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O. FASSI-FEHRI - La physique aujour d’hui : objet, énigmes et défis
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La physique aujourd’hui :
objet, énigmes et défis
Omar FASSI-FEHRI (*)
1. Introduction
Le sujet dont je vais essayer de vous entretenir concerne la physique, la science
physique, mon but étant entre autres de vous inviter à réfléchir sur l’importance de
l’intervention de cette discipline à différents niveaux de notre vie quotidienne; derrière
chaque objet fabriqué par l’homme, du plus ordinaire au plus sophistiqué, comme
derrière chaque objet naturel, il existe beaucoup de physique, de sciences physiques,
pour le fabriquer dans un cas ou pour comprendre sa nature dans l’autre. Nous baignons
consciemment ou non dans la physique.
Essayons d’abord d’en donner une définition; je ne vais rien inventer, je vais rappeler
celle de l’encyclopédie et de la plupart des ouvrages de référence.
2. Objet de la physique et son rapport aux autres disciplines
La physique a pour objet l’étude des propriétés de la matière et des lois qui la régissent, c’està-dire de l’ensemble des règles et lois qui gouvernent le monde matériel qui nous entoure.
Par rapport aux autres disciplines précisons que la matière vivante est traditionnellement
exclue du domaine de la physique malgré les liens de plus en plus nombreux qui existent
entre la physique et la biologie (la biophysique applique justement les principes et les lois
de la physique à l’analyse des structures et des mécanismes de la matière vivante).
Les relations entre physique et chimie, physique et sciences de la terre, physique et
espace (astronomie - astrophysique) sont très étroites; celles avec les mathématiques
sont des relations privilégiées; mieux ces deux disciplines ont progressé et évolué de
pair. Beaucoup de découvertes et d’avancées en physique ont été possibles grâce à des
théories mathématiques, inversement des développements en physique ont permis ou
facilité l’élaboration de nouvelles théories mathématiques (exemple la théorie
mathématique des distributions due à Laurent Schwartz); en fait à partir du XVIIième
siècle la physique moderne est fondée à la fois sur la formulation mathématique et le
recours à l’expérimentation; on peut citer comme exemple celui des théories de la
relativité restreinte et de la relativité générale, qu’Einstein a mises au point l’une en 1905
(on a célébré en 2005 son centenaire en décidant que cette année soit l’année mondiale
de la physique en hommage à Einstein) l’autre en 1915; une validation très forte de ces
théories l’a été après la publication par Einstein des résultats théoriques, par différents
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(*) Secrétaire Perpétuel de l’Académie Hassan II des Sciences et Techniques. Professeur de
Mécanique à la Faculté des Sciences de Rabat (Université Mohamed V-Agdal, Rabat).
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Conférences données dans le cadre des journées «les jeunes et la science» (2006)
tests expérimentaux; on peut citer la vérification expérimentale de la relativité restreinte:
équations de la mécanique relativiste testées en laboratoire, dans les accélérateurs de
particules, expérience montrant la dilatation du temps s’appuyant sur la durée de vie des
mésons π; ainsi que les tests classiques de la relativité générale: avance du périhélie des
planètes-on y reviendra-, déviation des rayons lumineux par un champ de gravitation
(1919-Eddington), décalage vers le rouge des raies spectacles dans un champ
gravitationnel; on peut aussi considérer les conséquences cosmologiques déduites de la
relativité générale qui corroborent le modèle du big bang et de l’expansion de l’univers
(découverte du rayonnement à 2.7°K du fond du ciel en 1965 par Penzias et Wilson; la fuite
des galaxies découverte par Hubble en 1929; aujourd’hui il semble qu’on a réussi à observer
aussi l’existence des ondes gravitationnelles, prévues par la relativité générale.
Figure 1: Le laboratoire de l’Institut
polytechnique de Zurich, où Einstein
entreprit ses premières recherches.
Figure 2: Le Périhélie de la planète
Mercure (photographiée ici devant le
disque solaire) tourne de 5 600’’ par
siècle, dont 5557 sont expliquées par la
théorie de Newton. La différence 43’’
par siècle, a pu être expliquée par la
théorie de la Relativité générale.
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Figure 3 : Phénomène de déviation de la lumière d’une étoile située derrière le soleil, et mesure de
l’angle de déviation.
Figure 4 : La grande nébuleuse d’Andromède, l’une de nos plus proches voisines: c’est une galaxie
spirale semblable à la nôtre.
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Figure 5 : Gravure extraite d’un mémoire d’Ismaël Bouillaud de 1667.
En 964, Abd-al-rahman al-Sûfi porta sur une carte céleste la faible lueur qui, un millénaire
plus tard, devait nous révéler le monde des galaxies. On peut, par une nuit sans lune, percevoir
faiblement la nébuleuse d’Andromède. Elle est le seul astre extragalactique visible à l’œil nu
dans l’hémisphère boréal. Abd-al-rahman al-Sûfi la repéra au dixième siècle. Sur cette
gravure extraite d’un mémoire d’Ismaël Bouillaud de 1667, elle est figurée par le petit nuage
elliptique sous le bras d’Andromède, devant la bouche du poisson. C’est en 1923 seulement,
après l’avènement des grands télescopes, qu’Edwin Hubble reconnut sa vraie nature, celle
d’une galaxie semblable à la nôtre, et ouvrit alors le domaine de la cosmologie
La physique a un rapport particulier à l’ensemble des disciplines scientifiques naturelles,
puisque presque toutes les méthodes de mesure, quelle que soit la discipline, sont fondées
sur des principes de physique; et très souvent l’affinement des mesures et des appareillages
conduit à découvrir des lois encore méconnues; le gain d’un ordre de grandeur sur la
précision de la mesure met souvent en évidence des phénomènes nouveaux qui conduisent
à une amélioration et parfois à une mise en question de lois précédemment admises.
3. Physique fondamentale et physique appliquée
Quand on réfléchit aux progrès de la physique, on s’aperçoit que ses avancées ont été
possibles certes grâce au génie de quelques uns (Newton - Einstein - Planck...), mais
aussi au travail de quelques autres qui cherchent à exploiter ces idées, les mettre en
œuvre; ces derniers sont amenés à construire des appareils et des montages
expérimentaux susceptibles de trouver des voies pour aller plus loin encore, c’est le cas
d’expérimentateurs tels Galilée (avec sa lunette entre autres), Hertz (ondes
radioélectriques), Michelson et Morley ( vitesse de la lumière), Thomson (existence de
l’électron), Penzias et Wilson Prix Nobel 1978 (observation en 1965 du rayonnement
micro-onde de l’univers à 2.7°K).
Ainsi se trouve posé (ou reposé) le traditionnel débat entre la physique dite fondamentale
et celle dite appliquée ou expérimentale, et plus généralement entre la recherche
fondamentale et la recherche appliquée; en fait on s’accorde aujourd’hui à dire que les
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deux domaines sont indissociables; si les progrès et avancées de la physique
fondamentale permettent des applications nouvelles de plus en plus pointues, à titre
d’exemple le système GPS (réseau de satellites), utilisé pour se repérer (en particulier
par la plupart des taxis dans les grandes métropoles), a été perfectionné grâce aux
résultats de la relativité restreinte (contraction des longueurs et dilatation du temps), les
données fournies par l’expérience permettent à leur tour très souvent l’ouverture
d’horizons nouveaux.
Les sciences physiques, et les sciences en général d’ailleurs, élaborent des modèles
représentatifs et prédictifs selon une méthodologie rigoureuse; ils sont conçus soit par une
démarche expérimentale mettant en œuvre de manière constitutive le doute méthodique et
l’esprit critique et débouchant sur une loi, soit surtout dans les disciplines les plus
évoluées, à partir de quelques concepts et énoncés de base, par voie mathématique
développant un ensemble de résultats; qu’un seul de ces résultats soit infirmé par
l’expérience et la théorie qui le sous-tend doit être corrigé ou même abandonnée.
4. Les grandes avancées du XIXe et du XXe siècle
Le XIXème siècle a été le siècle de la chaleur (les lois de la thermodynamique avec
Boltzmann, Helmotz et Gibbs), de l’électricité (équations de Maxwell), de la lumière,
avec la découverte de son aspect à la fois ondulatoire et corpusculaire (avec Fresnel,
Huygens, Louis De Broglie). A la fin du XIXe siècle les physiciens croyaient qu’ils
étaient près de tout comprendre. Très vite il fallait déchanter car dès l’aube du XXème
siècle on assista à de nouvelles et très grandes révolutions en physique avec la mise au
point des théories quantiques et les travaux d’Einstein sur la relativité; grâce à Bohr,
Schrödinger, Heisenberg, Dirac, De Broglie et d’autres on a pu expliquer le
comportement des atomes, des molécules, de la lumière; les prédictions des théories
quantiques sont conformes aux résultats en laboratoire. Ces théories nous enseignent
comme l’explique Hubert Reeves «à chaque cause correspond non pas un et un seul
effet, mais plusieurs effets possibles; celui qui se réalisera ne peut pas être prévu par des
équations mathématiques; on peut tout au plus en calculer la probabilité; le futur n’est
pas complètement inscrit dans le présent»; quant aux travaux d’Einstein, ils allaient
bouleverser beaucoup de concepts qui semblaient jusque là immuables comme les
notions d’espace (contraction des longueurs) et de temps (dilatation du temps),
l’équivalence masse-énergie (E = mc2).
Remarquons toutefois : certes la théorie d’Einstein permettait d’expliquer beaucoup de
points que la mécanique de Newton n’arrivait pas à expliquer, par exemple l’avance du
périhélie (c’est-à-dire le sommet de l’orbite le plus voisin du soleil) de la planète
Mercure, que la relativité générale arrive à calculer, (la théorie relativiste aboutit à une
avance séculaire (un siècle) de 42’’9 alors que l’observation donne une valeur de
42’’56) et que la loi de Newton n’arrive pas à expliquer cette avance; mais pour autant
peut-on dire que Newton avait tort et Einstein avait raison; non, car la théorie de Newton
reste valable et utilisable pour les mouvements de vitesse petite par rapport à celle de la
lumière, et comme l’explique encore Hubert Reeves «On peut comprendre plus de
choses avec Einstein qu’avec Newton»; dans le cas d’espèce si on veut étudier les
mouvements à grande vitesse il faut recourir à la théorie d’Einstein.
Au milieu de toutes ces avancées scientifiques, ce qui va distinguer spécialement le
dernier siècle (20ème), c’est le développement fantastique de l’électronique qui a eu
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l’influence la plus profonde sur notre vie de tous les jours et ouvert la porte à la
réalisation concrète des machines opérationnelles, au développement de toute
l’informatique moderne, et à la révolution des techniques de communication.
En conséquence, à l’aube du nouveau siècle (21ème), nous ne pouvons que constater,
combien, malgré les immenses progrès accomplis avant le 20ème siècle, l’impression
qu’on avait à son début et selon laquelle «on était près de tout comprendre» était erronée.
En fait beaucoup de questions restent encore ouvertes en physique. A travers quelques
énigmes et quelques exemples, on va essayer d’illustrer ce propos.
5. Exemples de défis et … d’énigmes
Le premier exemple concerne la notion de repère absolu ou galiléen, en liaison avec le
principe de Mach. D’après ce principe, ce qui est responsable de l’inertie d’une masse
serait «l’ensemble des autres masses présentes dans l’univers». Ce principe en fait, bien
que non explicitement démontré, n’est pas non plus infirmé par les théories physiques
actuellement admises. L’expérience concerne le pendule de Foucault.
Une telle expérience a été réalisée à Paris en accrochant au sommet de la coupole du
Panthéon en 1851 un pendule de longueur 67 m; la masse de la boule munie d’une pointe
en bas est de 28 kg; sur le sol on dispose d’un anneau de sable (diamètre 6 m), et en
faisant osciller le pendule on s’aperçoit que la pointe du pendule laisse une trace sur
l’anneau de sable aux deux extrémités de la course du pendule et que cette trace change
avec le mouvement du pendule.
A cette époque on savait que la terre était sphérique et que, à partir d’observations célestes,
elle tournait; mais personne ne l’a démontré sur terre; l’expérience du pendule va le faire.
Au cours du temps, le plan dans lequel le pendule se déplace, le plan d’oscillation, tourne
autour de l’axe vertical. Lancé, par exemple, dans le plan est-ouest, le pendule va s’orienter
progressivement vers le plan nord-sud et continuera en revenant vers son plan initial.
Le monticule de sable balayé par la pointe du pendule témoigne de son mouvement.
Pourquoi ce mouvement du pendule? On est tenté de répondre que c’est la terre qui tourne
et non le plan d’oscillation. Le plan reste fixe; il semble tourner à cause du mouvement de
la terre; le problème n’est pas résolu pour autant, et il y a une question que l’on se pose
légitimement: de la terre ou du plan d’oscillation lequel tourne? et par rapport à quoi ?
Si l’on s’amuse à faire démarrer le pendule de telle façon que le soleil soit dans le plan
d’oscillation, celui-ci va tourner comme pour rester orienté vers lui. Toutefois, si l’on
prolonge la durée de l’expérience, on constate que le soleil dérive lentement hors du plan
pendulaire, après un mois il en est éloigné de 15°. On essaie d’améliorer, en orientant le
plan vers une étoile brillante, Sirius par exemple. Toutefois lentement mais inexorablement
les étoiles, après quelques années d’oscillation, quittent le plan du pendule. On essaie
d’aller plus loin; on considère le centre de la galaxie, ou la galaxie d’Andromède; elles
finissent toutes, après des temps très longs par dériver du plan d’oscillation. Ces corps
finissent tous, après des temps très longs il est vrai, par dériver hors du plan d’oscillation.
Plus la galaxie est loin, plus longue est la période de fidélité. On obtiendrait un
alignement stable en choisissant comme ultime repère un ensemble de galaxies situées à
plusieurs milliards d’années-lumière.
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Tout se passe comme si le plan d’oscillation était contraint de rester immobile par rapport à
l’univers dans son ensemble => «tout l’univers est présent à chaque endroit et à chaque instant».
La dynamique newtonienne postule l’existence d’un espace absolu indépendant des
corps qui s’y trouvent et d’un temps universel qui coule uniformément; elle repose sur
le principe fondamental de la dynamique (PFD) qui postule qu’il existe un repère
d’espace Tgal et une mesure de temps constituant un repère dit galiléen par rapport
auquel le mouvement d’un système matériel quelconque S s’effectue de façon qu’à
chaque instant, le torseur des quantités d’accélération de S/Tgal en tout point (torseur
dynamique) est égal au torseur des forces appliquées à S; et l’on sait que tout repère en
translation rectiligne uniforme est lui-même galiléen.
Le PFD est donc un postulat d’existence (de repère galiléen). Pour étudier le mouvement
d’un corps par rapport à tout autre repère que le repère galiléen on devra tenir compte des
forces d’inertie d’entraînement et de coriolis; les repères par rapport auxquels les torseurs
de ces forces sont négligeables à côté des torseurs des forces appliquées au système,
peuvent être considérés comme approximativement galiléens; c’est ainsi qu’on considère
pour certains mouvements qu’un système lié à la terre est pratiquement galiléen, pour
d’autres cas un repère lié au système solaire est galiléen (étude des marées), pour d’autres
on considérera comme galiléen le repère d’origine le centre de gravité du système solaire
et des axes orientées vers trois étoiles éloignées (repère de Copernic).
L’énigme posé par le pendule de Foucault est qu’il semble que pour l’étudier
rigoureusement il faut considérer un repère lié à l’univers dans sa totalité.
Un autre exemple intéressant à propos de la notion de repère galiléen, c’est celui de la
rotation de la terre. Nous savons tous que la terre tourne autour du soleil avec une
vitesse d’environ 30km/s qui est une vitesse très grande (songez que celle des projectiles
d’artillerie les plus rapides n’atteint pas 3 km/s); Cette rotation se fait dans le sens
contraire des aiguilles d’une montre – de plus elle tourne sur elle-même en 24 heures
autour de l’axe des pôles dans le sens de l’ouest vers l’est; ce sens dépend bien entendu
des conditions initiales qui prévalaient à la naissance du système solaire il y a 4.5
milliards d’années, (notons en passant que le soleil possède également un mouvement
autour du centre de la galaxie avec une vitesse de 250 km/s, mouvement qui nous
entraîne aussi, et il décrit son orbite en 200 millions d’années).
Revenons au mouvement de la terre autour du soleil à la vitesse qu’on a vue de 30 km/s;
elle met une année pour accomplir son orbite; pendant un temps court, quelques heures,
même un jour, on peut considérer ce mouvement comme uniforme et rectiligne, comme
un mouvement de translation. La terre dans cette translation possède (momentanément)
les propriétés d’un système galiléen par rapport à des axes fixés au soleil et dirigés vers
des étoiles lointaines; le principe de relativité galiléen qui dit que «les lois de la
mécanique sont les mêmes dans tous les systèmes galiléens» est donc applicable à ce
mouvement de la terre, si rapide qu’il soit; des expériences mécaniques faites sur terre
sont incapables de le déceler. Non seulement nous n’avons pas conscience de cette
course vertigineuse dans le vide (30 km/s) mais les expériences de mécanique au
laboratoire n’en portent aucun signe. En fait, la mécanique se montre incapable de
distinguer le système de Copernic où la terre se meut de celui de Ptolémée où elle est
immobile au centre du monde.
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Les théories physiques s’expriment à travers des lois et équations où l’on retrouve
toujours des constantes numériques caractéristiques de l’objet étudié et qui entrent
dans les lois d’interaction dites constantes universelles, par exemple la constante de
Boltzmann k = 1.88 x 10-16 erg/degré, s’il s’agit d’un problème thermodynamique, ou la
constante de Planck, s’il s’agit de problèmes quantiques. Qu’est ce qu’une constante
universelle? quel est le nombre de ces constantes? sont-elles dimensionnées? ou sont-ce
des paramètres sans dimension exprimées à partir de rapports entre constantes dites
fondamentales, et on pense alors aux 3 constantes :
- c, vitesse de la lumière (299792458 ms-1)
- G, constante de gravitation : G = 6.6742 x 10-11 m3.kg-1.s-2
- et h, constante de Planck : h = 66260693 x 10-34 J.s, qu’on détermine toutes
expérimentalement. Remarquons encore qu’à partir de ces trois
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constantes on forme une longueur
lp =
Gh
2πc3
= 1.6x10-35m,
dite longueur de Planck à partir de laquelle on détermine le temps de Planck
tp = lp = 5.3x10-44 s ; ces grandeurs avec la température de Planck (10 32 degrés)
c
et la masse de Planck (40 μg), définissent ce qu’on appelle le «mur de Planck», au-delà
duquel nous n’avons pas de théorie capable de décrire la matière à ces dimensions,
l’objectif étant de développer une théorie unifiant à la fois la gravité et la physique
quantique (théorie des super cordes entre autres).
Beaucoup d’interrogations liées à ces constantes universelles restent encore ouvertes.
Ces constantes ont-elles varié au cours du temps ? Si certains vont jusqu’à envisager la
possibilité d’une réduction du nombre de constantes fondamentales à 2, voire à 0 et
arriver à une physique sans constante comme le soutient Duff, d’autres estiment le
nombre des constantes indépendantes bien plus important, en particulier lorsqu’on prend
comme théorie de référence la physique des particules qui comporte 26 paramètres libres.
Signalons pour la petite anecdote quelques coïncidences troublantes entre certains
nombres sans dimension construits à partir des constantes de la physique:
F = intensité de la gravitation
= 10 39
f
intensité de la force électrique
39
T = âge de l’univers
= 10
t
période de l’électron
D = diamètre de l’univers (observable) = 1039
d
diamètre du proton
M = masse de matière dans l’univers observable = 1078 = (1039)2
m
masse du proton
Les salles de T.P. de certains de nos lycées possèdent aujourd’hui non seulement la
célèbre table de Mendeleiev des éléments chimiques, mais aussi une table des particules
élémentaires de la matière, qui a été distribuée cette année par la société française de
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physique à certains lycées. Avec le démarrage en 2007, au CERN près de Genève, du
LHC (Large Hadron Collider) gigantesque collisionneur de protons (Hadron), le plus
puissant des accélérateurs de particules, on espère percer de nouveaux mystères de la
nature de la matière, de l’énergie, de l’espace et du temps, en espérant arriver à attraper
le fameux boson de Higgs, et à unifier les quatre interactions fondamentales
(électromagnétique, gravitationnelle, nucléaire forte, nucléaire faible)… A quand, la
grande théorie unifiant les quatre interactions et en particulier la gravitation et la théorie
quantique?
Une autre question : arrivera-t-on à construire des ordinateurs quantiques, différents
de ceux que nous connaissons aujourd’hui et dont les portes logiques sont ou ouvertes
ou fermées? La mécanique quantique autorise d’autres combinaisons que ces deux états;
les prouesses en mémoire en particulier de tels ordinateurs seraient bien plus grandes, et
ouvriraient la voie à l’information quantique.
Autre question, la taille des composants électroniques, il existe une loi empirique selon
laquelle leur taille est divisée par deux tous les 18 mois; cette progression a permis le
développement extraordinaire de la microélectronique et des technologies de la
communication - mais bientôt la limite de la taille des atomes sera atteinte - inventera-ton alors d’autres processus physiques pour aller plus loin?
Dans le domaine médical, l’imagerie a fait de grands progrès grâce à la physique et à
l’informatique (scanner à rayon X, IRM, échographie ultra sonore). La physique permet
maintenant de visualiser et de manipuler les atomes un par un, d’étudier comment les
molécules biologiques se déploient et se répliquent - des perspectives sans doute
énormes s’offrent à la médecine, grâce à ces avancées.
Comme énigme et défi, songeons encore aux découvertes les plus récentes faites en
astrophysique grâce au télescope Hubble qui indiquent que 95% de la matière contenue
dans l’univers est une «matière noire» invisible aux télescopes et encore inconnue;
comment une telle déduction a-t-elle pu être faite? La matière ordinaire, celle qui nous
est perceptible par nos détecteurs (observation-photo), parvient grâce à la lumière émise;
cette matière représente 5% de l’Univers. Mais on peut aussi détecter de manière
indirecte la présence de matière par l’action de la gravité, c-à-d par l’influence qu’exerce
toute matière, qu’elle émette ou non de la lumière, sur les corps voisins; si ceux-ci
émettent de la lumière on peut postuler indirectement l’existence de matière noire non
visible qui les attire.
Par ailleurs en déterminant le mouvement des étoiles et de leurs systèmes dans la galaxie,
en calculant la masse visible d’une galaxie on s’aperçoit qu’il faudrait à peu près dix fois
plus de matière entre les étoiles et le centre de la galaxie pour maintenir celles-ci sur leur
orbite autour de ce centre, sans qu’elles s’échappent dans l’espace intergalactique; c’est
là une autre manière de détecter la présence de matière invisible (matière noire).
Et le problème se complique encore si l’on sait qu’il existe deux sortes de «matière
noire», la matière noire dont on a parlé et l’énergie noire qui exerce un effet de répulsion
des galaxies et qui serait responsable de l’accélération constatée des galaxies. On se rend
bien compte à partir de ces quelques observations combien, malgré toutes les avancées
réalisées, de questions restent ouvertes et encore sans réponse.
Un autre défi posé aux physiciens est l’étude des phénomènes supraconducteurs, avec comme
perspective transporter le courrant sans perte d’énergie (sans effet joule), ou encore l’étude des
corps superfluides avec la perspective de produire des liquides sans aucune viscosité.
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Il n’est pas jusqu’aux questions liées à l’écologie qui ne peuvent trouver de solution que
dans le développement de la recherche en physique – la question du réchauffement de la
planète pourrait trouver sa solution dans la maîtrise de l’énergie et notre capacité à trouver
de nouveaux modes de production d’énergie en optimisant les piles à hydrogène, en
produisant l’énergie solaire à des coûts abordables, ou en maîtrisant la fusion thermo
nucléaire – signalons la signature cette semaine de l’accord sur le projet ITER qui doit être
construit à Cadarache (France), et nécessite un investissement estimé à 10 milliards d’Euros.
6. CONCLUSION
Je m’arrêterai à ces quelques exemples qui donnent un aperçu sur certaines des questions
qui restent ouvertes; ces exemples même en nombre volontairement limité donnent une
idée sur les problèmes scientifiques que les chercheurs affrontent aujourd’hui. L’histoire
montre que les grandes découvertes ne peuvent être planifiées, et il est pour le moins
hasardeux, si ce n’est prétentieux, d’orienter les recherches vers seulement quelques
théories prioritaires, même si nous avons conscience que l’évolution de la physique est
soumise aujourd’hui à trois pressions, la première d’ordre cognitif émane de la volonté
de développer nos connaissances, la deuxième vient des applications de la science et des
besoins de nos sociétés, et la troisième émane des sciences voisines (biologie, médecine,
environnement, géologie…).
Pour ma part j’insisterai en guise de conclusion sur cette réflexion du grand Einstein:
«qu’est ce qui nous pousse à inventer des théories l’une après l’autre? et pourquoi même
les imaginons-nous? La réponse est simple: parce que nous avons de la joie à
comprendre».
BIBLIOGRAPHIE
1- Cours de mécanique générale, H. Cabannes (Edit. Dunod)
2- Mécanique générale, Joseph Pérès (Masson et cie)
3- Histoire de la physique et des physiciens de Thalès au boson de Higgs, par Jean
Claude Boudenot (Ellipses)
4- Patience dans l’azur, Hubert Reeves (Seuil)
5- Travaux de l’Académie des Sciences (France) (Année Mondiale de la Physique)
6- Les Dossiers de la recherche
7- Sciences et Avenir (Janvier 2005)
8- Introduction à l’Etude des cosmologies, H. Andrillat (Colin)
9- Verifications expérimentales de la relativité générale, Marie-Antoinette Tonnelat (Masson)
10- Théorie électromagnétique et relativité, M.A. Tonnelat (Masson)
11- Quatre conférences sur la théorie de la relativité, A. Einstein (éd. Jacques Gabay)
12- Les Sciences, N°161 (Grande Encyclopédie des Sciences et des Techniques)
13- Introduction à la cosmologie, Jean Heidmann ( P.U.F.)
14- Encyclopedia Universalis