Lien - Chapelle Saint Bernard
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Lien - Chapelle Saint Bernard
1 AU TERME DE CE PARCOURS … S A I N T B E R N A R D D E M O N T P A R N A S S E … chacun de nous peut dire, comme Gabriel Ringlet, dans Ma part de gravité : « Je regarde ce premier temps des Samedis comme un moment rare de ma propre histoire » , chacun constate que notre regard sur l’actualité a changé. Nous avons aussi, au long de cette année, vérifié ensemble que, contrairement à ce que d’aucuns craignaient , l’évangile de Mattieu a eu toute sa nouveauté, bien qu’il ait été le support d’un Parcours il y a cinq ans. Le tombeau vide Soulignons encore, puisque le récit y insiste dans ses quatre versions, que l'épisode du tombeau ouvert et vide suffit, avec le jeu de ses renvois à l’évangile, pour conduire à la foi en la résurrection de Jésus, indépendamment des récits des apparitions. C'est ainsi qu'il fonctionne implicitement dans les premières prédications des apôtres. L'affirmation : «Dieu l'a ressuscité, le délivrant des affres de la mort, parce qu'il n'était pas possible qu'elle le retînt en son pouvoir », jointe à la citation du psaume: «Car tu n'abandonneras pas mon âme au séjour des morts, tu ne laisseras pas ton Saint voir la corruption », avec l'allusion au tombeau de David «encore aujourd'hui parmi nous», et le serment final : «nous en sommes tous témoins», toute cette argumentation fait référence à la découverte du tombeau vide, transposant la sortie du tombeau en sortie du shéol (Ac 2, 23-32; voir 13, 34-37). Nous avons décidé de proposer au Conseil un Parcours 2010-2011, qui rassemblerait le samedi matin tous ceux qui veulent chercher à lier l'Evangile de Marc et l'actualité, à travers le double prisme de l'imaginaire et de la clé de lecture espoir – crainte. Et nous espérons vous y retrouver, accompagné de nombreux nouveaux participants. L'équipe d'animation * dates retenues : 16 octobre, 27 novembre 2010, 8 janvier 2011, 5 février, 19 mars 2011. Merci de les noter et de les faire savoir. Le vrai toujours est-ce qui nait d’entre nous et qui sans nous ne serait pas Né d’entre nous selon le souffle du pur échange Cet épisode constitue donc le socle historique et symbolique auquel s'adosse l'annonce de la résurrection, et il lui suffit. C'est dire que la foi ne cherche pas à s'encombrer de «preuves historiques» pas plus qu'elle ne sollicite le concours de la crédulité. Le vrai toujours est-ce qui tremble entre frayeur et appel Entre regard et silence J. Moingt, L’homme qui venait de Dieu, p. 363 cité par Paul Reynaud Chapelle Saint Bernard de Montparnasse Tél - Fax : 01 43 21 50 76 François Cheng 34, Place Raoul Dautry E-mail : [email protected] 75015 PARIS http://chapellestbernard.free.f 2 BRIBES D’ECHANGES LE 20 MARS 2010 (Mt 24 – 28) Guillaume de Fonclare atteint de myopathie le menant à la paralysie dit : « tragiquement, si je n’étais pas malade, je n’aurais pas le bonheur que j’ai de vivre ; avant, la vie ronronnait ; maintenant, elle a pris une toute autre valeur parce que je mesure combien elle est fragile. La douleur m’a prouvé que mon être formait une unité » […]. Véronique Margron vit aussi une douleur chronique, lancinante. « La douleur peut faire perdre la foi, faire plonger dans le désespoir, c’est une épreuve spirituelle » dit-elle. « Je crois que Dieu accompagne tout instant. Croire que le Christ est dans ma peau, et qu’il est le seul à pouvoir se tenir là, dans les heures de crise en particulier, cela peut changer la façon d’habiter la douleur. Cela a toujours été pour moi un soutien incroyable que de penser à la Croix. S’unir à la Passion quand on souffre terriblement sur un lit d’hôpital peut se matérialiser de façon élémentaire ; c’est prendre sur soi pour dire bonjour à l’infirmière […] « L’esprit est ardent mais la chair est faible » (Matthieu 26, 41) Madeleine Cazes Que l'on peut peser sur elle de tout son poids, de toute son âme. » Bruno Frappat, cité par Guy Peyrache Que laisserons-nous, derrière nous ? Des choses, des meubles, des papiers, des photos, des radotages, des emballements retombés, des passions éteintes, des tourments refroidis. Seulement ? Le cas de décès rendu public aujourd’hui lors d’un renvoi forcé porte à trois le nombre de personnes décédées en Suisse depuis 1999 lors d’un renvoi avec utilisation de mesures de contrainte. Certains diront : «leur témoignage n’est pas au nom du Christ ». Mais pour qui risquent-ils leur vie ? Pour qui donnent-ils leur mort ? Pour leurs frères. « C’est à moi que vous l’avez fait ». Viviane Eloffe Non, la bataille n'est pas terminée, jusqu'au dernier souffle. Il reste à dire l'essentiel, à persuader que la vie est, malgré les embûches, miracle quotidien. Qu'il y a quelque part une « lampe allumée». Que la vie, toute vie, a un sens et qu'il ne faut pas se tromper de dieu. Que la platitude n'est pas fatale. Que l'histoire a un sens. Saint Bernard de Montparnasse Le Lien avril 2010 On ne sait pas grand chose de cet homme, décédé le mercredi 17 mars, si c’est n’est qu’il avait 29 ans, était Nigérian, en Suisse depuis 2005. Il avait été condamné à une peine de prison ferme et il refusait de s’alimenter depuis quelques jours. Deux autres hommes, parmi d’autres, Julius et Emmanuel, devaient partir dans le même vol de nuit. Ils expliquent comment «plus de 60 policiers» - pour 16 hommes à expulser - les ont accueillis vers 22 heures à l’aéroport de Zurich. «Ils nous ont attaché les pieds, les genoux, les mains, les hanches, les bras, le torse et mis un casque comme ceux des boxeurs », racontent les deux hommes. « On ne pouvait absolument pas bouger.» Julius a été attaché sur une chaise et porté par trois policiers dans l’avion. Mais il est tombé et s’est blessé dans la chute. Emmanuel, lui, a marché, avec ses entraves, jusqu’à l’avion. Le charter a été annulé. L'Office fédéral des migrations (ODM) « déplore ce tragique incident ». La cause du décès fait l'objet d'une enquête. L'office a ordonné de ne plus effectuer de vols spéciaux tant que ce cas n'est pas élucidé. « Voyant … qu’il s’ensuivait plutôt du tumulte, Pilate prit de l’eau et se lava les mains en présence de la foule en disant : Je ne suis pas responsable de ce sang ; à vous de voir ! »…. (Matthieu, 27, 24) Le sacrifice de ce Nigérian réveille la « parole » dans les medias et dans les associations. Mais le « silence » ne reviendra-t-il pas rapidement recouvrir le tout ? Gérard Jacob 3 Action de grâce Au long de ce Parcours, entre parole et silence, nous avons partagé en vérité et fraternellement ton pain Notre Père, tu as placé tous tes enfants de la terre sur le chemin qui mène vers toi. Tu tiens dans ta main cette planète au sein de l’immensité sidérale, cette boule vivante, en ébullition même, où les hommes se débattent, se déchirent, où l’immense souffrance, indescriptible, omniprésente, semble envahir l’espace entier, s’infiltrer dans la vie de chacun sans exception. Les hommes subissent ou infligent la souffrance. Mais Tu les laisses libres. Ton amour les laisse libres. Libres de comprendre peu à peu que la lutte fratricide est une perte considérable pour tous, même pour le vainqueur. Et Tu as donné à chacun l’immense responsabilité d’œuvrer à cette transformation. Seigneur, écoute-nous, vois la souffrance de ton peuple Devant cette situation dramatique, Tu nous assures de ton soutien, Tu envoies ton Esprit, au cœur de chacun, Tu es l’inspiration novatrice, Tu es à la source des créations artistiques, des recherches scientifiques, médicales, éthiques, sociales et politiques. Seigneur, nous te louons. et le pain des hommes. Réjouissons-nous car tous ces artisans sont à l’œuvre dans le monde entier. Cela se traduit par des éclosions d’ONG, des reconstructions, des initiatives de jeunes, des séminaires de recherche : le nôtre, à son niveau élémentaire, en est partie prenante et contribue à l’œuvre de reconstruction. Tout ce qui a été dit ce matin participe à cette louange Seigneur, louange à Toi, pour ton œuvre immense et éternelle. Enfin, au niveau des politiques, les rencontres au sommet international témoignent - malgré la finitude, l’imperfection et parfois la fermeture des dirigeants – d’une bonne volonté qui se fraie un chemin. Pour tous ces élans, ce travail, cet immense effort de fraternité, Seigneur, louange à toi Viviane Eloffe Par delà des ombres de l’actualité ou de nos vies, loué sois-Tu pour la lumière de Pâques et l’espérance qui nous habite. Saint Bernard de Montparnasse Le Lien avril 2010 4 ÊTRE AU MONDE le monde est un cri le silence est une absence ni en nous ni hors de nous rien ne l'étouffe rien ne le brise il est la brise, il est le souffle il est notre souffle qui s'absente et se brise le silence nous sépare et rien ne comble l'écart qu'il creuse en nous et entre nous il est la quête et non l'oubli et la mémoire qui est l'oubli où l'on avance […] sur le seuil ouvrant à la parole la parole est ce silence même quand elle laisse naître une parole en l'autre et soudain se tait à l'unisson du chant égal qu'elle suscite ce qui se dit alors peut se poser sans heurt sur le monde et nous sommes le chant du monde tu le cri qui tue l'attente sans atteindre le silence le silence nous rejoint car c'est d'entendre qu'il s'agit dans la terrible surdité du monde la parole vraie c'est déjà du silence dans la voix la vérité c'est le silence la musique, la peinture, la danse du corps, l'écriture c'est toujours une traversée du silence vers le silence de l'au-delà du monde passage du visible vers l'invisible du créé vers l'incréé le temps se construit de ce qui s'absente le silence nous ouvre à ce qui s'échappe le temps qui reste est un silence suspendu vers quoi? vers qui? Paul CHARLERY In Souffles, avril 2009, revue de l’association Chrétiens en santé mentale Pour clore notre sixième parcours Evangile / Actualité nous avons invité Jean Daniel HUBERT, religieux bénédictin du monastère Saint Benoit d’Etiolles, et psychanalyste, nous parler du silence et de la parole dans la cure analytique. Jean Daniel travaille en libéral à Juvisy en tant que psychanalyste et a été pendant 13 ans aumônier dans un hôpital psychiatrique. Nous remercions chaleureusement JeanDaniel HUBERT pour son témoignage sur son cheminement de moine et de psychanalyste et pour avoir répondu à nos interrogations Quelques phrases de son intervention qui ont résonné en nous : Le silence dans la cure analytique est au service d’une parole vraie, vive et désirante. Il est nécessaire pour que puisse s’exprimer quelque chose de la personne, de l’ordre du sujet. Il n’est pas de l’ordre du savoir, mais de l’être. Il a autant d’effet du côté de l’analysant que de l’analyste. Le silence est de l’ordre de l’avènement. Il n’est pas une stratégie, ni une paresse de l’esprit, plutôt un art. Le silence est au service de la parole qui n’appartient qu’à celui qui s’y risque. Dans l’après-coup, on mesure ce que le silence nous a fait. Pour arriver à construire quelque chose, il faut supporter que les choses fassent silence en nous. Il y a des silences fondateurs qui nous transforment. On apprend de la folie des autres. Il y a des éclats de sens et de raison chez les fous. Nous avons tous de la folie en nous qu’il faut apprivoiser. La cure analytique n’est pas seulement une affaire personnelle. Elle a des incidences sociales. Elle peut nous permettre de nous ouvrir à une autre forme de relation à qui est l’Autre, à ne pas le réduire à un objet. Il y a de la croissance, quelque chose nous est donné. Le travail psychanalytique reste traversé par la dimension humaine. Pour l’analysant, il est un chemin d’initiation à soi. Et le jour viendra où le désir d’être soi et avec soi n’aura plus cette nécessité du cadre analytique. Maria-Elvira Nieto-Pecqueur Saint Bernard de Montparnasse Le Lien avril 2010