La révolution selon Rosa Luxemburg

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La révolution selon Rosa Luxemburg
La révolution selon Rosa Luxemburg La révolution selon Rosa Luxemburg
Sarah Sidman 3MB1 Gymnase Auguste-Piccard
Sous la direction de Guido Albertelli
Rendu le 8 Novembre 2010
1 La révolution selon Rosa Luxemburg Résumé :
Ce travail porte sur Rosa Luxemburg et sa pensée politique, plus précisément ses avis sur la
révolution. Rosa Luxemburg (1871-1919) était une marxiste révolutionnaire polonaise, mais
ayant vécu depuis 1898 en Allemagne où elle faisait partie du SPD, le parti socialdémocrate. Elle a écrit beaucoup de textes et de théories sur des problématiques de son
époque et la majeure partie concerne la révolution.
Tout d’abord, selon elle, la révolution doit se faire par les « masses » qui se mettraient en
mouvement, sans être cependant dirigées ou organisées par le Parti (le SPD) qui doit plutôt
jouer le rôle d’« avant-garde ». Ainsi, ce qui joue un grand rôle dans la révolution est
l’élément spontané, contrairement à ce que pensaient le syndicat, certains membres du SPD
et Lénine.
Ensuite, la révolution doit être internationale. Ce qu’elle écrit sur cette question concerne
surtout l’attitude du prolétariat international face aux problèmes que rencontrent les
prolétariens russes, que ce soit en 1905 ou en 1917. Car aucune révolution ne peut, selon
elle, être réussie et amener le « véritable socialisme » si elle ne se passe que dans un pays
isolé, comme c’était le cas de la Russie. Ces écrits sont autant adressés au prolétariat
international qu’aux bolcheviks qui pensaient pouvoir réussir la révolution tout seuls.
Rosa Luxemburg a non seulement écrit sur la manière dont la révolution devrait être faite
mais aussi sur comment la société devrait être « après ». En effet, elle parle de la question
du pouvoir après la révolution et, en plus particulier, de la démocratie. Elle critique en effet
les bolcheviks qui laissent de nombreux principes démocratiques de côté, comme
l’Assemblée constituante ou la liberté de la presse. Elle parle aussi de la « dictature du
prolétariat ». En effet, elle est d’accord pour qu’il y ait cette dictature du prolétariat mais
elle affirme que ce que les bolcheviks croient être une dictature du prolétariat n’en est pas
une, puisqu’elle est l’œuvre de quelques personnes et non pas de la classe prolétarienne.
Elle parle aussi de l’indépendance des nations dans une société socialiste. Pour cela, elle
analyse la décision des bolcheviks d’avoir donné le doit à « l’auto-détermination » à des
pays qui appartenaient jadis à la Russie. Selon elle, cela n’était pas la bonne décision car,
maintenant, ces pays devenus indépendants sont un danger pour la Révolution russe.
Enfin, elle s’est opposée à une tendance de son parti, qui désirait plus s’intégrer dans le
système capitaliste et abandonner le « but final » qui est la prise du pouvoir par le
prolétariat. Elle s’était déjà, en 1898, opposée au « révisionniste » Bernstein qui pensait que
l’effondrement du capitaliste prédit par Marx n’aura pas lieu, qu’il fallait abandonner le
« but final » et que l’on pouvait changer la société, non pas par la révolution, mais par les
réformes et la démocratie.
Cette tendance dans le Parti atteint son apogée en 1914 avec le vote sur les crédits militaires,
où une majorité du SPD votera en faveur de celui-ci. Rosa Luxemburg, indignée, critique
cette « trahison » car le Parti n’avait aucune raison de voter pour cette guerre qui allait être
destructrice pour le prolétariat. En réaction à cette défection du SPD, se forme «La Ligue
spartakiste ». Rosa Luxemburg compte parmi ses membres. Les spartakistes tentent une
révolution en janvier 1919 qui échoue et durant laquelle Rosa Luxemburg est assassinée. 2 La révolution selon Rosa Luxemburg Table des matières :
1. Introduction
1.1 Introduction générale
1.2 Biographie de Rosa Luxemburg
1.3 Contexte historico-politique
1.4 Ce que veut le marxisme
2. Formes de la révolution
2.1 Le rôle des masses
2.2 Une révolution internationale
3. La société après la révolution
3.1 La question de la démocratie
3.2 La question de l’indépendance des nations
4. Ses différends avec le SPD
4.1 Le révisionnisme et les réformes du système capitaliste
4.2 La 1ère Guerre Mondiale et la révolution spartakiste
5. Conclusion
Sources
3 La révolution selon Rosa Luxemburg 1. Introduction
1.1 Introduction générale
« Comment peut-on changer le monde ? ». Cette question, des gens se la sont posée à toutes
les époques, de l’Antiquité à nos jours, car il y a toujours eu des choses à contester que ce
soit par une majorité ou une minorité de la population. Ce qui varie, en revanche, ce sont les
réponses. Des réponses qui peuvent être complétement différentes, malgré que ce ne soient
que cent, cinquante, trente années qui les séparent. Qui, de nos jours, ose affirmer sans
aucune gêne qu’il veut « faire la révolution », alors qu’on est dans une démocratie où on
peut (ou croit pouvoir) changer les choses par des votations, par le parlement, par des
élections ? Personne (ou presque). Alors que dans les années 60-70, c’était toute une
génération qui croyait pouvoir changer le monde par la « révolution », que ce soit par Mai
68, un certain Che Guevara, la RAF en Allemagne etc.
Mais qu’est-ce que la « révolution » ? Comment ça marche ? Et que fait-on « après » ?
Ces questions, je me les suis posées. Pour y répondre, je suis retournée un peu plus d’un
siècle en arrière pour voir ce qu’en pensait celle qu’on peut appeler une « véritable
révolutionnaire »: Rosa Luxemburg.
Tout d’abord, pourquoi ai-je choisi de faire mon travail sur cette femme ? Tout d’abord, mes
parents m’en avaient parlé, il y a de cela 2-3 ans. J’avais été tout d’abord touchée par son
combat contre la guerre et par sa fin tragique. De plus, le fait qu’une femme ait ce courage
n’y était pas pour rien non plus. Après avoir décidé de prendre le travail de maturité
« Changer le monde », j’ai donc un peu lu des livres et des sites sur elle pour savoir qui elle
était, ce qu’elle faisait et je m’étais retrouvée face à une des personnalités les plus
intéressantes que j’avais jamais connues ! Je n’ai donc pas hésité et j’ai décidé de faire mon
travail de maturité sur elle. L’intégralité de son œuvre étant très dense, j’ai dû faire un choix
en me basant sur une problématique qui m’est propre. C’est ainsi que s’est « construit » mon
travail.
Pourtant, certains pourraient penser que des discussions datant de plus d’un siècle ne
peuvent pas apporter de réponse à des questions « d’aujourd’hui ». Pourtant, en lisant Rosa
Luxemburg, j’ai remarqué une véritable « actualité » de beaucoup de ses propos. En effet,
sur des questions comme «Peut-on changer le monde seulement par des lois et non par la
révolution ? », « Une démocratie est-elle la seule forme de gouvernement valable ? », « Que
penser de l’indépendance des pays ? » etc. Rosa Luxemburg apporte des réponses qui ne
sont pas du tout « dépassées » !
1.2 Biographie de Rosa Luxemburg
Rosa Luxemburg naît le 5 mars 1871 à Zamość, en Pologne. Sa famille, juive, s’installera 2
ans plus tard à Varsovie. C’est dans cette ville que Rosa va au lycée et y fait de brillantes
études. Elle s’engage très tôt dans la politique puisqu’en 1887, elle devient membre du parti
socialiste révolutionnaire polonais « Prolétariat ». Pour cette raison, elle doit quitter la
Pologne (russe donc tsariste) en 1889 et s’exiler en Suisse.
4 La révolution selon Rosa Luxemburg A Zürich, elle étudie l’économie politique et elle écrit une thèse sur le développement
industriel de la Pologne. C’est en Suisse qu’elle rencontrera d’autres exilés, marxistes,
révolutionnaires dont Leo Jogiches qui deviendra son amant et fondera avec elle, en 1894, le
parti social-démocrate de Pologne, le SDKP (qui deviendra le SDKPiL quand les sociauxdémocrates lituaniens le rejoindront).
En 1897, elle conclut un mariage blanc avec Gustav Lübeck pour acquérir la nationalité
allemande et c’est ainsi qu’en mai 1898, elle s’installe à Berlin et adhère au Parti socialdémocrate allemand (SPD). Déjà en septembre, elle s’opposera à l’un de ses membres
éminents, Bernstein (voir chapitre 4.1), et y montrera ses qualités de théoricienne. En 1900,
elle parcourt la Haute-Silésie pour « faire campagne » pour le SPD et y anime des meetings
où elle démontre, cette fois-ci, ses talents d’oratrice. Elle écrit dans plusieurs journaux
socialistes comme le « Leipziger Volkszeitung » ou le « Neue Zeit » et reçoit même parfois
le poste de rédactrice en chef mais elle ne peut jamais y rester très longtemps car beaucoup
de socialistes ne sont pas d’accord avec elle.
En juillet 1904, elle est condamnée pour offenses envers l’empereur : elle sera en prison à
Zwickau du 26 août au 24 octobre.
En 1905, une révolution ayant éclaté en Russie, Rosa Luxemburg se rend à Varsovie en
décembre pour participer au mouvement insurrectionnel en Pologne. Elle y retrouve Leo
Jogiches qui s’y était rendu en février déjà. Mais ils sont arrêtés tous les deux en mars 1906
et frôlent l’exécution. Rosa est emprisonnée jusqu’en août puis assignée à résidence en
Finlande de août à septembre. Après cette expérience « au plus près de la révolution », Rosa
supporte de moins en moins l’attitude du SPD qui désire de plus en plus s’intégrer dans le
système bourgeois et capitaliste.
En mars 1907, elle rompt avec Leo Jogiches qui restera tout de même son « camarade ».
Elle est de nouveau emprisonnée du 12 juin au 12 août, à Moabit, à cause de propos tenus
contre l’empereur.
En janvier 1914, elle est condamnée à un an de prison pour son refus de la guerre. Se
déroule ainsi un procès à Berlin avec 1000 témoins et Paul Levi comme avocat. Après la
« trahison » du SPD qui vote en majorité pour les crédits de guerre, Rosa et d’autres
révolutionnaires comme Karl Liebknecht ou Clara Zetkin, fondent la Ligue spartakiste.
Rosa est finalement emprisonnée à la prison de Barnimstrasse du 19 février 1915 au 18
février 1916. Elle est ensuite libre jusqu’au 10 juillet 1916 où elle est de nouveau
emprisonnée, cette fois jusqu’au 8 novembre 1918, à la prison de Wronke, puis de Breslau.
Elle écrit beaucoup de lettres à ses amis durant son incarcération et aussi les Lettres
politiques à Karl Liebknecht qui deviendront les Spartakusbriefe.
Après sa libération, elle participe activement à l’action révolutionnaire – la révolution
spartakiste – à Berlin et s’occupe de la rédaction de la Rote Fahne.
Le 11 janvier, les Corps Francs, un groupe nationaliste de soldats de la première guerre
mondiale entrent dans Berlin pour contrer les spartakistes, couverts par le gouvernement
social-démocrate de Noske. Le 14 janvier 1919, Rosa écrit son dernier article « l’Ordre
règne à Berlin ». Le lendemain, elle est arrêtée par les corps francs et conduite à l’hôtel
Eden où on la frappe d’un coup de crosse à la tête. Ensuite, on la conduit à une voiture et,
durant le trajet, un de ses « gardes » lui tire une balle dans la tête à bout portant. Son corps
5 La révolution selon Rosa Luxemburg est ensuite jeté dans la Spree et on ne le retrouvera que quelques semaines plus tard.
Pourtant, le 25 janvier, un cercueil vide est enterré symboliquement en même temps que
Karl Liebknecht, assassiné le même jour qu’elle, et 31 victimes de la répression.
Œuvres importantes :
1898 : Réforme ou révolution ?
1904 : Masses et chefs
Centralisme et démocratie
1906 : Grève de masses, parti et syndicat
1907 : Une introduction à l’économie politique
1913 : L’accumulation du Capital
1915 : La crise de la social-démocratie
1917 : Sur la révolution russe
1918 : La responsabilité historique
La tragédie russe
La Révolution russe
Que veut la Ligue spartakiste ?
1.3 Contexte historico-politique
1871-1890 : Le 18 juin 1871, l’Empire allemand est proclamé à Versailles grâce à Bismarck
et à la guerre franco-allemande (19 juillet 1870-29 janvier 1871). Guillaume Ier devient
empereur de cette Allemagne certes unifiée mais où la Prusse continue à donner les
directives. Le gouvernement d’empire est présidé par le chancelier, Bismarck. Le Reichstag,
élu au suffrage universel, entre dans la constitution. Mais il n’est pas question de le laisser
« gouverner » : il n’est destiné qu’à faire connaître au gouvernement les intérêts de la nation
et non pas à renverser le gouvernement par un vote. C’est donc dans une Allemagne unifiée
depuis peu, sous grande influence de l’empereur et où le Reichstag n’a quasiment aucun
pouvoir que Rosa Luxemburg vivra et se fera connaître par ses écrits et ses actes.
Dans ce Reichstag, on trouve quatre grands partis : le Parti conservateur qui protège les
intérêts de l’aristocratie et de la paysannerie ; le Parti national-libéral qui se préoccupe des
intérêts de la bourgeoisie et sur lequel s’appuie d’abord Bismarck car le parti constitue la
majorité ; le Centre catholique qui défend, comme son nom l’indique, le principe de la
religion catholique dans un pays aux deux tiers protestants ; le Parti social-démocrate qui est
pour les intérêts de la masse ouvrière et qui se dit à tendance révolutionnaire . C’est ce parti
que Rosa Luxemburg intégrera quand elle arrivera en Allemagne et qu’elle critiquera au fur
et à mesure qu’il abandonnera toujours plus le « but final », c’est-à-dire la prise du pouvoir
par le prolétariat.
1888 : Guillaume II devient empereur d’Allemagne.
1890 : Démission de Bismarck.
1900-1909 : Von Bülow chancelier du Reich.
1905 : Dans une Russie de plus en plus opposée au tsar, la fusillade de son armée contre des
manifestants pacifiques le 22 janvier, faisant un millier de morts, met le feu aux poudres.
6 La révolution selon Rosa Luxemburg Des grèves se produisent dans tout le pays et la révolution atteint son apogée lors de la
grève générale d’octobre avec la constitution des soviets – des conseils ouvriers. Comme je
l’ai indiqué dans la biographie, Rosa Luxemburg va activement participer à cette révolution.
Mais celle-ci est durement réprimée par l’armée et la police et s’arrête donc complétement
deux ans après.
1912 : Succès électoral du SPD qui devient le parti le plus important du Reichstag. Ainsi, se
sentant devenir de plus en plus important dans le paysage politique allemand, le Parti va
donc de plus en plus, aux yeux de Rosa Luxemburg, « trahir » leur programme de départ.
28 juin 1914 : Attentat de Sarajevo contre l’archiduc de l’Autriche-Hongrie.
1er-3 août : Déclarations de guerre de la Russie et de la France.
4 août : Vote du Reichstag pour les crédits militaires – dont la majorité du SPD. Rosa
Luxemburg va durement critiquer cet acte du Parti dans sa « Brochure de Junius ».
7 novembre 1917 : Déclenchement de la Révolution bolchevique (la « Révolution
d’Octobre ») dont Rosa Luxemburg, depuis sa prison, analyse les résultats positifs et
négatifs.
Janvier 1918 : De grandes grèves se produisent en Allemagne à cause de la misère causée
par la guerre. Rosa Luxemburg en entend parler avec l’espoir que les « masses » vont enfin
se mettre en mouvement et provoquer la révolution tant attendue.
3 mars 1918 : Traité de Brest-Litovsk entre l’Allemagne et la Russie.
9 novembre 1918 : Abdication de Guillaume II et Ebert, membre du SPD, devient
chancelier du Reich. Celui-ci ne veut absolument pas entendre parler d’une révolution et
pense que le fait que les socialistes soient au pouvoir suffit pour rendre la société plus
« socialiste ».
11 novembre 1918 : Armistice.
29 décembre 1918-1er janvier 1919 : Congrès de fondation du Parti communiste allemand
ou Ligue spartakiste.
5-12 janvier : Révolution spartakiste.
11 Janvier : Les Corps Francs entrent dans Berlin. S’ensuit la répression dans le sang de la
révolution spartakiste et l’assassinat de Rosa Luxemburg.
1.4 Ce que veut le marxisme
En 1848, Marx (1818-1883) et Engels (1829-1895) rédigent le « Manifeste du Parti
communiste »1 suite à la demande de la Ligue des communistes, une organisation constituée
à Londres en juin 1847, de rédiger un texte fondateur, qui constituerait la charte du
socialisme politique.
Le premier, allemand et issu d’une famille d’origine juive mais reconvertie au
protestantisme, étudie d’abord le droit puis passe sa thèse d’habilitation en philosophie.
1
Karl MARX et Friedrich ENGELS, Manifeste du Parti communiste et Critique du programme de Gotha, Paris : Librairie Générale Française, 1973, pp. 49‐101 7 La révolution selon Rosa Luxemburg D’abord « hégélien de gauche » 2, il montre rapidement par ses écrits qu’il n’est pas
d’accord avec le libéralisme et le démocratisme abstraits, c’est-à-dire sans réelle
« consistance », et critique la religion. En septembre 1844, il rencontre Engels. Celui-ci, issu
d’une famille d’industriels tisserands, est aussi d’abord un « hégélien de gauche » et est
confirmé dans son athéisme. C’est après avoir été envoyé dans une entreprise à Manchester
où il voit un exemple concret de l’exploitation des ouvriers, qu’il est convaincu de la
nécessité d’analyser le processus de production et de participer aux mouvements politiques
contestant celui-ci.
Ce manifeste commence par ces mots : « L’histoire de toute société jusqu’à nos jours est
l’histoire de la lutte des classes ». En effet, de l’Antiquité jusqu’à nos jours, en passant par
le Moyen-Âge, « oppresseurs et opprimés ont été en constante opposition ». A présent, les
deux classes qui s’affrontent directement sont la bourgeoisie et le prolétariat.
La première s’est agrandie grâce au développement de l’industrie, du commerce, de la
navigation et du chemin de fer et, depuis la création de la grande industrie et du marché
mondial, elle a « conquis la domination politique exclusive dans l’Etat parlementaire
moderne ». Puis, elle a « remplacé l’exploitation déguisée (…) par l’exploitation ouverte,
cynique, brutale ». Ensuite, ayant toujours plus besoin de débouchés, « elle gagne la planète
entière », entraînant toutes les nations « dans le courant de la civilisation ». Elle a aussi
« soumis la campagne à la domination de la ville ». Enfin, elle a « aggloméré la population,
centralisé les moyens de production et concentré la propriété dans les mains de quelquesuns ».
Pourtant, les « crises commerciales », causées par la « surproduction », mettent en question
« de façon toujours plus menaçante » l’existence de la société bourgeoise. Pour les
surmonter, la bourgeoisie anéantit d’une part une « masse de forces productives », d’autre
part elle conquiert de nouveaux marchés et exploite d’une manière plus poussée les anciens.
Donc, en fait, elle ne fait que préparer « des crises plus étendues et plus violentes » et
diminue les moyens de les prévenir. Surtout, elle a « engendré » ceux qui « lui donneront la
mort » : les ouvriers modernes, les prolétaires, c’est-à-dire ceux qui ne possèdent que leur
force de travail. En effet, au développement de la bourgeoisie, et donc du capital, répond
dans une proportion égale le développement du prolétariat qui ne vit que tant qu’il trouve du
travail et qui ne trouve du travail que tant que « le travail augmente le capital ».
Selon Marx, seul le prolétariat est « une classe réellement révolutionnaire » car il ne possède
rien et, étant « la couche la plus basse de l’actuelle société », il ne peut se redresser sans
« faire voler en éclats toute la superstructure qui constitue la société ».
Que veulent donc les communistes ?
2
Groupe de philosophes allemands qui critiquent le caractère religieux et conservateur du système de Hegel (philosophe allemand enseignant la philosophie sous la forme d’un système de tous les savoirs suivant une logique dialectique) mais en en conservant l'aspect révolutionnaire.
8 La révolution selon Rosa Luxemburg Tout d’abord, leurs intérêts ne diffèrent pas des intérêts du prolétariat. Ensuite, ce qu’ils ont
de différent des autres partis prolétariens c’est leur mise en avant des « intérêts communs à
l’ensemble du prolétariat et indépendants de la nationalité » - l’internationalisme donc – et
le fait qu’ils « représentent constamment l’intérêt du mouvement général ».
Leur objectif immédiat : la formation du prolétariat en classe, le renversement de la
domination bourgeoise et la conquête du pouvoir politique par le prolétariat. Mais ce que
veut principalement le communisme c’est l’abolition de la propriété bourgeoise et,
finalement, de la propriété privée. Car dans la société bourgeoise, « le travail vivant n’est
qu’un moyen d’accroître le travail accumulé » tandis que dans la société communiste, « le
travail accumulé n’est qu’un moyen d’élargir, d’enrichir, de faire avancer l’existence des
ouvriers ». Marx ajoute que le communisme « ne retire pas à quiconque le pouvoir de
s’approprier des produits sociaux » mais qu’il « ne retire que le pouvoir de s’assujettir (…)
le travail d’autrui ».
Le premier pas de la révolution ouvrière sera « l’accession du prolétariat à la domination de
classe, la lutte pour la démocratie » et le prolétariat « utilisera sa domination politique pour
arracher peu à peu tout le capital à la bourgeoisie, pour centraliser tous les instruments de
production entre les mains de l’Etat, c’est-à-dire du prolétariat organisé en classe
dominante, et pour augmenter le plus rapidement possible la masse des forces de
production ». Cette domination de la classe prolétarienne, Marx l’appellera dans la
« Critique du programme de Gotha »3 la dictature du prolétariat.
Viennent ensuite une série de mesures :
1. Expropriation de la propriété foncière et utilisation de la rente foncière pour les
dépenses de l’Etat
2. Impôt fortement progressif
3. Abolition de l’héritage
4. Confiscation de la propriété de tous les émigrés et rebelles
5. Centralisation du crédit entre les mains de l’Etat au moyen d’une banque nationale à
capital d’Etat et à monopole exclusif
6. Centralisation de tous les moyens de transport entre les mains de l’Etat
7. Multiplication des manufactures nationales, des instruments de production,
défrichement et amélioration des terres selon un plan collectif
8. Obligation du travail pour tous, organisation d’armées industrielles, particulièrement
pour l’agriculture
9. Combinaison du travail agricole et du travail industriel, mesures pour faire
disparaître progressivement l’opposition entre ville et campagne
10. Education publique et gratuite pour tous les enfants. Suppression du travail des
enfants en usine sous sa forme actuelle. Combinaison de l’éducation avec la
production matérielle, etc.
3
Karl MARX et Friedrich ENGELS, Manifeste du Parti communiste et Critique du programme de Gotha, Paris: Librairie Générale Française, 1973, p. 142 9 La révolution selon Rosa Luxemburg 10 Le Manifeste finit par ces mots : « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! ».
Rosa Luxemburg est une marxiste – révolutionnaire - convaincue. Elle va donc défendre
par ses écrits et son combat permanent ce qu’elle pensait être la pensée de Marx, non
seulement contre les bourgeois mais contre le Parti qui se disait aussi marxiste – le SPD.
Mais Rosa Luxemburg ne fait pas qu’être d’accord avec Marx : elle analyse aussi la société
dans laquelle elle vit en se basant certes sur le marxisme mais en apportant, au fond, ses
propres réponses aux problèmes auxquels le prolétariat, le SPD etc. peuvent être
confrontés. On retrouvera donc des points très importants comme l’internationalisme, la
formation du prolétariat ou la prise du pouvoir par le prolétariat tout au long du travail qui
suit.
2. Formes de la révolution
2.1 Le rôle des masses
Nous commençons ici par ce qui est, à mon avis, le cœur de la théorie de Rosa Luxemburg :
l’importance des masses dans la révolution socialiste.
Tout d’abord, qu’entend-on par le mot « masses » ? Rosa Luxemburg ne le définit jamais
clairement. Néanmoins, G. Badia, qui a écrit un ouvrage sur la théoricienne, indique
plusieurs synonymes comme « mouvement populaire », « mouvement révolutionnaire » ou
tout simplement le « prolétariat»4 . Ce sont donc ces masses qui vont faire la révolution
socialiste future. Mais une question se pose : ces masses sont-elles capables de se mettre en
mouvement elles-mêmes ou, au contraire, ont-elles besoin de « chefs » qui les « dirigent »
pour leur indiquer ce qu’elles doivent faire ?
Rosa Luxemburg répond à cette question en parlant de la « grève de masse », c’est-à-dire, la
« grève générale », dans son ouvrage « Grève de masse, parti et syndicats »5 . En effet,
selon elle, la grève de masse, tout comme la révolution, est « la forme extérieure de la lutte
des classes ». Ce moyen de lutte a été démontré avec succès par la révolution de février
1905 en Russie. Cet événement a en outre le mérite, selon la théoricienne, de réfuter les
arguments de ceux qui penseraient qu’une grève de masse pourrait être « fabriquée »,
« décidée » ou encore « propagée ».
En effet, la révolution en Russie démontre plusieurs choses en ce qui concerne la direction
et l’initiative de la grève de masse. Tout d’abord que la grève de masse n’est pas « un acte
unique » mais «toute une période de lutte de classe » et « si cette période se confond avec la
période révolutionnaire », il est impossible de déclencher « arbitrairement » la grève de
masse car la social-démocratie ne peut pas « mettre en scène ou décommander » des
4
G.BADIA, « Rosa Luxembourg », Editions sociales, Paris, 1975 5
Rosa LUXEMBURG, Œuvres I, Paris : François Maspero, 1969, pp. 91‐174 La révolution selon Rosa Luxemburg 11 révolutions à son gré. Elle pourrait tout au plus déclencher « une manifestation unique et de
courte durée » mais en tout cas pas « un mouvement populaire puissant et vivant ». Ensuite,
pendant la révolution, il est extrêmement difficile pour « un organisme dirigeant du
mouvement ouvrier », donc pour la social-démocratie, de « prévoir et de calculer quelle
occasion et quels facteurs peuvent déclencher ou non des explosions ». En fait, pour la
théoricienne, « prendre l’initiative et la direction des opérations » dans cette situation veut
dire « s’adapter le plus habilement possible à la situation » et « garder le contact le plus
étroit avec le moral des masses ». Car ce qui joue un grand rôle dans toutes les grèves de
masses c’est l’élément spontané non pas parce que le prolétariat est « inéduqué » mais parce
que « les révolutions ne s’apprennent pas à l’école ».
Par contre, la social-démocratie, que Rosa Luxemburg décrit comme « l’avant-garde la plus
éclairée du prolétariat » doit tout de même jouer un rôle dans la période de la grève de
masse : c’est à elle de prendre la « direction politique ». Cela veut dire qu’elle doit « donner
le mot d’ordre de la lutte », l’ « orienter », « régler la tactique de la lutte politique de telle
manière qu’à chaque phase et chaque instant du combat, soit réalisée et mise en activité la
totalité de la puissance du prolétariat déjà engagé et lancé dans la bataille ». Elle a aussi
comme devoir de « devancer le cours des choses » et non pas d’attendre que « le
mouvement populaire spontané tombe du ciel » ainsi que d’ « éduquer » le prolétariat en lui
faisant comprendre qu’une révolution est inévitable et pourquoi. Il faut que cette tactique
socialiste soit « conséquente, résolue », qu’elle aille « de l’avant » pour provoquer dans la
masse « un sentiment de sécurité, de confiance, de combativité » et pour qu’ainsi les grèves
de masse éclatent « spontanément » et toujours « en moment opportun ».
Mais ne faudrait-il pas « organiser » ces masses avant de commencer une quelconque grève
ou lutte de masse, comme le souhaiterait le syndicat? Rosa Luxemburg répond tout d’abord
en disant qu’à cause de l’évolution capitaliste et de l’Etat bourgeois, il est impossible
d’organiser les catégories les plus importantes sans de violentes luttes de classes. Ensuite,
elle déclare, en s’appuyant sur l’exemple du prolétariat russe, que c’est durant la révolution
que se crée « un vaste réseau d’organisations » car la « méthode spécifique de croissance
des organisations prolétariennes » est de faire « l’épreuve de leur force dans la bataille » et
d’en sortir « renouvelées ». Puis, elle décrit comme « illusoire » le fait de penser qu’il faut
« entreprendre une grève de masse à titre d’action politique » avec les « ouvriers organisés »
seulement. Au contraire, pour que les grèves de masse soient couronnées de succès, elles
doivent « entraîner dans la bataille les couches les plus larges du prolétariat ». La socialdémocratie se condamnerait à l’échec si elle concevait le mouvement prolétarien comme
« le mouvement d’une minorité organisée ».
Il est intéressant, ici, de noter que les grèves que voudraient faire les syndicats mais dont
Rosa Luxemburg ne voit pas l’utilité, c’est-à-dire des grèves « à titre d’action politique » et
avec des « ouvriers organisés », sont les grèves que nous connaissons aujourd’hui et que
l’on voit, par exemple, en France. Alors, est-ce que ces grèves sont tout de même utiles ? Si
l’on regarde les grèves de Mai 68 – qui ont abouti aux accords de Grenelle – ou d’autres
grèves où les ouvriers ont reçu ce qu’ils souhaitaient, on peut quand même se dire que ces
grèves auront servi à quelque chose. Mais, bien sûr, elles n’ont rien à voir avec la
La révolution selon Rosa Luxemburg 12 « révolution » et c’est là toute la différence entre Rosa Luxemburg et les syndicats. En effet,
ceux -ci ne souhaitent « que » l’amélioration de la condition des ouvriers et ne pensent pas à
vouloir changer complétement la société pour que ces grèves n’aient plus de raison d’être.
Revenons à la théorie de Rosa Luxemburg, avec les questions suivantes : comment et quand
ces masses se mettent-elles en mouvement ? N’y a-t-il pas un risque qu’elles fassent la
révolution « trop tôt » ?
La théoricienne explique, dans «La crise de la Social-démocratie »6, que ce qui décide du
moment et de la forme des « actions de masse » ce n’est pas le « signal » d’un chef de parti,
mais un « ensemble de facteurs (…), la tension des oppositions de classe à un moment
donné, le degré de conscience et de combativité des masses », donc des facteurs
imprévisibles.
En ce qui concerne la crainte de certains de voir un soulèvement « prématuré » des masses,
Rosa Luxemburg explique dans « Réforme ou Révolution ? »7 que cette crainte découle d’un
« malentendu », celui de croire que la prise de pouvoir politique par « la grande masse
populaire consciente » peut se faire « artificiellement ». En effet, cette prise de pouvoir ne
peut se faire que quand il y a « décomposition de la société bourgeoise ». L’opportunité des
masses est donc toujours justifiée économiquement et politiquement. Ainsi, la révolution ne
peut jamais être « prématurée » lorsqu’on parle des « conditions sociales de la conquête du
pouvoir ». Par contre, c’est du point de vue « des conséquences politiques lorsqu’il s’agit de
conserver le pouvoir » que la révolution est « prématurée ». Là, il ne peut y avoir de
solution toute faite pour « conjurer » cela. Il y a deux raisons à cela. La première est que le
passage de la société capitaliste à la société socialiste est un bouleversement si
« formidable » qu’il ne peut « se produire d’un bond ». Au contraire, la révolution socialiste
« implique une lutte longue et opiniâtre au cours de laquelle (…) le prolétariat aura le
dessous plus d’une fois ». La deuxième est que « cette conquête prématurée est inévitable,
parce que ces attaques prématurées constituent (…) un facteur très important, créant les
conditions politiques de la victoire définitive ». Car ce n’est que durant ces « longues luttes
opiniâtres » que les masses acquerront « le degré de maturité politique » leur permettant
« d’obtenir la victoire définitive de la révolution ».
Si Rosa Luxemburg prenait la révolution de 1905 comme exemple de la force des masses,
elle n’était pas non plus tout à fait d’accord avec Lénine, un des dirigeants de la socialdémocratie russe, en ce qui concerne le rôle de ce parti par rapport aux masses. En effet,
Lénine, dans son ouvrage « Un pas en avant, deux pas en arrière »8, expose son point de
vue centraliste en ce qui concerne le Parti, en posant comme principe de base la sélection et
la constitution en corps séparé « des révolutionnaires actifs et en vue » pour en faire un
6
Rosa LUXEMBURG, Crise de la social‐démocratie, Bruxelles : Editions La Taupe, 1970, pp. 52‐215 7
Rosa LUXEMBURG, Œuvres I, Paris: François Maspero, 1969, pp. 15‐90 8
Vladimir Illitch LENINE, Un pas en avant, deux pas en arrière, Paris : Éditions Sociales, 1953 La révolution selon Rosa Luxemburg 13 « comité central » en face de « la masse non organisée ». Donc il se base sur « la séparation
rigoureuse du noyau organisé par rapport à l’ambiance révolutionnaire ». La théoricienne
dans « Question d’organisation de la social-démocratie russe »9, critique ce point de vue
qu’elle décrit comme « blanquiste », c’est-à-dire fondée sur l’impulsion donnée par une
minorité bien organisée, ce qui est contraire au mouvement socialiste qui « compte, dans
toutes ses phases et dans toute sa marche, sur l’organisation et sur l’action directe et
autonome de la masse » . Ainsi, selon Rosa Luxemburg, la conception de Lénine, qu’elle
compare à un « veilleur de nuit » à « l’esprit stérile », est de « contrôler l’activité du parti »
et non de la « féconder », de « rétrécir le mouvement » plutôt que de le « développer », de le
« juguler », c’est-à-dire l’empêcher, plutôt que l’ « unifier ».
Nous avons donc vu ici toute l’importance qu’attache Rosa Luxemburg aux masses et à leur
mouvement spontané ainsi que le rôle que la social-démocratie doit tout de même jouer en
tant qu’ « avant-garde ». Nous retrouvons cette conception dans presque tous ses écrits sur
la révolution.
Je dois dire que j’ai mis un moment avant de comprendre cette théorie sur le rôle des masses
et, encore maintenant, elle ne me semble pas réellement basée sur du « concret », mais
plutôt sur une « foi ». Mais cette sensation est peut-être aussi due au fait que Rosa
Luxemburg nous parle ici de quelque chose qui, à son époque, était « possible », mais qui,
aujourd’hui, ne l’est clairement plus : la révolution. En effet, qui, de nos jours, va réfléchir à
comment « organiser » le prolétariat ou quel rôle doit avoir le Parti – socialiste – dans la
« révolution prochaine » ? Personne, puisque la révolution n’est pas une chose à laquelle on
pense sérieusement quand on voudrait « changer les choses ». Même les « partis
communistes » ne pensent qu’à acquérir des droits pour les ouvriers par la politique. C’est
donc presque d’un autre monde dont Rosa Luxemburg nous parle et c’est peut-être cela qui,
à mon avis, rend son discours sur les masses presque « irréel ».
2.2 Une révolution internationale :
A la fin du « Manifeste du Parti Communiste », Marx lançait un vibrant appel : « Prolétaires
de tous les pays, unissez-vous ! ». Marx pensait en effet que seule une révolution
internationale était possible. Rosa Luxemburg, étant une marxiste convaincue, ne croit elle
aussi qu’en une révolution internationale. Mais les enjeux de cette révolution
internationaliste au temps où elle vivait étaient bien sûr différents de ceux du temps où Marx
avait écrit son « Manifeste du Parti communiste ». En effet, les écrits de Rosa Luxemburg
sur la nécessité d’une révolution internationale sont pour la plupart des écrits sur l’attitude
que le prolétariat international, et surtout le prolétariat allemand, doit avoir vis-à-vis de la
révolution russe.
9
http://www.marxists.org/francais/luxembur/c_et_d/c_et_d_1.htm, La révolution selon Rosa Luxemburg 14 Tout d’abord, dans « Grève de masse, parti et syndicats », elle déclare que la révolution (de
1905) en Russie montre « au prolétariat d’Allemagne et des pays capitalistes les plus
avancés les voies et les méthodes de la lutte de classe à venir ». En effet, cette révolution ne
doit pas être considérée par les ouvriers allemands comme « quelque chose de
spécifiquement russe » mais comme leur propre affaire ; ils ne doivent pas seulement
éprouver « une solidarité internationale de classe avec le prolétariat russe » mais ils doivent
considérer cette révolution comme « un chapitre de leur propre histoire sociale et
politique ». De plus cette révolution russe est « un reflet de la puissance et de la maturité du
mouvement ouvrier international et d’abord du mouvement allemand », donc c’est cette
révolution qui est la preuve que le prolétariat allemand est assez mûr et puissant pour une
révolution !
Puis, après que les bolcheviks (la faction révolutionnaire de la social-démocratie russe) ont
fait la Révolution d’Octobre et qu’ils se sont retrouvés confrontés à nombre de difficultés,
surtout à cause de la guerre, ce qui les amène à faire des « erreurs », telles que donner
l’indépendance à des pays rattachés à la Russie, affaiblir la démocratie – si ce n’est la
supprimer – (deux points dont je traiterai plus tard), signer avec les allemands l’humiliant
traité de paix de Brest-Litovsk pour un retrait unilatéral de la Russie de la 1ère Guerre
Mondiale et qui contraindra la Russie à céder une bonne partie de son territoire et de ses
ressources, Rosa Luxemburg met d’une part en garde le prolétariat international et de
l’autre, lui annonce le devoir qu’il a vis-à-vis du prolétariat russe.
Car, dans « La Révolution russe »10, il est tout à fait clair pour elle que, si la Russie se
retrouve face à de telles difficultés, c’est surtout à cause de la « défection » du prolétariat
international. Car les bolcheviks, emplis de « perspicacité politique » et fidèles aux
principes, avaient « misé à fond » sur « la révolution mondiale du prolétariat » et donc, « la
poursuite et la solution dépendaient de l’évolution de l’Europe ». Sans le prolétariat
international, « même un dévouement absolu à la cause et une énergie révolutionnaire » ne
peuvent réaliser ni la démocratie, ni le socialisme dans les conditions créées par la guerre.
Donc « le devoir élémentaire » des socialistes de tous les pays est d’ « avoir clairement à
l’esprit cette situation » car c’est « seulement à partir de cette prise de conscience […] que
l’on peut mesurer toute l’étendue de la responsabilité propre du prolétariat international
s’agissant des destinées de la révolution russe ».
Dans « La vieille taupe »11, elle déclare ainsi que si le prolétariat allemand, anglais, français
et italien ne veut pas « trahir lâchement » le prolétariat russe, il doit « lever l’étendard de la
rébellion contre la guerre par des actions de masses énergiques dans leur propre pays, contre
leurs propres classes dirigeantes ».
10
Rosa LUXEMBURG, La révolution russe, Pantin : Le Temps des Cerises, 2000, pp. 35‐91 11
Rosa LUXEMBURG, Sur la révolution, Paris : Editions La Découverte & Syros, 2002, pp. 27‐34 La révolution selon Rosa Luxemburg 15 Cependant, le problème est, comme durant la Révolution de 1905, que le prolétariat
allemand reste encore « à peu près médusé »12 et ne comprend pas que ce qui se passe en
Russie est « sa propre cause, la cause du prolétariat international un et indivisible ».
Car seul le prolétariat allemand « en persévérant à faire le mort »13 a contraint les
révolutionnaires russes à conclure le traité de Brest-Litovsk, ce qui a permis à
l’impérialisme allemand « d’exploiter à ses propres fins la révolution russe ». Donc il n’y a
qu’ « une seule issue au drame qui s’est noué en Russie »14, c’est « le soulèvement des
masses allemandes » qui donnerait le « signal » au prolétariat international : le « sauvetage
de l’honneur de la révolution russe » coïncide avec « le salut de l’honneur du prolétariat
allemand et du socialisme international ».
Néanmoins, elle critique aussi les bolcheviks qui voudraient « recommander au prolétariat
international de l’imiter comme étant un modèle de tactique socialiste » car ils rendraient
« un mauvais service » au prolétariat international en faisant « entrer dans son arsenal », les
fautes imposées à la Russie par des « nécessités et des contraintes ». En effet, les bolcheviks
ont pu réaliser tout ce que pouvait faire un parti « authentiquement révolutionnaire » dans
« les limites de possibilités historiques » mais ne doivent pas « vouloir faire de miracles »,
c’est-à-dire faire « une révolution prolétarienne modèle et sans faute », dans un pays
« isolé, épuisé par la guerre, étranglé par l’impérialisme, trahi par le prolétariat
international ».
Comme on le sait maintenant, aucun pays n’a pu partager un idéal socialiste avec la Russie
durant un long moment, c’est-à-dire jusqu’à la fin de la deuxième Guerre Mondiale,
puisqu’aucune révolution n’avait réussi dans un autre pays, ce qui a conduit la Russie à
laisser de côté certains points importants pour Rosa Luxemburg, comme la démocratie, et à
« trahir » le socialisme. De plus, quand Staline sera au pouvoir, celui-ci ne voudra plus
entendre parler d’internationalisme.
3. La société après la révolution
3.1 Question de la démocratie
Dans la théorie de Marx se trouve une « formule » assez importante sur la question du
pouvoir « après la révolution » : la « dictature du prolétariat », c’est-à-dire le pouvoir
12
Rosa LUXEMBURG, Sur la révolution, Paris : Editions La Découverte & Syros, 2002, pp. 35‐30 (« Deux messages de Pâques ») 13
Rosa LUXEMBURG, Sur la révolution, Paris : Editions La Découverte & Syros, 2002, pp.40‐45 (« La responsabilité historique ») 14
Rosa LUXEMBURG, Sur la révolution, Paris : Editions La Découverte & Syros, 2002, pp. 46‐54 (« La tragédie russe ») La révolution selon Rosa Luxemburg 16 accordé à la « majorité » prolétaire en attendant qu’il n’y ait plus de classes. Ainsi il serait
plus facile de contrôler les « contre-révolutionnaires ». Pour nous qui considérons la
démocratie comme une « valeur » fondamentale, l’utilisation du mot « dictature » nous
rebute tout naturellement. Mais qu’en pense Rosa Luxemburg ?
C’est dans son œuvre « La révolution russe »15 qu’elle explique son avis sur la question. En
effet, avant la Révolution d’Octobre, existaient des conseils (d’ouvriers, de paysans et de
soldats), d’une grande importance, qui prenaient le pouvoir dans des organisations locales :
les soviets. De plus, en Octobre 1917, Lénine déclare « Tout le pouvoir aux soviets ».
Pourtant, en quelques semaines, ces institutions seront dessaisies de leur pouvoir au profit
du Parti bolchevik. L’Assemblée constituante, elle, sera dissolue et pas remplacée. D’autres
principes démocratiques, tels que le suffrage universel et la liberté de presse, n’auront pas
de place en Russie non plus. C’est ces deux derniers points qui seront le plus critiqués dans
« La révolution russe ».
Le premier point qui frappe la théoricienne est le fait que les bolcheviks tiennent tant à
l’ « auto-détermination » des nations (point que je développe dans le chapitre suivant) mais,
par contre, manifestent « un mépris glacial » pour les principes démocratiques tels que
l’Assemblée constituante, le suffrage universel, la liberté de presse et de réunion qui sont,
selon elle, le « droit d’autodétermination » des masses populaires. En effet, alors qu’ils ont
déclaré « nul et non avenu » le vote populaire aux élections de l’Assemblée constituante
basé sur « le mode de scrutin le plus démocratique du monde », ils ont accepté les résultats
du « référendum populaire » où les « nations allogènes » pouvaient se prononcer sur la
question d’appartenir à la Russie ou non.
Ensuite, elle parle de l’Assemblée constituante, qui, comme je l’ai dit, a été dissolue. Elle
rappelle, tout d’abord, que les bolcheviks avaient toujours affirmé que la révolution menait à
la Constituante et qu’elle permettait de « sauver » celle-ci. Ensuite, quand Trotski, un des
dirigeants bolcheviques, explique ce revirement par le fait que l’Assemblée constituante,
ayant été élue longtemps avant le « tournant décisif » qu’est la Révolution d’Octobre,
« reflétait l’image d’un passé révolu », elle dit trouver cet argument « excellent et fort
convaincant » mais affirme qu’une autre conclusion que celle des bolcheviks s’imposait :
annuler cette Assemblée constituante et ensuite « organiser sans délai des élections à une
nouvelle Constituante » ! On aurait ainsi une assemblée « issue de la Russie rénovée, de la
Russie qui était allée de l’avant ».
Un autre argument de Trotski qu’elle réfute est que « le lourd mécanisme des institutions
démocratiques » n’arrive pas à suivre l’évolution des « masses laborieuses » qui accumulent
grâce à la lutte « quantité d’expériences politiques ». Donc, il se base sur le fait que toute
assemblée élue est toujours le « reflet de la masse au jour du vote » ce qui, selon Rosa
Luxemburg, est en contradiction avec « l’expérience historique». Car celle-ci nous montre
que « le fluide vivant de l’état d’esprit populaire irrigue constamment les organismes
représentatifs, qu’il les pénètre, les oriente. » En effet, on voit cela dans les « volte-face »
15
Voir note 10 La révolution selon Rosa Luxemburg 17 que font les parlements quand ils sentent la colère gronder chez le peuple par exemple.
Mais, est-ce que cette « influence » des masses n’aurait plus aucun effet, dans une
révolution, sur « les programmes figés des partis et leurs listes électorales » ? Rosa
Luxemburg affirme que c’est juste le contraire : « par son effervescence et son ardeur, la
révolution crée justement cette atmosphère politique légère, vibrante, réceptive dans
laquelle les vagues de l’opinion, les battements de cœur de la vie du peuple agissent
instantanément, de merveilleuse façon, sur les organismes représentatifs ». Ainsi il existe
pour le « lourd mécanisme des institutions démocratiques » un « correctif » puissant : « le
mouvement vivant de la masse, la pression incessante de celle-ci » et plus l’institution est
démocratique, plus sont « vivants et puissants les battements de cœur de la vie politique de
la masse », plus « les effets en sont immédiats et précis ». Bien sûr, comme toute institution
humaine, la démocratie a ses limites et ses lacunes, mais l’éliminer serait pire, car on
obstruerait « la seule source vivante qui permette de corriger les insuffisances congénitales
des institutions sociales » : « la vie politique active, énergique, sans entraves des masses
populaires les plus larges ».
Ensuite, elle parle de la dictature du prolétariat. Car les bolcheviks l’ont mise en place pour
la durée du passage de la formation sociale bourgeoise-capitaliste à la formation socialiste.
Jusqu’ici, rien à redire : c’est bien comme cela que Marx décrivait le processus. Mais leur
interprétation de cette dictature est de n’accorder le droit de vote qu’à ceux qui vivent de
leur travail et de le refuser à tous les autres. Pourtant Rosa Luxemburg déclare qu’un tel
droit de vote n’a de sens que dans une société qui a la possibilité, économiquement, de
procurer un revenu suffisant pour vivre dignement à tous ceux qui veulent travailler, ce qui
n’est pas le cas dans la Russie actuelle. En effet, celle-ci est en prise avec d’énormes
difficultés, car coupée du marché mondial et de ses plus importantes sources de matières
première à cause de la détérioration de la vie économique, du brusque effondrement des
rapports de production etc. Ainsi de nombreuses personnes, pas seulement les capitalistes
mais aussi « la large couche de la petite classe moyenne et la classe ouvrière elle-même »,
« brusquement déracinées », n’ont pas la possibilité de trouver, dans ce système
économique, une utilisation quelconque de leur force de travail. Donc, ce droit de vote est,
pour la théoricienne, une mesure « tout à fait incompréhensible ». L’utilisation de cette
dictature du prolétariat doit se faire seulement contre « la classe moyenne, l’intelligentsia
bourgeoise16 et petite bourgeoise » qui ont boycotté le gouvernement soviétique, c’est-à-dire
utiliser tous les moyens de pression sur eux (retrait des droits politiques, des moyens
d’existence économiques etc.) pour « briser d’une main de fer leur résistance ».
Puis, vient la question des « garanties démocratiques essentielles, conditions d’une vie
publique saine et de l’activité politique des masses laborieuses » : la liberté de la presse, la
liberté d’association et de réunion. Celles-ci ont été abolies pour tous les adversaires du
gouvernement soviétique. Rosa Luxemburg affirme que c’est une erreur parce que, sans ces
libertés, « le pouvoir de larges masses populaires est impensable ». En effet, Lénine est bien
trop « simpliste » quand il déclare que l’Etat bourgeois est un outil qui sert à opprimer la
16
Un terme pour désigner les intellectuels bourgeois La révolution selon Rosa Luxemburg 18 classe ouvrière, l’Etat socialiste, un outil pour opprimer la bourgeoisie, car il oublie
« l’essentiel » : la domination de classe de la bourgeoisie n’a pas besoin de « l’éducation et
la formation politique de toute la masse du peuple », alors que, pour la dictature
prolétarienne, « cette éducation est l’élément vital ». Car le gros problème est qu’on ne sait
pas comment réaliser le socialisme « en tant que système juridique, social et économique » !
On sait à peu près ce qu’on doit éliminer en premier, pour « ouvrir la voie de l’économie
socialiste », mais on ne dispose de rien pour nous dire quelles mesures prendre pour « faire
entrer en vigueur les principes socialistes dans l’économie, le droit, et l’ensemble des
relations sociales ».
Donc, selon elle, il faut que « toute la masse du peuple » prenne part à la politique, sinon le
socialisme est décrété « par une douzaine d’intellectuels ». Ainsi, on doit faire changer
complétement les mentalités des masses, qui ont été « perverties par des siècles de
domination bourgeoise », mais pas comme Lénine le conçoit : par décrets, pouvoirs
dictatoriaux des contrôleurs dans les usines, sanctions draconiennes, terreur etc. mais par
« les enseignements de la vie publique […], la démocratie libre la plus étendue, l’opinion
publique ». Car il est absolument erroné de vouloir utiliser la terreur parce que c’est
précisément elle qui « démoralise ».
En conclusion, « sans élections générales, sans liberté de la presse et de réunion totale, sans
libre affrontement d’opinions », la vie de l’institution publique « dépérit » et le seul élément
actif qui y reste est la bureaucratie. La vie publique « s’assoupit peu à peu » et il ne reste
donc que « quelques douzaines de dirigeants de parti » pour diriger et gouverner et « une
douzaine d’esprits supérieurs » pour se charger de la direction. Donc, pour la théoricienne,
« il s’agit bien d’une dictature, mais ce n’est pas la dictature du prolétariat, mais celle d’une
poignée d’hommes politiques, c’est-à-dire une dictature au sens purement bourgeois ». Car
l’erreur que font les bolcheviks est d’opposer la dictature à la démocratie alors qu’en fait, la
« démocratie socialiste » qui est « la tâche historique du prolétariat, quand il accède au
pouvoir », parce qu’elle commence « avec la destruction de la domination de classe et la
construction du socialisme » n’est rien d’autre que la dictature du prolétariat ! Rosa
Luxemburg s’explique : la dictature « réside dans la façon d’appliquer la démocratie » et
non de la supprimer ; elle attaque énergiquement et résolument les droits acquis et les
rapports économiques de la société bourgeoise, sinon on n’arriverait pas à réaliser « la
transformation socialiste ». Mais, selon elle, cette dictature doit être « l’œuvre de la classe et
non d’une petite minorité qui dirige au nom de la classe », c’est-à-dire qu’elle doit résulter
« de la participation des masses », être « directement influencée par elles », être « soumise
au contrôle de la population toute entière » et « émaner de la formation politique croissante
des masses populaires ».
Rosa Luxemburg critiquait déjà la vision de Lénine en ce qui concerne la démocratie ; on
peut donc imaginer sans peine ce qu’elle aurait pensé de la façon dont Staline et ses
successeurs dirigèrent le pays ! Car souvent, quand on pense au gouvernement soviétique,
on a l’image de quelques personnes en uniformes grisâtres, parlant d’une voix monotone de
ce qu’il faut faire pour le pays : l’exact contraire de la démocratie selon Rosa Luxemburg où
« les vagues de l’opinion, les battements de cœur de la vie du peuple agissent
La révolution selon Rosa Luxemburg 19 instantanément, de merveilleuse façon, sur les organismes représentatifs » ! Sans parler de
l’utilisation de la terreur… Ainsi, Rosa Luxemburg, par son analyse pointue, a compris tous
les risques d’une révolution dans un pays isolé, d’une vie politique inexistante, de
l’utilisation de la terreur etc.
Bien sûr, on pourrait dire que la Russie soviétique aura duré une septantaine d’années et
qu’elle aura fait partie des « deux grandes puissances mondiales », mais qu’est-ce que cela
nous aura apportés? Aujourd’hui, quand on parle de communisme, on pense tout de suite à
tous les défauts de la Russie soviétique, ce qui n’est pas une très bonne image, alors qu’au
départ, tout aurait pu être différent.
Sinon, j’ai trouvé intéressant la façon dont Rosa Luxemburg décrit la dictature du
prolétariat : elle l’appelle « la démocratie socialiste ». Alors que, pour nous, « démocratie »
et « dictature » ne peuvent pas aller de pair car, de toute façon, notre démocratie, c’est
« bien » et tout le reste c’est « mal ». Il est vrai que les seuls exemples de « pseudodictatures du prolétariat » ne nous donnent pas très envie (ex-URSS, Chine, Corée du
Nord…) et il est difficile de se débarrasser des images que nous avons du communisme.
Pourtant, comme Rosa Luxemburg l’a démontré, ce n’est pas cela la dictature du
prolétariat !
Cependant, pouvons-nous affirmer que nous sommes dans une vraie démocratie ? Ne
sommes-nous jamais manipulés par les mêmes groupes d’intérêts ? Sommes-nous
réellement informés ? La lecture de Rosa Luxemburg m’a amenée à me poser ces questions
et bien d’autres encore.
3.2 La question de l’indépendance des nations :
Nous avions vu que, pour Rosa Luxemburg, la révolution socialiste devait être
internationale et que les prolétaires de tous les pays devaient s’unir contre l’Etat bourgeois.
Mais, après la révolution, les nations peuvent-elles demander l’indépendance, l’ « autodétermination »? Est-ce que cela renforcerait le socialisme ou au contraire l’affaiblirait ?
La théoricienne répondait déjà à la question dans des articles entre 1908 et 1909, publiés
dans la revue théorique de la SDKPiL, la Przeglad Socjademokratycny17. Elle y déclare tout
d’abord que le « droit à l’auto-détermination » est un « cliché » abstrait comme les « droits
de l’homme » ou « les droits des citoyens ». En effet, le socialisme scientifique, se basant
sur des faits matériels et historiques, a montré que « le contenu réel » de ces droits est
« déterminé uniquement par les conditions sociales et matérielles d’un contexte et d’une
époque donnés ». Le socialisme ne peut donc pas vouloir du « droit de toutes les nations à
l’autodétermination » car chaque « cas » est particulier.
17
Ces articles ont été regroupés et traduits en français par Claudie Weill : Rosa LUXEMBURG, La question nationale et l’autonomie, Le Temps des Cerises, 2000 La révolution selon Rosa Luxemburg 20 Cette question de l’indépendance des nations va être illustrée par la décision prise par le
gouvernement soviétique russe, après la Révolution d’Octobre, de donner le droit « d’autodétermination » à la Finlande, l’Ukraine, la Pologne, la Lituanie, aux pays Baltes et aux
populations du Caucase qui appartenaient à la Russie. Rosa Luxemburg va critiquer cette
décision dans « La Révolution Russe ».
Elle affirme que les bolcheviks se trompent en pensant que cela est un sûr moyen pour
« attacher les nombreuses nationalités allogènes de l’Empire russe à la révolution » au nom
« de la révolution et du socialisme ». En effet, ces nouvelles nations ont utilisé cette liberté
pour « se déclarer ennemies mortelles de la Révolution russe » en s’alliant contre elle à
l’impérialisme allemand et en portant « le drapeau de la contre-révolution jusqu’en
Russie ». Elle veut bien accorder que ce ne sont pas les « nations » elles-mêmes qui ont
mené cette politique contre-révolutionnaires mais les classes bourgeoises et petitesbourgeoises. Mais c’est là le cœur du problème : dans « la dure réalité de la société de
classes », la formule nationaliste devient simplement « un moyen de domination de la classe
bourgeoise ». Car, dans une société de classes, chaque classe aspire à « s’autodéterminer »
différemment : la bourgeoisie fait passer la liberté de la nation après la domination de
classe. La théoricienne désapprouve aussi « l’espoir » des bolcheviks, faisant confiance
« aux masses révolutionnaires », à « transformer » ces rapports de classe par des
« référendums populaires ». Car il était sûr que les classes dominantes sauraient les
empêcher si le vote ne leur convenait pas ou alors les influer par toutes sortes de moyens.
Ensuite elle explique que le fait d’avoir soulevé la question des aspirations nationales « en
plein milieu des luttes révolutionnaires » et d’en avoir même « fait l’emblème de la
politique socialiste et révolutionnaire » a semé « la plus grande confusion » dans les rangs
du socialisme et ébranlé, dans ces pays, la position du prolétariat. Car, avant que Lénine ne
soulève la « question nationale », le prolétariat était une grande force dans tous ces pays.
Mais, maintenant qu’ils sont détachés de la Russie, le mouvement nationaliste a « paralysé
le prolétariat et l’a livré à la bourgeoisie nationale de la périphérie ». Ce qu’auraient dû faire
les bolcheviks, en fait, c’était s’efforcer de « réaliser le rassemblement le plus compact
possible des forces révolutionnaires sur tout le territoire de l’Empire », défendre, « bec et
ongles », l’intégrité de l’empire russe « en tant que territoire de la révolution », imposer
« l’exigence suprême de la révolution » qui est la cohésion des prolétaires de toutes nations
situées dans la sphère de la Révolution russe, mettre en garde ceux-ci contre tout
séparatisme et, dans le sens de la dictature du prolétariat, « étouffer dans l’œuf d’une main
de fer les tendances séparatistes ».
Pour conclure, Rosa Luxemburg affirme que ce « droit à l’auto détermination » et le
mouvement nationaliste qu’il entraîne expliquent « l’étranglement de la Révolution russe »,
c’est-à-dire l’échec de celle-ci, et sont « actuellement le danger le plus grand pour le
socialisme internationaliste ».
Nous avons donc vu jusqu’ici comment la révolution devrait se faire selon Rosa Luxemburg
et comment devrait être la société après la révolution. Pour une marxiste de cette époque, il
n’y a rien de très « extrémiste » dans ce qu’elle déclare et sa pensée ne devrait pas être très
éloignée de celle de ses « camarades » de Parti.
La révolution selon Rosa Luxemburg 21 Dans les faits, cela est de moins en moins le cas : le SPD prend peu à peu une autre direction
que celle « enseignée » par Marx. C’est ce que vous allez voir dans les deux chapitres qui
suivent.
4. Ses différends avec le SPD
4.1 Le révisionnisme et les réformes du système capitaliste
On peut se poser la question: une révolution, c’est-à-dire un renversement total de la société
existante, est-elle possible et est-elle la bonne solution pour changer le monde? Une
réforme, c’est-à-dire opérer des changements par une voie légale, n’est-elle pas plus
appropriée ? Le socialisme scientifique ne se trompe-t-il pas quand il affirme que les
contradictions à l'intérieur du système capitaliste sont telles que l'équilibre du capitalisme
sera un jour rompu et que c'est sur la base de l'effondrement du capitalisme que la révolution
prolétarienne sera possible? Ne vaudrait-il pas mieux réformer ce système pour en
supprimer les abus et le rendre peu à peu socialiste?
Depuis 1891, le SPD, le parti social-démocrate allemand croyait pouvoir concilier, dans son
programme, ces deux facettes: l'une qui veut conquérir des avantages pour la classe ouvrière
et prolétarienne par une lutte syndicale et politique, l'autre qui annonce la révolution
prochaine et la chute du système capitaliste.
Mais, en 1897, une polémique théorique fait rage à l'intérieur du Parti. En effet, Eduard
Bernstein, l'un des dirigeants du SPD, a publié une série d'articles qui révisent les théories
de Marx concernant l'effondrement du capitalisme et qui proposent d'abandonner le « but
final », c'est-à-dire la prise du pouvoir par le prolétariat. On appelle cela le révisionnisme.
Rosa Luxemburg, qui vient d'entrer dans le Parti, décide d'agir, en tant que marxiste
convaincue, et répond à ces articles par le texte « Réforme ou Révolution ? »18.
Tout d'abord, selon Bernstein, l' « effondrement total » du capitalisme devient de plus en
plus « improbable ». En effet, ce système aurait une grande capacité « d'adaptation ».
Où cette adaptation se manifesterait-elle?
Dans le fait, tout d’abord, qu' « il n'y a plus de crise générale » grâce au crédit, aux
organisations patronales, aux communications et aux services d'information; ensuite, que les
ouvriers puissent avoir un niveau de vie plus élevé en accédant aux classes moyennes ;
enfin, que, grâce au syndicat, la situation du prolétariat s'améliore. Donc le but de la socialdémocratie, selon lui, ne devrait pas être la conquête du pouvoir politique mais l'instauration
du socialisme par un « contrôle social de l'économie et la progression d'un système de
coopératives. »
18
Voir note 7 La révolution selon Rosa Luxemburg 22 Mais selon Rosa Luxemburg, cette théorie est en « contradiction absolue avec les principes
du socialisme scientifique ». En effet, Bernstein remet en cause, en réfutant l'évolution de la
société capitaliste, le passage au socialisme même. Car, si le capitalisme ne va pas dans le
sens de l'effondrement, le socialisme n'est plus une nécessité. En ce qui concerne les
« signes de l'adaptation du capitalisme », ils ne signifieraient, selon elle, que ceci:
l'abolition, ou en tout cas l'atténuation, des contradictions du capitalisme. Les antagonismes
sont abolis, ce qui sauve le capitalisme de la catastrophe.
Ainsi, ces « facteurs d'adaptation » ne peuvent pas, contrairement à ce qu'a déclaré
Bernstein, être les « prémisses ou même les germes du socialisme » et rendre la production,
même si elle prend un caractère plus « social », socialiste, car elle conserve la forme
capitaliste. Donc, si ces « facteurs d'adaptation » sont réellement capables de « prévenir
l'effondrement du système capitaliste », cela voudrait dire que la transformation socialiste
est impossible. Par contre, si l'évolution de ce système aboutit à un effondrement à cause de
ses contradictions internes, la « théorie de ces facteurs d'adaptation ne tient pas. ». C'est
cette deuxième hypothèse que Rosa Luxemburg démontre en déclarant tout d'abord que ni le
crédit, qui accentue la contradiction entre le mode de production et le mode d'échange, ni les
organisations patronales, qui n'arrivent pas à « supprimer l'anarchie capitaliste », ne sont des
signes d'adaptation.
Elle va ensuite réfuter les arguments révisionnistes concernant les moyens « de réaliser
progressivement le socialisme ». En effet, selon Bernstein, c'est grâce aux syndicats, qui
permettraient un contrôle social sur les conditions de la production, aux réformes sociales,
qui restreindraient les droits du propriétaire, et à la démocratisation de l'Etat que l'on
arrivera à réaliser le socialisme.
Rosa Luxemburg commence par mettre en doute le véritable pouvoir des syndicats ainsi que
leur rôle. Car les syndicats permettent aux ouvriers de réaliser « la loi, capitaliste, des
salaires », c’est-à-dire la vente de la force de travail, mais les conjonctures du marché, c’està-dire la demande et l’offre de la force de travail ainsi que le degré de productivité du
travail, sont hors « de leur sphère d'influence ». Ainsi, ils ne peuvent pas supprimer
l'exploitation capitaliste. De plus, si le syndicat tente d'influer sur la production en
intervenant dans le domaine technique du processus de la production, il sera obligé de
prendre position contre les améliorations techniques car elles rendent le travail pour
l'ouvrier plus pénible, ce qui est une position tout à fait réactionnaire, et donc le contraire
d'une lutte de classes. Enfin, contrairement à ce que déclarent les révisionnistes, le syndicat,
en ces temps-là, ne va pas dans le sens d'une « expansion » car quand l'industrie aura atteint
son apogée, commencera la phase descendante pour le capital sur le marché mondial,
entraînant une dégradation des droits des ouvriers. Donc le syndicat devra de plus en plus
s'acharner simplement pour défendre les droits acquis.
Ensuite, Rosa Luxemburg va démontrer en quoi transformer la société capitaliste en société
socialiste par des réformes est une illusion. Pour les révisionnistes, les réformes sociales
doivent d'abord jouer le rôle de "contrôle social" qui dicterait « à la classe capitaliste (…)
les conditions dans lesquelles celle-ci peut acheter la force de travail ». Mais il y a un
énorme problème que Rosa Luxemburg montre tout de suite: nous sommes dans une société
La révolution selon Rosa Luxemburg 23 capitaliste, dans un Etat de classe. Donc ce ne sont pas les « travailleurs libres » qui
contrôleront leur propre processus de travail mais la « classe du capital ».
Enfin, comme je l’ai dit, Bernstein pense que l’extension de la démocratie est aussi un
moyen de réaliser progressivement le socialisme et que conquérir une majorité socialiste est
« le moyen direct de réaliser le socialisme par étapes ». Mais Rosa Luxemburg réfute cette
proposition car, selon elle, les contradictions capitalistes se retrouvent aussi dans le
parlementarisme. En effet, même si le Parlement devrait représenter théoriquement
l’ensemble de la société, il ne représente, en pratique, que la société capitaliste et donc, les
intérêts de celle-ci. Selon la théoricienne, il est vrai que le processus de production « se
socialise de plus en plus » et que le contrôle de l’Etat intervient de plus en plus là-dessus,
mais, en même temps, la propriété privée « prend de plus en plus la forme de l’exploitation
capitaliste brutale du travail d’autrui » et, comme on vient de le voir, ce contrôle exercé par
l’Etat, donc l’organisation politique, reste toujours marqué par les intérêts capitalistes. Ainsi
l’Etat et les rapports de propriété, qui sont « l’organisation juridique du capitalisme »
deviennent de plus en plus capitalistes et donc, empêchent le socialisme progressif préconisé
par les révisionnistes de se réaliser. Ces deux rapports élèvent ainsi « un mur de plus en plus
haut » entre la société capitaliste et la société socialiste, que les réformes, au lieu de « battre
en brèche » consolident. Ainsi, selon Rosa Luxemburg, le seul moyen de l’abattre est « le
coup de marteau de la révolution, c’est-à-dire la conquête du pouvoir politique par le
prolétariat ».
Pourtant, elle avoue que « les luttes syndicales, les luttes pour les réformes sociales et pour
la démocratisation » se trouvent aussi dans le programme formel du SPD. Mais la
différence, ce n’est pas le contenu mais le moyen. En effet, pour les socialistes, les luttes
syndicales et parlementaires servent à « diriger et éduquer peu à peu le prolétariat » pour
qu’il soit capable, un jour, de prendre le pouvoir politique. Par contre, comme les
révisionnistes considèrent comme impossible et inutile cette conquête du pouvoir, la lutte
syndicale et parlementaire suffisent et servent, à leur avis, comme je l’ai dit auparavant, à
améliorer « la situation matérielle des ouvriers », à réduire progressivement l’exploitation
capitaliste et à étendre le contrôle social. Ainsi, on voit une réelle opposition entre ces deux
courants : tandis que la conception socialiste est que le prolétariat, par la lutte syndicale et
politique, acquiert la certitude qu’il est impossible de transformer totalement la société
capitaliste sans prise de pouvoir, la théorie de Bernstein est que, comme la conquête du
pouvoir est impossible, on ne peut instaurer le socialisme que par la lutte syndicale et
politique.
Ce qui nous ramène au dernier point important pour Bernstein : le rôle de la démocratie.
Comme Rosa Luxemburg, il a remarqué que, ayant peur des sociaux-démocrates, les
bourgeois deviennent réactionnaires. Il conseille ainsi au Parti d’abandonner le « but final »
du socialisme pour ne plus « effrayer » la bourgeoisie. Pour la théoricienne, cette certitude
démontre clairement que la démocratie bourgeoise n’est pas en mesure de soutenir le
socialisme, contrairement à ce qu’affirme Bernstein. Ainsi, pour Rosa Luxemburg,
maintenant que la bourgeoisie effrayée a affaibli la démocratie, le mouvement ouvrier
socialiste est le seul à soutenir celle-ci et sa survie dépend du mouvement socialiste et de la
réussite de celui-ci à combattre la bourgeoisie. Donc, « renoncer à la lutte pour le
La révolution selon Rosa Luxemburg 24 socialisme, c’est renoncer en même temps au mouvement ouvrier et à la démocratie ellemême ».
Mais le fait que la démocratie se renforcerait rendrait-il inutile ou impossible la révolution ?
Selon Rosa Luxemburg, Bernstein répond d’une manière fausse à cette question en montrant
les points positifs et négatifs de la réforme et de la révolution pour ainsi « peser le pour et
le contre ». Il faut, en fait, considérer l’histoire de la société bourgeoise. Car on y voit que la
réforme légale a progressivement renforcé la classe ascendante jusqu’à ce que « celle-ci se
sente assez forte pour s’emparer du pouvoir politique ». Cette prise de pouvoir a toujours été
« le but des classes ascendantes ». Donc la réforme et la révolution ne sont pas des
« méthodes différentes de progrès historiques », c’est-à-dire des démarches différentes que
l’on peut choisir, mais des « facteurs différents de l’évolution de la société de classe» c’està-dire deux éléments, différents certes, mais sans lesquels cette évolution ne peut pas avoir
lieu. En effet, la législation n’est que « l’expression » de la dernière révolution. En d’autres
termes, elle ne s’accomplit que dans « la direction que lui a donnée l’impulsion de la
dernière révolution ».
Enfin il est contraire à la vérité historique de penser que la réforme est « une révolution
diluée dans le temps » et la révolution « une réforme condensée ». En effet, tandis que la
révolution représente le passage à une autre société, la réforme, elle se contente de
modifications superficielles apportées à l’ancienne société. Cela veut donc dire que les
révisionnistes ne cherchent pas à abolir le capitalisme, mais à simplement en supprimer les
abus.
Pourtant, peut-être que ces fonctions de la réforme et de la révolution ne sont vraies que en
ce qui concerne les luttes de classes du passé ? Peut-être que la réforme permet réellement
de passer à une autre société ? Encore une fois, Rosa Luxemburg balaie cet argument. Elle
démontre en effet que, contrairement à la société antique ou féodale, la domination de classe
actuelle ne repose pas sur « des droits acquis » mais sur des rapports économiques. Il
n’existe en effet aucune loi qui « oblige le prolétariat à se soumettre au joug du capital » car
c’est « la misère et le manque de ressources qui l’y contraignent ». Comment pourrait-on
alors supprimer cette domination par des lois ?
Rosa Luxemburg a ainsi clairement démontré, point par point, qu’il est impossible de faire
la transition de la société capitaliste à la société socialiste par de simples réformes et que
c’est par la révolution seule que l’on pourra arriver à réaliser le socialisme.
A mon avis, ce chapitre est de loin le plus « actuel ».
L’exemple le plus criant est celui de la démocratie et du parlementarisme. En effet, les
socialistes, de nos jours, arrivent-ils réellement à aller à l’encontre du capitalisme ? On peut
dire sans grande difficulté que non. Ils essaient de protéger ou d’acquérir des droits mais ne
remettent jamais en question la société dans laquelle ils sont. Comme Rosa Luxemburg l’a
écrit, ils essaient de supprimer les abus du capitalisme, mais ne cherchent pas à abolir celuici.
On peut donc dire que les critiques de Rosa Luxemburg contre le SPD pourraient aussi être
dirigées contre les socialistes d’aujourd’hui. En plus, ce n’est plus simplement une affaire de
La révolution selon Rosa Luxemburg 25 quelques socialistes qui désireraient « s’intégrer » dans le système capitaliste, mais une
norme où tous les socialistes sont intégrés dans ce système et ne songeraient pas à vouloir
en sortir !
4.2 La 1ère Guerre Mondiale et la révolution spartakiste
Au début du 20ème siècle, plusieurs signes le montrent : l’Allemagne se dirige vers une
guerre. En effet, après plusieurs tensions en Europe et dans les colonies, Guillaume II,
influencé par les militaristes a choisi d’engager son pays dans la guerre. De plus en plus,
c’est le nationalisme et le chauvinisme qui prennent de l’importance. Le 28 juin, l’archiduc
d’Autriche, alliée de l’Allemagne, est assassiné par un nationaliste serbe. C’est l’étincelle
qui met le feu aux poudres. Ainsi la social-démocratie, qui s’est toujours déclarée contre la
guerre impérialiste, doit voter au Reichstag sur les crédits militaires. Le 4 août 1914, à la
stupéfaction générale, 71 de ses parlementaires votent pour les crédits contre 14 qui s’y
opposent. Rosa Luxemburg est profondément indignée par cette attitude, elle qui se
déclarera toujours contre cette guerre, ce qui lui vaudra d’ailleurs la prison. Elle écrira ainsi,
en 1915, en prison, « la Brochure de Junius »19 qui parle de la « crise » de la socialdémocratie et des conséquences de son acte.
Pour Rosa Luxemburg, c’est clair : ce vote des sociaux-démocrates est « une catastrophe de
portée mondiale ». Mais ceux-ci n’avaient-ils pas de bonnes raisons d’accepter cette
guerre ?
Tout d’abord, dans leur déclaration du 4 août, ils ne disent pas être « pour ou contre » cette
guerre mais disent avoir voté pour « les moyens requis en vue de la défense du pays ». En
effet, ils veulent protéger l’Allemagne du « despotisme russe » ainsi que son indépendance.
D’ailleurs, ils affirment que l’Internationale elle-même est pour « l’indépendance nationale
et l’autodéfense ». Mais le problème, selon Rosa Luxemburg, est que combattre les
prolétaires des autres pays pour son « autodéfense » va complètement à l’encontre du
principe de l’internationalisme. D’ailleurs, les dirigeants de la social-démocratie n’ont-ils
pas toujours affirmé que « les intérêts vitaux de la nation et les intérêts de classe du
prolétariat international ne font qu’un, et tous les deux sont opposés à la guerre » ?
Les sociaux-démocrates disent aussi, à propos de cette guerre, qu’ils ont toujours organisé
des « manifestations de paix », qu’ils n’ont jamais eu de désir de conquête et qu’ils veulent
défendre le « peuple », la « patrie ». Ce sont les mêmes arguments que… le gouvernement !
De plus, celui-ci a toujours voulu la guerre. En effet, dans le Livre Blanc, présenté au
Reichstag, il dit clairement qu’il n’était pas opposé à l’ultimatum donné à la Serbie par
l’Autriche, malgré l’impossibilité pour la Serbie d’y concéder, et il n’a jamais exhorté
l’Autriche à la modération. Enfin, les dernières années avant la guerre ont clairement montré
les envies impérialistes de l’Allemagne, surtout dans les colonies, ce qui a conduit à des
19
Connue aussi sous le nom « Crise de la social‐démocratie » : voir note 6 La révolution selon Rosa Luxemburg 26 « antagonismes » entre les pays capitalistes européens, donc aux prémisses d’une guerre
européenne si ce n’est mondiale.
Sinon, le seul argument de la social-démocratie qui diffère du gouvernement est que l’on
doit combattre le tsarisme russe qui mettrait en danger « la liberté de l’Allemagne », se
servant ainsi des « traditions révolutionnaires du socialisme ». Les sociaux-démocrates ont
en effet peur que la Russie « annexe » l’Allemagne et que celle-ci se retrouve ainsi sous le
joug du tsarisme. Rosa Luxemburg se moque complètement de cet argument en disant que
la Russie peut se fixer comme but « aussi bien l’annexion de la Lune que celle de
l’Allemagne ». En effet, les membres de la politique russe ne sont pas des « fous », ils
savent qu’on ne peut pas exporter une forme de gouvernement n’importe où mais que
« chaque forme de gouvernement correspond à certaines conditions économiques et sociales
bien précises ». De plus, ce n’est pas à cause de « l’absolutisme » que l’Allemagne veut
entrer en guerre contre la Russie, mais à cause de la politique mondiale, c’est-à-dire à cause
des poussées impérialistes des deux pays (dans les Balkans ou en Turquie par exemple).
Les sociaux-démocrates affirment aussi qu’ils veulent combattre ce « rempart sanglant de la
Réaction » et que « la défaite de la Russie équivaut à la victoire de la liberté en Europe ».
C’est ainsi un combat entre « la barbarie » et « la civilisation » auquel participe activement
le prolétariat. Pour répondre à cet autre argument, Rosa Luxemburg passe en revue l’histoire
du tsarisme de ces dernières années. Ainsi, il est vrai qu’en 1848, l’absolutisme russe était
un véritable « système médiéval » et une « réaction monarchique ». Mais, quelques années
plus tard, à cause de la Guerre de Crimée, le tsarisme se retrouve affaibli et se voit contraint
« d’entrer sur la voie des réformes, de se moderniser, de s’adapter aux conditions
bourgeoises ». Néanmoins, pour que ces réformes puissent se réaliser, le gouvernement a
besoin de moyens financiers et ce sont la France et l’Allemagne qui les lui octroient. Ainsi,
« l’absolutisme russe est entretenu par la bourgeoisie d’Europe occidentale ». Mais la
France et l’Allemagne ne lui procurent pas seulement un soutien économique mais aussi
politique. En effet, elles lui donnent un soutien contre les mouvements révolutionnaires
russes. Ainsi, l’Allemagne prend des mesures pour lutter contre ces révolutionnaires dans
son pays même : « dénonciations, interdictions de séjour, extraditions… ». Un très bon
exemple de cela est l’échec de la Révolution de 1905. En effet, si la première cause de cet
échec est interne – la révolution a échoué parce qu’elle était « une révolution prolétarienne
avec des tâches bourgeoises » donc elle n’était pas une véritable révolution prolétarienne –
la deuxième cause est extérieure. En effet, la « Réaction européenne » vole au secours de la
Russie en lui donnant des subsides financiers et des alliances politiques. D’ailleurs, en 1910,
le tsar est même officiellement invité par l’Allemagne à Berlin. La social-démocratie assiste
à cela mais « ne souffle pas mot » alors qu’ils voient bien que les « prolétaires russes » ont
été tués, non seulement par le gouvernement russe, mais aussi par « la réaction d’Europe
occidentale ».
Un autre point que Rosa Luxemburg critique abondamment est « l’Union Sacrée »
approuvée par le Parti social-démocrate, c’est-à-dire la suspension de la lutte de classe pour
la durée de la guerre. Donc, les syndicats cessent aussitôt toute lutte de salaires, la socialdémocratie renonce à toute lutte électorale, les journaux demandent aux femmes de ne pas
informer leurs maris sur le front de la misère où elles se trouvent etc. Cet abandon du credo
La révolution selon Rosa Luxemburg 27 des sociaux-démocrates conduit à « la proclamation de l’état de siège, l’étranglement de la
liberté de presse et la suppression de la Constitution ». De plus, la social-démocratie accepte
« la dictature militaire sans broncher », alors que cette dictature est dirigée contre elle. Rosa
Luxemburg affirme d’ailleurs que si la social-démocratie avait résisté dès le début, sa
situation serait, au pire, la même qu’en ce moment. Enfin, en adoptant la politique de
l’Union Sacrée, la social-démocratie n’inquiète plus le militarisme qui peut ainsi
« déchaîner sans entraves ses instincts impérialistes innés », ce qui veut dire qu’il n’a plus à
s’inquiéter d’une quelconque révolte en Allemagne. Selon la théoricienne, c’est une grande
erreur de penser que la social-démocratie doit lutter contre une guerre seulement si elle
menace mais ne peut plus rien faire dès qu’elle éclate. En effet, lors des Congrès de
l’Internationale, on avait toujours affirmé qu’en cas de guerre, le rôle de la socialdémocratie est de la faire cesser « promptement ». Mais, dans le cas de cette guerre, la
social-démocratie fait l’exact contraire en se ralliant à l’Union Sacrée, empêchant ainsi que
« la guerre n’amène les masses à se mettre en mouvement » et s’employant « à sauver le
capitalisme de sa propre anarchie consécutive à la guerre » et « à prolonger la guerre
indéfiniment ».
Quelles sont les conséquences de cette guerre pour le prolétariat ?
Tout d’abord, en cas de victoire de l’Allemagne, celle-ci se déchargerait « du plus gros de sa
ruine sur les pays vaincus », c’est-à-dire la France, l’Italie, l’Angleterre, la Belgique. Ainsi,
elle « étranglerait » le développement économique de ces pays. Comment le prolétariat
allemand pourrait-il aller de l’avant si l’action syndicale de ces pays là est « entravée par un
dépérissement économique ? ». Car il ne faut pas oublier que le mouvement ouvrier est
dorénavant basé sur la coopération de tous les pays, internationalisme oblige. Le cas est
bien sûr le même si c’est l’Allemagne qui est vaincue.
Mais, ce qui est le plus grave, c’est que cette guerre conduit à « la disparition massive du
prolétariat européen » car c’est le plus souvent les ouvriers qui se retrouvent sur le champ de
bataille et qui s’y font tuer en masse, ces ouvriers dont Rosa Luxemburg pense qu’ils sont
« les forces les meilleures, les plus intelligentes, les mieux éduquées du socialisme
international (…), les troupes d’avant-garde de l’ensemble du prolétariat mondial ». Car,
selon elle, c’est seulement en Europe, où se trouvent les pays capitalistes les plus anciens,
que peut venir « le signal de la révolution sociale qui libérera l’humanité ». Ainsi ce
« massacre massif sans précédent » est « une saignée qui risque d’épuiser mortellement le
mouvement ouvrier européen. ». Enfin, qu’il y a-t-il de plus terrible que de voir tous ces
prolétaires s’entretuer « sur ordre du capital » ?
Donc que faut-il faire pour sortir de cette catastrophe pour le prolétariat ?
Selon Rosa Luxemburg le « problème » et la « solution » de cette guerre sont « la capacité
d’action des masses prolétariennes dans leur lutte contre l’impérialisme ». Cela veut dire
que ce dont le prolétariat a besoin, ce ne sont pas « des postulats, des programmes, des mots
d’ordres » mais « des actions, une résistance efficace, la capacité d’attaquer l’impérialisme
au moment opportun (…) et de mettre en pratique le vieux mot d’ordre « guerre à la
guerre » ».
La révolution selon Rosa Luxemburg 28 Ensuite, il faut aussi que tous les prolétaires cessent de s’entretuer, comme je l’avais indiqué
ci-dessus, mais qu’ils se rappellent du mot d’ordre de Marx « Prolétaires de tous les pays,
unissez-vous ! » pour pouvoir ainsi se tendre « une main fraternelle ».
Cela nous amène à la révolution spartakiste.
Tout d’abord, qu’est-ce que le spartakisme ? Peu après que la majorité du SPD a voté pour
les crédits militaires, quelques membres du SPD dont Rosa Luxemburg, Karl Liebknecht,
Clara Zetkin, Paul Levi décident de former une fraction de l’USPD (le « SPD
indépendant ») : « La Ligue spartakiste ».
Puis, la guerre prend enfin fin le 11 novembre 1918. Deux jours auparavant, Ebert, membre
du SPD, qui a fait partie, durant la guerre, de l’aile droite du Parti, devient chancelier du
Reich. Quelques heures plus tard, Scheidemann, proche d’Ebert, proclame la République.
Cependant, à peu près au même moment, Karl Liebknecht, spartakiste, annonce la naissance
de la République socialiste. Ainsi, il y a dorénavant une réelle opposition entre le SPD, qui
veut d’un ordre légal et la « gauche socialiste » qui veut la révolution socialiste. D’ailleurs,
le 25 décembre, les spartakistes décident de se séparer de l’USPD et fondent le Parti
communiste allemand. La tension va de plus en plus monter et les spartakistes font peur,
non seulement aux bourgeois, mais aussi aux sociaux-démocrates. Ceux-ci font ainsi appel à
des vétérans de la guerre, appelés « les Corps Francs », pour contrer les spartakistes.
Pendant ce temps-là, Rosa Luxemburg prend en main la « propagande » socialiste et elle est
chargée de la direction du journal spartakiste «Die Rote Fahne » en ce sens. C’est dans ce
journal qu’elle publiera pour la première fois, le 14 décembre 1918 le texte « Que veut la
Ligue Spartakiste ? »20 qui sera présenté au Congrès de Fondation du Parti communiste
allemand dans les derniers jours de décembre.
Tout d’abord, il est clair pour elle que ce sont les capitalistes qui « ont donné le signal du
massacre des peuples » avec la guerre. Ainsi, cette guerre mondiale a placé la société devant
l’alternative suivante : « ou bien maintien du capitalisme, avec de nouvelles guerres et un
rapide effondrement dans le chaos et l’anarchie ou bien abolition de l’exploitation
capitaliste ». Elle rappelle même le dilemme « prophétique » du « Manifeste du Parti
communiste » : « Socialisme ou retombée dans la barbarie !». Car selon elle, pour échapper
à la « confusion sanglante », que sont l’anéantissement des moyens de production, le
massacre de millions d’ouvriers, le chômage, la famine, les maladies, il n’existe d’autre
issue que le socialisme. Seule la révolution mondiale du prolétariat peut « mettre de l’ordre
dans ce chaos, donner à tous du travail et du pain, mettre un terme au déchirement
réciproque des peuples, apporter à l’humanité écorchée la paix, la liberté et une civilisation
véritable ».
Elle rappelle aussi le rôle des masses : le bouleversement qu’est la réalisation du régime
socialiste ne saurait être « décrété par quelque autorité, commission ou Parlement » car
« seules les masses » peuvent l’entreprendre et le réaliser. Leur première tâche est de
substituer aux « organes de la domination bourgeoise » (parlements, conseils municipaux…)
20
http://www.marxists.org/francais/luxembur/spartakus/programme.htm La révolution selon Rosa Luxemburg 29 ses propres organes de classe que sont les conseils d’ouvriers et de soldats. Ensuite, par la
pression directe des masses, les grèves, la mise sur pied de leurs organismes représentatifs
permanents, les ouvriers peuvent « s’assurer le contrôle et en fin de compte la direction
effective de la production ».
Puis, elle affirme que contrairement aux révolutions bourgeoises, la révolution prolétarienne
« n’a nul besoin de la terreur pour réaliser ses objectifs » et qu’elle « hait et abhorre
l’assassinat ». En effet, elle ne « combat pas des individus, mais des institutions » et
« n’entre pas dans l’arène avec des illusions naïves qui, déçues, entraîneraient une
vengeance sanglante » et ce n’est pas « la tentative désespérée d’une minorité » mais
« l’action de la grande masse des millions d’hommes qui composent le peuple ». Mais elle
rappelle que comme « la révolution prolétarienne sonne en même temps le glas de toute
servitude et de toute oppression », se dressent contre elle, « dans une lutte à mort », tous les
capitalistes, les Junkers (aristocrates de propriété terrienne), les petits-bourgeois etc. et que
ce serait de la folie que « de s’imaginer que les capitalistes pourraient se plier de bon gré au
verdict socialiste ». De plus la « classe capitaliste impérialiste » est beaucoup plus brutale,
cynique que toutes les autres classes dominantes qui l’ont précédées et elle emploiera les
mêmes méthodes « sadiques » que celles qu’elle a employées « dans toute sa politique
coloniale et au cours de la dernière guerre ». Ainsi, il faudra briser toutes ces résistances
« pas à pas d’une main de fer en faisant preuve d’une énergie sans défaillance » en opposant
à la violence de la contre-révolution bourgeoise le « pouvoir révolutionnaire du
prolétariat », aux attentats et aux intrigues de la bourgeoisie, « la lucidité inébranlable, la
vigilance et l’activité jamais en défaut de la masse prolétarienne », aux menaces de la
contre-révolution, « l’armement du peuple et le désarmement des classes dominantes ». Elle
définit même d’une façon claire la lutte pour la lutte socialiste comme « la guerre civile la
plus fantastique que l’histoire du monde ait jamais connue ». De plus, en dotant de la sorte
les masses de la totalité du pouvoir politique pour qu’elles accomplissent les tâches
révolutionnaires, on est en présence de la « démocratie véritable » : la dictature du
prolétariat.
Vient ensuite toute une série de mesures que la Ligue spartakiste exige pour « permettre au
prolétariat d’accomplir ses tâches. Il y a d’abord les « Mesures immédiates pour assurer le
triomphe de la révolution » où on trouve par exemple le « désarmement de toute la police,
de tous les officiers ainsi que des soldats d’origine non prolétarienne, désarmement de tous
ceux qui font partie des classes dominantes » (mesure 1), « armement de l’ensemble du
prolétariat masculin adulte qui constituera une milice ouvrière, constitution d’une garde
rouge (…) » (mesure 3). Ensuite les « Mesures politiques et sociales » où elle exige par
exemple l’ « élimination de tous les parlements et de tous les conseils municipaux, leurs
fonctions étant dévolues aux conseils d’ouvriers et de soldats et aux comités que ceux-ci
désigneraient » (mesure 2), la « suppression de toutes les différences de caste, de tous les
ordres et de tous les titres ; hommes et femmes ont les mêmes droits et la même position
sociale » (mesure 6), et la « réduction du temps de travail pour lutter contre le chômage et
pour tenir compte de la faiblesse physique de la classe ouvrière, conséquence de la guerre
mondiale (…) » (mesure 7). Viennent ensuite les « Mesures économiques immédiates »
comme, par exemple, la « confiscation de tous les biens dynastiques et de tous les revenus
La révolution selon Rosa Luxemburg 30 dynastiques au profit de la communauté » (mesure 1). Enfin, elle appelle au « rétablissement
immédiat des relations avec les partis frères de pays étrangers afin de donner à la révolution
socialiste une base internationale et d’établir et de garantir la paix par la fraternisation
internationale et le soulèvement révolutionnaire du prolétariat du monde entier ».
Pour terminer, elle affirme que la Ligue spartakiste ne prendra le pouvoir que si les masses
« approuvent consciemment ses vues, les buts et les méthodes de lutte de la Ligue
spartakiste » et que celle-ci « s’identifie à a la victoire des millions d’hommes qui
constituent la masse du prolétariat socialiste ».
Environ un mois plus tard, Rosa Luxemburg sera assassinée durant la répression de la
révolution spartakiste qui s’arrêtera définitivement en mars. La révolution spartakiste
échoue donc. Il y a tout de même certains points intéressants à relever et à discuter.
Tout d’abord, on retrouve dans ce « projet » de révolution, plusieurs points abordés lors de
mon travail, tels que le rôle des masses, l’internationalisme, la dictature du prolétariat. Cette
révolution aurait dû être, en quelque sorte, la mise en pratique de toutes les « théories » sur
lesquelles Rosa Luxemburg avait réfléchi durant sa vie.
Ensuite, j’ai été étonnée par sa lucidité quand elle parle de la « retombée dans la barbarie » à
laquelle on sera confrontée à cause de la 1ère Guerre Mondiale. Les années qui ont suivi lui
auront donné raison.
Enfin, j’ai remarqué que dans le « Que veut la Ligue Spartakiste ? », il y avait une sorte
d’ « urgence », contrairement à ses autres écrits où elle écrit d’une façon posée avec des
arguments très clairs et sans une trop grande émotion. En effet, dans ce texte-là, on sent
toute sa colère envers les « traîtres » du SPD, sa « foi » en le socialisme... Comme si elle
savait qu’il n’y avait plus de temps à perdre.
5. Conclusion
La plupart des écrits que j’ai utilisés pour ce travail sont les plus connus des ouvrages de
Rosa Luxemburg. Pourtant, cela n’est qu’une minuscule partie de son œuvre gigantesque
qui – malheureusement – a été assez peu traduite en français. De plus, les seuls écrits d’elle
que l’on retrouve dans les librairies sont ses correspondances. En effet, on connait d’elle –
quand cela est le cas ! – presque plus sa sensibilité, son amour de la nature, ses amants etc.
que sa pensée politique et son combat. Par contre, je dois dire que c’est l’exact contraire
pour moi : à part sa biographie, je ne connais que sa pensée politique ! Mais je pense bientôt
m’atteler à la lecture de sa correspondance.
Cependant, quel « héritage » a laissé Rosa Luxemburg ? Je dois dire que je n’ai jamais
entendu un politicien la citer ou, encore moins, se réclamer d’elle ! Pourtant, on peut
parfois, dans des manifestations, voir une ou deux banderoles avec le profil de Rosa
Luxemburg car elle symbolise un certain idéal de charisme, de courage, d’intelligence
La révolution selon Rosa Luxemburg 31 incisive… Il existe même un mouvement « luxemburgiste » 21 se réclamant directement des
idées de Rosa Luxemburg.
Pour conclure, je dois dire, en toute sincérité, que ça m’a vraiment plu de travailler sur
l’œuvre de cette femme ! Tout d’abord, j’ai aimé me renseigner sur elle et lire sa biographie
par Max Gallo car c’est une femme intéressante et passionnante et je me suis à peine rendue
compte qu’elle avait vécu un siècle auparavant, tant son histoire m’avait touchée. Ensuite,
lire ses œuvres n’a pas été, contrairement à ce que je craignais, trop difficile à lire et à
comprendre. En effet, elle écrit d’une façon tellement précise tout en restant assez
« simple » dans le fond, que l’on n’a pas besoin de relire trois fois le même paragraphe pour
comprendre ses théories. Trouver la problématique sur laquelle j’allais construire mon
travail n’a pas été trop difficile non plus puisqu’elle s’est presque imposée par les lectures
que j’ai faites au sujet de Rosa Luxemburg. En fait, le plus difficile a été de synthétiser ce
que j’ai lu et de le réécrire car j’avais un peu de mal à savoir ce que j’allais « laisser de
côté ». Commenter le travail n’a pas non plus été une mince affaire car, après avoir lu et
réécrit les pensées si claires de Rosa Luxemburg, mes commentaires me semblaient trop
« superficiels » par rapport à cela…
Je dois aussi dire que ce travail m’aura aussi amenée à plus réfléchir sur notre société et à
me poser des questions auxquelles je n’aurai jamais pensées tant je croyais au « pouvoir »
des réformes, des votations, du parlement, de la démocratie… En résumé : la réflexion que
j’ai « amorcée » dans ce travail de maturité ne va pas s’arrêter quand celui-ci sera terminé.
21
Par exemple : http://www.luxemburgism.lautre.net La révolution selon Rosa Luxemburg 32 Sources :
Max GALLO, Une femme rebelle ; Vie et mort de Rosa Luxemburg, Librairie Arthème
Fayard, 2000
Jacques DROZ, Histoire de l’Allemagne, Paris : Presses Universitaires de France, 1945
Nicolas WERTH, La Russie en révolution, Gallimard, 1999
Karl MARX et Friedrich ENGELS, Manifeste du Parti communiste et Critique du
programme de Gotha, Paris : Librairie Générale Française, 1973
Rosa LUXEMBURG, Œuvres I, Paris : François Maspero, 1969
Rosa LUXEMBURG, La révolution russe, Pantin : Le Temps de Cerises, 2000
Rosa LUXEMBURG, La question nationale et l’autonomie, Pantin : Le Temps de Cerises,
2000
Rosa LUXEMBURG, La Crise de la social-démocratie, Bruxelles : Editions la Taupe, 1970
Rosa LUXEMBURG, Sur la révolution, Paris : Editions La Découverte & Syros, 2002
Gilbert BADIA, Lettres et textes choisis de Rosa Luxemburg, Pantin : Le Temps de Cerises,
2000
http://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9volution_russe_de_1905
http://www.bibliomonde.com/livre/1905-revolution-russe-manquee-3389.html
http://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9volte_spartakiste_de_Berlin
http://www.marxists.org
www.ulb.ac.be/cal/.../rosaluxemburg.html
http://www.cahiersdusocialisme.org/2010/03/30/le-%C2%AB-spontaneisme-%C2%BB-derosa-luxembourg/
http://www.memo.fr/Dossier.asp?ID=968
(Un site sur Rosa Luxemburg)
http://fr.wikipedia.org/wiki/Luxembourgisme
http://fr.wikipedia.org/wiki/Jeunes_h%C3%A9g%C3%A9liens