cadre de référence et principes d`intervention pour la
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CADRE DE RÉFÉRENCE ET PRINCIPES D’INTERVENTION POUR LA CONSERVATION DU PATRIMOINE MODERNE DU CAMPUS DE L’UNIVERSITÉ LAVAL À QUÉBEC Rapport présenté au Comité d’aménagement et de mise en œuvre de l’Université Laval et à la Commission des biens culturels du Québec Odile Roy, architecte Juillet 2007 CONTENU INTRODUCTION 1 1. CONSIDÉRATIONS PRÉLIMINAIRES 4 1.1 La conservation du patrimoine moderne 1.1.1 Une préoccupation récente 1.1.2 Des enjeux spécifiques 1.1.3 Une rareté des cadres opérationnels d’intervention 4 4 5 6 2. LE PATRIMOINE MODERNE DU CAMPUS DE LAVAL 2.1 Un ensemble planifié significatif 2.1.1 Les campus de Québec : Laval et Saint-Augustin 2.1.2 Les plans directeurs d’Édouard Fiset 2.2 Des témoignages importants de la modernité architecturale au Québec 2.2.1 Trois générations de pavillons construits entre 1950 et 1975 2.2.2 Les précurseurs de la modernité 2.2.3 La modernité expressive 2.2.3 Les innovations formelles et technologiques 7 7 7 8 10 10 12 12 14 2.3 L’art intégré à l’architecture 15 2.4 État de la documentation disponible 16 3. CADRE DE RÉFÉRENCE 3.1 Des enjeux spécifiques au patrimoine moderne 3.1.1 La forme conditionnée à la fonction 3.1.2 La nouveauté et l’innovation 3.1.3 L’authenticité matérielle et conceptuelle 3.2 Des enjeux spécifiques au campus de Laval 3.2.1 Pérennité de la vocation 3.2.2 Pressions économiques et immobilières 3.3 Interventions susceptibles d’entraîner des modifications architecturales 3.3.1 Vieillissement des matériaux 3.3.2 Évolution des besoins en espace 3.3.3 Performance et étanchéité de l’enveloppe 3.3.4 Mise aux normes de sécurité 3.3.5 Mise à niveau des systèmes Odile Roy, architecte 18 18 18 20 21 22 22 23 24 25 28 28 29 30 page i 4. PRINCIPES D’INTERVENTION 4.1 Deux modèles 4.1.1 Une gestion basée sur les valeurs 4.1.2 Des interventions fondées sur une connaissance critique 31 31 31 33 4.2 Évaluer et connaître avant d’intervenir 4.3 Contribuer à la lisibilité du plan directeur 4.3.1 Les grands axes 4.3.2 Les espaces publics 4.4 Conserver les caractères essentiels à l’identité des édifices 4.4.1 Caractères de composition 4.4.2 Caractères distributifs 4.4.3 Caractères constructifs et structuraux 35 35 36 36 37 37 37 38 4.5 Tirer parti de la robustesse des espaces sans en compromettre la qualité 38 4.6 Au-delà de la matérialité, favoriser la conservation de l’authenticité conceptuelle 39 CONCLUSION 40 BIBLIOGRAPHIE 41 Odile Roy, architecte page ii INTRODUCTION En février 2005, la Commission d’aménagement de l’Université Laval (CAMUL) déposait aux autorités universitaires le nouveau Plan directeur d’aménagement et de développement du campus. Ce nouveau plan directeur est le résultat d’une démarche de deux ans amorcée par l’Université en 2003. Avant même d’élaborer un premier plan image, la Commission a tenu une vaste consultation publique; cette consultation a permis à de nombreux intervenants, tant les membres de la communauté universitaire que les citoyens de Québec et les partenaires de l’Université, d’exprimer leurs préoccupations et de partager leur vision avec la Commission d’aménagement. Ce nouveau plan directeur tire sa source d’inspiration du premier plan d’aménagement élaboré en 1952 par Édouard Fiset, ainsi que les modifications qui y ont été apportées par l’architecte et urbaniste. Il en réaffirme les grands principes de composition et propose d’en renforcer la lisibilité. Édouard Fiset a été un acteur important de l’architecture et de l’aménagement à l’époque de la Révolution tranquille au Québec; on lui doit également le Plan d’aménagement de la capitale nationale à Ottawa, alors qu’il a aussi agi à titre d’architecte en chef de l’Expo 67 à Montréal. En sus des objectifs et des propositions mises de l’avant pour l’aménagement du campus, la consultation menée par la Commission a permis d’attirer l’attention sur l’importance du patrimoine architectural du campus. Les mémoires déposés par DOCOMOMO Québec, association vouée à la sauvegarde de l’architecture moderne, ainsi que par Marc Grignon et Richard Beaudry, respectivement professeur d’histoire de l’architecture et étudiant à la maîtrise, en font spécifiquement état. Pour ces derniers, l’ « identité de l’Université Laval est trop profondément liée à son paysage architectural moderne, témoignage explicite et véritable de son histoire, pour ne pas le prendre en considération» (2004 : 2). En outre, DOCOMOMO Québec souligne que la plupart des pavillons construits sur le campus entre 1950 et 1960 sont des œuvres d’architectes devenus depuis des figures majeures de l’architecture au Québec (2004 : 3). Parmi ces édifices, certains ont déjà fait l’objet de rénovations, d’agrandissements et de transformations, d’autres nécessiteront vraisemblablement au cours des prochaines années des Odile Roy, architecte page 1 interventions susceptibles de modifier leur apparence extérieure ou la configuration et l’aménagement de leurs espaces intérieurs : entretien, mise aux normes en regard de la sécurité incendie ou de l’efficacité de leurs systèmes et de leur enveloppe, réaménagements afin de correspondre aux nouveaux besoins fonctionnels et, à l’occasion, agrandissements et ajouts à la volumétrie. Afin de s’assurer que ces projets soient conçus en conformité avec les grands principes internationaux en matière d’intervention sur le patrimoine, le Comité d’aménagement et de mise en œuvre (CAMEO) souhaite se doter d’un outil opérationnel en vue de guider, à toutes les étapes de la conception et de la réalisation, les concepteurs de ces projets. Ce travail d’opérationnalisation s’inscrit également dans la poursuite de la réflexion amorcée par la Commission des biens culturels du Québec (CBCQ 2005) au sujet de la conservation du patrimoine architectural récent au Québec. Cette réflexion a été formellement amorcée par la publication d’un Document de réflexion sur le patrimoine moderne. Ce document, dont la recherche et la rédaction ont été confiées à France Vanlaethem, professeure à l’Université du Québec à Montréal (directrice du diplôme d’études supérieures spécialisées en connaissance et sauvegarde de l’architecture moderne de l’UQAM), et à Joances Beaudet, consultante en urbanisme et aménagement de l’Université Laval, a permis de proposer une définition de ce nouveau patrimoine, tantôt récent tantôt moderne, de présenter un état de la question au sujet des problèmes particuliers de son évaluation et de sa reconnaissance, ainsi que de mettre en lumière les enjeux de sa sauvegarde. À la suite de cette réflexion, la CBCQ, a exprimé son intention d’y donner suite par l’élaboration de critères de gestion adaptés et efficaces devant mener à la conservation de ce patrimoine. À ce titre, les édifices du campus de l’Université Laval offrent une intéressante occasion de réflexion et d’élaboration de ces critères sur un corpus spécifique, permettant en quelque sorte une mise à l’épreuve concrète, préalable à l’élaboration d’un cadre plus général pour l’ensemble de la production architecturale moderne du Québec. Dans ce contexte, le mandat qui nous a été confié consiste en la rédaction d’un cadre de référence abordant les éléments suivants : 1. Descriptif sommaire des édifices construits sur le campus entre 1950 et 1975 : leurs concepteurs, leur position stratégique dans le plan directeur initial et dans celui adopté en 2005, leurs caractéristiques conceptuelles et constructives particulières, l’état de la documentation disponible. Odile Roy, architecte page 2 2. Aperçu général des problèmes ou des situations susceptibles d’engendrer des modifications architecturales et des composantes à surveiller. 3. Proposition d’un système d’évaluation de l’importance des édifices en regard de leurs caractéristiques conceptuelles, techniques et matérielles, ainsi que de leur contribution à l’ensemble du campus et à l’évolution architecturale au Québec. 4. Cadre de référence et principes d’intervention pour guider la conception et la réalisation des projets de rénovation, de transformation ou d’agrandissement des édifices. Pour y arriver, nous avons bien sûr consulté la littérature récente en la matière. Sans prétendre être exhaustif, cet examen s’est porté particulièrement sur les actes de conférences qui ont été tenues sur le sujet, ainsi que quelques ouvrages collectifs français, américains et britanniques où il a été possible de cerner les éléments essentiels de la doctrine et de sa mise en application à travers plusieurs cas de figure de projets réalisés. Considérant l’objectif de ce mandat, nous avons volontairement mis de côté les écrits consacrés davantage à la politique du patrimoine et à ses mécanismes de sélection et de reconnaissance, puisqu’il n’est pas question ici, pas encore du moins, d’accorder une reconnaissance ou un statut légal de protection au campus et à ses édifices. De façon plus particulière, les documents publiés par DOCOMOMO International (les dossiers techniques issus des séminaires sur les questions de conservation des matériaux) et sa section québécoise (différents mémoires soumis lors de consultations publiques) nous ont également été fort utiles. Enfin, et ce afin de mieux connaître le corpus de bâtiments qui nous préoccupe plus particulièrement, les documents produits par la Commission d’aménagement sur les plans directeurs et les articles publiés sur quelques uns des édifices du campus nous renseignent sur cet héritage important de la modernité architecturale au Québec. Odile Roy, architecte page 3 1. CONSIDÉRATIONS PRÉLIMINAIRES Avant d’aborder l’élaboration de principes d’intervention pour la conservation du patrimoine moderne du campus, il apparaît opportun de présenter un certain nombre de considérations préliminaires concernant le contexte de la conservation de ce patrimoine et les enjeux spécifiques à cette préoccupation. 1.1. La conservation du patrimoine moderne « Patrimoine moderne : un accouplement pour le moins paradoxal » titrait France Vanlaethem à l’automne 2001 (CBCQ 2001 : 4). En effet, plusieurs auteurs soulignent l’apparente contradiction entre l’idéologie de la conservation du patrimoine et celle de la modernité en architecture dans les fondements mêmes de son expression. Alors que le premier concept est issu de la volonté de consacrer et de préserver un héritage « passé », le second évoque l’avant-garde, la recherche de nouveauté et le rejet de la tradition. Pourtant, l’élargissement récent du concept de patrimoine nous a menés à y inclure un passé de plus en plus proche du présent. 1.1.1. Une préoccupation récente Sans généralisation excessive, on peut affirmer que l’intérêt pour la conservation du patrimoine architectural moderne est assez récent en Occident et qu’il s’est manifesté encore plus tardivement au Québec. Ce n’est qu’au cours des vingt dernières années que cet intérêt et les préoccupations qui l’accompagnent ont pris forme, d’abord dans la Recommandation No R(91) 13 du Comité des ministres aux états membres relative à la protection du patrimoine architectural du vingtième siècle (Conseil de l’Europe 1991) et par la tenue de plusieurs conférences, dont la première Enjeux du patrimoine du XXe siècle s’est tenue au couvent de La Tourette, à Évreux en France, en 1987. Plusieurs autres réunions d’experts internationaux ont suivi, notamment : First International DOCOMOMO Conference (Eindhoven, 1990), The Conservation of twentieth Century Historic Buildings (University of York, 1993), Séminaire sur le patrimoine du XXe siècle (ICOMOS, Helsinki, 1995), Preserving the Recent Past (Chicago, 1995) et Preserving the Recent Past 2 (Philadelphie, 2000) et la table ronde Architecture du XXe siècle : le patrimoine protégé (Paris, 1997). Plus Odile Roy, architecte page 4 récemment au Canada, se tenait une conférence intitulée La sauvegarde du moderne au Canada/Conserving the Modern in Canada à l’Université Trent en 2005 dont les actes devraient être publiés sous peu. Au Québec, cet intérêt a pris son essor avec la mise sur pieds de DOCOMOMO Québec en 1990, une des quarante-trois sections locales affiliées à DOCOMOMO International fondé en 1988. Cet organisme, voué à la recherche, à la conservation et à la sensibilisation du public et des décideurs pour la sauvegarde de l’architecture moderne, a été fondé par un groupe de professeurs et de professionnels en architecture en réaction au projet de rénovation du Westmount Square, ensemble résidentiel et commercial conçu par l’architecte Ludwig Mies van der Rohe entre 1964 et 1967. Jusqu’à la fin des années 80, et encore aujourd’hui malgré cet intérêt nouveau, le patrimoine architectural moderne n’occupe toutefois qu’une place marginale dans les politiques publiques en la matière. 1.1.2. Des enjeux spécifiques Les écrits consultés, particulièrement le document de réflexion publié par la CBCQ en octobre 2005, font ressortir un certain nombre de problèmes liés à la reconnaissance, à la conservation et à l’évaluation du patrimoine architectural moderne. Ces questions deviendront des enjeux au moment d’énoncer des principes d’intervention sur les édifices représentatifs de cette période. Nous nous contentons de les exposer ici puisqu’ils ont largement orienté le travail de formulation des principes d’intervention; nous y reviendrons plus loin afin d’examiner leur répercussion sur la conservation du patrimoine architectural moderne du campus de Laval. La conservation du patrimoine moderne répond aux mêmes objectifs et aux mêmes principes que ceux mise de l’avant pour le patrimoine architectural dans son ensemble. L’architecture du mouvement moderne est fortement liée à sa fonction, rendant ainsi plus risqué tout changement de vocation des édifices. Le rejet des formes traditionnelles d’ornementation par les architectes du mouvement moderne ne signifie pas pour autant des édifices dont la composition est dépourvue de détails significatifs. Odile Roy, architecte page 5 La recherche d’innovation formelle et technologique caractéristique du mouvement moderne en architecture pose aujourd’hui des problèmes de vieillissement des matériaux et des systèmes. L’authenticité en tant que critère d’évaluation et de principe d’intervention doit être considérée autant du point de vue conceptuel que matériel. 1.1.3. Une rareté des cadres opérationnels d’intervention Si la majorité des écrits et textes de conférences publiés avant les années ‘90 insistent sur l’importance de la sauvegarde du patrimoine architectural moderne, les publications plus récentes proposent davantage de lignes directrices pour son évaluation et sa reconnaissance. Des quelques principes d’intervention énoncés, on retiendra avant tout le pragmatisme nécessaire à leur mise en application dans les quelques cas de figure les plus couramment étudiés. Force est cependant de constater que peu d’écrits peuvent servir de modèles à l’élaboration d’un cadre de référence et de lignes directrices pour intervenir sur ce patrimoine, plus particulièrement lorsqu’il s’agit d’ensembles urbains comme celui dont il est question ici. Odile Roy, architecte page 6 2. LE PATRIMOINE MODERNE DU CAMPUS DE LAVAL En considérant le fait qu’un bon nombre des bâtiments du campus construits dans les années 1950 et 1960 sont conservés dans un état assez exceptionnel, l’Université Laval est propriétaire d’un ensemble d’un grand intérêt. (Grignon, Beaudry 2004 : 4) 1 2.1 Un ensemble planifié significatif à Québec Pour la première fois au Québec au début des années ‘50, une institution d’enseignement supérieur se dote d’un plan directeur et planifie la construction de nombreux pavillons d’enseignement et de services sur une étendue de territoire pratiquement vierge. En ce sens, il importe de souligner la vision des dirigeants de l’Université qui ont décidé alors d’implanter le nouveau campus sur des terrains acquis à Sainte-Foy-Sillery, conscients que ceux-ci se retrouveraient au centre de l’agglomération à la fin du XXe siècle. En outre à cette époque, les tendances progressistes de la modernité sont encore peu présentes dans le paysage architectural de la capitale. Richard Beaudry soulignera d’ailleurs dans son mémoire consacré à l’œuvre de Lucien Mainguy que « l’acharnement de quelques-uns des membres de l’Université Laval permet, sur le plan architectural, l’émergence d’une modernisation marquant avec plus d’ampleur l’ensemble du paysage environnant » (Beaudry 2005 : 2). 2.1.1 Les campus de Québec : Laval et Saint-Augustin En tant que premier ensemble institutionnel d’éducation planifié à Québec, le campus de l’Université Laval représente vraisemblablement un témoignage important de l’urbanisme et de l’architecture de la période d’après-guerre. Un seul autre ensemble planifié d’édifices institutionnels est présent dans la région, il s’agit des campus intercommunautaires de SaintAugustin, conçus principalement par l’architecte Jean-Marie Roy 2 au milieu des années ’60. Cet 1 Pour les deux historiens, cet ensemble est particulièrement significatif dans la mesure où, à l’Université Laval, l’architecture moderne devient une véritable architecture publique, alors qu’elle était antérieurement cantonnée dans le domaine privé et commercial. 2 À ce sujet, se référer à l’étude présentée en 2003 par Martin Dubois à la Ville de Québec. Odile Roy, architecte page 7 héritage diffère toutefois à plusieurs points de vue de celui que constitue le campus de Laval, c’est pourquoi les deux ensembles sont importants à préserver. À la différence des campus de Saint-Augustin, les bâtiments construits sur le campus de Laval ont été conçus par plusieurs architectes marquants de cette période d’intense production architecturale au Québec. Cette situation d’ensemble planifié, mais dont la construction s’est échelonnée dans le temps et a été confiée à des concepteurs différents, a permis de transmettre un ensemble diversifié d’édifices répondant à une planification rigoureuse, tout en exprimant les différentes innovations conceptuelles, formelles et technologiques du Mouvement moderne en architecture au Québec. 2.1.2 Les plans directeurs d’Édouard Fiset Désigné architecte en chef de l’Université en 1946 à la suite d’un concours, Édouard Fiset élabore un plan préliminaire dès 1947 : constitué d’un réseau viaire orthogonal et distinct de celui de la ville, deux axes importants y sont tracés ayant chacun un point focal (à l’exception de la perspective dégagée au nord sur les Laurentides); tout en tenant compte des perspectives visuelles cadrées qui en découlent, une répartition des édifices selon leurs fonctions y est planifiée de part et d’autre de l’axe nord-sud (sciences à l’ouest et humanités à l’est). Ce plan préliminaire inspire les travaux de terrassement et de déboisement destinés à supporter le réseau viaire, ainsi que la construction du pavillon Abitibi-Price en 1950. Les intentions du plan préliminaire de 1947 sont confirmées dans une seconde version du plan d’aménagement de Fiset, adoptée officiellement en tant que plan directeur par les autorités universitaires en 1952. Les grands axes y sont fermement exprimés, destinés à l’implantation de pavillons d’enseignement, tandis que les services de résidences y sont définis dans la portion sud du site. Innovation intéressante pour l’époque, Fiset propose une nette démarcation entre les voies de circulation véhiculaires et les voies piétonnes, sur lesquelles sont résolument tournés les pavillons d’enseignement. Ce plan est scrupuleusement respecté dans le tracé des voies, la plantation d’arbres d’alignement et la construction de sept pavillons d’enseignement et de services. Il ne fait toutefois pas l’unanimité parmi les professionnels comme le souligne le rapport technique présenté dans le cadre de l’élaboration du Plan directeur d’aménagement et de développement : Odile Roy, architecte page 8 En 1957, le plan directeur de 1952 devient objet de polémique : certains architectes et urbanistes locaux lui reprochent « son monumentalisme et son anachronisme », ses inspirations françaises (grands jardins) ou américaines (campus) incertaines, ainsi que « son manque d’adéquation avec la nature du site » (Université Laval 2005 : 16) 3 Bien qu’il soit difficile d’identifier avec précision l’impact de cette polémique sur l’évolution du développement du campus, plusieurs changements sont constatés à partir de 1958; ces changements se manifestent autant dans le réseau routier et les espaces de stationnement, que dans les formes, les gabarits et les modes d’implantation des pavillons construits entre 1958 et 1965. La conception des pavillons Adrien-Pouliot et Alexandre-Vachon par l’architecte Lucien Mainguy illustre de manière éloquente ces changements, nous y reviendrons plus loin. Appelé à réévaluer le plan de 1952, Édouard Fiset propose aux autorités universitaires un plan révisé en 1966; par la suite, une nouvelle révision sera effectuée en 1971. Bien que d’autres modifications soient apportées, la plus importante est sans doute l’implantation révisée de pavillons en front des avenues (nord-sud), ces nouvelles implantations consacrent la réduction du rôle essentiel de l’axe nord-sud conçu initialement par Fiset. Les deux axes conserveront toutefois une certaine importance puisque des prescriptions architecturales sont introduites spécifiquement pour les constructions de part et d’autre de ces deux axes : réglementation de la hauteur des édifices et homogénéité des matériaux sont préconisées. À la suite de difficultés rencontrées lors de développement du projet de bibliothèque (pavillon Jean-Charles-Bonenfant), Fiset est invité à se prononcer sur l’opportunité de formaliser ces prescriptions dans un devis architectural ou sous la forme d’un règlement de zonage. Il préconisera plutôt une étude des projets à la pièce par les autorités universitaires en fonctions de diverses considérations : équilibre et harmonie des volumes, perspectives visuelles et continuité de l’aménagement paysager, circulation… 4 Considérant l’importance des travaux déjà réalisés avant ces révisions (tracé des voies, À ce sujet, les critiques de Jean Cimon et d’André Robitaille, ainsi que les réponses d’Édouard Fiset, publiées dans les éditions de novembre 1957, mars 1958 et à l’été 1958 du journal Le vieil Escolier sont particulièrement révélatrices des différences de visions urbanistiques et architecturales qui s’affrontaient à Québec à cette époque. 3 4 Comme en témoigne une lettre qu’il adressera au vice-recteur Bonneau, le 10 octobre 1968. Odile Roy, architecte page 9 plantations et pavillons construits) les principes directeurs du plan initial sont cependant toujours lisibles, à l’exception peut-être d’une ambivalence dans l’importance des deux axes. 2.2 Des témoignages importants de la modernité architecturale au Québec Les édifices construits sur le campus de l’Université Laval entre 1950 et 1972 dans la foulée des plans directeurs de Fiset constituent des témoignages importants de la modernité architecturale au Québec. Non seulement parce qu’ils s’inscrivent dans une des premières opérations de développement planifié d’un ensemble institutionnel, mais également parce que leurs divers concepteurs ont illustré, à leur manière, l’évolution des idées expressives et technologiques de cette intense période de production architecturale. « La diversité de leurs partis formel et technique documente de manière éloquente non seulement l’évolution de la modernité architecturale, mais encore la multiplicité des positions qui coexistent déjà alors » (DOCOMOMO 2004 : 3). En outre, et de manière particulière au campus de Laval, ce va-et-vient entre planification urbaine d’ensemble et productions architecturales, qui se sont mutuellement influencées sur une importante période de vingt-cinq ans, constitue un témoignage extrêmement riche d’enseignements sur les pratiques respectives de ces deux disciplines et leur évolution. 2.2.1 Trois générations de pavillons construits entre 1950 et 1975 Malgré l’histoire, brièvement retracée, des quatre versions du plan directeur de Fiset, l’observation des bâtiments construits sur le campus entre 1950 et 1975 suggère un regroupement de la production architecturale des pavillons en trois « générations ». Cette tentative de classification suggère une périodicité différente de celle des versions du plan ; elle découle d’une catégorisation plus intuitive et empirique de notre part, fondée sur l’observation des caractéristiques architecturales des édifices. Ces caractéristiques peuvent toucher leur localisation (en relation avec les principes du plan directeur), leur composition (influences formelles et expressives, façades et volumétries), leur distribution (dimensions et proportions des espaces, relations entre eux, circulations), leur structure et leur construction (matériaux et assemblages utilisés). Le tableau synthèse de la page suivante résume ces trois générations de pavillons, leur année de construction, l’architecte qui les a conçus, ainsi que les transformations importantes qui les ont Odile Roy, architecte page 10 affectés. Ils sont décrits plus en détails à la suite du tableau; la carte synthèse à la toute fin du document permet de les localiser. Pavillon Construction Architecte concepteur Transformations Les précurseurs de la modernité Abitibi-Price 1950 René Blanchet Agrandissement en 1989 Annexé au pavillon Gene-H.Kruger en 2003 Palasis-Prince Gé rard-Bisaillon 1952 1954 Lucien Mainguy Paul Rousseau Agrandissement en 1999 Lo uis-Jacques-Casault Ferdinand-Vandry 1957 1957 Ernest Cormier Lucien Mainguy Biermans-Moraud Maurice-Pollack 1957 1957 Édouard Fiset Édouard Fiset Adrien-Pouliot 1962 Lucien Mainguy Alexandre-Vachon 1962 Lucien Mainguy Ernest-Lemieux 1962 Édouard Fiset Recyclage en 1980 et en 1986 Rénovation et agrandissement en cours Agrandissement en 1961 Agrandissement pour devenir Alphonse-Desjardins en 1996 Ajout au toit en 1970 Agrandissement en 1996 Mise aux normes et recyclage de l'accélérateur Van de Graaf en cours Agrandissement en 1964 La modernité expressive Les innovations formelles et technologiques Charles-De Koninck 1964 Édouard Fiset Agathe-Lacerte 1965 Mainguy, Jarnuskiewicz, Boutin Alphonse-Marie-Parent 1965 André Robitaille Paul-Comtois Jean-Charles-Bonenfant 1966 1968 Gauthier, Guité St-Gelais,Tremblay et Tremblay PEPS Sciences de l’Éducation 1970 et 1975 1968 Gauthier Guité, Roy André Tessier 1972 Jacques Bissonnette Félix-Antoine-Savard Ajout d’un volume dans la cour en 2006 Démolition de la terrasse au toit en 1982 Ajout d'une aile en 1971 Agrandissement en 1997 Ajout au toit (sans date) Ajout d'une marquise au débarcadère en 2006 Agrandissement prévu Rénovation et mise aux normes en 2003 Tableau 1 : Trois générations de pavillons construits entre 1950 et 1975 Odile Roy, architecte page 11 2.2.2 Les précurseurs de la modernité (1950 à 1954) Bien que les grands travaux aient été amorcés sur le campus durant cette période, seulement trois édifices ont alors été érigés. Il s’agit du pavillon Abitibi-Price, construit en 1950 d’après les plans de René Blanchet, du pavillon Palasis-Prince, construit en 1952 d’après les plans de Lucien Mainguy, et du pavillon Gérard-Bisaillon, abritant la centrale d’énergie et construit en 1954 d’après les plans de Paul Rousseau. Préexistants au premier plan officiel ou construits en conformité avec les principes de sa version préliminaire, ils ne sont situés sur aucun des deux axes; leur contribution à la lisibilité du plan est donc plutôt marginale. Du point de vue constructif, le matériau utilisé (pierre de parement) et le détail des façades suggèrent un néo-classicisme sobre et dépouillé, tandis que leur structure composite de métal et/ou de béton armé, ainsi que le fonctionnalisme des espaces et la composition asymétrique des façades (Palasis-Prince) révèlent leur influence moderniste. On notera particulièrement les innovations apportées par Lucien Mainguy dans l’emploi de la pierre de parement : le soubassement est en pierre noire (granite) d’Alma non polie, dont il s’agit de la première utilisation de cette manière, tandis que la mise en œuvre du calcaire de Deschambault innove dans l’appareillage utilisé. Ces caractéristiques seront reprises sur les autres pavillons construits postérieurement par Mainguy. 2.1.3 La modernité expressive (1957 à 1962) Il s’agit de la plus intense période de production de pavillons sur le campus. Sur à peine cinq ans, outre le pavillon de l’Ouest destiné à abriter temporairement un gymnase et les sciences appliquées en 1957 (radicalement transformé dans les années 80 pour accueillir l’École de médecine dentaire), sept pavillons d’importance y ont été érigés : le pavillon Louis-JacquesCasault, construit en 1957 d’après les plans préparés par Ernest Cormier en 1946, le pavillon Ferdinand-Vandry construit en 1957 d’après les plans de Lucien Mainguy, les pavillons BiermansMoraud et Maurice-Pollack, construits en 1957 d’après les plans d’Édouard Fiset, les pavillons Adrien-Pouliot et Alexandre-Vachon construit en 1962 d’après les plans de Lucien Mainguy et le pavillon Ernest-Lemieux, construit en 1962 d’après les plans d’Édouard Fiset. Odile Roy, architecte page 12 Non seulement ces pavillons concrétisent-ils les grands principes des deux premières versions du plan de Fiset, ils en illustrent également les évolutions et les remises en questions. Alors que les deux premiers (Louis-Jacques-Casault et Ferdinand-Vandry) viennent définir les extrémités de l’axe est-ouest tel que conçu par Fiset, les deux pavillons des sciences de Mainguy (Adrien-Pouliot et Alexandre-Vachon) cadrent la perspective de l’axe nord-sud sur sa rive ouest. Ces deux derniers, bien qu’érigés à l’emplacement planifié, occupent l’emprise au sol initialement prévue pour quatre pavillons; leur entrée principale située sur l’axe est-ouest, plutôt que sur l’axe nordsud, introduit une inversion dans la hiérarchie de ces axes, tandis que la présence de longs mursrideaux le long de l’axe nord-sud prive ce dernier de l’animation souhaitée par Fiset. Les trois pavillons conçus par Mainguy révèlent une modernité de plus en plus affirmée et présentent quelques caractéristiques de composition et de construction communes : de grands murs rideaux rythmés, intégrant des éléments de pierre de taille ou de béton et côtoyant des surfaces lisses en pierre de parement; une composition symétrique de certaines façades répondant à d’autres qui sont constituées de jeux de volumes et de pilotis, en fonction de la présence d’espaces à vocation précise, tels les amphithéâtres; certains de ces volumes s’exprimant par l’intégration d’œuvres d’art (Adrien-Pouliot) ou d’écrans, véritables filtres à lumière, en béton ou en métal (AlexandreVachon). À travers cette brève période de production, Lucien Mainguy explore plus à fond une volonté clairement exprimée de souplesse et de liberté des espaces, de manière à pouvoir facilement réaliser des changements d’affectation au fur et à mesure de l’évolution des besoins. Alors que Lucien Mainguy se sera vu confier la conception des pavillons destinés à l’enseignement, Édouard Fiset aura pour sa part réalisé les pavillons de services et de résidence. Ces trois pavillons (Biermans-Moraud, Maurice-Pollack et Ernest-Lemieux) sont situés dans la portion sud du campus, conformément aux modifications apportées dans la localisation des fonctions par la seconde version du plan directeur (1952). La fonctionnalité de ces trois pavillons semble avoir conditionné leurs caractéristiques expressives et constructives : l’utilisation de la brique est plus importante que celle de la pierre, bien que cette dernière soit également présente sur quelques façades, plus souvent sous forme de moellons que de blocs taillés; la succession de petites unités que constituent les chambres commande des façades dont les ouvertures sont Odile Roy, architecte page 13 réduites, les murs-rideaux demeurant employés pour les espaces communs 5 ; toutefois, la présence de pilotis, tout comme la composition des volumes et des façades ont permis d’exprimer clairement la modernité des trois édifices. Le regroupement et l’implantation au sol de ceux-ci a défini un espace public extérieur dans l’aboutissement de l’avenue du Séminaire qui, longtemps occupé par le jardin géologique, servait également de lieu extérieur de rencontre pour les occupants des résidences et les utilisateurs de la cafétéria. Avec l’agrandissement du pavillon Maurice-Pollack et la construction du pavillon Alphonse-Desjardins (1995), cet espace, bien qu’il existe encore, est devenu à toutes fin pratiques inutilisable et sans qualité étant donné la localisation de l’entrée du stationnement souterrain et des aires de livraisons véhiculaires. Cette intervention a également fait disparaître toute trace des matériaux et de la composition originels des façades du pavillon Maurice-Pollack tel que conçu par Édouard Fiset. 2.1.4 Les innovations formelles et technologiques (1963 à 1972) Cette troisième génération de pavillons se caractérise par une multiplicité de concepteurs et une très grande diversité des partis formels adoptés par ceux-ci. Une caractéristique semble toutefois les réunir, il s’agit de la recherche marquée d’innovations formelles ou technologiques. À l’exception du pavillon des Services, construit hors campus sur le boulevard Hochelaga et récemment transformé pour accueillir de nouvelles fonctions en 2003, huit nouveaux pavillons sont construits sur le campus durant cette période. Il s’agit du pavillon Charles-De Koninck, construit en 1964 d’après les plans d’Édouard Fiset, du pavillon Agathe-Lacerte, construit en 1965 d’après les plans des architectes Mainguy, Jarnuskiewicz et Boutin, du pavillon Alphonse-Marie Parent, construit en 1965 d’après les plans de André Robitaille (résultat du premier concours d’architecture lancé par l’Université), du pavillon Paul-Comtois, construit en 1966 d’après les plans des architectes Gauthier et Guité, du pavillon Jean-Charles-Bonenfant, construit en 1968 d’après les plans des architectes Saint-Gelais, Tremblay et Tremblay, du pavillon de l’Éducation physique et des sports, construit en 1970 et agrandi en 1975 selon les plans des architectes Gauthier, Guité, Roy, ainsi que du pavillon des Sciences de l’éducation et du pavillon Félix-Antoine-Savard, respectivement conçus en 1968 et 1972 par les architectes André Tessier et Jacques Bissonnette. On remarquera toutefois une combinaison de maçonnerie et de mur-rideau surprenante et rafraîchissante de la façade sud du pavillon Biermans-Moraud. 5 Odile Roy, architecte page 14 Du point de vue de leur implantation, la plupart de ces pavillons sont construits aux emplacements prévus au plan directeur. On retiendra surtout la contribution apportée à la lisibilité du plan directeur par les pavillons Charles-De Koninck et Jean-Charles-Bonenfant, ainsi que les deux tours; ces quatre pavillons encadrent clairement les deux axes, bien que la position de leurs entrées ne soit pas en totale conformité avec les intentions initiales de Fiset (à l’exception du pavillon Charles-De Koninck). Du point de vue des matériaux employés, le béton est de plus en plus présent, non seulement dans son rôle structural, mais surtout dans son potentiel expressif de composition des façades. Enfin, des essais technologiques de préfabrication et de précontrainte du béton sont introduits et permettent de réduire les coûts et la durée des travaux de construction sur le site. 2.3 L’art intégré à l’architecture Véritable mouvement de société vécu au Québec à l’ère de la Révolution tranquille, le modernisme s’est également manifesté dans l’art et, dans le cas qui nous occupe, dans l’intégration de l’art à l’architecture. Avant l’adoption officielle par l’État québécois d’un tel programme d’intégration et, dans bien des cas de manière différente à ce qu’on voit aujourd’hui, les œuvres d’art intégrées aux pavillons sont indissociables de l’appréciation de l’architecture de ceux-ci. DOCOMOMO Québec signale d’ailleurs que « ces œuvres sur le campus témoignent toutes d’un moment historique important où les gestionnaires publics, et privés ailleurs, les architectes et les artistes ont concouru à la modernisation rapide de la société québécoise, de son art et de son architecture » (2004 : 6). D’après Grignon et Beaudry, la grande murale de l’artiste Jordi Bonet sur la façade de l’amphithéâtre du pavillon Adrien-Pouliot est peut-être l’exemple le plus visible de cette intégration de l’art à l’architecture, mais plusieurs œuvres de plus petites dimensions, intérieures ou extérieures, sont également à signaler (2004 : 13). À ce sujet, le tableau synthèse qui suit reprend partiellement l’inventaire préliminaire présenté dans le mémoire de DOCOMOMO Québec. Une exposition présentée en octobre 2002 au pavillon Alphonse-Desjardins a permis d’attirer l’attention sur les œuvres d’art public présentes sur le campus et ses pavillons; un catalogue de cette exposition a été produit sur support électronique. 6 6 THÉRIAULT, Sylvie et al, L’art public sur le Campus. Catalogue Cédérom de l’exposition. Odile Roy, architecte page 15 Pavillon Palasis-Prince Architecte concepteur Lucien Mainguy Louis-JacquesCasault Ferdinand-Vandry Ernest Cormier Lucien Mainguy Adrien-Pouliot Lucien Mainguy Artiste Œuvres Clément Paré René Thibeault Marius Plamondon Omer Parent Jacques Blouin Marius Plamondon André Garant Paul Lacroix Jean-Paul Lemieux Jordi Bonet Bas-relief au-dessus de l’entrée 3 bas-reliefs en façade Statue côté est Omer Parent AlexandreVachon Jean-CharlesBonenfant Lucien Mainguy Omer Parent St-Gelais, Tremblay et Tremblay Jordi Bonet Peinture murale hall d’entrée 3 toiles à l’entrée du théâtre Stèle commémorative Mosaïque au-dessus de l’entrée 2 bas-reliefs en façade Fresque hall principal Murale en carreaux de céramique, façade ouest Mosaïque de céramique émaillée, façade est Mosaïque de céramique émaillée, façade est Sculpture altérée et déplacée, originalement présentée à l’Expo 67 Tableau 2 : L’art intégré à l’architecture du campus 2.4 État de la documentation disponible Les sources premières de documentation sur l’architecture des édifices du campus sont constituées des plans et devis produits lors de la construction des pavillons; ceux-ci sont heureusement encore tous disponibles et constituent une documentation de premier ordre afin de bien comprendre l’organisation des espaces intérieurs et les détails d’assemblage des matériaux ayant servi à la construction. En outre, certaines représentations en perspective renseignent sur les aménagements extérieurs aux abords des édifices; plusieurs de ces aménagements étant aujourd’hui disparus au profit d’espaces de stationnement, ces vues en perspective sont précieuses. De plus, le plan directeur et la construction de certains pavillons ont fait l’objet de publications dans les périodiques de l’époque. Ils renseignent très bien sur les intentions des concepteurs et les innovations conceptuelles et technologiques mises de l’avant. 7 La consultation de ces sources premières et secondaires constitue une démarche incontournable de toute intervention planifiée sur les édifices du campus ou sur leurs abords. À ce sujet, la revue Architecture-Bâtiment-Construction a publié, entre 1949 et 1967 quelques articles intéressants concernant le plan directeur et les pavillons Palasis-Prince, Alphonse-Marie-Parent, Paul-Comtois et Agathe-Lacerte. 7 Odile Roy, architecte page 16 Outre ces sources, peu d’études ont jusqu’à maintenant été consacrées à l’architecture du campus de Laval. Deux mémoires de maîtrise en histoire de l’architecture ont cependant été réalisés, l’un portant sur une lecture identitaire du plan directeur de Fiset (Lizotte, 2003), l’autre sur l’architecture de Lucien Mainguy à travers ses œuvres majeures que constituent les pavillons Ferdinand-Vandry, Adrien-Pouliot et Alexandre-Vachon (Beaudry, 2005). Ces deux mémoires de recherche, ainsi que les articles publiés par Marc Grignon (2003) comportent des informations utiles et constituent une analyse pertinente à la bonne compréhension de cet héritage. Enfin, certains des pavillons apparaissent dans les quelques ouvrages inscrits en bibliographie et portant sur l’architecture du XXe siècle au Québec. Odile Roy, architecte page 17 3. CADRE DE RÉFÉRENCE Après avoir énoncé, en considérations préliminaires, un certain nombre d’enjeux de conservation spécifiques au patrimoine moderne, un examen plus détaillé en sera fait ici; d’autres enjeux, spécifiques au campus de l’Université Laval, seront également exposés. Enfin, une brève présentation sera faite des interventions susceptibles d’entraîner des modifications à l’architecture des édifices du campus. 3.1 Des enjeux spécifiques au patrimoine moderne De manière générale, les organismes chargés de la gestion du patrimoine reconnaissent que pour le patrimoine architectural moderne, « la sauvegarde et la mise en valeur de ses éléments les plus significatifs répondent aux mêmes objectifs et aux mêmes principes que ceux de la conservation du patrimoine architectural dans son ensemble » (Conseil de l’Europe 1991 : 1). Promotion de la connaissance, établissement de répertoires, définition de critères de sélection, mise en œuvre d’une protection juridique, utilisation, conservation physique et formation de spécialistes devraient donc faire partie d’une politique intégrée de gestion du patrimoine architectural. Le fait qu’il s’agisse d’un patrimoine de la modernité demandera cependant certaines nuances compte tenu de la nature, de la quantité et de l’identité même de ce patrimoine. 3.1.1 La forme conditionnée à la fonction Form follows function énonçait pour la première fois Louis Sullivan en 1896 8 ; cette « loi » est par la suite devenue un credo du mouvement moderne en architecture. Rejetant l’ornementation comme outil d’expression des époques antérieures, les architectes ont plutôt été appelés à conditionner la forme de leurs édifices aux fonctions qu’ils étaient appelés à accueillir. Au lieu de procéder de formes a priori, transmises par la tradition ou obtenues autrement, la nouvelle architecture aura sa forme déterminée par sa fonction. La forme extérieure de l’édifice, l’agencement des masses sera la résultante de l’organisation interne, des exigences en espaces et en circulation des diverses activités contenues dans cet édifice. La régularité et la symétrie ne se rencontreront La citation exacte est la suivante : That form ever follows function. This is the law. Elle est tirée de l’article "The Tall Office Building Artistically Considered,” publié dans le Lippincott's Magazine (March 1896). 8 Odile Roy, architecte page 18 donc qu’à l’occasion, car elles ne seront que rarement justifiées par les exigences de la fonction. Au contraire, les édifices modernes tendront plutôt à se déployer librement en des formes asymétriques, irrégulières et variées. (Bergeron 1989 : 148) Cette nouvelle façon de concevoir l’architecture conditionne deux enjeux spécifiques qui se traduiront dans la définition de principes d’intervention sur les édifices modernes. Le premier enjeu nous porterait à croire que tout changement de vocation est susceptible de compromettre ce lien inextricable qui devrait exister entre la fonction d’un édifice et sa configuration formelle. Certains auteurs vont jusqu’à condamner les changements d’usage qui, tout en permettant de conserver les édifices dans leur matérialité, auraient pour effet de les dénaturer et de les priver de l’essence même du témoignage qu’ils constituent; ils questionnent résolument l’intérêt de maintenir des éléments qui ne seront qu’hypocrites (Loyer 1991 : 274). Il va sans dire que cet avertissement doit être pris au sérieux. Cependant, huit ans plus tard, Loyer nuance lui-même ses propos en associant davantage cette thématique fonctionnaliste à la production architecturale de la première moitié du XXe siècle, tandis que la seconde génération des modernes aurait davantage exploité la thématique de la polyvalence : « Seule la mobilité des formes pouvait répondre à l’obsolescence rapide des fonctions, en permettant leur réappropriation au fur et à mesure des besoins » (1999 : 34). Pour les édifices du campus de Laval, le plan libre et la robustesse des espaces, jumelés à une intention parfois clairement exprimée par certains de leurs concepteurs, Lucien Mainguy en particulier, nous forceront à nuancer ces considérations. Le second enjeu concerne les qualités esthétiques de l’architecture moderne; on pourrait croire que le rejet de l’ornementation par les architectes de cette époque signifie le peu de considérations apportées aux détails apparents de leurs œuvres. Or, il n’en est rien; bien que de nombreux édifices se distinguent par leur total dépouillement décoratif et leur grande simplicité, le souci du détail s’est porté davantage sur l’équilibre, les proportions, la texture et la couleur des composantes de l’architecture. C’est pourquoi une lecture et une analyse attentives de ces caractéristiques de composition, souvent essentielles à ce qu’on désignera plus loin comme l’authenticité conceptuelle, seront nécessairement préalables à toute intervention susceptible de les modifier. Odile Roy, architecte page 19 Ces constats sont importants puisqu’ils nous permettent de conclure préliminairement que la fragilité du patrimoine architectural moderne n’est pas seulement physique, mais qu’elle est aussi formelle et esthétique. 3.1.2 La nouveauté et l’innovation La recherche d’innovation est en soit une caractéristique essentielle du Mouvement moderne en architecture : innovation formelle bien sûr, mais également innovation technologique. Cette recherche de nouveauté est tellement importante qu’elle est mise de l’avant par DOCOMOMO en contrepartie de la valeur d’ancienneté, habituellement prise en compte dans les critères d’évaluation du patrimoine. « La nouveauté devient ainsi le critère central pour juger du patrimoine récent, se substituant en quelque sorte à l’ancienneté » (CBCQ 2005 : 18). Mais au-delà de l’évaluation, cette caractéristique implique des enjeux spécifiques lorsque vient le moment d’intervenir sur les édifices du patrimoine moderne. De nouveaux matériaux, tels que le béton, l’aluminium et les dérivés du plastique, de nouveaux systèmes, comme les murs rideaux et les structures composites, et de nouveaux modes de production, tels la préfabrication, font leur entrée dans l’industrie de la construction à cette époque et sont largement employés par les architectes de cette période. Ces matériaux, techniques et systèmes ont parfois été utilisés à titre expérimental sans qu’on ait eu le temps d’en connaître et d’en vérifier le comportement à plus long terme. S’il est raisonnable de croire que les architectes de l’époque moderne ne possédaient pas tout le savoir-faire et l’expérience dont nous disposons aujourd’hui, il est difficile de présumer des moyens qu’ils auraient mis en œuvre le cas échéant. Sans cette information, comment pouvons-nous évaluer la relation entre leurs constructions et leurs intentions originales? Comment pouvons-nous déterminer quelles interventions sont respectueuses de l’histoire et, par conséquent, responsables? Considérant que les expérimentations technologiques peuvent représenter une valeur historiographique en soi, puisqu’elles documentent sur l’évolution de l’art de bâtir, Wessel de Odile Roy, architecte page 20 Jonge 9 met en garde contre la disparition de détails originaux que peuvent entraîner les « améliorations » technologiques destinées à se conformer aux standards actuels de la construction. Pour lui, la valeur des édifices du patrimoine moderne réside au-delà de leur stricte apparence et la compréhension des intentions conceptuelles est critique au processus et aux choix de conservation (DOCOMOMO 1998 : 75). 3.1.3 L’authenticité matérielle et conceptuelle Obsolescence et fragilité découleraient de la recherche de nouveauté qui a inspiré les bâtisseurs du Mouvement moderne en architecture. Elles expliquent largement le phénomène de vieillissement accéléré du bâti moderne et de ses composantes. Elles représentent des enjeux spécifiques de ce patrimoine et sont susceptibles de commander des compromis dans la mise en œuvre d’interventions physiques, particulièrement à l’égard du respect de l’authenticité matérielle des biens. De Jonge avance d’ailleurs que la matérialité ne constitue pas l’unique essence du patrimoine moderne et il invite à considérer avec autant d’importance l’apparence et les détails puisque, pour lui, la quintessence de l’architecture du Mouvement moderne réside davantage dans l’idée de l’architecte et la conception de l’œuvre. Le concept d’authenticité est au cœur des débats entourant la conservation du patrimoine. Ce critère fait d’ailleurs l’objet d’une évaluation rigoureuse au moment de la reconnaissance et de l’inscription d’un bien sur la Liste du patrimoine mondial de l’UNESCO. Si DOCOMOMO reconnaît que la majorité des critères mis de l’avant dans la Convention du patrimoine mondial sont applicables aux édifices modernes comme ils le sont à ceux des périodes antérieures, elle insiste sur le fait que l’évaluation de leur état d’authenticité commande un point de vue différent. En effet, on constate ici que le critère d’authenticité aura souvent été interprété dans ses manifestations matérielles, DOCOMOMO invite à privilégier davantage l’authenticité conceptuelle quand il s’agit de patrimoine moderne. Une telle nuance aura forcément une incidence lorsque le respect de 9 De Jonge a été l’architecte en charge de la restauration du Sanatorium Zonnestraal, une icône du Mouvement moderne en architecture. Deux articles relatant cette expérience et les choix qui l’ont guidé permettent de comprendre la complexité du passage des enjeux du patrimoine moderne aux choix d’interventions concrètes sur l’édifice; il s’agit de ceux publiés à l’issue de la conférence Preserving the Recent Past en 1995 et du séminaire tenu par DOCOMOMO en 1997 intitulé The Fair Face of Concrete. Odile Roy, architecte page 21 l’authenticité, si souvent invoqué comme principe d’intervention sur les édifices, s’appliquera aux interventions sur les témoins du patrimoine moderne. 3.2 Des enjeux spécifiques au campus de Laval L’Université Laval étant propriétaire de l’ensemble des édifices considérés dans cette étude, ceuxci sont, partiellement du moins, préservés de certaines contraintes auxquelles sont le plus souvent soumis les édifices du patrimoine moderne; les deux plus importantes étant le changement radical de vocation et les pressions économiques du marché immobilier. 3.2.1. Pérennité de la vocation Les interventions les plus susceptibles de menacer la conservation des éléments significatifs du patrimoine moderne sont, sans contredit, celles qui impliquent un changement radical de vocation de l’ensemble d’un édifice. Comment alors concilier l’évolution de l’usage et la pérennité du lieu? Si l’architecture du XXe siècle est souple dans la distribution de ses structures, elle se veut aussi fonctionnelle et donc étroitement adaptée à la vocation pour laquelle elle a été conçue. Lorsque cette vocation change et lorsque le mode de vie qui s’y déroule n’est plus conforme à ce qui était prévu à l’origine, que faire? » (DIRECTION DU PATRIMOINE 1988 : 119) En effet, la recherche d’une nouvelle fonction est souvent complexe pour les édifices dont l’usage initial est abandonné : bien qu’une nouvelle vocation permette, en principe, d’en assurer la pérennité matérielle, elle entraîne bien souvent des transformations radicales qui compromettent l’authenticité matérielle et conceptuelle des édifices et réduisent le rôle de témoins qu’ils peuvent jouer. Heureusement, les édifices du campus de Laval ne sont pas a priori soumis à de tels risques; les fonctions d’enseignement et les services de résidences sont appelés à se poursuivre étant donné la pérennité même de l’institution. Toutefois, les transformations majeures apportées à la fin des années ’70 au pavillon LouisJacques-Casault incitent à la prudence. Ce recyclage fonctionnel a modifié de manière irréversible les caractères distributifs des espaces et des circulations initialement conçus par Ernest Cormier; la surmultiplication des divisions compromet non seulement la qualité des espaces, mais également l’orientation spatiale de ses utilisateurs. Odile Roy, architecte page 22 De plus, il serait trop facile d’écarter complètement ces préoccupations en oubliant de considérer que certaines composantes spatiales des édifices ne sont pas exemptes de telles menaces. On pense ici plus particulièrement aux fonctions ayant donné forme à la volumétrie extérieure des édifices, tels les amphithéâtres du pavillon Ferdinand-Vandry (lisibles sur sa façade est) et du pavillon Adrien-Pouliot (dont le volume extérieur est signalé par la murale de Jordi Bonet sur sa façade ouest), ou encore à l’accélérateur Van de Graaf du pavillon Alexandre-Vachon et à la chapelle Marie-Guyart du pavillon Ernest-Lemieux. Du point de vue de l’authenticité conceptuelle, une transformation radicale de la vocation de ces espaces entraînerait la perte irrémédiable du lien qui existe entre la forme des édifices, leur fonction et les espaces intérieurs qu’ils abritent. On pense enfin aussi aux généreux espaces communs, halls ou corridors observables entre autres dans la plupart des pavillons d’enseignement; plusieurs de ceux-ci, particulièrement le pavillon Charles-De Koninck, ont malheureusement été encombrés d’ajouts volumétriques qui, encore une fois, en compromettent l’utilisation et la lisibilité. Cette tendance à la « densification » des espaces intérieurs se manifeste même dans les pavillons construits plus récemment, comme le pavillon Alphonse-Desjardins; elle a comme conséquence malheureuse de compromettre la qualité et de banaliser les axes et les vues des volumes intérieurs des édifices. 3.2.2. Pressions économiques et immobilières L’évolution du marché immobilier, particulièrement en milieu urbain, a souvent été la cause de pertes importantes du point de vue de la conservation du patrimoine architectural. La hausse de la valeur foncière des terrains jumelée aux coûts, parfois importants, de réhabilitation des édifices est un motif malheureusement encore invoqué pour justifier leur démolition et leur remplacement par de nouvelles constructions. Cette justification est aujourd’hui de plus en plus remise en cause par la prise en considération des coûts globaux d’une telle intervention, à la lumière des considérations de développement durable. Ici aussi, les édifices du campus de Laval ne semblent pas a priori exposés à de tels risques si l’on considère que leur propriété n’est pas directement soumise aux forces du marché immobilier. Il n’est toutefois pas illusoire de penser qu’une analyse simpliste des coûts de telle ou telle intervention mène à conclure qu’il serait plus économique de démolir complètement un pavillon Odile Roy, architecte page 23 pour en reconstruire un autre sur le même emplacement ou ailleurs. 10 La prudence sera alors de rigueur puisque de telles analyses économiques comptabilisent rarement les coûts globaux véritablement associés à une telle intervention : énergie pour la démolition, la disposition des matériaux, énergie pour la production des nouveaux matériaux… sans compter la perte irrémédiable de ces témoins significatifs. Dans une perspective de développement durable, une telle internalisation des coûts énergétiques et économiques réels de démolition-reconstruction commandera bien souvent de reconsidérer de telles conclusions hâtives. On peut d’ailleurs présumer à juste titre que l’Université Laval, en tant qu’institution publique, donne en quelque sorte l’exemple d’une telle gestion immobilière responsable. 3.3. Interventions susceptibles d’entraîner des modifications architecturales Compte tenu de leur âge et de l’époque de leur construction, les édifices construits sur le campus de l’Université Laval devront vraisemblablement faire l’objet d’interventions susceptible d’entraîner des transformations physiques au cours des prochaines années. D’ailleurs, plusieurs de ceux-ci ont déjà subi des modifications importantes, le plus souvent extérieures, au cours des dernières années. On pense plus particulièrement aux pavillons suivants : Abitibi-Price, agrandi en 1989 et annexé au pavillon Gene-H.-Kruger en 2003; Louis-Jacques-Casault, dont l’intérieur a été radicalement modifié pour accueillir l’École de musique et les Archives Nationales en 1980 et où un musée a été ajouté dans le cloître en 1986; Ferdinand-Vandry qui fait actuellement l’objet d’une rénovation complète et d’un agrandissement significatif afin de devenir le centre intégré d’enseignement en santé; Adrien-Pouliot, agrandi du côté ouest en 1996; Alexandre-Vachon, annexé au pavillon d’Optique-photonique en 2004 et où le recyclage fonctionnel de l’accélérateur Van de Graaf est en cours; Maurice-Pollack dont ne subsiste que le nom, dépouillé de son revêtement et complètement englobé par pavillon Alphonse-Desjardins en 1996; Charles-De Koninck, auquel un volume a été ajouté dans la cour centrale en 2006; 10 Une telle étude a d’ailleurs conclu en 2004 à une différence d’à peine 31,5% entre les coûts de rénovation de la résidence Alphonse-Marie-Parent et ceux d’une construction nouvelle de même capacité d’hébergement. Cette différence aurait été sans doute plus élevée si l’ensemble des coûts énergétique de démolition et de disposition des matériaux avait été pris en compte. Odile Roy, architecte page 24 D’autres interventions que ces projets majeurs ont également été réalisées, certaines sans trop d’impact sur l’architecture des édifices, d’autres, qui pouvaient à prime abord sembler anodines, ont eu des incidences importantes sur la qualité ou la lisibilité des entrées, des circulations et des espaces intérieurs communs. À cet égard, des modifications importantes aux voies d’accès et aux espaces extérieurs ont entraîné un repositionnement des entrées principales des pavillons Alexandre-Vachon et Adrien-Pouliot sur ce que le plan de Fiset considérait des voies de service, rendant ainsi difficile l’attribution d’adresses civiques aux édifices. En outre, la position des entrées de stationnement et des aires de services du pavillon Alphonse-Desjardins a entraîné la quasi disparition du petit espace public occupé antérieurement par le jardin géologique entre les pavillons Maurice-Pollack, Biermans-Moraud et Ernest-Lemieux. Notre objectif n’est pas de faire la critique de ces interventions, mais bien d’anticiper les répercussions qu’elles peuvent avoir sur la conservation des caractères essentiels à l’identité des édifices, elles nous serviront parfois de cas de figures à une nécessaire mise en garde quant à l’impact qu’elles pourraient avoir. Afin d’être en mesure d’élaborer des principes d’intervention sur les édifices du campus, un bref examen des situations ou des problèmes susceptibles d’engendrer des modifications s’impose : entretien, mise aux normes en regard de la sécurité incendie ou de l’efficacité de leurs systèmes et de leur enveloppe, réaménagements afin de correspondre aux nouveaux besoins fonctionnels et, à l’occasion, agrandissements et ajouts à la volumétrie. Nous les avons regroupés en cinq catégories que nous examinons brièvement ci bas. 3.3.1. Vieillissement des matériaux Aujourd’hui, le patrimoine moderne manifeste ses premières faiblesses : le vieillissement a été d’autant plus rapide que le changement des techniques de construction avait été radical (TOULIER 1999 : 24). La littérature sur le patrimoine architectural moderne fait grand état des problèmes de vieillissement prématuré que peuvent présenter les matériaux et les systèmes constructifs mis en œuvre, parfois à titre expérimental. De plus, bien que longtemps considérés comme sans entretien, les matériaux nécessitent de fait un entretien d’autant plus scrupuleux que leur emploi innovait et que, parfois, leur mise en œuvre était expérimentale (MACDONALD 1997 : 211). Odile Roy, architecte page 25 Ce constat mérite toutefois qu’on y apporte des nuances eu égard aux édifices du campus. Tout d’abord il est normal qu’après quarante ou cinquante ans d’exposition aux intempéries, certaines composantes de l’enveloppe des bâtiments montrent des signes de vieillissement (JENKIN & WORTHINGTON 1997 : 89). 11 Par ailleurs les pavillons du campus ont tout de même fait l’objet d’un entretien par les autorités universitaires plus régulièrement que la plupart des édifices ayant été sous la responsabilité de plusieurs propriétaires différents au cours de leur durée de vie. Si le vieillissement se manifeste à l’ensemble des matériaux de l’enveloppe et des finis intérieurs, les situations les plus problématiques et, par conséquent, les plus documentées sont celles qui impliquent le béton exposé aux intempéries et les murs-rideaux. 12 L’emploi du béton exposé, coulé sur place ou en modules préfabriqués, lisse ou texturé, massif ou détaillé, s’est généralisé et diversifié particulièrement au cours de la dernière génération de pavillons construits sur le campus, même s’il avait déjà fait son apparition sur les deux pavillons des sciences construits par Mainguy en 1962. Les signes de vieillissement du béton se manifestent par l’apparition de fissures ou l’éclatement des arêtes dans les parties les plus fines et les plus exposées. Ils sont généralement causés par l’oxydation des armatures métalliques due à leur faible recouvrement par un béton parfois trop poreux, les exposant ainsi à l’action de l’eau et de l’humidité. Dans ces cas, il importe de bien évaluer l’étendue des dommages et d’en évaluer précisément la cause. Trop souvent, des défaillances ponctuelles seront interprétées comme des problématiques généralisées et entraîneront des resurfaçages complets, souvent plus coûteux et intrusifs que des réparations localisées. Parmi les innovations formelles engendrées par l’emploi du béton armé et de l’acier comme éléments structuraux, l’absence ou la quasi-absence d’éléments porteurs dans les murs extérieurs a favorisé l’apparition des murs-rideaux. Ceux-ci sont généralement constitués de panneaux opaques et transparents, de verre, de métal ou de composés plastiques, enchâssés dans des David Jenkin et John Worthington catégorisent ainsi la durée de vie présumée des différents systèmes d’une construction : 70 ans pour la structure, 30 à 40 ans pour l’enveloppe, 15 à 20 ans pour les services mécaniques et électriques et 5 à 7 ans pour les aménagements intérieurs. 11 12 Le béton et les murs rideaux ont d’ailleurs fait l’objet de deux dossiers technologiques détaillés publiés suite à la tenue de séminaires internationaux par DOCOMOMO International en 1997 et 1998. Ces publications présentent une multitude de cas de figure dont l’examen permet de mettre en relation les principes de restauration et les interventions concrètement réalisées. Odile Roy, architecte page 26 cadres métalliques, le plus souvent en aluminium, et attachés à la structure intérieure par des ancrages métalliques. Non seulement ces matériaux, de même que les ancrages et les scellants qui les lient, montrent-ils aujourd’hui quelques signes de fatigue, mais aussi leur performance thermique est-elle parfois difficilement compatible avec les normes actuelles de construction. Leur rénovation ou leur remplacement demandera d’autant plus d’attention que plusieurs de ces éléments ne sont plus en production aujourd’hui. De plus, l’agencement de ces compositions (proportions, épaisseurs relatives, horizontalité et verticalité) constitue une des caractéristiques essentielles à l’expression architecturale des édifices. Pour Marc Grignon et Richard Beaudry : … les murs-rideaux alternant panneaux de verre et panneaux opaques sur les pavillons Vandry, Pouliot et Vachon sont absolument essentiels à la conservation de leur identité… (ils) sont des signes importants de la modernité que l’Université Laval cherchait à affirmer dans les années 1950 et 1960, car il y avait à l’époque encore peu de murs-rideaux employés dans les édifices publics. (2004 : 13) Enfin, au sujet du vieillissement des matériaux, certains auteurs soulignent la difficile conciliation entre les signes de vieillissement visibles des matériaux et l’image de nouveauté habituellement rattachée à l’architecture du Mouvement moderne. Si l’apparition d’une certaine patine sur les matériaux traditionnels comme le bois ou la pierre est associée à une vision romantique des édifices plus anciens ayant atteint un âge vénérable, cette patine devient insupportable sur le béton ou l’aluminium des édifices plus récents. Considérée comme contraire à l’intention esthétique originale, elle sera interprétée comme une incapacité des édifices modernes à vieillir élégamment. 13 13 À la lumière de ce constat, certains auteurs invitent à reconsidérer notre perception de la patine et des traces de vieillissement des matériaux sur les édifices du patrimoine moderne. À ce sujet, voir Susan Macdonald (1997 et 1998) ainsi que D. Leatherbarrow et J. Mostafari (1993). Odile Roy, architecte page 27 3.3.2. Évolution des besoins en espaces Au fur et à mesure de l’évolution des besoins en espaces, le campus est appelé à se transformer : parfois ces besoins justifieront la construction d’un nouveau pavillon; d’autres fois, l’agrandissement de pavillons existants; le plus souvent, le réaménagement d’espaces intérieurs. L’agrandissement d’un pavillon existant est l’intervention susceptible d’entraîner les plus grands changements à son architecture; c’est une intervention d’autant plus délicate que plusieurs pavillons, particulièrement ceux de la troisième génération (Charles-De Koninck, Jean-CharlesBonenfant, Agathe-Lacerte et Paul-Comtois) ont été conçus comme des volumes autonomes et des systèmes complets. Quelques autres pavillons (Biermans-Moraud, Alphonse-Marie-Parent ou le PEPS) sont constitués de plusieurs volumes, leurs caractéristiques distributives étant davantage inspirées des systèmes ouverts; ils accepteront mieux l’ajout d’un nouveau volume ou d’une nouvelle aile. Le réaménagement des espaces existants est sans doute l’intervention la plus couramment réalisée pour répondre à l’évolution des besoins fonctionnels. Heureusement, en rompant avec la conception traditionnelle de l’espace statique, séquentiel et fermé, l’architecture du Mouvement moderne nous a donné des espaces robustes, ouverts et polyvalents; cette intention a d’ailleurs été clairement exprimée par Lucien Mainguy lors de la conception des pavillons dont il a été l’auteur. À prime abord, cette robustesse et cette polyvalence porte à croire que le réaménagement des espaces existants a peu d’impacts sur la conservation du patrimoine moderne. Pourtant, ces réaménagements compromettent parfois sévèrement la lisibilité des caractères distributifs essentiels à l’identité d’un édifice en modifiant radicalement la hiérarchie des espaces ou des systèmes de circulation. De plus, ils entraînent parfois la perte d’espaces de qualité ou d’éléments de décor intérieur faisant partie intégrante de la conception originale des pavillons. 3.3.3. Performance et étanchéité de l’enveloppe La plupart des pavillons du campus ont été construits à une époque où l’on accordait peu de considération à l’économie d’énergie, d’où la faible valeur isolante et la présence de ponts thermiques dans les composantes de leur enveloppe extérieure. De plus, l’étanchéité à l’eau des premiers murs-rideaux assemblés dans les années ’50 est souvent déficiente. Aujourd’hui, Odile Roy, architecte page 28 l’objectif d’amélioration de l’étanchéité de l’enveloppe est susceptible d’entraîner des modifications aux caractères de composition des édifices en altérant leur volumétrie extérieure ou leurs espaces intérieurs. L’ajout d’un matériau isolant peut entraîner la disparition de finis intérieurs ou de revêtements extérieurs d’intérêt. De plus, s’il est réalisé du côté intérieur, il réduira les dimensions de l’espace utile, tandis que posé du côté extérieur, il affectera sensiblement les rapports de proportions entre les diverses composantes de l’enveloppe lisibles sur les façades. Or, nous avons vu que ces facteurs de composition sont d’autant plus importants qu’ils se sont souvent substitués aux détails d’ornementation de l’architecture traditionnelle. Parmi les autres interventions susceptibles d’améliorer les performances thermiques de l’enveloppe des édifices, l’ajout de vestibules aux entrées, qu’il soit fait du côté intérieur ou extérieur, aura vraisemblablement une incidence sur la composition des façades ou des espaces intérieurs. Enfin, le remplacement des surfaces vitrées par un verre plus performant du point de vue énergétique, peut modifier les rapports de proportions entre l’épaisseur des surfaces vitrées et les montants métalliques, la luminosité des espaces intérieurs ou encore l’aspect extérieur du verre dans la façade. Dans tous ces cas, un examen critique des objectifs poursuivis, des interventions proposées et des alternatives possibles, à la lumière des impacts sur la conservation des caractères essentiels à l’identité des pavillons, incluant les intentions initiales du concepteur, permettra de faire les meilleurs choix. 3.3.4. Mise aux normes de sécurité Les normes, codes et réglementations en matière de sécurité incendie ont évolué depuis la construction des premiers pavillons sur le campus. Cette évolution fait en sorte que leurs aires de planchers, leurs issues ou leur type de structure ne rencontrent pas les exigences actuellement applicables par le Code national du bâtiment. Toutefois, en vertu de la réglementation, seules les nouvelles constructions et les immeubles existants faisant l’objet de rénovations majeures, d’agrandissements ou de modifications d’usages doivent s’y conformer. Cette mise aux normes pourra entraîner les interventions suivantes : Odile Roy, architecte page 29 compartimentation des aires de planchers et/ou des moyens d’évacuation par un cloisonnement offrant une résistance au feu; protection des aires communicantes; ajout ou relocalisation d’issues (portes ou escaliers); protection par extincteurs automatiques à eau En outre, la combustibilité des structures ne pose pas de problème à prime abord puisque la plupart des structures sont en acier ou en béton. Certains aménagements peuvent toutefois représenter une augmentation de la charge combustible, rendant ainsi nécessaire l’amélioration des mesures de protection incendie. Dans tous les cas, il importera de bien comprendre l’esprit des normes en vigueur, de bien analyser les caractéristiques spatiales des édifices et, au besoin, de proposer des interventions affectant le moins possible la lisibilité et la distribution des espaces. 3.3.5. Mise à niveau des systèmes Les systèmes de chauffage, d’électricité et de mécanique (plomberie-ventilation) des pavillons construits entre 1950 et 1975 sont également susceptibles de nécessiter une mise à niveau. En ce qui concerne le chauffage, celui-ci est assuré par des radiateurs alimentés par la centrale d’énergie; il s’agit là d’un des premiers systèmes mis en place sur le campus avec la construction du pavillon Gérard-Bisaillon et le passage des conduits dans le réseau de tunnels. Il s’agit d’un système efficace qui, bien qu’il fasse appel à une source d’énergie non renouvelable, a su s’adapter à la fois à l’ajout de nouveaux pavillons et au programme d’économie d’énergie récemment mis en œuvre. Les interventions en mécanique et en électricité peuvent commander le remplacement ou l’ajout de nouveaux conduits. La plupart du temps, ces interventions sont invisibles, mais elles pourront à l’occasion devenir apparentes lorsque les murs, plancher ou plafonds ne présentent pas les vides techniques nécessaires à leur passage. Il importe alors de disposer les conduits apparents de manière à ce qu’ils entravent le moins possible la perception des espaces intérieurs. Odile Roy, architecte page 30 4. PRINCIPES D’INTERVENTION Après avoir examiné la nature du patrimoine moderne du campus de l’Université Laval, l’établissement d’un cadre de référence nous a permis d’identifier les enjeux spécifiques à sa conservation et les interventions susceptibles d’y entraîner des modifications. Cette dernière section énonce cinq principes d’intervention afin de guider la conception et la réalisation des projets de rénovation, de transformation ou d’agrandissement des édifices qui constituent ce patrimoine. 4.1 Deux modèles Les principes d’intervention présentés plus loin découlent essentiellement de deux modèles que nous exposerons brièvement ci-après. Le premier est un modèle de gestion du patrimoine par les valeurs proposé par Randall Mason, en continuité avec les autres modèles de reconnaissance des valeurs du patrimoine développés depuis le début du XXe siècle. Le second est un modèle d’interventions fondées sur une connaissance critique développé par Nullo Pirazzoli; cette connaissance critique sert à identifier les caractères essentiels à l’identité des édifices et à s’assurer de leur conservation au fur et à mesure de l’élaboration des projets. 4.1.1 Une gestion basée sur les valeurs 14 En juin 2004, la Commission des Biens culturels du Québec publiait un document d’information destiné à explorer un nouveau modèle de gestion du patrimoine. Constatant que la notion de patrimoine s’est passablement élargie jusqu’à inclure des éléments d’époques, de natures et d’échelles variées, et que le patrimoine ne peut être réduit aux seuls objets qui jouissent d’une reconnaissance officielle ou d’un statut légal de protection, la CBCQ a voulu examiner, par cette réflexion, un nouveau modèle de gestion fondé sur la reconnaissance des valeurs multiples dont est porteur le patrimoine. Les valeurs y sont définies comme un ensemble de caractéristiques ou de qualités positives perçues dans les objets ou les sites culturels par des individus ou des groupes d’individus (CBCQ 2004 : 4). 14 Cette section reprend et résume l’exploration du modèle de gestion par les valeurs exposé dans la publication de la Commission des Biens culturels du Québec (CBCQ 2004 : 22-24). Le modèle développé par Mason est présenté dans un rapport de recherche intitulé Assessing the Values of Cultural Heritage et produit en 2002 pour le Getty Conservation Institute à Los Angeles. Odile Roy, architecte page 31 Introduit pour la première fois par la Charte de Burra en 1999, cet élargissement des valeurs à considérer a été développé et modélisé par Randall Mason du Getty Conservation Institute en 2002. Ce modèle invite à prendre en considération, au-delà des valeurs historiques, architecturales ou esthétiques habituellement attribués au patrimoine (selon le modèle élaboré par Aloïs Riegl au début du XXe siècle), des valeurs et des significations jusqu’ici peu explorées par les spécialistes en la matière : sa signification sociale et culturelle, son appropriation par le milieu, sa valeur économique d’usage ou de remplacement. On reconnaît ainsi que les objets du patrimoine n’ont pas de valeur intrinsèque, indépendante de leur appréciation ou du jugement porté sur eux, mais qu’ils sont porteurs des multiples et diverses valeurs que les communautés leur attribuent à travers le temps. Inscrit dans la foulée de l’élargissement typologique, chronologique et géographique du champ patrimonial, ce modèle de gestion par les valeurs est particulièrement bien adapté au patrimoine de la modernité et à la conservation des ensembles qu’on ne saurait réduire à la simple somme de leurs composantes. Il a été mis en pratique au Canada par la Commission des lieux et monuments historiques (CLMHC), par le Service national des parcs aux États-Unis et par la Commission australienne du patrimoine. Il nous semble particulièrement approprié à la gestion du patrimoine du campus de Laval étant donné d’une part, que ce patrimoine n’a jusqu’ici fait l’objet d’aucune reconnaissance officielle et d’autre part, qu’il est porteur d’une signification sociale et culturelle importante, tant pour la communauté universitaire que pour toute la collectivité de la région de Québec. De plus, ce modèle est tout à fait adapté à l’approche de participation de la communauté retenue par l’Université pour l’élaboration du plan directeur du campus par la CAMUL et pour sa mise en œuvre par le CAMEO. Enfin, la prise en compte de ces valeurs multiples permet une évaluation plus complète et plus cohérente avec une approche de développement durable que celle qui serait fondée sur des considérations strictement économiques; elle est donc conséquente avec la nature même de l’institution publique que représente l’Université Laval et avec l’importance du patrimoine moderne de son campus. L’approche proposée par Mason est souple et adaptable à chaque cas particulier. Elle a aussi le mérite d’être simple, se divisant en deux grandes étapes. Appliquée au campus de Laval, la première étape viserait à d’identifier et à caractériser l’ensemble des valeurs rattachées au site et à Odile Roy, architecte page 32 ses édifices; celles-ci peuvent être de deux ordres : socioculturelles (historique, culturelle/symbolique, sociale, spirituelle/religieuse, esthétique) et économiques (usage et nonusage); ces deux ordres étant considérés de manière complémentaire plutôt qu’antagonistes. Ces valeurs sont largement ressorties lors de la consultation publique menée par la CAMUL en 2004. La deuxième étape viserait à intégrer ces valeurs au sein des processus de planification et de prise de décisions; elle se réalise en quatre temps : la formulation d’énoncés de valeurs (sans chercher à les hiérarchiser), l’arrimage entre les valeurs et les caractéristiques physiques du site, l’analyse des menaces et des opportunités, l’élaboration de politiques de gestion et leur mise en application. La réussite dans l’application de ce modèle nécessite néanmoins la remise en cause de certains a priori. On doit d’abord admettre que les valeurs ne sont pas immuables, qu’elles sont susceptibles d’évoluer dans le temps et dans l’espace; en fait, l’intérêt récent porté au patrimoine moderne, auparavant ignoré, en est la meilleure démonstration. On doit également convenir qu’il n’est ni possible, ni souhaitable de conserver l’intégralité du patrimoine hérité, qu’il est normal que les différentes composantes de l’architecture soient remplacées une fois parvenues au terme de leur vie utile et que le changement n’est pas une menace en soi. 4.1.2 Des interventions fondées sur une connaissance critique La nécessité de fonder les interventions sur le patrimoine sur une connaissance historique de celui-ci est un principe généralement admis et appliqué internationalement : rares sont aujourd’hui les projets qui sont menés sans que ne soit effectuée, au préalable, une étude historique de base; les informations contenues dans ces études variant toutefois considérablement d’une réalisation à l’autre. Toutes ces informations, parfois de nature hétérogène, permettent sans doute de mieux connaître les objets étudiés, mais l’opérationnalisation de ces connaissances dans l’élaboration d’un projet architectural de rénovation, de transformation ou d’agrandissement, s’avère souvent difficile. Nullo Pirazzoli, professeur de restauration architecturale en Italie, a exploré cette relation ou ce passage de la connaissance au projet, en proposant un modèle de connaissance critique. Il y distingue d’abord la connaissance objective de la connaissance critique. Odile Roy, architecte La connaissance page 33 objective vise à documenter les caractéristiques matérielles et typologiques des édifices; elle peut comprendre les études historiques, ethnologiques et archéologiques, les relevés et les différents inventaires. Ce type de connaissance ne permet toutefois pas l’identification des caractères hérités essentiels à l’identité des édifices, ceux qu’on cherchera à conserver à travers tout projet de transformation, ce que permettra la connaissance critique. Cette dernière, bien qu’elle s’appuie sur la connaissance objective, s’articule autour de l’inventaire et de l’analyse de cinq types de facteurs (ou caractères) : les facteurs de localisation, de composition et de distribution, ainsi que les facteurs structuraux et constructifs. Après avoir identifié, analysé et représenté les différents facteurs (ou caractères) d’un édifice sur lequel on doit intervenir, il faudra ensuite les hiérarchiser en se basant sur l’importance relative de chacun pris individuellement et sur leurs interrelations. Cette hiérarchie permettra de déterminer lesquels des facteurs représentent les caractères hérités essentiels à la préservation de l’identité d’un édifice. La synthèse de ces caractères et la projection de l’édifice dans une condition différente permettront la modélisation des transformations projetées; on pourra ensuite juger de l’impact de ces transformations sur la préservation des caractères jugés essentiels à l’identité de l’édifice. Le modèle de connaissance proposé par Pirazzoli nous apparaît cohérent avec la gestion par les valeurs proposée par Randall en ce qu’il propose d’exercer un jugement critique au moment de projeter la transformation des édifices. Il représente une alternative pragmatique et responsable aux approches de restauration (scientifique ou stylistique) couramment employées pour intervenir sur le patrimoine moderne en ce qu’il force à adopter une attitude critique face aux édifices afin de leur permettre de vivre selon de nouvelles conditions d’usage, tout en conservant leur identité et leurs qualités architecturales essentielles. Ce modèle nous semble également bien adapté à l’exercice du mandat du CAMEO dans ses rôles d’aviseur et de conseiller; il permettra de bien mesurer l’impact des projets d’aménagement ou de transformation des édifices sur la conservation du patrimoine moderne du campus, tout en assurant une communication sur des bases communes entre le CAMEO et les concepteurs de ces projets. Odile Roy, architecte page 34 4.2 Évaluer et connaître avant d’intervenir Un premier principe d’intervention découle directement des deux modèles décrits brièvement cihaut. Il implique tout d’abord que les autorités universitaires reconnaissent la valeur du patrimoine moderne dont elles ont la responsabilité et qu’elles mettent en application un modèle de gestion par les valeurs. Il implique ensuite que l’on s’assure que tout projet susceptible de transformer l’un ou l’autre des édifices construits entre 1950 et 1975 sur le campus de Laval soit fondé sur l’établissement préalable de la valeur de l’édifice et sur une identification des caractéristiques architecturales essentielles à préserver. Ce travail devra s’appuyer sur une documentation et une analyse historique et architecturale de chacun des édifices. Il permettra d’en dégager des critères spécifiques pour la conception et l’évaluation des projets de rénovation, de transformation ou d’agrandissement de ceux-ci. Il permettra également de modéliser les propositions de transformations afin d’en évaluer l’impact sur la conservation des caractères hérités essentiels à l’identité du campus et de ses pavillons. 4.3 Contribuer à la lisibilité du plan directeur Les premiers facteurs à prendre en considération dans l’identification des caractères hérités essentiels sont les facteurs de localisation; un second principe d’intervention en découle. Ces facteurs concernent les relations entre les édifices et leur environnement : l’orientation des façades, la position des entrées, les relations des espaces intérieurs avec l’espace public et leur inscription dans une planification à plus grande échelle. Ils sont représentés à l’aide de plans figure-fond et de modélisations des édifices dans leur contexte immédiat. Ces facteurs prennent toute leur importance à la lumière du lien significatif établi dans la seconde section de ce rapport entre l’architecture des édifices et le plan directeur du campus dans ses différentes versions. Il apparaît donc nécessaire, avant toute considération architecturale, que la connaissance et l’affirmation des grands principes de ce plan constituent un principe d’intervention. Cette connaissance et cette affirmation se manifesteront dans les relations des édifices avec les grands axes et les autres espaces publics du campus. Odile Roy, architecte page 35 4.3.1 Les grands axes L’analyse du plan directeur initial du campus et de son évolution a permis de mettre en lumière que la construction des pavillons, particulièrement ceux de la deuxième génération, avait modifié la hiérarchie initialement prévue par Fiset entre les axes nord-sud et est-ouest. Ces deux axes demeurent néanmoins des éléments majeurs de la planification et de l’aménagement du campus; leur importance a d’ailleurs été réitérée dans la plus récente version du plan directeur adoptée par les autorités universitaires en 2005. Il est donc primordial de s’assurer que les projets prévus sur les édifices inscrits sur ces axes n’en compromettent pas la lisibilité et, si possible, la renforcent. Ce principe s’appliquera plus particulièrement aux pavillons Louis-Jacques-Casault et FerdinandVandry (situés aux deux extrémités de l’axe est-ouest), ainsi qu’aux pavillons Adrien-Pouliot, Alexandre-Vachon, Charles-De Koninck, Jean-Charles Bonenfant, Félix-Antoine-Savard et des Sciences de l’éducation (qui bordent les deux axes). Il s’appliquera également aux aménagements des espaces extérieurs qui bordent ces pavillons, ainsi qu’à la position de leurs entrées et à l’articulation des volumes qui cadrent les axes. 4.3.2 Les espaces publics Au-delà des deux axes principaux, les abords des pavillons et les voies de circulation définissent des espaces publics de nature et de qualité diverses : certains servent en quelque sorte de parvis ou de seuils d’entrée aux pavillons, d’autres sont devenus des lieux de rassemblement et d’activités extérieures, d’autres enfin n’ont pour seule destination que d’assurer des aires de stationnement, de services ou de livraison. Certains de ces espaces font partie de la conception originale des édifices comme c’est le cas pour les cours des pavillons Charles-De Koninck, PaulComtois et Agathe-Lacerte. Sollicités par une tendance normale à la densification et à l’expansion des aires de stationnement, ces espaces méritent considération afin d’éviter de compromettre la lisibilité du plan directeur et celle des caractères distributifs des pavillons (par exemple en localisant une entrée principale sur une aire de stationnement, comme celle du pavillon AdrienPouliot, ou un lieu d’activités extérieures sur une aire de services, comme celle du pavillon Alphonse-Desjardins). Odile Roy, architecte page 36 4.4 Conserver les caractères essentiels à l’identité des édifices Au-delà des facteurs de localisation, trois autres catégories de facteurs contribuent à définir l’architecture des édifices et peuvent constituer des caractères hérités essentiels à préserver. 4.4.1 Caractères de composition Les facteurs de composition concernent les qualités perceptuelles de l’architecture des édifices, les aspects figuratifs qui contribuent à leur image : le langage, la syntaxe, le style; les proportions, le rythme des ouvertures et les règles de composition des façades et des plans; les matériaux considérés dans leurs qualités perceptuelles comme la couleur, le grain et la texture. Leur représentation nécessite le relevé d’ensemble et de détail de toutes les composantes pour en dégager les règles de composition des façades et des plans; leur mise en relation avec les représentations originales des concepteurs permettra de comprendre l’évolution des édifices à travers ces caractères. Ces représentations deviendront indispensables si des interventions sont prévues sur l’enveloppe extérieure des bâtiments (par exemple : murs rideaux, entrées et nouveaux volumes), de manière à s’assurer que les transformations des façades s’inscrivent en continuité des règles de composition mises de l’avant par les concepteurs. Les caractères de composition devront également être analysés pour toute modification apportée à la volumétrie des espaces intérieurs communs (halls, escaliers principaux et corridors, lieux de rassemblement, auditoriums et amphithéâtres). Les qualités architecturales de ces espaces résident bien souvent dans les proportions de ceux-ci et dans les élévations intérieures qui en définissent la configuration. Leur représentation nécessitera la réalisation de coupes et de plans partiels, ainsi que de modélisations volumétriques de ces espaces. 4.4.2 Caractères distributifs Les facteurs de distribution concernent davantage l’organisation de l’espace et de ses composantes selon les destinations d’usage : leurs dimensions, leurs relations, leur configuration, leurs caractéristiques d’ouverture ou de fermeture, de lumière et de ventilation naturelles. Leur représentation s’effectue au moyen de diagrammes et de dessins en plan et en coupe, on y schématise les mouvements et parcours dans l’espace. Dans les relations entre les espaces intérieurs et extérieurs, les caractères distributifs rejoignent les facteurs de localisation. Odile Roy, architecte page 37 Les caractères distributifs sont particulièrement déterminants de la lisibilité des espaces et de l’orientation spatiale des usagers. Les transformations intérieures des pavillons ou leur agrandissement doivent nécessairement les prendre en considération, au risque de compromettre l’efficacité et la qualité des espaces. Ils doivent également être analysés en relation avec les facteurs de composition pour toute modification apportée à la volumétrie des espaces. 4.4.3 Caractères structuraux et constructifs Les facteurs structuraux concernent la manière dont les forces agissent sur l’équilibre statique de l’édifice : stratégies structurales, procédés de fabrication et d’assemblage, trame structurale. Enfin, les facteurs constructifs représentent la constitution physique spécifique des édifices et l’assemblage des divers matériaux qui composent leur enveloppe et leurs finis intérieurs : matériaux et assemblages, procédés de fabrication, pratiques constructives de l’époque. Nous avons pris ici la liberté de regrouper ces deux types de facteurs puisqu’ils nous paraissent complémentaires. L’investigation et la représentation de ces facteurs s’effectue au moyen de schémas d’identification des unités structurales et des sollicitations auxquelles elles sont soumises, de diagrammes de distribution des forces, de coupes et de détails d’assemblages illustrés par des axonométries éclatées. Elles nécessiteront des inspections visuelles approfondies et, au besoin, des curetages sélectifs, ainsi que la consultation des dessins et détails d’origine lorsqu’ils existent. L’analyse de ces deux types de facteurs permettra de mettre en lumière les caractéristiques de nouveauté et d’innovation tant recherchées par les bâtisseurs du patrimoine moderne. Ces analyses permettront également de bien identifier l’étendue des défaillances observées dans les matériaux et les systèmes ainsi que d’en identifier les causes, le cas échéant, afin d’élaborer les solutions techniques appropriées. 4.5 Tirer parti de la robustesse des espaces sans compromettre leur qualité Après avoir constaté les importantes relations entre la fonction et la forme des édifices de l’architecture moderne, nous avons aussi vu comment la souplesse et la liberté des espaces caractérisent également l’architecture des pavillons du campus. Lucien Mainguy n’a-t-il pas lui- Odile Roy, architecte page 38 même voulu que ceux-ci puissent aisément permettre des changements d’affectation au fur et à mesure de l’évolution des besoins? Nous croyons par conséquent que, malgré l’importance des caractères distributifs des édifices du campus, ces derniers peuvent néanmoins supporter certaines transformations, voire des modifications d’usage, pour peu que les nouveaux usages conviennent à la configuration des espaces. Ces interventions, conçues avec pragmatisme et sensibilité, devraient viser à tirer parti de la robustesse et de la polyvalence des espaces, sans toutefois en compromettre la qualité, particulièrement eu égard aux volumes intérieurs et aux finis de surfaces, dont certains datent encore de la construction initiale et, bien qu’ils soient un peu « usés » contribuent indiscutablement aux caractères de composition architecturale. 4.6 Au-delà de la matérialité, favoriser la conservation de l’authenticité conceptuelle L’examen des enjeux spécifiques au patrimoine moderne nous a permis de comprendre l’élargissement nécessaire du principe de respect de l’authenticité, au-delà de ses manifestations physiques, vers les intentions qui ont guidé la conception des pavillons. Conscients que la matérialité ne constitue pas l’unique essence du patrimoine moderne, il importera ici encore d’adopter une attitude prudente et pragmatique dans les interventions, particulièrement celles qui viseront à assurer la pérennité des édifices par le remplacement des composantes (matériaux de l’enveloppe et finis intérieurs) ayant atteint la fin de leur vie utile ou présentant une dégradation trop avancée pour en permettre la restauration. Dans ces circonstances, il importera de comprendre les intentions des concepteurs initiaux et de privilégier des matériaux ou des systèmes de substitution respectant ces intentions conceptuelles. Odile Roy, architecte page 39 CONCLUSION Comme le souligne si pertinemment DOCOMOMO Québec, « …l’accès de l’architecture moderne à l’âge patrimonial nécessite une révision des attitudes de sauvegarde et des savoirs requis par la conservation ainsi que des critères de protection. Son abondance, sa nouveauté, sa fonctionnalité et sa précarité obligent à faire des choix et à envisager d’une manière plus systématique la modification des édifices et des ensembles… (2000 : 6). Ce travail d’élaboration d’un cadre de référence et de principes d’intervention pour la conservation du patrimoine moderne du campus de l’Université Laval s’inscrit dans la perspective d’une telle révision. Sans prétendre que les outils élaborés ici puissent être généralisés à l’ensemble du patrimoine architectural moderne du Québec, nous croyons néanmoins que la réflexion qui a mené à leur élaboration aura contribué à cerner les enjeux spécifiques aux interventions susceptibles de le transformer. Confirmant les positions exprimées par plusieurs participants à la consultation publique sur le plan directeur menée par la CAMUL en 2004, cette réflexion aura aussi permis de démontrer l’importance du campus et de ses édifices comme témoins des premières planifications d’ensembles institutionnels et comme lieu privilégié de manifestation de la modernité architecturale à Québec. L’Université Laval, en tant que dépositaire de ce patrimoine, a le devoir d’en assurer une gestion responsable dans l’intérêt collectif des générations actuelles et de le transmettre dans toute sa richesse aux générations futures. Conscients de cette responsabilité, le CAMEO et ses membres ont voulu se doter d’outils susceptibles d’encadrer les interventions de transformation du campus et de ses édifices, nous souhaitons que le cadre de référence et les principes d’intervention découlant de cette réflexion sauront les guider dans les décisions importantes qu’ils doivent prendre lors de l’examen des projets. Nous espérons également que ces outils seront utiles et accessibles aux concepteurs des projets de rénovation, de transformation ou d’agrandissement des édifices. Odile Roy, architecte page 40 BIBLIOGRAPHIE ADDIS, Bill (1997). « Concrete and steel in twentieth century construction : from experimentation to mainstream usage». Michael Stratton (éd.). Structure and Style : Conserving Twentieth Century Buildings. London : E & FN Spoon, pp.103-142. BEAUDRY, Richard (2005). Lucien Mainguy, entre beaux-arts et modernité. Mémoire présenté pour l’obtention du grade de maître ès arts. Université Laval, Québec BERGERON, Claude (1989). Architectures du XXe siècle au Québec. Québec, Musée de la civilisation, Éditions du Méridien. BERLIER, Corinne (1998). « La politique de protection du patrimoine du XXe siècle en Île-deFrance ». Actes de la table ronde Architecture du XXe siècle : le patrimoine protégé. Paris : École nationale du patrimoine, p.65. 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Plan d’ensemble : « Université Laval » Architecture-Bâtiment-Construction, juin 1949, p.47 Odile Roy, architecte page 45 Cadre de référence et principes d'intervention pour la conservation du patrimoine moderne du campus de l'Université Laval Éducation physique et des sports Localisation des pavillons du campus de l'Université Laval construits entre 1950 et 1975 LIMITES Campus universitaire LAVAL UNIVERSITÉ PATRIMOINE MODERNE AbitibiPrice Les précurseurs de la modernité PalasisPrince La modernité expressive Les innovations formelles et technologiques CharlesDe Koninck AUTRES BÂTIMENTS AlexandreVachon Bâtiments construits avant 1950 ou après 1975 Sciences de l'éducation FerdinandVandry Félix-AntoineSavard Louis-JacquesCasault RÉSEAUX DE CIRCULATION Réseau piétonnier et cyclable Jean-CharlesBonenfant Réseau routier Stationnements de surface PaulComtois GérardBisaillon AdrienPouliot H.-BiermansL.-Moraud ESPACES VERTS ET RÉCRÉATIFS Espaces verts boisés Espaces verts gazonnés MauricePollack AgatheLacerte ErnestLemieux AlphonseMarieParent Installations sportives Jardins communautaires Parcelles expérimentales Plans et cours d'eau N 0 50 100 Mètres 200