Est-ce que les limites linguistiques géographiques
Transcription
Est-ce que les limites linguistiques géographiques
EST-CE QUE LES UNITES LINGUISTIQUES GEOGRAPHIQUES RENFORCENT LES DROITS LINGUISTIQUES ? CONCHÚR Ó GIOLLAGÁIN, ACADAMH NA H OLLSCOLAIOCHTA GAEILGE L’irlandais est la première langue nationale (gaélique) de l’Irlande d’après la Constitution irlandaise : Article 8 1. The Irish language as the national language is the first official language.1 En dépit de ce statut de « première langue officielle » et du fait que 42,8 pour cent des irlandais se considèrent comme irlandophones2, la population qui utilise cette langue chaque jour compte 339.541 personnes sur 3.917.203, soit 8,67 pour cent de la population d’après le recensement de 20023. La politique étatique la plus importante avec égard de la langue irlandaise (à l’exception de la Loi des Langues Officielles 20034) est l’octroi de droits linguistiques et autres aux autochtones à travers un système basé sur la création d’unités géographiques. Des limites géographiques entourent des entités légaux désignés ‘Gaeltacht’ (singulier), ‘Gaeltachtaí’ (pluriel). Un tel système a été conçu pour mieux renforcer les droits linguistiques et améliorer la situation économique et sociale de ceux qui parlent l’irlandais dans les Gaeltachtaí. Quel est le résultat de plus de 80 ans d’intervention étatique ? Ou est-ce que la stratégie géographique représente un obstacle à la mise en œuvre des droits des autochtones ? Pour bien estimer la valeur des unités géographiques en tant que mécanisme de soutien et renforcement des droits linguistiques, il est d’abord nécessaire de considérer la situation sociolinguistique et de signaler les points pertinents. Les droits linguistiques des autochtones devraient non seulement inspirer, mais être efficaces dans tous les aspects du système de soutien et de renforcement, surtout en ce qui concerne les actions pratiques et sociales. Il faut aussi scruter la dynamique linguistique et le contact entre anglophones et irlandophones dans la Gaeltacht pour pouvoir améliorer la mise en œuvre des droits linguistiques. 1 Gouvernement de l’Irlande 1937 Table 4A, p 14, Central Statistics Office 2004 3 Central Statistics Office 2003 4 Acht na dTeangacha Oifigiúla 2003 2 LE STATUT OFFICIEL GEOGRAPHIQUE DE LA GAELTACHT : CONCEPTION ET HISTOIRE La reconnaissance et l’octroi de droits par rapport aux entités qui sont géographiquement dispersées les uns des autres est rare du point de vue international. Ainsi, il y a dans d’autres pays par exemple, des expériences colonialistes qui ont inspiré la création des unités géographiques pour affirmer les droits historiques de certains groupes ethniques. On trouve plus fréquemment est l’octroi d’un statut à une région : la région galloise ou bien la région galicienne, parmi d’autres. Il reste des obstacles à l’administration de n’importe quel système parce qu’une région géographique ne correspond jamais exactement avec une région linguistique. Il est bien sûr difficile et compliqué de démêler les droits historiques et communaux des droits linguistiques. En 1926, Coimisiún na Gaeltachta, la Commission de la Gaeltacht, désigna deux types de Gaeltachtaí : Fíor-Ghaeltacht (Vrai-Gaeltacht) qui comprenait au moins 80 pour cent d’irlandophones et Breac-Ghaeltacht (Demi-Gaeltacht) qui incluait entre 25-79 pour cent d’irlandophones.5 Par contre, chaque ministère retenait le pouvoir de définir la ‘Gaeltacht’ pour ses propres interventions et fourniture de services.6 Il devenait de plus en plus clair que l’usage de l’irlandais ne cessait pas de diminuer et qu’il faudrait aborder la question d’une façon bien plus ciblée pour pouvoir assurer le résultat visé par la politique étatique. En 1956, le Ministère de la Gaeltacht fut fondé avec le but de mieux soutenir et de développer les Gaeltachtaí du point de vue économique, social et culturel, à travers une stratégie basée sur des unités géographiques déterminées. Le ministère a utilisé les les termes du rapport de 1926 de la Commission, Fíor-Ghaeltacht et Breac-Ghaeltacht, mais cette fois elles seraient définies par ordre ministériel en fonction des districts électoraux [electoral districts], ou EDs. Un ED serait nommé Gaeltacht si la majorité de ses habitants étaient irlandophones. Par contre, plusieurs EDs où l’on ne parlait plus l’irlandais figuraient aussi dans l’ordre : grâce à leur position géographique à coté des EDs majoritairement irlandophones, avec le soutien du nouveau Ministère, une augmentation de l’usage de l’irlandais dans ces EDs-là fut envisagée. 5 6 Coimisiún na Gaeltachta 1926 Gouvernement d’Irlande 1937 2 Application des critères de 1926 au recensement national de 2002 : Fíor- (Vrai-)Gaeltacht 80 pour cent+ d’irlandophones quotidiens en gris foncé Breac- (Demi-)Gaeltacht 25-79 pour cent d’irlandophones quotidiens en gris clair Usage quotidien de la langue irlandaise d’après le recensement national de 2002 dans les EDs [districts électoraux] des Gaeltachtaí, désignés par la Commission de la Gaeltacht de 1926. Carte préparée par Mary O’Brien, National Institute for Regional and Spatial Analysis, National University of Ireland, Maynooth. Licence n° MP8252 © Ordnance Survey Ireland et Central Statistics Office Ireland ARRETES ADMINISTRATIFS ET EVENEMENTS LEGISLATIFS RELATIFS A LA GAELTACHT Depuis la fondation de l’État irlandais en 1922, les autorités ont ciblé 1. le développement de l’infrastructure publique et la sécurité sociale Acht na dTithe (Gaeltacht), 1929 Loi de logement 3 Acht na mBéilí Scoile (Gaeltacht) 1930 Loi de restauration scolaire Actions administrées par: Coiste Idir-Ranna Gaeltachta (CnaG) 1926 Comité interministériel sur la Gaeltacht Oifig na Gaeltachta agus na gCeantar gCúng (1951) l’Agence de la Gaeltacht et les endroits étroits [surpeuplés] (qui agissait sous l’autorité de CnaG) 2. l’administration publique à plusieurs niveaux An tAcht Cúirteanna Breithiúntais, 1924 Loi établissant des tribunaux et cours de justice Acht an Ghárda Síochána, 1924 Loi établissant la police nationale Rialacháin na nOifigeach Áitiúil (An Ghaeilge) 1944 Arrêtés sur fonctionnaires communaux (langue irlandaise) An tAcht um Údaráis Áitiúla (Oifigigh agus Fostaithe), 1983 Loi établissant des autorités communaux (officiers et fonctionnaires) An tAcht Pleanála agus Forbartha, 2000 Loi de planification et de développement civil An tAcht Rialtais Áitiúil, 2001 (seirbhísí i nGaeilge) Loi des communes (services en langue irlandaise) An tAcht Oibre Óige, 2001 Loi de jeunes employés 3. la démarcation de zones effectives d’administration en faveur du développement rural et communal An tAcht Airí agus Rúnaithe (Leasú), 1956 Loi des ministres et secrétaires généraux An tAcht um Údarás na Gaeltachta, 1979 Loi établissant l’agence de la Gaeltacht 4. des initiatives scolaires et éducatives dans les Gaeltachtaí An tAcht Oideachais Ghairme Beatha, 1930 Loi d’éducation professionelle Ordú Oideachais Ghairme Beatha (Gaeltacht) 1933 Arrêté d’éducation professionelle (Gaeltacht) An tAcht Oideachais, 1998 (COGG) Loi d’éducation7 Ces quatre cibles et la stratégie de les mettre en œuvre n’ont pas manifestement changé depuis la fondation du Ministère en 1956. Malgré toutes les références à la Gaeltacht il est peut-être remarquable que les buts linguistiques n’aient été qu’indirectement visés : il a été présupposé que le développement linguistique suivrait automatiquement les développements répertoriés ci-dessus. COMPTE RENDU DE L’EFFICACITE DES UNITES GEOGRAPHIQUES PAR RAPPORT AUX BUTS LINGUISTIQUES Il est difficile de conclure que le système d’administration basé sur des unités géographiques ait aidé au développement linguistique de la Gaeltacht. Dans le cas de l’administration 7 Tous disponibles sur www.irishstatutebook.ie 4 étatique et du système d’éducation, les interventions de l’État provoquèrent dans plusieurs cas des effets tout à fait contraires à sa propre politique en faveur de la langue irlandaise. La langue de l’administration des autorités publiques en dedans, et en faveur de la Gaeltacht est, dans un grand nombre de cas, l’anglais, quoique ces autorités eussent été établies sous législation qui stipulait la fourniture de services dans la Gaeltacht dans un cadre reconnaissant les droits linguistiques des habitants. Les fonctionnaires et employés de l’État en charge de fourniture de services, y compris les services policiers, communaux et justiciers, ne possédaient souvent pas la capacité linguistique suffisante pour leur permettre de s’acquitter de leurs obligations professionnelles en irlandais. Le système d’enseignement a favorisé la croissance du taux de remplacement de l’irlandais par l’anglais. Les écoles fonctionnent en dedans de la Gaeltacht, mais en pratique, c’est le Conseil d’administration de chaque école qui décide sa propre politique d’enseignement de langues et en langues. L’épreuve de la Gaeltacht a tendance à indiquer que l’effet de l’unité géographique sur la politique d’éducation au niveau de l’école a été très limité sauf dans le cas où on trouve une grande majorité d’irlandophones actifs ou bien lorsque le conseil de l’école a agréé une politique d’enseignement linguistique effective. En dépit des 50 ans du Ministère de la Gaeltacht8, l’enfant qui parle l’irlandais comme langue maternelle est scolarisé dans le cadre d’un programme national d’études développé pour enfants anglophones. L’irlandais est d’ailleurs une matière dans ce programme national d’études, une situation qui est considérée suffisante pour la scolarisation des irlandophones qui habitent la Gaeltacht. Ce manque de compréhension et de soutien devient encore aggravé en raison des textes officiels eux-mêmes, qui ne sont disponibles la plupart du temps qu’en version traduite ne correspondant souvent pas à l’âge du lecteur. Il est difficile de démontrer que la Gaeltacht en tant qu’unité géographique a favorisé de bons résultats en soi dans le domaine de l’enseignement. Les mêmes résultats auraient pu être réalisés avec un octroi de statut aux écoles au lieu de créer toute une unité géographique. Par contre, dans les domaines d’administration publique et planification civile, des avantages clairement liés au statut géographique, peuvent être notés. Quant à l’administration publique, le statut géographique a aidé à identifier les lieux où les services publics pourraient être offerts en irlandais. Údarás na Gaeltachta, une agence étatique qui agit seulement dans les Gaeltachtaí, a été fondé en 1980 pour mieux cibler l’infrastructure économique et sociale dans les Gaeltachtaí. Údarás na Gaeltachta est en train de développer un système pour pouvoir attacher des cibles linguistiques à leurs actions diverses. Il existe maintenant trois types de Gaeltachtaí du point de vue sociolinguistique. Dans une minorité des Gaeltachtaí, la plupart des habitants parlent l’irlandais. Dans la plupart des Gaeltachtaí, le remplacement de l’irlandais par l’anglais est en train ou déjà achevé. Cette 8 L’autorité du Ministère de la Gaeltacht est maintenant incorporée dans le Department of Arts, Heritage and the Gaeltacht [le Ministère des Arts, de l’Héritage et de la Gaeltacht]. 5 situation rend très complexes les actions de Údarás na Gaeltachta et du Ministère du point de vue linguistique. Depuis l’année 2000, il est évident que la nouvelle loi de planification civile a aidé les Gaeltachtaí en tant qu’unités linguistiques. Les communes doivent dès lors planifier d’une façon qui respecte pleinement les réseaux d’irlandophones. Cette loi a aidé à réduire la pression démographique et économique sur les Gaeltachtaí, surtout sur celles qui se situent près des centres urbains. CONCLUSION Il est possible de constater alors que de baser des services sur des unités géographiques en Irlande n’aboutit automatiquement pas à la mise en œuvre des droits linguistiques des irlandophones. Les cibles sociales et linguistiques devraient être intégrées dans un programme agréé, qui lie les acteurs divers dans un partenariat positif qui soutient la politique de l’État à l’égard de l’irlandais et vise la mise en œuvre des droits linguistiques et civils des irlandophones. Il faut que l’État change ses systèmes et ses actions qui ne soutiennent pas sa propre politique en faveur de la langue irlandaise dans les Gaeltachtaí. Pour que les unités géographiques soient effectives dans leur soutien à la communauté linguistique, en particulaire vis-à-vis des droits linguistiques constitutionnels et législatifs, il est nécessaire que l’État mette en usage ses fonctions et services dans ces unités géographiques en indiquant clairement que l’objectif primaire culturel est de mettre en valeur le statut linguistique de ces unités. Il est également clair que si l’État néglige d’agir conformément à un statut particulier linguistique défini par la loi, la communauté qui devait être soutenue par interventions étatiques finira par être assimilée par la communauté linguistique majoritaire qui l’entoure. Une unité géographique représente un mécanisme législatif qui dérive son sens de sa mise en œuvre au sein du peuple ciblé. Si l’État agit d’une manière qui montre une ambiguïté par rapport à ses fonctions dans les unités géographiques, comment est-ce que la communauté ci-dessus définie peut-elle comprendre la valeur du statut linguistique géographique et agir de façon à favoriser sa langue qui est précaire ? Il faut donc introduire une politique et des services en matière de planification linguistique qui sont bien définis. L’État et le peuple irlandophone devraient agréer la politique et la mise en œuvre des services. Pour jouir d’un statut de Gaeltacht toute communauté géographique candidate devrait jouer son rôle. La limite géographique entoure une dynamique linguistique variée et complexe. Jusqu’à présent, la mise en œuvre des droits linguistiques était soumise à un système qui ne pouvait pas réagir d’une façon efficace au défi du remplacement de l’irlandais par l’anglais, qui peut être plus ou moins avancé dans les diverses Gaeltachtaí. Ce qui n’était pas achevé depuis la création des Gaeltachtaí reste la mise en œuvre des droits linguistiques. Il est donc nécessaire d’agréer des programmes en commun pour promouvoir l’irlandais dans ses domaines d’administration publique et de langue communautaire. Dans les communes où l’irlandais se parle comme langue majoritaire, il faut assurer toute la gamme de services publics et scolaires pour soutenir et valoriser ceux qui prennent la décision au niveau de base, au niveau de la famille, d’éduquer et de socialiser leurs enfants 6 en irlandais. Si l’État ne soutient pas ces familles et ces communes, il agira à l’encontre de ses propres politiques et objectifs. Une telle situation rendrait absurde la notion et l’existence de la Gaeltacht. Dans les Gaeltachtaí où le remplacement de l’irlandais par l’anglais est plus ou moins avancé, l’État devrait lier l’expression de caractère sociale irlandophone au maintien du statut de Gaeltacht. REFERENCES Acht na dTeangacha Oifigiúla, 2003. [En ligne]. Disponible sur: www.irishstatutebook.ie/ZZUI32Y2003.html [consulté 15 janvier 2007]. Central Statistics Office, 2003. Census 2002: Principal Demographic Results. [En ligne]. Disponible sur: www.cso.ie/census/documents/pdr_2002.pdf [consulté 15 janvier 2007]. Central Statistics Office, 2004. Census 2002: Volume 11, Irish Language). [En ligne]. Disponible sur: www.cso.ie/census/documents/vol11_entire.pdf [consulté 15 janvier 2007]. Coimisiún na Gaeltachta, 1926. Gaeltacht Commission: Report. Dublin: Oifig an tSoláthair. Gouvernement d’Irlande, 1937. Bunreacht na hÉireann (Constitution d’Irlande) [En ligne]. Disponible sur: www.taoiseach.gov.ie/attached_files/html%20files/Constitution%20of%20Ireland% 20(Eng)Nov2004.htm [consulté 15 janvier 2007]. Ó Giollagain, C., S. Mac Donnacha et al., 2007. Comprehensive Linguistic Study of the Use of Irish in the Gaeltacht. [En ligne]. Disponible sur: http://www.ahg.gov.ie/en/20YearStrategyfortheIrishLanguage/Publications/Compre hensive%20Linguistic%20Study%20of%20the%20Use%20of%20Irish%20in%20the%2 0Gaeltacht%20%28summary%29.pdf. 7