 17% (1997-2001) et de 18,6% (2002-2006)
(source : Ministère tunisien des technologies de la
communication, 2007).
7,90
8,00
7,00
7,00
2000
2001
2002
2003
2004
2006
3,50
7,20
3,04
3,00
6,00
2005
Figure 2. L’évolution du nombre d’Internautes tunisiens entre 1999 et décembre 2006 (source: ministère tunisien des Technologies de la Communication, 2007).
5,70
2,50
2,13
5,00
4,50
2,00
4,00
1,50
1,78
1,82
2003
2004
1,43
2,99
3,00
2,52
1,05
2,22
1,00
2,00
0,50
1,00
0
0
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2001
2006
Figure 3. L’évolution du taux de pénétration des PC
dans les ménages tunisiens entre 1999 et 2006
(source: ministère tunisien des Technologies de la
Communication, 2007).
2002
2005
2006
Figure 4. L’évolution du taux de pénétration de
l’Internet dans les ménages tunisiens entre 2001 et
2006 (source: ministère tunisien des Technologies
de la Communication, 2007).
Le résultat en fut un accroissement remarquable des ménages équipés de PC (figure 3) et de
connexions à l’Internet (figure 4). Pour preuve, le nombre total d’Internautes tunisiens augmenta
au rythme annuel moyen de 37% entre 1999 et 2006. Le gouvernement vise à atteindre un million
d'ordinateurs dans le pays, à pourvoir chaque citoyen d’une adresse électronique, un centre public
d'Internet dans chaque village et un taux de pénétration du PC dans les foyers de 16% avant la fin
de 2009.
1
Voir
le
programme
du
PC
familial,
ministère
des
http://www.infocom.tn/index.php?id=14, consulté le 25 septembre 2007.
2
Technologies
de
la
Communication,
Les efforts de la Tunisie ont semble-t-il été remarqués ailleurs, notamment par le World Economic
Forum de Davos qui, dans son rapport de mars 2007, place la Tunisie au 35ème rang mondial, au
premier rang en Afrique et au deuxième parmi les pays arabes après les Emirats Arabes Unis.
Cependant, l’utilisation des TIC par les jeunes Tunisiens et les ménages reste encore limitée. Le
recensement de l’Institut National de la Statistique (INS, 2004a) montre qu’uniquement 7% des
ménages possèdent des ordinateurs et 7,9% seulement utilisent l’Internet.
En outre, les résultats de la troisième Consultation de la jeunesse tunisienne en 2006 (ONJ, 2006)
sont plus optimistes. Faisant suite à deux consultations ayant été entreprises en 1996 et en 2000
par l’Observatoire National de la Jeunesse, la troisième tint compte des opinions, besoins et attentes de 116 000 jeunes en ce qui concerne, entre autres, les TIC. Les résultats ont montré que si le
taux d’utilisation de l’informatique est de 43%, celui de l’utilisation de l’Internet est de 13,7%.
Ainsi, l’observation de faibles taux dans l’utilisation des TIC par rapport aux objectifs fixés et ce
malgré les encouragements mis en place, fait jaillir une interrogation. En fait, malgré la constante
diminution des prix des équipements informatiques et leur grande diffusion, plusieurs tranches de
la population n'ont pas encore pleinement adopté l’ordinateur. Les jeunes qui représentent 40% de
la population totale et qui devraient être les premiers sensibilisés à l'utilisation de ces technologies,
semblent ne pas y être suffisamment intéressés.
Alors que nombre de statistiques sont publiées, notamment par l’INS et le ministère des Technologies de la Communication sur les taux de pénétration des TIC dans les ménages, peu d’études se
sont penchées sur l’usage réel dont est fait de ces TIC, notamment du PC dans les ménages. On
citera par exemple les études de Ben Youssef et al. (2004), de Ben Sassi (2004) et de Abassi
(2005).
Le présent article s’intéresse à l’étude du manque d'usage des TIC dans un contexte familial. Pour
ce faire, nous avons étudié les jeunes âgés de 15 à 30 ans faisant partie des catégories socioprofessionnelles supérieures dans le but d’écarter l’impact de la variable économique qui est souvent
présentée comme une raison particulière du non accès aux TIC.
Nous tenterons de répondre à deux questions, à savoir:
1- quelles sont les causes de la non utilisation des TIC, s’il y a lieu, notamment l'ordinateur par les
jeunes Tunisiens malgré leur situation économique favorable?
2- en quoi consiste l’utilisation de l’ordinateur par les jeunes qui en disposent?
Selon les statistiques de l’INS, le Tunisien consacre 8,7% en moyenne à la culture et aux loisirs
(INS, 2000). En 2004, le nombre des ménages a atteint 778,1 millions dont 150,9 disposent d’un
ordinateur et 170,7 utilisent l’Internet. Le gouvernorat de Tunis (dans lequel se trouve le quartier
d’El Menzah) détient le plus haut pourcentage de ménages dont un membre au moins utilisait
l’Internet (14,5%) en 2004. Le deuxième pourcentage le plus élevé de la Tunisie (13,7%) est détenu par le gouvernorat de l’Ariana (dans lequel se trouve le quartier d’Ennasr). La moyenne nationale du nombre de ménages dont un membre au moins se connecte à l’Internet est de 7,9%.
L’échantillon
Pour répondre aux questions de recherche ci-dessus, nous nous sommes adressés aux deux
quartiers de la capitale d'El Menzah et d’Ennasr, réputés être parmi les plus aisés du pays pour
écarter la variable économique. En effet, dans l’étude de Ben Youssef et al. (2004), comme dans
d’autres, l’acquisition des TIC est souvent associée à la situation économique, que ce soit en Tunisie ou ailleurs et la situation économique a souvent été présentée comme l’origine du fossé numérique.
Nous avons recueilli des données à l'aide d'un questionnaire adressé à un échantillon de 56 jeunes. Les deux quartiers d’El Menzah (gouvernorat de Tunis) et d’Ennasr (gouvernorat d’Ariana)
sont en effet des quartiers, où, selon les statistiques officielles, les taux d’équipements en radios
3
cassettes, téléviseurs, paraboles, climatiseurs, voitures et autres signes distinctifs de luxe relatif
ainsi que l’acquisition de TIC sont relativement élevés par rapport aux moyennes nationales (tableau I).
Tableau I. Les caractéristiques d’équipement en électroménager, en véhicules et en technologies
de l’information des deux gouvernorats auxquels appartiennent les quartiers d’Ennasr et d’El
Menzah.
Tunis
El Menzah
Arianaa
Moyenne nationale
des gouvernorats
Minimum
Maximum
Radio
cassette
(1)
85,90
95,60
86,00
TV (1)
95,30
98,40
94,80
74,68
60,30
86,00
89,05
75,70
95,70
Parabole
(1)
65,40
91,70
59,40
Climatiseur
(1)
14,10
64,70
18,30
45,34
24,00
67,80
4,69
0,70
18,30
Voiture
(2)
29,40
79,00
37,70
Ordinateur
(3)
13,60
49,50
15,60
19,28
10,30
37,3
5,74
1,40
15,60
Internet
(4)
14,50
nd
13,70
Téléphone fixe
(5)
50,90
76,90
46,40
Téléphone
portable
(5)
60,50
87,20
59,30
6,95
2,20
14,50
46,50
42,10
50,90
45,00
29,50
60,50
a
. Aucune statistique n’est malheureusement encore disponible en ce qui concerne le quartier relativement
nouveau d’Ennasr, gouvernorat de l’Ariana.
Sources: (1) INS (2004c), (2) INS (2004d), (3) INS (2004e), (4) INS (2004f) et (5) INS (2004g).
Le questionnaire et les données
Le questionnaire a été administré aux étudiants et aux élèves de l’enseignement secondaire habitant les deux quartiers cibles au courant de la première quinzaine du mois d’avril 2007.
L’administration du questionnaire a été faite en entretien direct afin d’apporter des clarifications
éventuelles aux questions posées et accentuer la validité des réponses obtenues. Le questionnaire comprend une partie introductive portant sur des informations générales (âge, sexe, etc.), une
partie réservée à l’utilisation de l’ordinateur, une partie réservée à l’usage de l’Internet et une partie
concernant la formation en informatique.
L’échantillon comprend 31 jeunes de sexe masculin (55,4%) et 25 jeunes de sexe féminin (44,6%),
ayant une répartition égale (50% chacun) quant à leur niveau d’études entre secondaire et supérieur. La tranche d'âge la plus élevée se situe entre 15 ans et 20 ans comme l'illustre le tableau II.
Tableau II. Les caractéristiques sociodémographiques des jeunes ayant participé à l’étude
Sexe
Occupation
Age (ans)
Masculin Féminin
Elève
Etudiant
[15-20]
[21-25]
[26-30]
Fréquence
31
25
28
28
32
22
2
Pourcentage
55,4%
44,6%
50%
50%
57,1%
39,3%
3,6%
Les participants appartiennent à des familles de tailles différentes. Près de 40% comptent quatre
membres. Cela tranche légèrement avec les résultats obtenus par Abassi (2005) dans d’autres
quartiers de la Tunisie où 40 % des ménages comptent 5 membres. Ainsi donc, il semblerait que le
nombre de membres par famille ne constitue pas nécessairement un frein à l’acquisition d’un ordinateur comme cela fut remarqué dans l’échantillon de Abassi (2005).
4
Les jeunes et les TIC
Plus de 96,4% (n=54) des jeunes contactés possèdent au moins un PC chez eux, 41,1% du total
en possèdent deux et 12,5% en possèdent trois ou plus. Les deux participants ne possédant pas
de PC déclarent que c’est soit pour des raisons financières soit par manque d’intérêt. L’achat du
PC n’a été motivé par l’un des parents que dans 25% des cas. Dans plus des deux tiers des cas
(67,9%) c’est le répondant qui a été à l’origine de l’acquisition.
Ces jeunes passent leur temps libre de manières très variées. L’occupation qui retient l’attention
est celle de la connexion à Internet à raison de 82,1%. Les autres manières sont aussi importantes
allant 78,6% pour le sport à 62,5% pour les sorties (tableau III).
Tableau III. Les manières de passer le temps
libre des jeunes
Fréq.
%
Connexion à Internet
46
82,1%
Sport
44
78,6%
Télévision
40
71,4%
Salon de thé
40
71,4%
Visite d’amis
39
69,6%
Sortie avec amis
35
62,5%
Autres
14
25,0%
Tableau IV. Les manières d’utiliser l'ordinateur
Fréq.
%
Musique
49
86,5%
Internet
48
85,7%
Films
46
82,1%
Jeux
29
51,8%
Programmation
17
30,4%
Bureautique
16
28,6%
Autres
3
5,4%
Les participants utilisent l’ordinateur à domicile pour des raisons assez variées dont l’écoute de la
musique (86,5%), l'Internet (85,7%), la visualisation ou le téléchargement de films (82,1%) et les
jeux (51,8%). Les activités «plus sérieuses», telles que la programmation et la bureautique (traitement de texte et traitement des données), ne recueillent que 30,4% et 28,6% respectivement (tableau IV).
L’utilisation de l’ordinateur pour se connecter à l’Internet mérite d’être étudiée considérant sa fréquence relativement élevée. Il ressort des réponses obtenues concernant l’utilisation de l’Internet
que les recherches sur le Web et le courrier électronique volent la palme à raison de 83,9% chacun (ex-æquo). Le chat et MSN se réservent 76,8% et 73,2% respectivement. Toutes les activités
reliées à l’Internet ont priorité sur la télévision que nous avons insérée aux fins de comparaison
(voir le tableau V).
Tableau V. Les manières d’utiliser l'Internet
Fréq.
Courrier électronique
47
Recherches
47
Chat
43
MSN
41
Skype
21
Suivi de l’actualité
20
Blog
19
Chaines télévisées
16
Autres
2
%
83,9%
83,9%
76,8%
73,2%
37,5%
35,7%
33,9%
28,6%
3,6%
Centrant notre attention sur le courrier électronique, il s’avère que 28,6% des jeunes le consultent
assez fréquemment soit entre deux à cinq fois par semaine pour 33,9% et chaque jour pour 28,6%
(tableau VI).
5
Tableau VI. Fréquence de consultation de la messagerie électronique
Entre 2 à 5
Entre 2 à 5 Une fois par Une fois par fois par se- Une fois par Entre 2 à 5 fois
Jamaisa
maine
fois par mois
mois
semaine
jour
par jour
1
2
2
7
16
4
19
1,8%
3,6%
3,6%
12,5%
28,6%
7,1%
33,9%
a
. Hormis celui ou celle qui a une boîte de courrier électronique et qui ne la consulte jamais, 5 (8,9%)
participants n’ont pas de boîte de messagerie électronique.
La majorité (83,93%) des jeunes participants se connectent à l’Internet à partir de chez eux. Une
lecture croisée des données relatives à l’emplacement du PC à domicile et aux tranches d’âge des
jeunes par rapport à leur utilisation de l’Internet révèle que toutes les activités liées à l’Internet
semblent être facilitées lorsque le PC se trouve dans la chambre du jeune (tableau VII) et particulièrement pour les 15 à 20 ans (tableau VIII).
Tableau VII. L'emplacement du PC et l'utilisation de l'Internet
Emplacement
du PC
Pièce commune
Chambre du jeune
Ailleurs
Totaux
Courrier
électron.
6
36
5
47
Recherche
5
38
4
47
Chat
5
34
4
43
MSN
4
35
2
41
Skype
3
18
0
21
Suivi de
l’actualité
2
17
1
20
Blog
2
17
0
19
Chat
24
18
1
43
MSN
27
14
0
41
Skype
14
7
0
21
Suivi de
l’actualité
11
8
1
20
Blog
14
5
0
19
Tableau VIII. L'âge et l’utilisation de l'Internet
Tranche d’âge
[15-20]
[21-25]
[26-30]
Totaux
Courrier
électron.
26
19
2
47
Recherche
25
20
2
47
Finalement, il ressort de notre étude que 75% des jeunes n’ont pas suivi une formation en informatique, que 30,4% des jeunes considèrent que leurs connaissances en informatique sont médiocres
contre 23,2% qui la jugent très bonne.
Interprétation et discussion
Les résultats de notre étude suggèrent clairement que les jeunes ayant participé à l’étude utilisent
bien l'ordinateur et que dans près de la moitié des cas (46,4%) son achat a été motivé par les études (contre 28,6% pour le divertissement). Cela ne concorde pas avec les résultats obtenus dans
l’étude de Ben Sassi (2004) dans laquelle seuls 4% des participants étudiés dans les publinets
(cybercafés tunisiens) utilisent l’Internet pour jouer. Par contre, nos résultats s’alignent avec ceux
de Abassi (2005), obtenus sur un échantillon relativement plus jeune, pour qui 60 % des élèves ont
recours à l'ordinateur pour jouer et ce, avec une fréquence considérable et ceux de Ben Youssef
et al. (2004), obtenus sur des étudiants, où le pourcentage varie entre 15 et 30%.
Cependant, des taux aussi élevés pour la musique, les films contre des taux relativement faibles
pour la programmation et la bureautique nous laissent nous interroger sur l’utilisation réservée par
ces jeunes à l’ordinateur.
Cela est remarquable compte tenu de l’évolution historique des TIC. En effet, si on prend
l’exemple du téléphone, les analystes prévoyaient que l’adoption du téléphone par les ménages
américains serait la marque d’un luxe plutôt que d’une nécessité; l’histoire montre que c’est le
contraire qui a eu lieu. Pour le PC, on s’attendrait à ce que les ménages l’adoptent pour des fins
6
utilitaires (études, analyse du budget familial, travail à domicile, etc.). Il semblerait, du moins pour
les jeunes de ces quartiers, que nous soyons en fait témoins du contraire de ce qui s’était produit
pour le téléphone (Venkatesh 1996).
Les données suggèrent par ailleurs que les jeunes passent d’une à deux heures de connexion par
jour avec les taux les plus élevés pour le chat, la recherche, le courrier électronique et MSN par
rapport aux autres usages d’Internet. Ceci pourrait s’expliquer par le fait que les jeunes de 15 à 20
ans n’ont pas nécessairement besoin de faire des recherches sur Internet par rapport aux autres
jeunes chez lesquels nous observons moins de recours au chat et à MSN.
Alors que l’ordinateur, la technologie la plus répandue des TIC, est réputé constituer un instrument
de travail et d’études, même dans la presse populaire (voir Chemli, 2007), il est de plus en plus
utilisé à des fins hédonistes frisant le ludisme (voir Venkatesh et Brown (2001) concernant les
mêmes effets constatés dans les ménages américains). L’ordinateur, initialement un calculateur,
devient peu à peu une technologie de la communication (cela fut déjà observé par Ben Sassi,
2004) et même une technologie de divertissement (Chemli, 2007).
La disparité concernant la formation en informatique est pour le moins étonnante et laisse croire
que les jeunes férus d’informatique n’apprennent pas l’informatique à l’école. Encore une fois, des
constats similaires avaient été faits par Abassi (2005) pour qui la majorité des élèves étudiés
avaient admis avoir appris à se servir d'un ordinateur seuls ou grâce à des proches, comme les
frères, les sœurs ou les amis. Ceci pourrait expliquer les faibles taux d’utilisation de l’ordinateur
pour la programmation et la bureautique.
Conclusion
Dans cette étude nous avons tenté d’apporter une explication au paradoxe relatif au manque
d’utilisation des TIC par les jeunes Tunisiens malgré les dispositifs mis en place par le gouvernement et leur situation jugée aisée. Nous avons ainsi tenté d’apporter des réponses aux questions
que nous nous sommes posées concernant l'utilisation de l'ordinateur par les jeunes et les différentes formes de son utilisation.
Ainsi nos deux questions reçoivent une même réponse. Les jeunes utilisent bien les TIC. Malheureusement, ils ne les utilisent pas de la manière à laquelle on s’attend mais plutôt à des fins moins
studieuses. Les réponses obtenues nous laissent penser que c’est la formation formelle qui en est
la raison.
Cette recherche présente des limites liées notamment au choix de l’échantillon et à l’éventail des
questions issues du questionnaire. Cependant nos résultats nous ont permis de jeter un regard sur
l'usage des TIC par les jeunes Tunisiens.
Cette étude exploratoire n’a pas la prétention de l’exhaustivité puisqu’elle se limite à un échantillon
de convenance de deux des multiples quartiers de la capitale tunisienne. Elle se limite à 56 jeunes
ayant répondu à diverses questions relatives à leur utilisation de l’informatique chez eux. Des études futures pourraient inclure davantage de catégories sociales des jeunes Tunisiens, se concentrer sur la manière dont les parents gèrent les nouveaux défis engendrés par ces nouveaux intrus
dans leurs ménages et se focaliser sur les possibilités qu’ont ces parents à mieux protéger et à
mieux orienter leurs enfants.
Des études futures devraient se concentrer sur les possibles impacts que ces résultats peuvent
avoir dans une économie émergente. Si des comportements similaires ont été observés dans des
pays nettement plus évolués (voir Venkatesh, 1996; Venkatesh et al., 2001) qui peuvent mieux se
le permettre, il importe de jeter un regard plus rapproché sur la manière de mieux guider, orienter
et éduquer les générations qui constitueront les fers de lance de l’économie de demain.
7
Références
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Association
Enseignement
Public
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NETSUDS,
No.
2,
août,
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