Activité de l`eau et transitions de phase dans les
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Activité de l`eau et transitions de phase dans les
L’ACTIVITÉ DE L’EAU DANS LES PRODUITS RICHES EN SUCRE Activité de l’eau et transitions de phase dans les aliments riches en sucres Prof. Yrjö ROOS Univ. of Helsinki, Dept. of food technology, Helsinki, Finlande. tique de l’eau et l’effet de l’eau sur les propriétés mécaniques (aspect collant, effondrement de structure, croustillant et cristallisation du sucre) s’expliquent par le rôle plastifiant de l’eau (Levine et Slade, 1988 ; Roos, 1995). La plastification des produits amorphes peut s’observer lors d’une baisse de la température de transition vitreuse Tg. La notion de Tg renvoie à la plage de température au sein de laquelle un matériau vitreux solide se transforme en un fluide visqueux surfondu. Pour les produits alimentaires à faible teneur en eau, la plastification peut s’observer à Tg décroissante lorsque la teneur en eau augmente. Les systèmes alimentaires riches en glucides sont souvent hygroscopiques et sensibles à l’eau. La température de transition étant fortement dépendante de la teneur en eau, les propriétés physico-chimiques sont également dépendantes de la teneur en eau et de l’aw. L’aw étant considérée comme une propriété de l’eau dans un aliment et la transition vitreuse comme un changement dépendant de la teneur en eau dans les aliments, divers effets de l’eau et de la température sur l’état physique et les modifications observées seront présentés. L’utilisation des aw et Tg critiques pour prévoir l’évolution des aliments est analysée. INTRODUCTION La température, le pH et l’activité de l’eau (aw) sont reconnus comme les principaux facteurs intervenant sur la stabilité au stockage et la durée de conservation des matières alimentaires, y compris les systèmes alimentaires riches en glucides. Pour les aliments à teneur en eau faible et moyenne, l’activité de l’eau peut s’avérer utile dans le contrôle de diverses propriétés physicochimiques et de la vitesse des réactions de dégradations (Labuza et al., 1970 ; Troller et Christian, 1978). Sur les systèmes à teneur en eau moyenne et élevée, l’aw peut également servir à contrôler la croissance des micro-organismes. La définition de l’activité de l’eau est fondée sur le potentiel chimique de l’eau à l’état liquide et gazeux. Dans des conditions de température constante et d’équilibre, les pressions de vapeur saturée dans un produit alimentaire et son environnement sont égales. L’activité de l’eau se définit par une équation (1), où p est la pression de vapeur saturée à l’intérieur de l’aliment et p0 est la pression de vapeur saturée de l’eau pure à la même température. L’humidité relative d’équilibre (HRE) dans l’atmosphère environnante est donnée par le rapport HRE = aw x 100 %. p aw = p0 (1) 1. ÉTAT PHYSIQUE DES ALIMENTS RICHES EN GLUCIDES L’activité de l’eau affecte les vitesses d’oxydation des lipides, les réactions suivant les lois de diffusion et les dégradations enzymatiques dans les aliments à humidité faible et intermédiaire (Labuza et al. 1970). L’augmentation de la vitesse des réactions au delà d’une activité cri- Un produit amorphe peut exister sous la forme d’un solide à forte viscosité, par exemple à l’état vitreux, ou sous la forme d’un fluide viscoélastique surfondu, souvent qualifié d’état caoutchoutique, ainsi qu’à l'état liquide ou gazeux. 3 L’ACTIVITÉ DE L’EAU DANS LES PRODUITS RICHES EN SUCRE L’élimination rapide des eaux de solvatation des aliments par des méthodes du type évaporation, déshydratation, extrusion et congélation, occasionne la sursaturation des solutés, notamment des glucides. En conséquence, ainsi qu’illustré en Figure 1, des solutés à forte concentration peuvent devenir des liquides ou des verres surfondus. Le Tableau 1 présente des exemples de glucides amorphes dans les aliments. Plusieurs propriétés mécaniques, thermiques et diélectriques des glucides amorphes évoluent sur la plage de température de transition vitreuse. Des analyses de sucres amorphes par calorimétrie démontrent clairement un changement de capacité calorifique (Cp) à Tg. Puis, duquel un exotherme de cristallisation peut intervenir pendant que se produit la cristallisation à partir de l’état liquide surfondu. Les valeurs de Tg pour divers sucres et polyols sont présentées dans le Tableau 2. Les valeurs de Tg des glucides anhydres augmentent généralement avec le poids moléculaire. Sur la base de données obtenues pour les maltodextrines, on peut par exemple prévoir la Tg de l’amidon anhydre, avec une valeur égale à 243 °C (Roos et Karel, 1991). Tableau 1 : Exemples d’aliments riches en glucides à l’état amorphe. Produits séchés par atomisation • lactose dans les poudres à base de lait • sucres dans les préparations en poudre à base de fruits ou de légumes • auxiliaires technologiques pour le séchage, par exemple maltodextrines Glucides lyophilisés • glucides dans les aliments • glucides dans les produits pharmaceutiques Produits à base de céréales et extrudés • amidon Confiseries • sucres dans les bonbons durs Aliments surgelés • solutés cryo-concentrés • sucres dans les crèmes glacées La plastification par l’eau est comparable à la plastification thermique ; en d’autres termes, la différence de température T – Tg augmente également quand la teneur en eau augmente, pour une température donnée. La plastification de l’eau peut être calculée à l’aide de l’équation de Gordon et Taylor (Gordon et Taylor, 1952) ou de l’équation de Couchman et Karasz (Couchman et Karasz, 1978) qui sont respectivement illustrées dans les équations (2) et (3). Les temps de relaxation pour les changements de propriétés des aliments subissent une baisse exponentielle quand la température monte au delà de Tg du fait de la plastification thermique. SOLUTION Dé n tio a ilis b olu yd fic s Cristallisation Ré ch Re fro idi au ffe me nt ss em en t le nt ÉTATS CAOUTCHOUTIQUES Réchauffement (Pression) CRISTAL Refroidissement r Su ra sti r atu S sh Pla on ati tat ion ati on Refroidissement ÉTAT VITREUX Réchauffement de pi a tr en t en m e iss m ffe id fro Re au ch Ré ÉTAT SURFONDU Figure 1 : Formation de l’état amorphe au cours des procédés alimentaires et relations entre les différents états physiques. 4 L’ACTIVITÉ DE L’EAU DANS LES PRODUITS RICHES EN SUCRE Ces équations montrent que la Tg du mélange binaire de solutés et d’eau est fonction des fractions pondérales des composantes w1 et w2, des composantes Tg1 et Tg2 respectivement, le changement de capacité calorifique intervenant à Tg1 et Tg2, Cp1 et Cp2 respectivement, ou une constante, k. L’effet de l’eau sur la Tg du saccharose est illustré en Figure 2 pour la courbe Tg calculée. Les rapports entre l’état physique des solutés et de l’eau à diverses concentrations et températures peuvent être décrits par des diagrammes d’état (par exemple, Roos, 1995). Température en o C 100 50 0 -50 Courbe de Tg calculée -100 -150 0 w1Tg1 + kw2Tg2 Tg = w1 + kw2 (2) 0,2 0,4 0,6 0,8 Fraction massique du saccharose 1,0 Figure 2 : Température de transition vitreuse (Tg) du saccharose d’après différentes études (Roos, 1995) et Tg calculée d’après l’équation de Gordon et Taylor. w1∆Cp1LnTg1 + w2∆o2LnTg2 LnTg = w1∆Cp1 + w2∆Cp2 (3) Un rapport peut être établi entre la plastification de l’eau à température constante et l’activité de l’eau. Aux aliments à forte teneur en eau correspondent de basses températures de transition vitreuse qui sont proches de celles de l’eau pure, soit -135°C (Johari et al., 1987). La déshydratation ou l’élimination de l’eau dans de nombreux procédés, par exemple l’extrusion et la déshydratation, réduisent la teneur en eau pour atteindre la plage type d’activité de l’eau des aliments à humidité faible et intermédiaire. Pour évaluer les propriétés des aliments en termes de aw et de Tg, il faut connaître la teneur en eau et les données quantitatives sur la sorption de l’eau et la plastification de l’eau. Les rapports entre la teneur en eau, l’activité de l’eau et la température de transition vitreuse pour un aliment type riche en glucides sont illustrés de façon schématique en Figure 3. Les produits dont la Tg est supérieure à la température ambiante peuvent être considérés comme stables. Cependant, des augmentations relativement faibles de l’activité de l’eau peuvent faire baisser la Tg à une valeur inférieure à la température ambiante. En conséquence, l’isotherme de sorption est un outil important pour fixer les limites de la teneur en eau et de l’humidité relative au stockage. Les valeurs critiques de teneur en eau et de l’aw peuvent être définies comme étant celles qui font baisser Tg à une valeur inférieure à la température ambiante (Roos, 1993). Il convient également de noter que Tg ne décrit que l’état physique des composants plastifiables par l’eau et non celui des lipides, et que l’activité de l’eau est Tableau 2 : Température de transition vitreuse (Tg) et changement de capacité calorifique (Cp) intervenant au delà de la plage de température de transition vitreuse pour les mono- et disaccharides courants, avec indication du rapport point de fusion (Tm)/température de transition vitreuse (Tg). (Roos, 1995) Composé Tg (°C) Début Point médian ∆Cp (J/g.°C) Tm/Tg Pentoses Arabinose Ribose Xylose -2 -20 6 3 -13 14 0,66 0,67 0,66 1,56 1,36 1,49 Hexoses Fructose Fucose Galactose Glucose Mannose Rhamnose Sorbose 5 26 30 31 25 -7 19 10 31 38 36 31 0 27 0,75 – 0,50 0,63 0,72 0,69 069 1,37 1,36 1,44 1,37 1,32 – 1,46 Disaccharides Lactose Lactulose Maltose Mémibiose Saccharose Tréhalose 101 79 87 85 62 100 – 88 92 91 67 107 – 0,45 0,61 0,58 0,60 0,55 – – – – 1,33 – Polyols Maltitol Sorbitol Xylitol 39 -9 -29 44 -4 -23 0,56 0,96 1,02 1,32 1,36 1,48 5 L’ACTIVITÉ DE L’EAU DANS LES PRODUITS RICHES EN SUCRE On constate souvent la plastification de l’eau des produits alimentaires au travers des changements de texture qui interviennent quand les propriétés mécaniques changent sur la plage de température Tg. Il a été démontré que l’aspect collant à une température constante est le résultat d’une chute de la viscosité en raison d’un accroissement de la teneur en eau (Downton et al., 1982). Il a été démontré que l’aspect collant, l’effondrement de structure et la cristallisation sont des phénomènes dépendant du temps, qui interviennent au delà de Tg avec une intensité croissante quand T – Tg augmentent. Katz et Labuza (1981) ont découvert que plusieurs aliments du type “en-cas” perdaient leur croustillant dans la plage d’aw comprise entre 0,35 et 0,50. La prévision par l’équation WLF de la viscosité par rapport à l’activité de l’eau à température constante suggère que la viscosité en deçà de l’aw critique est égale à 1012 Pa s. Quand l’aw critique est dépassée, même une petite augmentation de l’aw produit une chute spectaculaire de la viscosité (Figure 4). De la même manière, selon la théorie WLF, les temps de relaxation des autres propriétés mécaniques, par exemple, les phénomènes de diffusion, de collage, de prise en masse, d’effondrement de structure, de perte du croustillant et de cristallisation peuvent être reliés à l’aw. une propriété de l’eau contenue dans les aliments, qui est dépendante de la température. Or, le changement d’état physique sur la plage de température Tg intervient du fait d’une augmentation de la mobilité moléculaire dans les aliments. Tg calculée Isotherme de sorption GAB Tg expérimentale Teneur en eau Température Isotherme de sorption expérimental Température ambiante aw critique 0 m critique 1 Activité de l'eau Figure 3 : Schéma des relations entre l’activité de l’eau, la sorption de l’eau et la température de transition vitreuse Tg. Les valeurs critiques de l’activité de l’eau (aw) et de la teneur en eau (m) sont celles conduisant à l’abaissement de Tg à température ambiante. 2. VISCOSITÉ η − C1(T − Ts) = ηg C2 + (T − Ts) 100 log Viscosité (Pa.s) 20 Tg 50 15 24 oC 0 10 Viscosité 5 Stable Collant Mottage Effondrement Perte de croustillance Cristallisation 0 0 0,2 0,4 0,6 -50 Température (oC) La viscosité des matières vitreuses amorphes est extrêmement élevée, de l’ordre de 1012 Pa s. A des températures supérieures à Tg, on observe une baisse spectaculaire de viscosité. Williams et al. (1955) a constaté que la chute de viscosité dans diverses substances formant des structures vitreuses, dont les sucres, était presque indépendante du matériau considéré et respectait l’équation (4), connue sous le nom d’équation WLF, où η représente la viscosité, ηs la viscosité à la température de référence Ts ; C1 et C2 sont des constantes, et T est la température. Bien que la validité de l’équation WLF avec Tg = Ts pour prévoir la dépendance à l’égard de la température ait été mise en évidence par Slade et Levine (1991), la viscosité peut également être calculée avec les équations de la loi de puissance et de Vogel-Tamman-Fulcher (Roos, 1995). -100 -150 0,8 Activité de l'eau Figure 4 : Prévision de la viscosité selon la théorie WLF en fonction de l’aw pour le lactose amorphe. Effets de la diminution de la température de transition vitreuse Tg et d’une chute de la viscosité sur les modifications intervenant dans des produits riches en glucides placés à température supérieure à Tg. (4) 6 L’ACTIVITÉ DE L’EAU DANS LES PRODUITS RICHES EN SUCRE Température d'effondrement (oC) Collage ou Adhésivité On observe souvent que les produits alimentaires riches en glucides deviennent collants au delà de l’aw critique lorsque la viscosité chute à environ 107 Pa s (Downtown et al., 1982 ; Roos, 1995). L’adhésivité des poudres peut donner lieu à une agglomération, voire à une prise en masse (ou mottage) plus ou moins complète. L’agglomération ou la prise en masse pendant un traitement (par exemple, le séchage par atomisation) sont souvent provoqués par une température et une teneur en eau relativement élevées. Avec le séchage par atomisation, le collage est préjudiciable parce que le produit visqueux prend en masse sur les faces internes du sécheur. En revanche, afin d’accroître la taille des particules des poudres alimentaires, on augmente la teneur en eau et la température pour obtenir plus de collage lors des procédés d’agglomération. Downtown et al. (1982) signalent que les températures du point d’adhésivité des poudres alimentaires riches en glucides baissent quand la teneur en eau augmente. La baisse de la température de transition vitreuse et du point de collage lors d’une augmentation de la teneur en eau interviennent simultanément, ce qui suggère que l’adhésivité est contrôlée par Tg (Roos, 1995). On constate donc la prise en masse des aliments riches en glucides au cours du stockage quand la plastification de l’eau est suffisante pour faire chuter la Tg en dessous de la température ambiante. Ainsi qu’illustré en Figure 4, la prise en masse est un phénomène dépendant de la viscosité qui, à température constante, intervient au-dessus de l’aw critique. 250 200 DE 10 DE 15 DE 20 DE 25 150 100 50 0 -50 0 50 100 150 200 o Température de transition vitreuse ( C) Figure 5 : Relations entre la température de transition vitreuse et la température d’effondrement de structure pour des maltodextrines amorphes à différentes teneurs en eau. présentent une forte corrélation avec Tg (Flink, 1983 ; Roos, 1995). Le collapse peut donc être considéré comme un phénomène dépendant du temps qui intervient dans les aliments pendant le stockage au delà de l’aw critique à une vitesse définie par T – Tg. Texture croustillante Un certain nombre d’aliments à structure poreuse ayant une faible teneur en eau présentent une texture croustillante qui est un élément essentiel de la qualité de divers produits à base de céréales et en-cas. Katz et Labuza (1981) ont démontré que la perte de croustillance provenait du ramollissement provoqué par la plastification de l’eau et que la matière devenait pâteuse au delà de l’aw critique. Roos (1993) signale des valeurs critiques de teneur en eau et d’activité de l’eau pour des malto-dextrines de poids moléculaires différents. Les résultats suggèrent que la teneur en eau critique comme l’aw critique faisant baisser la Tg en dessous de 25°C augmentent avec le poids moléculaire. La perte de croustillance peut être déterminée expérimentalement (Figure 6), du fait de la chute de viscosité qui, en analyse sensorielle, est observable à partir de la perte de croustillance et de la chute de l’acceptabilité de la texture (Kärki et al., 1994). Effondrement de structure ou collapse Le terme “effondrement de structure” fait référence à la perte de structure qui peut intervenir pendant la lyophilisation du fait de la plastification des produits lyophilisés ou à la perte de structure produite par la plastification de l’eau dans les aliments à faible teneur en eau. Il a été démontré que l’effondrement de structure des poudres riches en glucides est un phénomène dépendant du temps qui intervient à une température fonction de la teneur en eau (Tsourouflis et al., 1976). A l’évidence, l’effondrement de structure est le résultat de l’écoulement visqueux au delà de Tg. En Figure 5, il apparaît que les températures d’effondrement de structure déterminées dans des conditions expérimentales Cristallisation La cristallisation des sucres amorphes et autres composants alimentaires est probablement l’une des modifications les plus spectaculaires qui 7 L’ACTIVITÉ DE L’EAU DANS LES PRODUITS RICHES EN SUCRE intervienne sur les propriétés structurales et la qualité des aliments riches en glucides. Makower et Dye (1956) ont constaté que la vitesse de cristallisation du glucose et du saccharose amorphes était dépendante de l’humidité relative au stockage et de la teneur en eau. La cristallisation du lactose amorphe est souvent observée dans les produits à base de lait déshydraté lors d’une perte en eau au delà de l’activité de l’eau critique ; cette cristallisation augmente la vitesse des dégradations au stockage. La plastification de l’eau et l’abaissement de Tg en dessous de la température ambiante sont les deux causes principales de la cristallisation du lactose lorsque la viscosité baisse et que la diffusion augmente (Roos, 1995). Isothermes de sorption Sucre amorphe Sucre cristallisé Teneur en eau Temps de cristallisation Activité de l'eau Les glucides amorphes des aliments déshydratés forment souvent une matrice “encapsulant” des lipides ou des composés aromatiques. Une telle matrice protège les produits volatils contre tout relargage et les lipides contre l’oxydation. Cependant, la cristallisation de la matrice de glucides a donc un effet opposé. A l’évidence, la cristallisation des glucides amorphes est un phénomène dépendant du temps qui intervient au stockage au delà de l’aw critique du fait de la plastification de l’eau, ainsi qu’illustré en Figure 7. Figure 7 : Cristallisation au cours du temps de sucres amorphes au delà de l’aw critique. Dans des aliments riches en sucres, la cristallisation peut être inhibée en fonction de la composition. Roos, 1995. Il est un fait connu que la dégradation et les défauts de qualité causés par le brunissement non enzymatique et par les réactions enzymatiques ont peu de chance d’intervenir dans des aliments conservés à de faibles teneurs en eau et à des températures de stockage modérées. La mobilité moléculaire et la diffusion à l’intérieur d’une matière alimentaire amorphe augmentent à des températures supérieures à Tg, ce qui, à une température constante, intervient quand la teneur en eau est suffisante pour faire baisser Tg en dessous de la température ambiante (Simatos et Karel, 1988). La vitesse des réactions liées à la diffusion peut donc augmenter et il a été suggéré que l’état physique des aliments à faible teneur en eau est l’un des facteurs déterminant la vitesse des dégradations (Slade et Levine, 1991 ; Roos, 1995). L’augmentation de la vitesse de réaction peut être observée au delà de l’aw critique (Figure 8). Pour de fortes aw, la vitesse de réaction peut baisser du fait de la dilution relative des composés. 3. DIFFUSION ET MODIFICATIONS PHYSICO-CHIMIQUES La vitesse des modifications physico-chimiques dans les aliments apparaît clairement liée à la teneur en eau ainsi qu’à l’activité de l’eau. 1,0 Intensité relative 0,8 Texture croustillante 0,6 0,4 aw critique Courbe initiale 0,2 Croustillance perçue (mâche avec incisives) 0 0 0,2 0,4 .................... .................... .................... .................... .................... .................... . . . . . . . Perte . . . . . .de ....... .................... . . . . . . . croustillance ............. .................... .................... .................... .................... .................... .................... .................... .................... .................... .................... .................... .................... .................... .................... .................... .................... .................... .................... 0,6 0,8 Secondes Minutes Heures Jours Semaines Mois Années Le brunissement non enzymatique est souvent considéré comme une réaction limitée par la diffusion dans les aliments à faible teneur en eau (Labuza et al., 1970 ; Simatos et Karel, 1988 ; Slade et Levine, 1991 ; Roos, 1995). Il a été démontré que la vitesse des réactions est dépendante de l’activité de l’eau et de la température. Karmas et al. (1992) ont analysé sur des modèles alimentaires les relations entre le brunissement non enzymatique et la température, à diverses aw. 1,0 Activité de l'eau Figure 6 : Effet de l’activité de l’eau sur la croustillance d’un en-cas riche en glucides amorphes, déterminée par technique instrumentale (snap test) ou par analyse sensorielle. La perte de croustillance intervient au delà de l’aw critique. D’après Kärki et al ; (1994). 8 L’ACTIVITÉ DE L’EAU DANS LES PRODUITS RICHES EN SUCRE la vitesse des dégradations lors du stockage. L’état physique des aliments riches en glucides dépend de l’activité de l’eau car l’eau agit comme plastifiant et réduit les températures de transition de phase, notamment la température de transition vitreuse. Les temps de relaxation des modifications liées à Tg subissent une réduction spectaculaire à des températures supérieures à Tg. La modélisation de la sorption de l’eau et des effets de l’eau sur Tg peut être utilisée pour déterminer les rapports entre l’activité de l’eau, la teneur en eau et la transition vitreuse. Les teneurs en eau et les aw critiques peuvent être définies comme les facteurs qui font baisser Tg en dessous de la température ambiante. Les relations entre les vitesses de dégradation, l’activité de l’eau et l’état physique de l’aliment sont obtenus à partir des cartes de stabilité. On y observe que les vitesses de dégradation contrôlées par la diffusion vont croissantes au delà de l’aw critique. Vitesse relative ........ Oxydation des . . . . . . . . ........ lipides (non ........ ........ encapsulés) ........ ........ ........ ........ ........ Diffusivité ........ ........ Mobilité moléculaire ........ Altérations mécaniques ........ ........ Cristallisation ........ Activité enzymatique ........ ........ Relargage d'arômes et ........ ........ lipides encapsulés ........ ........ Réactions . . . . . . . . Coissance des ........ limitées . . . . . . . . microorganismes ........ par la ........ aw critique diffusion ........ ........ ........ 0 Activité de l'eau 1 Figure 8 : Carte de stabilité des aliments montrant les vitesses relatives d'altération des aliments à différentes activités de l'eau. D'après Roos (1995). Ils ont constaté que la vitesse des réactions en dessous de Tg est faible mais qu’elle augmente quand T – Tg augmente. Il convient également de noter que la vitesse de réaction dépend d’autres facteurs, dont la cristallisation et les modifications structurales. RÉFÉRENCES Couchman P. R., Karasz F. E (1978), A classical thermodynamic discussion of the effect of composition on glass-transition temperatures, Macromolecules 11 ; 117-119. Bien que les réactions de dégradation des aliments dépendent d’un certain nombre de facteurs, les vitesses de réaction semblent être surtout affectées par l’état physique du produit. Les réactions qui se produisent entre composés non miscibles dans la phase amorphe plastifiable par l’eau, par exemple l’oxydation des lipides, peuvent intervenir à de faibles aw et nettement en dessous de Tg. Les dégradations provenant des réactions entre composés au sein des produits amorphes peuvent s’intensifier au delà de l’aw critique, du fait de la plastification, de l’augmentation de la diffusion et de la baisse de Tg en dessous de la température ambiante, ainsi que le suggère la “carte de stabilité” (Figure 8). Downton G. E., Flores-Luna J. L., King C. J. (1982), Mechanism of stickiness in hygroscopic, amorphous powders. Ind. Eng. Chem. Fundam. 21 : 447-451. Gordon M., Taylor J.S. (1952), Ideal copolymers and the second-order transitions of synthetic rubbers. I. Non-crystalline copolymers. J. Appl. Chem. 2 : 493-500 Kärki M.-K., Roos Y. H., Tuorila H. (1994), Water plasticisation of crispy snack foods. Paper N° 76-10, Meeting Institute of Food Technologists, Atlanta, June 25-29. Karmas R., Buera M. P., Karel M. (1992), Effect of glass transition on rates of non-enzymatic browning in food systems. J. Agric. Food Chem. 40 : 873-879. D’autres études sur les effets de l’aw, de la température ou de la température de transition vitreuse sur les dégradations d’un aliment sont nécessaires pour comprendre les rapports entre l’eau, la température, la composition et l’état physique dans les aliments riches en glucides. Katz E. E., Labuza T. P, (1981), Effect of water activity on the sensory crispness and mechanical deformation of snack food products J. Food Sci. 46 : 403-409. CONCLUSIONS Labuza T. P., Tannenbaum S.R., Karel M. (1970) Water content and stability of low-moisture and intermediate-moisture foods. Food Technol. 24 : 543-544, 546-548 ; 550. L’activité de l’eau est une propriété de l’eau contenue dans les systèmes alimentaires riches en glucides qui peut s’avérer utile pour contrôler 9 L’ACTIVITÉ DE L’EAU DANS LES PRODUITS RICHES EN SUCRE Slade L., Levine H. (1991), Beyond water activity : Recent advances based on an alternative approach to the assessment of food quality and safety. Crit. Rev. Food Sci. Nutr. 30 : 115360. Levine H., Slade L. (1988), “Collapse” phenomena – A unifying concept and Evaluation. J. M. V. Blanshard and J.R. Mitchell (eds). Butterworths, London, pp. 149-180. Makower B., Dye W. B. (1956), Equilibrium moisture content and crystallization of amorphous sucrose and glucose. J. Agric. Food Chem. 4 : 72-77. Toller J. A., Christiean J. H. B. (1978), Water Activity and Food. Academic Press, NewYork. Tsourouflis S., Flink J. M., Karel M. (1976), Loss of structure in freeze-dried carbohydrates solutions : Effect of temp., moisture content and composition. J. Sci. Food Agric. 27 : 509519 Roos Y. H. 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