Le crime dans la famille - Revenir sur

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Le crime dans la famille - Revenir sur
UNIVERSITE DE RENNES 1
FACULTE DE DROIT ET DE SCIENCE POLITIQUE
Ecole doctorale « Droit, Science Politique et Philosophie »
Le crime dans la famille : les exemples du
parricide et de l’uxoricide devant le tribunal
criminel d’Ille-et-Vilaine
Mémoire présenté et soutenu par Dorothée LALLEMENT
Pour le DEA d’Histoire du Droit et des Institutions
Jury
Président
Suffragant
Mme Marie-Yvonne CREPIN
Professeur à l’Université de Rennes 1
M Thierry HAMON
Maître de Conférences H.D.R. en Histoire
du Droit à l’Université de Rennes 1
Septembre 2004
L’Université n’entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans
les mémoires ; ces opinions doivent être considérées comme propres à leurs auteurs.
2
Je remercie Madame le professeur Marie-Yvonne Crépin pour m’avoir confié ce sujet ainsi
que pour sa disponibilité, son aide et ses précieux conseils au cours de cette étude.
Je remercie également Fabien Dorléacq et Claire Veillepeau qui m’ont épaulée tout au long de
ce travail en m’apportant aide et soutien.
3
Sommaire
SOMMAIRE ______________________________________________________________ 4
INTRODUCTION__________________________________________________________ 5
PARTIE I
CHAPITRE 1
Section 1
Section 2
CHAPITRE 2
Section 1
Section 2
Section 3
PARTIE II
CHAPITRE 1
Section 1
Section 2
CHAPITRE 2
Section 1
Section 2
PARTIE III
CHAPITRE 1
Section 1
Section 2
Section 3
CHAPITRE 2
Section 1
Section 2
LA DÉCOUVERTE DU CRIME__________________________________ 9
LA DÉFINITION JURIDIQUE DU PARRICIDE ET DE L’UXORICIDE ____________ 9
Le parricide __________________________________________________ 9
L’uxoricide _________________________________________________ 12
LE CONTEXTE DU CRIME ________________________________________ 15
Le lieu et le moment de la commission du crime_____________________ 15
Les moyens utilisés ___________________________________________ 19
Les mobiles du crime__________________________________________ 23
LA MISE EN ACCUSATION ___________________________________ 27
L’INSTRUCTION : LA PREUVE DU CRIME ET LA RECHERCHE DU COUPABLE __ 27
La découverte du crime ________________________________________ 27
La recherche de la preuve______________________________________ 33
L’ACCUSATION _______________________________________________ 53
L’acte d’accusation ___________________________________________ 53
L’ordonnance de prise de corps _________________________________ 61
LE JUGEMENT ET LA CONDAMNATION ____________________ 66
LA PROCÉDURE DE JUGEMENT DEVANT LE TRIBUNAL CRIMINEL __________ 66
La préparation du procès ______________________________________ 66
Le procès ___________________________________________________ 70
La compétence concurrente du tribunal criminel spécial______________ 82
L’EXÉCUTION DU JUGEMENT ____________________________________ 86
Le pourvoi en cassation________________________________________ 86
L’exécution de la peine ________________________________________ 90
CONCLUSION ___________________________________________________________ 95
ANNEXE 1 TABLEAU DES PARRICIDES ___________________________________ 97
ANNEXE 2 TABLEAU DES UXORICIDES ___________________________________ 98
ANNEXE 3 ARTICLE 372 DU CODE DES DÉLITS ET DES PEINES ____________ 99
ANNEXE 4 L’ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION DU 26 FRUCTIDOR AN XIII
________________________________________________________________________ 100
SOURCES ______________________________________________________________ 104
BIBLIOGRAPHIE _______________________________________________________ 107
TABLE DES MATIÈRES _________________________________________________ 109
4
Introduction
La Révolution de 1789 a eu d’importantes conséquences sur le droit pénal et
notamment à travers la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen votée le 26 août de
cette même année. Cette déclaration définit une nouvelle société, un nouveau droit dont la loi
est l’unique source1. Elle met notamment fin à l’arbitraire des juges et au droit de grâce du
roi2.
C’est dans ce contexte que le tribunal criminel est instauré par l’Assemblée constituante.
Véritable innovation, ce tribunal est compétent pour les crimes les plus graves. Il se compose
de juges, d’un commissaire du roi et d’un accusateur public formant à eux deux le ministère
public. L’accusé est entendu et jugé par un jury. Le jury intervient à deux moments : lors de la
mise en accusation et lors du jugement. Composé d’électeurs, il est le véritable symbole de la
Révolution. Il s’agit ici d’une expression de souveraineté liée au droit de vote, l’accusé sera
jugé par ses pairs, les juges devant uniquement appliquer strictement la loi.
La volonté de rompre avec l’Ancien Régime se retrouve également à travers les termes
utilisés. En effet,
« cour » et « arrêt » sont abandonnés au profit de « tribunal » et
« jugement »3. Cependant, à partir de la Constitution de l’an XII, les termes de l’Ancien
Régime sont de nouveau utilisés4.
Le tribunal criminel sera remplacé par la Cour d’assises instituée par le Code d’instruction
criminelle de 1808. Toutefois, cette cour ne sera mise en place qu’avec l’entrée en vigueur du
Code pénal de 1810 c’est-à-dire en 1811.
Le décret des 16-29 septembre 1791 concernant la police de sûreté, la justice
criminelle et l’établissement des jurés5 instaure trois étapes bien distinctes dans la procédure :
l’instruction préparatoire au niveau cantonal, la mise en accusation au niveau du district et le
jugement au niveau départemental. Sur ce dernier point, il convient de préciser qu’il existe un
tribunal criminel par département.
1
J-M. CARBASSE, Histoire du droit pénal et de la justice criminelle, Paris, Presses Universitaires de France,
collection Droit fondamental, 1ère édition, décembre 2000, pages 371 et 372.
2
Le droit de grâce sera rétabli dès l’an X en faveur du Premier Consul. Cf. J-M. CARBASSE, op. cit., page 400.
3
J-L. HALPERIN, Le tribunal de cassation et les pouvoirs sous la Révolution (1790-1799), Paris, Bibliothèque
d’histoire du droit et droit romain, sous la direction de P.C. TIMBAL professeur émérite à l’Université de Paris
II, Tome XXIII, Librairie générale de droit et de jurisprudence, 1987, page 83.
4
Article 136 de la Constitution de l’an XII in Les Constitutions de la France depuis 1789, Tours, GF
Flammarion, 1984, page 206.
5
Une difficulté apparaît cependant au sujet de la procédure. En effet, si le décret n’a été que
très légèrement modifié par le Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV , l’accession
au pouvoir de Napoléon Bonaparte entraîne une modification importante de la procédure et de
l’organisation judiciaire. Ce changement modifie chacune des étapes vues ci-dessus.
L’instruction, notamment, va avoir tendance à redevenir secrète et écrite.
De plus, la loi du 18 pluviôse an IX instaure, dans certains départements, des tribunaux
criminels spéciaux compétents en cas d’assassinats prémédités concurremment avec le
tribunal criminel du département. Un de ces tribunaux est créé en Ille-et-Vilaine. Ses
membres sont nommés par le Premier Consul et le jury y est supprimé car considéré comme
faible et corrompu6.
Dix-huit uxoricides et quatre parricides ont été jugés par le tribunal criminel d’Ille-et-Vilaine
et un uxoricide par le tribunal criminel spécial de ce même département.
Le premier code pénal est rédigé à cette époque par les Constituants, il s’agit du Code
pénal des 25 septembre-6 octobre 17917. Il définit les crimes contre les personnes.
Le parricide est défini par le Code pénal de 1791 comme le meurtre d’un ascendant c’est-àdire le père, la mère légitimes ou naturels ou les grands-parents mais uniquement légitimes. Il
fait donc l’objet d’une définition particulière tout comme dans l’ancien droit. En effet, il est
considéré comme le crime suprême8. Cependant, dans l’ancien droit, la qualification de
parricide était étendue au meurtre d’autres membres de la famille comme le frère, la sœur,
l’oncle, la tante, les beaux-parents ou encore l’enfant9. Le parricide encourait le supplice de la
roue et si la victime était un ascendant, le condamné subissait une amputation préalable du
poing10. Sous le Code pénal, il encourt « uniquement » la peine de mort par décapitation.
Quant au terme « uxoricide », il est issu du droit canonique et définit le meurtre commis par le
mari envers sa femme et inversement, celui commis par la femme sur son mari. Ce terme est
5
Décret des 16-29 septembre 1791 concernant la police de sûreté, la justice criminelle et l’établissement des
jurés in J-B. DUVERGIER, Collection complète des lois, décrets, ordonnances, réglemens, et avis du Conseil
d’Etat, Paris, éditions officielles du Louvre, 1824, Tome III, pages 331 à 348.
6
G. BOUËSSEL DU BOURG, L’activité du Tribunal spécial en Ille-et-Vilaine de 1801 à 1811, Université de
Rennes 1, Mémoire d’Histoire du Droit, 2003.
7
Article 10 de la première section du titre II du Code pénal de 1791, J-B. DUVERGIER, op. cit., 1824, Tome
III, pages 403 à 419.
8
L. TAUZIN, Le parricide en Cour d’assises de 1811 à 1894 en Ille-et-Vilaine, Université de Rennes 1,
Mémoire d’Histoire du Droit, 1995.
9
Cependant, l’homicide de descendants en bas âge relève de l’incrimination de l’infanticide. Cf. J-M.
CARBASSE, op. cit., page 322.
10
J-M. CARBASSE, op. cit., page 322.
6
repris par la doctrine dès l’Ancien Régime mais n’est pas utilisé dans les lois11. Avant le Code
pénal de 179112, ce crime était assimilé au parricide et donc puni de mort. A partir de ce code
il est considéré comme n’importe quel autre homicide. La peine encourue diffère ainsi selon
les circonstances de l’homicide. De plus, le mariage perd son caractère sacré à cette période.
La loi du 20 septembre 1792 instaurant le divorce, une question se pose : cela entraîne-t-il une
baisse des uxoricides, le mariage pouvant être dorénavant dissous autrement que par la mort ?
Enfin, il apparaît en étudiant les parricides et les uxoricides que ces crimes ont été commis en
milieu rural, ce qui n’est pas surprenant, la Bretagne étant rurale à cette époque.
Le Code pénal de 1791 définit également un système de peines fixes. Le juge n’a plus
aucun pouvoir d’appréciation sur la peine, il doit appliquer celle que le code prévoit. Les idées
des Lumières et la Déclaration des droits et de l’homme et du citoyen de 1789 y sont très
présentes. L’emprisonnement y tient un grand rôle, il varie selon la gravité du crime : les fers,
la réclusion dans une maison de force, la gêne, la détention, la déportation. Le travail est
associé à chacune de ces peines mais selon les cas, il est imposé ou proposé. Pour les
Constituants, la peine doit avoir une utilité sociale, les détenus devant s’améliorer avec le
travail. La solitude doit permettre aux condamnés de faire un retour sur eux-même13. La
prison, uniquement préventive sous l’Ancien Régime, devient donc une peine à part entière
sous la Révolution. Dix ans après avoir subi sa peine, l’ancien condamné pourra demander sa
réhabilitation. Elle est réalisée lors d’une cérémonie publique qui efface la tache du crime14.
Quant à la peine de mort, elle a suscité de vifs débats et ce, bien avant la Révolution.
Néanmoins, les Constituants prendront la décision de la maintenir mais en la rendant moins
cruelle. Dorénavant, le condamné aura la tête tranchée.
Cependant la peine de mort faillit être abolie. En effet, le 4 brumaire an IV, l’assemblée vote
cette disposition : « A dater du jour de la publication de la paix générale, la peine de mort
sera abolie dans la République française »15 mais Napoléon Bonaparte fit voter le 29
décembre 1801 ce texte selon lequel « la peine de mort continuera à être appliquée dans les
cas déterminés par les lois, jusqu’à ce qu’il en est été autrement décidé »16.
11
M-Y. CREPIN, Violences conjugales en Bretagne : la répression de l’uxoricide au XVIIIème siècle, in
Mémoires de la Société d’Histoire et d’Archéologie de Bretagne, 1995, pages 163 à 175.
12
Code pénal des 25 septembre-6octobre 1791 in J-B. DUVERGIER, op. cit.
13
J-G. PETIT, Ces peines obscures. La prison pénale en France 1780-1875, Rungis, Fayard, page 52.
14
J-G. PETIT, op. cit., page 49.
15
A. LAINGUI, Dictionnaire de la culture juridique, au mot Peine de mort, sous la direction de D. ALLAND et
S. RIALS, Paris, Lamy, Presses Universitaires de France, collection Quadrige, 1ère édition, octobre 2003, pages
1141 à 1145.
16
Idem.
7
Les archives départementales d’Ille-et-Vilaine concernant les affaires dont le tribunal
criminel a eu à connaître et relatives aux crimes de parricides et d’uxoricides, comportent
pour certaines, la procédure complète. Il est donc possible de la suivre de la découverte du
cadavre jusqu’au jugement du tribunal de cassation si un pourvoi est formé et dans le cas
contraire, jusqu’au jugement rendu par le tribunal criminel d’Ille-et-Vilaine. Cependant, ces
pièces ne permettent pas de connaître les plaidoiries des avocats lors de la séance de
jugement. Ces documents offrent également la possibilité d’étudier les circonstances du
crime, notamment à travers les constations sur les lieux et les témoignages.
Il paraît intéressant d’examiner ces affaires à travers trois parties représentant les trois
étapes chronologiques dans le suivi d’une affaire. La découverte du crime, la mise en
accusation et le jugement suivi de la condamnation vont donc être étudiés successivement.
8
Partie I
La découverte du crime
La découverte du crime et de ses circonstances constitue la première étape permettant
le début de l’instruction. Cependant, il convient de définir dans un premier temps les crimes
spécifiques que sont le parricide et l’uxoricide afin de mieux les appréhender.
Chapitre 1
La définition juridique du parricide et de l’uxoricide
Le Code pénal de 1791 se compose de deux parties chacune divisée en titres puis en
sections. La deuxième partie traite des crimes contre les particuliers, et le deuxième titre de
celle-ci s’intéresse plus précisément aux crimes et à leur punition. La section première de ce
titre intitulée « Crimes et attentats contre les personnes » est consacrée aux homicides.
Le parricide et l’uxoricide sont deux homicides qui seront définis dans deux sections
successives.
Section 1
Le parricide
Le parricide possède une définition particulière, il se distingue de l’homicide de droit
commun. Il est défini à l’article 10 de la première section du titre II de la seconde partie du
Code pénal de 1791, disposant que « si le meurtre est commis dans la personne du père ou de
la mère légitimes ou naturels, ou de tout autre ascendant légitime du coupable, le parricide
sera puni de mort (…) ». Deux des éléments constitutifs de l’infraction apparaissent alors :
pour qu’il y ait parricide, il faut qu’un homicide ait été commis et qu’un ascendant du
coupable en ait été la victime. De plus, il doit avoir été commis volontairement. Le parricide
connaît peu d’excuses.
I.
Les éléments constitutifs du parricide
Comme vu précédemment, ces éléments que sont le meurtre, la qualité d’ascendant de
la victime et l’intention homicide, vont être successivement étudiés.
9
A. Un meurtre
Le meurtre est défini au sein de la première section, à l’article 8. Selon cet article,
« l’homicide commis sans préméditation, sera qualifié de meurtre, et puni de la peine de vingt
années de fers ». Or, le parricide est un meurtre puni de la peine de mort, il s’agit donc d’un
meurtre aggravé. De plus, il apparaît à la lecture des articles 8 et 10 de cette première section
que la préméditation n’est pas un élément requis pour la qualification de l’infraction de
parricide.
Lors des questions posées au jury de jugement, il est possible que la question concernant la
préméditation ne lui soit pas posée. Dans la déclaration des jurés de jugement sur la
culpabilité de Julien Delions dans l’homicide de son père, par exemple, il est dit « (…) que
Jullien Delions fils est convaincu d’etre autheur de cet homicide, qu’il l’a commis
volontairement, que l’homicide ne lui a pas eté indispensablement commandé par la necessité
actuelle de la legitime deffense de soi ou d’autruy »17.
Seulement deux des parricides ont été commis sans préméditation.
B. La victime : un ascendant du coupable
La victime doit être un ascendant du coupable, il peut s’agir des pères et mères
légitimes ou naturels ainsi que tout autre ascendant du coupable mais ce dernier doit être
légitime. Le Code pénal de 1791 ne prend donc pas en compte les ascendants naturels autre
que le père ou la mère naturels. Si un homicide est commis contre ces derniers, il s’agira d’un
homicide de droit commun et non d’un parricide.
Dans les cas de parricides jugés par le tribunal criminel d’Ille-et-Vilaine, les quatre hommes
poursuivis étaient accusés d’avoir tué ou tenté de tuer leur père.
C. L’intention homicide
Le parricide doit avoir été commis volontairement, dans le dessein de tuer. Cela
apparaît à la lecture de la première section du titre II de la seconde partie du Code pénal de
1791. En effet, le parricide est classé parmi les homicides volontaires, d’ailleurs, l’article 7 de
cette section dispose que « (…) tout homicide commis volontairement envers quelques
personnes, avec quelques armes, instrumens ou par quelque moyen que ce soit, sera qualifié
17
Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, L 2814 et L 3074, jugement du 16 nivôse an VII.
10
et puni ainsi qu’il suit, selon les caractères et circonstances du crime ». Cet article annonce
les dispositions qui vont suivre notamment celles de l’article 10 traitant des parricides.
L’intention homicide est un élément essentiel à la qualification de l’infraction de ce crime,
ainsi les jurés de jugement auront à répondre à des questions sur la volonté des parricides.
Dans l’affaire concernant Etienne Behours accusé d’avoir tué son père, les jurés devront
répondre à la question suivante : « Etienne Behours a t il agi volontairement ? »18.
II.
Les excuses au parricide
A la lecture de l’article 10 de la première section du titre II de la seconde partie du
Code pénal de 1791, il apparaît que l’excuse de l’article 9 de cette même section n’est pas
admise. Selon cet article, « lorsque le meurtre sera la suite d’une provocation violente, sans
toutefois que le fait puisse être qualifié homicide légitime, il pourra être déclaré excusable, et
la peine sera de dix ans de gêne (…) ». La provocation violente ne peut donc pas être
invoquée comme excuse au parricide à la différence des autres homicides.
L’article 10 n’excluant que les excuses de l’article 9, les homicides involontaire, légal
et légitime sont acceptés. La déclaration des jurés dans l’affaire Delions en est l’exemple.
Selon les articles 1 et 2 de cette section, l’homicide est involontaire s’il est commis par
accident. Une différence est faite uniquement au niveau des indemnités éventuelles que
pourraient recevoir la victime suivant qu’il est dû à l’imprudence ou à la négligence de
l’auteur.
Les articles 3 et 4 de cette section sont consacrés à l’homicide légal. L’article 4 le définit plus
précisément comme un homicide « (…) ordonné par la loi, et commandé par une autorité
légitime ».
Les articles 5 et 6 sont relatifs à l’homicide légitime. L’article 6 expose que c’est un
homicide « (…) indispensablement commandé par la nécessité actuelle de la légitime défense
de soi-même ou d’autrui ».
Les jurés de jugement du tribunal criminel n’ont admis aucune de ces excuses dans les quatre
cas de parricide jugés.
18
Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 51, questions posées au jury de jugement lors du procès du 16
fructidor an VIII.
11
Section 2
L’uxoricide
Comme vu précédemment dans l’introduction, ce terme définit l’homicide commis par
un époux sur son conjoint.
Le terme même d’uxoricide n’étant plus employé, il n’est pas utilisé devant le tribunal
criminel. Cependant, dans l’affaire Tehel, ce terme apparaît dans deux pièces de procédure
dont une lettre du juge de paix de la ville de Dol au magistrat de sûreté pour l’arrondissement
de Saint Malo dans lequel il fait référence au « (…) délit d’uxoricide dont est prévenu Jean
Etienne Tehel pilote cotier, de la commune de Mont Dol »19.
N’étant pas prévu spécialement par le Code pénal, l’uxoricide est donc considéré comme un
homicide de droit commun contrairement au parricide. Les articles 8 et 9 concernant les
homicides sans préméditation ( meurtres) et les articles 11 à 16 relatifs aux homicides avec
préméditation (assassinats ou empoisonnements) de la première section du titre II de la
seconde partie du Code pénal de 1791 vont s’appliquer à ce crime. Trois éléments constitutifs
constants résultent de ces articles: pour qu’il y ait uxoricide, il faut qu’il y ait eu un meurtre
ou assassinat, que cet homicide ait été commis par le mari envers sa femme ou inversement
par la femme envers son mari et qu’il ait été commis volontairement.
Un quatrième élément constitutif sera requis pour l’assassinat et l’empoisonnement, il s’agit
de la préméditation.
I.
Les éléments constitutifs de l’uxoricide
Les éléments constitutifs de l’uxoricide que sont l’homicide, la qualité de conjoint de
la victime et l’intention homicide voire également la préméditation dans certains cas vont être
étudiés successivement.
A. Un homicide
Concernant le meurtre, ce dernier est défini à l’article 8 comme vu précédemment au
sujet du parricide. Il apparaît donc que l’uxoricide puisse être commis sans préméditation et
dans ce cas, il sera puni de vingt années de fers. Ainsi, Pierre Morel est reconnu avoir tué
volontairement sa femme mais sans préméditation20.
19
Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 146, lettre du 19 janvier 1808.
12
L’homicide commis avec préméditation est qualifié par l’article 11 d’assassinat et est
puni de mort. Le tribunal criminel d’Ille-et-Vilaine a eu à connaître de dix uxoricides avec
préméditation.
L’empoisonnement est un assassinat particulier. Il est réprimé, ainsi que sa tentative, par les
articles 12 et 15 de la première section du titre II de la seconde partie du Code pénal. L’article
12 le définit comme l’homicide commis volontairement par poison. L’article 15 y assimile
l’empoisonnement non consommé c’est-à-dire quand il « (…) aura été effectué ou lorsque le
poison aura été présenté ou mêlé avec des alimens ou breuvages spécialement destinés, soit à
l’usage de la personne contre laquelle ledit attentat aura été rédigé, soit à l’usage de toute
une famille, société ou habitans d’une même maison, soit à l’usage du public ».
Lorsque le résultat de l’infraction n’a pas été atteint c’est-à-dire lorsque la victime
n’est pas décédée, l’article 13 va fixer les conditions pour que la tentative soit punie. Cet
article dispose que « l’assassinat, quoique non consommé, sera puni de la peine portée en
l’article 11, lorsque l’attaque à dessein de tuer aura été effectuée ». Il en résulta que lorsque
les éléments constitutifs de l’assassinat sont réunis excepté le décès de la victime, la tentative
sera également punie de la peine de mort. C’est ainsi que Madeleine Davory va être
condamnée par le tribunal criminel du département d’Ille-et-Vilaine à la peine de mort pour
avoir tenté d’assassiner son mari, Joseph de La Marre21.
B. La victime : l’époux
La victime doit donc être l’épouse ou l’époux de l’auteur du crime. La qualité de
femme ou de mari de la victime (ou de l’auteur) est rappelée lors de la procédure et du
jugement. Dans ce dernier cas notamment, le chef des jurés lors de sa déclaration rappelle le
lien unissant l’auteur et la victime. Il sera reconnu par exemple, « (…) qu’un homicide a été
commis […] dans la personne de Julien Hamon, que le fait est constant ; que Mathurine
Hubert veuve dudit Hamon est auteur du fait (…) »22.
C. L’intention homicide
L’intention de tuer est également l’un des éléments constitutifs de l’uxoricide.
Comme, vu précédemment pour le parricide, l’article 7 de la première section du deuxième
20
21
Ibidem, 2 U 69, lettre du 19 janvier 1808.
Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 82, jugement du 18 messidor an VIII.
13
titre de la seconde partie du Code pénal de 1791 annonce les dispositions concernant les
homicides volontaires.
En conséquence, la question de l’intention va être posée, entre autre, au jury de jugement.
Ainsi, lors de la séance de jugement du 19 brumaire an VIII, les jurés ont dû notamment
répondre, concernant les coups que Julien Jumel avait assénés à sa femme, à la question
suivante : « les a t il commis a dessein de tuer la ditte Anne Lefebvre »23.
II.
Les excuses à l’uxoricide
Des excuses peuvent être invoquées par l’auteur du crime afin d’alléger sa peine, voire
même de ne pas être condamné. Tout d’abord, l’excuse de provocation violente de l’article 9
de la première section du titre II de la seconde partie du Code pénal de 1791 est admise,
contrairement au parricide. Cette excuse sera une seule fois prise en compte par le tribunal
criminel dans l’affaire de Mathurine Hubert, son époux venant de battre la fille de cette
dernière très violemment24.
L’article 9 précise toutefois, dans son deuxième alinéa, que « la provocation par injures
verbales ne pourra, en aucun cas, être admise comme excuse de meurtre ».
Comme pour le parricide, les excuses d’homicides involontaire, légal ou légitime des articles
1 à 7 de cette première section sont admises. Cependant aucune de ces excuses n’a été retenue
concernant les uxoricides devant le tribunal criminel.
Enfin, l’excuse de la folie est admise. Jean Bienassis25 et Pierre Legaud26, auteurs d’uxoricides
ont bénéficié de cette excuse.
Les crimes étant définis, il convient d’observer les conditions dans lesquelles ils ont
été commis.
22
Ibidem, L 2948, déclaration du chef du jury de jugement du 15 frimaire an III.
Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 38, questions posées au jury de jugement lors du procès du 19
brumaire an VIII.
24
Ibidem, L 2948, déclaration du chef du jury de jugement du 15 frimaire an III.
25
Ibidem, 2 U 43, jugement du 26 prairial an VIII.
26
Ibidem, 2 U 56, jugement du 15 frimaire an IX.
23
14
Chapitre 2
Le contexte du crime
Afin de mieux comprendre le crime, son contexte doit être observé. Ce dernier
comprend tout d’abord les conditions d’espace et de temps dans lesquelles les uxoricides et
les parricides ont été commis, puis les moyens utilisés et les mobiles qui les ont entraînés.
Section 1
Le lieu et le moment de la commission du crime
Les auteurs et les victimes vivant dans un milieu rural, les homicides sont commis
dans les champs, les bois et autres endroits du même type. Cependant, il apparaît à travers les
affaires étudiées que les criminels semblent attendre plutôt le soir pour commettre leurs
méfaits.
I.
Le lieu du crime
Les lieux des parricides vont être décrits dans un premier temps puis dans un second
temps celui des uxoricides.
A. Le lieu de commission des parricides
Il apparaît que les parricides commis par Julien Delions et par Etienne Behours, ont
eu lieu à l’intérieur de la maison familiale. Le père du premier a été retrouvé mort dans le
grenier par sa femme. Ainsi Marie Le Vacher n’ayant pas revu son mari depuis la veille au
soir, « (…) se leva monta au dit grenier y trouva son mari couché sur le ventre proche un
amas de foin (…) »27.
Quant à Pierre Behours, il fut frappé par son fils alors qu’il se trouvait dans son lit. Un soir,
vers les dix heures, Etienne Behours vint chez son père, « (…) le trouva couché, dut le
frapper et tellement le maltraiter qu’il l’obligea de se lever, fuir de sa maison (…) »28.Son
père mourut trente jours plus tard…
27
Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, L 3074, procès-verbal du délit et de déclaration de témoins du 7
juillet 1792.
28
Ibidem, 2 U 51, ordonnance de prise de corps du 10 thermidor an VIII.
15
Les deux autres parricides ont été commis dans des lieux plus éloignés de la demeure
familiale. Le père de René Boulaix fut retrouvé « (…) dans les prés nommés les petits prés
des cassoïs près le bourg et en la commune de Rimou (…) »29.
Quant à Jean Villeneuve père, « (…) il fut trouvé, sans connoissance et dans un etat qui
annonçoit sa mort prochainne, dans un chemin nommé le chemin sanglant auprès de la porte
du parc en la paroisse des Iffs (…) », ce parc se trouvant dans les environs de son domicile30.
B. Le lieu de commission des uxoricides
Les uxoricides ont été commis majoritairement au sein du foyer familial (au total dix
sur dix-neuf). Par exemple, Georges Hubert, époux de Jeanne Delanoe, « (…) fut dans sa
propre maison frappé, avec les cinq heures du soir, d’un couteau qui lui fit au ventre une
blessure des suites de laquelle il mourut le lendemain (…) »31.
Les empoisonnements sont commis au sein de la maison et, le plus souvent, dans la cuisine
au moment du repas, le poison étant mélangé à la nourriture. Par exemple, François Moulin
empoisonna sa femme, en taillant « (…) la soupe pour le diner (…) »32.
Les uxoricides sont également commis aux alentours de la maison familiale soit dans
le jardin soit dans la cour. Pierre Tardif frappant sa femme, « (…) lui donna plusieurs coups
de fouet, […] il l’a prit et la jetta par dessus des groseliers dans le jardin au midi de sa
maison (…) »33.
Parfois, l’homicide a lieu dans des endroits plus ou moins éloignés du domicile
conjugal comme un parc, un bois, un champ, un lavoir ou même dans la maison d’une tierce
personne. C’est ainsi que Vincent Valotaire s’étant rendu chez sa belle-soeur et « (…) ayant
reconnu sa femme assise près le foyer, lui porta un coup de bäton sur la tête (…) »34.
L’auteur du crime peut souhaiter un endroit un peu éloigné, hors de la présence de tout témoin
pour pouvoir commettre l’uxoricide. La femme de Julien Legendre, Anne Lagrée, « (…) fut
assassinée dans le bois de la Gretais commune d’Acigné peu eloigné du village de la
Bonnaudiere, où ledit Legendre et sa dite femme étaient venus demeurer depuis quelques
29
Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 116, acte du magistrat de sûreté (sans date).
Ibidem, L 2886, ordonnance de prise de corps du 1er mai 1792.
31
Ibidem, 2 U 160, ordonnance de prise de corps du 15 février 1810.
32
Ibidem, 2 U 161, ordonnance de prise de corps du 30 juin 1810.
33
Ibidem, 2 U 133, acte d’accusation du 23 septembre 1806.
34
Ibidem, 2 U 61, acte d’accusation du 8 fructidor an VIII.
30
16
mois (…) »35. L’épouse de François Gaslain, Marie Liesse « (…) fût entendue plusieurs fois
pousser des cris du côté du lavoir (…) » par des personnes. Ces dernières, en arrivant au dit
lieu « (…) ne virent plus personnes autour, mais seulement le corps de Marie Liesse plongé
dans l’eau (…) »36.
C. Le cas particulier du déplacement du cadavre
Il est possible que dans ces différents crimes de parricide et d’uxoricide, le lieu de
l’homicide soit différent de celui où le corps de la victime a été retrouvé. Le cadavre peut
avoir été déplacé par l’auteur du crime comme ce fut le cas pour la femme de Louis Deniel,
qui étant allé chez son mari, reçut un coup de poing qui la tua. Le juge de paix s’étant rendu
sur les lieux, trouva « (…) dans un puits près la ferme de Malac, le cadavre d’une femme qui
fût réconnu pour être celui de la dite Anne Gislais (…) »37. Jean Bienassis se débarrassa
également du corps de sa femme, il « (…) jetta le cadavre dans la marre de la petite prée au
pignon vers le nord de la grange dudit lieu du Val de Bas (…) »38.
Il apparaît que lorsque le corps est caché par l’auteur de l’homicide, ce dernier aura
tendance à le déposer dans une rivière, un ruisseau, une mare ou encore un puits comme nous
avons pu l’observer précédemment avec Louis Deniel.
Il arrive que la victime ne soit pas décédée au moment où elle est abandonnée par
l’auteur du crime et qu’avant de mourir, cette dernière puisse se déplacer seule jusqu’au lieu
où elle sera retrouvée. Ainsi, Jean Villeneuve, avant de décéder des suites des coups portés
par son fils, fut aperçu avancer difficilement vers son village : « (…) le sieur De Villeneusse
père etoit tombé, en faisant routte de Becherel vers sa demeure, jusqu’a trois fois dans un
ruisseau et dessus un fossé dans un champs au nord du moulin de Theloyer et une seconde
fois au pied du même tallus, dans le chemin, la tête la prémiere et sur le visage (…) »39 .
35
Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 37, ordonnance de prise de corps du 28 ventôse an VII.
Ibidem, 7 U 79, acte d’accusation du 24 septembre 1808.
37
Ibidem, 2 U 59, ordonnance de prise de corps du 30 germinal an XII.
38
Ibidem, 2 U 43, ordonnance de prise de corps du 6 floréal an VIII.
39
Ibidem, L 2886, ordonnance de prise de corps du 1er mai 1792.
36
17
II.
Le moment du crime
Il s’agit de savoir si les parricides et les uxoricides sont commis plus facilement le jour
ou la nuit et si des conclusions peuvent être tirées de cette observation.
A. Le moment de commission du parricide
En examinant les parricides, il apparaît que deux ont été commis en fin d’après-midi
ou en début de soirée. Ainsi par exemple, Michel Boulaix, père de René Boulaix fut tué « (…)
entre les cinq a six heures du soir (…) »40.
Les deux autres ont été commis durant la nuit comme ce fut le cas pour Etienne Behours qui
frappa son père « (…) environ les dix heures du soir (…) »41.
Cependant, il n’y a pas assez de cas pour pouvoir tirer des conclusions.
B. Le moment de commission de l’uxoricide
Les uxoricides sont commis, approximativement, autant le jour (11) que la nuit (9).
Cette tendance se confirme que les uxoricides soient commis tant par des hommes que par des
femmes. En effet, trois femmes sur cinq et six hommes sur quatorze ont tué ou tenté de tuer
leur conjoint durant la nuit.
Concernant les crimes commis le jour, l’homicide peut être la conséquence d’une dispute
entre les époux. Ainsi, dans un interrogatoire de François Gaslain, le juge de la Cour
criminelle spéciale d’Ille-et-Vilaine lui souligne :
« (…) il est appris contre vous, que le meme jour vous étiez environ midi et demi en dispute
avec votre femme sur le bord du Douet, qu’environ trois quarts d’heure après, vous futes vu
seul debout sur le bord de ce meme endroit, ayant les yeux fixés sur l’eau (…) »42.
Lorsque l’uxoricide est commis la nuit, cela permet aux criminels de ne pas être vus et
d’espérer, en conséquence, pouvoir échapper à une éventuelle poursuite judiciaire. Cependant,
il arrive que des personnes aient entendu des cris provenant du lieu du crime et que cela
permette de confondre le coupable. Jeanne Mury, par exemple, femme de Jean Etienne Tehel,
fut tuée par ce dernier à leur domicile. Elle était rentrée de chez l’aubergiste accompagnée de
40
Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 116, acte du magistrat de sûreté (sans date).
Ibidem, 2 U 51, acte d’accusation du 24 germinal an XII.
42
Ibidem, 7 U 79, interrogatoire du 2 août 1808.
41
18
la femme de ce dernier et « (…) tout au plus un demi quart d’heure après (l’aubergiste et
d’autres personnes) entendirent la femme Tehel crier par trois fois hola, hola, hola (…) »43.
Les auteurs des crimes peuvent être vus peu de temps après le crime, la nuit, dans un lieu
inhabituel comme Jacques Peignard qui fut rencontré à quatre heures et demie du matin sur un
chemin. Etonnée, la personne lui demanda ce qu’il faisait là, « (…) il repondit qu’il venait de
chez sa mere (…) » ce qui s’avéra faux par la suite44.
Il apparaît donc que les lieux de commission des crimes sont très différents et que le
moment importe peu.
Section 2
Les moyens utilisés
Les moyens utilisés pour tuer ou tenter de tuer la victime, sont les mêmes qu’il
s’agisse des parricides ou des uxoricides. Ils sont commis soit par noyade, soit par
l’intermédiaire d’armes, soit, enfin, par empoisonnement.
I.
Les moyens communément employés pour donner la mort
Dans les affaires de parricides et d’uxoricides soumises au tribunal criminel d’Ille-etVilaine, hormis les quatre cas d’empoisonnement, huit ont été commis par l’intermédiaire
d’une arme et deux par noyade. Quant aux neuf derniers crimes, des coups ont été portés, le
moyen utilisé n’étant pas expressément donné. Seules des suppositions peuvent être faites à
partir des actes de la procédure. Ainsi, dans l’affaire concernant Pierre Billet, l’officier de
santé émet une hypothèse dans le procès verbal d’ouverture du cadavre en date du 27
brumaire an VIII : « (…) il est probable que Jeanne Hubert femme Billet est morte forcement,
et non de cause naturelle, et les causes qui ont pû l’occasionner, soit chûtes, ou coups violents
(…) »45.
43
Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 146, audition de témoins du 18 janvier 1808.
Ibidem, 2 U 135, acte d’accusation du 24 germinal an XII.
45
Ibidem, 2 U 41, procès-verbal d’ouverture du cadavre du 27 brumaire an VIII.
44
19
A. La mort par noyade
Trois femmes ont été retrouvées gisantes dans l’eau. L’autopsie permet de révéler si la
victime est effectivement décédée par noyade. Marie Liesse, épouse de François Gaslain a été
retrouvée morte dans l’eau près d’un lavoir après une dispute avec son mari, la conclusion du
procès verbal du docteur « (…) fut que les contusions et exoriations trouvées sur la cadavre
n’avoient point produit la mort, mais qu’elle étoit l’effet de l’asphyxie par submersion (…) »46
et permit ainsi de déterminer les causes de la mort.
Jeanne Coudray, épouse de Jacques Peignard, a été également victime de coups puis noyée
dans une rivière47.
Au contraire, il peut résulter de cet examen que la victime était déjà morte au moment où son
corps a été jeté dans l’eau comme ce fut le cas pour le corps de Anne Gislais, femme de Louis
Deniel48.
B. L’utilisation d’armes
Les armes utilisées sont parfois des objets de la vie quotidienne. Il peut s’agir d’un
couteau comme pour l’uxoricide commis par Jeanne Delanoe49 ou encore pour celui de la
femme de Vincent Valotaire. Après l’avoir frappée sur la tête, ce dernier « (…) tira un
couteau de sa poche, l’ouvrit […], le plongea dans le coté gauche près la hanche de la ditte
Le Moine qui a ce coup tomba immobile (…) »50.
Le bâton est également utilisé comme arme. Julien Delions fils, par exemple, « (…) coupa un
morceau de bois dont tout annonce qu’il frapa Jullien Delion pere à la tête (…) », coup qui
« (…) a occasionné la mort subite et violente de Jullien Delion pere (…) »51.
Des coups de fourche ou de bêche peuvent également être la cause du décès, ce qui n’est pas
surprenant puisque les familles examinées sont rurales. C’est ainsi que Mathurine Hubert se
battant avec son mari « s’approcha de la porte de l’étable, une bêche à la main, dont elle
porta un coup sur la tête de Julien Hamon »52.
46
Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 7 U 79, acte d’accusation du 24 septembre 1808.
Ibidem, 2 U 135, acte d’accusation du 30 germinal an XII.
48
Ibidem, 2 U 59, acte d’accusation du 30 frimaire an IX.
49
Ibidem, 2 U 160, acte d’accusation du 9 février 1810.
50
Ibidem, 2 U 61, acte d’accusation du 8 fructidor an VIII.
51
Ibidem, L 2814, acte d’accusation du 16 juillet 1792.
52
Ibidem, L 2948, acte d’accusation du 17 brumaire an III.
47
20
Enfin, l’auteur du crime peut avoir prévu une arme spécifique voire même se servir d’une
tierce personne, pour le commettre. C’est le cas de Madeleine Davory qui a fourni un pistolet
à Pierre Odye afin que celui-ci tue son mari53.
L’empoisonnement, quant à lui, ne laisse pas de trace visible et en conséquence, des
recherches approfondies doivent être effectuées.
II.
Le cas particulier de l’empoisonnement
Seuls quatre uxoricides ont été commis par poison. Deux hommes et deux femmes ont
utilisé ce moyen et l’idée répandue selon laquelle le poison est une arme féminine54 ne se
vérifie pas ici.
L’empoisonnement est difficile à prouver, en effet, rien ne permet de dire qu’une personne est
morte empoisonnée au seul regard du cadavre. Plusieurs techniques permettent de le savoir.
A. Les moyens de se procurer du poison
L’édit de juillet 1682 relatif à l’empoisonnement, établi suite à l’ « Affaire des
Poisons » par Louis XIV, réglemente le trafic des substances vénéneuses55. Selon l’article 7 de
cet édit, seuls les marchands demeurant dans les villes peuvent vendre notamment de l’arsenic
(seul poison employé dans les affaires étudiées ici) aux seuls médecins, apothicaires,
chirurgiens, orfèvres, teinturiers, maréchaux et autres personnes publiques qui, par leur
profession, sont obligés d’en employer. La vente est ensuite inscrite dans un registre. Les
personnes inconnues aux marchands doivent apporter des certificats contenant leurs noms,
demeures et professions, signés des juges des lieux, ou d’un notaire, ou de deux témoins, ou
du curé et de deux principaux habitants56. Cet édit restera en vigueur jusqu’à une ordonnance
du 29 octobre 1846.
Le seul poison employé pour commettre les uxoricides étudiés, comme vu
précédemment, est l’arsenic « (…) ou ce qu’on connait dans la campagne sous le nom de mort
53
Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 82, acte d’accusation du 29 ventôse an X.
M-Y. CREPIN, Violences conjugales en Bretagne : la répression de l’uxoricide au XVIIIème siècle, op. cit.
55
J-M. CARBASSE, Histoire du droit pénal et de la justice criminelle, op. cit., pages 322 et 323.
56
ISAMBERT, Recueil général des anciennes lois françaises, Paris, 1829, tome XIX, page 399.
54
21
aux rats (…) »57. L’arsenic ne se procure pas facilement. Ainsi, Jean Dragon devant en trouver
pour Rose Garçon, alla une première fois chez un chirurgien et lui « (…) demanda de
l’arsenic pour faire mourrir des rats (…) ». Ce dernier lui répondit ne pas le connaître et
« (…) que d’ailleurs le connaitrait-il il ne lui en donnerait qu’en vertu d’un certificat de son
maire constatant sa moralité (…) »58.
Thomasse Guedé essayant également de se procurer de l’arsenic pour Rose Garçon, alla chez
un apothicaire, ce dernier lui dit « (…) qu’il lui en donnerait point que dans le cas ou le maire
de sa commune ou l’adjoint vint avec elle ou avec son mari (…) ». Par la suite Thomasse
Guedé « (…) étant venue avec le sieur Rozé adjoint du maire de Meillac (…) » pour la
cautionner, ce dernier dit à l’apothicaire, « (…) je connais cette femme pour être honnête vous
pouvez lui donner de la mort aux rats (…) », ce qu’il fit59.
B. La découverte du poison
Le poison peut être retrouvé dans la maison familiale. Ainsi le magistrat de sûreté
visitant le domicile de François Moulin, trouva une tabatière et « (…) vit et fit voir dans
l’intérieur de cette tabatière, […], des matières blanches qui y etaient empreintes (…) »60.
Une fois des traces suspectes retrouvées, des tests chimiques sont effectués par des
pharmaciens. Dans cet exemple, après avoir ouvert la tabatière, les pharmaciens « (…) en
retirèrent une petite demie pincée d’une substance sous forme pâteuse dessechée d’une
couleur blanc-sâte, qui jettée à deux fois sur les charbons ardens, produisit une fumée
floconneuse, blanchâtre et donnant une odeur aillacée et suffocante (…) »61, cette odeur
caractérisant l’arsenic62.
Pour vérifier également si la substance utilisée est bien de l’arsenic, les chirurgiens,
dans l’affaire Moulin, font avaler à de petits oiseaux un échantillon du repas de la victime
prélevé dans son estomac. L’expérience est concluante car « (…) l’un perit une demie heure
après et l’autre ne survecut que de deux à trois minutes (…) » ce qui leur permit « (…) de
57
Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 134, interrogatoire du 28 juillet 1806.
Ibidem, 2 U 134, audience de cinq témoins du 23 juillet 1804.
59
Idem.
60
Ibidem, 2 U 161, acte d’accusation du 23 juin 1810.
61
Idem.
62
Ibidem, L 3029, acte d’accusation du 8 brumaire an VI.
58
22
conclure que la mort de Jeanne-Marie Dein avait eté occasionnée par la substance arsenicale
contenüe dans l’estomac de la dite Jeanne-Marie Dein (…) »63.
Ces diverses expériences sont accompagnées de l’autopsie du cadavre étudiée dans le premier
chapitre de la prochaine partie consacré à l’instruction.
Quelques signes permettent de soupçonner l’empoisonnement avant le décès de la
victime. Georges Bouvier, époux de Marie David, eut des « (…) maux de cœur et
d’estomac (…) » et « (…) avait grand soif (…) »64. Quant à Jean Clanchin, mari de Rose
Garçon, il « (…) eut une espece d’indigestion suivie de grands maux de cœur et vomissement
(…) »65.
Il se peut également que l’on retrouve des « (…) grumeaux blancs (…) »66 mélangés à la
boisson ou aux aliments que la victime a avalés.
Enfin, le suspect peut avouer avoir empoisonné. Rose Garçon qui, dans une de ses
déclarations, reconnaît avoir mis de l’arsenic dans l’écuelle de soupe de son mari67.
Afin d’étudier dans leur ensemble les circonstances du crime, il convient de
comprendre pour quelles raisons ces homicides ont été commis ou tentés.
Section 3
Les mobiles du crime
Les acteurs de crimes d’uxoricides et de parricides, bien que les liens les unissant
différent dans les deux cas, ont des mobiles communs mais ceux-ci sont plus diversifiés dans
le cas d’uxoricides.
I.
Les mobiles du parricide
Il est difficile de connaître les véritables intentions du parricide notamment par le
manque de pièces dans les archives.
63
Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 161, acte d’accusation du 23 juin 1810.
Ibidem, L 3029, acte d’accusation du 8 brumaire an VI.
65
Ibidem, 2 U 134, audience de cinq témoins du 23 juillet 1804.
66
Ibidem, 2 U 74, acte d’accusation du 15 brumaire an X.
67
Ibidem, 2 U 134, déclaration du 23 juillet 1804.
64
23
L’animosité est une des raisons pour lesquelles ce crime est commis. Ainsi Etienne
Behours dit que « (…) son père était un vieux bougre et un vieux jeanfoutre, qu’il fallait qu’il
meure (…) »68.
La mésentente entre le père et le fils en est une autre. Jean Villeneuve père, le jour où il fut
battu par son fils, était allé à Bécherel pour faire émanciper son fils qui avait voulu le tuer
deux ou trois fois 69. Il en est de même de Julien Delions, le soir du crime, qui « (…) avoit ete
continuellement en fureur dans la maison de son pere (…) »70.
L’argent est une dernière cause de parricide, ainsi Jean Villeneuve, le jour où il frappa son
père l’avait « (…) vivement pressé de luy donner un assignat, en protestant, sur le reffus que
son père luys en faisoit, qu’il en auroit et que s’il n’en ôbtenoit pas, il y auroit du poil tiré et
du sang rependu (…) »71.
II.
Les mobiles de l’uxoricide
Le mobile qui apparaît le plus souvent est celui de la mésentente entre époux. Dans ce
cas, elle est généralement de notoriété publique et les membres de la famille ou les voisins
peuvent en témoigner. Ainsi, un voisin de Jacques Peignard et de son épouse, « (…) a entendu
dire que Peignard maltraitait souvent son epouse (…) »72.
La mésentente entre les époux peut être renforcée par une liaison adultérine entretenue par un
des deux époux. Ce mobile apparaît dans six affaires. François Moulin avait « (…) des
liaisons avec des femmes mal notées (…) »73 et Rose Garçon dira dans un de ses
interrogatoires que cela faisait quelques temps que Jean Dragon cherchait à la débaucher74.
Il apparaît dans deux de ces cas que la maîtresse du mari adultère était enceinte. Pierre Billet
rencontrant une personne qu’il connaissait lui fit part « (…) de l’embarras ou il se trouvoit au
rapport a la grossesse de deux filles qui etoient enceintes de son fait que sa femme l’etoit
aussi et qu’il craignoit beaucoup que sa femme ne fut instruitte de sa conduite sur quoy
l’autre lui dut lui donner le conseil de tuer sa femme (…) »75. Julien Legendre, quant à lui,
« (…) entretenait un commerce illicite avec une particuliere […], laquelle particuliere eut de
68
Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 51, acte d’accusation du 2 thermidor an VIII.
Ibidem, L 2886, auditions de témoins du 30 avril 1792.
70
Ibidem, L 2814 et L3074, interrogatoire du 13 frimaire an VII.
71
Ibidem, L 2886, acte d’accusation du 17 avril 1792.
72
Ibidem, 2 U 135, information de trois témoins du 25 messidor an IX.
73
Ibidem, 2 U 161, acte d’accusation du 23 juin 1810.
74
Ibidem, 2 U 134, déclaration du 24 juin 1806.
75
Ibidem, 2 U 41, audition de témoins du 29 pluviôse an VIII.
69
24
lui l’hiver de l’an quatre un enfant qui vint mort au monde (…) »76, liaison qui eut pour
conséquence la demande en divorce de Jeanne Legrée.
La loi du 20 septembre 1792 légalisant le divorce, l’uxoricide ne fut plus le seul
moyen de se séparer de son conjoint. Ainsi, deux femmes ont demandé le divorce et une a
quitté le domicile familial et ce, pour se soustraire aux violences de leur mari. Louis Deniel
expliqua au directeur du jury « (…) qu’un jour de dimanche, […], Anne Gislais, son épouse
était allée chez lui, qu’étant yvre et aigri contre elle, parce que, depuis un an, elle faisait des
demarches pour divorcer, fâché, d’ailleurs, qu’elle eût abandonné son ménage, il lui donna
un coup (…) »77 et pour faire venir sa femme chez lui, il lui dit : « (…) tu es couchée sur la
litierre viens à la maison (…) », elle lui fit quelques caresses et le suivit78.
La femme de Jean Moulin demanda également le divorce « (…) contre son mary avec lequel
elle pretendoit ne pouvoir plus vivre a raison des mauvais traitemens qu’elle en essuioit
journellement (…) »79.
Enfin, l’épouse de Vincent Valotaire quitta le foyer familial car « (…) depuis longtems le dit
Vallotaire menaçait la dite Jeanne Le Moine sa femme de la tuer ce qui l’avoit obligée de se
retirer chez une sœur (…) »80.
Dans chacune de ces affaires, le divorce est donc devenu un nouveau mobile d’uxoricide…
Dans d’autres cas, l’ivresse d’un des époux ou des deux entraîne les coups. Par
exemple, Jeanne Delanoe dit que son mari « (…) s’enfonça dans le ventre le couteau qu’elle
tenait ouvert dans sa main, sans qu’elle s’en apperçut d’autant qu’elle était ivre (…) »81.
Pour conclure, la durée du mariage ne joue aucun rôle pour la commission de ces
crimes. En effet, seule les durées de sept mariages au moment de la commission des
uxoricides sont connues et il apparaît qu’ils sont commis aussi bien après deux mois qu’après
quinze ans de mariage.
Lorsque le crime est découvert, il est souvent dénoncé par une personne ou l’officier
de police judiciaire peut se saisir lui-même. Ce dernier alors commence une instruction
76
Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 37, acte d’accusation du 23 ventôse an VII.
Ibidem, 2 U 59, acte d’accusation du 22 frimaire an IX .
78
Ibidem, 2 U59, audition de quatre témoins du 25 prairial an VIII.
79
Ibidem, 2 U 74, audition de témoins du 19 messidor an IX.
80
Ibidem, 2 U 61, interrogatoire du 25 nivôse an IX.
77
25
sommaire sur le crime commis afin de permettre, éventuellement, la condamnation du
coupable.
81
Ibidem, 2 U 160, acte d’accusation du 9 février 1810.
26
Partie II
La mise en accusation
L’instruction est menée par l’officier de police judiciaire, il recherche des preuves sur
les lieux du crime après la découverte du corps. Lorsque suffisamment d’éléments sont réunis
pour mettre en cause le fils de la victime en cas de parricide ou l’époux en cas d’uxoricide,
l’officier délivre à leur encontre un mandat d’amener. Une audition faisant suite à ce mandat,
s’il l’estime toujours coupable, il dresse un mandat d’arrêt à son encontre et un jury devra se
prononcer sur l’accusation.
Chapitre 1
L’instruction : la preuve du crime et la recherche du
coupable
Le crime est connu par la découverte du corps et la tentative par la victime ou par des
tierces personnes. Le décret des 16-29 septembre 1791 concernant la police de sûreté, la
justice criminelle et l’établissement des jurés 82 prévoit que ces personnes doivent le déclarer à
l’officier de police judiciaire qui va rechercher les preuves et le coupable. Une fois, le suspect
trouvé, un mandat d’arrêt est dressé contre lui.
Section 1
La découverte du crime
La dénonciation d’un crime est considérée comme un droit, et même un devoir par les
révolutionnaires. Pour l’Assemblée constituante, « la liberté ne pouvant substituer que par
l’observation des lois qui protègent tous les membres de la société contre les entreprises, d’un
homme puissant ou audacieux, rien ne caractérise mieux un peuple libre que cette haine
vigoureuse du crime, qui fait de chaque citoyen un adversaire direct de tout infracteur des
lois sociales »83.
La dénonciation est particulièrement considérée comme sacrée lorsque le « délit a privé la
société de la vie d’un citoyen »84.
82
J-B. DUVERGIER, op. cit., 1824, Tome III, pages 331 à 348.
Décret du 29 septembre-21 octobre 1791 en forme d’instruction pour la procédure criminelle in J-B.
DUVERGIER, op. cit., 1824, Tome III, pages 478 à 515.
84
Décret du 29 septembre-21 octobre 1791, op. cit.
83
27
I.
La découverte du corps
Comme vu précédemment en étudiant le lieu du crime, les corps sont retrouvés sur les
lieux du drame ou aux environs lorsque l’auteur a voulu cacher le corps pour échapper à
d’éventuelles poursuites.
Les corps sont parfois découverts par des membres de la famille de la victime comme Julien
Delions père qui fut retrouvé par sa femme au petit matin85.
Des voisins peuvent également trouver le corps, ainsi Anne Lefebvre « (…) fut trouvée sans
connoissances et couverte de sang par des enfant (ses voisins) qui, effrayés, coururent en
prévenir leurs parents et Julien Jumel mary de la dite Anne Lefebvre (…) »86.
Il se peut également que des tierces personnes, ne connaissant pas la victime la retrouvent.
Jeanne Coudray « (…) fut trouvée noyée à la pointe de l’isle de Blossac en la commune de
Bruz (…) » par des bateliers87.
Lorsque le crime a été dénoncé et que le corps a disparu, l’officier de police judiciaire
peut le retrouver lors de la descente sur les lieux du crime. Après plusieurs recherches restées
vaines, « (…) le citoyen Martin juge de paix et officier de police judiciaire du canton de
Plechatel se transporta audit lieu de La Robinais (lieu du crime) et parvint, à forces de
recherches, à trouver dans un puits près la ferme de Melac le cadavre d’une femme, qui fût
réconnu pour être celui de la dite Anne Gislais (…) »88.
L’individu qui a découvert le corps doit en informer un officier de police judiciaire.
II.
La forme de la dénonciation
Dans sa partie consacrée à la police de sûreté, et plus particulièrement, dans son titre
III consacré aux fonctions générales de l’officier de police, le décret du 16-29 septembre
179189 traite de la dénonciation d’un crime.
85
Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, L 3074, procès-verbal du délit et de déclaration de témoins du 7
juillet 1792.
86
Ibidem, 2 U 38, ordonnance de prise de corps du 8 nivôse an VI.
87
Ibidem, 2 U 135, acte d’accusation du 24 germinal an XII.
88
Ibidem, 2 U 59, acte d’accusation du 23 frimaire an IX.
89
Décret du 16-29 septembre 1791, op.cit.
28
Selon l’article 1 de ce titre, « tous ceux qui auront connaissance d’un meurtre, ou d’une mort
dont la cause est inconnue ou suspecte, seront tenus d’en donner avis sur-le-champ à
l’officier de police de sûreté du lieu, ou, à son défaut, au plus voisin, lequel se rendra
incontinent sur les lieux ». La dénonciation du crime est donc faite devant un officier de
police judiciaire. Il convient de signaler, à cet effet que, outre les capitaines et lieutenants de
gendarmerie, le juge de paix est considéré comme un officier de police judiciaire par le décret
du 16-29 septembre 1791.
Cependant avec l’évolution des régimes entre la Révolution, moment de la création du
tribunal criminel et la mise en place de la Cour d’assises sous l’Empire, de nouveaux acteurs
vont apparaître au niveau de l’instruction.
A. Les personnes menant l’instruction
Au fil du temps, notamment dès l’accession au pouvoir de Napoléon Bonaparte,
certains acteurs du procès criminel vont voir leurs compétences évoluées et le juge de paix,
seul maître de l’instruction en 1791, va partager ses compétences.
1.
Le juge de paix
Trois des quatre parricides et huit des dix neuf uxoricides ont été instruits par le juge
de paix. Ce dernier, compétent au niveau cantonal, possède la police de sûreté. Le décret du
16-29 septembre 1791 ne consacre pas de titre particulier au rôle du juge de paix
contrairement au Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV90 dans ses titres IV et V.
Le titre IV intitulé « Des juges de paix » précise dans ses articles 48 à 55 que le juge de paix
est tenu de dresser les premiers actes de l’instruction. Il est chargé de recevoir les
dénonciations ou plaintes relatives à tous les délits qui sont de nature à être punis notamment
d’une peine afflictive ou infamante. Il doit également constater par des procès verbaux les
traces des délits, recueillir les indices et les preuves existant contre le prévenu et enfin, le faire
traduire devant le directeur du jury. L’instruction qu’il mène est sommaire91.
Le juge de paix peut agir d’office en cas de flagrant délit ou de mort suspecte comme
dans le cas de l’uxoricide commis par Mathurine Hubert. Le juge de paix et son greffier
90
J-B. DUVERGIER, op. cit., 1825, Tome VIII, pages 469 à 533.
N. CASTAN Les alarmes du pénal : du sujet gibier de justice à l’Etat en proie à ses citoyens (17881792) , Une autre justice 1789-1799, études publiées sous la direction de R. BADINTER, Saint-ArmandMontrond, Fayard, collection Histoire de la justice, 1989, pages 29 à 38.
91
29
s’étant rendus au bourg commune de Talensac pour une affaire de conciliation, y virent une
bierre où reposait le corps de Julien Hamon et « (…) ayant apercu du sang repandu sur la
planche ou reposoit sa tete (…) », le juge de paix fit retarder l’inhumation92.
Au début du XIXème siècle, le juge de paix perd sa fonction de magistrat de sûreté qui
sera désormais exercée par une autre personne. Un parricide et cinq uxoricides ont été
instruits par ce magistrat de sûreté.
2.
Le directeur du jury
Deux uxoricides ont été instruits par le directeur du jury. Le Code des délits et des
peines du 3 brumaire an IV consacre dans son livre premier intitulé « De la police » un titre
VI aux « directeurs du jury d’accusation, capitaines et lieutenans de la gendarmerie
nationale ».
Selon les articles 140 à 149 de ce titre, le directeur du jury peut poursuivre immédiatement
comme officier de police judiciaire les dénonciations faites par l’accusateur public. Il le fait
soit d’office, soit d’après les ordonnances du directoire exécutif notamment lorsqu’il existe
des attentats contre la liberté et la sûreté individuelle des citoyens.
Par exemple, dans l’affaire de l’uxoricide commis par Marie David, dans une lettre à
l’accusateur public compétent auprès du tribunal criminel d’Ille-et-Vilaine, l’agent municipal
de la commune de la Mézières expliqua qu’il avait appris par la voix publique la découverte
d’un cadavre. Dès le lendemain, l’accusateur public transmit ce courrier au directeur du jury
afin que ce dernier mène l’instruction93. Il lui écrivit notamment :
« (…) Vous savez qu’aux termes des articles 50 141 et 145 du code des délits et des peines,
c’est a vous d’instruire ces sortes de délits immédiatement ou en commettant soit un autre
juge […] soit un officier de gendarmerie. Je m’en rapporte a votre prudence sur le parti à
prendre a cet égard (…) »94.
92
Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, L 2948, procès-verbal du juge de paix du 12 brumaire an III.
Ibidem, L 3029, lettres des 23 et 24 vendémiaire an VI.
94
Ibidem, L 3029, lettre du 24 vendémiaire an VI.
93
30
3.
Les substituts du commissaire du Gouvernement
Quatre uxoricides ont été instruits par un substitut du commissaire du gouvernement
qui prendra le nom, à partir de la Constitution de l’an XII, de substitut de procureur général
impérial95.
Dès la Constitution de l’an VIII et plus précisément de la loi du 7 pluviôse an IX96, le
commissaire du gouvernement a des substituts dans chacun des arrondissements communaux
du département . Ils ont l’exercice des actions publiques et le droit de poursuite pour les
crimes et les délits.
Les juges de paix et autres officiers de police judiciaire deviennent leurs auxiliaires97. Ces
derniers doivent lui dénoncer les crimes et délits, dresser les procès verbaux et faire saisir les
prévenus en cas de flagrant délit ou sur la clameur publique98. L’envoi des plaintes, des
dénonciations, des procès-verbaux et des déclarations au substitut du commissaire du
gouvernement doit se faire sans délai99. Ainsi, concernant l’uxoricide commis par Jacques
Peignard, après découverte d’un cadavre et dénonciation du frère de Jeanne Coudray, le
substitut du commissaire du gouvernement s’est rendu avec Jacques Peignard au greffe du
directeur du jury de l’arrondissement de Rennes afin qu’il reconnaisse les vêtements de sa
femme100.
Enfin, le substitut du commissaire du gouvernement peut décerner des mandats de dépôts et
est tenu de saisir dans les vingt-quatre heures le directeur du jury.
L’instruction tend à redevenir écrite et secrète, l’inculpé n’ayant aucune connaissance des
charges retenues contre lui jusqu’à la fin de l’interrogatoire.
B. La dénonciation du crime
Trois des quatre parricides ainsi que neuf des dix-neuf uxoricides ont été connus par la
clameur publique, trois autres par des déclarations de maires, deux par des officiers de police
et un par une tierce personne101.
95
Article 136 de la Constitution de l’an XII in Les Constitutions de la France depuis 1789, op. cit., page 206.
J-B. DUVERGIER, op. cit., 1826, XII, page 380.
97
A. EISMEN, Précis élémentaire de l’histoire du droit français de 1789 à 1814. Révolution, Consulat et
Empire, Paris, Sirey, 1ère édition, 1908, page 289.
98
Article 4 de la loi du 7 pluviôse an IX, op.cit.
99
Article 5 de la loi du 7 pluviôse an IX, op.cit.
100
Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2U135, acte du substitut du commissaire du gouvernement du 7
messidor an IX.
101
Concernant le parricide restant et les autres uxoricides, aucun document ne fournit d’informations sur leur
dénonciation.
96
31
Dans ce dernier cas, il s’agit de dénonciation civique. Ainsi, selon l’article 1er du titre VI de la
première partie du décret des 16-29 septembre 1791, « tout homme qui aura été témoin d’un
attentat, soit contre la liberté et la vie d’un autre homme, soit contre la sûreté publique et
individuelle, sera tenu d’en donner aussitôt avis à l’officier de police du lieu du délit ».
Il apparaît le plus souvent qu’un crime est connu par la rumeur publique comme par
exemple, pour l’uxoricide commis par Pierre Tardif. Il est écrit dans un acte du juge de
paix que « (…) le juge de paix et officier de police […] étant instruit par la rumeur publique,
qu’Anne Perrin femme de Pierre Tardif, […] avait été inhumée le jour d’hier (…)»102.
Le titre IV de la première partie du décret des 16-29 septembre 1791 traitant du
flagrant délit énonce dans son article 1 que « lorsqu’un officier de police apprendra qu’il se
commet un délit dans un lieu, ou que la tranquillité publique y aura été violemment troublée,
il sera tenu de s’y transporter aussitôt, d’y dresser du procès-verbal détaillé du corps du
délit, quel qu’il soit, et de toutes ces circonstances , enfin de tout ce qui peut servir à
conviction ou à décharge ».
Concernant le parricide commis en la personne de Pierre Behours, le juge de paix a été « (…)
instruit par la rumeur publique que Pierre Behourd, pere, etoit décédé au village de la
Touche et inhumé […] que les causes de sa mort derivoient des coups et maltraitements qu’il
avoit reçu et essayé de la part d’Etienne Behourd, son jeune fils (…) »103.
Le Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV traite de la dénonciation
officielle dans ses articles 83 à 86. Dans ce dernier cas, lorsqu’un fonctionnaire ou un officier
public a connaissance ou reçoit une dénonciation concernant un crime dans l’exercice de ses
fonctions, il est tenu d’en donner avis sur-le-champ au juge de paix de l’arrondissement où le
crime a été commis ou dans lequel le prévenu réside. Il doit également lui transmettre tous les
renseignements, procès-verbaux et actes relatifs à l’affaire104. C’est par une déclaration
rédigée « (…) par le citoyen Pierre Jumel maire de la commune de Saint Malo de Fily (…) »
que le juge de paix a été informé de l’uxoricide commis par Louis Deniel105.
102
Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 133, acte du 4 août 1806.
Ibidem, 2 U 51, procès-verbal de visite du 17 messidor an VIII.
104
Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV, article 83 et suivants, op. cit.
103
32
Section 2
La recherche de la preuve
Le crime dénoncé, le juge de paix (puis, au fil du temps, les autres intervenants
possibles) descend sur les lieux du crime et recherche les preuves permettant de connaître les
circonstances exactes du décès et de trouver le coupable. Il se rend donc sur les lieux du crime
et fait procéder à l’autopsie du corps, à l’audition de témoins et à la recherche de preuves sur
le lieu du crime.
I.
La descente sur les lieux du crime
Le décret des 29 septembre-21 octobre 1791 en forme d’instruction pour la procédure
criminelle précise « (…) qu’il appartient à l’officier de police, dès qu’il est averti d’un délit,
de se transporter sur les lieux, et de se faire accompagner des personnes qui sont désignées
par leur art comme les plus capables à en apprécier la nature et les circonstances ; et, après
avoir visité avec elles toutes les traces qu’il pourra découvrir, de les constater, ainsi que les
observations des gens de l’art, dans un procès-verbal ». Ce décret précise également que
« (…) cette précaution est particulièrement recommandée dans tous les cas où il existe une
mort d’homme qui pourra donner lieu à quelques soupçons du crime ».
A. L’autopsie
Selon l’article 2 du titre III de la première partie du décret des 16-29 septembre 1791
concernant la police de sûreté, la justice criminelle et l’établissement des jurés,
« (…) l’inhumation ne pourra être faite qu’après que l’officier de police se sera rendu sur les
lieux, accompagné d’un chirurgien ou homme de l’art, et aura dressé un procès-verbal
détaillé du cadavre et de toutes les circonstances, en présence de deux citoyens actifs,
lesquels, ainsi que le chirurgien ou homme de l’art, signeront l’acte avec lui ». Le Code des
délits et des peines du 3 brumaire an IV modifie quelque peu cela. L’article 103 précise que le
juge de paix doit se faire assister par un ou deux officiers de santé.
105
Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 59, acte du 25 prairial an VIII.
33
1.
La procédure de l’autopsie
Un ordre est respecté dans cette procédure. Le juge de paix (ou autre par la suite106)
accompagné des deux citoyens actifs c’est-à-dire deux notables du lieu107 et de l’officier de
santé observe dans un premier temps, l’endroit où se trouve le cadavre lorsqu’il le voit pour la
première fois et ce, même lorsque le corps est déjà enseveli comme ce fut le cas concernant le
cadavre de Jean Villeneuve tué par son fils. Dans le procès-verbal d’ouverture du cadavre et
d’information sommaire du 29 mars 1792, le juge de paix écrit « (…) avons vû dans
l’appartement un drap mortuaire, qui nous a paru couvrir une biere portée sur deux chaises
et une croix et un gros cierge à côté, signes de l’ensevelissement d’un mort (…) »108.
Il se peut cependant que le cadavre soit déjà enterré et que son exhumation soit ordonnée afin
de pouvoir l’examiner et ainsi comprendre les causes de sa mort. Par exemple, le corps de
Julien Delions père était déjà inhumé lorsque le juge de paix arriva sur les lieux. Ce dernier fit
mander celui qui l’avait enterré et lui demanda s’il s’agissait bien de Julien Delions père, ce
qui fut confirmer. Le juge de paix enjoignit à ce dernier de l’amener avec l’officier de santé et
les deux citoyens actifs, à la fosse. Il lui demanda de l’ouvrir, le corps fut sorti et le juge de
paix requit le chirurgien de le visiter109.
Dans ce cas, il arrive que l’état de putréfaction soit avancé, comme ce fut le cas dans cette
affaire, mais cet état peut être tellement avancé que la visite du cadavre devient impossible
comme cela s’est passé concernant le cadavre de Jeanne Mury femme de Jean-Etienne Tehel
retrouvé deux mois après sa disparition dans une rivière. Le magistrat de sûreté de
l’arrondissement de Saint Malo dans une lettre au directeur du jury du même arrondissement
lui écrivit : « (…) l’état de putrefaction dans lequel se trouvait ce cadavre n’a pas permis de
faire aucune vérification, ni de reconnaitre des signes de violence mais comme cette mort
donne de l’intensité aux préventions élevées contre Tehel comme les soupçons (…) »110. De
plus, l’officier de santé, lors de la visite du cadavre, dit qu’il était urgent pour la salubrité de
faire immédiatement l’inhumation du cadavre sous peine de voir les membres se séparer du
tronc111.
106
Cf. la première section de ce chapitre relative à la découverte du crime.
Les deux citoyens actifs signeront au procès-verbal, sans être assujetti à aucune obligation. Cf. décret des 29
septembre-21 octobre 1791, op. cit.
108
Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, L 2886, procès-verbal d’ouverture du cadavre et d’information
sommaire du 29 mars 1792.
109
Ibidem, L 3074, procès-verbal du délit et de la déclaration de témoins du 7 juillet 1792.
110
Ibidem, 2 U 146, lettre du 7 mars 1808.
111
Ibidem, 2 U 146, procès-verbal de lies du cadavre 12 février 1808.
107
34
L’identité de la personne décédée est donnée par des membres de sa famille, des
voisins. Le cadavre de Anne Gislais « (…) a été reconnû par Louis Deniel pour estre cellui de
sa femme, par Jean Gislais de Launay […] pour estre cellui de sa sœur, par Marie Guinchard
[…], par Jacques Hurel (…) » notamment et par le juge de paix du canton « (…) pour être le
cadavre d’Anne Gislais femme dudit Louis Deniel (…) »112.
Une description physique du cadavre est ensuite faite, le sexe, la taille, la couleur des
cheveux et la forme du visage y sont notamment précisés. Julien Delions père, par exemple,
est décrit dans le procès-verbal du délit et de déclarations de témoins du 7 juillet 1792 ainsi
par le juge de paix : « (…) nous avons remarqué un cadavre de sexe masculin, de la taille
d’environ cinq pieds deux pouces, cheveux gris, visage ovale, aiant un bonet de laine brune
sur la tête (…) »113.
L’officier de santé est requis de procéder à la visite du cadavre. Pour ce faire, il doit
prêter serment de « (…) procéder en son ame et conscience à la visite tant externe qu’interne
du dit cadavre et declarer verité (…) »114. Il peut alors commencer l’autopsie.
La visite externe du cadavre est d’abord faite. L’officier de santé examine le corps afin de voir
s’il existe des traces visibles de violences sur le corps. Il arrive qu’elles soient plus que
visibles comme dans le cas d’une décapitation. Concernant l’uxoricide commis par Jean
Biennassis, par exemple, le juge de paix dans son procès verbal de lies du cadavre du 27
germinal an VIII écrit : « (…) à coté de ce cadavre avons trouvé une tête absolument mutilée
de coups d’instruments tranchants, n’aiant plus de figure humaine, la cervelle en lambeau
ainsi que le cervelet, et la boëte osseuse coupée en differents sens (…) »115.
Les plaies sont minutieusement relatées dans le procès-verbal. L’officier de santé les décrit en
précisant l’endroit où elles se trouvent, leurs tailles et même avec quels instruments de telles
blessures peuvent être commises. Ainsi, dans l’affaire de l’uxoricide commis par Vincent
Valotaire, l’officier de santé fait référence à « (…) une playe transversale située dans la partie
moyenne externe du plis de l’heine gauche de la longueur de deux pouces et profonde de six a
sept lignes faite avec un instrument tranchant qui a coupé en partie l’artère inguinal ce qui a
donné lieu à une émoragie considerable et occasionné la mort de la dite Le Moine (…) »116.
112
Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 59, acte du 25 prairial an VIII.
Ibidem, L 3074, procès-verbal du délit et de la déclaration de témoins du 7 juillet 1792.
114
Ibidem, 2 U 59, acte du 25 prairial an VIII.
115
Ibidem, 2 U 43, procès-verbal de lief de cadavres 27 germinal an VIII.
116
Ibidem, 2 U 61, extrait des actes de procédure par jurés de l’arrondissement de Vitré du 10 fructidor an VIII.
113
35
La visite interne permet également de comprendre les causes de la mort notamment
quand la visite externe s’est avérée insuffisante ou pour vérifier que le décès n’est pas dû à
autre chose que des coups. Ainsi lorsqu’un cadavre est retrouvé dans l’eau et qu’il présente
des traces de violences, il s’agit de savoir si la mort est survenue à la suite des coups ou suite
à la noyade. Ces questions ont été soulevées par deux fois dans les affaires d’uxoricides
étudiées ici comme il a été vu dans le précédent chapitre dans sa deuxième section.
Le premier cas concerne Anne Gislais retrouvée morte dans un puit. Le juge de paix dans ses
conclusions sur l’autopsie écrit : « (…) ouverture faite de la poitrine, […] (l’officier de santé)
a remarqué une adherence du poulmon gauche avec la plevre, un epanchement d’une eau
sanguinolente d’environ un verre dans le coté droit de la poitrine, un epanchement d’environ
un demi verre d’eau roussâtre dans le pericarde, et l’estomac dans l’état de vacuité et nous a
donné pour assuré qu’elle est morte d’un coup porté à la tête et qu’elle a eté jettée dans le
puits morte, le cadavre presentant aucun simptome qui caractérise ceux des noiés (…) »117.
Le second concerne Marie Liesse. Après avoir remarqué diverses traces de coups, « (…) les
vaisseaux du cerveau fûrent trouvés engorgés ; la bouche et le nez remplis d’une ecume
blanchâtre qui augmentoit par la pression de la poitrine, les bronches etoient remplies de
cette même ecume ; la conclusion du procès-verbal du docteur en médecine furent que les
contusions et excoriations trouvées sur la cadavre n’avoient point produit la mort, mais
qu’elle étoit l’effet de l’asphyxie par submersion (…) »118.
L’autopsie pratiquée suite à un empoisonnement est quelque peu particulière119. En
effet, aucun signe extérieur n’est visible, c’est la visite intérieure du cadavre qui permet de
découvrir ce que contient l’estomac. Cependant pour savoir si la matière retrouvée dans
l’estomac est bien du poison, des tests doivent être effectués à part. Ainsi, concernant
l’uxoricide commis sur Jeanne Marie Dein, il est relaté dans l’ordonnance de prise de corps
du 30 juin 1810 que les officiers de santé passant à l’ouverture de l’estomac, « (…) crûrent
devoir l’enlever, après avoir trouvé une substance étrangère, pour qu’elle fut soumise à une
analyse chimique rigoureuse (…) »120.
Enfin, il est possible que les vêtements soient fouillés afin de trouver un indice voire
une preuve. Ainsi, le juge de paix, dans l’affaire concernant le parricide de Jean Villeneuve,
117
Archives départementales d’Ille-et-Vilaine , 2 U 59, acte du 25 prairial an VIII.
Ibidem, 7 U 79, acte d’accusation du 24 septembre 1808.
119
Cf. la deuxième section du chapitre précédent relatif à l’empoisonnement.
118
36
demanda à ce que les poches du décédé soient inspectées mais seules quelques pièces de
monnaie et un portefeuille furent retrouvés121.
2.
Les révélations apportées par l’autopsie
L’autopsie est une étape très importante, en effet, elle permet de savoir quels
instruments ont causé la mort et quelles sont les causes de la mort.
Dans le procès-verbal relatant l’autopsie, après avoir examiné les plaies et autres traces du
crime, l’officier de santé donne parfois des exemples précis de ce que pourrait être l’arme qui
a tué la victime. Ainsi, le chirurgien remarquant des plaies et contusions sur le corps de Julien
Hamon et les observant, déduit que « (…) ces playes et contusions ont dus etre faittes avec un
instrument tranchant et contondant, comme bouque à hacher la terre, beche, hache etc
(…) »122.
Quant aux causes de la mort, elles sont déduites par l’officier de santé de toutes ses
observations. Dans le cas de l’uxoricide commis par Mathurine Hubert, par exemple, le
chirurgien conclut son rapport d’autopsie en disant que « (…) la mort a eté occasionnée par
l’émoragie et la commation violente du cerveau en eteignant le principe vital (…) »123.
L’autopsie peut permettre d’innocenter une personne. Ainsi, Etienne Behours était
accusé d’avoir tué son père à force de violences qui auraient entraîner la mort de ce dernier
quelques jours plus tard. L’examen du cadavre amènera les officiers de santé à conclure
que « (…) le citoyen Pierre Behourd est mort des suites de la vraie pleuvesie (…) »124. Etienne
Behours ne sera condamné que pour violences volontaires et non pour parricide.
Enfin, les résultats des autopsies accompagnés des hypothèses émises par les officiers
de santé permettent au juge de paix de faire des recollements avec les témoignages reçus le
même jour.
120
Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 161, ordonnance de prise de corps du 30 juin 1810.
Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, L 2886, procès-verbal d’ouverture du cadavre et d’information
sommaire du 29 mars 1792.
122
Ibidem, L 2948, acte d’accusation du 17 brumaire an III.
123
Idem.
124
Ibidem, 2 U 51, procès-verbal de lies du cadavre et procès-verbal de visite du 17 messidor an VIII.
121
37
B. L’audition des témoins
Selon l’article 3 du titre III de la première partie du décret des 16-29 septembre 1791,
l’officier de police accompagné des deux citoyens actifs et de l’officier de santé, « entendra
les parens, voisins ou domestiques du décédé, ou ceux qui se sont trouvés en sa compagnie
avant son décès ; il recevra sur-le-champ leurs déclarations, et les interpellera de les signer,
ou de déclarer qu’ils ne le savent faire »125.
L’interrogatoire des témoins est porté sur un cahier séparé du procès-verbal de lief du cadavre
et certaines conditions de formes sont à respecter avant toute déclaration du témoin.
1.
Les conditions de forme
Avant toute audition du témoin, le juge de paix (ou autre par la suite126) lui demande
s’il est parent, allié, serviteur, domestique, créancier ou débiteur de la personne soupçonnée
d’avoir commis le crime ou de la victime. La réponse à ces questions permet au juge de paix
de voir les liens qui unissent le témoin et les acteurs du crime et l’intérêt que certains auraient
à mentir. Le juge de paix lui demande ensuite de lever sa main et de promettre et jurer de
« (…) dire la vérité, toute la vérité et rien que la vérité (…) »127.
Enfin, il lui requiert de déclarer les faits et circonstances qui sont à sa connaissance au sujet
du meurtre. Dans l’affaire concernant l’uxoricide commis par Vincent Valotaire sur sa
femme, le juge de paix demande à un témoin de lui « (…) déclarer tout ce qui s’est passé
[…] entre lesdits Valoterre et femme et si elle sçait les motifs pourquoy le même Valoterre a
assassiné sa femme (…) »128.
2.
Les personnes interrogées
L’article 3 du titre III de la première partie du décret des 16-29 septembre 1791 précise
quels sont les témoins qui doivent être entendus, les parents de la victime en faisant partie. Le
parricide ou l’époux qui a commis un uxoricide vont donc être entendus lorsqu’ils se
trouveront sur les lieux. Jean Villeneuve fils, par exemple, dira à propos de son père qu’ « (…)
il le rencontra à l’arrivée d’un village nommé la Pommardiere, qu’ils ne firent route
ensemble que vis à vis des maisons qui sont au haut de la lande de la vieux ville, ou son pere
125
Le Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV précise dans son article 106 que les déclarations des
témoins sont rédigées sommairement dans un cahier séparé. Ils doivent ensuite signer en bas de leurs
déclarations mais s’ils ne peuvent le faire, il en est fait mention.
126
Op. cit.
127
Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 61, déclaration de cinq témoins du 12 prairial an VIII.
128
Idem.
38
lui dit d’aller devant, qu’il ne s’en viendroit pas avec lui ; qu’aiant marché devant, il arriva
chez lui, environ quatre heures et demi de l’après-midi, que son père n’arrivant point, il
sortit environ sept heures du soir, pour aller au devant de lui […] ; que ne l’ayant point
trouvé, il s’en revint (…) »129.
La déclaration du fils comme ici, ou de l’époux peut leur permettre de se créer un alibi. Pierre
Billet, par exemple, dira que sa femme était tombée d’une échelle pour expliquer les traces de
coups qu’elle avait sur le corps130.
Les autres membres de la famille permettent de connaître le contexte familial. Jean Gislais
frère de Anne Gislais homicidée par son mari, dépose devant le juge de paix que « (…) ledit
Louis Deniel maltraitoit journellement Anne Gislais […] qu’il a dit qu’il la tueroit, qu’il
soupconne d’après les menaces que le dit Deniel a effectivement tué Anne Gislais (…) »131.
Ainsi, le juge de paix a connaissance des problèmes entre les époux et peut émettre
l’hypothèse d’un uxoricide.
L’audition des voisins peut également permettre de savoir quelle était l’entente entre
les époux. François Noël, voisin de Pierre Tardif et de son épouse a « (…) déclaré que le 21
juillet dernier environ midi, il vit et entendit Anne Périn dans son jardin […] répandre des
pleurs en criant à mon Dieu je suis une femme morte, et entendit de plus Tardif dans sa
maison et faire le tapage (…) »132. Les soupçons se sont donc portés sur l’époux violent.
Les personnes qui étaient en compagnie du décédé ou de l’auteur du crime, peu avant
ou peu après l’homicide, sont également interrogées. Cela permet notamment de voir dans
quel état d’esprit ces personnes se trouvaient. Dans le cas de la folie passagère, ce genre de
témoignage aide à prouver que l’homicide n’a pas été commis volontairement.
Dans le cas de Jean Bienassis accusé d’avoir tué sa femme et sa fille, la folie va être retenue,
entre autre, grâce aux témoignages de personnes qui l’avaient vu ainsi que sa femme le jour et
le lendemain de la commission de l’uxoricide. Ainsi, un témoin confirme l’état de maladie
dans lequel Jean Bienassis se trouvait, il déclare qu’ « (…) aiant été appellé chez Jean
Bienassis […] pour lui arreter le sang vû qu’il devoit estre tombé d’un arbre et s’estre blessé,
il s’y transporta […] qu’il ÿ vit Jean Bienassis couché, qu’il étoit tombé d’un arbre […] qu’il
129
Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, L 2886, procès-verbal d’ouverture du cadavre et d’information
sommaire du 29 mars 1792.
130
Ibidem, 2 U 41, déclaration de sept témoins du 18 nivôse an VIII.
131
Ibidem, 2 U 59, audition de témoins du 24 prairial an VIII.
132
Ibidem, 2 U 133, procès-verbal du 4 août 1806.
39
avoit mal à la tête (…) »133. Un autre confirme cet état en déclarant qu’il a entendu Jean
Bienassis dire « (…) que s’il n’avoit pas tué sa femme et sa fille, la France eut péri, qu’il
voioit trois diables dans la maison (…) »134. D’autres témoignages permettent de montrer
l’attachement de Jean Bienassis à sa femme et sa fille. Joseph Corcillé déclare, par exemple,
« (…) avoir entendu dire que Jean Bienassis avoit tué sa femme et sa fille cadette […], qu’il
en a été d’autant plus etonné que Jean Bienassis aimoit sa femme et cherissoit surtout sa
petite fille »135.
Les domestiques sont également entendus mais un problème peut se poser comme
dans l’affaire concernant l’uxoricide commis par François Moulin. En effet, sous l’influence
de leur maître, les domestiques ont menti même si cela n’a pas empêché la mise en accusation
de ce dernier. Ils avoueront avoir menti lors du procès criminel à l’exemple de Julienne Mahé
qui déclarera que « (…) les dépositions qu’elle avoit fait tant devant le magistrat de sureté, le
directeur du Jury de Rennes, que devant la Cour, lui avoient été suggérées par l’accusé
présent à la barre en lui promettent de la recompenser (…) »136.
Le fait que ces témoins soient entendus aussi rapidement peut permettre d’appréhender
plus facilement le coupable. En effet, ces auditions permettent de connaître quels peuvent être
les mobiles de l’homicide et plus elles auront lieu dans un moment proche de la commission
du crime plus les témoins se souviendront de détails qui pourront avoir de l’importance dans
la suite de la recherche du coupable.
Enfin, selon les articles 111 à 124 du Code des délits et des peines du 3 brumaire an
IV, le juge de paix peut faire citer devant lui des personnes indiquées comme ayant
connaissance du délit et qu’il n’a pas interrogées lorsqu’il était sur les lieux pour dresser le
procès verbal du corps du délit. Cette citation se fait par une cédule. Les témoins doivent
comparaître devant le juge de paix sous peine d’y être contraints par un mandat d’arrêt délivré
par ce même juge. Certains témoins ont été entendus dans ce contexte notamment dans
l’affaire concernant l’uxoricide commis par Julien Jumel137.
133
Ibidem, 2 U 43, déclaration de témoins du 27 germinal an VIII.
Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 43, déclaration de témoins du 27 germinal an VIII
135
Ibidem, 2 U 43, déclaration de témoins du 27 germinal an VIII.
136
Ibidem, 2 U 161, procès-verbal de séance des 17, 18, 19 et 20 juillet 1810.
137
Ibidem, 2 U 38, enquête de témoins du 2 frimaire an VI.
134
40
Les témoins entendus, le juge de paix, avant de quitter les lieux, cherche s’il existe des
éléments de preuve restés sur les lieux du crime.
C. La recherche des autres éléments de preuve
L’autopsie et les interrogatoires des témoins apportent au juge de paix (ou autre par la
suite138) des éléments importants sur les circonstances du crime. Il arrive que d’autres preuves
soient trouvées sur les lieux de l’homicide c’est-à-dire dans la maison ou dans ses alentours.
Peu d’actes relatant ces recherches sont présents dans les archives départementales d’Ille-etVilaine et aucun ne concerne les parricides.
Il est possible qu’aucun indice ne soit découvert comme ce fut le cas dans l’affaire de
l’uxoricide commis par Jeanne Delanoe dans laquelle le juge de paix du canton de PleineFougères et les gendarmes n’avaient rien trouvé dans sa maison139.
Au contraire, les recherches peuvent permettre de trouver des éléments essentiels permettant
d’avoir des preuves de l’uxoricide. Ainsi, concernant la mort de Jeanne Marie Dein, une
tabatière contenant de l’arsenic fut trouvée, cette dernière appartenait à François Moulin son
époux140. De même, concernant l’uxoricide commis par François Gaslain, le juge de paix
cherchait les vêtements que ce dernier portait au moment où sa femme fut noyée et il « (…)
trouva dans le jardin derriere sa maison au pied du framboisier bordant une planche de bois,
la chemise et la paire de bas bleux qu’il avoit quitté la veille, que les bas etoient mouillés
entièrement, que la chemise l’étoit par le bas jusqu’à la ceinture, les manches jusqu’aux
epaulettes, et même le colet (…) »141. Cette découverte permit de démontrer que François
Gaslais mentait, ce dernier soutenant qu’il avait mis ses vêtements dans la lessive.
Le juge de paix dresse un procès-verbal sur le résultat de ses recherches et fait poser
des scellés sur des objets ou des papiers pouvant servir de pièces à conviction.
La descente sur les lieux effectuée, le juge de paix interroge la personne suspectée d’avoir
commis le crime et si ses soupçons sont vérifiés, le suspect fera l’objet d’un mandat d’arrêt.
138
Op. cit.
Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 160, procès-verbal d’arrestation de Jeanne Delanoe du 28
décembre 1809.
140
Ibidem, 2 U 161, acte d’accusation du 23 juin 1810.
141
Ibidem, 7U79, acte d’accusation du 24 septembre 1808.
139
41
II.
Le mandat d’amener et ses conséquences
Le mandat d’amener est souvent délivré quelques jours seulement après le
procès-verbal concernant la visite du cadavre et l’audition des témoins. Julien Delions, par
exemple, s’est vu délivré son mandat d’amener deux jours plus tard142.
Le prévenu est entendu et si les soupçons à son égard se confirment, ce dernier se voit notifier
un mandat d’arrêt. Il peut également faire l’objet d’un mandat de dépôt dans certains cas.
Un cas particulier doit être développé, il s’agit de l’hypothèse du contumax.
A. Le mandat d’amener et l’audition du suspect
Il convient de définir dans un premier temps, le mandat d’amener puis, dans un second
temps, d’étudier l’audition du suspect faisant suite à ce mandat.
1.
a.
La définition du mandat d’amener
Les formes du mandat
Le décret des 16-29 septembre 1791143 précise également les formes du mandat
d’amener. Tout d’abord, une désignation claire et précise de l’individu contre lequel il est
décerné doit être donnée. Ainsi, Jean Villeneuve est décrit comme un garçon « (…) agé de dix
neuf ans, taille de cinq pieds cinq pouces, cheveux bruns (…) »144.
Le mandat est également signé et scellé du juge de paix (ou autre par la suite145) qui le délivre
et enfin, contient l’ordre d’amener le prévenu devant lui. Sur ce dernier point, le mandat
d’amener du directeur du jury de l’arrondissement de Rennes concernant Jacques Peignard,
par exemple, est rédigé ainsi :
« (…) après avoir entendu le Substitut du Commissaire du Gouvernement près le Tribunal
criminel, mandons et ordonnons à tous exécuteurs des mandemens de justice d’amener par
devant nous en se conformant à la Loi Jacques Peignard cultivateur
demeurant au village du Paty Bourdais en la commune de Chartre près la Poterie […] pour
être entendu sur les inculpations dont le dit Peignard est prévenu.
142
Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, L 3074, mandat d’amener du 9 juillet 1792.
Articles 1 à 4 du titre II de la première partie, op. cit.
144
Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, L 2886, mandat d’amener du 31 mars 1792.
145
Op. cit.
143
42
requérons tous dépositaires de la force publique, de prêter main forte, en cas de nécessité,
pour l’exécution du présent Mandat (…) »146.
Le mandat peut être présenté au prévenu dans sa maison. Si ce dernier en refuse
l’accès, le porteur de l’ordre a la possibilité de recourir à la force publique pour s’introduire
dans la demeure et notifier le mandat.
b.
La délivrance du mandat
Le décret des 16-29 septembre 1791 indique que le mandat d’amener est un ordre d’un
officier de police de sûreté voulant faire comparaître un prévenu. Si ce dernier ne veut pas y
obéir, le porteur du mandat d’amener pourra employer la force pour le contraindre mais
l’article 4 précise qu’ « il en sera tenu d’en user avec modération et humanité ».
Sur ce point, le décret des 29 septembre-21 octobre 1791 en forme d’instruction pour la
procédure criminelle expose que le porteur de cet ordre « (…) ne doit jamais oublier que c’est
à des hommes libres qu’il notifie une évocation légale, et que toute insulte, tout mauvais
traitement volontaire, sont des crimes de la part de celui qui agit au nom de la loi ».
Ce décret précise également les contours du mandat d’amener. Le juge de paix qui
délivre un tel mandat doit toujours faire amener devant lui le prévenu qu’il évoque.
Il convient de noter que, par la suite, le commissaire du roi puis du gouvernement ainsi que le
directeur du jury pourront également être les auteurs d’un tel acte. Selon la loi du 7 pluviôse
an IX, le substitut du commissaire du gouvernement aura également la possibilité de requérir
afin que le directeur du jury délivre le mandat comme ce fut le cas dans l’affaire de Jacques
Peignard147.
Ces mandats sont portés, soit par les huissiers attachés au tribunal de paix, soit par les
cavaliers de la gendarmerie nationale. Voulant éviter des violences lors de la remise du
mandat, l’Assemblée nationale précise que le porteur de ce mandat « (…) demandera d’abord
au prévenu s’il entend y obéir ; et dans le cas où le prévenu consentira et se mettra en devoir
d’obéir, le porteur n’aura qu’à l’accompagner et à le protéger jusqu’à ce qu’il soit rendu
devant l’officier de police ». Ceux qui refuseront d’obéir, devront être contraints par la force
car, pour l’Assemblée nationale, « il est impossible dans un Etat bien ordonné, que
146
147
Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 135, mandat d’amener du 20 messidor an IX.
Ibidem, 2U135, réquisitions du 20 messidor an XII.
43
l’obéissance ne demeure à la loi, et que la résistance d’un seul ne soit pas vaincue par la
force publique ; mais l’emploi de cette force doit être modéré : elle doit contraindre l’individu
mais non l’accabler »148.
L’huissier ou les cavaliers de gendarmerie dressent un procès verbal concernant la
délivrance du mandat d’amener au prévenu, en général, dans les deux ou trois jours. Cet acte
relate les faits lors de la remise du mandat. Par exemple, dans le cas du parricide commis par
Jean Villeneuve, l’huissier explique qu’il s’est rendu chez ce dernier accompagné de deux
personnes habitant Bécherel et qu’il lui a notifié le mandat d’amener : « (…) j’ai notifié le
mandat d’amener dont j’etois porteur, le réquérant de me déclarer s’il entend obeir audit
mandat et de se rendre par devant monsieur le juge de paix (…) »149. Jean Villeneuve, après
avoir accepté de le suivre, s’est enfui. L’huissier relate ainsi cet épisode :
« (…) etant deja rendus ensemble dans un champ joignant à la cour du domicile dudit sieur
Villeneuve, une fille de son voisin et son fermier l’a appellé, son pere ayant un mot à lui dire.
Le sieur Villeneuve s’est retourné et retournant promptement vers son domicile, qui joint
celui de son fermier, m’a dit qu’il alloit venir me rejoindre dans la minute. Doutant de la
sincerité des dires du sieur Villeneuve j’ai pressé le pâs pour ne point le perdre de vüe, et
estre toujours à porté de le suivre dans ses démarches.. Le sieur Villeneuve est effectivement
entré par la porte commune entre lui et son fermier ; là, l’ayant perdue de vue j’ai redoublé
ma marche et suis aussitôt entré dans la maison du fermier ; n’y ayant vu le dit sieur
Villeneuve j’ai remarqué une porte de derrière ouverte et qui donne sur son jardin (…) »150.
Il arrive également que l’huissier ou les cavaliers de la gendarmerie ne trouvent pas le
prévenu. Dans l’affaire du parricide commis par Julien Delions, l’huissier ne vit que la sœur
de ce dernier. Après lui avoir demandé l’endroit où ce dernier se trouvait, il visita le domicile,
ses deux assistants étant restés dehors pour garder les issues mais sans résultats151.
Ces différents points sont repris dans le Code des délits et des peines du 3 brumaire an
IV.
148
Décret des 29 septembre-21 octobre 1791, op. cit.
Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, L 2886, procès-verbal concernant le mandat d’amener du 3 avril
1792.
150
Ibidem, L 2886, procès-verbal concernant le mandat d’amener du 3 avril 1792.
151
Ibidem, L 3074, procès-verbal de l’huissier du 9 juillet 1792.
149
44
2.
L’audition du prévenu
Lorsque le prévenu est amené devant le juge de paix (ou autre par la suite152), ce
dernier procéde à un interrogatoire afin de vérifier si les inculpations élevées contre lui sont
exactes. Les questions posées suivent un ordre précis qui se retrouve dans chaque
interrogatoire ayant lieu à ce stade de la procédure. Par exemple, dans l’interrogatoire de
Louis Deniel, après avoir décrit physiquement ce dernier, le juge de paix lui pose ces
différentes questions :
« (…) Interrogé de son nom, prenom, age, qualité, profession et demeure
Repond s’appeler Louis Deniel, agé de trente six ans, laboureur demeurant au lieu de la
Robinais, commune de Saint Malo de Filÿ canton de Plechatel
Lui demandé s’il sait pourquoi il a eté conduit devant nous
Repond l’ignorer
Lui demandé s’il n’a jamais été repris de justice
Repond que non
Lui demandé s’il est marié
Repond qu’il l’a eté avec Anne Gislais (…) »153.
Les trois premières questions sont posées au prévenu qu’il s’agisse d’un parricide ou d’un
uxoricide, la dernière n’étant posée que dans ce dernier cas.
Le juge de paix pose ensuite des questions relatives aux relations que le prévenu
entretenait avec la victime et aux circonstances du crime. Il demande parfois directement au
prévenu s’il est l’auteur du crime. Il reprend également dans son interrogatoire, les
témoignages et indices découverts lors de la descente sur les lieux du crime comme cela s’est
passé lors de celui de Louis Deniel :
« (…) Lui demandé s’il portoit le dix neuf de ce mois les habillemens qu’il avoit presentement
sur lui
Repond que oui
[…]
Lui demandé s’il n’emmena pas sa femme chez lui
Repond qu’elle vint dans sa maison une demie heure après qu’il ÿ fut entré, qu’elle ne tarda
même pas une demie heure
Lui demandé si elle lui chercha dispute
152
Op. cit.
45
Repond qu’elle commença par le menaçer et agir comme à son ordinaire et à l’aigrir contre
elle
Lui demandé si dans la colère où le mirent les propos de sa femme il ne la frappa pas
Repond qu’il ne lui donna qu’un coup de poingts, un seul coup de poingt que son mal sur ce
coup de poingt la prit et qu’elle mourut
Lui demandé ou la crainte qui le saisit la voiant morte le porta à la mettre
Repond qu’il la porta dans un puits […]
Lui demandé si elle étoit tout a fait morte quand il la jetta dans le puits
Repond qu’elle n’étoit que trop malheureusement entierrement morte
Lui demandé si c’est la premiere fois qu’il ait frappé sa femme
Repond qu’ils avoient eu d’autres differents ensemble, mais qu’il ne s’attendoit pas à ce
malheur (…) »154.
Concernant l’interrogatoire d’Etienne Behours, accusé de parricide, le juge de paix lui
posera le même type de questions :
« (…) Interrogé depuis quel temps il n’a point été au village de la Touche lieu de residence de
son feu pere s’il n’a point eu de discussion avec lui.
Repond qu’il y a viron trois semaines il fut voir son pere qu’il se trouvoit ivre, qu’il eut
dispute avec lui, qu’il lui frappa, que sa sœur fut en partie la cause de sa mauvaise maniere
d’agir, mais que son pere avant de mourir lui a dit en présence de ses autres freres qu’il
n’étoit pas faché avec lui et qu’il lui pardonnoit bien volontiers le mal qu’il pouvoit lui avoir
fait
Lui demandé quel jour il dût avoir eu dispute avec son pere et le fraper
Repond que c’étoit un dimanche et qu’il croit que c’etoit le dimanche avant le jour Saint Jean
(…) »155.
L’interrogatoire est retranscrit par le greffier du juge de paix et ce dernier va demander
au prévenu de signer ou si ce dernier ne le peut pas, il en est fait mention.
3.
Notification du mandat de dépôt
153
Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2U59, interrogatoire du 25 prairial an VIII.
Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 59, interrogatoire du 25 prairial an VIII.
155
Ibidem, 2 U 51, interrogatoire du 17 messidor an VIII.
154
46
Parfois, un mandat de dépôt est notifié à l’encontre du prévenu notamment lorsqu’il
est éloigné de plus de dix lieues et à deux jours de distance, ce choix étant laissé par la loi à
l’appréciation des officiers municipaux156. Il en est donné avis à l’officier de police c’est-àdire au juge de paix (ou autre par la suite157) qui a décerné le mandat. Pierre Tardif, par
exemple, a été amené devant le substitut du procureur général impérial en vertu d’un mandat
d’amener (ce dernier a pris connaissance de l’affaire lorsque les gendarmes, sur ordre du juge
de paix, l’ont conduit jusqu’à Pierre Tardif). A la suite de l’interrogatoire, ce dernier a rédigé
un mandat de dépôt :
« (…) Sur quoi considérant que la gravité du délit exige un examen réfléchi de l’affaire, nous
en vertu du pouvoir nous conféré par l’article 7 de la loi du 7 pluviôse an 9 avons donné
ordres aux agents de la force publique qui ont traduit le prévenu ci-présent de le conduire à
la maison d’arrêt près le tribunal d’arrondissement de cette ville, pour y être gardé en dépôt,
pendant qu’il sera procédé à son égard, conformément à la loi, nous avons décerné contre lui
le mandat de dépôt (…) »158.
L’article 7 de la loi du 7 pluviôse an IX relative à la poursuite des délits en matière criminelle
et correctionnelle159 dispose que « le substitut du commissaire près le tribunal décernera
contre le prévenu un mandat de dépôt, sur l’exhibition duquel le prévenu sera reçu et gardé
dans la maison d’arrêt établie près le tribunal de l’arrondissement : il en avertira , dans les
vingt-quatre heures, le directeur du jury, lequel prendra communication de l’affaire, et sera
tenu d’y procéder dans le plus court délai ».
Si les inculpations contre le prévenu n’ont pas été détruites, ce dernier se voit signifier
un mandat d’arrêt.
B. Le mandat d’arrêt
Le décret des 16-29 septembre 1791 expose dans l’article 5 du titre II de la première
partie consacrée à la police de sûreté que « si l’officier de police de sûreté, devant qui
l’inculpé est amené, trouve, après l’avoir entendu, qu’il y a lieu à le poursuivre
criminellement, il donnera ordre qu’il soit envoyé à la maison d’arrêt du tribunal du district ;
cet ordre s’appellera mandat d’arrêt ».
156
Décret des 29 septembre-21 octobre 1791, op. cit.
Op. cit.
158
Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 133, mandat de dépôt du 7 août 1806.
157
47
Le mandat est signé et scellé par l’officier de police qui le remet à celui qui doit conduire le
prévenu à la maison d’arrêt et lui en laisse une copie160. Le mandat comporte des
renseignements précis. Il contient le nom et le domicile du prévenu ainsi que la cause de
l’arrestation. A défaut de telles mentions le gardien de la maison d’arrêt ne pourra pas le
recevoir161. En effet, le décret des 29 septembre-21 octobre 1791 précise que si le mandat ne
respecte pas les formes requises, la détention sera considérée comme arbitraire et le gardien
en répondra personnellement.
Le Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV apporte quelques modifications.
En effet, l’article 71 précise que le mandat d’arrêt doit comporter, outre le nom, le domicile
du prévenu et son sujet d’arrestation, la profession de ce dernier ainsi que la loi qui autorise le
juge de paix ( et autre par la suite162) à l’ordonner.
Par exemple, le mandat d’arrêt délivré par le directeur du jury contre Jacques Peignard est
ainsi rédigé :
« DE PAR LA LOI
Nous François Le Moullee juge au tribunal de première instance et directeur du jury de
l’arrondissement de Rennes, Département d’Ille-et-Vilaine, en vertu de l’article LXX du Code
des Délits et des Peines, mandons et ordonnons à tous exécuteurs de mandemens de Justice,
de conduire en la maison d’arrêt dudit Rennes Jacques Peignard, cultivateur demeurant au
Paty Bourdais commune de Chartres
Prévenu d’avoir assassiné Jeanne Coudrais sa femme et de l’avoir ensuite jettée dans la
rivière d’Ille-et-Vilaine (…) »163.
L’article 70 auquel le directeur du jury fait référence expose que lorsqu’un « (…) délit est de
nature à être puni, soit d’un emprisonnement de plus de trois jours, soit d’une peine
infamante ou afflictive, le juge de paix délivre un ordre pour faire conduire la prévenu en la
maison d’arrêt du lieu où siège le directeur du jury d’accusation dans l’arrondissement
duquel le délit a été commis. Cet ordre se nomme mandat d’arrêt ». Cet article est plus précis
que celui du décret des 16-29 septembre 1791, il explique clairement dans quels cas, un
mandat d’arrêt peut être décerné.
159
La loi du 7 pluviôse an IX fait suite à la Constitution de l’an VIII et à la loi du 27 ventôse an VIII consacrant
l’unification du ministère public. Cf. J-B. DUVERGIER, op. cit.
160
Article 6 du titre deux de la seconde partie du décret des 16-29 septembre 1791, op. cit.
161
Article 7 du titre deux de la seconde partie du décret des 16-29 septembre 1791, op. cit.
162
Op. cit.
48
Dans certains cas, le prévenu est décrit très précisément, ainsi le mandat d’arrêt délivré
contre Louis Deniel comporte une description très précise de ce dernier « (…) Louis Deniel
laboureur agé d’environ trente six ans canton demeurant au lieu de la Robinais commune de
Saint Malo de Filÿ canton de Plechatel taille de cinq pieds cheveux et sourcils noirs frisés,
ÿeux gris, front bas, nez long et gros, menton rond et fourchu, visage ovale et un peu ridé
(…) »164, cela permettant à l’officier chargé d’exécuter le mandat d’arrêt de reconnaître plus
facilement le prévenu.
Le Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV précise également, dans son
article 134, que l’officier devant exécuter le mandat d’arrêt doit se faire accompagner d’une
force suffisante afin d’éviter que le prévenu ne s’enfuisse. D’ailleurs, le mandat d’arrêt, dans
sa rédaction, comporte une formule à ce sujet : « (…) requérons tous dépositaires de la force
publique, auxquels le présent mandat sera notifié, de prêter main forte pour son exécution, en
cas de nécessité (…) »165.
Le prévenu doit être déposé immédiatement à la maison d’arrêt du district située près du
directeur du jury166. Le juge de paix (ou autre par la suite167) s’adresse au gardien de la maison
d’arrêt dans son mandat. Ainsi, il est écrit : « (…) mandons au gardien de ladite maison
d’arrêt de le recevoir, le tout, en se conformant à la Loi (…) »168, cette dernière partie de
phrase faisant référence à l’interdiction de la détention arbitraire.
Une fois le prévenu conduit à la maison d’arrêt, l’officier chargé de l’exécution du mandat
porte au greffe du directeur du jury les pièces relatives au délit et à l’arrestation169.
Le mandat d’arrêt marque la fin de l’instruction et la déclaration du prévenu ainsi que
celles des témoins. Les procès-verbaux des corps des délits doivent être réunis. L’ ensemble
forme le corps de l’instruction de police170.
163
Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 135, mandat d’arrêt du 28 messidor an IX.
Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 59, mandat d’arrêt du 25 prairial an VIII.
165
Ibidem, 2 U 135, mandat d’arrêt du 28 messidor an VIII.
166
Article 137 du Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV, op. cit.
167
Op. cit.
168
Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 135, mandat d’arrêt du 28 messidor an IX.
169
Article 138 du Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV, op. cit.
170
Décret des 29 septembre-21 octobre 1791 en forme d’instruction pour la procédure criminelle, op. cit.
164
49
C. Le cas particulier du contumax
Ce cas concerne deux parricides et quatre uxoricides. Les archives sur les parricides
commis par Jean Villeneuve171 et Julien Delions172 ne nous permettent pas de connaître la
procédure suivie. Cependant, elles sont plus complètes pour les uxoricides commis par
Jacques Peignard173, Vincent Valotaire174, Julien Jumel175 et Pierre Morel176.
Le décret des 29 septembre-21 octobre 1791 précise que si le prévenu ne comparaît
pas dans les quatre jours suivant le mandat d’amener devant l’officier de police, cet officier
devra envoyer copie de la plainte et la note de déclaration des témoins au greffe du tribunal du
district, pour être procédé devant le jury d’accusation. Si le prévenu est amené par la suite,
l’officier doit l’examiner dans un délai de vingt-quatre heures.
L’Assemblée nationale a voulu ce principe fondé sur la présomption d’innocence.
Le Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV précise dans son article 68 que,
dans le cas d’un contumax, lorsque quatre jours sont écoulés depuis la notification du mandat
d’amener à sa dernière résidence, le juge de paix (ou autre par la suite177) délivre un mandat
d’arrêt.
L’article 135 précise que le mandat est notifié à sa dernière habitation et l’officier chargé de
l’exécution, dresse un procès-verbal de ses perquisitions et diligences. Cet acte est dressé en
présence des deux plus proches voisins du prévenu qui devront le signer. Les gendarmes,
chargés de notifier le mandat d’arrêt à Vincent Valotaire, ne l’ayant pas trouvé après
recherches, ont notifié en présence des deux plus proches voisins, le mandat d’arrêt décerné
contre ledit Valotaire, ils l’ont attaché dans le lieu le plus apparent de sa maison178. L’officier
chargé de l’exécution du mandat d’arrêt peut voir le prévenu s’échapper. C’est ainsi que
Julien Jumel s’est enfui en voyant l’huissier arriver avec son employeur dans les champs.
L’officier laissa à l’employeur une copie du mandat avec sommation d’en donner avis à Julien
Jumel179.
171
Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, L 2886.
Ibidem, L 2814 et L 3074.
173
Ibidem, 2 U 135.
174
Ibidem, 2 U 61.
175
Ibidem, 2 U 38.
176
Ibidem, 2 U 69.
177
Op. cit.
178
Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 61, procès-verbal des gendarmes nationaux du 16 prairial an
VIII.
179
Ibidem, 2 U 38, mandat d’arrêt du 9 frimaire an VI.
172
50
Enfin, ce procès-verbal est visé par l’agent municipal du lieu ou son adjoint. Ainsi dans les
archives concernant l’uxoricide commis par Pierre Morel, l’adjoint du maire a dressé un acte
certifiant que les recherches et perquisitions ont été faites ainsi qu’il a été relaté dans le procès
verbal des gendarmes nationaux180.
L’officier va procéder à une recherche afin de découvrir où peut se cacher le prévenu.
Il se renseigne, le plus souvent, auprès de la famille du prévenu, de ses voisins.
Jacques Peignard étant introuvable, les gendarmes nationaux ont dressé un procès verbal.
Dans cet acte, ils expliquent qu’ils sont allés chez la mère de ce dernier et écrivent : « (…)
nous lui avons donnér connaissance de l’ordre dont nous etions porteurs et demandé ou etois
son fils Peignard mari de feu Janne Coudrai, elle nous à repondu qu’elle ne savoit pas ou il
etoit […], nous avons de suite fait recherche la plus exacte en la maison de la mere Poignard
et avons reconnu que le dit Poignard ni étoit pas (…) »181.
D. Les réquisitions du commissaire du roi
Les fonctions du commissaire du roi sont précisées dans la Constitution de 1791182.
Outre son rôle important lors du jugement, il requiert pendant le cours de l’instruction pour la
régularité des formes. Il en est le garant. Bien que le nom de sa fonction évolue au cours des
différents régimes, son rôle au cours de l’instruction restera le même. En effet, le commissaire
du roi va devenir le commissaire du pouvoir exécutif183 puis du gouvernement
184
puis le
procureur général impérial sous l’Empire185.
L’acte de ses réquisitions suit un ordre précis : il est d’abord fait référence aux pièces
dont il a eu à connaître, puis le nom du prévenu et la cause de la procédure instruite contre lui.
Enfin après un ou plusieurs « considérant », le commissaire du roi énonce ses réquisitions. Il
apparaît à la lecture des archives qu’il requiert la traduction du prévenu devant le jury
180
Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 69, certificat de l’adjoint du maire du 16 thermidor an VIII.
Ibidem, 2 U 135, acte des gendarmes nationaux du 16 messidor an IX.
182
Article 25 du chapitre cinq du titre III de la Constitution de 1791 in Les Constitutions de la France depuis
1789, op. cit., page 62.
183
Article 241 du titre VIII de la Constitution de l’an III in Les Constitutions de la France depuis 1789, op. cit,
page 124.
184
Article 63 du titre V de la Constitution de l’an VIII in Les Constitutions de la France depuis 1789, op. cit.,
page 158.
185
Article 136 du titre XIV de la Constitution de l’an XII in Les Constitutions de la France depuis 1789, op. cit.,
page 206.
181
51
d’accusation. Ainsi, le commissaire du gouvernement va requérir qu’Etienne Behours soit
traduit devant le jury d’accusation :
« (…) je requiers conformement à l’article 220 du Code des délits et des peines et à l’art. 13
de la 1ère section du titre 2 du Code pénal qu’Etienne Behourd fils prevenu d’avoir excedé de
coups Pierre Behours son pere quelque tems avant la mort de celui-ci soit traduit devant le
jury d’accusation (…) »186.
L’article du Code des délits et des peines auquel fait référence le commissaire du
gouvernement concerne l’ordonnance par laquelle le directeur du jury traduit le prévenu
devant le jury d’accusation.
Le mandat d’arrêt appliqué, le prévenu est traduit devant le jury d’accusation qui va
déterminer s’il y a lieu ou non à accusation. Pour cela, les pièces de l’instruction vont être
transmises au directeur de ce jury.
186
Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 51, réquisitions du 21 messidor an VIII.
52
Chapitre 2
L’accusation
Le jury d’accusation se prononce sur la mise en accusation du prévenu. Cette phase se
passe au niveau du district contrairement à la précédente effectuée au niveau cantonal.
Si le jury déclare qu’il y a lieu à accusation, le directeur du jury dressera une ordonnance de
prise de corps à l’encontre de l’accusé. Pour l’Assemblée constituante, le jury devait
permettre de garantir les droits de l’accusé en le plaçant sous la sauvegarde de ses pairs187.
Section 1
L’acte d’accusation
L’information préliminaire achevée, l’affaire est soumise au directeur du jury qui
prend la décision de la soumettre on non au jury d’accusation par le biais d’une ordonnance188.
La loi des 16-29 septembre 1791 organise le jury.
I.
La mise en accusation
Le directeur du jury d’accusation a pour rôle de dresser l’acte d’accusation sur lequel
les jurés auront à se prononcer.
A. La décision de soumettre l’affaire au jury d’accusation
Le rôle de directeur du jury est rempli par les juges du tribunal de district à tour de
rôle tous les six mois. Le directeur du jury examine, dans les vingt-quatre heures de la remise
du prévenu à la maison d’arrêt du district, les pièces de la procédure et entend à nouveau le
prévenu pour vérifier que l’affaire peut être connue du jury.
L’audition a lieu au sein de l’auditoire. Le directeur du jury ordonne au gardien de la maison
d’arrêt de faire paraître le prévenu devant lui. Il pose à ce dernier différentes questions
concernant son identité, ses relations avec la victime, les mobiles possibles découverts
notamment par les auditions de témoins. Ainsi, par exemple, les questions posées à Pierre
Tardif lors de cette audition sont les suivantes :
187
J-M. CARBASSE, Dictionnaire de la culture juridique, au mot Jury , op. cit.
53
« (…) D. quels sont vos nom, prénom, age, demeure et profession ?
[…]
D. n’étiez-vous pas marié avec Anne Perrin et y a t il longtems ?
[…]
D. quel jour est elle morte et où a t elle été enterrée ?
[…]
D. viviez vous en bonne intelligence avec elle ?
[…]
D. quelque tems avant sa mort l’avez vous pas plus d’une fois maltraitée ?
[…]
D. quelle était la cause de vos ménaces ?
[…]
D. quelque tems avant sa mort ne l’avez-vous pas poursuivie au derriere de votre jardin,
ayant à la main un fouet en double ?
(…) »189.
L’audition terminée, le directeur du jury dresse un procès-verbal contenant les
déclarations du prévenu. A ce stade de la procédure, le serment de dire la vérité n’est pas
requis. Le décret des 29 septembre-21 octobre 1791 en forme d’instruction pour la procédure
criminelle précise que cette audition « (…) n’est qu’une facilité accordée à un individu arrêté,
d’expliquer les preuves de son innocence, et les raisons qu’il voudra alléguer pour sa
justification ».
Le directeur du jury entend également les témoins qui n’auraient pas fait leur
déclaration pendant le cours de l’instruction et ce, avant qu’ils ne soient entendus par le jury
d’accusation.
A partir de la loi du 11 prairial an IV190, les témoins qui ne viendraient pas à la date et à
l’heure requises et sans aucune cause légitime pourront être contraints par un mandat
d’amener dressé par le directeur du jury. La loi précise que si une fois amenés, ils ne justifient
pas d’une cause valable, ils sont conduits dans la maison d’arrêt en vertu d’un mandat
188
Article 223 du Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV, op. cit.
Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 133, audition du 3 octobre 1806.
190
J-B. DUVERGIER, op. cit., 1825, tome IX, page 122.
189
54
émanant du directeur du jury. Le tribunal correctionnel les condamnera à une détention de
huit jours à un mois.
Après avoir estimé que la loi autorisait l’accusation, le directeur du jury convoque les
jurés. Ce jury est composé de huit citoyens tirés au sort sur la liste des électeurs du premier
degré et est présidé par le directeur du jury.
B. Le contenu de l’acte d’accusation
Selon le décret des 16-29 septembre 1791191, l’acte d’accusation est rédigé par le
directeur du jury mais la loi du 7 pluviôse an IX relative à la poursuite des délits en matière
criminelle et correctionnelle donne également ce pouvoir au substitut du commissaire du
gouvernement. Dans ce dernier cas, le directeur du jury fera lecture de l’acte et des pièces aux
jurés et ce, en la présence de ce dernier.
Le directeur du jury doit attendre deux jours après la remise du prévenu à la maison
d’arrêt, pour rédiger l’acte d’accusation. En effet, les parties plaignantes ou dénonciatrices
doivent comparaître dans ce délai192. Dans les cas d’uxoricides et de parricides que le tribunal
criminel d’Ille-et-Vilaine a eu à juger, aucune partie plaignante ou dénonciatrice ne s’est fait
connaître. Le directeur du jury ou le substitut du commissaire du gouvernement y font
référence dans l’acte d’accusation193.
L’acte d’accusation doit contenir obligatoirement le fait (le jour, la date et l’heure du
crime), toutes les circonstances du parricide ou de l’uxoricide (qui ont suivi, précédé ou
accompagné le crime), l’auteur ou les auteurs de ces crimes clairement dénommés ainsi que la
nature du délit. Enfin, « il sera dit qu’il a été commis méchamment et à dessein »194.
Avant cela, le directeur du jury précise qu’après avoir étudié les pièces, il a considéré que le
délit était de nature à mériter peine afflictive et infamante195.
Le procès-verbal constatant le corps du délit doit être joint à l’acte d’accusation sous
peine de nullité196. Il y est fait référence dans l’acte d’accusation. Ainsi, le procureur général
191
Article 8 du titre I de la seconde partie du décret des 16-29 septembre 1791, op. cit.
Article 8 du titre I de la seconde partie du décret des 16-29 septembre 1791, op. cit.
193
Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 61, acte d’accusation du 10 fructidor an VIII.
194
Article 15 du titre I de la seconde partie du décret des 16-29 septembre 1791, op. cit.
195
Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 82, acte d’accusation du 29 ventôse an X.
196
Décret des 29 septembre-21 octobre 1791, op. cit.
192
55
impérial de la cour de justice criminelle du département d’Ille-et-Vilaine pour
l’arrondissement de Saint Malo écrit dans l’acte d’accusation dressé contre Jean Etienne
Tehel : « (…) et notamment des deux procès verbaux raportés le sept janvier et douze février
derniers, le premier par les gendarmes impériaux à la residence de Dol, et le second par le
juge de paix du canton dudit lieu, lesquels procès verbaux sont annexés au présent acte
(…) »197.
Avant d’être présenté au jury, l’acte d’accusation ainsi que toutes les pièces de la
procédure sont communiqués au commissaire du roi. Ce dernier exprime son adhésion à cet
acte par la formule « la loi autorise »198.
II.
La décision favorable à l’accusation
Pour l’Assemblée constituante, les citoyens doivent être protégés d’une mise en
accusation arbitraire par le biais du jury d’accusation199, composé de huit citoyens. Ce jury
doit se prononcer sur l’éventualité d’une mise en accusation sur la base des dépositions des
témoins à charge, sans publicité et sans entendre le suspect. Il décide s’il y a lieu ou non à
accusation à la majorité simple. Si la décision est défavorable à l’accusation, la procédure
s’arrête et le suspect est libéré.
A. Le choix des jurés
Les jurés sont choisis parmi les électeurs. Ils doivent accepter leur fonction et ne
peuvent la refuser qu’en cas d’excuse valable. Le décret des 16-29 septembre 1791 précise
que tous les trois mois le procureur-syndic de chaque district dresse une liste de trente
citoyens appelés aux fonctions de jurés d’accusation. Cette liste est arrêtée et examinée par le
directoire du district. Huit jours avant l’assemblée du jury, le directeur du jury tire au sort les
noms des huit citoyens qui formeront ce jury. Ce tirage au sort a lieu lors d’une séance
publique et en présence du commissaire du roi. Les jurés sont prévenus quatre jours avant
cette assemblée.
197
Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 146, acte d’accusation du 30 mai 1808.
Article 13 du titre I de la seconde partie du décret des 16-29 septembre 1791, op. cit.
199
B. SCHNAPPER, Le jury criminel in Une autre justice 1789-1799, op. cit., pages 149 à 170.
198
56
Le Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV va apporter quelques
changements. L’article 483 de ce code précise que les jurés doivent avoir plus de trente ans et
non plus vingt et un an. Les listes de jurés sont également définies différemment. Désormais,
chaque administration départementale forme tous les trois mois une liste de citoyens pouvant
être jurés d’accusation et de jugement et elle divise cette liste en autant de parties qu’il y a de
directeurs de jury dans le département200. De plus, le jury d’accusation s’assemble chaque
décadi après la convocation du directeur du jury et non plus dans un délai de huit jours. Enfin,
les jurés sont tirés au sort dans ce même délai.
En cas d’empêchement d’un juré, ce dernier doit prévenir dans les deux jours afin de
permettre au directeur du jury d’examiner l’excuse qui sera transmise au tribunal afin qu’il
l’accepte ou, au contraire, la rejette. A partir du Code des délits et des peines, le directeur du
jury prendra lui-même cette décision après avoir entendu le commissaire du pouvoir
exécutif201. Lors du tirage au sort des jurés devant se prononcer sur la mise en accusation de
Pierre Legaud, deux jurés ont été excusés. Le premier car il était septuagénaire et que la loi le
dispense202 et le second car il n’habitait pas au lieu indiqué203.
En cas d’acceptation, le directeur du jury fait retirer le nom du juré de la liste des citoyens et
sera remplacé par un autre. Le juré qui n’aurait pas une excuse valable encourt une peine de
trente livres d’amende, la privation du droit d’éligibilité et de suffrage pendant deux ans et
impression de la peine dans l’arrondissement du directeur du jury204.
Le tableau du jury d’accusation est ensuite transmis au tribunal criminel205.
Dans trois des uxoricides, un jury spécial s’est prononcé sur l’acte d’accusation. Ce
jury est institué lorsque le directeur du jury exerce directement les fonctions d’officier de
police judiciaire. Il se compose, en plus du directeur du jury, de huit jurés tirés au sort à partir
d’une liste de seize citoyens « (…) ayant les qualités et connaissances nécessaires pour
prononcer sainement et avec impartialité sur le genre du délit (…) »206 et choisis par le
commissaire du pouvoir exécutif.
200
Articles 483 à 490 du Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV, op. cit.
Article 496 du Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV, op. cit.
202
Article 484 du Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV, op. cit.
203
Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 56, procès-verbal de tirage de deux jurés du 30 vendémiaire
an IX.
204
Titre X de la deuxième partie du décret des 16-29 septembre 1791, op. cit.
205
Article 501 du Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV, op. cit.
206
Article 518 du Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV, op. cit.
201
57
B. La tenue de la séance du jury d’accusation
La séance a lieu à huis clos pour préserver la réputation du suspect en cas de poursuite
non fondée207. Le directeur du jury demande aux jurés de prêter serment, en présence du
commissaire du roi. Le décret des 16-29 septembre 1791 en donne la formule :
« CITOYENS,
Vous jurez et promettez d’examiner avec attention les témoins et pièces qui vous seront
présentés, et d’en garder le secret. Vous vous expliquerez avec loyauté sur l’acte d’accusation
qui vous sera remis ; vous ne suivrez ni les mouvemens de la haine et de la méchanceté, ni
ceux de la crainte ou de l’affection »208.
Les jurés doivent répondre chacun individuellement : « je le jure ». Sous le Code des délits et
des peines du 3 brumaire an IV, les jurés répondront : « je le promets ».
Le directeur du jury leur expose ensuite l’objet de l’accusation et leur explique
clairement leurs fonctions. Le Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV précise
qu’afin que les jurés n’oublient pas leur mission, le directeur du jury leur lit l’instruction
suivante qui est également affichée dans la salle des délibérations :
« Les jurés d’accusation n’ont pas à juger si le prévenu est coupable ou non, mais seulement
s’il y a déjà des preuves suffisantes à l’appui de l’accusation.
Ils apercevront aisément le but de leurs fonctions, en se rappelant les motifs qui ont déterminé
la loi à établir un jury d’accusation.
Ces motifs ont leur base dans le respect pour la liberté individuelle. La loi, en donnant au
ministère actif de la police le droit d’arrêter un homme prévenu d’un délit, a borné ce pouvoir
au seul fait de l’arrestation.
Mais une simple prévention, qui souvent a pu suffire pour qu’on s’assurât d’un homme, ne
suffit pas pour le priver de sa liberté pour l’instruction d’un procès, et de l’exposer à subir
l’appareil d’une procédure criminelle.
La loi a prévenu ce dangereux inconvénient ; et à l’instant même où un homme est arrêté par
la police, il trouve des moyens faciles et prompts de recouvrer sa liberté, s’il ne l’a perdue
que par l’effet d’une erreur ou de soupçons mal fondés, ou si son arrestation n’est que le fruit
de l’intrigue, de la violence, ou d’un abus d’autorité. Il faut alors qu’on articule contre lui un
fait grave : ce ne sont plus de simples soupçons, une simple prévention, mais de fortes
207
208
B. SCHNAPPER, Le jury criminel in Une autre justice 1789-1799, op. cit., pages 149 à 170.
Article 16 du titre I de la seconde partie du décret des 16-29 septembre 1791, op. cit.
58
présomptions, un commencement de preuves déterminantes, qui doivent provoquer la décision
des jurés pour l’admission de l’acte d’accusation »209.
Les jurés prêtent également serment au régime en place. Par exemple, la loi du 19 fructidor an
V requiert le serment de fidélité « (…) à la République et à la Constitution »210 ; celle du 25
brumaire an VIII fidélité « (…) à la République une et indivisible fondée sur l’égalité, la
liberté et le sisteme representatif (…) »211 ; celle du 21 nivôse an VIII fidélité à la
Constitution212 ou encore celle du sénatus-consulte du 28 floréal an XII « (…) obéissance aux
constitutions de l’Empire et fidélité à l’Empereur »213.
Pour que les jurés puissent donner un avis objectif, ils ont à leur disposition les pièces
de la procédure à l’exception des déclarations des témoins. En effet, la procédure étant
exclusivement orale, ces derniers sont entendus. La loi du 5 pluviôse an II relative aux faux
témoins leur est lue. Selon les cas, ils encourent la peine de mort ou vingt années de fers214.
Un des témoins peut être absent, comme lors de la tenue du jury d’accusation concernant
l’uxoricide commis par Louis Deniel. Un témoin n’a pas comparu et a fait transmettre au
commissaire du gouvernement un certificat délivré par l’adjoint au maire de la commune de
Saint Malo de Phily constatant que « (…) ledit Lahais est dangereusement malade et
incapable de voyager (…) »215.
La loi du 7 pluviôse an IX retirera aux jurés l’audition des témoins à charge, le jury
d’accusation étant suspecté d’entraver la répression216. Ils devront décider sur la seule lecture
des pièces du dossier.
Le suspect est absent lors de la séance car il ne s’agit pas de se prononcer sur sa
culpabilité mais sur les charges. Ces dernières doivent être suffisamment sérieuses pour
l’accuser et l’envoyer devant le tribunal criminel217.
Les pièces lues et les témoins entendus, le directeur du jury se retire afin de permettre aux
jurés de prendre leur décision.
209
Article 237 du Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV, op. cit.
J-B. DUVERGIER, op. cit.,1825, Tome X, pages 43 à 46.
211
Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 43, procès-verbal de promesse et de serment des jurés du 6
floréal an VIII.
212
J-B. DUVERGIER, op. cit., 1826, Tome XII, page 65.
213
Article 56 de la Constitution de l’an XII in Les Constitutions de la France depuis 1789, op. cit., page 194.
214
J-B. DUVERGIER, op. cit., 1825, Tome VII, page 16.
215
Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 59, procès-verbal de tenue du jury du 30 frimaire an IX.
216
B. SCHNAPPER, Le jury criminel in Une autre justice1789-1799, op. cit.
217
Article 237 du Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV, op. cit.
210
59
Toutes ces dispositions de forme sont requises à peine de nullité. C’est ainsi que la
Cour de cassation a cassé l’arrêt condamnant René Boulaix à la peine de mort pour
parricide218, le directeur du jury n’ayant, notamment, pas indiqué que le jury d’accusation
avait été tiré au sort publiquement et dont la teneur suit :
« (…) Vu l’article 492 du code des delits et des peines219 […]
et attendu que le procès verbal du tirage au sort du jury d’accusation, dressé par le directeur
du jury de Fougeres, porte, seulement, que ce tirage a été fait, dans la chambre de la
direction du jury, en présence du magistrat de sureté, sans dire, en aucune maniere, qu’il ait
été fait publiquement, qu’en rapportant toutes les circonstances de son operation, et en
omettant de faire mention de celle de la publicité, le directeur du jury a donné droit de
conclure que cette formalité n’a pas été observée. Que ceci se trouve, encore fortifié par ce
qui est dit que le tirage a été fait, dans la chambre de la direction du jury, lieu qui à la
difference de la salle d’audience n’est pas par sa destination ouvert au public. Vue la
publicité du tirage au sort du jury d’accusation prescrite par la loi, à peine de nullité, est
pour les accusés la garantie de la fidelité de ce tirage, comme la presence des officiers
municipaux l’est a l’egard du jury de jugement
D’où il suit, qu’il y a eu de la part du directeur du jury d’accusation de Fougeres,
contravention à l’article 492 […], dont l’exécution est prescrite à peine de nullité par
l’article 525220 que la Cour de justice criminelle d’Ille-et-Vilaine eut dû annuller cet acte de
procédure comme le lui prescrivait le §. 5. de l’art. 546 du code des delits et des peines
(…) »221.
La nullité de ce procès-verbal a entraîné la cassation des actes suivants et donc de l’arrêt de la
Cour de justice criminelle d’Ille-et-Vilaine et le renvoi devant le jury d’accusation
d’Avranches.
C. La décision du jury d’accusation
Les jurés sont présidés par le plus âgé d’entre eux et ce dernier devra recueillir les
voix. Lorsqu’ils se sont prononcés favorablement sur la mise en accusation (à la majorité des
218
Cf. annexe 4.
L’article 492 du Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV expose que « chaque décadi, le directeur
du jury d’accusation, sur la partie de la liste mentionnées en l’article 486, qui comprend les citoyens domiciliés
dans son arrondissement, fait tirer publiquement au sort, en présence du commissaire du pouvoir exécutif, établi
près de lui, les huit citoyens qui devront, le décadi suivant, former le jury d’accusation ».
220
Selon l’article 525 du Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV, toute contravention notamment au
titre consacré à la manière de former et de convoquer le jury d’accusation, emporte nullité.
221
Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 116, arrêt du 26 fructidor an XIII.
219
60
suffrages), le chef des jurés inscrit en bas de l’acte d’accusation la formule : « La déclaration
du jury est :oui, il y a lieu ».
Le décret des 29 septembre-21 octobre 1791 précise que les jurés n’ont pas à se prononcer sur
la culpabilité du prévenu mais sur le fait de savoir « (…) si le délit qu’on lui impute est de
nature à mériter l’instruction d’une procédure criminelle et s’il y a déjà des preuves
suffisantes à l’appui de l’accusation ». Le Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV
reprendra ces précisions dans son article 237.
Si le jury, statuant à huis clos estime que les charges sont suffisantes, l’accusé, « pris de
corps », est déféré devant le tribunal criminel du département222. Il est transféré à la maison de
justice d’Ille-et-Vilaine et son dossier est adressé au greffe du tribunal criminel.
Section 2
L’ordonnance de prise de corps
L’ordonnance de prise de corps est rédigée par le directeur du jury d’accusation, elle
doit être précise et a pour conséquence de transférer l’accusé à la maison de justice du tribunal
criminel d’Ille-et-Vilaine.
I.
Le contenu de cette ordonnance
Selon le décret des 16-29 septembre 1791223, dès la déclaration du jury d’accusation, le
directeur du jury rend une ordonnance de prise de corps. Par la suite, lorsque l’acte
d’accusation sera écrit par le commissaire du gouvernement ou plus tard, par le substitut du
procureur général impérial224, ou encore par le magistrat de sûreté, le directeur du jury rendra
également cette ordonnance.
Ces derniers vont requérir que le directeur du jury dresse une ordonnance de prise de corps.
Par exemple, les réquisitions du magistrat de sûreté dans l’affaire de Jeanne Delanoe sont
ainsi rédigées :
« Nous magistrat de sureté pour l’arrondissement de Saint Malo requerons en vertu des
articles deux cent cinquante six, deux cent cinquante huit, deux cent cinquante neuf, deux cent
soixante, deux cent soixante un et deux cent soixante deux du code des delits et des peines,
qu’il soit par Monsieur le directeur du jury rendu une ordonnance de prise de corps contre
222
J-M. CARBASSE, Histoire du droit pénal et de la justice criminelle, op. cit., page 377.
Articles 29 à 33 du titre I de la seconde partie du décret des 16-29 septembre 1791, op. cit.
224
Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 146, ordonnance de prise de corps du 3 juin 1808.
223
61
Jeanne Delanoe veuve Georges Hubert ; qu’il lui en soit laissé copie ; qu’il en soit donné avis
aux maires de Saint Malo et de Saint Broladre ; et que dans les vingt-quatre heures qui en
suivront la notification l’accusée soit conduite à la maison de Justice établie près la Cour de
Justice Criminelle du département (…) »225.
L’ordonnance de prise de corps comporte tout d’abord une copie de l’acte
d’accusation car elle en est la conséquence. Elle contient également le nom de l’accusé, sa
désignation, son signalement et son domicile. Cette description est très précise, par exemple,
le directeur du jury d’accusation de l’arrondissement de Rennes décrit Pierre Billet ainsi :
« (…) le dit Pierre Billet fils de Pierre et d’Anne Laperche agé de vingt huit ans, natif de
Mordelles departement d’Ille-et-Vilaine, laboureur, taille de cinq pieds trois pouces cheveux,
sourcils et barbe chatains, visage alongé, front moyen, yeux gris, nez pointu, bouche
moyenne, menton pointu (…) »226.
Tout signe permettant de distinguer l’accusé est précisé. Par exemple, concernant Pierre
Tardif, il est indiqué qu’il a un doigt de la main gauche raccourci227.
Le Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV précise dans son article 259, que
l’ordonnance de prise de corps doit rappeler la loi en conformité de laquelle elle est portée
comme il a pu être observé dans l’exemple concernant Pierre Billet.
Enfin, l’ordonnance comprend l’ordre de conduire directement l’accusé à la maison de
justice du tribunal criminel d’Ille-et-Vilaine. En principe, l’accusé est envoyé au tribunal
criminel du département, cependant il peut, dans deux cas, demander à être jugé par l’un des
tribunaux criminels des deux départements les plus proches : si le jury d’accusation est celui
du lieu où siège le tribunal criminel ou si l’accusé habite au lieu où est établi le tribunal228. Ces
tribunaux sont indiqués par l’ordonnance de prise de corps, l’accusé devant faire connaître sa
réponse dans les vingt-quatre heures au greffe.
225
Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 160, ordonnance de prise de corps du 15 février 1810.
Ibidem, 2 U 41, ordonnance de prise de corps du 30 nivôse an VIII.
227
Ibidem, 2 U 133, ordonnance de prise de corps du 30 novembre 1806.
228
Article 3 du titre IV de la seconde partie du décret des 16-29 septembre 1791, op. cit.
226
62
Cette possibilité se retrouve dans cinq cas d’uxoricides car les prévenus étaient mis en
accusation par le jury de Rennes, ces derniers avaient donc le choix entre le tribunal criminel
d’Ille-et-Vilaine, du Morbihan et de la Mayenne229.
Si l’ordonnance de prise de corps ne contient pas un des éléments décrits ci-dessus,
elle est considérée comme nulle. Une copie de cette ordonnance est adressée à l’accusé. Un
avis en est également donné par le directeur du jury à la municipalité dans laquelle
l’assemblée du jury d’accusation s’est tenue ainsi qu’ à celle du domicile du prévenu230.
Ainsi, le directeur du jury du district de Montfort, après la mise en accusation de Jean
Villeneuve rédige une ordonnance de prise de corps dont l’accusé aura copie mais qui sera
également notifiée à la municipalité de Montfort et à la paroisse des Iffs, lieu de résidence de
Jean Villeneuve231.
Le Code des délits et des peines précise, qu’à défaut, le directeur du jury encourt la
suspension de ses fonctions.
II.
Les conséquences de l’ordonnance
L’ordonnance de prise de corps ordonne la conduite de l’accusé de la maison d’arrêt à
la maison de justice du tribunal criminel d’Ille-et-Vilaine. Ce transfert est exécuté suite aux
ordres du commissaire du roi du tribunal du district et ce, dans les vingt-quatre heures suivant
la signification de l’ordonnance de prise de corps232. Il en est fait mention dans l’ordonnance
de prise de corps. De plus, le dossier est transféré au greffe du tribunal criminel.
Le Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV précise que les perquisitions, poursuites,
significations ou tout autre acte effectué en vertu de l’ordonnance du directeur du jury sont
faits à la requête et diligence du commissaire du pouvoir exécutif233.
Suite à cette ordonnance et ce transfert, l’accusé n’est plus détenu sur une simple
prévention mais par la décision des jurés d’accusation et de l’ordonnance de prise de corps.
Il restera détenu pendant toute la durée de l’instruction du procès. De nouveaux jurés vont
alors statuer sur son sort.
229
Par exemple, archives départementales d’Ille-et-Vilaine, L 3029, ordonnance de prise de corps du 14 brumaire
an VI.
230
Décret des 29 septembre-21 octobre 1791, op. cit.
231
Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, L 2886, ordonnance de prise de corps du 1er mai 1792.
232
Décret des 29 septembre-21 octobre 1791, op. cit.
63
III.
Le cas particulier du contumax
Si l’accusé ne comparaît pas dans les huit jours (dans les dix jours à partir du Code des
délits et des peines du 3 brumaire an IV) suivant l’ordonnance de prise de corps, il ne peut
être détenu et la procédure concernant les contumaces va s’appliquer.
Le président du tribunal criminel d’Ille-et-Vilaine rend une ordonnance à l’encontre de ce
dernier « (…) portant qu’il sera fait perquisition de sa personne et que chaque citoyen est
tenu d’indiquer l’endroit où il se trouve (…) »234.
Par exemple, dans l’ordonnance de contumace rendue contre Jacques Peignard et dressée par
le président de la Cour de justice criminelle d’Ille-et-Vilaine, ce dernier expose :
« (…) en exécution des articles quatre cent soixante deux et quatre cent soixante trois du titre
neuf du Code du trois brumaire an quatre ordonnons qu’il sera fait perquisition de la
personne dudit Jacques Peignard prévenu d’assassinat premédité envers sa femme,
ordonnons à tous citoyens d’indiquer le lieu de la résidence actuelle du dit Peignard, que la
presente ordonnance et celle de prise de corps duement notifiée au domicile dudit Peignard,
seront publiées le dimanche a son de trompe ou de caisse et affichées a son domicile le tout a
la diligence du Procureur Général Impérial (…) »235.
Cette ordonnance et celle de prise de corps sont affichées à la porte de l’accusé et de
son domicile élu à la diligence du commissaire du roi. Ainsi, elles sont, par exemple, affichées
à la porte du domicile de Jean Villeneuve et à celle de l’église de son domicile pendant deux
dimanches236. L’ordonnance du président du tribunal criminel est proclamée dans ces lieux
deux dimanches consécutifs.
Cette déclaration est exécutée à son de trompe ou de caisse devant le dernier domicile connu
de l’accusé. Or, concernant Jacques Peignard, ce dernier n’habitait plus à ce domicile depuis
quatre ou cinq ans et après avoir interrogé la nouvelle habitante et avoir fait des recherches
dans les environs en compagnie de deux gendarmes, l’huissier revient devant cette maison et
il relate dans son procès verbal :
« (…) pourquoi nous nous sommes rendus a la principale porte d’entrée de la maison (le
dernier domicile connu) […] où le dit Vincent Allix ayant battu sur sa caisse nous avons en
presence des dits gendarmes et de plusieurs personnes assemblées autour de nous faite a
233
Article 264 du Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV, op. cit.
Titre IX de la seconde partie du décret des 16-29 septembre 1791, op. cit.
235
Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 135, ordonnance de contumace du 29 décembre 1806.
234
64
haute et intelligible voix : lecture et publication tant de l’ordonnance de prise de corps et de
l’ordonnance de perquisition que du present, avec injonction a tous citoyens qui ont
connaissance du lieu ou s’est retiré Jacques Peignard d’en donner indication declarant a ce
dernier que faute a lui de se presenter a justice dans la huitaine il sera declaré rebelle a la loi
(…) »237.
A la suite de ce délai, les biens de l’accusé seront saisis à la requête du commissaire du roi.
Huit jours après la dernière proclamation, le président du tribunal criminel d’Ille-etVilaine rend une seconde ordonnance, appelée ordonnance de prescription, par laquelle
l’accusé est déchu du titre de citoyen français, de plus, « (…) toute action en justice lui est
interdite pendant tout le temps de sa contumace, et […] il va être procédé contre lui malgré
son absence (…) »238. Cette ordonnance est également affichée et proclamée comme les
précédentes.
Le Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV modifie le délai qui devient de dix jours
et précise que l’accusé est déclaré rebelle à la loi.
Après un délai de quinze jours, le procès continue comme n’importe quel procès avec
néanmoins quelques exceptions.
236
Ibidem, L 2886, ordonnance de perquisition du 29 mai 1792.
Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 135, procès verbal de perquisition du 11 janvier 1807.
238
Titre IX de la seconde partie du décret des 16-29 septembre 1791, op. cit.
237
65
Partie III Le jugement et la condamnation
Les pièces de l’affaire transférées au tribunal criminel, la procédure de jugement est
enclenchée. L’accusé est présenté à la prochaine session de ce tribunal et ne doit rester, en
principe, que trente jours maximum à la maison de justice239. Il va être jugé puis condamné, si
le jury de jugement le déclare coupable à une peine correspondant au crime commis.
La procédure devant ce tribunal est orale, contradictoire, publique et purement accusatoire240.
En cas de non respect de la procédure, le condamné a la possibilité de faire un recours devant
le tribunal de cassation.
Chapitre 1
La procédure de jugement devant le tribunal
criminel
A ce stade de la procédure, de nouveaux « acteurs » vont apparaître. L’accusé sera
jugé par un nouveau jury appelé jury de jugement et condamné à une peine par les juges du
tribunal criminel.
Cependant, ce tribunal connaît la concurrence du tribunal spécial en matière de crimes et donc
d’uxoricides et de parricides.
Section 1
La préparation du procès
Le président du tribunal criminel a un rôle important avant même le début du procès :
il doit entendre le prévenu afin de voir s’il a de nouvelles déclarations à lui faire et convoquer
le jury de jugement.
239
B. SCHNAPPER, Voies nouvelles en histoire du droit : la justice, la famille, la répression pénale (XIVèmeXX siècles), Fontenay-le-Comte, Presses Universitaires de France, publications de la faculté de droit et des
sciences sociales de Poitiers, Tome XVIII, juillet 1991, page 228.
240
J-M. CARBASSE, Dictionnaire de la culture juridique, au mot Jury, op. cit..
ème
66
I.
L’audition du prévenu
Le président du tribunal criminel entend l’accusé dès son arrivée dans la maison de
justice et dans les vingt-quatre heures au plus tard et ce, en présence du commissaire du roi et
de l’accusateur public. Il peut toutefois commettre un juge qui procédera à l’audition, les
réponses données par l’accusé étant prises en note et remises au président241.
Cet interrogatoire a lieu dans l’auditoire du tribunal criminel d’Ille-et-Vilaine, l’accusé y
comparaît libre et sans fers242. Dans la plupart des cas étudiés, le président du tribunal ou l’un
des juges commis à cet effet ne posent que très peu de questions :
« (…) A lui demandé ses nom, prénom, âge, profession et demeure avant son arrestation
[…]
A lui demandé s’il a quelque nouvelle déclaration à faire ou s’il veut changer ou augmenter
ou diminuer à ses précédentes déclarations
(…) »243.
Le plus souvent, les accusés maintiennent leurs déclarations, cependant certains cherchent à
revenir dessus et s’innocenter comme Jean Bienassis qui répond « (…) n’avoir rien a
adjoutter si l’en est qu’il y avoit trois scelerats qui doivent lui avoir joué d’un tour ainsi que
deux qui passerent par chez lui le lundy de paques dernier pour demander a boire qu’il lui en
refusa le mit dehors de chez lui […] que le particullier lui dit qu’il s’en repentiroit qu’il s’en
est bien repenty (…) »244.
A l’issue de cet interrogatoire, le président du tribunal criminel demande à l’accusé le
nom du conseil qu’il a choisi pour l’aider dans sa défense. Il peut choisir un ou deux amis, un
conseil ou le président peut lui en désigner un d’office à peine de nullité245. Au sein des cas de
parricides et d’uxoricides étudiés ici, un conseiller apparaît très fréquemment, il s’agit de
maître Rebillard.
Le conseil ne pourra communiquer avec l’accusé qu’après l’audition de ce dernier et le décret
des 29 septembre-21 octobre 1791 précise qu’ils ne pourront s’entretenir que deux jours après
l’arrivée de l’incriminé dans la maison de justice. Il expose également que le conseil devra
241
Article 10 du titre IV de la seconde partie du décret des 16-29 septembre 1791, op. cit.
Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 59, audition du 5 nivôse an IX.
243
Ibidem, 2 U 51, audition du 13 thermidor an VIII.
244
Ibidem, 2 U 43, audition du 9 floréal an VIII.
245
Article 13 du titre IV de la seconde partie du décret des 16-29 septembre 1791, op. cit.
242
67
prêter serment devant le tribunal de « (…) n’employer que la vérité dans la défense de
l’accusé, et de se comporter avec décence et modération ».
Les articles 324 et 325 du Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV précisent
que les pièces sont ensuite communiquées au commissaire du pouvoir exécutif. Ce dernier
vérifie le respect des formes de la délivrance du mandat d’arrêt et de l’instruction. A la suite
de ce contrôle, il écrira « la loi autorise » en bas de l’ordonnance de prise de corps.
L’accusateur public fait les diligences nécessaires afin que l’accusé soit jugé à la
première assemblée du jury suivant son arrivée246.
II.
Le tirage au sort et la convocation des jurés de jugement
Le président fait former le tableau des jurés de jugement le premier de chaque mois.
Douze jurés seront ainsi choisis afin de se prononcer sur les parricides et uxoricides devant le
tribunal criminel d’Ille-et-Vilaine.
A. Le principe
Les jurés de jugement sont choisis parmi les électeurs inscrits sur un registre tenu dans
chaque district dont une copie est donnée au procureur-général-syndic du département. Ce
dernier choisit, tous les trois mois, sur la liste deux cents citoyens qui forment la liste du
jugement247. Tous les premiers de mois, un tableau de douze jurés est formé et aucun d’entre
eux ne doit avoir été juré d’accusation dans cette même affaire. Le président du tribunal
criminel présente à l’accusateur public la liste des jurés, en présence du commissaire du roi et
de deux officiers municipaux. L’accusateur public a la possibilité d’en exclure vingt sans en
donner le motif. Le reste des noms étant mis dans un vase, un tirage au sort est effectué et un
tableau de douze jurés est constitué. Trois autres jurés sont également tirés au sort, ils servent
d’adjoints dans le cas où le tribunal criminel serait convaincu que le jury de jugement s’est
évidemment trompé248.
Le tableau du jury de jugement doit donc comptabiliser quinze jurés à peine de nullité249.
246
Article 19 du titre IV de la seconde partie du décret des 16-29 septembre 1791, op. cit.
Titre IX de la seconde partie du décret des 16-29 septembre 1791, op. cit.
248
Décret des 29 septembre-21 octobre 1791, op. cit.
249
Article 337 du Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV, op. cit.
247
68
Aucun document ne relate le tirage au sort dans les archives d’Ille-et-Vilaine concernant les
parricides et les uxoricides.
Ce tableau est ensuite présenté à l’accusé qui a vingt-quatre heures pour récuser les
jurés. Il a la possibilité de le faire sans donner de motifs dans une limite de vingt.
En bas de cette notification, l’huissier rédige cette formule qui en explique le but : « (…) pour
lui valoir et servir de communication, avec sommation de faire ce qui lui incombe aux termes
de la Loi ; et à ce qu’il n’en ignore, je lui ai délivré copie tant dudit tableau que du présent en
parlant à sa personne en la maison de justice de Rennes (…) »250.
Les jurés sont ensuite convoqués le cinq de chaque mois par le président du tribunal
criminel pour se rendre à l’assemblée des jurés le quinze de ce même mois. Tout juré qui ne
viendrait pas siéger et qui ne serait pas atteint d’une maladie grave, est condamné par le
tribunal criminel à une amende de cinquante livres, à une privation des droits d’éligibilité et
de suffrage pendant deux ans.
En l’espèce, le tribunal criminel d’Ille-et-Vilaine n’a condamné aucun juré pour absence les
affaires d’uxoricides et de parricides. Il semblerait que les jurés aient tous été présents lors des
audiences.
B. Le cas particulier du jury spécial de jugement
Comme vu précédemment, les jurés spéciaux sont institués lorsque le directeur du jury
exerce directement les fonctions d’officier de police judiciaire. Les uxoricides commis par
Jean Bienassis251 et par Julien Legendre252 ont été examinés par de tels jurés.
Le président de l’administration départementale dresse la liste des citoyens destinés à former
le jury spécial de jugement. Il choisit trente citoyens « (…) ayant les qualités et connaissances
nécessaires pour prononcer sainement et avec impartialité sur ce genre de délit »253.
Le président en fait tirer au sort quinze pour former le tableau des jurés et des adjoints. Ce
dernier est présenté à l’accusé qui aura ainsi la possibilité de récuser le jury. L’accusateur
public ne peut, quant à lui, récuser les jurés.
250
Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 146, notification du 2 juillet 1808.
Ibidem, 2 U 43, état et mémoires des frais faits devant le juge de paix et le directeur du jury (sans date).
252
Ibidem, 2 U 37, notification d’un nouveau tableau de cinq jurés spéciaux de jugement à l’accusé du 14
vendémiaire an VIII.
251
69
Les jurés tirés au sort et convoqués, l’audience du procès peut avoir lieu.
Section 2
Le procès
L’Assemblée constituante a voulu réduire le rôle des juges notamment par
l’instauration des jurys mais également détruire le ministère public.
Lors d’un procès, l’accusateur public et l’accusé s’opposent. Le premier est chargé de
conduire l’accusation à l’audience, il est « l’avocat de la société à l’audience pénale »254.
Cependant, il ne représente pas seul le ministère public. En effet, le commissaire du roi
intervient après la déclaration de culpabilité rendue par le jury pour requérir l’application de
la loi.
I.
Le rôle des différents intervenants
Lors de l’audience de jugement, les juges (le président du tribunal criminel et trois
autres juges), l’accusateur public, le commissaire du roi, les jurés, l’accusé, son conseil et le
public sont présents. Les fonctions du président du tribunal criminel, des deux représentants
du ministère public nécessitent quelques éclaircissements.
Le président du tribunal criminel, élu pour six ans255, préside l’instruction, détermine l’ordre
des témoins et a la police de l’auditoire256.
L’accusateur public, également nommé dans les mêmes conditions, poursuit les délits au nom
de la société, sur les actes d’accusation admis par les premiers jurés257. Il ne peut porter au
tribunal aucune autre accusation. Le procès est un débat entre l’accusé et lui, l’Assemblée
constituante ayant voulu réserver l’accusation au peuple.
Le commissaire du roi, quant à lui, représente le roi. L’Assemblée n’a pas voulu confier à
l’homme représentant le gouvernement, le droit de diriger et de soutenir les poursuites
criminelles258, rôle attribué à l’accusateur public. Il doit uniquement requérir l’application de
la loi. Il fait aux juges toutes les réquisitions qu’il estime convenables et le tribunal doit lui en
délivrer acte et en délibérer. Pour se faire, le commissaire du roi (ou son substitut) doit
253
Articles 516 à 525 du Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV, op. cit.
R.BADINTER, Naissance d’une justice in Une autre justice 1789-1799, op. cit., pages 9 à 25.
255
Cependant, à partir de l’an VIII, le Premier Consul nommera tous les juges criminels.
256
Titre III de la seconde partie du décret des 16-29 septembre 1791, op. cit.
257
Titre IV de la seconde partie du décret des 16-29 septembre 1791, op. cit.
258
A. ESMEIN, Précis élémentaire de l’histoire du droit français de 1789 à 1814, Révolution, Consulat et
Empire, op. cit.
254
70
prendre connaissance de toutes les pièces et actes de l’affaire et assister à l’instruction
publique ainsi qu’au jugement.
Sous la Constitution de l’an VIII, le ministère public est réunifié, le commissaire du roi
devenu commissaire du gouvernement prend les fonctions de l’accusateur public.
II.
Le début de l’audience
Au début de l’audience, l’accusé comparaît à la barre libre et sans fers, le décret des 29
septembre-21 octobre 1791 précisant que le loi a voulu écarter de l’accusé tout ce qui pourrait
influer sur sa liberté morale en gênant sa liberté physique. Le président, après lui avoir dit
qu’il pouvait s’asseoir, lui demande ses noms, prénoms, âge, profession et demeure259. Il
s’adresse également au conseil et lui demande de promettre « (…) de n’employer que la vérité
pour la défense de son client (…) »260. Le conseil est également tenu de s’exprimer avec
décence et modération.
Suite à cette promesse, le président présente les jurés et adjoints et demande à l’accusé
« (…) s’il a quelque moyen de reproche (…) » à fournir contre ces citoyens261.
III.
La prestation de serment des jurés
Avant tout débat, le président du tribunal criminel demande à chaque juré de prêter
serment individuellement en présence du public, du commissaire du roi, de l’accusateur
public et de l’accusé. Ainsi, par exemple, les jurés devant se prononcer sur la culpabilité de
Louis Deniel ont dû prêter ce serment :
« Citoiens jurés et adjoints
Vous promettés d’examiner avec l’attention la plus scrupuleuse les charges portées contre
Louis Deniel present a la barre de n’en communiquer avec personnes avant votre declaration
de n’ecoutter ni la haine ou la mechanceté ni la crainte ou l’affection de vous decider
d’après les charges et moiens de deffense de l’accusé suivant votre conscience, votre intime et
profonde conviction avec l’impartialité et la fermeté qui conviennent a des hommes libres »262.
259
Titre VII de la seconde partie du décret des 16-29 septembre 1791, op. cit.
Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 59, jugement du 22 nivôse an IX.
261
Idem.
262
Ibidem, 2 U 59, jugement du 22 nivôse an IX.
260
71
Les jurés devront également promettre « (…) fidelité à la Constitution (…) »263 ou « (…) haine
a la roiauté, a l’anarchie attachement et fidelité a la Republique et a la Constitution de l’an
trois (…) »264 ou encore « (…) à l’Empire (…) »265 selon les régimes en place.
Les trois adjoints ne prêtent serment que lorsqu’ils sont requis de se joindre aux jurés.
A la suite de la prestation de serment, les jurés s’asseyent séparément du public et des
parties et sont placés face à l’accusé et aux témoins. Ils ne peuvent plus communiquer avec
personne tant qu’ils sont dans l’auditoire sauf s’ils désirent des éclaircissements.
Le président du tribunal criminel dirige les jurés dans l’exercice de leurs fonctions : il leur
expose l’affaire et leur rappelle leur devoir.
IV.
L’audition des témoins
L’article 2 du titre III de la seconde partie du décret des 16-29 septembre 1791 précise
que le président peut faire ce qui lui paraît utile pour la manifestation de la vérité et que « (…)
la loi charge son honneur et sa conscience d’employer tous ses efforts pour en favoriser la
manifestation ». Le décret des 29 septembre-21 octobre 1791 précise que des éclaircissements
peuvent être demandés par les parties ou les jurés. Seuls ceux qui auraient pour conséquence
de prolonger inutilement le débat doivent être écartés. Des témoins sont donc entendus. Ils
réitèrent principalement leurs déclarations faites lors de l’instruction.
Cependant, certains témoignages ne peuvent être entendus notamment ceux des ascendants
contre les descendants, d’un mari contre sa femme ou d’une femme contre son mari266. En cas
de tentative de parricide ou d’uxoricide, la victime n’est donc pas entendue.
Le président demande à l’accusé d’être bien attentif à ce qu’il va entendre. Il ordonne
ensuite au greffier de lire l’acte d’accusation, puis dit à l’accusé « voilà de quoi l’on accuse,
vous allez entendre les charges qui seront produites contre vous »267.
A cet instant, l’accusateur public expose le sujet de l’acte d’accusation et fait entendre ses
témoins dont la liste est notifiée vingt-quatre heures au moins avant leur audition.
263
Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 59, jugement du 22 nivôse an IX
Ibidem, L 3074, jugement du 16 nivôse an VII.
265
Ibidem, 2 U 146, jugement du 17 juillet 1808.
266
Article 15 du titre VII de la seconde partie du décret des 16-29 septembre 1791, op. cit.
267
Titre VII de la seconde partie du décret des 16-29 septembre 1791, op. cit.
264
72
Sur la cédule envoyée aux témoins, il est indiqué, à partir du Code des délits et des
peines du 3 brumaire an IV, que si le témoin ne comparaît pas devant le tribunal il encourt les
sanctions des articles 420 et 421 du même code268 ou celles prononcées par la loi du 11
prairial an IV269. L’article 420 condamne le témoin qui ne serait pas venu à payer « (…) tous
les frais des citations, actes, voyages de témoins et autres, ayant pour objet de faire juger
l’affaire dans cette session ». De plus, il sera amené à la session suivante par la force publique
pour témoigner. Quant à l’article 421, il dispose que « le témoin qui n’a pas comparu est
condamné à une amende triple de sa contribution personnelle ». Enfin, la loi du 11 prairial an
IV prévoit une peine de détention de huit jours à un mois.
Le président ordonne au greffier de lire l’acte d’accusation et le décret du 5 pluviôse an II
relatif aux faux témoins, aux témoins. A cette occasion, il rappelle, à l’accusé le sujet de l’acte
d’accusation et présente la liste des personnes assignées avec requête qui lui a été notifiée.
Ensuite, il demande aux témoins de se retirer dans l’appartement préparé pour eux et de venir
ensuite dans l’ordre où ils seront appelés par le commissaire du roi. Les témoins justificatifs
sont entendus après les témoins à charge270.
Avant l’audition d’un témoin, le président fait donner lecture du procès-verbal annexé à l’acte
d’accusation excepté la partie contenant les déclarations des témoins271. Il lui demande « de
dire la vérité, rien que la vérité »272 et également s’il est parent, allié, serviteur ou domestique
d’une des parties.
Lors de l’audience du jugement de Louis Deniel, l’une des personnes convoquées a déclaré
être le beau-frère de ce dernier. Le tribunal criminel d’Ille-et-Vilaine a « (…) arresté qu’il se
retireroit sur le champ de l’audience et ne seroit point entendu » et ce dernier s’est
immédiatement retiré273.
A la suite de la déposition, le président s’adresse à l’accusé et lui demande s’il veut
répondre à ce qui vient d’être dit contre lui. Ce dernier et son conseil peuvent faire, à cet
instant, des remarques utiles à la défense.
L’accusé fait, ensuite, entendre les témoins de la défense qui attestent qu’il est homme
d’honneur, de probité et d’une conduite irréprochable274.
268
Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, L 3074, cédule à témoins du 3 nivôse an VII.
Ibidem, 2 U 133, cédule du 3 brumaire an IV.
270
Ibidem, 2 U 161, séance de jugement des 17, 18, 19 et 20 juillet 1810.
271
Ibidem, 2 U 59, jugement du 22 nivôse an IX.
272
Décret des 29 septembre-21 octobre 1791, op. cit.
273
Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 59, jugement du 22 nivôse an IX.
274
Idem.
269
73
S’il semble que l’un des témoins a menti, le président dresse un procès-verbal et peut,
sur la réquisition de l’accusateur public ou de l’accusé ou de son conseil, le faire arrêter
immédiatement. Il est alors renvoyé devant le directeur du jury d’accusation du lieu, l’acte
d’accusation étant dressé par le président du tribunal criminel275.
Lors des auditions concernant l’uxoricide commis par François Moulin, le procureur général
impérial a été entendu dans ses conclusions sur le fond de l’affaire et a « (…) argué comme
fausses les depositions (…) » de quatre personnes. Il a donc requis le président de la cour
criminelle de dresser un procès-verbal « (…) des faits caracteristiques de fausseté des
depositions des temoins […] les mettre en etat d’arrestation après les débats de l’affaire
terminés et delivrer à cet effet des mandats d’arrests contre les dits témoins en vertu duquel il
les fera conduire devant le directeur du jury de Rennes (…) ». Le président a alors entendu
chaque témoin. Puis, le conseil et le procureur général impérial ont été entendus. Le
lendemain, le président a de nouveau entendu les quatre témoins et leur a demandé « (…) s’ils
avoient quelque nouvelle declaration à faire (…) » et sur leur réponse affirmative, il les a
auditionnés séparément. Après qu’ils ont avoué avoir menti, l’accusé a soutenu que « (…) ce
qu’ils declaroient etoit faux et qu’ils avoient eté gagnés par argent (…) ». Le procureur
général a ensuite pris la parole et déclaré se désister des conclusions qu’il avait prises contre
eux, ce à quoi le président a fait droit276.
Dans le cas où plusieurs coaccusés comparaissent devant le tribunal criminel, ils sont
jugés par le même jury car ils sont compris dans le même acte d’accusation.
Chacun d’eux fait l’objet d’un débat distinct et le tribunal criminel détermine l’ordre dans
lequel ces différents débats auront lieu en commençant toujours par le principal accusé. Les
autres sont présents et peuvent faire toutes les observations qu’ils jugent nécessaires277.
Ce fut le cas pour les procès d’uxoricides concernant les affaires de Madeleine Davory278 et de
Rose Garçon279.
275
Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 59, jugement du 22 nivôse an IX.
Idem.
277
Idem.
278
Ibidem, 2 U 82, jugement du 18 messidor an X.
279
Ibidem, 2U 34, questions et déclarations du 16 messidor an IX.
276
74
Il arrive que les auditions de témoins soient trop longues et que le président du tribunal
criminel interrompe la séance « (…) pour ne pas fatiguer l’intention des jurés (…) »280. Dans
ce cas, les auditions restantes ont lieu le lendemain.
Les témoins auditionnés, l’accusateur public est entendu et le conseil de l’accusé lui répond.
Le président résume alors l’affaire, fait remarquer les principales preuves en faveur et contre
l’accusé aux jurés. Le décret des 29 septembre-21 octobre 1791 précise que « ce résumé est
destiné à éclairer le jury, à fixer son attention, à guider son jugement requis ; il ne doit pas
gêner sa liberté ». Le Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV281 précise les
fonctions que les jurés ont à remplir, le président devant leur lire une instruction résumant ce
qu’il vient d’être dit, également affichée dans la chambre des jurés et qui rappelle les pièces
sur lesquelles ils doivent se fonder, l’intime conviction devant les guider282.
Le président demande ensuite aux jurés de se retirer dans la chambre du jury et
ordonne que l’accusé soit conduit à la maison de justice.
V.
La décision du jury de jugement et le prononcé de la peine
Pour pouvoir prendre une décision, les jurés ont à leur disposition les pièces de la
procédure. Ces derniers doivent répondre selon leur intime conviction aux questions relatives
au crime et à la culpabilité de l’accusé et rédigées par le président du tribunal criminel.
A. L’examen des pièces
Les jurés doivent examiner les pièces du procès, excepté les déclarations écrites des
témoins. Ils ont donc principalement à examiner l’acte d’accusation et les procès-verbaux. Ils
fondent leur opinion sur ces documents et sur ce qu’ils ont entendus lors de l’audience. La loi
leur demande « (…) de s’interroger eux-mêmes dans le silence et le recueillement, et de
chercher, dans la sincérité de leur conscience, quelle impression ont faite sur leur raison les
preuves apportées contre l’accusé, et les moyens de la défense […], elle ne leur fait que cette
seule question, qui renferme toute la mesure de leur devoir : « Avez-vous une intime
conviction ? » » 283.
280
Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 59, jugement du 22 nivôse an IX
Article 372 du Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV, op. cit.
282
Cf. annexe 3.
283
Décret des 29 septembre-21 octobre 1791, op. cit.
281
75
B. Les questions posées aux jurés
Le président du tribunal criminel, après avoir rappelé aux jurés les fonctions qu’ils ont
à remplir, pose clairement les questions auxquelles ils devront répondre et relatives au fait, à
son auteur et à son intention. La loi a voulu aller plus loin et « comme c’est l’intention qui fait
le crime, elle a voulu que les jurés quoique certains du fait matériel et connaissant son
auteur, puissent scruter les motifs, les circonstances et la moralité du fait »284.
Dans un premier temps, le jury doit déclarer si le fait est constant ou non et dans un
second temps, si l’accusé est convaincu de l’avoir commis. Quant aux questions relatives à
l’intention, elles résultent de l’acte d’accusation ou de la défense de l’accusé ou du débat. Les
plus favorables à l’accusé sont les premières posées.
Les questions suivantes sont particulières à l’homicide, plusieurs circonstances devant être
distinguées. Il s’agit de savoir si l’uxoricide ou le parricide a été commis légitiment, par pure
volonté mais sans imprudence, par imprudence, à la suite d’une provocation violente, par
l’effet d’un premier mouvement (le meurtre) ou par dessein prémédité (l’assassinat)285.
Par exemple, les questions posées concernant le parricide commis par Julien Delions sont les
suivantes :
« (…) Est il constant que le deux juillet mil sept cent quatre vingt douze vieux stile il ait été
commis un homicide dans la personne de Jullien Delions pere du village de Pont-Gillard
commune de Cadroc ?
[…]
Jullien Delions fils est il convaincu d’etre autheur de cet homicide
[…]
L’a t il commis volontairement
[…]
L’homicide lui a t il été commandé indispensablement par la necessité actuelle de la legitime
deffense de soi meme ou d’autruy
(…) »286.
Lorsque la folie est avancée comme excuse à l’uxoricide, le jury de jugement doit se
prononcer sur ce point comme dans le cas de Jean Bienassis. Cependant, il est à noter que la
284
285
Décret des 29 septembre-21 octobre 1791, op. cit.
Idem.
76
folie des criminels au moment du crime est incertaine. Une décision légitime va être fondée
sur un domaine peu consensuel287. Sous l’Ancien Régime, le juge devait rassembler des
éléments de preuve pour se déterminer notamment par le biais d’une enquête, d’une audition
de l’aliéné. Le diagnostic judiciaire était laissé à l’appréciation du magistrat288.
Les questions posées au jury de jugement au sujet de Jean Bienassis, sont les suivantes :
« (…) Est-il constant que le vingt six germinal dernier il ait eté commis un homicide dans la
personne d’Anne Lepinay femme de Jan Bienassis au lieu du Val de Bas commune de
Plechatel
[…]
Jan Bienassis est il autheur de cet homicide en est il ou non convaincu
[…]
Jan Bienassis etoit il sujet a des accez de folie
[…]
A t il donné la mort a son epouse dans un accez de folie
(…) »289.
Les réponses ayant toutes été positives, les questions relatives à la volonté, la légitime
défense, la violente provocation et la préméditation n’ont pas été examinées par le jury.
Concernant Pierre Legaud, une question supplémentaire est posée. Il s’agit de savoir si la folie
furieuse rend les violences envers sa femme excusables, le jury de jugement va y répondre
positivement290.
Lorsque l’uxoricide est soupçonné avoir été commis par empoisonnement, des
questions spécifiques sur le moyen et sur le destinataire sont également posées. Par exemple,
ces questions vont être posées concernant la culpabilité de Rose Garçon :
« (…) Est-il constant que du 17 au 21 juin derniers, il ait eté tenté d’homicider, par le poison,
Jan Clanchin […] ?
[…]
Est-il constant que les tentatives d’empoisonnement aient eté faites avec de l’arsenic mis dans
du lait baratté et de la soupe ?
286
Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, L 3074, jugement du 16 nivôse an VII.
L. GUIGNARD, Prouver la folie aux assises 1791-1865 in La détérioration mentale. Droit, histoire,
médecine et pharmacie. Actes du colloque interdisciplinaire d’Aix-en-Provence (7-8 juin 2000), Aix-enProvence, Presses Universitaires d’Aix-Marseille 2002, collection Droit de la Santé, 2002, pages 121 à 134.
288
M-Y. CREPIN, Le diagnostic judiciaire de la démence au XVIIIème siècle, in La détérioration mentale. Droit,
histoire, médecine et pharmacie. Op. cit., pages 93 à 107.
289
Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 43, questions et déclarations du 26 prairial an VIII.
287
77
[…]
Est-il constant que les alimens aient eté spécialement destinés à l’usage de Jan Clanchin ?
(…)»291.
Les déclarations sont ensuite remises par écrit au chef des jurés292 par le président.
Le jury se retire dans sa chambre.
C. La déclaration des jurés
Une fois leur décision prise, les jurés avertissent le président du tribunal criminel. Ce
dernier commet l’un des juges qui se rend dans la chambre du conseil accompagné du
commissaire du roi et du chef du jury. Les jurés s’y rendront à tour de rôle et feront leur
déclaration en répondant dans l’ordre où les questions ont été posées. La première question
concerne l’homicide, s’il est déclaré constant, le juré répondra à la question de savoir si
l’accusé en est l’auteur. Puis, les questions suivantes particulières à l’uxoricide et au parricide
sont posées.
Ces diverses déclarations sont précédées d’un serment : le juré, la main sur le cœur, dit « sur
mon honneur et ma conscience, le fait est constant, ou le fait ne me paraît pas constant :
l’accusé est convaincu, ou l’accusé ne me paraît pas convaincu »293.
Des boîtes sont disposées dans le bureau de la chambre du conseil : les blanches pour
formuler que le fait n’est pas constant et les noires pour exprimer qu’il est constant. Il y en a
autant que de questions posées. Après sa déclaration, le juré mettra des boules blanches ou
noires dans les boîtes correspondantes afin d’exprimer son opinion. Une fois les déclarations
de jurés terminées, l’ouverture des boîtes se fait en leur présence, les boules sont comptées et
le résultat forme la déclaration générale du jury.
Par exemple, la première boîte ouverte concerne le fait. S’il y a trois boules blanches, le fait
est déclaré non constant et la délibération est terminée294 comme cela a été le cas concernant
Pierre Billet295.
290
Ibidem, 2 U 56, questions et déclarations du 15 frimaire an IX.
Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 134, questions et déclarations du 8 mars 1807.
292
Le chef du jury de jugement est le premier juré inscrit sur la liste.
293
Titre VII de la seconde partie du décret des 16-29 septembre 1791, op. cit.
294
Décret des 29 septembre-21 octobre 1791, op. cit.
295
Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 41, questions et déclarations (sans date).
291
78
Une majorité de dix voix sur douze sur les trois questions principales est requise pour la
condamnation, la majorité requise est donc très importante. Au contraire, il y a acquittement
lorsqu’il existe trois votes négatifs au total sur l’existence du fait délictueux, son imputation à
l’accusé et l’intention296.
Les jurés reviennent ensuite dans l’auditoire et le président leur demande si l’accusé
est convaincu d’être l’auteur de l’homicide ou de la tentative. Le chef des jurés répond en
utilisant cette formule « sur mon honneur et ma conscience, la déclaration du jury est (…) ».
Par exemple, le chef des jurés de jugement se prononce ainsi concernant Mathurine Hubert :
« (…) sur mon honneur et ma conscience, la déclaration du juré est, qu’un homicide a été
commis le 10 Brumaire dernier dans la personne de Julien Hamon, que le fait est constant ;
que Mathurine Hubert veuve dudit Hamon est auteur du fait, qu’elle est convaincue ; que
l’homicide n’a pas été indispensablement commandé par la nécessité actuelle de la légitime
defense de soi ou d’autrui ; que l’homicide n’a pas été commis par l’effet d’une simple
imprudence, mais qu’il a été l’effet d’une violente provocation (…) » 297.
Cette déclaration comporte autant d’articles qu’il y a de questions298 et elle est signée par le
greffier et le président du tribunal criminel.
D. La peine
Bien que poursuivis pour parricides et pour uxoricides, certains accusés ne seront pas
condamnés à mort voire même seront acquittés299.
1.
L’acquittement ou la condamnation à une autre peine
Si l’accusé est déclaré non convaincu de l’uxoricide ou du parricide porté dans l’acte
d’accusation ou si le jury a déclaré que le fait a été commis involontairement et sans intention
de nuire, il sera absous. Le président prononce sans entendre les réquisitions du commissaire
du roi, l’acquittement de l’accusé et ordonne sa remise en liberté immédiate300. L’individu
acquitté ne pourra plus être accusé pour le même fait.
296
B. SCHNAPPER, Le jury criminel in Une autre justice 1789-1799, op. cit.
Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, L2948, déclaration du chef des jurés du 15 frimaire an III.
298
Ibidem, 2U59, jugement du 22 nivôse an IX.
299
Cf. annexes 1 et 2.
300
Décret des 29 septembre-21 octobre 1791, op. cit.
297
79
Pierre Billet301, Rose Garçon302 et Pierre Legaud303 vont être acquittés par le tribunal criminel
d’Ille-et-Vilaine. Concernant Pierre Billet, l’homicide ne sera pas reconnu. Rose Garçon,
quant à elle, ne sera pas reconnue auteur de la tentative d’empoisonnement contre son mari.
Enfin, Pierre Legaud sera excusé car reconnu « (…) sujet à des accez de folie furieuse ».
Deux autres prévenus d’uxoricides n’ont pas été condamnés pour ce crime : Pierre
Tardif a été condamné pour violences volontaires envers sa femme mais n’ayant pas entraîné
sa mort304 et Julien Jumel condamné pour violences volontaires sur sa femme mais sans
intention de la tuer305.
Dans ces derniers cas, les auteurs de violences vont être condamnés à d’autres peines que la
peine de mort. Seule la peine de Julien Jumel a été trouvée au sein des archives
départementales d’Ille-et-Vilaine. Le tribunal criminel d’Ille-et-Vilaine l’a condamné à « (…)
cinq cens francs d’amende et un an d’emprisonnement par voie de police correctionnelle en
conformité des articles treize et quatorze de la loi du mois de juillet mil sept cens quatre vingt
onze et de l’article quatre cens trente quatre du Code des Delits et des peines du trois
brumaire an quatre […], aux depens de la procedure aux termes de la nouvelle Loi (…) »306.
Il apparaît donc que la loi307 donne la compétence au tribunal criminel de prononcer des
punitions correctionnelles dans les affaires qui sont portées devant lui.
Les articles 20 à 27 du titre I de la première partie du Code pénal de 1791, les condamnés à
une telle peine sont « (…) enfermés dans une enceinte destinée à cet effet ». Ils n’ont que du
pain et de l’eau, le surplus est le fruit de leur travail.
Jean Bienassis a également été condamné à une peine de détention bien que condamné
pour uxoricide. Le jury de jugement a reconnu que ce crime avait été commis dans un excès
de folie. Le tribunal criminel d’Ille-et-Vilaine a donc prononcé une peine de cinq ans de
détention à son encontre « (…) en vu […] de prevenir les excez auxquels il pourroit se porter
dans l’etat de demence dont il est affecté (…) »308.
301
Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2U41, questions et déclarations (sans date).
Ibidem, 2U134, questions et déclarations du 8 mars 1807.
303
Ibidem, 2U56, questions et déclarations du 15 frimaire an IX.
304
Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 133, questions et déclarations du 16 janvier 1806.
305
Ibidem, 2 U 38, questions et déclarations du 19 brumaire an VIII.
306
Idem.
307
Article 32 du titre VIII de la seconde partie du décret des 16-29 septembre 1791, op. cit.
308
Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 43, pétition du 16 messidor an VIII.
302
80
Enfin, Mathurine Hubert, bien qu’ayant tué son mari, s’est vu reconnaître l’excuse de
la violente provocation à son encontre. Le tribunal
criminel d’Ille-et-Vilaine l’a donc
condamnée à dix ans de gêne et ce, conformément à l’article 9 de la première section du titre
II de la seconde partie du Code pénal de 1791. Selon les articles 14 à 19 du titre I de la
première partie du Code pénal de 1791, la peine de gêne consiste à être « (…) enfermé seul,
dans un lieu éclairé, sans fers ni liens » et sans aucune communication avec d’autres
personnes condamnées ou extérieures. Le condamné n’a que du pain et de l’eau, le surplus est
le produit de son travail s’il le souhaite.
Elle est également condamnée à l’exposition sur la place publique pendant quatre heures avec,
au dessus de sa tête « (…) un écriteau où seront inscrits en gros caractère ses noms, sa
profession, son domicile, la cause de sa condamnation, et le […] jugement ; le tout
conformément à l’article 28 du titre premier de la première partie du même code (…) »309.
Enfin, un curateur a été nommé par le commissaire national de Montfort, pour gérer et
administrer les biens de Mathurine Hubert conformément aux articles 2 et 3 du titre IV de la
première partie du Code pénal de 1791310.
Enfin, concernant le parricide commis par Etienne Behours, il semble qu’il n’ait pas
été condamné à mort car les jurés de jugement l’ont déclaré coupable de blessures
préméditées mais n’ayant pas causé la mort de son père311.
2.
La condamnation pour uxoricide ou pour parricide
Lorsque l’accusé est déclaré convaincu, il comparaît, en présence du public, devant le
président qui lui donnera connaissance de la déclaration du jury de jugement. Le commissaire
du roi requiert ensuite la peine312. Le parricide encourt la peine de mort en vertu de l’article 10
de la première section du titre II de la seconde partie du Code pénal ainsi que l’auteur d’un
uxoricide en vertu des articles 7 à 9 et 11 à 15 de cette même section.
Le président demande une dernière fois à l’accusé s’il n’a rien à dire pour sa défense mais il
s’agit uniquement pour ce dernier soit de soutenir que le fait n’est pas défendu par la loi, soit
que la loi ne le regarde pas comme un délit, soit qu’il ne mérite pas la peine requise par le
commissaire du roi313.
309
Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, L2948, jugement du 15 frimaire an III.
Ibidem, L2948, jugement du 15 frimaire an III.
311
Ibidem, 2U51, questions et déclarations (sans date).
312
Décret des 16-29 septembre 1791, op. cit.
313
Idem.
310
81
Les juges vont alors donner leur avis à haute voix et en présence du public, du plus
jeune au président du tribunal criminel. Ils diront s’ils condamnent l’accusé à la peine établie
par la loi c’est-à-dire la peine de mort ou s’ils l’acquittent dans le cas où le fait dont il est
convaincu n’est pas établi par la loi.
Le président, avant de prononcer la peine, lit le texte de loi sur lequel le jugement est fondé.
Lorsque le parricide ou l’auteur de l’uxoricide est condamné à la peine de mort, ce dernier,
avant d’être exécuté, sera exposé aux yeux du peuple et condamné aux dépens de la
procédure314, cette dernière condamnation étant issue de l’article 1 du titre II de la loi du 18
germinal an VII315. Ces peines seront étudiées dans le chapitre suivant.
Toutes les peines ne sont pas connues, cependant, il apparaît que huit époux auteurs
d’uxoricides et deux parricides ont été condamnés à l’exposition et à la peine de mort316.
La peine prononcée, le président en exécution de l’article 13 du titre VIII de la
seconde partie du décret des 16-29 septembre 1791 puis de l’article 439 du Code des délits et
des peines du 3 brumaire an IV, retrace au condamné « (…) la manière impartiale avec
laquelle il a été jugé (…) » et il l’exhorte « (…) à la fermeté, à la resignation (…) »317. De
plus, il lui rappelle la possibilité pour lui de se pourvoir en cassation, pourvoi qui sera étudié
dans le prochain chapitre.
Une copie du jugement est envoyée à la municipalité où se trouve le tribunal de
district et à celle du domicile du condamné.
Section 3
La compétence concurrente du tribunal criminel spécial
La loi du 18 pluviôse an IX318 institue les tribunaux spéciaux mis en place par le
gouvernement dans les départements où il les juge utiles319. Ce tribunal connaît des assassinats
314
Par exemple, archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2U59, jugement du 22 nivôse an IX.
J-B. DUVERGIER, op. cit., 1825, Tome XI, pages 199 et 200.
316
Cf. annexes 1 et 2.
317
Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 146, jugement du 17 juillet 1806.
318
J-B. DUVERGIER, op. cit., 1826, Tome XII, pages 386 à 390.
319
Sur le tribunal criminel spécial, voir G. BOUËSSEL DU BOURG, L’activité du Tribunal spécial en Ille-etVilaine de 1801 à 1811, op. cit.
315
82
prémédités, sa compétence étant concurrente à celle du tribunal criminel ordinaire320. La
procédure est plus rapide et le jury est totalement absent321.
Une seule affaire d’uxoricide a été jugée par le tribunal criminel spécial en Ille-et-Vilaine, il
s’agit de celui commis par François Gaslain322.
I.
La formation et l’organisation du tribunal criminel spécial
Le tribunal est composé non seulement du président et de deux juges du tribunal
criminel mais également de trois militaires ayant au moins le grade de capitaine, et de deux
citoyens ayant les qualités requises pour être juges323. Le tribunal spécial ne peut juger qu’en
nombre pair avec six juges au moins.
Les militaires et les citoyens sont choisis par le Premier Consul. Le commissaire du
gouvernement et le greffier sont les mêmes que ceux du tribunal criminel ordinaire.
II.
La poursuite, l’instruction et le jugement
L’uxoricide va être poursuivi d’office et immédiatement par le commissaire du
gouvernement324. Les plaintes sont reçues soit par ce dernier, soit par ses substituts, soit par
des officiers de gendarmerie ou de police. Elles sont signées par l’officier, par le plaignant s’il
sait signer ou par un procureur spécial.
Les officiers de gendarmerie ou de police qui ont connaissance d’un crime doivent se
transporter sur les lieux et y dresser un procès-verbal détaillé des circonstances de l’uxoricide
et des éléments pouvant servir à charge ou à décharge. Enfin, ils décernent les mandats
d’amener s’il en est besoin.
Les procès-verbaux sont remis dans les vingt-quatre heures au greffe du tribunal avec les
éléments de preuve.
320
Titre II de la loi du 18 pluviôse an IX, op. cit.
Ce tribunal connaît également des crimes et délits emportant une peine afflictive ou infamante commis par
des vagabonds et par des condamnés à une peine afflictive lorsqu’ils ont été commis pendant leurs évasions. Il
est également compétent dans les cas de vagabondage et d’évasion des condamnés, de vols particuliers
322
Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 7 U 79.
323
Article 2 de la loi du 18 pluviôse an IX, op. cit.
324
Titre III de la loi du 18 pluviôse an IX, op. cit.
321
83
Dès son arrestation, l’accusé est conduit dans la prison du lieu et dans les trois jours à
celle du tribunal. Vingt-quatre heures après son arrivée dans cette dernière, les témoins sont
entendus par un juge commis par le président du tribunal criminel spécial.
Après avoir étudié les différentes pièces de la procédure et avoir entendu le
commissaire du gouvernement, le tribunal criminel spécial juge de sa compétence et ce, sans
appel. Il statue en chambre du conseil. La Cour de justice criminelle spéciale d’Ille-et-Vilaine
concernant l’uxoricide commis par François Gaslain a statué ainsi sur sa compétence :
« (…) Considérant que le delit dont il s’agit est prévu par l’article 10 de la loi du 18 pluviôse
an IX […]
La Cour se déclare compétente pour connaitre du delit cy devant mentionné, ordonne qu’il
sera procedé sans delay à l’instruction et au jugement du fond, a laquelle fin le dit François
Gaslain sera traduit à l’audiance publique de la Cour speciale conformément à l’art. 28 du
18 pluviôse an IX (…) »325.
Le jugement est signifié dans les vingt-quatre heures à l’accusé. Le tribunal criminel
spécial ordonne également dans son arrêt de compétence qu’à la suite de cette signification, le
prévenu, ici François Gaslain, soit « (…) transféré de la maison d’arrêt en la maison de
justice (…) » et qu’il soit « (…) écroué pour y demeurer jusqu’a l’arrêt definitif (…) »326.
Le commissaire du gouvernement adresse le jugement au ministre de la justice pour qu’il soit
transmis au tribunal de cassation. En effet, la section criminelle de ce tribunal examine les
arrêts de compétence rendus par le tribunal criminel spécial et statue dessus. Il va confirmer
celui rendu par la Cour de justice criminelle spéciale d’Ille-et-Vilaine dans l’affaire de
François Gaslain :
« (…) Considérant que l’article 10 de la loi du 18 pluviôse an IX attribüe aux Tribunaux
spéciaux établis en vertu de cette loi concurremment avec les tribunaux criminels ordinaires,
la connaissance d’un crime d’assassinat prémédité
que la cour de justice criminelle spéciale du département d’Ille-et-Vilaine établie en vertu de
la dite loi de pluviôse a été la premiere légalement saisie de l’instruction sur le crime
d’assassinat prémédité dont est prévenu François Gaslain
325
Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 7 U 79, arrêt de compétence du tribunal criminel spécial du 5 août
1808.
326
Idem.
84
La Cour confirme l’arrêt de compétence rendu par la dite cour de justice criminelle spéciale
le 5 août 1808 (…) »327.
L’accusé est ensuite traduit devant le tribunal criminel spécial en audience publique.
Des témoins sont entendus à tour de rôle et l’acte d’accusation dressé par le commissaire du
gouvernement leur est lu. L’audition des témoins terminée, le commissaire du gouvernement
donne ses conclusions. L’accusé ou son conseil seront les derniers entendus.
L’arrêt condamnant François Gaslain n’a pas été trouvé dans les archives d’Ille-et-Vilaine.
Le tribunal juge le fond en dernier ressort. Une fois la peine prononcée, elle doit être
exécutée. Auparavant, le condamné a la possibilité de se pourvoir en cassation mais
uniquement sur la forme et non sur le fond de l’affaire et ce, dans un délai de trois jours328.
327
328
Ibidem, 7 U 79, extrait de la minute de la Cour de cassation du 18 août 1808.
Article 14 du titre VIII de la seconde partie du décret des 16-29 septembre 1791, op. cit.
85
Chapitre 2
L’exécution du jugement
A la fin de la séance de jugement, le président du tribunal criminel d’Ille-et-Vilaine
informe le condamné qu’il peut se pourvoir en cassation.
Si le pourvoi n’est pas formé ou s’il est rejeté, il sera conduit sur les lieux de l’exécution.
Section 1
Le pourvoi en cassation
Le décret des 29 septembre-21 octobre 1791 rappelle que « le tribunal de cassation
n’est pas […] un degré d’appel ni de juridiction ordinaire, et il n’est institué que pour
ramener perpétuellement à l’exécution de la loi, toutes les parties de l’ordre judiciaire qui
tiendraient à s’en écarter : le but de cette institution suffit pour expliquer la compétence »329.
Il ne juge donc pas le fond de l’affaire, il doit surveiller le « mécanisme judiciaire »330 de
l’application des lois. Enfin, un tel pourvoi a pour conséquence le sursis à exécution.
Deux parricides sur quatre et huit auteurs d’uxoricide ou de tentative d’uxoricide sur les dix
neuf vont se pourvoir en cassation.
I.
Les conditions du pourvoi en cassation
Le président, après avoir exhorté le condamné à la fermeté et la résignation, lui
rappelle en même temps son droit à se pourvoir en cassation contre le jugement rendu « (…)
s’il trouvoit que quelques unes des formes essentielles prescrites par la loi auraient été
violées ou que le Tribunal en avoit fait une fausse application (…) »331. Il lui donne également
connaissance des délais du pourvoi et pour faire sa déclaration au greffe du tribunal et y
déposer sa requête ou mémoire avec les preuves au soutien contenant ses moyens de
cassation. Le condamné est ensuite reconduit à la maison de justice332.
Le condamné a la possibilité de se pourvoir en cassation contre le jugement du tribunal
criminel d’Ille-et-Vilaine dans un délai de trois jours. Il doit remettre sa requête en cassation
329
Décret des 29 septembre-21 octobre 1791, op. cit.
J-L. HALPERIN, Le tribunal de cassation et les pouvoirs sous la Révolution (1790-1799), op. cit., page 81.
331
Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 59, jugement du 22 nivôse an IX.
332
Idem.
330
86
au greffier qui la remet ensuite au commissaire du roi qui l’enverra immédiatement au
ministre de la justice333. Dans l’affaire de Louis Deniel, le greffier en chef de la Cour
criminelle d’Ille-et-Vilaine s’est déplacé directement à la maison de justice :
« (…) nous nous y sommes rendu ou etant nous avons fait venir entre les portes des guichets
le dit Louis Deniel lequel m’a déclaré entendre se pourvoir en cassation contre le jugement
dudit jour 22 nivose de laquelle declaration il nous a requis de lui rapporter acte ce que nous
lui avons octroié en le prevenant qu’aux termes de la Loi il doit dans les dix jours de la datte
du present deposer en notre greffe sur requeste un mémoire contenant ses moiens de
cassation (…) »334.
Le condamné, lorsqu’il sait écrire, peut aussi rédiger un courrier adressé au greffier en chef du
tribunal criminel comme Jean Etienne Tehel335.
La demande en cassation ne peut être formée que « (…) pour cause de nullité
prononcée par la loi, soit dans l’instruction, soit dans le jugement, ou pour fausse application
de la loi »336. Cependant, la loi du 16-29 septembre 1791 ne parle que de « (…)
violation (…) », « (…) d’omission des formes essentielles dans l’instruction du procès (…) »
et de « (…) fausse application de la loi (…) » dans ses articles 23 et 24 du titre VIII337. Le
Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV ne fait que préciser ces causes
d’annulation338.
Par exemple, François Moulin a formé sa demande sur le non respect de l’article 10 de la loi
du 7 pluviôse an IX sur le nombre des jurés et adjoints, sur la notification de l’ordonnance de
prise de corps et de la liste des jurés de jugement à l’accusé, sur les droits du procureur
général et du président de la Cour criminelle à faire tout ce qui était légalement en leur
pouvoir pour la manifestation de la vérité lors des débats et enfin, sur la légalité de l’acte
d’accusation, la régularité de la procédure et la légalité de la peine339.
Le plus souvent, le pourvoi ne concerne que la légalité de l’acte d’accusation, de la peine et la
régularité de la procédure comme par exemple, la demande de Vincent Valotaire340.
333
Titre VIII du décret des 16-29 septembre 1791, op. cit.
Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 59, acte du greffier en chef de la Cour criminelle du 25 nivôse
an IX.
335
Ibidem, 2 U 146, lettre du 18 juillet 1808.
336
Décret des 29 septembre-21 octobre 1791, op. cit.
337
J-L. HALPERIN, Le tribunal de cassation et les pouvoirs sous la Révolution (1790-1799), op. cit., pages 100
et 101.
338
Article 456 du Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV, op. cit.
339
Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 161, extraits des minutes de la Cour de cassation du 20 août
1810.
340
Ibidem, 2 U 61, arrêt du tribunal de cassation du 17 germinal an IX.
334
87
Le ministre de la justice doit donner avis, dans les trois jours, au président du tribunal
criminel des requêtes qui lui sont adressées. Il en accuse également réception au commissaire
du roi qui avertira le condamné et son conseil. Il précise dans cet acte qu’il a bien reçu les
pièces et la requête contenant les moyens et indique :
« (…) J’ai, dans les vingt-quatre heures, fais transmettre ces pièces à la Cour de cassation.
Vous voudrez bien, conformément à l’article 451 du Code des délits et des peines, en avertir,
par écrit, le Président, le condamné et son conseil (…) »341.
A partir de cet instant, l’accusé a quinze jours pour rassembler ses pièces et former sa
demande342.
Un mois après l’admission de la requête, le pourvoi est examiné par le tribunal de
cassation composé notamment de juges élus par le peuple ayant dix ans d’expérience de la vie
judiciaire et d’un commissaire du roi343.
Dans les jugements de parricides et d’uxoricides du tribunal criminel d’Ille-et-Vilaine que le
tribunal de cassation a eu à connaître, la plupart des requêtes ont été rejetées.
II.
Les conséquences de la décision du tribunal de cassation
Les jugements de cassation doivent comprendre dans le dispositif le texte de loi sur
lequel les juges se sont appuyés comme vu précédemment dans le second chapitre de la
deuxième partie à propos de l’arrêt de cassation rendu en faveur de René Boulaix344.
Dans les cas où le tribunal de cassation annule le jugement, il expose le motif de sa
décision et renvoie le procès à un autre tribunal criminel. S’il a été annulé pour fausse
application de la loi, le tribunal criminel rend son jugement sur la déclaration que les jurés de
jugement ont déjà faite. Il entend préalablement l’accusé ou son conseil ainsi que le
commissaire du roi.
Si l’annulation a pour cause une violation ou une omission de formes essentielles dans
l’instruction du procès, un nouveau jury est formé afin d’entendre l’accusé et les témoins.
Le Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV précise, quant à lui, que le tribunal de
cassation renvoie le fond du procès devant un officier de police judiciaire quand l’annulation
341
Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 146, acte du 8 août 1808.
Décret des 29 septembre-21 octobre 1791, op. cit.
343
Loi des 27 novembre-1er décembre 1790 in J-B. DUVERGIER, op. cit., 1824, Tome II, pages 65 à 68.
342
88
est due à la faute du précédent, devant un autre directeur du jury lorsqu’elle est due au
premier et enfin devant un des deux tribunaux criminels les plus voisins si elle est la
conséquence du jugement ou du jury de jugement345.
Seul le jugement pour parricide rendu contre René Boulaix a été annulé, le procès-verbal du
tirage au sort du jury n’indiquant pas que le tirage a été fait publiquement346.
Lorsque le tribunal de cassation confirme le jugement du tribunal criminel, la décision
est envoyée au président du tribunal criminel d’Ille-et-Vilaine et au commissaire du roi par le
ministre de la justice. Le commissaire du roi en donne connaissance à l’accusé et à son conseil
et doit accuser la réception de ces pièces au ministre de la justice. Par exemple, concernant
Louis Deniel, le ministre de la justice écrit au commissaire du gouvernement du tribunal
criminel d’Ille-et-Vilaine :
« (…) Je vous transmets, Citoyen, avec les pièces du procès, un jugement du Tribunal de
cassation, du 6 de ce mois qui rejette la demande en cassation intentée par Louis Deniel
contre le jugement du Tribunal criminel auquel vous êtes attaché du 22 nivôse précédent.
Vous aurez soin, en vous conformant à l’article 455 du Code des délits et des peines, d’en
donner connaissance par écrit au Président, au condamné et à son conseil.
Vous voudrez bien d’ailleurs faire ce que vous prescrit l’article 443 de la même loi, et
m’accuser la réception de ces pièces (…) »347.
Le droit de grâce rétabli dès l’an X, en faveur du Premier Consul n’apparaît dans
aucune archive du département d’Ille-et-Vilaine348.
Si dans les trois jours de la prononciation du jugement, aucun pourvoi n’est formé ou
dans les vingt-quatre heures de son rejet par le tribunal de cassation, la condamnation est
exécutée sur les ordres du commissaire du roi.
344
Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 116, arrêt de la Cour de cassation du 26 fructidor an XIII.
Article 453 du Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV, op. cit.
346
Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 116, arrêt de la cour de cassation du 26 fructidor an XIII.
347
Ibidem, 2 U 59, acte du ministre de la justice du 15 ventôse an IX.
348
J-M. CARBASSE, Histoire du droit pénal et de la justice criminelle, op. cit., page 400.
345
89
Section 2
L’exécution de la peine
La peine de mort prononcée, le condamné est conduit sur les lieux de l’exécution où il
sera exposé aux yeux du peuple avant d’être décapité.
I.
L’exposition et l’exécution du condamné
Selon le Code pénal de 1791, les condamnés à mort pour parricide et pour uxoricide
seront conduits au lieu de l’exécution et revêtus d’une chemise rouge en cas d’assassinat ou
d’empoisonnement, la peine devant être exemplaire. Les parricides auront également la tête
et le visage voilés d’une étoffe noire qui ne seront découverts qu’au moment de l’exécution,
ce crime étant considéré comme plus grave349. Les condamnés seront d’abord exposés puis
exécutés sur la place publique de la ville où le jury a été convoqué350.
L’exposition consiste, pour le condamné, à avoir au-dessus de sa tête un écriteau sur lequel
sont indiqués en gros caractères ses noms, sa profession, son domicile, la cause de sa
condamnation et le jugement rendu contre lui.
La peine de mort, quant à elle, consiste dans la simple privation de la vie, aucune torture
n’étant admise. Le condamné à mort a la tête tranchée 351.
Les condamnés à des peines de détention ou de gêne comme Jean Bienassis ou
Mathurine Hubert sont également condamnés à être exposés sur la place publique. Mathurine
Hubert est condamnée à quatre heures d’exposition352 et Jean Bienassis à deux heures selon
l’article 28 du titre I de la première partie du Code pénal de 1791.
Aucune pièce des archives départementales d’Ille-et-Vilaine ne relate ces moments, la
dernière pièce étant le jugement ou la décision du tribunal de cassation.
II.
Le cas particulier des femmes condamnées à mort
Selon l’article 1er de la loi du 23 germinal an III, « aucune femme prévenue de crime
emportant la peine de mort, ne pourra être mise en jugement qu’il n’ait été vérifié, de la
349
Titre I de la première partie du Code pénal de 1791, op. cit.
Article 28 du titre I de la première partie du Code pénal de 1791, op. cit.
351
Article 28 du titre I de la première partie du Code pénal de 1791, op. cit.
352
Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, L 2848, jugement (sans date).
350
90
manière ordinaire, qu’elle n’est pas enceinte ». La femme ne peut être exécutée qu’une fois
l’enfant né. Sur les cinq femmes présentées au tribunal criminel d’Ille-et-Vilaine pour
uxoricides, deux sont enceintes.
Le président du tribunal criminel d’Ille-et-Vilaine fait comparaître devant lui deux
officiers de santé experts qui doivent prêter serment. Il leur ordonne de se rendre dans la
maison d’arrêt où se trouve l’accusée pour découvrir si cette dernière est enceinte.
Si ce n’est pas le cas, le procès peut avoir lieu ; dans le cas contraire, un jugement de renvoi
est rendu. Le tribunal prend en compte les déclarations des experts, entend les conclusions du
commissaire du gouvernement comme l’étude du jugement de renvoi concernant Madeleine
Davory le démontre :
« (…) Oui le commissaire du gouvernement en ses conclusions
Considérant que l’article 1er de la loi du 23 germinal an III […] defend de mettre en jugement
aucune femme prevenue d’un crime emportant peine de mort que l’etat de la ditte femme n’ait
ete vérifié
Considérant en second lieu que par le rapport des citoyens Douet et Maugé inséré au procez
verbal du quinze de ce mois il est constate que Magdelaine Davory femme de La Marre est
declarée enceinte d’environ trois mois, que les dits officiers de santé ont declaré ne pouvoir
s’expliquer sur l’etat de la ditte particulliere avant le delais de cinq mois.
Le Tribunal a renvoié l’affaire des dits Pierre Odye, Jeanne Deschamps veuve Davory, et
Magdelaine Davory femme de La Marre apres l’echeance des delais fixés par les officiers de
santé pour s’expliquer sur l’etat de grossesse ou non grossesse de la femme de La Marre quoi
que ce soit nean mois en cas de grossesse constattée de la ditte femme de La Marre
jusqu’après ses couches et le retablissement de la santé de la ditte femme (…) »353.
La séance de jugement est donc renvoyée à une date ultérieure et s’il y a d’autres accusés, ces
derniers seront jugés à la même date que la femme comme observé à travers cet exemple.
Marie David, quant à elle, n’était pas enceinte lors de la visite. Or, après sa
condamnation à mort par le tribunal criminel d’Ille-et-Vilaine et la confirmation de l’arrêt par
le tribunal de cassation, elle déclare être enceinte. En vertu d’un jugement, un juge du tribunal
criminel se rend à la maison de justice avec deux officiers de santé. Il s’agit pour lui de savoir
de quelle manière Marie David peut être enceinte sachant qu’elle ne l’était pas avant le
353
Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2U82, jugement de renvoi du 16 germinal an X.
91
jugement et qu’elle est restée enfermée pendant toute cette période. Le juge interroge donc
cette dernière :
« (…) Lui demande persistes-vous dans les declarations que vous avés fait lors des procez
verbaux des 25 frimaire et cinq de ce mois
Repond qu’elle a dit la verité lors du procez verbal du 25 frimaire elle avoit un commerce
charnel avec un homme qu’alors il lui étoit impossible de connoistre son etat et que ce n’est
que depuis son premier interrogatoire et dans cette maison de justice qu’elle s’est appercue
de son etat de grossesse.
Lui representé qu’elle en impose a la justice que d’apres les declarations qu’elle fit ellememe lors de la visitte de sa personne du 25 frimaire an six de n’avoir eu aucun commerce
charnel avec qui que ce soit, il est impossible qu’elle se trouve grosse dans le moment.
Repond que la pudeur ne lui permettoit pas d’avoir sa faiblesse qu’au surplus elle nous a dit
toutte la verité en avouant qu’auparavant cette visitte elle avoit avoue frequenté
charnellement deux ou trois fois le meme homme qui l’a vu depuis la visitte faitte.
Demandé si dans la maison de Justice depuis le 25 frimaire an six elle a eu commerce charnel
avec quelque homme
Repond qu’elle a vu le meme homme dans la maison de Justice et que c’est dans la salle en
bas (…) »354.
L’un des experts ayant requis au juge de lui demander quand avait eu ce commerce charnel,
Marie David répondra que c’était « (…) la veille ou la surveille de son jugement (…) »355. Le
juge entend ensuite le concierge et sa femme afin de savoir comment cela a-t-il pu arriver.
Après visite de Marie David par les experts, le tribunal ordonne le sursis à exécution du
jugement et interdit à cette dernière d’avoir des contacts avec qui que ce soit.
Le délai de sept mois de grossesse préconisé par les experts, expiré, « (…) il est question de
visitter de nouveau ladite veuve Bouvier et de s’assurer deffinitivement si elle est ou non
enceinte »356. Ces derniers sont envoyés à la maison de justice afin de procéder à la visite de
Marie David et « (…) de retour de la maison de Justice […] ils donnent pour […] certain
qu’elle n’est point enceinte (…) »357. Elle est donc exécutée.
354
Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, L 3029, décision ordonnant la visite de Marie David du 5 ventôse
an VI.
355
Idem.
356
Ibidem, L 3029, décision en la chambre du conseil du 22 thermidor an VI.
357
Idem.
92
III.
Le cas particulier des contumaces
Lors du procès du contumax, les jurés sont réunis comme si l’accusé était présent. Les
témoins sont entendus mais leurs déclarations seront données par écrit. Les jurés font ensuite
leur déclaration normalement. Enfin, l’accusé contumax ne peut être représenté par un conseil
pour le défendre sur le fond358.
Le Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV précise que l’acte d’accusation est lu
ainsi que l’ordonnance de prise de corps et celle déclarant l’accusé rebelle à la loi et les
procès-verbaux « (…) dressés pour en constater la proclamation et l’affiche (…) ». Le
président entend le commissaire du pouvoir exécutif et « (…) prend l’avis des juges sur la
régularité ou l’irrégularité de l’instruction (…) ». Si elle est déclarée régulière le procès suit
son cours normal. Par exemple, le tribunal criminel d’Ille-et-Vilaine, dans l’affaire de Julien
Jumel, déclare « (…) l’instruction réguliere et conforme a la Loi et en execution des articles
quatre cens soixante neuf et quatre cens soixante onze du Code des Delits et des peines du
trois brumaire an quatre […], ordonne en consequence des susdits articles que les pieces et
declarations des temoins entendus devant l’officier de police judiciaire seront lües
publiquement aux jurés (…) »359.
Lorsque le jury de jugement a déclaré le contumax coupable, la peine est exécutée
dans les vingt-quatre heures à la diligence du commissaire du roi. Elle est inscrite sur un
tableau suspendu au milieu de la place publique. Le titre III de la première partie du Code
pénal de 1791 précise qu’il est indiqué sur cet écriteau « (…) les noms du condamné, de son
domicile, de sa profession, du crime qu’il a commis et du jugement rendu contre lui ».
Il est exposé pendant douze heures aux yeux du public lorsque le contumax est condamné à
mort. Ainsi, le tribunal criminel d’Ille-et-Vilaine ordonne concernant Julien Jumel :
« (…) Ordonne le tribunal, attendu la contumace dudit Jumel que le present jugement de
condamnation sera dans les vingt quatre heures de sa prononciation et a la diligence du
commissaire du directoire executif ou l’un de ses substituts affiché par l’executeur des
jugements criminels a un poteau, qui sera planté au milieu de la place publique de l’Egalité
de cette ville, en conformité de l’article quatre cens soixante douze du Code des délits et des
peines du trois brumaire an quatre (…) »360.
358
Décret des 16 septembre-21 octobre 1791, op. cit.
Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 38, jugement du 19 brumaire an VIII.
360
Idem.
359
93
La prescription de la peine est de vingt ans. Passé ce délai, l’accusé n’a plus à la
purger361.
361
Titre IX de la seconde partie du décret des 16-29 septembre 1791, op. cit.
94
Conclusion
Il apparaît que le tribunal criminel est le véritable ancêtre de la Cour d’assises. En
effet, cette cour est notamment composée d’un président, du ministère public et d’un jury. Ce
dernier a fait l’objet de nombreux débats et a failli disparaître. Le Code d’instruction
criminelle de 1808 a supprimé le jury d’accusation et a transféré ses fonctions à la chambre
des mises en accusation, chambre spéciale de la cour d’appel, le droit d’accusation étant rendu
aux magistrats.
Concernant les crimes eux-mêmes, peu de parricides ont été commis sous la période
du tribunal criminel ce qui n’est pas le cas des uxoricides. En effet, dix-neuf personnes ont été
accusées d’uxoricide par le jury d’accusation en vingt années même si toutes n’ont pas été
condamnées pour ce crime. Une constatation s’impose : bien que la loi du 20 septembre 1792
instaure le divorce et donc permette de rompre les liens du mariage autrement que par la mort,
le nombre d’uxoricides ne semble pas diminuer362. En effet, le divorce est peu appliqué dans
les campagnes. L’uxoricide reste donc un moyen important de rompre le mariage. Dans
certaines affaires, le divorce était demandé mais il s’est transformé en mobile de meurtre.
Sous le Code pénal de 1810, l’uxoricide n’est toujours pas un crime spécifique.
Cependant, l’article 324 de ce code prévoit que le meurtre commis par l’époux sur l’épouse et
inversement, est inexcusable sauf en cas de légitime défense ou adultère flagrant363. La peine
de mort reste encourue364.
Quant au parricide, sa définition est élargie aux parents adoptifs de l’auteur du meurtre. Avant
d’être exécuté, il se voit de nouveau subir la peine de l’amputation du poing droit365.
362
Pour comparaison, au XVIIIème siècle, une quarantaine d’uxoricides ont été dénombrés. Cf. M-Y. CREPIN,
Violences conjugales en Bretagne : la répression de l’uxoricide au XVIIIème siècle, op. cit.
363
Dans ce dernier cas, seul l’époux bénéficiait de cette excuse s’il avait trouvé sa femme avec son amant.
364
L. TAUZIN, Les crimes familiaux en Ille-et-Vilaine entre 1811 et 1940, Université de Rennes 1, Thèse
d’Histoire du Droit, 16 novembre 2000.
365
Idem.
95
Enfin, sous le Code pénal de 1994, l’uxoricide ne constitue toujours pas un crime
spécifique et l’article 324 et son contenu ont disparu. Il répond donc aux conditions de
l’homicide de droit commun366.
Quant au parricide, le fait de tuer un ascendant légitime ou naturel ou les père ou mère
adoptifs, constitue une circonstance aggravante du meurtre et est puni de la réclusion
criminelle à perpétuité367. Il est donc considéré comme un meurtre aggravé, le meurtre simple
étant puni de trente ans de réclusion criminelle. Le parricide reste donc un crime plus
important que les autres, contrairement à l’uxoricide.
366
367
Articles 221-1 à 221-5 du Code pénal de 1994.
Article 221-4 du Code pénal de 1994.
96
Annexe 1 Tableau des parricides
Nom
Accusation
Condamnation
Moyens utilisés
Mobile
Contumace
Demandes en
cassation
VILLENEUVE
Jean
1792
DELIONS
Julien
An VII
Blessures volontaires
ayant entraîné la mort
de son père
Exposition et peine de mort
Coups
Argent
Oui
Non
Parricide
Exposition et peine de mort
Coups de poings
et coups de bâton
Argent et
ivresse
Au début de la
procédure
Oui, demande
rejetée.
BEHOURS
Etienne
An VIII
Blessures ayant
avancé la mort de son
père
Absence du jugement mais
déclaré coupable de blessures
préméditées mais n’ayant pas
entraîné la mort de son père
Coups
Animosité
Non
Non
BOULAIX
René
An XIII
Parricide
Absence du jugement
Inconnus
Inconnu
Non
Cassation de l’arrêt
de la Cour de
justice criminelle
97
Annexe 2 Tableau des uxoricides
Nom
HUBERT
Mathurine
An III
Moyens utilisés
Mobile
Contumace
Recours en
cassation
Homicide de son mari
Condamnée pour homicide de
son mari mais à la suite d’une
violente provocation donc
exposition et dix ans de gêne
Coup de bêche
Violences de
son mari sur la
fille de
Mathurine
Hubert
Non
Non
Accusation
Condamnation
DAVID
Marie
An VI
BIENASSIS
Jean
An VIII
BILLET
Pierre
An VIII
Empoisonnement de son mari
Exposition et peine de mort
Arsenic
Inconnu
Non
Oui, demande
rejetée
Meurtres de sa femme et de sa
fille
Cinq ans de détention car
reconnu sujet à des excès de
folie lors des crimes
Mutilation et
décapitation
Folie
Non
Non
Violences ayant entraîné la
mort de sa femme
Acquitté
Inconnus
Deux femmes
étaient enceintes
de lui
Non
Non
JUMEL
Julien
An VIII
Violences avec préméditation
envers sa femme
Condamné pour violences
envers sa femme mais sans
préméditation donc 500 francs
d’amende et un an
d’emprisonnement
Coups
Mésentente et
vivaient
séparément
Oui
Non
Non
Oui, demande
rejetée
Non
Oui, demande
rejetée
LEGENDRE
Julien
An VIII
DENIEL
Louis
An IX
LEGAUD
Pierre
An IX
MOREL
Pierre
An IX
MOULIN
Jean
An IX
Assassinat envers sa femme
Exposition et peine de mort
Inconnus
Meurtre de sa femme
Condamné pour assassinat donc
exposition et peine de mort
Coup de poing
Tentative d’homicide de sa
femme
Assassinat envers sa femme
Absence du jugement mais
reconnu coupable de violences
envers sa femme
Absence du jugement mais
condamnation pour homicide
volontaire
Vivaient
séparément et
relation
adultérine de
Julien Legendre
Divorce
demandé par sa
femme
Coups
Folie
Non
Non
Coups de fourche
en bois
N’ont jamais
vécu ensemble
Non
Non
Tentative
d’empoisonnement de sa
femme et empoisonnement de
son enfant
Exposition et peine de mort
Arsenic
Inconnus
Non
Non
VALOTAIRE
Vincent
An IX
DAVORY
Madeleine
An X
GARCON
Rose
1807
Meurtre de sa femme
Condamné pour assassinat donc
exposition et peine de mort
Coup de bâton
Mésentente et
fréquence des
coups
Au début de la
procédure
Oui, demande
rejetée
Tentative d’assassinat sur son
mari
Exposition et peine de mort
Coup de pistolet
et coups de bâton
Inconnu
Non
Oui, demande
rejetée
Empoisonnement de son mari
Acquittée
Arsenic
Adultère de
Rose Garçon
Non
Non
PEIGNARD
Jacques
1807
Assassinat prémédité de sa
femme
Coups
Fréquence des
coups
Oui
Non
TARDIF
Pierre
1807
Meurtre de sa femme
Coups de poings,
coups de fouet
Maladie de sa
femme la
rendant difficile
Non
Non
GASLAIN
François
1808
TEHEL
Jean-Etienne
1808
DELANOE
Jeanne
1810
MOULIN
François
1810
Absence du jugement mais
reconnu coupable des faits
allégués contre lui dans
l’accusation
Absence du jugement mais
reconnu coupable de blessures
volontaires mais n’ayant pas
entraîner la mort de sa femme
Assassinat de sa femme
Absence du jugement
Noyade
Mésentente
Non
Non
Assassinat de sa femme
Exposition et peine de mort
Coups
Fréquence des
coups et ivresse
Non
Non
Homicide volontaire de son
mari
Absence dujugement mais
reconnue coupable d’homicide
volontaire envers son mari
Coup de couteau
Ivresse
Non
Non
Empoisonnement de sa femme
Exposition et peine de mort
Arsenic
Inconnu
Non
Non
98
Annexe 3 Article 3 72 du Code des délits et des peines
Le président résume l’affaire, et la réduit à ses points les plus simples.
Il fait remarquer aux jurés les principales preuves pour et contre l’accusé.
Il leur rappelle les fonctions qu’ils ont à remplir ; et, pour cet effet, il leur donne
lecture de l’instruction suivante, qui est, en outre, affichée en gros caractères dans la chambre
destinée à leurs délibérations :
« Les jurés doivent examiner l’acte d’accusation, les procès-verbaux et toutes les
autres pièces du procès, à l’exception des déclarations écrites des témoins, des notes écrites
des interrogatoires subis par l’accusé devant l’officier de police, le directeur du jury et le
président du tribunal criminel.
C’est sur ces bases, et particulièrement sur les dépositions et les débats qui ont eu lieu
en leur présence, qu’ils doivent asseoir leur conviction personnelle : car c’est leur conviction
personnelle qu’il s’agit ici ; c’est cette conviction que la loi les charge d’énoncer ; c’est à cette
conviction que la société, que l’accusé, s’en rapportent.
La loi ne leur demande pas compte des moyens par lesquels ils se sont convaincus ;
elle ne leur prescrit point de règles desquelles ils doivent faire particulièrement dépendre la
plénitude et la suffisance d’une preuve : elle leur prescrit de l’interroger eux-même dans le
silence et le recueillement, et de chercher, dans la sincérité de leur conscience, quelle
impression ont faite sur leur raison les preuves rapportées contre l’accusé, et les moyens de sa
défense. La loi ne leur dit point : vous ne tiendrez pour vrai tout fait attesté par tel ou tel
nombre de témoins. Elle ne leur dit pas non plus : Vous ne regarderez pas comme
suffisamment établie toute preuve qui ne sera pas formée de tel procès-verbal, de telles
pièces, de tant de témoins ou de tant d’indices. Elle ne leur fait que cette seule question, qui
renferme toute la mesure de leurs devoirs : Avez-vous une intime conviction ?
Ce qu’il est bien essentiel de ne pas perdre de vue, c’est que toute la délibération du
jury de jugement porte sur l’acte d’accusation : c’est à cet acte qu’ils doivent uniquement
s’attacher ; et ils manquent à leur premier devoir, lorsque, pensant aux dispositions des lois
pénales, ils considèrent les suites que pourra avoir, par rapport à l’accusé, la déclaration qu’ils
ont à faire. Leur mission n’a pas pour objet la poursuite ni la punition des délits ; ils ne sont
pas appelés que pour décider si le fait est constant, et si l’accusé est, ou non, coupable du
crime qu’on lui impute. ».
99
Annexe 4 L’arrêt d e la cour de cassation du 26 fructidor
an XIII
100
101
102
103
Sources
Archives départementales d’Ille-et-Vilaine
Parricides
-
Affaire VILLENEUVE Jean, L 2886, dossier 42 (31 pièces)
Affaire DELIONS Julien, L 2814, dossier L 2814 et L 3074, dossier 985 (37 pièces)
Affaire BEHOURS Etienne, 2 U 51, dossier 1223 (26 pièces)
Affaire BOULAIX René, 2 U 116, dossier 2098 (11 pièces)
Uxoricides
-
Affaire HUBERT Mathurine, L 2948, dossier 286 bis (25 pièces)
Affaire DAVID Marie, L 3029, dossier 771 (43 pièces)
Affaire BIENASSIS Jean, 2 U 43, dossier 1163 (23 pièces)
Affaire BILLET Pierre, 2 U 41, dossier 1141 (37 pièces)
Affaire JUMEL Julien, 2 U 38, dossier 1116 (19 pièces)
Affaire LEGENDRE Julien, 2 U 37, dossier 1106 (58 pièces)
Affaire DENIEL Louis, 2 U 59, dossier 1271 (48 pièces)
Affaire LEGAUD Pierre, 2 U 56, dossier 1249 (25 pièces)
Affaire MOREL Pierre, 2 U 69, dossier 1350 (24 pièces)
Affaire MOULIN Jean, 2 U 74, dossier 1424 (36 pièces)
Affaire VALOTAIRE Vincent, 2 U 61, dossier 1278 (33 pièces)
Affaire DAVORY Madeleine, 2 U 82, dossier 1491 (46 pièces)
Affaire GARCON Rose, 2 U 134, dossier 2398 (45 pièces)
Affaire PEIGNARD Jacques, 2 U 135, dossier 2400 (31 pièces)
Affaire TARDIF Pierre, 2 U 133, dossier 2370 (36 pièces)
Affaire GASLAIN François, 7 U 79, dossier 2570 (25 pièces)
Affaire TEHEL Jean-Etienne, 2 U 146, dossier 2561 (50 pièces)
Affaire DELANOE Jeanne, 2 U 160, dossier 2699 (29 pièces)
Affaire MOULIN François, 2 U 161, dossier 2702 (48 pièces)
Lois
-
Edit de juillet 1682 relatif à l’empoisonnement in ISAMBERT, Recueil général des
anciennes lois françaises, Paris, 1829, tome XIX.
-
Décret des 27 novembre-1er décembre 1790 portant institution d’un tribunal de
cassation, et réglant sa composition, son organisation et ses attributions in J-B.
DUVERGIER, Collection complète des lois, décrets, ordonnances, réglemens, et avis
du Conseil d’Etat, Paris, éditions officielles du Louvre, 1824, Tome II, pages 65 à 68.
-
Constitution de 1791 in Les constitutions de la France depuis 1789, Tours, GF
Flammarion, 1984, pages 31 à 67.
104
-
Décret des 16-29 septembre 1791 concernant la police de sûreté, la justice criminelle
et l’établissement des jurés in J-B. DUVERGIER, op. cit., 1824, Tome III, pages 331 à
348.
-
Code pénal des 25 septembre-6octobre 1791 in J-B. DUVERGIER, op. cit., 1824,
Tome III, pages 403 à 419.
-
Décret des 29 septembre-21 octobre 1791 en forme d’instruction pour la procédure
criminelle in J-B. DUVERGIER, op. cit., 1824, Tome III, pages 478 à 515.
-
Décret du 5 pluviôse an II relatif aux faux témoins in J-B. DUVERGIER, op. cit.,
1825, Tome VII, page 16.
-
Décret des 23 germinal an III portant qu’aucune femme prévenue de crime emportant
peine de mort, ne peut être mise en jugement qu’il n’ait été vérifié qu’elle n’est pas
enceinte in J-B. DUVERGIER, op. cit., 1825, Tome VIII, page 95.
-
Constitution du 5 fructidor an III in Les constitutions de la France depuis 1789, op.
cit., pages 101 à 141.
-
Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV in J-B. DUVERGIER, op. cit., 1825,
Tome VIII, pages 469 à 533.
-
Loi du 11 prairial an IV portant des peines contre les témoins qui ne comparaissent pas
sur les citations à eux données in J-B. DUVERGIER, op. cit., 1825, Tome IX, page
122.
-
Loi du 19 fructidor an V contenant des mesures de salut public prises relativement à la
conspiration royale in J-B. DUVERGIER, op. cit., 1825, Tome X, pages 42 à 46.
-
Loi du 18 germinal an VII relative au remboursement des frais de justice en matière
criminelle in J-B. DUVERGIER, op. cit., 1825, Tome XI, pages 199 et 200.
-
Loi du 25 brumaire an VIII qui prescrit la formule du serment à prêter par tous les
fonctionnaires publics in J-B. DUVERGIER, op. cit., 1826, Tome XII, page 7.
-
Constitution du 22 frimaire an VIII in Les constitutions de la France depuis 1789, op.
cit., pages 151 à 177.
-
Loi du 21 nivôse an VIII qui exige de tous les fonctionnaires publics, etc., une
promesse de fidélité à la Constitution in J-B. DUVERGIER, op. cit., 1826, Tome XII,
page 65.
-
Loi du 7 pluviôse an IX relative à la poursuite des délits en matière criminelle et
correctionnelle in J-B. DUVERGIER, op. cit., 1826, Tome XII, pages 380 à 390.
-
Arrêté du 7 pluviôse an IX relatif à la formation des listes des jurés in J-B.
DUVERGIER, op. cit., 1826, Tome XII, page 380.
105
-
Loi du 18 pluviôse an IX relative à l’établissement de tribunaux spéciaux in J-B.
DUVERGIER, op. cit., 1826, Tome XII, page 386 à 390.
-
Constitution de l’an XII in Les constitutions de la France depuis 1789, op. cit., pages
185 à 207.
-
Loi des 5-15 pluviôse an XIII relative à la diminution des frais de justice en matière
criminelle ou de police correctionnelle in J-B. DUVERGIER, op. cit., 1826, Tome
XV, pages 155 et 156.
-
Code pénal de 1994
106
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L. TAUZIN, Le parricide en Cour d’assises de 1811 à 1894 en Ille-et-Vilaine,
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-
L. TAUZIN, Les crimes familiaux en Ille-et-Vilaine entre 1811 et 1940, Université de
Rennes 1, Thèse d’Histoire du droit, 16 novembre 2000.
108
Table des matières
SOMMAIRE ............................................................................................................................. 4
INTRODUCTION.................................................................................................................... 5
PARTIE I
LA DÉCOUVERTE DU CRIME.................................................................... 9
CHAPITRE 1 LA DÉFINITION JURIDIQUE DU PARRICIDE ET DE L’UXORICIDE ......................... 9
Section 1 Le parricide .................................................................................................... 9
I. Les éléments constitutifs du parricide.................................................................... 9
A. Un meurtre........................................................................................................ 10
B. La victime : un ascendant du coupable ............................................................ 10
C. L’intention homicide ........................................................................................ 10
II. Les excuses au parricide....................................................................................... 11
Section 2 L’uxoricide ................................................................................................... 12
I. Les éléments constitutifs de l’uxoricide............................................................... 12
A. Un homicide ..................................................................................................... 12
B. La victime : l’époux ......................................................................................... 13
C. L’intention homicide ........................................................................................ 13
II. Les excuses à l’uxoricide ..................................................................................... 14
CHAPITRE 2 LE CONTEXTE DU CRIME ................................................................................ 15
Section 1 Le lieu et le moment de la commission du crime.......................................... 15
I. Le lieu du crime.................................................................................................... 15
A. Le lieu de commission des parricides .............................................................. 15
B. Le lieu de commission des uxoricides.............................................................. 16
C. Le cas particulier du déplacement du cadavre ................................................. 17
II. Le moment du crime ............................................................................................ 18
A. Le moment de commission du parricide .......................................................... 18
B. Le moment de commission de l’uxoricide ....................................................... 18
Section 2 Les moyens utilisés ....................................................................................... 19
I. Les moyens communément employés pour donner la mort................................. 19
A. La mort par noyade .......................................................................................... 20
B. L’utilisation d’armes ........................................................................................ 20
II. Le cas particulier de l’empoisonnement............................................................... 21
A. Les moyens de se procurer du poison .............................................................. 21
B. La découverte du poison .................................................................................. 22
Section 3 Les mobiles du crime.................................................................................... 23
I. Les mobiles du parricide ...................................................................................... 23
II. Les mobiles de l’uxoricide ................................................................................... 24
PARTIE II
LA MISE EN ACCUSATION....................................................................... 27
CHAPITRE 1 L’INSTRUCTION : LA PREUVE DU CRIME ET LA RECHERCHE DU COUPABLE .... 27
Section 1 La découverte du crime ................................................................................ 27
I. La découverte du corps ........................................................................................ 28
II. La forme de la dénonciation................................................................................. 28
A. Les personnes menant l’instruction.................................................................. 29
B. La dénonciation du crime ................................................................................. 31
109
Section 2 La recherche de la preuve............................................................................ 33
I. La descente sur les lieux du crime ....................................................................... 33
A. L’autopsie......................................................................................................... 33
B. L’audition des témoins ..................................................................................... 38
C. La recherche des autres éléments de preuve .................................................... 41
II. Le mandat d’amener et ses conséquences ............................................................ 42
A. Le mandat d’amener et l’audition du suspect................................................... 42
B. Le mandat d’arrêt ............................................................................................. 47
C. Le cas particulier du contumax ........................................................................ 50
D. Les réquisitions du commissaire du roi............................................................ 51
CHAPITRE 2 L’ACCUSATION .............................................................................................. 53
Section 1 L’acte d’accusation ...................................................................................... 53
I. La mise en accusation .......................................................................................... 53
A. La décision de soumettre l’affaire au jury d’accusation .................................. 53
B. Le contenu de l’acte d’accusation .................................................................... 55
II. La décision favorable à l’accusation .................................................................... 56
A. Le choix des jurés............................................................................................. 56
B. La tenue de la séance du jury d’accusation ...................................................... 58
C. La décision du jury d’accusation...................................................................... 60
Section 2 L’ordonnance de prise de corps................................................................... 61
I. Le contenu de cette ordonnance ........................................................................... 61
II. Les conséquences de l’ordonnance ...................................................................... 63
III.
Le cas particulier du contumax ........................................................................ 64
PARTIE III
LE JUGEMENT ET LA CONDAMNATION......................................... 66
CHAPITRE 1 LA PROCÉDURE DE JUGEMENT DEVANT LE TRIBUNAL CRIMINEL .................... 66
Section 1 La préparation du procès............................................................................. 66
I. L’audition du prévenu .......................................................................................... 67
II. Le tirage au sort et la convocation des jurés de jugement.................................... 68
A. Le principe........................................................................................................ 68
B. Le cas particulier du jury spécial de jugement ................................................. 69
Section 2 Le procès ...................................................................................................... 70
I. Le rôle des différents intervenants ....................................................................... 70
II. Le début de l’audience ......................................................................................... 71
III.
La prestation de serment des jurés ................................................................... 71
IV.
L’audition des témoins ..................................................................................... 72
V. La décision du jury de jugement et le prononcé de la peine ................................ 75
A. L’examen des pièces ........................................................................................ 75
B. Les questions posées aux jurés......................................................................... 76
A t il donné la mort a son epouse dans un accez de folie............................................. 77
C. La déclaration des jurés.................................................................................... 78
D. La peine ............................................................................................................ 79
Section 3 La compétence concurrente du tribunal criminel spécial............................ 82
I. La formation et l’organisation du tribunal criminel spécial ................................. 83
II. La poursuite, l’instruction et le jugement............................................................. 83
CHAPITRE 2 L’EXÉCUTION DU JUGEMENT ......................................................................... 86
Section 1 Le pourvoi en cassation................................................................................ 86
I. Les conditions du pourvoi en cassation................................................................ 86
II. Les conséquences de la décision du tribunal de cassation ................................... 88
Section 2 L’exécution de la peine ................................................................................ 90
110
I. L’exposition et l’exécution du condamné ............................................................ 90
II. Le cas particulier des femmes condamnées à mort .............................................. 90
III.
Le cas particulier des contumaces .................................................................... 93
CONCLUSION....................................................................................................................... 95
ANNEXE 1 TABLEAU DES PARRICIDES ....................................................................... 97
ANNEXE 2 TABLEAU DES UXORICIDES ...................................................................... 98
ANNEXE 3 ARTICLE 372 DU CODE DES DÉLITS ET DES PEINES ......................... 99
ANNEXE 4 L’ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION DU 26 FRUCTIDOR AN XIII
................................................................................................................................................ 100
SOURCES ............................................................................................................................. 104
BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................... 107
TABLE DES MATIÈRES ................................................................................................... 109
111