Activité de l`eau et transitions de phase dans les

Transcription

Activité de l`eau et transitions de phase dans les
L’ACTIVITÉ DE L’EAU DANS LES PRODUITS RICHES EN SUCRE
Activité de l’eau
et transitions de phase
dans les aliments
riches en sucres
Prof. Yrjö ROOS
Univ. of Helsinki,
Dept. of food technology,
Helsinki, Finlande.
tique de l’eau et l’effet de l’eau sur les propriétés
mécaniques (aspect collant, effondrement de
structure, croustillant et cristallisation du sucre)
s’expliquent par le rôle plastifiant de l’eau
(Levine et Slade, 1988 ; Roos, 1995). La plastification des produits amorphes peut s’observer lors
d’une baisse de la température de transition
vitreuse Tg. La notion de Tg renvoie à la plage de
température au sein de laquelle un matériau
vitreux solide se transforme en un fluide visqueux surfondu. Pour les produits alimentaires à
faible teneur en eau, la plastification peut s’observer à Tg décroissante lorsque la teneur en eau
augmente. Les systèmes alimentaires riches en
glucides sont souvent hygroscopiques et sensibles
à l’eau. La température de transition étant fortement dépendante de la teneur en eau, les propriétés physico-chimiques sont également
dépendantes de la teneur en eau et de l’aw. L’aw
étant considérée comme une propriété de l’eau
dans un aliment et la transition vitreuse comme
un changement dépendant de la teneur en eau
dans les aliments, divers effets de l’eau et de la
température sur l’état physique et les modifications observées seront présentés. L’utilisation des
aw et Tg critiques pour prévoir l’évolution des aliments est analysée.
INTRODUCTION
La température, le pH et l’activité de l’eau (aw)
sont reconnus comme les principaux facteurs
intervenant sur la stabilité au stockage et la
durée de conservation des matières alimentaires,
y compris les systèmes alimentaires riches en
glucides. Pour les aliments à teneur en eau faible
et moyenne, l’activité de l’eau peut s’avérer utile
dans le contrôle de diverses propriétés physicochimiques et de la vitesse des réactions de dégradations (Labuza et al., 1970 ; Troller et Christian,
1978). Sur les systèmes à teneur en eau
moyenne et élevée, l’aw peut également servir à
contrôler la croissance des micro-organismes. La
définition de l’activité de l’eau est fondée sur le
potentiel chimique de l’eau à l’état liquide et
gazeux. Dans des conditions de température
constante et d’équilibre, les pressions de vapeur
saturée dans un produit alimentaire et son environnement sont égales. L’activité de l’eau se définit par une équation (1), où p est la pression de
vapeur saturée à l’intérieur de l’aliment et p0 est
la pression de vapeur saturée de l’eau pure à la
même température. L’humidité relative d’équilibre (HRE) dans l’atmosphère environnante est
donnée par le rapport HRE = aw x 100 %.
p
aw = 
p0
(1)
1. ÉTAT PHYSIQUE
DES ALIMENTS RICHES
EN GLUCIDES
L’activité de l’eau affecte les vitesses d’oxydation
des lipides, les réactions suivant les lois de diffusion et les dégradations enzymatiques dans les
aliments à humidité faible et intermédiaire
(Labuza et al. 1970). L’augmentation de la
vitesse des réactions au delà d’une activité cri-
Un produit amorphe peut exister sous la forme
d’un solide à forte viscosité, par exemple à l’état
vitreux, ou sous la forme d’un fluide viscoélastique surfondu, souvent qualifié d’état caoutchoutique, ainsi qu’à l'état liquide ou gazeux.
3
L’ACTIVITÉ DE L’EAU DANS LES PRODUITS RICHES EN SUCRE
L’élimination rapide des eaux de solvatation des
aliments par des méthodes du type évaporation,
déshydratation, extrusion et congélation, occasionne la sursaturation des solutés, notamment
des glucides. En conséquence, ainsi qu’illustré
en Figure 1, des solutés à forte concentration
peuvent devenir des liquides ou des verres surfondus. Le Tableau 1 présente des exemples de
glucides amorphes dans les aliments. Plusieurs
propriétés mécaniques, thermiques et diélectriques des glucides amorphes évoluent sur la
plage de température de transition vitreuse. Des
analyses de sucres amorphes par calorimétrie
démontrent clairement un changement de capacité calorifique (Cp) à Tg. Puis, duquel un exotherme de cristallisation peut intervenir pendant
que se produit la cristallisation à partir de l’état
liquide surfondu. Les valeurs de Tg pour divers
sucres et polyols sont présentées dans le Tableau
2. Les valeurs de Tg des glucides anhydres augmentent généralement avec le poids moléculaire. Sur la base de données obtenues pour les
maltodextrines, on peut par exemple prévoir la
Tg de l’amidon anhydre, avec une valeur égale à
243 °C (Roos et Karel, 1991).
Tableau 1 : Exemples d’aliments riches en glucides à l’état
amorphe.
Produits séchés par atomisation
• lactose dans les poudres à base de lait
• sucres dans les préparations en poudre
à base de fruits ou de légumes
• auxiliaires technologiques pour le séchage,
par exemple maltodextrines
Glucides lyophilisés
• glucides dans les aliments
• glucides dans les produits pharmaceutiques
Produits à base de céréales et extrudés
• amidon
Confiseries
• sucres dans les bonbons durs
Aliments surgelés
• solutés cryo-concentrés
• sucres dans les crèmes glacées
La plastification par l’eau est comparable à la
plastification thermique ; en d’autres termes, la
différence de température T – Tg augmente également quand la teneur en eau augmente, pour
une température donnée. La plastification de
l’eau peut être calculée à l’aide de l’équation de
Gordon et Taylor (Gordon et Taylor, 1952) ou de
l’équation de Couchman et Karasz (Couchman
et Karasz, 1978) qui sont respectivement illustrées dans les équations (2) et (3).
Les temps de relaxation pour les changements
de propriétés des aliments subissent une baisse
exponentielle quand la température monte au
delà de Tg du fait de la plastification thermique.
SOLUTION
Dé
n
tio
a
ilis
b
olu
yd
fic
s
Cristallisation
Ré
ch
Re
fro
idi
au
ffe
me
nt
ss
em
en
t le
nt
ÉTATS
CAOUTCHOUTIQUES
Réchauffement
(Pression)
CRISTAL
Refroidissement
r
Su
ra
sti
r
atu
S
sh
Pla
on
ati
tat
ion
ati
on
Refroidissement
ÉTAT
VITREUX
Réchauffement
de
pi
a
tr
en
t
en
m
e
iss
m
ffe
id
fro
Re
au
ch
Ré
ÉTAT
SURFONDU
Figure 1 : Formation de l’état amorphe au cours des procédés alimentaires et relations entre les différents états physiques.
4
L’ACTIVITÉ DE L’EAU DANS LES PRODUITS RICHES EN SUCRE
Ces équations montrent que la Tg du mélange
binaire de solutés et d’eau est fonction des fractions pondérales des composantes w1 et w2, des
composantes Tg1 et Tg2 respectivement, le changement de capacité calorifique intervenant à Tg1
et Tg2, Cp1 et Cp2 respectivement, ou une
constante, k. L’effet de l’eau sur la Tg du saccharose est illustré en Figure 2 pour la courbe Tg calculée. Les rapports entre l’état physique des
solutés et de l’eau à diverses concentrations et
températures peuvent être décrits par des diagrammes d’état (par exemple, Roos, 1995).
Température en o C
100
50
0
-50
Courbe de Tg calculée
-100
-150
0
w1Tg1 + kw2Tg2
Tg = 
w1 + kw2
(2)
0,2
0,4
0,6
0,8
Fraction massique du saccharose
1,0
Figure 2 : Température de transition vitreuse (Tg) du saccharose d’après différentes études (Roos, 1995) et Tg calculée d’après l’équation de Gordon et Taylor.
w1∆Cp1LnTg1 + w2∆o2LnTg2
LnTg = 
w1∆Cp1 + w2∆Cp2
(3)
Un rapport peut être établi entre la plastification
de l’eau à température constante et l’activité de
l’eau. Aux aliments à forte teneur en eau correspondent de basses températures de transition
vitreuse qui sont proches de celles de l’eau pure,
soit -135°C (Johari et al., 1987). La déshydratation ou l’élimination de l’eau dans de nombreux
procédés, par exemple l’extrusion et la déshydratation, réduisent la teneur en eau pour
atteindre la plage type d’activité de l’eau des aliments à humidité faible et intermédiaire. Pour
évaluer les propriétés des aliments en termes de
aw et de Tg, il faut connaître la teneur en eau et
les données quantitatives sur la sorption de l’eau
et la plastification de l’eau. Les rapports entre la
teneur en eau, l’activité de l’eau et la température de transition vitreuse pour un aliment type
riche en glucides sont illustrés de façon schématique en Figure 3. Les produits dont la Tg est
supérieure à la température ambiante peuvent
être considérés comme stables. Cependant, des
augmentations relativement faibles de l’activité
de l’eau peuvent faire baisser la Tg à une valeur
inférieure à la température ambiante. En conséquence, l’isotherme de sorption est un outil
important pour fixer les limites de la teneur en
eau et de l’humidité relative au stockage. Les
valeurs critiques de teneur en eau et de l’aw
peuvent être définies comme étant celles qui
font baisser Tg à une valeur inférieure à la température ambiante (Roos, 1993). Il convient également de noter que Tg ne décrit que l’état physique des composants plastifiables par l’eau et
non celui des lipides, et que l’activité de l’eau est
Tableau 2 : Température de transition vitreuse (Tg) et changement de capacité calorifique (Cp) intervenant au delà de
la plage de température de transition vitreuse pour les
mono- et disaccharides courants, avec indication du rapport
point de fusion (Tm)/température de transition vitreuse (Tg).
(Roos, 1995)
Composé
Tg (°C)
Début
Point
médian
∆Cp
(J/g.°C)
Tm/Tg
Pentoses
Arabinose
Ribose
Xylose
-2
-20
6
3
-13
14
0,66
0,67
0,66
1,56
1,36
1,49
Hexoses
Fructose
Fucose
Galactose
Glucose
Mannose
Rhamnose
Sorbose
5
26
30
31
25
-7
19
10
31
38
36
31
0
27
0,75
–
0,50
0,63
0,72
0,69
069
1,37
1,36
1,44
1,37
1,32
–
1,46
Disaccharides
Lactose
Lactulose
Maltose
Mémibiose
Saccharose
Tréhalose
101
79
87
85
62
100
–
88
92
91
67
107
–
0,45
0,61
0,58
0,60
0,55
–
–
–
–
1,33
–
Polyols
Maltitol
Sorbitol
Xylitol
39
-9
-29
44
-4
-23
0,56
0,96
1,02
1,32
1,36
1,48
5
L’ACTIVITÉ DE L’EAU DANS LES PRODUITS RICHES EN SUCRE
On constate souvent la plastification de l’eau des
produits alimentaires au travers des changements de texture qui interviennent quand les
propriétés mécaniques changent sur la plage de
température Tg. Il a été démontré que l’aspect
collant à une température constante est le résultat d’une chute de la viscosité en raison d’un
accroissement de la teneur en eau (Downton et
al., 1982). Il a été démontré que l’aspect collant,
l’effondrement de structure et la cristallisation
sont des phénomènes dépendant du temps, qui
interviennent au delà de Tg avec une intensité
croissante quand T – Tg augmentent. Katz et
Labuza (1981) ont découvert que plusieurs aliments du type “en-cas” perdaient leur croustillant dans la plage d’aw comprise entre 0,35 et
0,50. La prévision par l’équation WLF de la viscosité par rapport à l’activité de l’eau à température constante suggère que la viscosité en deçà
de l’aw critique est égale à 1012 Pa s. Quand l’aw
critique est dépassée, même une petite augmentation de l’aw produit une chute spectaculaire de
la viscosité (Figure 4). De la même manière, selon
la théorie WLF, les temps de relaxation des
autres propriétés mécaniques, par exemple, les
phénomènes de diffusion, de collage, de prise en
masse, d’effondrement de structure, de perte du
croustillant et de cristallisation peuvent être
reliés à l’aw.
une propriété de l’eau contenue dans les aliments, qui est dépendante de la température.
Or, le changement d’état physique sur la plage
de température Tg intervient du fait d’une augmentation de la mobilité moléculaire dans les
aliments.
Tg calculée
Isotherme de sorption GAB
Tg expérimentale
Teneur en eau
Température
Isotherme de sorption
expérimental
Température ambiante
aw critique
0
m critique
1
Activité de l'eau
Figure 3 : Schéma des relations entre l’activité de l’eau, la
sorption de l’eau et la température de transition vitreuse Tg.
Les valeurs critiques de l’activité de l’eau (aw) et de la
teneur en eau (m) sont celles conduisant à l’abaissement de
Tg à température ambiante.
2. VISCOSITÉ
η
− C1(T − Ts)
 = 
ηg
C2 + (T − Ts)
100
log Viscosité (Pa.s)
20
Tg
50
15
24 oC
0
10
Viscosité
5
Stable
Collant
Mottage
Effondrement
Perte de croustillance
Cristallisation
0
0
0,2
0,4
0,6
-50
Température (oC)
La viscosité des matières vitreuses amorphes est
extrêmement élevée, de l’ordre de 1012 Pa s. A
des températures supérieures à Tg, on observe
une baisse spectaculaire de viscosité. Williams et
al. (1955) a constaté que la chute de viscosité
dans diverses substances formant des structures
vitreuses, dont les sucres, était presque indépendante du matériau considéré et respectait l’équation (4), connue sous le nom d’équation WLF,
où η représente la viscosité, ηs la viscosité à la
température de référence Ts ; C1 et C2 sont des
constantes, et T est la température. Bien que la
validité de l’équation WLF avec Tg = Ts pour prévoir la dépendance à l’égard de la température
ait été mise en évidence par Slade et Levine
(1991), la viscosité peut également être calculée
avec les équations de la loi de puissance et de
Vogel-Tamman-Fulcher (Roos, 1995).
-100
-150
0,8
Activité de l'eau
Figure 4 : Prévision de la viscosité selon la théorie WLF en
fonction de l’aw pour le lactose amorphe. Effets de la diminution de la température de transition vitreuse Tg et d’une
chute de la viscosité sur les modifications intervenant dans
des produits riches en glucides placés à température supérieure à Tg.
(4)
6
L’ACTIVITÉ DE L’EAU DANS LES PRODUITS RICHES EN SUCRE
Température d'effondrement (oC)
Collage ou Adhésivité
On observe souvent que les produits alimentaires riches en glucides deviennent collants au
delà de l’aw critique lorsque la viscosité chute
à environ 107 Pa s (Downtown et al., 1982 ;
Roos, 1995). L’adhésivité des poudres peut donner lieu à une agglomération, voire à une prise
en masse (ou mottage) plus ou moins complète.
L’agglomération ou la prise en masse pendant un
traitement (par exemple, le séchage par atomisation) sont souvent provoqués par une température et une teneur en eau relativement élevées.
Avec le séchage par atomisation, le collage est
préjudiciable parce que le produit visqueux
prend en masse sur les faces internes du sécheur.
En revanche, afin d’accroître la taille des particules des poudres alimentaires, on augmente la
teneur en eau et la température pour obtenir
plus de collage lors des procédés d’agglomération. Downtown et al. (1982) signalent que les
températures du point d’adhésivité des poudres
alimentaires riches en glucides baissent quand la
teneur en eau augmente. La baisse de la température de transition vitreuse et du point de collage lors d’une augmentation de la teneur en
eau interviennent simultanément, ce qui suggère que l’adhésivité est contrôlée par Tg (Roos,
1995). On constate donc la prise en masse des
aliments riches en glucides au cours du stockage
quand la plastification de l’eau est suffisante
pour faire chuter la Tg en dessous de la température ambiante. Ainsi qu’illustré en Figure 4, la
prise en masse est un phénomène dépendant de
la viscosité qui, à température constante, intervient au-dessus de l’aw critique.
250
200
DE 10
DE 15
DE 20
DE 25
150
100
50
0
-50
0
50
100
150
200
o
Température de transition vitreuse ( C)
Figure 5 : Relations entre la température de transition
vitreuse et la température d’effondrement de structure pour
des maltodextrines amorphes à différentes teneurs en eau.
présentent une forte corrélation avec Tg (Flink,
1983 ; Roos, 1995). Le collapse peut donc être
considéré comme un phénomène dépendant du
temps qui intervient dans les aliments pendant
le stockage au delà de l’aw critique à une vitesse
définie par T – Tg.
Texture croustillante
Un certain nombre d’aliments à structure
poreuse ayant une faible teneur en eau présentent une texture croustillante qui est un élément
essentiel de la qualité de divers produits à base
de céréales et en-cas. Katz et Labuza (1981) ont
démontré que la perte de croustillance provenait
du ramollissement provoqué par la plastification
de l’eau et que la matière devenait pâteuse au
delà de l’aw critique. Roos (1993) signale des
valeurs critiques de teneur en eau et d’activité de
l’eau pour des malto-dextrines de poids moléculaires différents. Les résultats suggèrent que la
teneur en eau critique comme l’aw critique faisant baisser la Tg en dessous de 25°C augmentent avec le poids moléculaire. La perte de croustillance peut être déterminée expérimentalement (Figure 6), du fait de la chute de viscosité
qui, en analyse sensorielle, est observable à partir de la perte de croustillance et de la chute de
l’acceptabilité de la texture (Kärki et al., 1994).
Effondrement de structure ou
collapse
Le terme “effondrement de structure” fait référence à la perte de structure qui peut intervenir
pendant la lyophilisation du fait de la plastification des produits lyophilisés ou à la perte de
structure produite par la plastification de l’eau
dans les aliments à faible teneur en eau. Il a été
démontré que l’effondrement de structure des
poudres riches en glucides est un phénomène
dépendant du temps qui intervient à une température fonction de la teneur en eau (Tsourouflis
et al., 1976). A l’évidence, l’effondrement de
structure est le résultat de l’écoulement visqueux au delà de Tg. En Figure 5, il apparaît que
les températures d’effondrement de structure
déterminées dans des conditions expérimentales
Cristallisation
La cristallisation des sucres amorphes et autres
composants alimentaires est probablement l’une
des modifications les plus spectaculaires qui
7
L’ACTIVITÉ DE L’EAU DANS LES PRODUITS RICHES EN SUCRE
intervienne sur les propriétés structurales et la
qualité des aliments riches en glucides. Makower
et Dye (1956) ont constaté que la vitesse de cristallisation du glucose et du saccharose amorphes
était dépendante de l’humidité relative au stockage et de la teneur en eau. La cristallisation du
lactose amorphe est souvent observée dans les
produits à base de lait déshydraté lors d’une
perte en eau au delà de l’activité de l’eau critique ; cette cristallisation augmente la vitesse
des dégradations au stockage. La plastification de
l’eau et l’abaissement de Tg en dessous de la
température ambiante sont les deux causes principales de la cristallisation du lactose lorsque la
viscosité baisse et que la diffusion augmente
(Roos, 1995).
Isothermes de sorption
Sucre amorphe
Sucre cristallisé
Teneur en eau
Temps de cristallisation
Activité de l'eau
Les glucides amorphes des aliments déshydratés
forment souvent une matrice “encapsulant” des
lipides ou des composés aromatiques. Une telle
matrice protège les produits volatils contre tout
relargage et les lipides contre l’oxydation.
Cependant, la cristallisation de la matrice de glucides a donc un effet opposé. A l’évidence, la cristallisation des glucides amorphes est un phénomène dépendant du temps qui intervient au stockage au delà de l’aw critique du fait de la plastification de l’eau, ainsi qu’illustré en Figure 7.
Figure 7 : Cristallisation au cours du temps de sucres
amorphes au delà de l’aw critique. Dans des aliments riches
en sucres, la cristallisation peut être inhibée en fonction de
la composition. Roos, 1995.
Il est un fait connu que la dégradation et les
défauts de qualité causés par le brunissement
non enzymatique et par les réactions enzymatiques ont peu de chance d’intervenir dans des
aliments conservés à de faibles teneurs en eau et
à des températures de stockage modérées.
La mobilité moléculaire et la diffusion à l’intérieur d’une matière alimentaire amorphe augmentent à des températures supérieures à Tg, ce
qui, à une température constante, intervient
quand la teneur en eau est suffisante pour faire
baisser Tg en dessous de la température
ambiante (Simatos et Karel, 1988). La vitesse des
réactions liées à la diffusion peut donc augmenter et il a été suggéré que l’état physique des aliments à faible teneur en eau est l’un des facteurs
déterminant la vitesse des dégradations (Slade et
Levine, 1991 ; Roos, 1995). L’augmentation de
la vitesse de réaction peut être observée au delà
de l’aw critique (Figure 8). Pour de fortes aw, la
vitesse de réaction peut baisser du fait de la dilution relative des composés.
3. DIFFUSION
ET MODIFICATIONS
PHYSICO-CHIMIQUES
La vitesse des modifications physico-chimiques
dans les aliments apparaît clairement liée à la
teneur en eau ainsi qu’à l’activité de l’eau.
1,0
Intensité relative
0,8
Texture croustillante
0,6
0,4
aw critique
Courbe initiale
0,2
Croustillance perçue
(mâche avec incisives)
0
0
0,2
0,4
....................
....................
....................
....................
....................
....................
. . . . . . . Perte
. . . . . .de
.......
....................
. . . . . . . croustillance
.............
....................
....................
....................
....................
....................
....................
....................
....................
....................
....................
....................
....................
....................
....................
....................
....................
....................
....................
0,6
0,8
Secondes
Minutes
Heures
Jours
Semaines
Mois
Années
Le brunissement non enzymatique est souvent
considéré comme une réaction limitée par la diffusion dans les aliments à faible teneur en eau
(Labuza et al., 1970 ; Simatos et Karel, 1988 ;
Slade et Levine, 1991 ; Roos, 1995). Il a été
démontré que la vitesse des réactions est dépendante de l’activité de l’eau et de la température.
Karmas et al. (1992) ont analysé sur des modèles
alimentaires les relations entre le brunissement
non enzymatique et la température, à diverses aw.
1,0
Activité de l'eau
Figure 6 : Effet de l’activité de l’eau sur la croustillance d’un
en-cas riche en glucides amorphes, déterminée par technique instrumentale (snap test) ou par analyse sensorielle.
La perte de croustillance intervient au delà de l’aw critique.
D’après Kärki et al ; (1994).
8
L’ACTIVITÉ DE L’EAU DANS LES PRODUITS RICHES EN SUCRE
la vitesse des dégradations lors du stockage.
L’état physique des aliments riches en glucides
dépend de l’activité de l’eau car l’eau agit
comme plastifiant et réduit les températures de
transition de phase, notamment la température
de transition vitreuse. Les temps de relaxation
des modifications liées à Tg subissent une réduction spectaculaire à des températures supérieures à Tg. La modélisation de la sorption de
l’eau et des effets de l’eau sur Tg peut être utilisée pour déterminer les rapports entre l’activité
de l’eau, la teneur en eau et la transition
vitreuse. Les teneurs en eau et les aw critiques
peuvent être définies comme les facteurs qui
font baisser Tg en dessous de la température
ambiante. Les relations entre les vitesses de
dégradation, l’activité de l’eau et l’état physique
de l’aliment sont obtenus à partir des cartes de
stabilité. On y observe que les vitesses de dégradation contrôlées par la diffusion vont croissantes au delà de l’aw critique.
Vitesse relative
........
Oxydation des . . . . . . . .
........
lipides (non
........
........
encapsulés)
........
........
........
........
........
Diffusivité
........
........
Mobilité moléculaire
........
Altérations mécaniques
........
........
Cristallisation
........
Activité enzymatique
........
........
Relargage d'arômes et
........
........
lipides encapsulés
........
........
Réactions
. . . . . . . . Coissance des
........
limitées
. . . . . . . . microorganismes
........
par la
........
aw critique
diffusion
........
........
........
0
Activité de l'eau
1
Figure 8 : Carte de stabilité des aliments montrant les
vitesses relatives d'altération des aliments à différentes
activités de l'eau.
D'après Roos (1995).
Ils ont constaté que la vitesse des réactions en
dessous de Tg est faible mais qu’elle augmente
quand T – Tg augmente. Il convient également
de noter que la vitesse de réaction dépend
d’autres facteurs, dont la cristallisation et les
modifications structurales.
RÉFÉRENCES
Couchman P. R., Karasz F. E (1978), A classical
thermodynamic discussion of the effect of
composition on glass-transition temperatures,
Macromolecules 11 ; 117-119.
Bien que les réactions de dégradation des aliments dépendent d’un certain nombre de facteurs, les vitesses de réaction semblent être surtout affectées par l’état physique du produit. Les
réactions qui se produisent entre composés non
miscibles dans la phase amorphe plastifiable par
l’eau, par exemple l’oxydation des lipides, peuvent intervenir à de faibles aw et nettement en
dessous de Tg. Les dégradations provenant des
réactions entre composés au sein des produits
amorphes peuvent s’intensifier au delà de l’aw
critique, du fait de la plastification, de l’augmentation de la diffusion et de la baisse de Tg en dessous de la température ambiante, ainsi que le
suggère la “carte de stabilité” (Figure 8).
Downton G. E., Flores-Luna J. L., King C. J.
(1982), Mechanism of stickiness in hygroscopic, amorphous powders. Ind. Eng. Chem.
Fundam. 21 : 447-451.
Gordon M., Taylor J.S. (1952), Ideal copolymers
and the second-order transitions of synthetic
rubbers. I. Non-crystalline copolymers. J. Appl.
Chem. 2 : 493-500
Kärki M.-K., Roos Y. H., Tuorila H. (1994), Water
plasticisation of crispy snack foods. Paper
N° 76-10, Meeting Institute of Food
Technologists, Atlanta, June 25-29.
Karmas R., Buera M. P., Karel M. (1992), Effect
of glass transition on rates of non-enzymatic
browning in food systems. J. Agric. Food Chem.
40 : 873-879.
D’autres études sur les effets de l’aw, de la température ou de la température de transition
vitreuse sur les dégradations d’un aliment sont
nécessaires pour comprendre les rapports entre
l’eau, la température, la composition et l’état
physique dans les aliments riches en glucides.
Katz E. E., Labuza T. P, (1981), Effect of water
activity on the sensory crispness and mechanical deformation of snack food products
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CONCLUSIONS
Labuza T. P., Tannenbaum S.R., Karel M. (1970)
Water content and stability of low-moisture
and intermediate-moisture foods. Food
Technol. 24 : 543-544, 546-548 ; 550.
L’activité de l’eau est une propriété de l’eau
contenue dans les systèmes alimentaires riches
en glucides qui peut s’avérer utile pour contrôler
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L’ACTIVITÉ DE L’EAU DANS LES PRODUITS RICHES EN SUCRE
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