Le tango interdit aux catholiques
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Le tango interdit aux catholiques
11 h poitiers en 1914 Jeudi 9 janvier 2014 Le tango interdit aux catholiques A l’occasion du centenaire de la Première Guerre mondiale, Jean-Marie Augustin et Gérard Simmat nous font vivre Poitiers en 1914. En janvier 1914, le tango est dans le collimateur de l’évêque. Janvier est le mois des soldes d’hiver. Publicité des Nouvelles Galeries Parisiennes, place d’Armes, parue dans L’Avenir de la Vienne du 4 janvier 1914. E n 1912, le tango argentin, à la sensualité provocante, arrive en Europe et devient la danse à la mode. Les bien-pensants s’en offusquent et l’évêque de Poitiers, Mgr Humbrecht, publie un avertissement dans la Semaine religieuse du diocèse, le 4 janvier 1914, pour prévenir les catholiques contre cette danse nouvelle qui « d’un bout à l’autre du monde est l’objet d’un véritable engouement ». « On sait, ajoute-t-il, que toutes les danses offrent des dangers, mais on dit que celle-ci est la plus audacieuse de toutes… Nos fidèles auront à cœur de s’en garder et les directeurs de cons- cience l’interdiront nettement. » A cette critique, L’Avenir de la Vienne répond le 8 janvier, en laissant à chacun la liberté de se conduire comme il lui plaît, sans se départir toutefois de la bienséance : « Nous n’avons point l’heur d’avoir encore expérimenté le tango. Il nous paraît pourtant que son “ danger ” dépend des intentions plus ou moins honnêtes de ceux qui le dansent. N’en est-il pas ainsi de toutes les danses ? Il y a une juste mesure à observer… Les honnêtes gens qui s’abandonneront à la nouveauté de cette danse laisseront aux âmes vulgaires les déhanchements las- cifs, les attitudes lubriques et ce sera tout. » D’autres évêques se prononcent contre le tango et Mgr Amette, cardinal-archevêque de Paris, le condamne comme étant « de nature lascive et offensante pour la morale ». Il invite aussi les confesseurs à agir en conséquence lors de l’administration du sacrement de pénitence. “ De nature lascive et offensante pour la morale ” Pour se faire une opinion, le pape Pie X demande à un couple de jeunes gens appartenant à l’aristocratie pontificale, frère et sœur, de faire devant lui une démonstration de la danse sud-américaine. Il n’y a pas de condamnation directe de la part du souverain pontife, mais en son nom, le vicaire général à Rome dénonce le tango Caricature contre la politique du gouvernement qui encourage le respect de la laïcité dans les écoles, parue dans le Courrier de la Vienne du 4 janvier 1914. comme étant « très dommageable à l’âme ». En 2010, le cardinal Bergoglio, archevêque de Buenos-Aires, a déclaré : « J’aime le tango, c’est quelque chose qui vient de l’intérieur de moi, j’adore ça » et il avoue l’avoir dansé dans sa jeunesse. Quand il devient le pape François, le 13 mars 2013, le maire de Rome et l’ambassade de la République Argentine en Italie ont organisé une soirée de tango « in honore di papa Francesco »… Autre temps, autres mœurs. Le pape Pie X assistant à une démonstration de tango, L’Illustration, 7 février 1914. Sortie de mariage à la cathédrale dans les années 1910. (Cliché Olivier Neuillé, Médiathèque, Poitiers)