1815 meurtre du marechal brune
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1815 meurtre du marechal brune
1815 MEURTRE DU MARECHAL BRUNE On a désigné sous le nom de « terreur blanche » d’une part les réactions du midi, d’autre part les poursuites exercées contre la plupart des hommes qui se sont ralliés au gouvernement des Cent-jours. Napoléon était de retour et Avignon étant en majorité royaliste, subit donc le régime des Cent-Jours ; le maréchal Brune, était général en chef de l’armée du Var. Au lendemain de Waterloo, le drapeau blanc fut arboré. Le 26 juin, un négociant connut par son attachement à la cause impériale fut assassiné. Le 28, Marseille était en pleine insurrection, le drapeau blanc avait été arboré à Carpentras et le général Cassan, sous les ordres de Brune, envoya une petite troupe pour y rétablir les couleurs tricolores. La troupe eut bien de la peine à se protéger et demanda des renforts, qu’elle reçut le 30. De leur côté, les habitants de Carpentras demandèrent des renforts à Marseille. Lambot, officier de gendar-merie, partit pour Cavaillon, qu’il atteignit le 6 juillet et les royalistes vinrent se ranger autour de lui. Dans la matinée du 14 juillet, le général Cassan fit connaitre à ses chefs de corps les nouvelles de Paris, c'est-à-dire l’entrée de Louis XVIII ; tous refusèrent de porter la cocarde blanche. La guerre civile était imminente et la population connaissait sa force. Cassan quitta la ville. Le major Lambot fit son entrée le lendemain avec sa suite d’individus indisciplinés, 20 maisons furent livrées au pillage, des citoyens maltraités et emprisonnés. Il y eut de dénonciations, des incendies et même des meurtres. Plusieurs individus déférés à la justice, furent acquittés sous l’empire de la terreur. La terreur s’accrut et les portes d’Avignon furent fermées. Il n’existait aucune garnison, uniquement une poignée de gendarmes. On y comptait aussi des exaltés et des violents. Le major ne bougea pas et nuisit à la tranquillité du département qu’il était chargé de pacifier. Le maréchal Brune partit de Toulon accompagné de 3 aides de camp, 21 chevaux et une escorte de 40 chasseurs du 14ème. Peut-être aurait-il mieux valut qu’il voyagea incognito. La route de Toulon à Aix fut néanmoins La Terreur blanche, épisodes et souvenirs de la réaction dans le Midi en 1815, d'après des souvenirs contemporains et des documents inédits, par Ernest Daudet.-Gallica.bnf 1815 MEURTRE DU MARECHAL BRUNE parcourue sans encombre. Mais à l’entrée de la ville, une foule furieuse se précipita au-devant des voitures pour les arrêter. Ce fut une faute grave de la part du maréchal de consentir à se séparer de son escorte. Il arriva dans la ville le 2 août 1815 entre dix et onze heures du matin. Sur ordre du major Lambot, le capitaine Verger reçut l’ordre d’accueillir le maréchal. Déjà, des groupes assez nombreux s’étaient formés aux abords de la voiture. « Admirez l’assassin de la princesse de Lamballe ! » Le maréchal n’entendit pas ces paroles, mais monsieur de Saint-Chamans le supplia de partir, en lui promettant de faire envoyer ses papiers par un gendarme. Le maréchal venait de dépasser les remparts et on le crut sauvé. Des gardes nationaux arrêtèrent la voiture et lui demandèrent ses papiers – qui étaient chez le major Lambot. Quand le capitaine Verger revint avec les papiers, il était trop tard ; une barrière humaine empêchait la voiture d’avancer. Le capitaine Verger qui essaya, le sabre à la main, d’écarter la foule, fut mis en joue et périt de suite. On décida enfin de retourner à l’hôtel du Palais-Royal avec le maréchal. Des pierres brisèrent les glaces de la calèche. Quand la voiture arriva, l’aubergiste Molin donna l’ordre de fermer les portes. Le maréchal pris une chambre, en manifestant le désir d’écrire à sa femme. Au dehors, l’attroupement augmentait encore. Les misérables tentèrent d’enfoncer la porte, d’y mettre le feu, de la démolir à coups de hache ; le maréchal ne pouvait, ni être délivré du dehors, ni fuir, ce n’était plus qu’une question de temps. Le maire, M.Puy était devant la porte de l’hôtel, les yeux remplis de larmes, il tentait un ultime effort pour éloigner les furieux. Deux coups de feu claquèrent : plusieurs individus étaient passé par les lucarnes du toit ; un dénommé Farges parut au balcon de l’hôtel en criant : « Il est mort, il s’est tué pour échapper à la vengeance du peuple. » Le maréchal était étendu sur le ventre, le visage dans une mare de sang, une balle de 14 millimètres pénétra dans le larynx et l’autre fractura le corps des vertèbres – il n’est pas étonnant que des projectiles de ce diamètre aient pu faire autant de dégâts. La Terreur blanche, épisodes et souvenirs de la réaction dans le Midi en 1815, d'après des souvenirs contemporains et des documents inédits, par Ernest Daudet.-Gallica.bnf 1815 MEURTRE DU MARECHAL BRUNE Surpris par l’attitude du maréchal, les assassins négligèrent de fouiller le corps, sur lequel on retrouva la somme de 27.500 francs en or, un cachet d’argent, un couteau, un mouchoir et une montre. Quant aux bagages du maréchal, ils furent ouvert, le contenu fut partagé et une partie vendue. Mais la vérité est tout autre : Des individus étaient bien passé par les lucarnes du toit, et étaient entré dans la chambre de Brune, le maréchal se leva et fit face ; après quelques mots échangés, Farges tira un coup de pistolet qui toucha le plafond et Guindon, un coup de carabine qui entra au bas du cou. La mort fut instantanée. Voilà tout le drame sanglant qui s’accomplit dans cette chambre d’auberge, le 2 août 1815. Désireux d’écarter d’eux le châtiment de leur crime, les assassins essayèrent de l’attribuer à un suicide… Mais là, ne s’arrête pas l’histoire. Le corps fut placé tout vêtu dans une bière et escorté vers le cimetière où il devait être enterré. La foule se précipita sur le cercueil, s’empara du mort et le précipita dans le Rhône. D’anciens soldats, dit-on, reconnurent le vaillant homme de guerre et s’empressèrent de le recueillir afin de lui donner une sépulture. Ils furent rejoints par les bandits qui avaient suivi le cadavre le long du fleuve, et il leur fut interdit de l’enterrer ; ce n’est que le soir venu qu’un pêcheur, nommé Berlandier, put rendre à la terre la triste dépouille. La maréchale la réclama et le cercueil fut porté au château de SaintJust où la maréchale jura qu’il y resterait jusqu’à ce qu’elle put inscrire à côté du mort, l’arrêt de condamnation des assassins. La courageuse femme entreprit elle-même de rétablir la vérité. Ce n’est que 4 ans plus tard, en 1819, que la sanglante tragédie fut reconstituée : Farges était mort deux ans auparavant, Guindon était en fuite, les autres témoins étaient muets de terreur. La cour de Nîmes reconnut que Brune avait été assassiné. Le 24 février 1822, le procès s’ouvrit enfin ; Guindon fut condamné par contumace à la peine de mort, mais il ne fut jamais découvert. Le maréchal fut inhumé le 13 janvier 1829 dans le cimetière de SaintJust. La Terreur blanche, épisodes et souvenirs de la réaction dans le Midi en 1815, d'après des souvenirs contemporains et des documents inédits, par Ernest Daudet.-Gallica.bnf