Le crime dans la famille - Revenir sur
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UNIVERSITE DE RENNES 1 FACULTE DE DROIT ET DE SCIENCE POLITIQUE Ecole doctorale « Droit, Science Politique et Philosophie » Le crime dans la famille : les exemples du parricide et de l’uxoricide devant le tribunal criminel d’Ille-et-Vilaine Mémoire présenté et soutenu par Dorothée LALLEMENT Pour le DEA d’Histoire du Droit et des Institutions Jury Président Suffragant Mme Marie-Yvonne CREPIN Professeur à l’Université de Rennes 1 M Thierry HAMON Maître de Conférences H.D.R. en Histoire du Droit à l’Université de Rennes 1 Septembre 2004 L’Université n’entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans les mémoires ; ces opinions doivent être considérées comme propres à leurs auteurs. 2 Je remercie Madame le professeur Marie-Yvonne Crépin pour m’avoir confié ce sujet ainsi que pour sa disponibilité, son aide et ses précieux conseils au cours de cette étude. Je remercie également Fabien Dorléacq et Claire Veillepeau qui m’ont épaulée tout au long de ce travail en m’apportant aide et soutien. 3 Sommaire SOMMAIRE ______________________________________________________________ 4 INTRODUCTION__________________________________________________________ 5 PARTIE I CHAPITRE 1 Section 1 Section 2 CHAPITRE 2 Section 1 Section 2 Section 3 PARTIE II CHAPITRE 1 Section 1 Section 2 CHAPITRE 2 Section 1 Section 2 PARTIE III CHAPITRE 1 Section 1 Section 2 Section 3 CHAPITRE 2 Section 1 Section 2 LA DÉCOUVERTE DU CRIME__________________________________ 9 LA DÉFINITION JURIDIQUE DU PARRICIDE ET DE L’UXORICIDE ____________ 9 Le parricide __________________________________________________ 9 L’uxoricide _________________________________________________ 12 LE CONTEXTE DU CRIME ________________________________________ 15 Le lieu et le moment de la commission du crime_____________________ 15 Les moyens utilisés ___________________________________________ 19 Les mobiles du crime__________________________________________ 23 LA MISE EN ACCUSATION ___________________________________ 27 L’INSTRUCTION : LA PREUVE DU CRIME ET LA RECHERCHE DU COUPABLE __ 27 La découverte du crime ________________________________________ 27 La recherche de la preuve______________________________________ 33 L’ACCUSATION _______________________________________________ 53 L’acte d’accusation ___________________________________________ 53 L’ordonnance de prise de corps _________________________________ 61 LE JUGEMENT ET LA CONDAMNATION ____________________ 66 LA PROCÉDURE DE JUGEMENT DEVANT LE TRIBUNAL CRIMINEL __________ 66 La préparation du procès ______________________________________ 66 Le procès ___________________________________________________ 70 La compétence concurrente du tribunal criminel spécial______________ 82 L’EXÉCUTION DU JUGEMENT ____________________________________ 86 Le pourvoi en cassation________________________________________ 86 L’exécution de la peine ________________________________________ 90 CONCLUSION ___________________________________________________________ 95 ANNEXE 1 TABLEAU DES PARRICIDES ___________________________________ 97 ANNEXE 2 TABLEAU DES UXORICIDES ___________________________________ 98 ANNEXE 3 ARTICLE 372 DU CODE DES DÉLITS ET DES PEINES ____________ 99 ANNEXE 4 L’ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION DU 26 FRUCTIDOR AN XIII ________________________________________________________________________ 100 SOURCES ______________________________________________________________ 104 BIBLIOGRAPHIE _______________________________________________________ 107 TABLE DES MATIÈRES _________________________________________________ 109 4 Introduction La Révolution de 1789 a eu d’importantes conséquences sur le droit pénal et notamment à travers la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen votée le 26 août de cette même année. Cette déclaration définit une nouvelle société, un nouveau droit dont la loi est l’unique source1. Elle met notamment fin à l’arbitraire des juges et au droit de grâce du roi2. C’est dans ce contexte que le tribunal criminel est instauré par l’Assemblée constituante. Véritable innovation, ce tribunal est compétent pour les crimes les plus graves. Il se compose de juges, d’un commissaire du roi et d’un accusateur public formant à eux deux le ministère public. L’accusé est entendu et jugé par un jury. Le jury intervient à deux moments : lors de la mise en accusation et lors du jugement. Composé d’électeurs, il est le véritable symbole de la Révolution. Il s’agit ici d’une expression de souveraineté liée au droit de vote, l’accusé sera jugé par ses pairs, les juges devant uniquement appliquer strictement la loi. La volonté de rompre avec l’Ancien Régime se retrouve également à travers les termes utilisés. En effet, « cour » et « arrêt » sont abandonnés au profit de « tribunal » et « jugement »3. Cependant, à partir de la Constitution de l’an XII, les termes de l’Ancien Régime sont de nouveau utilisés4. Le tribunal criminel sera remplacé par la Cour d’assises instituée par le Code d’instruction criminelle de 1808. Toutefois, cette cour ne sera mise en place qu’avec l’entrée en vigueur du Code pénal de 1810 c’est-à-dire en 1811. Le décret des 16-29 septembre 1791 concernant la police de sûreté, la justice criminelle et l’établissement des jurés5 instaure trois étapes bien distinctes dans la procédure : l’instruction préparatoire au niveau cantonal, la mise en accusation au niveau du district et le jugement au niveau départemental. Sur ce dernier point, il convient de préciser qu’il existe un tribunal criminel par département. 1 J-M. CARBASSE, Histoire du droit pénal et de la justice criminelle, Paris, Presses Universitaires de France, collection Droit fondamental, 1ère édition, décembre 2000, pages 371 et 372. 2 Le droit de grâce sera rétabli dès l’an X en faveur du Premier Consul. Cf. J-M. CARBASSE, op. cit., page 400. 3 J-L. HALPERIN, Le tribunal de cassation et les pouvoirs sous la Révolution (1790-1799), Paris, Bibliothèque d’histoire du droit et droit romain, sous la direction de P.C. TIMBAL professeur émérite à l’Université de Paris II, Tome XXIII, Librairie générale de droit et de jurisprudence, 1987, page 83. 4 Article 136 de la Constitution de l’an XII in Les Constitutions de la France depuis 1789, Tours, GF Flammarion, 1984, page 206. 5 Une difficulté apparaît cependant au sujet de la procédure. En effet, si le décret n’a été que très légèrement modifié par le Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV , l’accession au pouvoir de Napoléon Bonaparte entraîne une modification importante de la procédure et de l’organisation judiciaire. Ce changement modifie chacune des étapes vues ci-dessus. L’instruction, notamment, va avoir tendance à redevenir secrète et écrite. De plus, la loi du 18 pluviôse an IX instaure, dans certains départements, des tribunaux criminels spéciaux compétents en cas d’assassinats prémédités concurremment avec le tribunal criminel du département. Un de ces tribunaux est créé en Ille-et-Vilaine. Ses membres sont nommés par le Premier Consul et le jury y est supprimé car considéré comme faible et corrompu6. Dix-huit uxoricides et quatre parricides ont été jugés par le tribunal criminel d’Ille-et-Vilaine et un uxoricide par le tribunal criminel spécial de ce même département. Le premier code pénal est rédigé à cette époque par les Constituants, il s’agit du Code pénal des 25 septembre-6 octobre 17917. Il définit les crimes contre les personnes. Le parricide est défini par le Code pénal de 1791 comme le meurtre d’un ascendant c’est-àdire le père, la mère légitimes ou naturels ou les grands-parents mais uniquement légitimes. Il fait donc l’objet d’une définition particulière tout comme dans l’ancien droit. En effet, il est considéré comme le crime suprême8. Cependant, dans l’ancien droit, la qualification de parricide était étendue au meurtre d’autres membres de la famille comme le frère, la sœur, l’oncle, la tante, les beaux-parents ou encore l’enfant9. Le parricide encourait le supplice de la roue et si la victime était un ascendant, le condamné subissait une amputation préalable du poing10. Sous le Code pénal, il encourt « uniquement » la peine de mort par décapitation. Quant au terme « uxoricide », il est issu du droit canonique et définit le meurtre commis par le mari envers sa femme et inversement, celui commis par la femme sur son mari. Ce terme est 5 Décret des 16-29 septembre 1791 concernant la police de sûreté, la justice criminelle et l’établissement des jurés in J-B. DUVERGIER, Collection complète des lois, décrets, ordonnances, réglemens, et avis du Conseil d’Etat, Paris, éditions officielles du Louvre, 1824, Tome III, pages 331 à 348. 6 G. BOUËSSEL DU BOURG, L’activité du Tribunal spécial en Ille-et-Vilaine de 1801 à 1811, Université de Rennes 1, Mémoire d’Histoire du Droit, 2003. 7 Article 10 de la première section du titre II du Code pénal de 1791, J-B. DUVERGIER, op. cit., 1824, Tome III, pages 403 à 419. 8 L. TAUZIN, Le parricide en Cour d’assises de 1811 à 1894 en Ille-et-Vilaine, Université de Rennes 1, Mémoire d’Histoire du Droit, 1995. 9 Cependant, l’homicide de descendants en bas âge relève de l’incrimination de l’infanticide. Cf. J-M. CARBASSE, op. cit., page 322. 10 J-M. CARBASSE, op. cit., page 322. 6 repris par la doctrine dès l’Ancien Régime mais n’est pas utilisé dans les lois11. Avant le Code pénal de 179112, ce crime était assimilé au parricide et donc puni de mort. A partir de ce code il est considéré comme n’importe quel autre homicide. La peine encourue diffère ainsi selon les circonstances de l’homicide. De plus, le mariage perd son caractère sacré à cette période. La loi du 20 septembre 1792 instaurant le divorce, une question se pose : cela entraîne-t-il une baisse des uxoricides, le mariage pouvant être dorénavant dissous autrement que par la mort ? Enfin, il apparaît en étudiant les parricides et les uxoricides que ces crimes ont été commis en milieu rural, ce qui n’est pas surprenant, la Bretagne étant rurale à cette époque. Le Code pénal de 1791 définit également un système de peines fixes. Le juge n’a plus aucun pouvoir d’appréciation sur la peine, il doit appliquer celle que le code prévoit. Les idées des Lumières et la Déclaration des droits et de l’homme et du citoyen de 1789 y sont très présentes. L’emprisonnement y tient un grand rôle, il varie selon la gravité du crime : les fers, la réclusion dans une maison de force, la gêne, la détention, la déportation. Le travail est associé à chacune de ces peines mais selon les cas, il est imposé ou proposé. Pour les Constituants, la peine doit avoir une utilité sociale, les détenus devant s’améliorer avec le travail. La solitude doit permettre aux condamnés de faire un retour sur eux-même13. La prison, uniquement préventive sous l’Ancien Régime, devient donc une peine à part entière sous la Révolution. Dix ans après avoir subi sa peine, l’ancien condamné pourra demander sa réhabilitation. Elle est réalisée lors d’une cérémonie publique qui efface la tache du crime14. Quant à la peine de mort, elle a suscité de vifs débats et ce, bien avant la Révolution. Néanmoins, les Constituants prendront la décision de la maintenir mais en la rendant moins cruelle. Dorénavant, le condamné aura la tête tranchée. Cependant la peine de mort faillit être abolie. En effet, le 4 brumaire an IV, l’assemblée vote cette disposition : « A dater du jour de la publication de la paix générale, la peine de mort sera abolie dans la République française »15 mais Napoléon Bonaparte fit voter le 29 décembre 1801 ce texte selon lequel « la peine de mort continuera à être appliquée dans les cas déterminés par les lois, jusqu’à ce qu’il en est été autrement décidé »16. 11 M-Y. CREPIN, Violences conjugales en Bretagne : la répression de l’uxoricide au XVIIIème siècle, in Mémoires de la Société d’Histoire et d’Archéologie de Bretagne, 1995, pages 163 à 175. 12 Code pénal des 25 septembre-6octobre 1791 in J-B. DUVERGIER, op. cit. 13 J-G. PETIT, Ces peines obscures. La prison pénale en France 1780-1875, Rungis, Fayard, page 52. 14 J-G. PETIT, op. cit., page 49. 15 A. LAINGUI, Dictionnaire de la culture juridique, au mot Peine de mort, sous la direction de D. ALLAND et S. RIALS, Paris, Lamy, Presses Universitaires de France, collection Quadrige, 1ère édition, octobre 2003, pages 1141 à 1145. 16 Idem. 7 Les archives départementales d’Ille-et-Vilaine concernant les affaires dont le tribunal criminel a eu à connaître et relatives aux crimes de parricides et d’uxoricides, comportent pour certaines, la procédure complète. Il est donc possible de la suivre de la découverte du cadavre jusqu’au jugement du tribunal de cassation si un pourvoi est formé et dans le cas contraire, jusqu’au jugement rendu par le tribunal criminel d’Ille-et-Vilaine. Cependant, ces pièces ne permettent pas de connaître les plaidoiries des avocats lors de la séance de jugement. Ces documents offrent également la possibilité d’étudier les circonstances du crime, notamment à travers les constations sur les lieux et les témoignages. Il paraît intéressant d’examiner ces affaires à travers trois parties représentant les trois étapes chronologiques dans le suivi d’une affaire. La découverte du crime, la mise en accusation et le jugement suivi de la condamnation vont donc être étudiés successivement. 8 Partie I La découverte du crime La découverte du crime et de ses circonstances constitue la première étape permettant le début de l’instruction. Cependant, il convient de définir dans un premier temps les crimes spécifiques que sont le parricide et l’uxoricide afin de mieux les appréhender. Chapitre 1 La définition juridique du parricide et de l’uxoricide Le Code pénal de 1791 se compose de deux parties chacune divisée en titres puis en sections. La deuxième partie traite des crimes contre les particuliers, et le deuxième titre de celle-ci s’intéresse plus précisément aux crimes et à leur punition. La section première de ce titre intitulée « Crimes et attentats contre les personnes » est consacrée aux homicides. Le parricide et l’uxoricide sont deux homicides qui seront définis dans deux sections successives. Section 1 Le parricide Le parricide possède une définition particulière, il se distingue de l’homicide de droit commun. Il est défini à l’article 10 de la première section du titre II de la seconde partie du Code pénal de 1791, disposant que « si le meurtre est commis dans la personne du père ou de la mère légitimes ou naturels, ou de tout autre ascendant légitime du coupable, le parricide sera puni de mort (…) ». Deux des éléments constitutifs de l’infraction apparaissent alors : pour qu’il y ait parricide, il faut qu’un homicide ait été commis et qu’un ascendant du coupable en ait été la victime. De plus, il doit avoir été commis volontairement. Le parricide connaît peu d’excuses. I. Les éléments constitutifs du parricide Comme vu précédemment, ces éléments que sont le meurtre, la qualité d’ascendant de la victime et l’intention homicide, vont être successivement étudiés. 9 A. Un meurtre Le meurtre est défini au sein de la première section, à l’article 8. Selon cet article, « l’homicide commis sans préméditation, sera qualifié de meurtre, et puni de la peine de vingt années de fers ». Or, le parricide est un meurtre puni de la peine de mort, il s’agit donc d’un meurtre aggravé. De plus, il apparaît à la lecture des articles 8 et 10 de cette première section que la préméditation n’est pas un élément requis pour la qualification de l’infraction de parricide. Lors des questions posées au jury de jugement, il est possible que la question concernant la préméditation ne lui soit pas posée. Dans la déclaration des jurés de jugement sur la culpabilité de Julien Delions dans l’homicide de son père, par exemple, il est dit « (…) que Jullien Delions fils est convaincu d’etre autheur de cet homicide, qu’il l’a commis volontairement, que l’homicide ne lui a pas eté indispensablement commandé par la necessité actuelle de la legitime deffense de soi ou d’autruy »17. Seulement deux des parricides ont été commis sans préméditation. B. La victime : un ascendant du coupable La victime doit être un ascendant du coupable, il peut s’agir des pères et mères légitimes ou naturels ainsi que tout autre ascendant du coupable mais ce dernier doit être légitime. Le Code pénal de 1791 ne prend donc pas en compte les ascendants naturels autre que le père ou la mère naturels. Si un homicide est commis contre ces derniers, il s’agira d’un homicide de droit commun et non d’un parricide. Dans les cas de parricides jugés par le tribunal criminel d’Ille-et-Vilaine, les quatre hommes poursuivis étaient accusés d’avoir tué ou tenté de tuer leur père. C. L’intention homicide Le parricide doit avoir été commis volontairement, dans le dessein de tuer. Cela apparaît à la lecture de la première section du titre II de la seconde partie du Code pénal de 1791. En effet, le parricide est classé parmi les homicides volontaires, d’ailleurs, l’article 7 de cette section dispose que « (…) tout homicide commis volontairement envers quelques personnes, avec quelques armes, instrumens ou par quelque moyen que ce soit, sera qualifié 17 Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, L 2814 et L 3074, jugement du 16 nivôse an VII. 10 et puni ainsi qu’il suit, selon les caractères et circonstances du crime ». Cet article annonce les dispositions qui vont suivre notamment celles de l’article 10 traitant des parricides. L’intention homicide est un élément essentiel à la qualification de l’infraction de ce crime, ainsi les jurés de jugement auront à répondre à des questions sur la volonté des parricides. Dans l’affaire concernant Etienne Behours accusé d’avoir tué son père, les jurés devront répondre à la question suivante : « Etienne Behours a t il agi volontairement ? »18. II. Les excuses au parricide A la lecture de l’article 10 de la première section du titre II de la seconde partie du Code pénal de 1791, il apparaît que l’excuse de l’article 9 de cette même section n’est pas admise. Selon cet article, « lorsque le meurtre sera la suite d’une provocation violente, sans toutefois que le fait puisse être qualifié homicide légitime, il pourra être déclaré excusable, et la peine sera de dix ans de gêne (…) ». La provocation violente ne peut donc pas être invoquée comme excuse au parricide à la différence des autres homicides. L’article 10 n’excluant que les excuses de l’article 9, les homicides involontaire, légal et légitime sont acceptés. La déclaration des jurés dans l’affaire Delions en est l’exemple. Selon les articles 1 et 2 de cette section, l’homicide est involontaire s’il est commis par accident. Une différence est faite uniquement au niveau des indemnités éventuelles que pourraient recevoir la victime suivant qu’il est dû à l’imprudence ou à la négligence de l’auteur. Les articles 3 et 4 de cette section sont consacrés à l’homicide légal. L’article 4 le définit plus précisément comme un homicide « (…) ordonné par la loi, et commandé par une autorité légitime ». Les articles 5 et 6 sont relatifs à l’homicide légitime. L’article 6 expose que c’est un homicide « (…) indispensablement commandé par la nécessité actuelle de la légitime défense de soi-même ou d’autrui ». Les jurés de jugement du tribunal criminel n’ont admis aucune de ces excuses dans les quatre cas de parricide jugés. 18 Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 51, questions posées au jury de jugement lors du procès du 16 fructidor an VIII. 11 Section 2 L’uxoricide Comme vu précédemment dans l’introduction, ce terme définit l’homicide commis par un époux sur son conjoint. Le terme même d’uxoricide n’étant plus employé, il n’est pas utilisé devant le tribunal criminel. Cependant, dans l’affaire Tehel, ce terme apparaît dans deux pièces de procédure dont une lettre du juge de paix de la ville de Dol au magistrat de sûreté pour l’arrondissement de Saint Malo dans lequel il fait référence au « (…) délit d’uxoricide dont est prévenu Jean Etienne Tehel pilote cotier, de la commune de Mont Dol »19. N’étant pas prévu spécialement par le Code pénal, l’uxoricide est donc considéré comme un homicide de droit commun contrairement au parricide. Les articles 8 et 9 concernant les homicides sans préméditation ( meurtres) et les articles 11 à 16 relatifs aux homicides avec préméditation (assassinats ou empoisonnements) de la première section du titre II de la seconde partie du Code pénal de 1791 vont s’appliquer à ce crime. Trois éléments constitutifs constants résultent de ces articles: pour qu’il y ait uxoricide, il faut qu’il y ait eu un meurtre ou assassinat, que cet homicide ait été commis par le mari envers sa femme ou inversement par la femme envers son mari et qu’il ait été commis volontairement. Un quatrième élément constitutif sera requis pour l’assassinat et l’empoisonnement, il s’agit de la préméditation. I. Les éléments constitutifs de l’uxoricide Les éléments constitutifs de l’uxoricide que sont l’homicide, la qualité de conjoint de la victime et l’intention homicide voire également la préméditation dans certains cas vont être étudiés successivement. A. Un homicide Concernant le meurtre, ce dernier est défini à l’article 8 comme vu précédemment au sujet du parricide. Il apparaît donc que l’uxoricide puisse être commis sans préméditation et dans ce cas, il sera puni de vingt années de fers. Ainsi, Pierre Morel est reconnu avoir tué volontairement sa femme mais sans préméditation20. 19 Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 146, lettre du 19 janvier 1808. 12 L’homicide commis avec préméditation est qualifié par l’article 11 d’assassinat et est puni de mort. Le tribunal criminel d’Ille-et-Vilaine a eu à connaître de dix uxoricides avec préméditation. L’empoisonnement est un assassinat particulier. Il est réprimé, ainsi que sa tentative, par les articles 12 et 15 de la première section du titre II de la seconde partie du Code pénal. L’article 12 le définit comme l’homicide commis volontairement par poison. L’article 15 y assimile l’empoisonnement non consommé c’est-à-dire quand il « (…) aura été effectué ou lorsque le poison aura été présenté ou mêlé avec des alimens ou breuvages spécialement destinés, soit à l’usage de la personne contre laquelle ledit attentat aura été rédigé, soit à l’usage de toute une famille, société ou habitans d’une même maison, soit à l’usage du public ». Lorsque le résultat de l’infraction n’a pas été atteint c’est-à-dire lorsque la victime n’est pas décédée, l’article 13 va fixer les conditions pour que la tentative soit punie. Cet article dispose que « l’assassinat, quoique non consommé, sera puni de la peine portée en l’article 11, lorsque l’attaque à dessein de tuer aura été effectuée ». Il en résulta que lorsque les éléments constitutifs de l’assassinat sont réunis excepté le décès de la victime, la tentative sera également punie de la peine de mort. C’est ainsi que Madeleine Davory va être condamnée par le tribunal criminel du département d’Ille-et-Vilaine à la peine de mort pour avoir tenté d’assassiner son mari, Joseph de La Marre21. B. La victime : l’époux La victime doit donc être l’épouse ou l’époux de l’auteur du crime. La qualité de femme ou de mari de la victime (ou de l’auteur) est rappelée lors de la procédure et du jugement. Dans ce dernier cas notamment, le chef des jurés lors de sa déclaration rappelle le lien unissant l’auteur et la victime. Il sera reconnu par exemple, « (…) qu’un homicide a été commis […] dans la personne de Julien Hamon, que le fait est constant ; que Mathurine Hubert veuve dudit Hamon est auteur du fait (…) »22. C. L’intention homicide L’intention de tuer est également l’un des éléments constitutifs de l’uxoricide. Comme, vu précédemment pour le parricide, l’article 7 de la première section du deuxième 20 21 Ibidem, 2 U 69, lettre du 19 janvier 1808. Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 82, jugement du 18 messidor an VIII. 13 titre de la seconde partie du Code pénal de 1791 annonce les dispositions concernant les homicides volontaires. En conséquence, la question de l’intention va être posée, entre autre, au jury de jugement. Ainsi, lors de la séance de jugement du 19 brumaire an VIII, les jurés ont dû notamment répondre, concernant les coups que Julien Jumel avait assénés à sa femme, à la question suivante : « les a t il commis a dessein de tuer la ditte Anne Lefebvre »23. II. Les excuses à l’uxoricide Des excuses peuvent être invoquées par l’auteur du crime afin d’alléger sa peine, voire même de ne pas être condamné. Tout d’abord, l’excuse de provocation violente de l’article 9 de la première section du titre II de la seconde partie du Code pénal de 1791 est admise, contrairement au parricide. Cette excuse sera une seule fois prise en compte par le tribunal criminel dans l’affaire de Mathurine Hubert, son époux venant de battre la fille de cette dernière très violemment24. L’article 9 précise toutefois, dans son deuxième alinéa, que « la provocation par injures verbales ne pourra, en aucun cas, être admise comme excuse de meurtre ». Comme pour le parricide, les excuses d’homicides involontaire, légal ou légitime des articles 1 à 7 de cette première section sont admises. Cependant aucune de ces excuses n’a été retenue concernant les uxoricides devant le tribunal criminel. Enfin, l’excuse de la folie est admise. Jean Bienassis25 et Pierre Legaud26, auteurs d’uxoricides ont bénéficié de cette excuse. Les crimes étant définis, il convient d’observer les conditions dans lesquelles ils ont été commis. 22 Ibidem, L 2948, déclaration du chef du jury de jugement du 15 frimaire an III. Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 38, questions posées au jury de jugement lors du procès du 19 brumaire an VIII. 24 Ibidem, L 2948, déclaration du chef du jury de jugement du 15 frimaire an III. 25 Ibidem, 2 U 43, jugement du 26 prairial an VIII. 26 Ibidem, 2 U 56, jugement du 15 frimaire an IX. 23 14 Chapitre 2 Le contexte du crime Afin de mieux comprendre le crime, son contexte doit être observé. Ce dernier comprend tout d’abord les conditions d’espace et de temps dans lesquelles les uxoricides et les parricides ont été commis, puis les moyens utilisés et les mobiles qui les ont entraînés. Section 1 Le lieu et le moment de la commission du crime Les auteurs et les victimes vivant dans un milieu rural, les homicides sont commis dans les champs, les bois et autres endroits du même type. Cependant, il apparaît à travers les affaires étudiées que les criminels semblent attendre plutôt le soir pour commettre leurs méfaits. I. Le lieu du crime Les lieux des parricides vont être décrits dans un premier temps puis dans un second temps celui des uxoricides. A. Le lieu de commission des parricides Il apparaît que les parricides commis par Julien Delions et par Etienne Behours, ont eu lieu à l’intérieur de la maison familiale. Le père du premier a été retrouvé mort dans le grenier par sa femme. Ainsi Marie Le Vacher n’ayant pas revu son mari depuis la veille au soir, « (…) se leva monta au dit grenier y trouva son mari couché sur le ventre proche un amas de foin (…) »27. Quant à Pierre Behours, il fut frappé par son fils alors qu’il se trouvait dans son lit. Un soir, vers les dix heures, Etienne Behours vint chez son père, « (…) le trouva couché, dut le frapper et tellement le maltraiter qu’il l’obligea de se lever, fuir de sa maison (…) »28.Son père mourut trente jours plus tard… 27 Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, L 3074, procès-verbal du délit et de déclaration de témoins du 7 juillet 1792. 28 Ibidem, 2 U 51, ordonnance de prise de corps du 10 thermidor an VIII. 15 Les deux autres parricides ont été commis dans des lieux plus éloignés de la demeure familiale. Le père de René Boulaix fut retrouvé « (…) dans les prés nommés les petits prés des cassoïs près le bourg et en la commune de Rimou (…) »29. Quant à Jean Villeneuve père, « (…) il fut trouvé, sans connoissance et dans un etat qui annonçoit sa mort prochainne, dans un chemin nommé le chemin sanglant auprès de la porte du parc en la paroisse des Iffs (…) », ce parc se trouvant dans les environs de son domicile30. B. Le lieu de commission des uxoricides Les uxoricides ont été commis majoritairement au sein du foyer familial (au total dix sur dix-neuf). Par exemple, Georges Hubert, époux de Jeanne Delanoe, « (…) fut dans sa propre maison frappé, avec les cinq heures du soir, d’un couteau qui lui fit au ventre une blessure des suites de laquelle il mourut le lendemain (…) »31. Les empoisonnements sont commis au sein de la maison et, le plus souvent, dans la cuisine au moment du repas, le poison étant mélangé à la nourriture. Par exemple, François Moulin empoisonna sa femme, en taillant « (…) la soupe pour le diner (…) »32. Les uxoricides sont également commis aux alentours de la maison familiale soit dans le jardin soit dans la cour. Pierre Tardif frappant sa femme, « (…) lui donna plusieurs coups de fouet, […] il l’a prit et la jetta par dessus des groseliers dans le jardin au midi de sa maison (…) »33. Parfois, l’homicide a lieu dans des endroits plus ou moins éloignés du domicile conjugal comme un parc, un bois, un champ, un lavoir ou même dans la maison d’une tierce personne. C’est ainsi que Vincent Valotaire s’étant rendu chez sa belle-soeur et « (…) ayant reconnu sa femme assise près le foyer, lui porta un coup de bäton sur la tête (…) »34. L’auteur du crime peut souhaiter un endroit un peu éloigné, hors de la présence de tout témoin pour pouvoir commettre l’uxoricide. La femme de Julien Legendre, Anne Lagrée, « (…) fut assassinée dans le bois de la Gretais commune d’Acigné peu eloigné du village de la Bonnaudiere, où ledit Legendre et sa dite femme étaient venus demeurer depuis quelques 29 Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 116, acte du magistrat de sûreté (sans date). Ibidem, L 2886, ordonnance de prise de corps du 1er mai 1792. 31 Ibidem, 2 U 160, ordonnance de prise de corps du 15 février 1810. 32 Ibidem, 2 U 161, ordonnance de prise de corps du 30 juin 1810. 33 Ibidem, 2 U 133, acte d’accusation du 23 septembre 1806. 34 Ibidem, 2 U 61, acte d’accusation du 8 fructidor an VIII. 30 16 mois (…) »35. L’épouse de François Gaslain, Marie Liesse « (…) fût entendue plusieurs fois pousser des cris du côté du lavoir (…) » par des personnes. Ces dernières, en arrivant au dit lieu « (…) ne virent plus personnes autour, mais seulement le corps de Marie Liesse plongé dans l’eau (…) »36. C. Le cas particulier du déplacement du cadavre Il est possible que dans ces différents crimes de parricide et d’uxoricide, le lieu de l’homicide soit différent de celui où le corps de la victime a été retrouvé. Le cadavre peut avoir été déplacé par l’auteur du crime comme ce fut le cas pour la femme de Louis Deniel, qui étant allé chez son mari, reçut un coup de poing qui la tua. Le juge de paix s’étant rendu sur les lieux, trouva « (…) dans un puits près la ferme de Malac, le cadavre d’une femme qui fût réconnu pour être celui de la dite Anne Gislais (…) »37. Jean Bienassis se débarrassa également du corps de sa femme, il « (…) jetta le cadavre dans la marre de la petite prée au pignon vers le nord de la grange dudit lieu du Val de Bas (…) »38. Il apparaît que lorsque le corps est caché par l’auteur de l’homicide, ce dernier aura tendance à le déposer dans une rivière, un ruisseau, une mare ou encore un puits comme nous avons pu l’observer précédemment avec Louis Deniel. Il arrive que la victime ne soit pas décédée au moment où elle est abandonnée par l’auteur du crime et qu’avant de mourir, cette dernière puisse se déplacer seule jusqu’au lieu où elle sera retrouvée. Ainsi, Jean Villeneuve, avant de décéder des suites des coups portés par son fils, fut aperçu avancer difficilement vers son village : « (…) le sieur De Villeneusse père etoit tombé, en faisant routte de Becherel vers sa demeure, jusqu’a trois fois dans un ruisseau et dessus un fossé dans un champs au nord du moulin de Theloyer et une seconde fois au pied du même tallus, dans le chemin, la tête la prémiere et sur le visage (…) »39 . 35 Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 37, ordonnance de prise de corps du 28 ventôse an VII. Ibidem, 7 U 79, acte d’accusation du 24 septembre 1808. 37 Ibidem, 2 U 59, ordonnance de prise de corps du 30 germinal an XII. 38 Ibidem, 2 U 43, ordonnance de prise de corps du 6 floréal an VIII. 39 Ibidem, L 2886, ordonnance de prise de corps du 1er mai 1792. 36 17 II. Le moment du crime Il s’agit de savoir si les parricides et les uxoricides sont commis plus facilement le jour ou la nuit et si des conclusions peuvent être tirées de cette observation. A. Le moment de commission du parricide En examinant les parricides, il apparaît que deux ont été commis en fin d’après-midi ou en début de soirée. Ainsi par exemple, Michel Boulaix, père de René Boulaix fut tué « (…) entre les cinq a six heures du soir (…) »40. Les deux autres ont été commis durant la nuit comme ce fut le cas pour Etienne Behours qui frappa son père « (…) environ les dix heures du soir (…) »41. Cependant, il n’y a pas assez de cas pour pouvoir tirer des conclusions. B. Le moment de commission de l’uxoricide Les uxoricides sont commis, approximativement, autant le jour (11) que la nuit (9). Cette tendance se confirme que les uxoricides soient commis tant par des hommes que par des femmes. En effet, trois femmes sur cinq et six hommes sur quatorze ont tué ou tenté de tuer leur conjoint durant la nuit. Concernant les crimes commis le jour, l’homicide peut être la conséquence d’une dispute entre les époux. Ainsi, dans un interrogatoire de François Gaslain, le juge de la Cour criminelle spéciale d’Ille-et-Vilaine lui souligne : « (…) il est appris contre vous, que le meme jour vous étiez environ midi et demi en dispute avec votre femme sur le bord du Douet, qu’environ trois quarts d’heure après, vous futes vu seul debout sur le bord de ce meme endroit, ayant les yeux fixés sur l’eau (…) »42. Lorsque l’uxoricide est commis la nuit, cela permet aux criminels de ne pas être vus et d’espérer, en conséquence, pouvoir échapper à une éventuelle poursuite judiciaire. Cependant, il arrive que des personnes aient entendu des cris provenant du lieu du crime et que cela permette de confondre le coupable. Jeanne Mury, par exemple, femme de Jean Etienne Tehel, fut tuée par ce dernier à leur domicile. Elle était rentrée de chez l’aubergiste accompagnée de 40 Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 116, acte du magistrat de sûreté (sans date). Ibidem, 2 U 51, acte d’accusation du 24 germinal an XII. 42 Ibidem, 7 U 79, interrogatoire du 2 août 1808. 41 18 la femme de ce dernier et « (…) tout au plus un demi quart d’heure après (l’aubergiste et d’autres personnes) entendirent la femme Tehel crier par trois fois hola, hola, hola (…) »43. Les auteurs des crimes peuvent être vus peu de temps après le crime, la nuit, dans un lieu inhabituel comme Jacques Peignard qui fut rencontré à quatre heures et demie du matin sur un chemin. Etonnée, la personne lui demanda ce qu’il faisait là, « (…) il repondit qu’il venait de chez sa mere (…) » ce qui s’avéra faux par la suite44. Il apparaît donc que les lieux de commission des crimes sont très différents et que le moment importe peu. Section 2 Les moyens utilisés Les moyens utilisés pour tuer ou tenter de tuer la victime, sont les mêmes qu’il s’agisse des parricides ou des uxoricides. Ils sont commis soit par noyade, soit par l’intermédiaire d’armes, soit, enfin, par empoisonnement. I. Les moyens communément employés pour donner la mort Dans les affaires de parricides et d’uxoricides soumises au tribunal criminel d’Ille-etVilaine, hormis les quatre cas d’empoisonnement, huit ont été commis par l’intermédiaire d’une arme et deux par noyade. Quant aux neuf derniers crimes, des coups ont été portés, le moyen utilisé n’étant pas expressément donné. Seules des suppositions peuvent être faites à partir des actes de la procédure. Ainsi, dans l’affaire concernant Pierre Billet, l’officier de santé émet une hypothèse dans le procès verbal d’ouverture du cadavre en date du 27 brumaire an VIII : « (…) il est probable que Jeanne Hubert femme Billet est morte forcement, et non de cause naturelle, et les causes qui ont pû l’occasionner, soit chûtes, ou coups violents (…) »45. 43 Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 146, audition de témoins du 18 janvier 1808. Ibidem, 2 U 135, acte d’accusation du 24 germinal an XII. 45 Ibidem, 2 U 41, procès-verbal d’ouverture du cadavre du 27 brumaire an VIII. 44 19 A. La mort par noyade Trois femmes ont été retrouvées gisantes dans l’eau. L’autopsie permet de révéler si la victime est effectivement décédée par noyade. Marie Liesse, épouse de François Gaslain a été retrouvée morte dans l’eau près d’un lavoir après une dispute avec son mari, la conclusion du procès verbal du docteur « (…) fut que les contusions et exoriations trouvées sur la cadavre n’avoient point produit la mort, mais qu’elle étoit l’effet de l’asphyxie par submersion (…) »46 et permit ainsi de déterminer les causes de la mort. Jeanne Coudray, épouse de Jacques Peignard, a été également victime de coups puis noyée dans une rivière47. Au contraire, il peut résulter de cet examen que la victime était déjà morte au moment où son corps a été jeté dans l’eau comme ce fut le cas pour le corps de Anne Gislais, femme de Louis Deniel48. B. L’utilisation d’armes Les armes utilisées sont parfois des objets de la vie quotidienne. Il peut s’agir d’un couteau comme pour l’uxoricide commis par Jeanne Delanoe49 ou encore pour celui de la femme de Vincent Valotaire. Après l’avoir frappée sur la tête, ce dernier « (…) tira un couteau de sa poche, l’ouvrit […], le plongea dans le coté gauche près la hanche de la ditte Le Moine qui a ce coup tomba immobile (…) »50. Le bâton est également utilisé comme arme. Julien Delions fils, par exemple, « (…) coupa un morceau de bois dont tout annonce qu’il frapa Jullien Delion pere à la tête (…) », coup qui « (…) a occasionné la mort subite et violente de Jullien Delion pere (…) »51. Des coups de fourche ou de bêche peuvent également être la cause du décès, ce qui n’est pas surprenant puisque les familles examinées sont rurales. C’est ainsi que Mathurine Hubert se battant avec son mari « s’approcha de la porte de l’étable, une bêche à la main, dont elle porta un coup sur la tête de Julien Hamon »52. 46 Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 7 U 79, acte d’accusation du 24 septembre 1808. Ibidem, 2 U 135, acte d’accusation du 30 germinal an XII. 48 Ibidem, 2 U 59, acte d’accusation du 30 frimaire an IX. 49 Ibidem, 2 U 160, acte d’accusation du 9 février 1810. 50 Ibidem, 2 U 61, acte d’accusation du 8 fructidor an VIII. 51 Ibidem, L 2814, acte d’accusation du 16 juillet 1792. 52 Ibidem, L 2948, acte d’accusation du 17 brumaire an III. 47 20 Enfin, l’auteur du crime peut avoir prévu une arme spécifique voire même se servir d’une tierce personne, pour le commettre. C’est le cas de Madeleine Davory qui a fourni un pistolet à Pierre Odye afin que celui-ci tue son mari53. L’empoisonnement, quant à lui, ne laisse pas de trace visible et en conséquence, des recherches approfondies doivent être effectuées. II. Le cas particulier de l’empoisonnement Seuls quatre uxoricides ont été commis par poison. Deux hommes et deux femmes ont utilisé ce moyen et l’idée répandue selon laquelle le poison est une arme féminine54 ne se vérifie pas ici. L’empoisonnement est difficile à prouver, en effet, rien ne permet de dire qu’une personne est morte empoisonnée au seul regard du cadavre. Plusieurs techniques permettent de le savoir. A. Les moyens de se procurer du poison L’édit de juillet 1682 relatif à l’empoisonnement, établi suite à l’ « Affaire des Poisons » par Louis XIV, réglemente le trafic des substances vénéneuses55. Selon l’article 7 de cet édit, seuls les marchands demeurant dans les villes peuvent vendre notamment de l’arsenic (seul poison employé dans les affaires étudiées ici) aux seuls médecins, apothicaires, chirurgiens, orfèvres, teinturiers, maréchaux et autres personnes publiques qui, par leur profession, sont obligés d’en employer. La vente est ensuite inscrite dans un registre. Les personnes inconnues aux marchands doivent apporter des certificats contenant leurs noms, demeures et professions, signés des juges des lieux, ou d’un notaire, ou de deux témoins, ou du curé et de deux principaux habitants56. Cet édit restera en vigueur jusqu’à une ordonnance du 29 octobre 1846. Le seul poison employé pour commettre les uxoricides étudiés, comme vu précédemment, est l’arsenic « (…) ou ce qu’on connait dans la campagne sous le nom de mort 53 Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 82, acte d’accusation du 29 ventôse an X. M-Y. CREPIN, Violences conjugales en Bretagne : la répression de l’uxoricide au XVIIIème siècle, op. cit. 55 J-M. CARBASSE, Histoire du droit pénal et de la justice criminelle, op. cit., pages 322 et 323. 56 ISAMBERT, Recueil général des anciennes lois françaises, Paris, 1829, tome XIX, page 399. 54 21 aux rats (…) »57. L’arsenic ne se procure pas facilement. Ainsi, Jean Dragon devant en trouver pour Rose Garçon, alla une première fois chez un chirurgien et lui « (…) demanda de l’arsenic pour faire mourrir des rats (…) ». Ce dernier lui répondit ne pas le connaître et « (…) que d’ailleurs le connaitrait-il il ne lui en donnerait qu’en vertu d’un certificat de son maire constatant sa moralité (…) »58. Thomasse Guedé essayant également de se procurer de l’arsenic pour Rose Garçon, alla chez un apothicaire, ce dernier lui dit « (…) qu’il lui en donnerait point que dans le cas ou le maire de sa commune ou l’adjoint vint avec elle ou avec son mari (…) ». Par la suite Thomasse Guedé « (…) étant venue avec le sieur Rozé adjoint du maire de Meillac (…) » pour la cautionner, ce dernier dit à l’apothicaire, « (…) je connais cette femme pour être honnête vous pouvez lui donner de la mort aux rats (…) », ce qu’il fit59. B. La découverte du poison Le poison peut être retrouvé dans la maison familiale. Ainsi le magistrat de sûreté visitant le domicile de François Moulin, trouva une tabatière et « (…) vit et fit voir dans l’intérieur de cette tabatière, […], des matières blanches qui y etaient empreintes (…) »60. Une fois des traces suspectes retrouvées, des tests chimiques sont effectués par des pharmaciens. Dans cet exemple, après avoir ouvert la tabatière, les pharmaciens « (…) en retirèrent une petite demie pincée d’une substance sous forme pâteuse dessechée d’une couleur blanc-sâte, qui jettée à deux fois sur les charbons ardens, produisit une fumée floconneuse, blanchâtre et donnant une odeur aillacée et suffocante (…) »61, cette odeur caractérisant l’arsenic62. Pour vérifier également si la substance utilisée est bien de l’arsenic, les chirurgiens, dans l’affaire Moulin, font avaler à de petits oiseaux un échantillon du repas de la victime prélevé dans son estomac. L’expérience est concluante car « (…) l’un perit une demie heure après et l’autre ne survecut que de deux à trois minutes (…) » ce qui leur permit « (…) de 57 Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 134, interrogatoire du 28 juillet 1806. Ibidem, 2 U 134, audience de cinq témoins du 23 juillet 1804. 59 Idem. 60 Ibidem, 2 U 161, acte d’accusation du 23 juin 1810. 61 Idem. 62 Ibidem, L 3029, acte d’accusation du 8 brumaire an VI. 58 22 conclure que la mort de Jeanne-Marie Dein avait eté occasionnée par la substance arsenicale contenüe dans l’estomac de la dite Jeanne-Marie Dein (…) »63. Ces diverses expériences sont accompagnées de l’autopsie du cadavre étudiée dans le premier chapitre de la prochaine partie consacré à l’instruction. Quelques signes permettent de soupçonner l’empoisonnement avant le décès de la victime. Georges Bouvier, époux de Marie David, eut des « (…) maux de cœur et d’estomac (…) » et « (…) avait grand soif (…) »64. Quant à Jean Clanchin, mari de Rose Garçon, il « (…) eut une espece d’indigestion suivie de grands maux de cœur et vomissement (…) »65. Il se peut également que l’on retrouve des « (…) grumeaux blancs (…) »66 mélangés à la boisson ou aux aliments que la victime a avalés. Enfin, le suspect peut avouer avoir empoisonné. Rose Garçon qui, dans une de ses déclarations, reconnaît avoir mis de l’arsenic dans l’écuelle de soupe de son mari67. Afin d’étudier dans leur ensemble les circonstances du crime, il convient de comprendre pour quelles raisons ces homicides ont été commis ou tentés. Section 3 Les mobiles du crime Les acteurs de crimes d’uxoricides et de parricides, bien que les liens les unissant différent dans les deux cas, ont des mobiles communs mais ceux-ci sont plus diversifiés dans le cas d’uxoricides. I. Les mobiles du parricide Il est difficile de connaître les véritables intentions du parricide notamment par le manque de pièces dans les archives. 63 Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 161, acte d’accusation du 23 juin 1810. Ibidem, L 3029, acte d’accusation du 8 brumaire an VI. 65 Ibidem, 2 U 134, audience de cinq témoins du 23 juillet 1804. 66 Ibidem, 2 U 74, acte d’accusation du 15 brumaire an X. 67 Ibidem, 2 U 134, déclaration du 23 juillet 1804. 64 23 L’animosité est une des raisons pour lesquelles ce crime est commis. Ainsi Etienne Behours dit que « (…) son père était un vieux bougre et un vieux jeanfoutre, qu’il fallait qu’il meure (…) »68. La mésentente entre le père et le fils en est une autre. Jean Villeneuve père, le jour où il fut battu par son fils, était allé à Bécherel pour faire émanciper son fils qui avait voulu le tuer deux ou trois fois 69. Il en est de même de Julien Delions, le soir du crime, qui « (…) avoit ete continuellement en fureur dans la maison de son pere (…) »70. L’argent est une dernière cause de parricide, ainsi Jean Villeneuve, le jour où il frappa son père l’avait « (…) vivement pressé de luy donner un assignat, en protestant, sur le reffus que son père luys en faisoit, qu’il en auroit et que s’il n’en ôbtenoit pas, il y auroit du poil tiré et du sang rependu (…) »71. II. Les mobiles de l’uxoricide Le mobile qui apparaît le plus souvent est celui de la mésentente entre époux. Dans ce cas, elle est généralement de notoriété publique et les membres de la famille ou les voisins peuvent en témoigner. Ainsi, un voisin de Jacques Peignard et de son épouse, « (…) a entendu dire que Peignard maltraitait souvent son epouse (…) »72. La mésentente entre les époux peut être renforcée par une liaison adultérine entretenue par un des deux époux. Ce mobile apparaît dans six affaires. François Moulin avait « (…) des liaisons avec des femmes mal notées (…) »73 et Rose Garçon dira dans un de ses interrogatoires que cela faisait quelques temps que Jean Dragon cherchait à la débaucher74. Il apparaît dans deux de ces cas que la maîtresse du mari adultère était enceinte. Pierre Billet rencontrant une personne qu’il connaissait lui fit part « (…) de l’embarras ou il se trouvoit au rapport a la grossesse de deux filles qui etoient enceintes de son fait que sa femme l’etoit aussi et qu’il craignoit beaucoup que sa femme ne fut instruitte de sa conduite sur quoy l’autre lui dut lui donner le conseil de tuer sa femme (…) »75. Julien Legendre, quant à lui, « (…) entretenait un commerce illicite avec une particuliere […], laquelle particuliere eut de 68 Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 51, acte d’accusation du 2 thermidor an VIII. Ibidem, L 2886, auditions de témoins du 30 avril 1792. 70 Ibidem, L 2814 et L3074, interrogatoire du 13 frimaire an VII. 71 Ibidem, L 2886, acte d’accusation du 17 avril 1792. 72 Ibidem, 2 U 135, information de trois témoins du 25 messidor an IX. 73 Ibidem, 2 U 161, acte d’accusation du 23 juin 1810. 74 Ibidem, 2 U 134, déclaration du 24 juin 1806. 75 Ibidem, 2 U 41, audition de témoins du 29 pluviôse an VIII. 69 24 lui l’hiver de l’an quatre un enfant qui vint mort au monde (…) »76, liaison qui eut pour conséquence la demande en divorce de Jeanne Legrée. La loi du 20 septembre 1792 légalisant le divorce, l’uxoricide ne fut plus le seul moyen de se séparer de son conjoint. Ainsi, deux femmes ont demandé le divorce et une a quitté le domicile familial et ce, pour se soustraire aux violences de leur mari. Louis Deniel expliqua au directeur du jury « (…) qu’un jour de dimanche, […], Anne Gislais, son épouse était allée chez lui, qu’étant yvre et aigri contre elle, parce que, depuis un an, elle faisait des demarches pour divorcer, fâché, d’ailleurs, qu’elle eût abandonné son ménage, il lui donna un coup (…) »77 et pour faire venir sa femme chez lui, il lui dit : « (…) tu es couchée sur la litierre viens à la maison (…) », elle lui fit quelques caresses et le suivit78. La femme de Jean Moulin demanda également le divorce « (…) contre son mary avec lequel elle pretendoit ne pouvoir plus vivre a raison des mauvais traitemens qu’elle en essuioit journellement (…) »79. Enfin, l’épouse de Vincent Valotaire quitta le foyer familial car « (…) depuis longtems le dit Vallotaire menaçait la dite Jeanne Le Moine sa femme de la tuer ce qui l’avoit obligée de se retirer chez une sœur (…) »80. Dans chacune de ces affaires, le divorce est donc devenu un nouveau mobile d’uxoricide… Dans d’autres cas, l’ivresse d’un des époux ou des deux entraîne les coups. Par exemple, Jeanne Delanoe dit que son mari « (…) s’enfonça dans le ventre le couteau qu’elle tenait ouvert dans sa main, sans qu’elle s’en apperçut d’autant qu’elle était ivre (…) »81. Pour conclure, la durée du mariage ne joue aucun rôle pour la commission de ces crimes. En effet, seule les durées de sept mariages au moment de la commission des uxoricides sont connues et il apparaît qu’ils sont commis aussi bien après deux mois qu’après quinze ans de mariage. Lorsque le crime est découvert, il est souvent dénoncé par une personne ou l’officier de police judiciaire peut se saisir lui-même. Ce dernier alors commence une instruction 76 Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 37, acte d’accusation du 23 ventôse an VII. Ibidem, 2 U 59, acte d’accusation du 22 frimaire an IX . 78 Ibidem, 2 U59, audition de quatre témoins du 25 prairial an VIII. 79 Ibidem, 2 U 74, audition de témoins du 19 messidor an IX. 80 Ibidem, 2 U 61, interrogatoire du 25 nivôse an IX. 77 25 sommaire sur le crime commis afin de permettre, éventuellement, la condamnation du coupable. 81 Ibidem, 2 U 160, acte d’accusation du 9 février 1810. 26 Partie II La mise en accusation L’instruction est menée par l’officier de police judiciaire, il recherche des preuves sur les lieux du crime après la découverte du corps. Lorsque suffisamment d’éléments sont réunis pour mettre en cause le fils de la victime en cas de parricide ou l’époux en cas d’uxoricide, l’officier délivre à leur encontre un mandat d’amener. Une audition faisant suite à ce mandat, s’il l’estime toujours coupable, il dresse un mandat d’arrêt à son encontre et un jury devra se prononcer sur l’accusation. Chapitre 1 L’instruction : la preuve du crime et la recherche du coupable Le crime est connu par la découverte du corps et la tentative par la victime ou par des tierces personnes. Le décret des 16-29 septembre 1791 concernant la police de sûreté, la justice criminelle et l’établissement des jurés 82 prévoit que ces personnes doivent le déclarer à l’officier de police judiciaire qui va rechercher les preuves et le coupable. Une fois, le suspect trouvé, un mandat d’arrêt est dressé contre lui. Section 1 La découverte du crime La dénonciation d’un crime est considérée comme un droit, et même un devoir par les révolutionnaires. Pour l’Assemblée constituante, « la liberté ne pouvant substituer que par l’observation des lois qui protègent tous les membres de la société contre les entreprises, d’un homme puissant ou audacieux, rien ne caractérise mieux un peuple libre que cette haine vigoureuse du crime, qui fait de chaque citoyen un adversaire direct de tout infracteur des lois sociales »83. La dénonciation est particulièrement considérée comme sacrée lorsque le « délit a privé la société de la vie d’un citoyen »84. 82 J-B. DUVERGIER, op. cit., 1824, Tome III, pages 331 à 348. Décret du 29 septembre-21 octobre 1791 en forme d’instruction pour la procédure criminelle in J-B. DUVERGIER, op. cit., 1824, Tome III, pages 478 à 515. 84 Décret du 29 septembre-21 octobre 1791, op. cit. 83 27 I. La découverte du corps Comme vu précédemment en étudiant le lieu du crime, les corps sont retrouvés sur les lieux du drame ou aux environs lorsque l’auteur a voulu cacher le corps pour échapper à d’éventuelles poursuites. Les corps sont parfois découverts par des membres de la famille de la victime comme Julien Delions père qui fut retrouvé par sa femme au petit matin85. Des voisins peuvent également trouver le corps, ainsi Anne Lefebvre « (…) fut trouvée sans connoissances et couverte de sang par des enfant (ses voisins) qui, effrayés, coururent en prévenir leurs parents et Julien Jumel mary de la dite Anne Lefebvre (…) »86. Il se peut également que des tierces personnes, ne connaissant pas la victime la retrouvent. Jeanne Coudray « (…) fut trouvée noyée à la pointe de l’isle de Blossac en la commune de Bruz (…) » par des bateliers87. Lorsque le crime a été dénoncé et que le corps a disparu, l’officier de police judiciaire peut le retrouver lors de la descente sur les lieux du crime. Après plusieurs recherches restées vaines, « (…) le citoyen Martin juge de paix et officier de police judiciaire du canton de Plechatel se transporta audit lieu de La Robinais (lieu du crime) et parvint, à forces de recherches, à trouver dans un puits près la ferme de Melac le cadavre d’une femme, qui fût réconnu pour être celui de la dite Anne Gislais (…) »88. L’individu qui a découvert le corps doit en informer un officier de police judiciaire. II. La forme de la dénonciation Dans sa partie consacrée à la police de sûreté, et plus particulièrement, dans son titre III consacré aux fonctions générales de l’officier de police, le décret du 16-29 septembre 179189 traite de la dénonciation d’un crime. 85 Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, L 3074, procès-verbal du délit et de déclaration de témoins du 7 juillet 1792. 86 Ibidem, 2 U 38, ordonnance de prise de corps du 8 nivôse an VI. 87 Ibidem, 2 U 135, acte d’accusation du 24 germinal an XII. 88 Ibidem, 2 U 59, acte d’accusation du 23 frimaire an IX. 89 Décret du 16-29 septembre 1791, op.cit. 28 Selon l’article 1 de ce titre, « tous ceux qui auront connaissance d’un meurtre, ou d’une mort dont la cause est inconnue ou suspecte, seront tenus d’en donner avis sur-le-champ à l’officier de police de sûreté du lieu, ou, à son défaut, au plus voisin, lequel se rendra incontinent sur les lieux ». La dénonciation du crime est donc faite devant un officier de police judiciaire. Il convient de signaler, à cet effet que, outre les capitaines et lieutenants de gendarmerie, le juge de paix est considéré comme un officier de police judiciaire par le décret du 16-29 septembre 1791. Cependant avec l’évolution des régimes entre la Révolution, moment de la création du tribunal criminel et la mise en place de la Cour d’assises sous l’Empire, de nouveaux acteurs vont apparaître au niveau de l’instruction. A. Les personnes menant l’instruction Au fil du temps, notamment dès l’accession au pouvoir de Napoléon Bonaparte, certains acteurs du procès criminel vont voir leurs compétences évoluées et le juge de paix, seul maître de l’instruction en 1791, va partager ses compétences. 1. Le juge de paix Trois des quatre parricides et huit des dix neuf uxoricides ont été instruits par le juge de paix. Ce dernier, compétent au niveau cantonal, possède la police de sûreté. Le décret du 16-29 septembre 1791 ne consacre pas de titre particulier au rôle du juge de paix contrairement au Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV90 dans ses titres IV et V. Le titre IV intitulé « Des juges de paix » précise dans ses articles 48 à 55 que le juge de paix est tenu de dresser les premiers actes de l’instruction. Il est chargé de recevoir les dénonciations ou plaintes relatives à tous les délits qui sont de nature à être punis notamment d’une peine afflictive ou infamante. Il doit également constater par des procès verbaux les traces des délits, recueillir les indices et les preuves existant contre le prévenu et enfin, le faire traduire devant le directeur du jury. L’instruction qu’il mène est sommaire91. Le juge de paix peut agir d’office en cas de flagrant délit ou de mort suspecte comme dans le cas de l’uxoricide commis par Mathurine Hubert. Le juge de paix et son greffier 90 J-B. DUVERGIER, op. cit., 1825, Tome VIII, pages 469 à 533. N. CASTAN Les alarmes du pénal : du sujet gibier de justice à l’Etat en proie à ses citoyens (17881792) , Une autre justice 1789-1799, études publiées sous la direction de R. BADINTER, Saint-ArmandMontrond, Fayard, collection Histoire de la justice, 1989, pages 29 à 38. 91 29 s’étant rendus au bourg commune de Talensac pour une affaire de conciliation, y virent une bierre où reposait le corps de Julien Hamon et « (…) ayant apercu du sang repandu sur la planche ou reposoit sa tete (…) », le juge de paix fit retarder l’inhumation92. Au début du XIXème siècle, le juge de paix perd sa fonction de magistrat de sûreté qui sera désormais exercée par une autre personne. Un parricide et cinq uxoricides ont été instruits par ce magistrat de sûreté. 2. Le directeur du jury Deux uxoricides ont été instruits par le directeur du jury. Le Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV consacre dans son livre premier intitulé « De la police » un titre VI aux « directeurs du jury d’accusation, capitaines et lieutenans de la gendarmerie nationale ». Selon les articles 140 à 149 de ce titre, le directeur du jury peut poursuivre immédiatement comme officier de police judiciaire les dénonciations faites par l’accusateur public. Il le fait soit d’office, soit d’après les ordonnances du directoire exécutif notamment lorsqu’il existe des attentats contre la liberté et la sûreté individuelle des citoyens. Par exemple, dans l’affaire de l’uxoricide commis par Marie David, dans une lettre à l’accusateur public compétent auprès du tribunal criminel d’Ille-et-Vilaine, l’agent municipal de la commune de la Mézières expliqua qu’il avait appris par la voix publique la découverte d’un cadavre. Dès le lendemain, l’accusateur public transmit ce courrier au directeur du jury afin que ce dernier mène l’instruction93. Il lui écrivit notamment : « (…) Vous savez qu’aux termes des articles 50 141 et 145 du code des délits et des peines, c’est a vous d’instruire ces sortes de délits immédiatement ou en commettant soit un autre juge […] soit un officier de gendarmerie. Je m’en rapporte a votre prudence sur le parti à prendre a cet égard (…) »94. 92 Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, L 2948, procès-verbal du juge de paix du 12 brumaire an III. Ibidem, L 3029, lettres des 23 et 24 vendémiaire an VI. 94 Ibidem, L 3029, lettre du 24 vendémiaire an VI. 93 30 3. Les substituts du commissaire du Gouvernement Quatre uxoricides ont été instruits par un substitut du commissaire du gouvernement qui prendra le nom, à partir de la Constitution de l’an XII, de substitut de procureur général impérial95. Dès la Constitution de l’an VIII et plus précisément de la loi du 7 pluviôse an IX96, le commissaire du gouvernement a des substituts dans chacun des arrondissements communaux du département . Ils ont l’exercice des actions publiques et le droit de poursuite pour les crimes et les délits. Les juges de paix et autres officiers de police judiciaire deviennent leurs auxiliaires97. Ces derniers doivent lui dénoncer les crimes et délits, dresser les procès verbaux et faire saisir les prévenus en cas de flagrant délit ou sur la clameur publique98. L’envoi des plaintes, des dénonciations, des procès-verbaux et des déclarations au substitut du commissaire du gouvernement doit se faire sans délai99. Ainsi, concernant l’uxoricide commis par Jacques Peignard, après découverte d’un cadavre et dénonciation du frère de Jeanne Coudray, le substitut du commissaire du gouvernement s’est rendu avec Jacques Peignard au greffe du directeur du jury de l’arrondissement de Rennes afin qu’il reconnaisse les vêtements de sa femme100. Enfin, le substitut du commissaire du gouvernement peut décerner des mandats de dépôts et est tenu de saisir dans les vingt-quatre heures le directeur du jury. L’instruction tend à redevenir écrite et secrète, l’inculpé n’ayant aucune connaissance des charges retenues contre lui jusqu’à la fin de l’interrogatoire. B. La dénonciation du crime Trois des quatre parricides ainsi que neuf des dix-neuf uxoricides ont été connus par la clameur publique, trois autres par des déclarations de maires, deux par des officiers de police et un par une tierce personne101. 95 Article 136 de la Constitution de l’an XII in Les Constitutions de la France depuis 1789, op. cit., page 206. J-B. DUVERGIER, op. cit., 1826, XII, page 380. 97 A. EISMEN, Précis élémentaire de l’histoire du droit français de 1789 à 1814. Révolution, Consulat et Empire, Paris, Sirey, 1ère édition, 1908, page 289. 98 Article 4 de la loi du 7 pluviôse an IX, op.cit. 99 Article 5 de la loi du 7 pluviôse an IX, op.cit. 100 Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2U135, acte du substitut du commissaire du gouvernement du 7 messidor an IX. 101 Concernant le parricide restant et les autres uxoricides, aucun document ne fournit d’informations sur leur dénonciation. 96 31 Dans ce dernier cas, il s’agit de dénonciation civique. Ainsi, selon l’article 1er du titre VI de la première partie du décret des 16-29 septembre 1791, « tout homme qui aura été témoin d’un attentat, soit contre la liberté et la vie d’un autre homme, soit contre la sûreté publique et individuelle, sera tenu d’en donner aussitôt avis à l’officier de police du lieu du délit ». Il apparaît le plus souvent qu’un crime est connu par la rumeur publique comme par exemple, pour l’uxoricide commis par Pierre Tardif. Il est écrit dans un acte du juge de paix que « (…) le juge de paix et officier de police […] étant instruit par la rumeur publique, qu’Anne Perrin femme de Pierre Tardif, […] avait été inhumée le jour d’hier (…)»102. Le titre IV de la première partie du décret des 16-29 septembre 1791 traitant du flagrant délit énonce dans son article 1 que « lorsqu’un officier de police apprendra qu’il se commet un délit dans un lieu, ou que la tranquillité publique y aura été violemment troublée, il sera tenu de s’y transporter aussitôt, d’y dresser du procès-verbal détaillé du corps du délit, quel qu’il soit, et de toutes ces circonstances , enfin de tout ce qui peut servir à conviction ou à décharge ». Concernant le parricide commis en la personne de Pierre Behours, le juge de paix a été « (…) instruit par la rumeur publique que Pierre Behourd, pere, etoit décédé au village de la Touche et inhumé […] que les causes de sa mort derivoient des coups et maltraitements qu’il avoit reçu et essayé de la part d’Etienne Behourd, son jeune fils (…) »103. Le Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV traite de la dénonciation officielle dans ses articles 83 à 86. Dans ce dernier cas, lorsqu’un fonctionnaire ou un officier public a connaissance ou reçoit une dénonciation concernant un crime dans l’exercice de ses fonctions, il est tenu d’en donner avis sur-le-champ au juge de paix de l’arrondissement où le crime a été commis ou dans lequel le prévenu réside. Il doit également lui transmettre tous les renseignements, procès-verbaux et actes relatifs à l’affaire104. C’est par une déclaration rédigée « (…) par le citoyen Pierre Jumel maire de la commune de Saint Malo de Fily (…) » que le juge de paix a été informé de l’uxoricide commis par Louis Deniel105. 102 Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 133, acte du 4 août 1806. Ibidem, 2 U 51, procès-verbal de visite du 17 messidor an VIII. 104 Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV, article 83 et suivants, op. cit. 103 32 Section 2 La recherche de la preuve Le crime dénoncé, le juge de paix (puis, au fil du temps, les autres intervenants possibles) descend sur les lieux du crime et recherche les preuves permettant de connaître les circonstances exactes du décès et de trouver le coupable. Il se rend donc sur les lieux du crime et fait procéder à l’autopsie du corps, à l’audition de témoins et à la recherche de preuves sur le lieu du crime. I. La descente sur les lieux du crime Le décret des 29 septembre-21 octobre 1791 en forme d’instruction pour la procédure criminelle précise « (…) qu’il appartient à l’officier de police, dès qu’il est averti d’un délit, de se transporter sur les lieux, et de se faire accompagner des personnes qui sont désignées par leur art comme les plus capables à en apprécier la nature et les circonstances ; et, après avoir visité avec elles toutes les traces qu’il pourra découvrir, de les constater, ainsi que les observations des gens de l’art, dans un procès-verbal ». Ce décret précise également que « (…) cette précaution est particulièrement recommandée dans tous les cas où il existe une mort d’homme qui pourra donner lieu à quelques soupçons du crime ». A. L’autopsie Selon l’article 2 du titre III de la première partie du décret des 16-29 septembre 1791 concernant la police de sûreté, la justice criminelle et l’établissement des jurés, « (…) l’inhumation ne pourra être faite qu’après que l’officier de police se sera rendu sur les lieux, accompagné d’un chirurgien ou homme de l’art, et aura dressé un procès-verbal détaillé du cadavre et de toutes les circonstances, en présence de deux citoyens actifs, lesquels, ainsi que le chirurgien ou homme de l’art, signeront l’acte avec lui ». Le Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV modifie quelque peu cela. L’article 103 précise que le juge de paix doit se faire assister par un ou deux officiers de santé. 105 Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 59, acte du 25 prairial an VIII. 33 1. La procédure de l’autopsie Un ordre est respecté dans cette procédure. Le juge de paix (ou autre par la suite106) accompagné des deux citoyens actifs c’est-à-dire deux notables du lieu107 et de l’officier de santé observe dans un premier temps, l’endroit où se trouve le cadavre lorsqu’il le voit pour la première fois et ce, même lorsque le corps est déjà enseveli comme ce fut le cas concernant le cadavre de Jean Villeneuve tué par son fils. Dans le procès-verbal d’ouverture du cadavre et d’information sommaire du 29 mars 1792, le juge de paix écrit « (…) avons vû dans l’appartement un drap mortuaire, qui nous a paru couvrir une biere portée sur deux chaises et une croix et un gros cierge à côté, signes de l’ensevelissement d’un mort (…) »108. Il se peut cependant que le cadavre soit déjà enterré et que son exhumation soit ordonnée afin de pouvoir l’examiner et ainsi comprendre les causes de sa mort. Par exemple, le corps de Julien Delions père était déjà inhumé lorsque le juge de paix arriva sur les lieux. Ce dernier fit mander celui qui l’avait enterré et lui demanda s’il s’agissait bien de Julien Delions père, ce qui fut confirmer. Le juge de paix enjoignit à ce dernier de l’amener avec l’officier de santé et les deux citoyens actifs, à la fosse. Il lui demanda de l’ouvrir, le corps fut sorti et le juge de paix requit le chirurgien de le visiter109. Dans ce cas, il arrive que l’état de putréfaction soit avancé, comme ce fut le cas dans cette affaire, mais cet état peut être tellement avancé que la visite du cadavre devient impossible comme cela s’est passé concernant le cadavre de Jeanne Mury femme de Jean-Etienne Tehel retrouvé deux mois après sa disparition dans une rivière. Le magistrat de sûreté de l’arrondissement de Saint Malo dans une lettre au directeur du jury du même arrondissement lui écrivit : « (…) l’état de putrefaction dans lequel se trouvait ce cadavre n’a pas permis de faire aucune vérification, ni de reconnaitre des signes de violence mais comme cette mort donne de l’intensité aux préventions élevées contre Tehel comme les soupçons (…) »110. De plus, l’officier de santé, lors de la visite du cadavre, dit qu’il était urgent pour la salubrité de faire immédiatement l’inhumation du cadavre sous peine de voir les membres se séparer du tronc111. 106 Cf. la première section de ce chapitre relative à la découverte du crime. Les deux citoyens actifs signeront au procès-verbal, sans être assujetti à aucune obligation. Cf. décret des 29 septembre-21 octobre 1791, op. cit. 108 Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, L 2886, procès-verbal d’ouverture du cadavre et d’information sommaire du 29 mars 1792. 109 Ibidem, L 3074, procès-verbal du délit et de la déclaration de témoins du 7 juillet 1792. 110 Ibidem, 2 U 146, lettre du 7 mars 1808. 111 Ibidem, 2 U 146, procès-verbal de lies du cadavre 12 février 1808. 107 34 L’identité de la personne décédée est donnée par des membres de sa famille, des voisins. Le cadavre de Anne Gislais « (…) a été reconnû par Louis Deniel pour estre cellui de sa femme, par Jean Gislais de Launay […] pour estre cellui de sa sœur, par Marie Guinchard […], par Jacques Hurel (…) » notamment et par le juge de paix du canton « (…) pour être le cadavre d’Anne Gislais femme dudit Louis Deniel (…) »112. Une description physique du cadavre est ensuite faite, le sexe, la taille, la couleur des cheveux et la forme du visage y sont notamment précisés. Julien Delions père, par exemple, est décrit dans le procès-verbal du délit et de déclarations de témoins du 7 juillet 1792 ainsi par le juge de paix : « (…) nous avons remarqué un cadavre de sexe masculin, de la taille d’environ cinq pieds deux pouces, cheveux gris, visage ovale, aiant un bonet de laine brune sur la tête (…) »113. L’officier de santé est requis de procéder à la visite du cadavre. Pour ce faire, il doit prêter serment de « (…) procéder en son ame et conscience à la visite tant externe qu’interne du dit cadavre et declarer verité (…) »114. Il peut alors commencer l’autopsie. La visite externe du cadavre est d’abord faite. L’officier de santé examine le corps afin de voir s’il existe des traces visibles de violences sur le corps. Il arrive qu’elles soient plus que visibles comme dans le cas d’une décapitation. Concernant l’uxoricide commis par Jean Biennassis, par exemple, le juge de paix dans son procès verbal de lies du cadavre du 27 germinal an VIII écrit : « (…) à coté de ce cadavre avons trouvé une tête absolument mutilée de coups d’instruments tranchants, n’aiant plus de figure humaine, la cervelle en lambeau ainsi que le cervelet, et la boëte osseuse coupée en differents sens (…) »115. Les plaies sont minutieusement relatées dans le procès-verbal. L’officier de santé les décrit en précisant l’endroit où elles se trouvent, leurs tailles et même avec quels instruments de telles blessures peuvent être commises. Ainsi, dans l’affaire de l’uxoricide commis par Vincent Valotaire, l’officier de santé fait référence à « (…) une playe transversale située dans la partie moyenne externe du plis de l’heine gauche de la longueur de deux pouces et profonde de six a sept lignes faite avec un instrument tranchant qui a coupé en partie l’artère inguinal ce qui a donné lieu à une émoragie considerable et occasionné la mort de la dite Le Moine (…) »116. 112 Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 59, acte du 25 prairial an VIII. Ibidem, L 3074, procès-verbal du délit et de la déclaration de témoins du 7 juillet 1792. 114 Ibidem, 2 U 59, acte du 25 prairial an VIII. 115 Ibidem, 2 U 43, procès-verbal de lief de cadavres 27 germinal an VIII. 116 Ibidem, 2 U 61, extrait des actes de procédure par jurés de l’arrondissement de Vitré du 10 fructidor an VIII. 113 35 La visite interne permet également de comprendre les causes de la mort notamment quand la visite externe s’est avérée insuffisante ou pour vérifier que le décès n’est pas dû à autre chose que des coups. Ainsi lorsqu’un cadavre est retrouvé dans l’eau et qu’il présente des traces de violences, il s’agit de savoir si la mort est survenue à la suite des coups ou suite à la noyade. Ces questions ont été soulevées par deux fois dans les affaires d’uxoricides étudiées ici comme il a été vu dans le précédent chapitre dans sa deuxième section. Le premier cas concerne Anne Gislais retrouvée morte dans un puit. Le juge de paix dans ses conclusions sur l’autopsie écrit : « (…) ouverture faite de la poitrine, […] (l’officier de santé) a remarqué une adherence du poulmon gauche avec la plevre, un epanchement d’une eau sanguinolente d’environ un verre dans le coté droit de la poitrine, un epanchement d’environ un demi verre d’eau roussâtre dans le pericarde, et l’estomac dans l’état de vacuité et nous a donné pour assuré qu’elle est morte d’un coup porté à la tête et qu’elle a eté jettée dans le puits morte, le cadavre presentant aucun simptome qui caractérise ceux des noiés (…) »117. Le second concerne Marie Liesse. Après avoir remarqué diverses traces de coups, « (…) les vaisseaux du cerveau fûrent trouvés engorgés ; la bouche et le nez remplis d’une ecume blanchâtre qui augmentoit par la pression de la poitrine, les bronches etoient remplies de cette même ecume ; la conclusion du procès-verbal du docteur en médecine furent que les contusions et excoriations trouvées sur la cadavre n’avoient point produit la mort, mais qu’elle étoit l’effet de l’asphyxie par submersion (…) »118. L’autopsie pratiquée suite à un empoisonnement est quelque peu particulière119. En effet, aucun signe extérieur n’est visible, c’est la visite intérieure du cadavre qui permet de découvrir ce que contient l’estomac. Cependant pour savoir si la matière retrouvée dans l’estomac est bien du poison, des tests doivent être effectués à part. Ainsi, concernant l’uxoricide commis sur Jeanne Marie Dein, il est relaté dans l’ordonnance de prise de corps du 30 juin 1810 que les officiers de santé passant à l’ouverture de l’estomac, « (…) crûrent devoir l’enlever, après avoir trouvé une substance étrangère, pour qu’elle fut soumise à une analyse chimique rigoureuse (…) »120. Enfin, il est possible que les vêtements soient fouillés afin de trouver un indice voire une preuve. Ainsi, le juge de paix, dans l’affaire concernant le parricide de Jean Villeneuve, 117 Archives départementales d’Ille-et-Vilaine , 2 U 59, acte du 25 prairial an VIII. Ibidem, 7 U 79, acte d’accusation du 24 septembre 1808. 119 Cf. la deuxième section du chapitre précédent relatif à l’empoisonnement. 118 36 demanda à ce que les poches du décédé soient inspectées mais seules quelques pièces de monnaie et un portefeuille furent retrouvés121. 2. Les révélations apportées par l’autopsie L’autopsie est une étape très importante, en effet, elle permet de savoir quels instruments ont causé la mort et quelles sont les causes de la mort. Dans le procès-verbal relatant l’autopsie, après avoir examiné les plaies et autres traces du crime, l’officier de santé donne parfois des exemples précis de ce que pourrait être l’arme qui a tué la victime. Ainsi, le chirurgien remarquant des plaies et contusions sur le corps de Julien Hamon et les observant, déduit que « (…) ces playes et contusions ont dus etre faittes avec un instrument tranchant et contondant, comme bouque à hacher la terre, beche, hache etc (…) »122. Quant aux causes de la mort, elles sont déduites par l’officier de santé de toutes ses observations. Dans le cas de l’uxoricide commis par Mathurine Hubert, par exemple, le chirurgien conclut son rapport d’autopsie en disant que « (…) la mort a eté occasionnée par l’émoragie et la commation violente du cerveau en eteignant le principe vital (…) »123. L’autopsie peut permettre d’innocenter une personne. Ainsi, Etienne Behours était accusé d’avoir tué son père à force de violences qui auraient entraîner la mort de ce dernier quelques jours plus tard. L’examen du cadavre amènera les officiers de santé à conclure que « (…) le citoyen Pierre Behourd est mort des suites de la vraie pleuvesie (…) »124. Etienne Behours ne sera condamné que pour violences volontaires et non pour parricide. Enfin, les résultats des autopsies accompagnés des hypothèses émises par les officiers de santé permettent au juge de paix de faire des recollements avec les témoignages reçus le même jour. 120 Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 161, ordonnance de prise de corps du 30 juin 1810. Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, L 2886, procès-verbal d’ouverture du cadavre et d’information sommaire du 29 mars 1792. 122 Ibidem, L 2948, acte d’accusation du 17 brumaire an III. 123 Idem. 124 Ibidem, 2 U 51, procès-verbal de lies du cadavre et procès-verbal de visite du 17 messidor an VIII. 121 37 B. L’audition des témoins Selon l’article 3 du titre III de la première partie du décret des 16-29 septembre 1791, l’officier de police accompagné des deux citoyens actifs et de l’officier de santé, « entendra les parens, voisins ou domestiques du décédé, ou ceux qui se sont trouvés en sa compagnie avant son décès ; il recevra sur-le-champ leurs déclarations, et les interpellera de les signer, ou de déclarer qu’ils ne le savent faire »125. L’interrogatoire des témoins est porté sur un cahier séparé du procès-verbal de lief du cadavre et certaines conditions de formes sont à respecter avant toute déclaration du témoin. 1. Les conditions de forme Avant toute audition du témoin, le juge de paix (ou autre par la suite126) lui demande s’il est parent, allié, serviteur, domestique, créancier ou débiteur de la personne soupçonnée d’avoir commis le crime ou de la victime. La réponse à ces questions permet au juge de paix de voir les liens qui unissent le témoin et les acteurs du crime et l’intérêt que certains auraient à mentir. Le juge de paix lui demande ensuite de lever sa main et de promettre et jurer de « (…) dire la vérité, toute la vérité et rien que la vérité (…) »127. Enfin, il lui requiert de déclarer les faits et circonstances qui sont à sa connaissance au sujet du meurtre. Dans l’affaire concernant l’uxoricide commis par Vincent Valotaire sur sa femme, le juge de paix demande à un témoin de lui « (…) déclarer tout ce qui s’est passé […] entre lesdits Valoterre et femme et si elle sçait les motifs pourquoy le même Valoterre a assassiné sa femme (…) »128. 2. Les personnes interrogées L’article 3 du titre III de la première partie du décret des 16-29 septembre 1791 précise quels sont les témoins qui doivent être entendus, les parents de la victime en faisant partie. Le parricide ou l’époux qui a commis un uxoricide vont donc être entendus lorsqu’ils se trouveront sur les lieux. Jean Villeneuve fils, par exemple, dira à propos de son père qu’ « (…) il le rencontra à l’arrivée d’un village nommé la Pommardiere, qu’ils ne firent route ensemble que vis à vis des maisons qui sont au haut de la lande de la vieux ville, ou son pere 125 Le Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV précise dans son article 106 que les déclarations des témoins sont rédigées sommairement dans un cahier séparé. Ils doivent ensuite signer en bas de leurs déclarations mais s’ils ne peuvent le faire, il en est fait mention. 126 Op. cit. 127 Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 61, déclaration de cinq témoins du 12 prairial an VIII. 128 Idem. 38 lui dit d’aller devant, qu’il ne s’en viendroit pas avec lui ; qu’aiant marché devant, il arriva chez lui, environ quatre heures et demi de l’après-midi, que son père n’arrivant point, il sortit environ sept heures du soir, pour aller au devant de lui […] ; que ne l’ayant point trouvé, il s’en revint (…) »129. La déclaration du fils comme ici, ou de l’époux peut leur permettre de se créer un alibi. Pierre Billet, par exemple, dira que sa femme était tombée d’une échelle pour expliquer les traces de coups qu’elle avait sur le corps130. Les autres membres de la famille permettent de connaître le contexte familial. Jean Gislais frère de Anne Gislais homicidée par son mari, dépose devant le juge de paix que « (…) ledit Louis Deniel maltraitoit journellement Anne Gislais […] qu’il a dit qu’il la tueroit, qu’il soupconne d’après les menaces que le dit Deniel a effectivement tué Anne Gislais (…) »131. Ainsi, le juge de paix a connaissance des problèmes entre les époux et peut émettre l’hypothèse d’un uxoricide. L’audition des voisins peut également permettre de savoir quelle était l’entente entre les époux. François Noël, voisin de Pierre Tardif et de son épouse a « (…) déclaré que le 21 juillet dernier environ midi, il vit et entendit Anne Périn dans son jardin […] répandre des pleurs en criant à mon Dieu je suis une femme morte, et entendit de plus Tardif dans sa maison et faire le tapage (…) »132. Les soupçons se sont donc portés sur l’époux violent. Les personnes qui étaient en compagnie du décédé ou de l’auteur du crime, peu avant ou peu après l’homicide, sont également interrogées. Cela permet notamment de voir dans quel état d’esprit ces personnes se trouvaient. Dans le cas de la folie passagère, ce genre de témoignage aide à prouver que l’homicide n’a pas été commis volontairement. Dans le cas de Jean Bienassis accusé d’avoir tué sa femme et sa fille, la folie va être retenue, entre autre, grâce aux témoignages de personnes qui l’avaient vu ainsi que sa femme le jour et le lendemain de la commission de l’uxoricide. Ainsi, un témoin confirme l’état de maladie dans lequel Jean Bienassis se trouvait, il déclare qu’ « (…) aiant été appellé chez Jean Bienassis […] pour lui arreter le sang vû qu’il devoit estre tombé d’un arbre et s’estre blessé, il s’y transporta […] qu’il ÿ vit Jean Bienassis couché, qu’il étoit tombé d’un arbre […] qu’il 129 Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, L 2886, procès-verbal d’ouverture du cadavre et d’information sommaire du 29 mars 1792. 130 Ibidem, 2 U 41, déclaration de sept témoins du 18 nivôse an VIII. 131 Ibidem, 2 U 59, audition de témoins du 24 prairial an VIII. 132 Ibidem, 2 U 133, procès-verbal du 4 août 1806. 39 avoit mal à la tête (…) »133. Un autre confirme cet état en déclarant qu’il a entendu Jean Bienassis dire « (…) que s’il n’avoit pas tué sa femme et sa fille, la France eut péri, qu’il voioit trois diables dans la maison (…) »134. D’autres témoignages permettent de montrer l’attachement de Jean Bienassis à sa femme et sa fille. Joseph Corcillé déclare, par exemple, « (…) avoir entendu dire que Jean Bienassis avoit tué sa femme et sa fille cadette […], qu’il en a été d’autant plus etonné que Jean Bienassis aimoit sa femme et cherissoit surtout sa petite fille »135. Les domestiques sont également entendus mais un problème peut se poser comme dans l’affaire concernant l’uxoricide commis par François Moulin. En effet, sous l’influence de leur maître, les domestiques ont menti même si cela n’a pas empêché la mise en accusation de ce dernier. Ils avoueront avoir menti lors du procès criminel à l’exemple de Julienne Mahé qui déclarera que « (…) les dépositions qu’elle avoit fait tant devant le magistrat de sureté, le directeur du Jury de Rennes, que devant la Cour, lui avoient été suggérées par l’accusé présent à la barre en lui promettent de la recompenser (…) »136. Le fait que ces témoins soient entendus aussi rapidement peut permettre d’appréhender plus facilement le coupable. En effet, ces auditions permettent de connaître quels peuvent être les mobiles de l’homicide et plus elles auront lieu dans un moment proche de la commission du crime plus les témoins se souviendront de détails qui pourront avoir de l’importance dans la suite de la recherche du coupable. Enfin, selon les articles 111 à 124 du Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV, le juge de paix peut faire citer devant lui des personnes indiquées comme ayant connaissance du délit et qu’il n’a pas interrogées lorsqu’il était sur les lieux pour dresser le procès verbal du corps du délit. Cette citation se fait par une cédule. Les témoins doivent comparaître devant le juge de paix sous peine d’y être contraints par un mandat d’arrêt délivré par ce même juge. Certains témoins ont été entendus dans ce contexte notamment dans l’affaire concernant l’uxoricide commis par Julien Jumel137. 133 Ibidem, 2 U 43, déclaration de témoins du 27 germinal an VIII. Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 43, déclaration de témoins du 27 germinal an VIII 135 Ibidem, 2 U 43, déclaration de témoins du 27 germinal an VIII. 136 Ibidem, 2 U 161, procès-verbal de séance des 17, 18, 19 et 20 juillet 1810. 137 Ibidem, 2 U 38, enquête de témoins du 2 frimaire an VI. 134 40 Les témoins entendus, le juge de paix, avant de quitter les lieux, cherche s’il existe des éléments de preuve restés sur les lieux du crime. C. La recherche des autres éléments de preuve L’autopsie et les interrogatoires des témoins apportent au juge de paix (ou autre par la suite138) des éléments importants sur les circonstances du crime. Il arrive que d’autres preuves soient trouvées sur les lieux de l’homicide c’est-à-dire dans la maison ou dans ses alentours. Peu d’actes relatant ces recherches sont présents dans les archives départementales d’Ille-etVilaine et aucun ne concerne les parricides. Il est possible qu’aucun indice ne soit découvert comme ce fut le cas dans l’affaire de l’uxoricide commis par Jeanne Delanoe dans laquelle le juge de paix du canton de PleineFougères et les gendarmes n’avaient rien trouvé dans sa maison139. Au contraire, les recherches peuvent permettre de trouver des éléments essentiels permettant d’avoir des preuves de l’uxoricide. Ainsi, concernant la mort de Jeanne Marie Dein, une tabatière contenant de l’arsenic fut trouvée, cette dernière appartenait à François Moulin son époux140. De même, concernant l’uxoricide commis par François Gaslain, le juge de paix cherchait les vêtements que ce dernier portait au moment où sa femme fut noyée et il « (…) trouva dans le jardin derriere sa maison au pied du framboisier bordant une planche de bois, la chemise et la paire de bas bleux qu’il avoit quitté la veille, que les bas etoient mouillés entièrement, que la chemise l’étoit par le bas jusqu’à la ceinture, les manches jusqu’aux epaulettes, et même le colet (…) »141. Cette découverte permit de démontrer que François Gaslais mentait, ce dernier soutenant qu’il avait mis ses vêtements dans la lessive. Le juge de paix dresse un procès-verbal sur le résultat de ses recherches et fait poser des scellés sur des objets ou des papiers pouvant servir de pièces à conviction. La descente sur les lieux effectuée, le juge de paix interroge la personne suspectée d’avoir commis le crime et si ses soupçons sont vérifiés, le suspect fera l’objet d’un mandat d’arrêt. 138 Op. cit. Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 160, procès-verbal d’arrestation de Jeanne Delanoe du 28 décembre 1809. 140 Ibidem, 2 U 161, acte d’accusation du 23 juin 1810. 141 Ibidem, 7U79, acte d’accusation du 24 septembre 1808. 139 41 II. Le mandat d’amener et ses conséquences Le mandat d’amener est souvent délivré quelques jours seulement après le procès-verbal concernant la visite du cadavre et l’audition des témoins. Julien Delions, par exemple, s’est vu délivré son mandat d’amener deux jours plus tard142. Le prévenu est entendu et si les soupçons à son égard se confirment, ce dernier se voit notifier un mandat d’arrêt. Il peut également faire l’objet d’un mandat de dépôt dans certains cas. Un cas particulier doit être développé, il s’agit de l’hypothèse du contumax. A. Le mandat d’amener et l’audition du suspect Il convient de définir dans un premier temps, le mandat d’amener puis, dans un second temps, d’étudier l’audition du suspect faisant suite à ce mandat. 1. a. La définition du mandat d’amener Les formes du mandat Le décret des 16-29 septembre 1791143 précise également les formes du mandat d’amener. Tout d’abord, une désignation claire et précise de l’individu contre lequel il est décerné doit être donnée. Ainsi, Jean Villeneuve est décrit comme un garçon « (…) agé de dix neuf ans, taille de cinq pieds cinq pouces, cheveux bruns (…) »144. Le mandat est également signé et scellé du juge de paix (ou autre par la suite145) qui le délivre et enfin, contient l’ordre d’amener le prévenu devant lui. Sur ce dernier point, le mandat d’amener du directeur du jury de l’arrondissement de Rennes concernant Jacques Peignard, par exemple, est rédigé ainsi : « (…) après avoir entendu le Substitut du Commissaire du Gouvernement près le Tribunal criminel, mandons et ordonnons à tous exécuteurs des mandemens de justice d’amener par devant nous en se conformant à la Loi Jacques Peignard cultivateur demeurant au village du Paty Bourdais en la commune de Chartre près la Poterie […] pour être entendu sur les inculpations dont le dit Peignard est prévenu. 142 Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, L 3074, mandat d’amener du 9 juillet 1792. Articles 1 à 4 du titre II de la première partie, op. cit. 144 Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, L 2886, mandat d’amener du 31 mars 1792. 145 Op. cit. 143 42 requérons tous dépositaires de la force publique, de prêter main forte, en cas de nécessité, pour l’exécution du présent Mandat (…) »146. Le mandat peut être présenté au prévenu dans sa maison. Si ce dernier en refuse l’accès, le porteur de l’ordre a la possibilité de recourir à la force publique pour s’introduire dans la demeure et notifier le mandat. b. La délivrance du mandat Le décret des 16-29 septembre 1791 indique que le mandat d’amener est un ordre d’un officier de police de sûreté voulant faire comparaître un prévenu. Si ce dernier ne veut pas y obéir, le porteur du mandat d’amener pourra employer la force pour le contraindre mais l’article 4 précise qu’ « il en sera tenu d’en user avec modération et humanité ». Sur ce point, le décret des 29 septembre-21 octobre 1791 en forme d’instruction pour la procédure criminelle expose que le porteur de cet ordre « (…) ne doit jamais oublier que c’est à des hommes libres qu’il notifie une évocation légale, et que toute insulte, tout mauvais traitement volontaire, sont des crimes de la part de celui qui agit au nom de la loi ». Ce décret précise également les contours du mandat d’amener. Le juge de paix qui délivre un tel mandat doit toujours faire amener devant lui le prévenu qu’il évoque. Il convient de noter que, par la suite, le commissaire du roi puis du gouvernement ainsi que le directeur du jury pourront également être les auteurs d’un tel acte. Selon la loi du 7 pluviôse an IX, le substitut du commissaire du gouvernement aura également la possibilité de requérir afin que le directeur du jury délivre le mandat comme ce fut le cas dans l’affaire de Jacques Peignard147. Ces mandats sont portés, soit par les huissiers attachés au tribunal de paix, soit par les cavaliers de la gendarmerie nationale. Voulant éviter des violences lors de la remise du mandat, l’Assemblée nationale précise que le porteur de ce mandat « (…) demandera d’abord au prévenu s’il entend y obéir ; et dans le cas où le prévenu consentira et se mettra en devoir d’obéir, le porteur n’aura qu’à l’accompagner et à le protéger jusqu’à ce qu’il soit rendu devant l’officier de police ». Ceux qui refuseront d’obéir, devront être contraints par la force car, pour l’Assemblée nationale, « il est impossible dans un Etat bien ordonné, que 146 147 Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 135, mandat d’amener du 20 messidor an IX. Ibidem, 2U135, réquisitions du 20 messidor an XII. 43 l’obéissance ne demeure à la loi, et que la résistance d’un seul ne soit pas vaincue par la force publique ; mais l’emploi de cette force doit être modéré : elle doit contraindre l’individu mais non l’accabler »148. L’huissier ou les cavaliers de gendarmerie dressent un procès verbal concernant la délivrance du mandat d’amener au prévenu, en général, dans les deux ou trois jours. Cet acte relate les faits lors de la remise du mandat. Par exemple, dans le cas du parricide commis par Jean Villeneuve, l’huissier explique qu’il s’est rendu chez ce dernier accompagné de deux personnes habitant Bécherel et qu’il lui a notifié le mandat d’amener : « (…) j’ai notifié le mandat d’amener dont j’etois porteur, le réquérant de me déclarer s’il entend obeir audit mandat et de se rendre par devant monsieur le juge de paix (…) »149. Jean Villeneuve, après avoir accepté de le suivre, s’est enfui. L’huissier relate ainsi cet épisode : « (…) etant deja rendus ensemble dans un champ joignant à la cour du domicile dudit sieur Villeneuve, une fille de son voisin et son fermier l’a appellé, son pere ayant un mot à lui dire. Le sieur Villeneuve s’est retourné et retournant promptement vers son domicile, qui joint celui de son fermier, m’a dit qu’il alloit venir me rejoindre dans la minute. Doutant de la sincerité des dires du sieur Villeneuve j’ai pressé le pâs pour ne point le perdre de vüe, et estre toujours à porté de le suivre dans ses démarches.. Le sieur Villeneuve est effectivement entré par la porte commune entre lui et son fermier ; là, l’ayant perdue de vue j’ai redoublé ma marche et suis aussitôt entré dans la maison du fermier ; n’y ayant vu le dit sieur Villeneuve j’ai remarqué une porte de derrière ouverte et qui donne sur son jardin (…) »150. Il arrive également que l’huissier ou les cavaliers de la gendarmerie ne trouvent pas le prévenu. Dans l’affaire du parricide commis par Julien Delions, l’huissier ne vit que la sœur de ce dernier. Après lui avoir demandé l’endroit où ce dernier se trouvait, il visita le domicile, ses deux assistants étant restés dehors pour garder les issues mais sans résultats151. Ces différents points sont repris dans le Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV. 148 Décret des 29 septembre-21 octobre 1791, op. cit. Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, L 2886, procès-verbal concernant le mandat d’amener du 3 avril 1792. 150 Ibidem, L 2886, procès-verbal concernant le mandat d’amener du 3 avril 1792. 151 Ibidem, L 3074, procès-verbal de l’huissier du 9 juillet 1792. 149 44 2. L’audition du prévenu Lorsque le prévenu est amené devant le juge de paix (ou autre par la suite152), ce dernier procéde à un interrogatoire afin de vérifier si les inculpations élevées contre lui sont exactes. Les questions posées suivent un ordre précis qui se retrouve dans chaque interrogatoire ayant lieu à ce stade de la procédure. Par exemple, dans l’interrogatoire de Louis Deniel, après avoir décrit physiquement ce dernier, le juge de paix lui pose ces différentes questions : « (…) Interrogé de son nom, prenom, age, qualité, profession et demeure Repond s’appeler Louis Deniel, agé de trente six ans, laboureur demeurant au lieu de la Robinais, commune de Saint Malo de Filÿ canton de Plechatel Lui demandé s’il sait pourquoi il a eté conduit devant nous Repond l’ignorer Lui demandé s’il n’a jamais été repris de justice Repond que non Lui demandé s’il est marié Repond qu’il l’a eté avec Anne Gislais (…) »153. Les trois premières questions sont posées au prévenu qu’il s’agisse d’un parricide ou d’un uxoricide, la dernière n’étant posée que dans ce dernier cas. Le juge de paix pose ensuite des questions relatives aux relations que le prévenu entretenait avec la victime et aux circonstances du crime. Il demande parfois directement au prévenu s’il est l’auteur du crime. Il reprend également dans son interrogatoire, les témoignages et indices découverts lors de la descente sur les lieux du crime comme cela s’est passé lors de celui de Louis Deniel : « (…) Lui demandé s’il portoit le dix neuf de ce mois les habillemens qu’il avoit presentement sur lui Repond que oui […] Lui demandé s’il n’emmena pas sa femme chez lui Repond qu’elle vint dans sa maison une demie heure après qu’il ÿ fut entré, qu’elle ne tarda même pas une demie heure Lui demandé si elle lui chercha dispute 152 Op. cit. 45 Repond qu’elle commença par le menaçer et agir comme à son ordinaire et à l’aigrir contre elle Lui demandé si dans la colère où le mirent les propos de sa femme il ne la frappa pas Repond qu’il ne lui donna qu’un coup de poingts, un seul coup de poingt que son mal sur ce coup de poingt la prit et qu’elle mourut Lui demandé ou la crainte qui le saisit la voiant morte le porta à la mettre Repond qu’il la porta dans un puits […] Lui demandé si elle étoit tout a fait morte quand il la jetta dans le puits Repond qu’elle n’étoit que trop malheureusement entierrement morte Lui demandé si c’est la premiere fois qu’il ait frappé sa femme Repond qu’ils avoient eu d’autres differents ensemble, mais qu’il ne s’attendoit pas à ce malheur (…) »154. Concernant l’interrogatoire d’Etienne Behours, accusé de parricide, le juge de paix lui posera le même type de questions : « (…) Interrogé depuis quel temps il n’a point été au village de la Touche lieu de residence de son feu pere s’il n’a point eu de discussion avec lui. Repond qu’il y a viron trois semaines il fut voir son pere qu’il se trouvoit ivre, qu’il eut dispute avec lui, qu’il lui frappa, que sa sœur fut en partie la cause de sa mauvaise maniere d’agir, mais que son pere avant de mourir lui a dit en présence de ses autres freres qu’il n’étoit pas faché avec lui et qu’il lui pardonnoit bien volontiers le mal qu’il pouvoit lui avoir fait Lui demandé quel jour il dût avoir eu dispute avec son pere et le fraper Repond que c’étoit un dimanche et qu’il croit que c’etoit le dimanche avant le jour Saint Jean (…) »155. L’interrogatoire est retranscrit par le greffier du juge de paix et ce dernier va demander au prévenu de signer ou si ce dernier ne le peut pas, il en est fait mention. 3. Notification du mandat de dépôt 153 Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2U59, interrogatoire du 25 prairial an VIII. Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 59, interrogatoire du 25 prairial an VIII. 155 Ibidem, 2 U 51, interrogatoire du 17 messidor an VIII. 154 46 Parfois, un mandat de dépôt est notifié à l’encontre du prévenu notamment lorsqu’il est éloigné de plus de dix lieues et à deux jours de distance, ce choix étant laissé par la loi à l’appréciation des officiers municipaux156. Il en est donné avis à l’officier de police c’est-àdire au juge de paix (ou autre par la suite157) qui a décerné le mandat. Pierre Tardif, par exemple, a été amené devant le substitut du procureur général impérial en vertu d’un mandat d’amener (ce dernier a pris connaissance de l’affaire lorsque les gendarmes, sur ordre du juge de paix, l’ont conduit jusqu’à Pierre Tardif). A la suite de l’interrogatoire, ce dernier a rédigé un mandat de dépôt : « (…) Sur quoi considérant que la gravité du délit exige un examen réfléchi de l’affaire, nous en vertu du pouvoir nous conféré par l’article 7 de la loi du 7 pluviôse an 9 avons donné ordres aux agents de la force publique qui ont traduit le prévenu ci-présent de le conduire à la maison d’arrêt près le tribunal d’arrondissement de cette ville, pour y être gardé en dépôt, pendant qu’il sera procédé à son égard, conformément à la loi, nous avons décerné contre lui le mandat de dépôt (…) »158. L’article 7 de la loi du 7 pluviôse an IX relative à la poursuite des délits en matière criminelle et correctionnelle159 dispose que « le substitut du commissaire près le tribunal décernera contre le prévenu un mandat de dépôt, sur l’exhibition duquel le prévenu sera reçu et gardé dans la maison d’arrêt établie près le tribunal de l’arrondissement : il en avertira , dans les vingt-quatre heures, le directeur du jury, lequel prendra communication de l’affaire, et sera tenu d’y procéder dans le plus court délai ». Si les inculpations contre le prévenu n’ont pas été détruites, ce dernier se voit signifier un mandat d’arrêt. B. Le mandat d’arrêt Le décret des 16-29 septembre 1791 expose dans l’article 5 du titre II de la première partie consacrée à la police de sûreté que « si l’officier de police de sûreté, devant qui l’inculpé est amené, trouve, après l’avoir entendu, qu’il y a lieu à le poursuivre criminellement, il donnera ordre qu’il soit envoyé à la maison d’arrêt du tribunal du district ; cet ordre s’appellera mandat d’arrêt ». 156 Décret des 29 septembre-21 octobre 1791, op. cit. Op. cit. 158 Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 133, mandat de dépôt du 7 août 1806. 157 47 Le mandat est signé et scellé par l’officier de police qui le remet à celui qui doit conduire le prévenu à la maison d’arrêt et lui en laisse une copie160. Le mandat comporte des renseignements précis. Il contient le nom et le domicile du prévenu ainsi que la cause de l’arrestation. A défaut de telles mentions le gardien de la maison d’arrêt ne pourra pas le recevoir161. En effet, le décret des 29 septembre-21 octobre 1791 précise que si le mandat ne respecte pas les formes requises, la détention sera considérée comme arbitraire et le gardien en répondra personnellement. Le Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV apporte quelques modifications. En effet, l’article 71 précise que le mandat d’arrêt doit comporter, outre le nom, le domicile du prévenu et son sujet d’arrestation, la profession de ce dernier ainsi que la loi qui autorise le juge de paix ( et autre par la suite162) à l’ordonner. Par exemple, le mandat d’arrêt délivré par le directeur du jury contre Jacques Peignard est ainsi rédigé : « DE PAR LA LOI Nous François Le Moullee juge au tribunal de première instance et directeur du jury de l’arrondissement de Rennes, Département d’Ille-et-Vilaine, en vertu de l’article LXX du Code des Délits et des Peines, mandons et ordonnons à tous exécuteurs de mandemens de Justice, de conduire en la maison d’arrêt dudit Rennes Jacques Peignard, cultivateur demeurant au Paty Bourdais commune de Chartres Prévenu d’avoir assassiné Jeanne Coudrais sa femme et de l’avoir ensuite jettée dans la rivière d’Ille-et-Vilaine (…) »163. L’article 70 auquel le directeur du jury fait référence expose que lorsqu’un « (…) délit est de nature à être puni, soit d’un emprisonnement de plus de trois jours, soit d’une peine infamante ou afflictive, le juge de paix délivre un ordre pour faire conduire la prévenu en la maison d’arrêt du lieu où siège le directeur du jury d’accusation dans l’arrondissement duquel le délit a été commis. Cet ordre se nomme mandat d’arrêt ». Cet article est plus précis que celui du décret des 16-29 septembre 1791, il explique clairement dans quels cas, un mandat d’arrêt peut être décerné. 159 La loi du 7 pluviôse an IX fait suite à la Constitution de l’an VIII et à la loi du 27 ventôse an VIII consacrant l’unification du ministère public. Cf. J-B. DUVERGIER, op. cit. 160 Article 6 du titre deux de la seconde partie du décret des 16-29 septembre 1791, op. cit. 161 Article 7 du titre deux de la seconde partie du décret des 16-29 septembre 1791, op. cit. 162 Op. cit. 48 Dans certains cas, le prévenu est décrit très précisément, ainsi le mandat d’arrêt délivré contre Louis Deniel comporte une description très précise de ce dernier « (…) Louis Deniel laboureur agé d’environ trente six ans canton demeurant au lieu de la Robinais commune de Saint Malo de Filÿ canton de Plechatel taille de cinq pieds cheveux et sourcils noirs frisés, ÿeux gris, front bas, nez long et gros, menton rond et fourchu, visage ovale et un peu ridé (…) »164, cela permettant à l’officier chargé d’exécuter le mandat d’arrêt de reconnaître plus facilement le prévenu. Le Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV précise également, dans son article 134, que l’officier devant exécuter le mandat d’arrêt doit se faire accompagner d’une force suffisante afin d’éviter que le prévenu ne s’enfuisse. D’ailleurs, le mandat d’arrêt, dans sa rédaction, comporte une formule à ce sujet : « (…) requérons tous dépositaires de la force publique, auxquels le présent mandat sera notifié, de prêter main forte pour son exécution, en cas de nécessité (…) »165. Le prévenu doit être déposé immédiatement à la maison d’arrêt du district située près du directeur du jury166. Le juge de paix (ou autre par la suite167) s’adresse au gardien de la maison d’arrêt dans son mandat. Ainsi, il est écrit : « (…) mandons au gardien de ladite maison d’arrêt de le recevoir, le tout, en se conformant à la Loi (…) »168, cette dernière partie de phrase faisant référence à l’interdiction de la détention arbitraire. Une fois le prévenu conduit à la maison d’arrêt, l’officier chargé de l’exécution du mandat porte au greffe du directeur du jury les pièces relatives au délit et à l’arrestation169. Le mandat d’arrêt marque la fin de l’instruction et la déclaration du prévenu ainsi que celles des témoins. Les procès-verbaux des corps des délits doivent être réunis. L’ ensemble forme le corps de l’instruction de police170. 163 Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 135, mandat d’arrêt du 28 messidor an IX. Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 59, mandat d’arrêt du 25 prairial an VIII. 165 Ibidem, 2 U 135, mandat d’arrêt du 28 messidor an VIII. 166 Article 137 du Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV, op. cit. 167 Op. cit. 168 Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 135, mandat d’arrêt du 28 messidor an IX. 169 Article 138 du Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV, op. cit. 170 Décret des 29 septembre-21 octobre 1791 en forme d’instruction pour la procédure criminelle, op. cit. 164 49 C. Le cas particulier du contumax Ce cas concerne deux parricides et quatre uxoricides. Les archives sur les parricides commis par Jean Villeneuve171 et Julien Delions172 ne nous permettent pas de connaître la procédure suivie. Cependant, elles sont plus complètes pour les uxoricides commis par Jacques Peignard173, Vincent Valotaire174, Julien Jumel175 et Pierre Morel176. Le décret des 29 septembre-21 octobre 1791 précise que si le prévenu ne comparaît pas dans les quatre jours suivant le mandat d’amener devant l’officier de police, cet officier devra envoyer copie de la plainte et la note de déclaration des témoins au greffe du tribunal du district, pour être procédé devant le jury d’accusation. Si le prévenu est amené par la suite, l’officier doit l’examiner dans un délai de vingt-quatre heures. L’Assemblée nationale a voulu ce principe fondé sur la présomption d’innocence. Le Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV précise dans son article 68 que, dans le cas d’un contumax, lorsque quatre jours sont écoulés depuis la notification du mandat d’amener à sa dernière résidence, le juge de paix (ou autre par la suite177) délivre un mandat d’arrêt. L’article 135 précise que le mandat est notifié à sa dernière habitation et l’officier chargé de l’exécution, dresse un procès-verbal de ses perquisitions et diligences. Cet acte est dressé en présence des deux plus proches voisins du prévenu qui devront le signer. Les gendarmes, chargés de notifier le mandat d’arrêt à Vincent Valotaire, ne l’ayant pas trouvé après recherches, ont notifié en présence des deux plus proches voisins, le mandat d’arrêt décerné contre ledit Valotaire, ils l’ont attaché dans le lieu le plus apparent de sa maison178. L’officier chargé de l’exécution du mandat d’arrêt peut voir le prévenu s’échapper. C’est ainsi que Julien Jumel s’est enfui en voyant l’huissier arriver avec son employeur dans les champs. L’officier laissa à l’employeur une copie du mandat avec sommation d’en donner avis à Julien Jumel179. 171 Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, L 2886. Ibidem, L 2814 et L 3074. 173 Ibidem, 2 U 135. 174 Ibidem, 2 U 61. 175 Ibidem, 2 U 38. 176 Ibidem, 2 U 69. 177 Op. cit. 178 Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 61, procès-verbal des gendarmes nationaux du 16 prairial an VIII. 179 Ibidem, 2 U 38, mandat d’arrêt du 9 frimaire an VI. 172 50 Enfin, ce procès-verbal est visé par l’agent municipal du lieu ou son adjoint. Ainsi dans les archives concernant l’uxoricide commis par Pierre Morel, l’adjoint du maire a dressé un acte certifiant que les recherches et perquisitions ont été faites ainsi qu’il a été relaté dans le procès verbal des gendarmes nationaux180. L’officier va procéder à une recherche afin de découvrir où peut se cacher le prévenu. Il se renseigne, le plus souvent, auprès de la famille du prévenu, de ses voisins. Jacques Peignard étant introuvable, les gendarmes nationaux ont dressé un procès verbal. Dans cet acte, ils expliquent qu’ils sont allés chez la mère de ce dernier et écrivent : « (…) nous lui avons donnér connaissance de l’ordre dont nous etions porteurs et demandé ou etois son fils Peignard mari de feu Janne Coudrai, elle nous à repondu qu’elle ne savoit pas ou il etoit […], nous avons de suite fait recherche la plus exacte en la maison de la mere Poignard et avons reconnu que le dit Poignard ni étoit pas (…) »181. D. Les réquisitions du commissaire du roi Les fonctions du commissaire du roi sont précisées dans la Constitution de 1791182. Outre son rôle important lors du jugement, il requiert pendant le cours de l’instruction pour la régularité des formes. Il en est le garant. Bien que le nom de sa fonction évolue au cours des différents régimes, son rôle au cours de l’instruction restera le même. En effet, le commissaire du roi va devenir le commissaire du pouvoir exécutif183 puis du gouvernement 184 puis le procureur général impérial sous l’Empire185. L’acte de ses réquisitions suit un ordre précis : il est d’abord fait référence aux pièces dont il a eu à connaître, puis le nom du prévenu et la cause de la procédure instruite contre lui. Enfin après un ou plusieurs « considérant », le commissaire du roi énonce ses réquisitions. Il apparaît à la lecture des archives qu’il requiert la traduction du prévenu devant le jury 180 Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 69, certificat de l’adjoint du maire du 16 thermidor an VIII. Ibidem, 2 U 135, acte des gendarmes nationaux du 16 messidor an IX. 182 Article 25 du chapitre cinq du titre III de la Constitution de 1791 in Les Constitutions de la France depuis 1789, op. cit., page 62. 183 Article 241 du titre VIII de la Constitution de l’an III in Les Constitutions de la France depuis 1789, op. cit, page 124. 184 Article 63 du titre V de la Constitution de l’an VIII in Les Constitutions de la France depuis 1789, op. cit., page 158. 185 Article 136 du titre XIV de la Constitution de l’an XII in Les Constitutions de la France depuis 1789, op. cit., page 206. 181 51 d’accusation. Ainsi, le commissaire du gouvernement va requérir qu’Etienne Behours soit traduit devant le jury d’accusation : « (…) je requiers conformement à l’article 220 du Code des délits et des peines et à l’art. 13 de la 1ère section du titre 2 du Code pénal qu’Etienne Behourd fils prevenu d’avoir excedé de coups Pierre Behours son pere quelque tems avant la mort de celui-ci soit traduit devant le jury d’accusation (…) »186. L’article du Code des délits et des peines auquel fait référence le commissaire du gouvernement concerne l’ordonnance par laquelle le directeur du jury traduit le prévenu devant le jury d’accusation. Le mandat d’arrêt appliqué, le prévenu est traduit devant le jury d’accusation qui va déterminer s’il y a lieu ou non à accusation. Pour cela, les pièces de l’instruction vont être transmises au directeur de ce jury. 186 Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 51, réquisitions du 21 messidor an VIII. 52 Chapitre 2 L’accusation Le jury d’accusation se prononce sur la mise en accusation du prévenu. Cette phase se passe au niveau du district contrairement à la précédente effectuée au niveau cantonal. Si le jury déclare qu’il y a lieu à accusation, le directeur du jury dressera une ordonnance de prise de corps à l’encontre de l’accusé. Pour l’Assemblée constituante, le jury devait permettre de garantir les droits de l’accusé en le plaçant sous la sauvegarde de ses pairs187. Section 1 L’acte d’accusation L’information préliminaire achevée, l’affaire est soumise au directeur du jury qui prend la décision de la soumettre on non au jury d’accusation par le biais d’une ordonnance188. La loi des 16-29 septembre 1791 organise le jury. I. La mise en accusation Le directeur du jury d’accusation a pour rôle de dresser l’acte d’accusation sur lequel les jurés auront à se prononcer. A. La décision de soumettre l’affaire au jury d’accusation Le rôle de directeur du jury est rempli par les juges du tribunal de district à tour de rôle tous les six mois. Le directeur du jury examine, dans les vingt-quatre heures de la remise du prévenu à la maison d’arrêt du district, les pièces de la procédure et entend à nouveau le prévenu pour vérifier que l’affaire peut être connue du jury. L’audition a lieu au sein de l’auditoire. Le directeur du jury ordonne au gardien de la maison d’arrêt de faire paraître le prévenu devant lui. Il pose à ce dernier différentes questions concernant son identité, ses relations avec la victime, les mobiles possibles découverts notamment par les auditions de témoins. Ainsi, par exemple, les questions posées à Pierre Tardif lors de cette audition sont les suivantes : 187 J-M. CARBASSE, Dictionnaire de la culture juridique, au mot Jury , op. cit. 53 « (…) D. quels sont vos nom, prénom, age, demeure et profession ? […] D. n’étiez-vous pas marié avec Anne Perrin et y a t il longtems ? […] D. quel jour est elle morte et où a t elle été enterrée ? […] D. viviez vous en bonne intelligence avec elle ? […] D. quelque tems avant sa mort l’avez vous pas plus d’une fois maltraitée ? […] D. quelle était la cause de vos ménaces ? […] D. quelque tems avant sa mort ne l’avez-vous pas poursuivie au derriere de votre jardin, ayant à la main un fouet en double ? (…) »189. L’audition terminée, le directeur du jury dresse un procès-verbal contenant les déclarations du prévenu. A ce stade de la procédure, le serment de dire la vérité n’est pas requis. Le décret des 29 septembre-21 octobre 1791 en forme d’instruction pour la procédure criminelle précise que cette audition « (…) n’est qu’une facilité accordée à un individu arrêté, d’expliquer les preuves de son innocence, et les raisons qu’il voudra alléguer pour sa justification ». Le directeur du jury entend également les témoins qui n’auraient pas fait leur déclaration pendant le cours de l’instruction et ce, avant qu’ils ne soient entendus par le jury d’accusation. A partir de la loi du 11 prairial an IV190, les témoins qui ne viendraient pas à la date et à l’heure requises et sans aucune cause légitime pourront être contraints par un mandat d’amener dressé par le directeur du jury. La loi précise que si une fois amenés, ils ne justifient pas d’une cause valable, ils sont conduits dans la maison d’arrêt en vertu d’un mandat 188 Article 223 du Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV, op. cit. Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 133, audition du 3 octobre 1806. 190 J-B. DUVERGIER, op. cit., 1825, tome IX, page 122. 189 54 émanant du directeur du jury. Le tribunal correctionnel les condamnera à une détention de huit jours à un mois. Après avoir estimé que la loi autorisait l’accusation, le directeur du jury convoque les jurés. Ce jury est composé de huit citoyens tirés au sort sur la liste des électeurs du premier degré et est présidé par le directeur du jury. B. Le contenu de l’acte d’accusation Selon le décret des 16-29 septembre 1791191, l’acte d’accusation est rédigé par le directeur du jury mais la loi du 7 pluviôse an IX relative à la poursuite des délits en matière criminelle et correctionnelle donne également ce pouvoir au substitut du commissaire du gouvernement. Dans ce dernier cas, le directeur du jury fera lecture de l’acte et des pièces aux jurés et ce, en la présence de ce dernier. Le directeur du jury doit attendre deux jours après la remise du prévenu à la maison d’arrêt, pour rédiger l’acte d’accusation. En effet, les parties plaignantes ou dénonciatrices doivent comparaître dans ce délai192. Dans les cas d’uxoricides et de parricides que le tribunal criminel d’Ille-et-Vilaine a eu à juger, aucune partie plaignante ou dénonciatrice ne s’est fait connaître. Le directeur du jury ou le substitut du commissaire du gouvernement y font référence dans l’acte d’accusation193. L’acte d’accusation doit contenir obligatoirement le fait (le jour, la date et l’heure du crime), toutes les circonstances du parricide ou de l’uxoricide (qui ont suivi, précédé ou accompagné le crime), l’auteur ou les auteurs de ces crimes clairement dénommés ainsi que la nature du délit. Enfin, « il sera dit qu’il a été commis méchamment et à dessein »194. Avant cela, le directeur du jury précise qu’après avoir étudié les pièces, il a considéré que le délit était de nature à mériter peine afflictive et infamante195. Le procès-verbal constatant le corps du délit doit être joint à l’acte d’accusation sous peine de nullité196. Il y est fait référence dans l’acte d’accusation. Ainsi, le procureur général 191 Article 8 du titre I de la seconde partie du décret des 16-29 septembre 1791, op. cit. Article 8 du titre I de la seconde partie du décret des 16-29 septembre 1791, op. cit. 193 Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 61, acte d’accusation du 10 fructidor an VIII. 194 Article 15 du titre I de la seconde partie du décret des 16-29 septembre 1791, op. cit. 195 Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 82, acte d’accusation du 29 ventôse an X. 196 Décret des 29 septembre-21 octobre 1791, op. cit. 192 55 impérial de la cour de justice criminelle du département d’Ille-et-Vilaine pour l’arrondissement de Saint Malo écrit dans l’acte d’accusation dressé contre Jean Etienne Tehel : « (…) et notamment des deux procès verbaux raportés le sept janvier et douze février derniers, le premier par les gendarmes impériaux à la residence de Dol, et le second par le juge de paix du canton dudit lieu, lesquels procès verbaux sont annexés au présent acte (…) »197. Avant d’être présenté au jury, l’acte d’accusation ainsi que toutes les pièces de la procédure sont communiqués au commissaire du roi. Ce dernier exprime son adhésion à cet acte par la formule « la loi autorise »198. II. La décision favorable à l’accusation Pour l’Assemblée constituante, les citoyens doivent être protégés d’une mise en accusation arbitraire par le biais du jury d’accusation199, composé de huit citoyens. Ce jury doit se prononcer sur l’éventualité d’une mise en accusation sur la base des dépositions des témoins à charge, sans publicité et sans entendre le suspect. Il décide s’il y a lieu ou non à accusation à la majorité simple. Si la décision est défavorable à l’accusation, la procédure s’arrête et le suspect est libéré. A. Le choix des jurés Les jurés sont choisis parmi les électeurs. Ils doivent accepter leur fonction et ne peuvent la refuser qu’en cas d’excuse valable. Le décret des 16-29 septembre 1791 précise que tous les trois mois le procureur-syndic de chaque district dresse une liste de trente citoyens appelés aux fonctions de jurés d’accusation. Cette liste est arrêtée et examinée par le directoire du district. Huit jours avant l’assemblée du jury, le directeur du jury tire au sort les noms des huit citoyens qui formeront ce jury. Ce tirage au sort a lieu lors d’une séance publique et en présence du commissaire du roi. Les jurés sont prévenus quatre jours avant cette assemblée. 197 Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 146, acte d’accusation du 30 mai 1808. Article 13 du titre I de la seconde partie du décret des 16-29 septembre 1791, op. cit. 199 B. SCHNAPPER, Le jury criminel in Une autre justice 1789-1799, op. cit., pages 149 à 170. 198 56 Le Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV va apporter quelques changements. L’article 483 de ce code précise que les jurés doivent avoir plus de trente ans et non plus vingt et un an. Les listes de jurés sont également définies différemment. Désormais, chaque administration départementale forme tous les trois mois une liste de citoyens pouvant être jurés d’accusation et de jugement et elle divise cette liste en autant de parties qu’il y a de directeurs de jury dans le département200. De plus, le jury d’accusation s’assemble chaque décadi après la convocation du directeur du jury et non plus dans un délai de huit jours. Enfin, les jurés sont tirés au sort dans ce même délai. En cas d’empêchement d’un juré, ce dernier doit prévenir dans les deux jours afin de permettre au directeur du jury d’examiner l’excuse qui sera transmise au tribunal afin qu’il l’accepte ou, au contraire, la rejette. A partir du Code des délits et des peines, le directeur du jury prendra lui-même cette décision après avoir entendu le commissaire du pouvoir exécutif201. Lors du tirage au sort des jurés devant se prononcer sur la mise en accusation de Pierre Legaud, deux jurés ont été excusés. Le premier car il était septuagénaire et que la loi le dispense202 et le second car il n’habitait pas au lieu indiqué203. En cas d’acceptation, le directeur du jury fait retirer le nom du juré de la liste des citoyens et sera remplacé par un autre. Le juré qui n’aurait pas une excuse valable encourt une peine de trente livres d’amende, la privation du droit d’éligibilité et de suffrage pendant deux ans et impression de la peine dans l’arrondissement du directeur du jury204. Le tableau du jury d’accusation est ensuite transmis au tribunal criminel205. Dans trois des uxoricides, un jury spécial s’est prononcé sur l’acte d’accusation. Ce jury est institué lorsque le directeur du jury exerce directement les fonctions d’officier de police judiciaire. Il se compose, en plus du directeur du jury, de huit jurés tirés au sort à partir d’une liste de seize citoyens « (…) ayant les qualités et connaissances nécessaires pour prononcer sainement et avec impartialité sur le genre du délit (…) »206 et choisis par le commissaire du pouvoir exécutif. 200 Articles 483 à 490 du Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV, op. cit. Article 496 du Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV, op. cit. 202 Article 484 du Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV, op. cit. 203 Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 56, procès-verbal de tirage de deux jurés du 30 vendémiaire an IX. 204 Titre X de la deuxième partie du décret des 16-29 septembre 1791, op. cit. 205 Article 501 du Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV, op. cit. 206 Article 518 du Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV, op. cit. 201 57 B. La tenue de la séance du jury d’accusation La séance a lieu à huis clos pour préserver la réputation du suspect en cas de poursuite non fondée207. Le directeur du jury demande aux jurés de prêter serment, en présence du commissaire du roi. Le décret des 16-29 septembre 1791 en donne la formule : « CITOYENS, Vous jurez et promettez d’examiner avec attention les témoins et pièces qui vous seront présentés, et d’en garder le secret. Vous vous expliquerez avec loyauté sur l’acte d’accusation qui vous sera remis ; vous ne suivrez ni les mouvemens de la haine et de la méchanceté, ni ceux de la crainte ou de l’affection »208. Les jurés doivent répondre chacun individuellement : « je le jure ». Sous le Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV, les jurés répondront : « je le promets ». Le directeur du jury leur expose ensuite l’objet de l’accusation et leur explique clairement leurs fonctions. Le Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV précise qu’afin que les jurés n’oublient pas leur mission, le directeur du jury leur lit l’instruction suivante qui est également affichée dans la salle des délibérations : « Les jurés d’accusation n’ont pas à juger si le prévenu est coupable ou non, mais seulement s’il y a déjà des preuves suffisantes à l’appui de l’accusation. Ils apercevront aisément le but de leurs fonctions, en se rappelant les motifs qui ont déterminé la loi à établir un jury d’accusation. Ces motifs ont leur base dans le respect pour la liberté individuelle. La loi, en donnant au ministère actif de la police le droit d’arrêter un homme prévenu d’un délit, a borné ce pouvoir au seul fait de l’arrestation. Mais une simple prévention, qui souvent a pu suffire pour qu’on s’assurât d’un homme, ne suffit pas pour le priver de sa liberté pour l’instruction d’un procès, et de l’exposer à subir l’appareil d’une procédure criminelle. La loi a prévenu ce dangereux inconvénient ; et à l’instant même où un homme est arrêté par la police, il trouve des moyens faciles et prompts de recouvrer sa liberté, s’il ne l’a perdue que par l’effet d’une erreur ou de soupçons mal fondés, ou si son arrestation n’est que le fruit de l’intrigue, de la violence, ou d’un abus d’autorité. Il faut alors qu’on articule contre lui un fait grave : ce ne sont plus de simples soupçons, une simple prévention, mais de fortes 207 208 B. SCHNAPPER, Le jury criminel in Une autre justice 1789-1799, op. cit., pages 149 à 170. Article 16 du titre I de la seconde partie du décret des 16-29 septembre 1791, op. cit. 58 présomptions, un commencement de preuves déterminantes, qui doivent provoquer la décision des jurés pour l’admission de l’acte d’accusation »209. Les jurés prêtent également serment au régime en place. Par exemple, la loi du 19 fructidor an V requiert le serment de fidélité « (…) à la République et à la Constitution »210 ; celle du 25 brumaire an VIII fidélité « (…) à la République une et indivisible fondée sur l’égalité, la liberté et le sisteme representatif (…) »211 ; celle du 21 nivôse an VIII fidélité à la Constitution212 ou encore celle du sénatus-consulte du 28 floréal an XII « (…) obéissance aux constitutions de l’Empire et fidélité à l’Empereur »213. Pour que les jurés puissent donner un avis objectif, ils ont à leur disposition les pièces de la procédure à l’exception des déclarations des témoins. En effet, la procédure étant exclusivement orale, ces derniers sont entendus. La loi du 5 pluviôse an II relative aux faux témoins leur est lue. Selon les cas, ils encourent la peine de mort ou vingt années de fers214. Un des témoins peut être absent, comme lors de la tenue du jury d’accusation concernant l’uxoricide commis par Louis Deniel. Un témoin n’a pas comparu et a fait transmettre au commissaire du gouvernement un certificat délivré par l’adjoint au maire de la commune de Saint Malo de Phily constatant que « (…) ledit Lahais est dangereusement malade et incapable de voyager (…) »215. La loi du 7 pluviôse an IX retirera aux jurés l’audition des témoins à charge, le jury d’accusation étant suspecté d’entraver la répression216. Ils devront décider sur la seule lecture des pièces du dossier. Le suspect est absent lors de la séance car il ne s’agit pas de se prononcer sur sa culpabilité mais sur les charges. Ces dernières doivent être suffisamment sérieuses pour l’accuser et l’envoyer devant le tribunal criminel217. Les pièces lues et les témoins entendus, le directeur du jury se retire afin de permettre aux jurés de prendre leur décision. 209 Article 237 du Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV, op. cit. J-B. DUVERGIER, op. cit.,1825, Tome X, pages 43 à 46. 211 Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 43, procès-verbal de promesse et de serment des jurés du 6 floréal an VIII. 212 J-B. DUVERGIER, op. cit., 1826, Tome XII, page 65. 213 Article 56 de la Constitution de l’an XII in Les Constitutions de la France depuis 1789, op. cit., page 194. 214 J-B. DUVERGIER, op. cit., 1825, Tome VII, page 16. 215 Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 59, procès-verbal de tenue du jury du 30 frimaire an IX. 216 B. SCHNAPPER, Le jury criminel in Une autre justice1789-1799, op. cit. 217 Article 237 du Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV, op. cit. 210 59 Toutes ces dispositions de forme sont requises à peine de nullité. C’est ainsi que la Cour de cassation a cassé l’arrêt condamnant René Boulaix à la peine de mort pour parricide218, le directeur du jury n’ayant, notamment, pas indiqué que le jury d’accusation avait été tiré au sort publiquement et dont la teneur suit : « (…) Vu l’article 492 du code des delits et des peines219 […] et attendu que le procès verbal du tirage au sort du jury d’accusation, dressé par le directeur du jury de Fougeres, porte, seulement, que ce tirage a été fait, dans la chambre de la direction du jury, en présence du magistrat de sureté, sans dire, en aucune maniere, qu’il ait été fait publiquement, qu’en rapportant toutes les circonstances de son operation, et en omettant de faire mention de celle de la publicité, le directeur du jury a donné droit de conclure que cette formalité n’a pas été observée. Que ceci se trouve, encore fortifié par ce qui est dit que le tirage a été fait, dans la chambre de la direction du jury, lieu qui à la difference de la salle d’audience n’est pas par sa destination ouvert au public. Vue la publicité du tirage au sort du jury d’accusation prescrite par la loi, à peine de nullité, est pour les accusés la garantie de la fidelité de ce tirage, comme la presence des officiers municipaux l’est a l’egard du jury de jugement D’où il suit, qu’il y a eu de la part du directeur du jury d’accusation de Fougeres, contravention à l’article 492 […], dont l’exécution est prescrite à peine de nullité par l’article 525220 que la Cour de justice criminelle d’Ille-et-Vilaine eut dû annuller cet acte de procédure comme le lui prescrivait le §. 5. de l’art. 546 du code des delits et des peines (…) »221. La nullité de ce procès-verbal a entraîné la cassation des actes suivants et donc de l’arrêt de la Cour de justice criminelle d’Ille-et-Vilaine et le renvoi devant le jury d’accusation d’Avranches. C. La décision du jury d’accusation Les jurés sont présidés par le plus âgé d’entre eux et ce dernier devra recueillir les voix. Lorsqu’ils se sont prononcés favorablement sur la mise en accusation (à la majorité des 218 Cf. annexe 4. L’article 492 du Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV expose que « chaque décadi, le directeur du jury d’accusation, sur la partie de la liste mentionnées en l’article 486, qui comprend les citoyens domiciliés dans son arrondissement, fait tirer publiquement au sort, en présence du commissaire du pouvoir exécutif, établi près de lui, les huit citoyens qui devront, le décadi suivant, former le jury d’accusation ». 220 Selon l’article 525 du Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV, toute contravention notamment au titre consacré à la manière de former et de convoquer le jury d’accusation, emporte nullité. 221 Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 116, arrêt du 26 fructidor an XIII. 219 60 suffrages), le chef des jurés inscrit en bas de l’acte d’accusation la formule : « La déclaration du jury est :oui, il y a lieu ». Le décret des 29 septembre-21 octobre 1791 précise que les jurés n’ont pas à se prononcer sur la culpabilité du prévenu mais sur le fait de savoir « (…) si le délit qu’on lui impute est de nature à mériter l’instruction d’une procédure criminelle et s’il y a déjà des preuves suffisantes à l’appui de l’accusation ». Le Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV reprendra ces précisions dans son article 237. Si le jury, statuant à huis clos estime que les charges sont suffisantes, l’accusé, « pris de corps », est déféré devant le tribunal criminel du département222. Il est transféré à la maison de justice d’Ille-et-Vilaine et son dossier est adressé au greffe du tribunal criminel. Section 2 L’ordonnance de prise de corps L’ordonnance de prise de corps est rédigée par le directeur du jury d’accusation, elle doit être précise et a pour conséquence de transférer l’accusé à la maison de justice du tribunal criminel d’Ille-et-Vilaine. I. Le contenu de cette ordonnance Selon le décret des 16-29 septembre 1791223, dès la déclaration du jury d’accusation, le directeur du jury rend une ordonnance de prise de corps. Par la suite, lorsque l’acte d’accusation sera écrit par le commissaire du gouvernement ou plus tard, par le substitut du procureur général impérial224, ou encore par le magistrat de sûreté, le directeur du jury rendra également cette ordonnance. Ces derniers vont requérir que le directeur du jury dresse une ordonnance de prise de corps. Par exemple, les réquisitions du magistrat de sûreté dans l’affaire de Jeanne Delanoe sont ainsi rédigées : « Nous magistrat de sureté pour l’arrondissement de Saint Malo requerons en vertu des articles deux cent cinquante six, deux cent cinquante huit, deux cent cinquante neuf, deux cent soixante, deux cent soixante un et deux cent soixante deux du code des delits et des peines, qu’il soit par Monsieur le directeur du jury rendu une ordonnance de prise de corps contre 222 J-M. CARBASSE, Histoire du droit pénal et de la justice criminelle, op. cit., page 377. Articles 29 à 33 du titre I de la seconde partie du décret des 16-29 septembre 1791, op. cit. 224 Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 146, ordonnance de prise de corps du 3 juin 1808. 223 61 Jeanne Delanoe veuve Georges Hubert ; qu’il lui en soit laissé copie ; qu’il en soit donné avis aux maires de Saint Malo et de Saint Broladre ; et que dans les vingt-quatre heures qui en suivront la notification l’accusée soit conduite à la maison de Justice établie près la Cour de Justice Criminelle du département (…) »225. L’ordonnance de prise de corps comporte tout d’abord une copie de l’acte d’accusation car elle en est la conséquence. Elle contient également le nom de l’accusé, sa désignation, son signalement et son domicile. Cette description est très précise, par exemple, le directeur du jury d’accusation de l’arrondissement de Rennes décrit Pierre Billet ainsi : « (…) le dit Pierre Billet fils de Pierre et d’Anne Laperche agé de vingt huit ans, natif de Mordelles departement d’Ille-et-Vilaine, laboureur, taille de cinq pieds trois pouces cheveux, sourcils et barbe chatains, visage alongé, front moyen, yeux gris, nez pointu, bouche moyenne, menton pointu (…) »226. Tout signe permettant de distinguer l’accusé est précisé. Par exemple, concernant Pierre Tardif, il est indiqué qu’il a un doigt de la main gauche raccourci227. Le Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV précise dans son article 259, que l’ordonnance de prise de corps doit rappeler la loi en conformité de laquelle elle est portée comme il a pu être observé dans l’exemple concernant Pierre Billet. Enfin, l’ordonnance comprend l’ordre de conduire directement l’accusé à la maison de justice du tribunal criminel d’Ille-et-Vilaine. En principe, l’accusé est envoyé au tribunal criminel du département, cependant il peut, dans deux cas, demander à être jugé par l’un des tribunaux criminels des deux départements les plus proches : si le jury d’accusation est celui du lieu où siège le tribunal criminel ou si l’accusé habite au lieu où est établi le tribunal228. Ces tribunaux sont indiqués par l’ordonnance de prise de corps, l’accusé devant faire connaître sa réponse dans les vingt-quatre heures au greffe. 225 Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 160, ordonnance de prise de corps du 15 février 1810. Ibidem, 2 U 41, ordonnance de prise de corps du 30 nivôse an VIII. 227 Ibidem, 2 U 133, ordonnance de prise de corps du 30 novembre 1806. 228 Article 3 du titre IV de la seconde partie du décret des 16-29 septembre 1791, op. cit. 226 62 Cette possibilité se retrouve dans cinq cas d’uxoricides car les prévenus étaient mis en accusation par le jury de Rennes, ces derniers avaient donc le choix entre le tribunal criminel d’Ille-et-Vilaine, du Morbihan et de la Mayenne229. Si l’ordonnance de prise de corps ne contient pas un des éléments décrits ci-dessus, elle est considérée comme nulle. Une copie de cette ordonnance est adressée à l’accusé. Un avis en est également donné par le directeur du jury à la municipalité dans laquelle l’assemblée du jury d’accusation s’est tenue ainsi qu’ à celle du domicile du prévenu230. Ainsi, le directeur du jury du district de Montfort, après la mise en accusation de Jean Villeneuve rédige une ordonnance de prise de corps dont l’accusé aura copie mais qui sera également notifiée à la municipalité de Montfort et à la paroisse des Iffs, lieu de résidence de Jean Villeneuve231. Le Code des délits et des peines précise, qu’à défaut, le directeur du jury encourt la suspension de ses fonctions. II. Les conséquences de l’ordonnance L’ordonnance de prise de corps ordonne la conduite de l’accusé de la maison d’arrêt à la maison de justice du tribunal criminel d’Ille-et-Vilaine. Ce transfert est exécuté suite aux ordres du commissaire du roi du tribunal du district et ce, dans les vingt-quatre heures suivant la signification de l’ordonnance de prise de corps232. Il en est fait mention dans l’ordonnance de prise de corps. De plus, le dossier est transféré au greffe du tribunal criminel. Le Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV précise que les perquisitions, poursuites, significations ou tout autre acte effectué en vertu de l’ordonnance du directeur du jury sont faits à la requête et diligence du commissaire du pouvoir exécutif233. Suite à cette ordonnance et ce transfert, l’accusé n’est plus détenu sur une simple prévention mais par la décision des jurés d’accusation et de l’ordonnance de prise de corps. Il restera détenu pendant toute la durée de l’instruction du procès. De nouveaux jurés vont alors statuer sur son sort. 229 Par exemple, archives départementales d’Ille-et-Vilaine, L 3029, ordonnance de prise de corps du 14 brumaire an VI. 230 Décret des 29 septembre-21 octobre 1791, op. cit. 231 Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, L 2886, ordonnance de prise de corps du 1er mai 1792. 232 Décret des 29 septembre-21 octobre 1791, op. cit. 63 III. Le cas particulier du contumax Si l’accusé ne comparaît pas dans les huit jours (dans les dix jours à partir du Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV) suivant l’ordonnance de prise de corps, il ne peut être détenu et la procédure concernant les contumaces va s’appliquer. Le président du tribunal criminel d’Ille-et-Vilaine rend une ordonnance à l’encontre de ce dernier « (…) portant qu’il sera fait perquisition de sa personne et que chaque citoyen est tenu d’indiquer l’endroit où il se trouve (…) »234. Par exemple, dans l’ordonnance de contumace rendue contre Jacques Peignard et dressée par le président de la Cour de justice criminelle d’Ille-et-Vilaine, ce dernier expose : « (…) en exécution des articles quatre cent soixante deux et quatre cent soixante trois du titre neuf du Code du trois brumaire an quatre ordonnons qu’il sera fait perquisition de la personne dudit Jacques Peignard prévenu d’assassinat premédité envers sa femme, ordonnons à tous citoyens d’indiquer le lieu de la résidence actuelle du dit Peignard, que la presente ordonnance et celle de prise de corps duement notifiée au domicile dudit Peignard, seront publiées le dimanche a son de trompe ou de caisse et affichées a son domicile le tout a la diligence du Procureur Général Impérial (…) »235. Cette ordonnance et celle de prise de corps sont affichées à la porte de l’accusé et de son domicile élu à la diligence du commissaire du roi. Ainsi, elles sont, par exemple, affichées à la porte du domicile de Jean Villeneuve et à celle de l’église de son domicile pendant deux dimanches236. L’ordonnance du président du tribunal criminel est proclamée dans ces lieux deux dimanches consécutifs. Cette déclaration est exécutée à son de trompe ou de caisse devant le dernier domicile connu de l’accusé. Or, concernant Jacques Peignard, ce dernier n’habitait plus à ce domicile depuis quatre ou cinq ans et après avoir interrogé la nouvelle habitante et avoir fait des recherches dans les environs en compagnie de deux gendarmes, l’huissier revient devant cette maison et il relate dans son procès verbal : « (…) pourquoi nous nous sommes rendus a la principale porte d’entrée de la maison (le dernier domicile connu) […] où le dit Vincent Allix ayant battu sur sa caisse nous avons en presence des dits gendarmes et de plusieurs personnes assemblées autour de nous faite a 233 Article 264 du Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV, op. cit. Titre IX de la seconde partie du décret des 16-29 septembre 1791, op. cit. 235 Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 135, ordonnance de contumace du 29 décembre 1806. 234 64 haute et intelligible voix : lecture et publication tant de l’ordonnance de prise de corps et de l’ordonnance de perquisition que du present, avec injonction a tous citoyens qui ont connaissance du lieu ou s’est retiré Jacques Peignard d’en donner indication declarant a ce dernier que faute a lui de se presenter a justice dans la huitaine il sera declaré rebelle a la loi (…) »237. A la suite de ce délai, les biens de l’accusé seront saisis à la requête du commissaire du roi. Huit jours après la dernière proclamation, le président du tribunal criminel d’Ille-etVilaine rend une seconde ordonnance, appelée ordonnance de prescription, par laquelle l’accusé est déchu du titre de citoyen français, de plus, « (…) toute action en justice lui est interdite pendant tout le temps de sa contumace, et […] il va être procédé contre lui malgré son absence (…) »238. Cette ordonnance est également affichée et proclamée comme les précédentes. Le Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV modifie le délai qui devient de dix jours et précise que l’accusé est déclaré rebelle à la loi. Après un délai de quinze jours, le procès continue comme n’importe quel procès avec néanmoins quelques exceptions. 236 Ibidem, L 2886, ordonnance de perquisition du 29 mai 1792. Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 135, procès verbal de perquisition du 11 janvier 1807. 238 Titre IX de la seconde partie du décret des 16-29 septembre 1791, op. cit. 237 65 Partie III Le jugement et la condamnation Les pièces de l’affaire transférées au tribunal criminel, la procédure de jugement est enclenchée. L’accusé est présenté à la prochaine session de ce tribunal et ne doit rester, en principe, que trente jours maximum à la maison de justice239. Il va être jugé puis condamné, si le jury de jugement le déclare coupable à une peine correspondant au crime commis. La procédure devant ce tribunal est orale, contradictoire, publique et purement accusatoire240. En cas de non respect de la procédure, le condamné a la possibilité de faire un recours devant le tribunal de cassation. Chapitre 1 La procédure de jugement devant le tribunal criminel A ce stade de la procédure, de nouveaux « acteurs » vont apparaître. L’accusé sera jugé par un nouveau jury appelé jury de jugement et condamné à une peine par les juges du tribunal criminel. Cependant, ce tribunal connaît la concurrence du tribunal spécial en matière de crimes et donc d’uxoricides et de parricides. Section 1 La préparation du procès Le président du tribunal criminel a un rôle important avant même le début du procès : il doit entendre le prévenu afin de voir s’il a de nouvelles déclarations à lui faire et convoquer le jury de jugement. 239 B. SCHNAPPER, Voies nouvelles en histoire du droit : la justice, la famille, la répression pénale (XIVèmeXX siècles), Fontenay-le-Comte, Presses Universitaires de France, publications de la faculté de droit et des sciences sociales de Poitiers, Tome XVIII, juillet 1991, page 228. 240 J-M. CARBASSE, Dictionnaire de la culture juridique, au mot Jury, op. cit.. ème 66 I. L’audition du prévenu Le président du tribunal criminel entend l’accusé dès son arrivée dans la maison de justice et dans les vingt-quatre heures au plus tard et ce, en présence du commissaire du roi et de l’accusateur public. Il peut toutefois commettre un juge qui procédera à l’audition, les réponses données par l’accusé étant prises en note et remises au président241. Cet interrogatoire a lieu dans l’auditoire du tribunal criminel d’Ille-et-Vilaine, l’accusé y comparaît libre et sans fers242. Dans la plupart des cas étudiés, le président du tribunal ou l’un des juges commis à cet effet ne posent que très peu de questions : « (…) A lui demandé ses nom, prénom, âge, profession et demeure avant son arrestation […] A lui demandé s’il a quelque nouvelle déclaration à faire ou s’il veut changer ou augmenter ou diminuer à ses précédentes déclarations (…) »243. Le plus souvent, les accusés maintiennent leurs déclarations, cependant certains cherchent à revenir dessus et s’innocenter comme Jean Bienassis qui répond « (…) n’avoir rien a adjoutter si l’en est qu’il y avoit trois scelerats qui doivent lui avoir joué d’un tour ainsi que deux qui passerent par chez lui le lundy de paques dernier pour demander a boire qu’il lui en refusa le mit dehors de chez lui […] que le particullier lui dit qu’il s’en repentiroit qu’il s’en est bien repenty (…) »244. A l’issue de cet interrogatoire, le président du tribunal criminel demande à l’accusé le nom du conseil qu’il a choisi pour l’aider dans sa défense. Il peut choisir un ou deux amis, un conseil ou le président peut lui en désigner un d’office à peine de nullité245. Au sein des cas de parricides et d’uxoricides étudiés ici, un conseiller apparaît très fréquemment, il s’agit de maître Rebillard. Le conseil ne pourra communiquer avec l’accusé qu’après l’audition de ce dernier et le décret des 29 septembre-21 octobre 1791 précise qu’ils ne pourront s’entretenir que deux jours après l’arrivée de l’incriminé dans la maison de justice. Il expose également que le conseil devra 241 Article 10 du titre IV de la seconde partie du décret des 16-29 septembre 1791, op. cit. Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 59, audition du 5 nivôse an IX. 243 Ibidem, 2 U 51, audition du 13 thermidor an VIII. 244 Ibidem, 2 U 43, audition du 9 floréal an VIII. 245 Article 13 du titre IV de la seconde partie du décret des 16-29 septembre 1791, op. cit. 242 67 prêter serment devant le tribunal de « (…) n’employer que la vérité dans la défense de l’accusé, et de se comporter avec décence et modération ». Les articles 324 et 325 du Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV précisent que les pièces sont ensuite communiquées au commissaire du pouvoir exécutif. Ce dernier vérifie le respect des formes de la délivrance du mandat d’arrêt et de l’instruction. A la suite de ce contrôle, il écrira « la loi autorise » en bas de l’ordonnance de prise de corps. L’accusateur public fait les diligences nécessaires afin que l’accusé soit jugé à la première assemblée du jury suivant son arrivée246. II. Le tirage au sort et la convocation des jurés de jugement Le président fait former le tableau des jurés de jugement le premier de chaque mois. Douze jurés seront ainsi choisis afin de se prononcer sur les parricides et uxoricides devant le tribunal criminel d’Ille-et-Vilaine. A. Le principe Les jurés de jugement sont choisis parmi les électeurs inscrits sur un registre tenu dans chaque district dont une copie est donnée au procureur-général-syndic du département. Ce dernier choisit, tous les trois mois, sur la liste deux cents citoyens qui forment la liste du jugement247. Tous les premiers de mois, un tableau de douze jurés est formé et aucun d’entre eux ne doit avoir été juré d’accusation dans cette même affaire. Le président du tribunal criminel présente à l’accusateur public la liste des jurés, en présence du commissaire du roi et de deux officiers municipaux. L’accusateur public a la possibilité d’en exclure vingt sans en donner le motif. Le reste des noms étant mis dans un vase, un tirage au sort est effectué et un tableau de douze jurés est constitué. Trois autres jurés sont également tirés au sort, ils servent d’adjoints dans le cas où le tribunal criminel serait convaincu que le jury de jugement s’est évidemment trompé248. Le tableau du jury de jugement doit donc comptabiliser quinze jurés à peine de nullité249. 246 Article 19 du titre IV de la seconde partie du décret des 16-29 septembre 1791, op. cit. Titre IX de la seconde partie du décret des 16-29 septembre 1791, op. cit. 248 Décret des 29 septembre-21 octobre 1791, op. cit. 249 Article 337 du Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV, op. cit. 247 68 Aucun document ne relate le tirage au sort dans les archives d’Ille-et-Vilaine concernant les parricides et les uxoricides. Ce tableau est ensuite présenté à l’accusé qui a vingt-quatre heures pour récuser les jurés. Il a la possibilité de le faire sans donner de motifs dans une limite de vingt. En bas de cette notification, l’huissier rédige cette formule qui en explique le but : « (…) pour lui valoir et servir de communication, avec sommation de faire ce qui lui incombe aux termes de la Loi ; et à ce qu’il n’en ignore, je lui ai délivré copie tant dudit tableau que du présent en parlant à sa personne en la maison de justice de Rennes (…) »250. Les jurés sont ensuite convoqués le cinq de chaque mois par le président du tribunal criminel pour se rendre à l’assemblée des jurés le quinze de ce même mois. Tout juré qui ne viendrait pas siéger et qui ne serait pas atteint d’une maladie grave, est condamné par le tribunal criminel à une amende de cinquante livres, à une privation des droits d’éligibilité et de suffrage pendant deux ans. En l’espèce, le tribunal criminel d’Ille-et-Vilaine n’a condamné aucun juré pour absence les affaires d’uxoricides et de parricides. Il semblerait que les jurés aient tous été présents lors des audiences. B. Le cas particulier du jury spécial de jugement Comme vu précédemment, les jurés spéciaux sont institués lorsque le directeur du jury exerce directement les fonctions d’officier de police judiciaire. Les uxoricides commis par Jean Bienassis251 et par Julien Legendre252 ont été examinés par de tels jurés. Le président de l’administration départementale dresse la liste des citoyens destinés à former le jury spécial de jugement. Il choisit trente citoyens « (…) ayant les qualités et connaissances nécessaires pour prononcer sainement et avec impartialité sur ce genre de délit »253. Le président en fait tirer au sort quinze pour former le tableau des jurés et des adjoints. Ce dernier est présenté à l’accusé qui aura ainsi la possibilité de récuser le jury. L’accusateur public ne peut, quant à lui, récuser les jurés. 250 Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 146, notification du 2 juillet 1808. Ibidem, 2 U 43, état et mémoires des frais faits devant le juge de paix et le directeur du jury (sans date). 252 Ibidem, 2 U 37, notification d’un nouveau tableau de cinq jurés spéciaux de jugement à l’accusé du 14 vendémiaire an VIII. 251 69 Les jurés tirés au sort et convoqués, l’audience du procès peut avoir lieu. Section 2 Le procès L’Assemblée constituante a voulu réduire le rôle des juges notamment par l’instauration des jurys mais également détruire le ministère public. Lors d’un procès, l’accusateur public et l’accusé s’opposent. Le premier est chargé de conduire l’accusation à l’audience, il est « l’avocat de la société à l’audience pénale »254. Cependant, il ne représente pas seul le ministère public. En effet, le commissaire du roi intervient après la déclaration de culpabilité rendue par le jury pour requérir l’application de la loi. I. Le rôle des différents intervenants Lors de l’audience de jugement, les juges (le président du tribunal criminel et trois autres juges), l’accusateur public, le commissaire du roi, les jurés, l’accusé, son conseil et le public sont présents. Les fonctions du président du tribunal criminel, des deux représentants du ministère public nécessitent quelques éclaircissements. Le président du tribunal criminel, élu pour six ans255, préside l’instruction, détermine l’ordre des témoins et a la police de l’auditoire256. L’accusateur public, également nommé dans les mêmes conditions, poursuit les délits au nom de la société, sur les actes d’accusation admis par les premiers jurés257. Il ne peut porter au tribunal aucune autre accusation. Le procès est un débat entre l’accusé et lui, l’Assemblée constituante ayant voulu réserver l’accusation au peuple. Le commissaire du roi, quant à lui, représente le roi. L’Assemblée n’a pas voulu confier à l’homme représentant le gouvernement, le droit de diriger et de soutenir les poursuites criminelles258, rôle attribué à l’accusateur public. Il doit uniquement requérir l’application de la loi. Il fait aux juges toutes les réquisitions qu’il estime convenables et le tribunal doit lui en délivrer acte et en délibérer. Pour se faire, le commissaire du roi (ou son substitut) doit 253 Articles 516 à 525 du Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV, op. cit. R.BADINTER, Naissance d’une justice in Une autre justice 1789-1799, op. cit., pages 9 à 25. 255 Cependant, à partir de l’an VIII, le Premier Consul nommera tous les juges criminels. 256 Titre III de la seconde partie du décret des 16-29 septembre 1791, op. cit. 257 Titre IV de la seconde partie du décret des 16-29 septembre 1791, op. cit. 258 A. ESMEIN, Précis élémentaire de l’histoire du droit français de 1789 à 1814, Révolution, Consulat et Empire, op. cit. 254 70 prendre connaissance de toutes les pièces et actes de l’affaire et assister à l’instruction publique ainsi qu’au jugement. Sous la Constitution de l’an VIII, le ministère public est réunifié, le commissaire du roi devenu commissaire du gouvernement prend les fonctions de l’accusateur public. II. Le début de l’audience Au début de l’audience, l’accusé comparaît à la barre libre et sans fers, le décret des 29 septembre-21 octobre 1791 précisant que le loi a voulu écarter de l’accusé tout ce qui pourrait influer sur sa liberté morale en gênant sa liberté physique. Le président, après lui avoir dit qu’il pouvait s’asseoir, lui demande ses noms, prénoms, âge, profession et demeure259. Il s’adresse également au conseil et lui demande de promettre « (…) de n’employer que la vérité pour la défense de son client (…) »260. Le conseil est également tenu de s’exprimer avec décence et modération. Suite à cette promesse, le président présente les jurés et adjoints et demande à l’accusé « (…) s’il a quelque moyen de reproche (…) » à fournir contre ces citoyens261. III. La prestation de serment des jurés Avant tout débat, le président du tribunal criminel demande à chaque juré de prêter serment individuellement en présence du public, du commissaire du roi, de l’accusateur public et de l’accusé. Ainsi, par exemple, les jurés devant se prononcer sur la culpabilité de Louis Deniel ont dû prêter ce serment : « Citoiens jurés et adjoints Vous promettés d’examiner avec l’attention la plus scrupuleuse les charges portées contre Louis Deniel present a la barre de n’en communiquer avec personnes avant votre declaration de n’ecoutter ni la haine ou la mechanceté ni la crainte ou l’affection de vous decider d’après les charges et moiens de deffense de l’accusé suivant votre conscience, votre intime et profonde conviction avec l’impartialité et la fermeté qui conviennent a des hommes libres »262. 259 Titre VII de la seconde partie du décret des 16-29 septembre 1791, op. cit. Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 59, jugement du 22 nivôse an IX. 261 Idem. 262 Ibidem, 2 U 59, jugement du 22 nivôse an IX. 260 71 Les jurés devront également promettre « (…) fidelité à la Constitution (…) »263 ou « (…) haine a la roiauté, a l’anarchie attachement et fidelité a la Republique et a la Constitution de l’an trois (…) »264 ou encore « (…) à l’Empire (…) »265 selon les régimes en place. Les trois adjoints ne prêtent serment que lorsqu’ils sont requis de se joindre aux jurés. A la suite de la prestation de serment, les jurés s’asseyent séparément du public et des parties et sont placés face à l’accusé et aux témoins. Ils ne peuvent plus communiquer avec personne tant qu’ils sont dans l’auditoire sauf s’ils désirent des éclaircissements. Le président du tribunal criminel dirige les jurés dans l’exercice de leurs fonctions : il leur expose l’affaire et leur rappelle leur devoir. IV. L’audition des témoins L’article 2 du titre III de la seconde partie du décret des 16-29 septembre 1791 précise que le président peut faire ce qui lui paraît utile pour la manifestation de la vérité et que « (…) la loi charge son honneur et sa conscience d’employer tous ses efforts pour en favoriser la manifestation ». Le décret des 29 septembre-21 octobre 1791 précise que des éclaircissements peuvent être demandés par les parties ou les jurés. Seuls ceux qui auraient pour conséquence de prolonger inutilement le débat doivent être écartés. Des témoins sont donc entendus. Ils réitèrent principalement leurs déclarations faites lors de l’instruction. Cependant, certains témoignages ne peuvent être entendus notamment ceux des ascendants contre les descendants, d’un mari contre sa femme ou d’une femme contre son mari266. En cas de tentative de parricide ou d’uxoricide, la victime n’est donc pas entendue. Le président demande à l’accusé d’être bien attentif à ce qu’il va entendre. Il ordonne ensuite au greffier de lire l’acte d’accusation, puis dit à l’accusé « voilà de quoi l’on accuse, vous allez entendre les charges qui seront produites contre vous »267. A cet instant, l’accusateur public expose le sujet de l’acte d’accusation et fait entendre ses témoins dont la liste est notifiée vingt-quatre heures au moins avant leur audition. 263 Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 59, jugement du 22 nivôse an IX Ibidem, L 3074, jugement du 16 nivôse an VII. 265 Ibidem, 2 U 146, jugement du 17 juillet 1808. 266 Article 15 du titre VII de la seconde partie du décret des 16-29 septembre 1791, op. cit. 267 Titre VII de la seconde partie du décret des 16-29 septembre 1791, op. cit. 264 72 Sur la cédule envoyée aux témoins, il est indiqué, à partir du Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV, que si le témoin ne comparaît pas devant le tribunal il encourt les sanctions des articles 420 et 421 du même code268 ou celles prononcées par la loi du 11 prairial an IV269. L’article 420 condamne le témoin qui ne serait pas venu à payer « (…) tous les frais des citations, actes, voyages de témoins et autres, ayant pour objet de faire juger l’affaire dans cette session ». De plus, il sera amené à la session suivante par la force publique pour témoigner. Quant à l’article 421, il dispose que « le témoin qui n’a pas comparu est condamné à une amende triple de sa contribution personnelle ». Enfin, la loi du 11 prairial an IV prévoit une peine de détention de huit jours à un mois. Le président ordonne au greffier de lire l’acte d’accusation et le décret du 5 pluviôse an II relatif aux faux témoins, aux témoins. A cette occasion, il rappelle, à l’accusé le sujet de l’acte d’accusation et présente la liste des personnes assignées avec requête qui lui a été notifiée. Ensuite, il demande aux témoins de se retirer dans l’appartement préparé pour eux et de venir ensuite dans l’ordre où ils seront appelés par le commissaire du roi. Les témoins justificatifs sont entendus après les témoins à charge270. Avant l’audition d’un témoin, le président fait donner lecture du procès-verbal annexé à l’acte d’accusation excepté la partie contenant les déclarations des témoins271. Il lui demande « de dire la vérité, rien que la vérité »272 et également s’il est parent, allié, serviteur ou domestique d’une des parties. Lors de l’audience du jugement de Louis Deniel, l’une des personnes convoquées a déclaré être le beau-frère de ce dernier. Le tribunal criminel d’Ille-et-Vilaine a « (…) arresté qu’il se retireroit sur le champ de l’audience et ne seroit point entendu » et ce dernier s’est immédiatement retiré273. A la suite de la déposition, le président s’adresse à l’accusé et lui demande s’il veut répondre à ce qui vient d’être dit contre lui. Ce dernier et son conseil peuvent faire, à cet instant, des remarques utiles à la défense. L’accusé fait, ensuite, entendre les témoins de la défense qui attestent qu’il est homme d’honneur, de probité et d’une conduite irréprochable274. 268 Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, L 3074, cédule à témoins du 3 nivôse an VII. Ibidem, 2 U 133, cédule du 3 brumaire an IV. 270 Ibidem, 2 U 161, séance de jugement des 17, 18, 19 et 20 juillet 1810. 271 Ibidem, 2 U 59, jugement du 22 nivôse an IX. 272 Décret des 29 septembre-21 octobre 1791, op. cit. 273 Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 59, jugement du 22 nivôse an IX. 274 Idem. 269 73 S’il semble que l’un des témoins a menti, le président dresse un procès-verbal et peut, sur la réquisition de l’accusateur public ou de l’accusé ou de son conseil, le faire arrêter immédiatement. Il est alors renvoyé devant le directeur du jury d’accusation du lieu, l’acte d’accusation étant dressé par le président du tribunal criminel275. Lors des auditions concernant l’uxoricide commis par François Moulin, le procureur général impérial a été entendu dans ses conclusions sur le fond de l’affaire et a « (…) argué comme fausses les depositions (…) » de quatre personnes. Il a donc requis le président de la cour criminelle de dresser un procès-verbal « (…) des faits caracteristiques de fausseté des depositions des temoins […] les mettre en etat d’arrestation après les débats de l’affaire terminés et delivrer à cet effet des mandats d’arrests contre les dits témoins en vertu duquel il les fera conduire devant le directeur du jury de Rennes (…) ». Le président a alors entendu chaque témoin. Puis, le conseil et le procureur général impérial ont été entendus. Le lendemain, le président a de nouveau entendu les quatre témoins et leur a demandé « (…) s’ils avoient quelque nouvelle declaration à faire (…) » et sur leur réponse affirmative, il les a auditionnés séparément. Après qu’ils ont avoué avoir menti, l’accusé a soutenu que « (…) ce qu’ils declaroient etoit faux et qu’ils avoient eté gagnés par argent (…) ». Le procureur général a ensuite pris la parole et déclaré se désister des conclusions qu’il avait prises contre eux, ce à quoi le président a fait droit276. Dans le cas où plusieurs coaccusés comparaissent devant le tribunal criminel, ils sont jugés par le même jury car ils sont compris dans le même acte d’accusation. Chacun d’eux fait l’objet d’un débat distinct et le tribunal criminel détermine l’ordre dans lequel ces différents débats auront lieu en commençant toujours par le principal accusé. Les autres sont présents et peuvent faire toutes les observations qu’ils jugent nécessaires277. Ce fut le cas pour les procès d’uxoricides concernant les affaires de Madeleine Davory278 et de Rose Garçon279. 275 Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 59, jugement du 22 nivôse an IX. Idem. 277 Idem. 278 Ibidem, 2 U 82, jugement du 18 messidor an X. 279 Ibidem, 2U 34, questions et déclarations du 16 messidor an IX. 276 74 Il arrive que les auditions de témoins soient trop longues et que le président du tribunal criminel interrompe la séance « (…) pour ne pas fatiguer l’intention des jurés (…) »280. Dans ce cas, les auditions restantes ont lieu le lendemain. Les témoins auditionnés, l’accusateur public est entendu et le conseil de l’accusé lui répond. Le président résume alors l’affaire, fait remarquer les principales preuves en faveur et contre l’accusé aux jurés. Le décret des 29 septembre-21 octobre 1791 précise que « ce résumé est destiné à éclairer le jury, à fixer son attention, à guider son jugement requis ; il ne doit pas gêner sa liberté ». Le Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV281 précise les fonctions que les jurés ont à remplir, le président devant leur lire une instruction résumant ce qu’il vient d’être dit, également affichée dans la chambre des jurés et qui rappelle les pièces sur lesquelles ils doivent se fonder, l’intime conviction devant les guider282. Le président demande ensuite aux jurés de se retirer dans la chambre du jury et ordonne que l’accusé soit conduit à la maison de justice. V. La décision du jury de jugement et le prononcé de la peine Pour pouvoir prendre une décision, les jurés ont à leur disposition les pièces de la procédure. Ces derniers doivent répondre selon leur intime conviction aux questions relatives au crime et à la culpabilité de l’accusé et rédigées par le président du tribunal criminel. A. L’examen des pièces Les jurés doivent examiner les pièces du procès, excepté les déclarations écrites des témoins. Ils ont donc principalement à examiner l’acte d’accusation et les procès-verbaux. Ils fondent leur opinion sur ces documents et sur ce qu’ils ont entendus lors de l’audience. La loi leur demande « (…) de s’interroger eux-mêmes dans le silence et le recueillement, et de chercher, dans la sincérité de leur conscience, quelle impression ont faite sur leur raison les preuves apportées contre l’accusé, et les moyens de la défense […], elle ne leur fait que cette seule question, qui renferme toute la mesure de leur devoir : « Avez-vous une intime conviction ? » » 283. 280 Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 59, jugement du 22 nivôse an IX Article 372 du Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV, op. cit. 282 Cf. annexe 3. 283 Décret des 29 septembre-21 octobre 1791, op. cit. 281 75 B. Les questions posées aux jurés Le président du tribunal criminel, après avoir rappelé aux jurés les fonctions qu’ils ont à remplir, pose clairement les questions auxquelles ils devront répondre et relatives au fait, à son auteur et à son intention. La loi a voulu aller plus loin et « comme c’est l’intention qui fait le crime, elle a voulu que les jurés quoique certains du fait matériel et connaissant son auteur, puissent scruter les motifs, les circonstances et la moralité du fait »284. Dans un premier temps, le jury doit déclarer si le fait est constant ou non et dans un second temps, si l’accusé est convaincu de l’avoir commis. Quant aux questions relatives à l’intention, elles résultent de l’acte d’accusation ou de la défense de l’accusé ou du débat. Les plus favorables à l’accusé sont les premières posées. Les questions suivantes sont particulières à l’homicide, plusieurs circonstances devant être distinguées. Il s’agit de savoir si l’uxoricide ou le parricide a été commis légitiment, par pure volonté mais sans imprudence, par imprudence, à la suite d’une provocation violente, par l’effet d’un premier mouvement (le meurtre) ou par dessein prémédité (l’assassinat)285. Par exemple, les questions posées concernant le parricide commis par Julien Delions sont les suivantes : « (…) Est il constant que le deux juillet mil sept cent quatre vingt douze vieux stile il ait été commis un homicide dans la personne de Jullien Delions pere du village de Pont-Gillard commune de Cadroc ? […] Jullien Delions fils est il convaincu d’etre autheur de cet homicide […] L’a t il commis volontairement […] L’homicide lui a t il été commandé indispensablement par la necessité actuelle de la legitime deffense de soi meme ou d’autruy (…) »286. Lorsque la folie est avancée comme excuse à l’uxoricide, le jury de jugement doit se prononcer sur ce point comme dans le cas de Jean Bienassis. Cependant, il est à noter que la 284 285 Décret des 29 septembre-21 octobre 1791, op. cit. Idem. 76 folie des criminels au moment du crime est incertaine. Une décision légitime va être fondée sur un domaine peu consensuel287. Sous l’Ancien Régime, le juge devait rassembler des éléments de preuve pour se déterminer notamment par le biais d’une enquête, d’une audition de l’aliéné. Le diagnostic judiciaire était laissé à l’appréciation du magistrat288. Les questions posées au jury de jugement au sujet de Jean Bienassis, sont les suivantes : « (…) Est-il constant que le vingt six germinal dernier il ait eté commis un homicide dans la personne d’Anne Lepinay femme de Jan Bienassis au lieu du Val de Bas commune de Plechatel […] Jan Bienassis est il autheur de cet homicide en est il ou non convaincu […] Jan Bienassis etoit il sujet a des accez de folie […] A t il donné la mort a son epouse dans un accez de folie (…) »289. Les réponses ayant toutes été positives, les questions relatives à la volonté, la légitime défense, la violente provocation et la préméditation n’ont pas été examinées par le jury. Concernant Pierre Legaud, une question supplémentaire est posée. Il s’agit de savoir si la folie furieuse rend les violences envers sa femme excusables, le jury de jugement va y répondre positivement290. Lorsque l’uxoricide est soupçonné avoir été commis par empoisonnement, des questions spécifiques sur le moyen et sur le destinataire sont également posées. Par exemple, ces questions vont être posées concernant la culpabilité de Rose Garçon : « (…) Est-il constant que du 17 au 21 juin derniers, il ait eté tenté d’homicider, par le poison, Jan Clanchin […] ? […] Est-il constant que les tentatives d’empoisonnement aient eté faites avec de l’arsenic mis dans du lait baratté et de la soupe ? 286 Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, L 3074, jugement du 16 nivôse an VII. L. GUIGNARD, Prouver la folie aux assises 1791-1865 in La détérioration mentale. Droit, histoire, médecine et pharmacie. Actes du colloque interdisciplinaire d’Aix-en-Provence (7-8 juin 2000), Aix-enProvence, Presses Universitaires d’Aix-Marseille 2002, collection Droit de la Santé, 2002, pages 121 à 134. 288 M-Y. CREPIN, Le diagnostic judiciaire de la démence au XVIIIème siècle, in La détérioration mentale. Droit, histoire, médecine et pharmacie. Op. cit., pages 93 à 107. 289 Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 43, questions et déclarations du 26 prairial an VIII. 287 77 […] Est-il constant que les alimens aient eté spécialement destinés à l’usage de Jan Clanchin ? (…)»291. Les déclarations sont ensuite remises par écrit au chef des jurés292 par le président. Le jury se retire dans sa chambre. C. La déclaration des jurés Une fois leur décision prise, les jurés avertissent le président du tribunal criminel. Ce dernier commet l’un des juges qui se rend dans la chambre du conseil accompagné du commissaire du roi et du chef du jury. Les jurés s’y rendront à tour de rôle et feront leur déclaration en répondant dans l’ordre où les questions ont été posées. La première question concerne l’homicide, s’il est déclaré constant, le juré répondra à la question de savoir si l’accusé en est l’auteur. Puis, les questions suivantes particulières à l’uxoricide et au parricide sont posées. Ces diverses déclarations sont précédées d’un serment : le juré, la main sur le cœur, dit « sur mon honneur et ma conscience, le fait est constant, ou le fait ne me paraît pas constant : l’accusé est convaincu, ou l’accusé ne me paraît pas convaincu »293. Des boîtes sont disposées dans le bureau de la chambre du conseil : les blanches pour formuler que le fait n’est pas constant et les noires pour exprimer qu’il est constant. Il y en a autant que de questions posées. Après sa déclaration, le juré mettra des boules blanches ou noires dans les boîtes correspondantes afin d’exprimer son opinion. Une fois les déclarations de jurés terminées, l’ouverture des boîtes se fait en leur présence, les boules sont comptées et le résultat forme la déclaration générale du jury. Par exemple, la première boîte ouverte concerne le fait. S’il y a trois boules blanches, le fait est déclaré non constant et la délibération est terminée294 comme cela a été le cas concernant Pierre Billet295. 290 Ibidem, 2 U 56, questions et déclarations du 15 frimaire an IX. Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 134, questions et déclarations du 8 mars 1807. 292 Le chef du jury de jugement est le premier juré inscrit sur la liste. 293 Titre VII de la seconde partie du décret des 16-29 septembre 1791, op. cit. 294 Décret des 29 septembre-21 octobre 1791, op. cit. 295 Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 41, questions et déclarations (sans date). 291 78 Une majorité de dix voix sur douze sur les trois questions principales est requise pour la condamnation, la majorité requise est donc très importante. Au contraire, il y a acquittement lorsqu’il existe trois votes négatifs au total sur l’existence du fait délictueux, son imputation à l’accusé et l’intention296. Les jurés reviennent ensuite dans l’auditoire et le président leur demande si l’accusé est convaincu d’être l’auteur de l’homicide ou de la tentative. Le chef des jurés répond en utilisant cette formule « sur mon honneur et ma conscience, la déclaration du jury est (…) ». Par exemple, le chef des jurés de jugement se prononce ainsi concernant Mathurine Hubert : « (…) sur mon honneur et ma conscience, la déclaration du juré est, qu’un homicide a été commis le 10 Brumaire dernier dans la personne de Julien Hamon, que le fait est constant ; que Mathurine Hubert veuve dudit Hamon est auteur du fait, qu’elle est convaincue ; que l’homicide n’a pas été indispensablement commandé par la nécessité actuelle de la légitime defense de soi ou d’autrui ; que l’homicide n’a pas été commis par l’effet d’une simple imprudence, mais qu’il a été l’effet d’une violente provocation (…) » 297. Cette déclaration comporte autant d’articles qu’il y a de questions298 et elle est signée par le greffier et le président du tribunal criminel. D. La peine Bien que poursuivis pour parricides et pour uxoricides, certains accusés ne seront pas condamnés à mort voire même seront acquittés299. 1. L’acquittement ou la condamnation à une autre peine Si l’accusé est déclaré non convaincu de l’uxoricide ou du parricide porté dans l’acte d’accusation ou si le jury a déclaré que le fait a été commis involontairement et sans intention de nuire, il sera absous. Le président prononce sans entendre les réquisitions du commissaire du roi, l’acquittement de l’accusé et ordonne sa remise en liberté immédiate300. L’individu acquitté ne pourra plus être accusé pour le même fait. 296 B. SCHNAPPER, Le jury criminel in Une autre justice 1789-1799, op. cit. Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, L2948, déclaration du chef des jurés du 15 frimaire an III. 298 Ibidem, 2U59, jugement du 22 nivôse an IX. 299 Cf. annexes 1 et 2. 300 Décret des 29 septembre-21 octobre 1791, op. cit. 297 79 Pierre Billet301, Rose Garçon302 et Pierre Legaud303 vont être acquittés par le tribunal criminel d’Ille-et-Vilaine. Concernant Pierre Billet, l’homicide ne sera pas reconnu. Rose Garçon, quant à elle, ne sera pas reconnue auteur de la tentative d’empoisonnement contre son mari. Enfin, Pierre Legaud sera excusé car reconnu « (…) sujet à des accez de folie furieuse ». Deux autres prévenus d’uxoricides n’ont pas été condamnés pour ce crime : Pierre Tardif a été condamné pour violences volontaires envers sa femme mais n’ayant pas entraîné sa mort304 et Julien Jumel condamné pour violences volontaires sur sa femme mais sans intention de la tuer305. Dans ces derniers cas, les auteurs de violences vont être condamnés à d’autres peines que la peine de mort. Seule la peine de Julien Jumel a été trouvée au sein des archives départementales d’Ille-et-Vilaine. Le tribunal criminel d’Ille-et-Vilaine l’a condamné à « (…) cinq cens francs d’amende et un an d’emprisonnement par voie de police correctionnelle en conformité des articles treize et quatorze de la loi du mois de juillet mil sept cens quatre vingt onze et de l’article quatre cens trente quatre du Code des Delits et des peines du trois brumaire an quatre […], aux depens de la procedure aux termes de la nouvelle Loi (…) »306. Il apparaît donc que la loi307 donne la compétence au tribunal criminel de prononcer des punitions correctionnelles dans les affaires qui sont portées devant lui. Les articles 20 à 27 du titre I de la première partie du Code pénal de 1791, les condamnés à une telle peine sont « (…) enfermés dans une enceinte destinée à cet effet ». Ils n’ont que du pain et de l’eau, le surplus est le fruit de leur travail. Jean Bienassis a également été condamné à une peine de détention bien que condamné pour uxoricide. Le jury de jugement a reconnu que ce crime avait été commis dans un excès de folie. Le tribunal criminel d’Ille-et-Vilaine a donc prononcé une peine de cinq ans de détention à son encontre « (…) en vu […] de prevenir les excez auxquels il pourroit se porter dans l’etat de demence dont il est affecté (…) »308. 301 Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2U41, questions et déclarations (sans date). Ibidem, 2U134, questions et déclarations du 8 mars 1807. 303 Ibidem, 2U56, questions et déclarations du 15 frimaire an IX. 304 Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 133, questions et déclarations du 16 janvier 1806. 305 Ibidem, 2 U 38, questions et déclarations du 19 brumaire an VIII. 306 Idem. 307 Article 32 du titre VIII de la seconde partie du décret des 16-29 septembre 1791, op. cit. 308 Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 43, pétition du 16 messidor an VIII. 302 80 Enfin, Mathurine Hubert, bien qu’ayant tué son mari, s’est vu reconnaître l’excuse de la violente provocation à son encontre. Le tribunal criminel d’Ille-et-Vilaine l’a donc condamnée à dix ans de gêne et ce, conformément à l’article 9 de la première section du titre II de la seconde partie du Code pénal de 1791. Selon les articles 14 à 19 du titre I de la première partie du Code pénal de 1791, la peine de gêne consiste à être « (…) enfermé seul, dans un lieu éclairé, sans fers ni liens » et sans aucune communication avec d’autres personnes condamnées ou extérieures. Le condamné n’a que du pain et de l’eau, le surplus est le produit de son travail s’il le souhaite. Elle est également condamnée à l’exposition sur la place publique pendant quatre heures avec, au dessus de sa tête « (…) un écriteau où seront inscrits en gros caractère ses noms, sa profession, son domicile, la cause de sa condamnation, et le […] jugement ; le tout conformément à l’article 28 du titre premier de la première partie du même code (…) »309. Enfin, un curateur a été nommé par le commissaire national de Montfort, pour gérer et administrer les biens de Mathurine Hubert conformément aux articles 2 et 3 du titre IV de la première partie du Code pénal de 1791310. Enfin, concernant le parricide commis par Etienne Behours, il semble qu’il n’ait pas été condamné à mort car les jurés de jugement l’ont déclaré coupable de blessures préméditées mais n’ayant pas causé la mort de son père311. 2. La condamnation pour uxoricide ou pour parricide Lorsque l’accusé est déclaré convaincu, il comparaît, en présence du public, devant le président qui lui donnera connaissance de la déclaration du jury de jugement. Le commissaire du roi requiert ensuite la peine312. Le parricide encourt la peine de mort en vertu de l’article 10 de la première section du titre II de la seconde partie du Code pénal ainsi que l’auteur d’un uxoricide en vertu des articles 7 à 9 et 11 à 15 de cette même section. Le président demande une dernière fois à l’accusé s’il n’a rien à dire pour sa défense mais il s’agit uniquement pour ce dernier soit de soutenir que le fait n’est pas défendu par la loi, soit que la loi ne le regarde pas comme un délit, soit qu’il ne mérite pas la peine requise par le commissaire du roi313. 309 Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, L2948, jugement du 15 frimaire an III. Ibidem, L2948, jugement du 15 frimaire an III. 311 Ibidem, 2U51, questions et déclarations (sans date). 312 Décret des 16-29 septembre 1791, op. cit. 313 Idem. 310 81 Les juges vont alors donner leur avis à haute voix et en présence du public, du plus jeune au président du tribunal criminel. Ils diront s’ils condamnent l’accusé à la peine établie par la loi c’est-à-dire la peine de mort ou s’ils l’acquittent dans le cas où le fait dont il est convaincu n’est pas établi par la loi. Le président, avant de prononcer la peine, lit le texte de loi sur lequel le jugement est fondé. Lorsque le parricide ou l’auteur de l’uxoricide est condamné à la peine de mort, ce dernier, avant d’être exécuté, sera exposé aux yeux du peuple et condamné aux dépens de la procédure314, cette dernière condamnation étant issue de l’article 1 du titre II de la loi du 18 germinal an VII315. Ces peines seront étudiées dans le chapitre suivant. Toutes les peines ne sont pas connues, cependant, il apparaît que huit époux auteurs d’uxoricides et deux parricides ont été condamnés à l’exposition et à la peine de mort316. La peine prononcée, le président en exécution de l’article 13 du titre VIII de la seconde partie du décret des 16-29 septembre 1791 puis de l’article 439 du Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV, retrace au condamné « (…) la manière impartiale avec laquelle il a été jugé (…) » et il l’exhorte « (…) à la fermeté, à la resignation (…) »317. De plus, il lui rappelle la possibilité pour lui de se pourvoir en cassation, pourvoi qui sera étudié dans le prochain chapitre. Une copie du jugement est envoyée à la municipalité où se trouve le tribunal de district et à celle du domicile du condamné. Section 3 La compétence concurrente du tribunal criminel spécial La loi du 18 pluviôse an IX318 institue les tribunaux spéciaux mis en place par le gouvernement dans les départements où il les juge utiles319. Ce tribunal connaît des assassinats 314 Par exemple, archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2U59, jugement du 22 nivôse an IX. J-B. DUVERGIER, op. cit., 1825, Tome XI, pages 199 et 200. 316 Cf. annexes 1 et 2. 317 Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 146, jugement du 17 juillet 1806. 318 J-B. DUVERGIER, op. cit., 1826, Tome XII, pages 386 à 390. 319 Sur le tribunal criminel spécial, voir G. BOUËSSEL DU BOURG, L’activité du Tribunal spécial en Ille-etVilaine de 1801 à 1811, op. cit. 315 82 prémédités, sa compétence étant concurrente à celle du tribunal criminel ordinaire320. La procédure est plus rapide et le jury est totalement absent321. Une seule affaire d’uxoricide a été jugée par le tribunal criminel spécial en Ille-et-Vilaine, il s’agit de celui commis par François Gaslain322. I. La formation et l’organisation du tribunal criminel spécial Le tribunal est composé non seulement du président et de deux juges du tribunal criminel mais également de trois militaires ayant au moins le grade de capitaine, et de deux citoyens ayant les qualités requises pour être juges323. Le tribunal spécial ne peut juger qu’en nombre pair avec six juges au moins. Les militaires et les citoyens sont choisis par le Premier Consul. Le commissaire du gouvernement et le greffier sont les mêmes que ceux du tribunal criminel ordinaire. II. La poursuite, l’instruction et le jugement L’uxoricide va être poursuivi d’office et immédiatement par le commissaire du gouvernement324. Les plaintes sont reçues soit par ce dernier, soit par ses substituts, soit par des officiers de gendarmerie ou de police. Elles sont signées par l’officier, par le plaignant s’il sait signer ou par un procureur spécial. Les officiers de gendarmerie ou de police qui ont connaissance d’un crime doivent se transporter sur les lieux et y dresser un procès-verbal détaillé des circonstances de l’uxoricide et des éléments pouvant servir à charge ou à décharge. Enfin, ils décernent les mandats d’amener s’il en est besoin. Les procès-verbaux sont remis dans les vingt-quatre heures au greffe du tribunal avec les éléments de preuve. 320 Titre II de la loi du 18 pluviôse an IX, op. cit. Ce tribunal connaît également des crimes et délits emportant une peine afflictive ou infamante commis par des vagabonds et par des condamnés à une peine afflictive lorsqu’ils ont été commis pendant leurs évasions. Il est également compétent dans les cas de vagabondage et d’évasion des condamnés, de vols particuliers 322 Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 7 U 79. 323 Article 2 de la loi du 18 pluviôse an IX, op. cit. 324 Titre III de la loi du 18 pluviôse an IX, op. cit. 321 83 Dès son arrestation, l’accusé est conduit dans la prison du lieu et dans les trois jours à celle du tribunal. Vingt-quatre heures après son arrivée dans cette dernière, les témoins sont entendus par un juge commis par le président du tribunal criminel spécial. Après avoir étudié les différentes pièces de la procédure et avoir entendu le commissaire du gouvernement, le tribunal criminel spécial juge de sa compétence et ce, sans appel. Il statue en chambre du conseil. La Cour de justice criminelle spéciale d’Ille-et-Vilaine concernant l’uxoricide commis par François Gaslain a statué ainsi sur sa compétence : « (…) Considérant que le delit dont il s’agit est prévu par l’article 10 de la loi du 18 pluviôse an IX […] La Cour se déclare compétente pour connaitre du delit cy devant mentionné, ordonne qu’il sera procedé sans delay à l’instruction et au jugement du fond, a laquelle fin le dit François Gaslain sera traduit à l’audiance publique de la Cour speciale conformément à l’art. 28 du 18 pluviôse an IX (…) »325. Le jugement est signifié dans les vingt-quatre heures à l’accusé. Le tribunal criminel spécial ordonne également dans son arrêt de compétence qu’à la suite de cette signification, le prévenu, ici François Gaslain, soit « (…) transféré de la maison d’arrêt en la maison de justice (…) » et qu’il soit « (…) écroué pour y demeurer jusqu’a l’arrêt definitif (…) »326. Le commissaire du gouvernement adresse le jugement au ministre de la justice pour qu’il soit transmis au tribunal de cassation. En effet, la section criminelle de ce tribunal examine les arrêts de compétence rendus par le tribunal criminel spécial et statue dessus. Il va confirmer celui rendu par la Cour de justice criminelle spéciale d’Ille-et-Vilaine dans l’affaire de François Gaslain : « (…) Considérant que l’article 10 de la loi du 18 pluviôse an IX attribüe aux Tribunaux spéciaux établis en vertu de cette loi concurremment avec les tribunaux criminels ordinaires, la connaissance d’un crime d’assassinat prémédité que la cour de justice criminelle spéciale du département d’Ille-et-Vilaine établie en vertu de la dite loi de pluviôse a été la premiere légalement saisie de l’instruction sur le crime d’assassinat prémédité dont est prévenu François Gaslain 325 Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 7 U 79, arrêt de compétence du tribunal criminel spécial du 5 août 1808. 326 Idem. 84 La Cour confirme l’arrêt de compétence rendu par la dite cour de justice criminelle spéciale le 5 août 1808 (…) »327. L’accusé est ensuite traduit devant le tribunal criminel spécial en audience publique. Des témoins sont entendus à tour de rôle et l’acte d’accusation dressé par le commissaire du gouvernement leur est lu. L’audition des témoins terminée, le commissaire du gouvernement donne ses conclusions. L’accusé ou son conseil seront les derniers entendus. L’arrêt condamnant François Gaslain n’a pas été trouvé dans les archives d’Ille-et-Vilaine. Le tribunal juge le fond en dernier ressort. Une fois la peine prononcée, elle doit être exécutée. Auparavant, le condamné a la possibilité de se pourvoir en cassation mais uniquement sur la forme et non sur le fond de l’affaire et ce, dans un délai de trois jours328. 327 328 Ibidem, 7 U 79, extrait de la minute de la Cour de cassation du 18 août 1808. Article 14 du titre VIII de la seconde partie du décret des 16-29 septembre 1791, op. cit. 85 Chapitre 2 L’exécution du jugement A la fin de la séance de jugement, le président du tribunal criminel d’Ille-et-Vilaine informe le condamné qu’il peut se pourvoir en cassation. Si le pourvoi n’est pas formé ou s’il est rejeté, il sera conduit sur les lieux de l’exécution. Section 1 Le pourvoi en cassation Le décret des 29 septembre-21 octobre 1791 rappelle que « le tribunal de cassation n’est pas […] un degré d’appel ni de juridiction ordinaire, et il n’est institué que pour ramener perpétuellement à l’exécution de la loi, toutes les parties de l’ordre judiciaire qui tiendraient à s’en écarter : le but de cette institution suffit pour expliquer la compétence »329. Il ne juge donc pas le fond de l’affaire, il doit surveiller le « mécanisme judiciaire »330 de l’application des lois. Enfin, un tel pourvoi a pour conséquence le sursis à exécution. Deux parricides sur quatre et huit auteurs d’uxoricide ou de tentative d’uxoricide sur les dix neuf vont se pourvoir en cassation. I. Les conditions du pourvoi en cassation Le président, après avoir exhorté le condamné à la fermeté et la résignation, lui rappelle en même temps son droit à se pourvoir en cassation contre le jugement rendu « (…) s’il trouvoit que quelques unes des formes essentielles prescrites par la loi auraient été violées ou que le Tribunal en avoit fait une fausse application (…) »331. Il lui donne également connaissance des délais du pourvoi et pour faire sa déclaration au greffe du tribunal et y déposer sa requête ou mémoire avec les preuves au soutien contenant ses moyens de cassation. Le condamné est ensuite reconduit à la maison de justice332. Le condamné a la possibilité de se pourvoir en cassation contre le jugement du tribunal criminel d’Ille-et-Vilaine dans un délai de trois jours. Il doit remettre sa requête en cassation 329 Décret des 29 septembre-21 octobre 1791, op. cit. J-L. HALPERIN, Le tribunal de cassation et les pouvoirs sous la Révolution (1790-1799), op. cit., page 81. 331 Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 59, jugement du 22 nivôse an IX. 332 Idem. 330 86 au greffier qui la remet ensuite au commissaire du roi qui l’enverra immédiatement au ministre de la justice333. Dans l’affaire de Louis Deniel, le greffier en chef de la Cour criminelle d’Ille-et-Vilaine s’est déplacé directement à la maison de justice : « (…) nous nous y sommes rendu ou etant nous avons fait venir entre les portes des guichets le dit Louis Deniel lequel m’a déclaré entendre se pourvoir en cassation contre le jugement dudit jour 22 nivose de laquelle declaration il nous a requis de lui rapporter acte ce que nous lui avons octroié en le prevenant qu’aux termes de la Loi il doit dans les dix jours de la datte du present deposer en notre greffe sur requeste un mémoire contenant ses moiens de cassation (…) »334. Le condamné, lorsqu’il sait écrire, peut aussi rédiger un courrier adressé au greffier en chef du tribunal criminel comme Jean Etienne Tehel335. La demande en cassation ne peut être formée que « (…) pour cause de nullité prononcée par la loi, soit dans l’instruction, soit dans le jugement, ou pour fausse application de la loi »336. Cependant, la loi du 16-29 septembre 1791 ne parle que de « (…) violation (…) », « (…) d’omission des formes essentielles dans l’instruction du procès (…) » et de « (…) fausse application de la loi (…) » dans ses articles 23 et 24 du titre VIII337. Le Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV ne fait que préciser ces causes d’annulation338. Par exemple, François Moulin a formé sa demande sur le non respect de l’article 10 de la loi du 7 pluviôse an IX sur le nombre des jurés et adjoints, sur la notification de l’ordonnance de prise de corps et de la liste des jurés de jugement à l’accusé, sur les droits du procureur général et du président de la Cour criminelle à faire tout ce qui était légalement en leur pouvoir pour la manifestation de la vérité lors des débats et enfin, sur la légalité de l’acte d’accusation, la régularité de la procédure et la légalité de la peine339. Le plus souvent, le pourvoi ne concerne que la légalité de l’acte d’accusation, de la peine et la régularité de la procédure comme par exemple, la demande de Vincent Valotaire340. 333 Titre VIII du décret des 16-29 septembre 1791, op. cit. Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 59, acte du greffier en chef de la Cour criminelle du 25 nivôse an IX. 335 Ibidem, 2 U 146, lettre du 18 juillet 1808. 336 Décret des 29 septembre-21 octobre 1791, op. cit. 337 J-L. HALPERIN, Le tribunal de cassation et les pouvoirs sous la Révolution (1790-1799), op. cit., pages 100 et 101. 338 Article 456 du Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV, op. cit. 339 Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 161, extraits des minutes de la Cour de cassation du 20 août 1810. 340 Ibidem, 2 U 61, arrêt du tribunal de cassation du 17 germinal an IX. 334 87 Le ministre de la justice doit donner avis, dans les trois jours, au président du tribunal criminel des requêtes qui lui sont adressées. Il en accuse également réception au commissaire du roi qui avertira le condamné et son conseil. Il précise dans cet acte qu’il a bien reçu les pièces et la requête contenant les moyens et indique : « (…) J’ai, dans les vingt-quatre heures, fais transmettre ces pièces à la Cour de cassation. Vous voudrez bien, conformément à l’article 451 du Code des délits et des peines, en avertir, par écrit, le Président, le condamné et son conseil (…) »341. A partir de cet instant, l’accusé a quinze jours pour rassembler ses pièces et former sa demande342. Un mois après l’admission de la requête, le pourvoi est examiné par le tribunal de cassation composé notamment de juges élus par le peuple ayant dix ans d’expérience de la vie judiciaire et d’un commissaire du roi343. Dans les jugements de parricides et d’uxoricides du tribunal criminel d’Ille-et-Vilaine que le tribunal de cassation a eu à connaître, la plupart des requêtes ont été rejetées. II. Les conséquences de la décision du tribunal de cassation Les jugements de cassation doivent comprendre dans le dispositif le texte de loi sur lequel les juges se sont appuyés comme vu précédemment dans le second chapitre de la deuxième partie à propos de l’arrêt de cassation rendu en faveur de René Boulaix344. Dans les cas où le tribunal de cassation annule le jugement, il expose le motif de sa décision et renvoie le procès à un autre tribunal criminel. S’il a été annulé pour fausse application de la loi, le tribunal criminel rend son jugement sur la déclaration que les jurés de jugement ont déjà faite. Il entend préalablement l’accusé ou son conseil ainsi que le commissaire du roi. Si l’annulation a pour cause une violation ou une omission de formes essentielles dans l’instruction du procès, un nouveau jury est formé afin d’entendre l’accusé et les témoins. Le Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV précise, quant à lui, que le tribunal de cassation renvoie le fond du procès devant un officier de police judiciaire quand l’annulation 341 Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 146, acte du 8 août 1808. Décret des 29 septembre-21 octobre 1791, op. cit. 343 Loi des 27 novembre-1er décembre 1790 in J-B. DUVERGIER, op. cit., 1824, Tome II, pages 65 à 68. 342 88 est due à la faute du précédent, devant un autre directeur du jury lorsqu’elle est due au premier et enfin devant un des deux tribunaux criminels les plus voisins si elle est la conséquence du jugement ou du jury de jugement345. Seul le jugement pour parricide rendu contre René Boulaix a été annulé, le procès-verbal du tirage au sort du jury n’indiquant pas que le tirage a été fait publiquement346. Lorsque le tribunal de cassation confirme le jugement du tribunal criminel, la décision est envoyée au président du tribunal criminel d’Ille-et-Vilaine et au commissaire du roi par le ministre de la justice. Le commissaire du roi en donne connaissance à l’accusé et à son conseil et doit accuser la réception de ces pièces au ministre de la justice. Par exemple, concernant Louis Deniel, le ministre de la justice écrit au commissaire du gouvernement du tribunal criminel d’Ille-et-Vilaine : « (…) Je vous transmets, Citoyen, avec les pièces du procès, un jugement du Tribunal de cassation, du 6 de ce mois qui rejette la demande en cassation intentée par Louis Deniel contre le jugement du Tribunal criminel auquel vous êtes attaché du 22 nivôse précédent. Vous aurez soin, en vous conformant à l’article 455 du Code des délits et des peines, d’en donner connaissance par écrit au Président, au condamné et à son conseil. Vous voudrez bien d’ailleurs faire ce que vous prescrit l’article 443 de la même loi, et m’accuser la réception de ces pièces (…) »347. Le droit de grâce rétabli dès l’an X, en faveur du Premier Consul n’apparaît dans aucune archive du département d’Ille-et-Vilaine348. Si dans les trois jours de la prononciation du jugement, aucun pourvoi n’est formé ou dans les vingt-quatre heures de son rejet par le tribunal de cassation, la condamnation est exécutée sur les ordres du commissaire du roi. 344 Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 116, arrêt de la Cour de cassation du 26 fructidor an XIII. Article 453 du Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV, op. cit. 346 Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 116, arrêt de la cour de cassation du 26 fructidor an XIII. 347 Ibidem, 2 U 59, acte du ministre de la justice du 15 ventôse an IX. 348 J-M. CARBASSE, Histoire du droit pénal et de la justice criminelle, op. cit., page 400. 345 89 Section 2 L’exécution de la peine La peine de mort prononcée, le condamné est conduit sur les lieux de l’exécution où il sera exposé aux yeux du peuple avant d’être décapité. I. L’exposition et l’exécution du condamné Selon le Code pénal de 1791, les condamnés à mort pour parricide et pour uxoricide seront conduits au lieu de l’exécution et revêtus d’une chemise rouge en cas d’assassinat ou d’empoisonnement, la peine devant être exemplaire. Les parricides auront également la tête et le visage voilés d’une étoffe noire qui ne seront découverts qu’au moment de l’exécution, ce crime étant considéré comme plus grave349. Les condamnés seront d’abord exposés puis exécutés sur la place publique de la ville où le jury a été convoqué350. L’exposition consiste, pour le condamné, à avoir au-dessus de sa tête un écriteau sur lequel sont indiqués en gros caractères ses noms, sa profession, son domicile, la cause de sa condamnation et le jugement rendu contre lui. La peine de mort, quant à elle, consiste dans la simple privation de la vie, aucune torture n’étant admise. Le condamné à mort a la tête tranchée 351. Les condamnés à des peines de détention ou de gêne comme Jean Bienassis ou Mathurine Hubert sont également condamnés à être exposés sur la place publique. Mathurine Hubert est condamnée à quatre heures d’exposition352 et Jean Bienassis à deux heures selon l’article 28 du titre I de la première partie du Code pénal de 1791. Aucune pièce des archives départementales d’Ille-et-Vilaine ne relate ces moments, la dernière pièce étant le jugement ou la décision du tribunal de cassation. II. Le cas particulier des femmes condamnées à mort Selon l’article 1er de la loi du 23 germinal an III, « aucune femme prévenue de crime emportant la peine de mort, ne pourra être mise en jugement qu’il n’ait été vérifié, de la 349 Titre I de la première partie du Code pénal de 1791, op. cit. Article 28 du titre I de la première partie du Code pénal de 1791, op. cit. 351 Article 28 du titre I de la première partie du Code pénal de 1791, op. cit. 352 Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, L 2848, jugement (sans date). 350 90 manière ordinaire, qu’elle n’est pas enceinte ». La femme ne peut être exécutée qu’une fois l’enfant né. Sur les cinq femmes présentées au tribunal criminel d’Ille-et-Vilaine pour uxoricides, deux sont enceintes. Le président du tribunal criminel d’Ille-et-Vilaine fait comparaître devant lui deux officiers de santé experts qui doivent prêter serment. Il leur ordonne de se rendre dans la maison d’arrêt où se trouve l’accusée pour découvrir si cette dernière est enceinte. Si ce n’est pas le cas, le procès peut avoir lieu ; dans le cas contraire, un jugement de renvoi est rendu. Le tribunal prend en compte les déclarations des experts, entend les conclusions du commissaire du gouvernement comme l’étude du jugement de renvoi concernant Madeleine Davory le démontre : « (…) Oui le commissaire du gouvernement en ses conclusions Considérant que l’article 1er de la loi du 23 germinal an III […] defend de mettre en jugement aucune femme prevenue d’un crime emportant peine de mort que l’etat de la ditte femme n’ait ete vérifié Considérant en second lieu que par le rapport des citoyens Douet et Maugé inséré au procez verbal du quinze de ce mois il est constate que Magdelaine Davory femme de La Marre est declarée enceinte d’environ trois mois, que les dits officiers de santé ont declaré ne pouvoir s’expliquer sur l’etat de la ditte particulliere avant le delais de cinq mois. Le Tribunal a renvoié l’affaire des dits Pierre Odye, Jeanne Deschamps veuve Davory, et Magdelaine Davory femme de La Marre apres l’echeance des delais fixés par les officiers de santé pour s’expliquer sur l’etat de grossesse ou non grossesse de la femme de La Marre quoi que ce soit nean mois en cas de grossesse constattée de la ditte femme de La Marre jusqu’après ses couches et le retablissement de la santé de la ditte femme (…) »353. La séance de jugement est donc renvoyée à une date ultérieure et s’il y a d’autres accusés, ces derniers seront jugés à la même date que la femme comme observé à travers cet exemple. Marie David, quant à elle, n’était pas enceinte lors de la visite. Or, après sa condamnation à mort par le tribunal criminel d’Ille-et-Vilaine et la confirmation de l’arrêt par le tribunal de cassation, elle déclare être enceinte. En vertu d’un jugement, un juge du tribunal criminel se rend à la maison de justice avec deux officiers de santé. Il s’agit pour lui de savoir de quelle manière Marie David peut être enceinte sachant qu’elle ne l’était pas avant le 353 Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2U82, jugement de renvoi du 16 germinal an X. 91 jugement et qu’elle est restée enfermée pendant toute cette période. Le juge interroge donc cette dernière : « (…) Lui demande persistes-vous dans les declarations que vous avés fait lors des procez verbaux des 25 frimaire et cinq de ce mois Repond qu’elle a dit la verité lors du procez verbal du 25 frimaire elle avoit un commerce charnel avec un homme qu’alors il lui étoit impossible de connoistre son etat et que ce n’est que depuis son premier interrogatoire et dans cette maison de justice qu’elle s’est appercue de son etat de grossesse. Lui representé qu’elle en impose a la justice que d’apres les declarations qu’elle fit ellememe lors de la visitte de sa personne du 25 frimaire an six de n’avoir eu aucun commerce charnel avec qui que ce soit, il est impossible qu’elle se trouve grosse dans le moment. Repond que la pudeur ne lui permettoit pas d’avoir sa faiblesse qu’au surplus elle nous a dit toutte la verité en avouant qu’auparavant cette visitte elle avoit avoue frequenté charnellement deux ou trois fois le meme homme qui l’a vu depuis la visitte faitte. Demandé si dans la maison de Justice depuis le 25 frimaire an six elle a eu commerce charnel avec quelque homme Repond qu’elle a vu le meme homme dans la maison de Justice et que c’est dans la salle en bas (…) »354. L’un des experts ayant requis au juge de lui demander quand avait eu ce commerce charnel, Marie David répondra que c’était « (…) la veille ou la surveille de son jugement (…) »355. Le juge entend ensuite le concierge et sa femme afin de savoir comment cela a-t-il pu arriver. Après visite de Marie David par les experts, le tribunal ordonne le sursis à exécution du jugement et interdit à cette dernière d’avoir des contacts avec qui que ce soit. Le délai de sept mois de grossesse préconisé par les experts, expiré, « (…) il est question de visitter de nouveau ladite veuve Bouvier et de s’assurer deffinitivement si elle est ou non enceinte »356. Ces derniers sont envoyés à la maison de justice afin de procéder à la visite de Marie David et « (…) de retour de la maison de Justice […] ils donnent pour […] certain qu’elle n’est point enceinte (…) »357. Elle est donc exécutée. 354 Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, L 3029, décision ordonnant la visite de Marie David du 5 ventôse an VI. 355 Idem. 356 Ibidem, L 3029, décision en la chambre du conseil du 22 thermidor an VI. 357 Idem. 92 III. Le cas particulier des contumaces Lors du procès du contumax, les jurés sont réunis comme si l’accusé était présent. Les témoins sont entendus mais leurs déclarations seront données par écrit. Les jurés font ensuite leur déclaration normalement. Enfin, l’accusé contumax ne peut être représenté par un conseil pour le défendre sur le fond358. Le Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV précise que l’acte d’accusation est lu ainsi que l’ordonnance de prise de corps et celle déclarant l’accusé rebelle à la loi et les procès-verbaux « (…) dressés pour en constater la proclamation et l’affiche (…) ». Le président entend le commissaire du pouvoir exécutif et « (…) prend l’avis des juges sur la régularité ou l’irrégularité de l’instruction (…) ». Si elle est déclarée régulière le procès suit son cours normal. Par exemple, le tribunal criminel d’Ille-et-Vilaine, dans l’affaire de Julien Jumel, déclare « (…) l’instruction réguliere et conforme a la Loi et en execution des articles quatre cens soixante neuf et quatre cens soixante onze du Code des Delits et des peines du trois brumaire an quatre […], ordonne en consequence des susdits articles que les pieces et declarations des temoins entendus devant l’officier de police judiciaire seront lües publiquement aux jurés (…) »359. Lorsque le jury de jugement a déclaré le contumax coupable, la peine est exécutée dans les vingt-quatre heures à la diligence du commissaire du roi. Elle est inscrite sur un tableau suspendu au milieu de la place publique. Le titre III de la première partie du Code pénal de 1791 précise qu’il est indiqué sur cet écriteau « (…) les noms du condamné, de son domicile, de sa profession, du crime qu’il a commis et du jugement rendu contre lui ». Il est exposé pendant douze heures aux yeux du public lorsque le contumax est condamné à mort. Ainsi, le tribunal criminel d’Ille-et-Vilaine ordonne concernant Julien Jumel : « (…) Ordonne le tribunal, attendu la contumace dudit Jumel que le present jugement de condamnation sera dans les vingt quatre heures de sa prononciation et a la diligence du commissaire du directoire executif ou l’un de ses substituts affiché par l’executeur des jugements criminels a un poteau, qui sera planté au milieu de la place publique de l’Egalité de cette ville, en conformité de l’article quatre cens soixante douze du Code des délits et des peines du trois brumaire an quatre (…) »360. 358 Décret des 16 septembre-21 octobre 1791, op. cit. Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 U 38, jugement du 19 brumaire an VIII. 360 Idem. 359 93 La prescription de la peine est de vingt ans. Passé ce délai, l’accusé n’a plus à la purger361. 361 Titre IX de la seconde partie du décret des 16-29 septembre 1791, op. cit. 94 Conclusion Il apparaît que le tribunal criminel est le véritable ancêtre de la Cour d’assises. En effet, cette cour est notamment composée d’un président, du ministère public et d’un jury. Ce dernier a fait l’objet de nombreux débats et a failli disparaître. Le Code d’instruction criminelle de 1808 a supprimé le jury d’accusation et a transféré ses fonctions à la chambre des mises en accusation, chambre spéciale de la cour d’appel, le droit d’accusation étant rendu aux magistrats. Concernant les crimes eux-mêmes, peu de parricides ont été commis sous la période du tribunal criminel ce qui n’est pas le cas des uxoricides. En effet, dix-neuf personnes ont été accusées d’uxoricide par le jury d’accusation en vingt années même si toutes n’ont pas été condamnées pour ce crime. Une constatation s’impose : bien que la loi du 20 septembre 1792 instaure le divorce et donc permette de rompre les liens du mariage autrement que par la mort, le nombre d’uxoricides ne semble pas diminuer362. En effet, le divorce est peu appliqué dans les campagnes. L’uxoricide reste donc un moyen important de rompre le mariage. Dans certaines affaires, le divorce était demandé mais il s’est transformé en mobile de meurtre. Sous le Code pénal de 1810, l’uxoricide n’est toujours pas un crime spécifique. Cependant, l’article 324 de ce code prévoit que le meurtre commis par l’époux sur l’épouse et inversement, est inexcusable sauf en cas de légitime défense ou adultère flagrant363. La peine de mort reste encourue364. Quant au parricide, sa définition est élargie aux parents adoptifs de l’auteur du meurtre. Avant d’être exécuté, il se voit de nouveau subir la peine de l’amputation du poing droit365. 362 Pour comparaison, au XVIIIème siècle, une quarantaine d’uxoricides ont été dénombrés. Cf. M-Y. CREPIN, Violences conjugales en Bretagne : la répression de l’uxoricide au XVIIIème siècle, op. cit. 363 Dans ce dernier cas, seul l’époux bénéficiait de cette excuse s’il avait trouvé sa femme avec son amant. 364 L. TAUZIN, Les crimes familiaux en Ille-et-Vilaine entre 1811 et 1940, Université de Rennes 1, Thèse d’Histoire du Droit, 16 novembre 2000. 365 Idem. 95 Enfin, sous le Code pénal de 1994, l’uxoricide ne constitue toujours pas un crime spécifique et l’article 324 et son contenu ont disparu. Il répond donc aux conditions de l’homicide de droit commun366. Quant au parricide, le fait de tuer un ascendant légitime ou naturel ou les père ou mère adoptifs, constitue une circonstance aggravante du meurtre et est puni de la réclusion criminelle à perpétuité367. Il est donc considéré comme un meurtre aggravé, le meurtre simple étant puni de trente ans de réclusion criminelle. Le parricide reste donc un crime plus important que les autres, contrairement à l’uxoricide. 366 367 Articles 221-1 à 221-5 du Code pénal de 1994. Article 221-4 du Code pénal de 1994. 96 Annexe 1 Tableau des parricides Nom Accusation Condamnation Moyens utilisés Mobile Contumace Demandes en cassation VILLENEUVE Jean 1792 DELIONS Julien An VII Blessures volontaires ayant entraîné la mort de son père Exposition et peine de mort Coups Argent Oui Non Parricide Exposition et peine de mort Coups de poings et coups de bâton Argent et ivresse Au début de la procédure Oui, demande rejetée. BEHOURS Etienne An VIII Blessures ayant avancé la mort de son père Absence du jugement mais déclaré coupable de blessures préméditées mais n’ayant pas entraîné la mort de son père Coups Animosité Non Non BOULAIX René An XIII Parricide Absence du jugement Inconnus Inconnu Non Cassation de l’arrêt de la Cour de justice criminelle 97 Annexe 2 Tableau des uxoricides Nom HUBERT Mathurine An III Moyens utilisés Mobile Contumace Recours en cassation Homicide de son mari Condamnée pour homicide de son mari mais à la suite d’une violente provocation donc exposition et dix ans de gêne Coup de bêche Violences de son mari sur la fille de Mathurine Hubert Non Non Accusation Condamnation DAVID Marie An VI BIENASSIS Jean An VIII BILLET Pierre An VIII Empoisonnement de son mari Exposition et peine de mort Arsenic Inconnu Non Oui, demande rejetée Meurtres de sa femme et de sa fille Cinq ans de détention car reconnu sujet à des excès de folie lors des crimes Mutilation et décapitation Folie Non Non Violences ayant entraîné la mort de sa femme Acquitté Inconnus Deux femmes étaient enceintes de lui Non Non JUMEL Julien An VIII Violences avec préméditation envers sa femme Condamné pour violences envers sa femme mais sans préméditation donc 500 francs d’amende et un an d’emprisonnement Coups Mésentente et vivaient séparément Oui Non Non Oui, demande rejetée Non Oui, demande rejetée LEGENDRE Julien An VIII DENIEL Louis An IX LEGAUD Pierre An IX MOREL Pierre An IX MOULIN Jean An IX Assassinat envers sa femme Exposition et peine de mort Inconnus Meurtre de sa femme Condamné pour assassinat donc exposition et peine de mort Coup de poing Tentative d’homicide de sa femme Assassinat envers sa femme Absence du jugement mais reconnu coupable de violences envers sa femme Absence du jugement mais condamnation pour homicide volontaire Vivaient séparément et relation adultérine de Julien Legendre Divorce demandé par sa femme Coups Folie Non Non Coups de fourche en bois N’ont jamais vécu ensemble Non Non Tentative d’empoisonnement de sa femme et empoisonnement de son enfant Exposition et peine de mort Arsenic Inconnus Non Non VALOTAIRE Vincent An IX DAVORY Madeleine An X GARCON Rose 1807 Meurtre de sa femme Condamné pour assassinat donc exposition et peine de mort Coup de bâton Mésentente et fréquence des coups Au début de la procédure Oui, demande rejetée Tentative d’assassinat sur son mari Exposition et peine de mort Coup de pistolet et coups de bâton Inconnu Non Oui, demande rejetée Empoisonnement de son mari Acquittée Arsenic Adultère de Rose Garçon Non Non PEIGNARD Jacques 1807 Assassinat prémédité de sa femme Coups Fréquence des coups Oui Non TARDIF Pierre 1807 Meurtre de sa femme Coups de poings, coups de fouet Maladie de sa femme la rendant difficile Non Non GASLAIN François 1808 TEHEL Jean-Etienne 1808 DELANOE Jeanne 1810 MOULIN François 1810 Absence du jugement mais reconnu coupable des faits allégués contre lui dans l’accusation Absence du jugement mais reconnu coupable de blessures volontaires mais n’ayant pas entraîner la mort de sa femme Assassinat de sa femme Absence du jugement Noyade Mésentente Non Non Assassinat de sa femme Exposition et peine de mort Coups Fréquence des coups et ivresse Non Non Homicide volontaire de son mari Absence dujugement mais reconnue coupable d’homicide volontaire envers son mari Coup de couteau Ivresse Non Non Empoisonnement de sa femme Exposition et peine de mort Arsenic Inconnu Non Non 98 Annexe 3 Article 3 72 du Code des délits et des peines Le président résume l’affaire, et la réduit à ses points les plus simples. Il fait remarquer aux jurés les principales preuves pour et contre l’accusé. Il leur rappelle les fonctions qu’ils ont à remplir ; et, pour cet effet, il leur donne lecture de l’instruction suivante, qui est, en outre, affichée en gros caractères dans la chambre destinée à leurs délibérations : « Les jurés doivent examiner l’acte d’accusation, les procès-verbaux et toutes les autres pièces du procès, à l’exception des déclarations écrites des témoins, des notes écrites des interrogatoires subis par l’accusé devant l’officier de police, le directeur du jury et le président du tribunal criminel. C’est sur ces bases, et particulièrement sur les dépositions et les débats qui ont eu lieu en leur présence, qu’ils doivent asseoir leur conviction personnelle : car c’est leur conviction personnelle qu’il s’agit ici ; c’est cette conviction que la loi les charge d’énoncer ; c’est à cette conviction que la société, que l’accusé, s’en rapportent. La loi ne leur demande pas compte des moyens par lesquels ils se sont convaincus ; elle ne leur prescrit point de règles desquelles ils doivent faire particulièrement dépendre la plénitude et la suffisance d’une preuve : elle leur prescrit de l’interroger eux-même dans le silence et le recueillement, et de chercher, dans la sincérité de leur conscience, quelle impression ont faite sur leur raison les preuves rapportées contre l’accusé, et les moyens de sa défense. La loi ne leur dit point : vous ne tiendrez pour vrai tout fait attesté par tel ou tel nombre de témoins. Elle ne leur dit pas non plus : Vous ne regarderez pas comme suffisamment établie toute preuve qui ne sera pas formée de tel procès-verbal, de telles pièces, de tant de témoins ou de tant d’indices. Elle ne leur fait que cette seule question, qui renferme toute la mesure de leurs devoirs : Avez-vous une intime conviction ? Ce qu’il est bien essentiel de ne pas perdre de vue, c’est que toute la délibération du jury de jugement porte sur l’acte d’accusation : c’est à cet acte qu’ils doivent uniquement s’attacher ; et ils manquent à leur premier devoir, lorsque, pensant aux dispositions des lois pénales, ils considèrent les suites que pourra avoir, par rapport à l’accusé, la déclaration qu’ils ont à faire. Leur mission n’a pas pour objet la poursuite ni la punition des délits ; ils ne sont pas appelés que pour décider si le fait est constant, et si l’accusé est, ou non, coupable du crime qu’on lui impute. ». 99 Annexe 4 L’arrêt d e la cour de cassation du 26 fructidor an XIII 100 101 102 103 Sources Archives départementales d’Ille-et-Vilaine Parricides - Affaire VILLENEUVE Jean, L 2886, dossier 42 (31 pièces) Affaire DELIONS Julien, L 2814, dossier L 2814 et L 3074, dossier 985 (37 pièces) Affaire BEHOURS Etienne, 2 U 51, dossier 1223 (26 pièces) Affaire BOULAIX René, 2 U 116, dossier 2098 (11 pièces) Uxoricides - Affaire HUBERT Mathurine, L 2948, dossier 286 bis (25 pièces) Affaire DAVID Marie, L 3029, dossier 771 (43 pièces) Affaire BIENASSIS Jean, 2 U 43, dossier 1163 (23 pièces) Affaire BILLET Pierre, 2 U 41, dossier 1141 (37 pièces) Affaire JUMEL Julien, 2 U 38, dossier 1116 (19 pièces) Affaire LEGENDRE Julien, 2 U 37, dossier 1106 (58 pièces) Affaire DENIEL Louis, 2 U 59, dossier 1271 (48 pièces) Affaire LEGAUD Pierre, 2 U 56, dossier 1249 (25 pièces) Affaire MOREL Pierre, 2 U 69, dossier 1350 (24 pièces) Affaire MOULIN Jean, 2 U 74, dossier 1424 (36 pièces) Affaire VALOTAIRE Vincent, 2 U 61, dossier 1278 (33 pièces) Affaire DAVORY Madeleine, 2 U 82, dossier 1491 (46 pièces) Affaire GARCON Rose, 2 U 134, dossier 2398 (45 pièces) Affaire PEIGNARD Jacques, 2 U 135, dossier 2400 (31 pièces) Affaire TARDIF Pierre, 2 U 133, dossier 2370 (36 pièces) Affaire GASLAIN François, 7 U 79, dossier 2570 (25 pièces) Affaire TEHEL Jean-Etienne, 2 U 146, dossier 2561 (50 pièces) Affaire DELANOE Jeanne, 2 U 160, dossier 2699 (29 pièces) Affaire MOULIN François, 2 U 161, dossier 2702 (48 pièces) Lois - Edit de juillet 1682 relatif à l’empoisonnement in ISAMBERT, Recueil général des anciennes lois françaises, Paris, 1829, tome XIX. - Décret des 27 novembre-1er décembre 1790 portant institution d’un tribunal de cassation, et réglant sa composition, son organisation et ses attributions in J-B. DUVERGIER, Collection complète des lois, décrets, ordonnances, réglemens, et avis du Conseil d’Etat, Paris, éditions officielles du Louvre, 1824, Tome II, pages 65 à 68. - Constitution de 1791 in Les constitutions de la France depuis 1789, Tours, GF Flammarion, 1984, pages 31 à 67. 104 - Décret des 16-29 septembre 1791 concernant la police de sûreté, la justice criminelle et l’établissement des jurés in J-B. DUVERGIER, op. cit., 1824, Tome III, pages 331 à 348. - Code pénal des 25 septembre-6octobre 1791 in J-B. DUVERGIER, op. cit., 1824, Tome III, pages 403 à 419. - Décret des 29 septembre-21 octobre 1791 en forme d’instruction pour la procédure criminelle in J-B. DUVERGIER, op. cit., 1824, Tome III, pages 478 à 515. - Décret du 5 pluviôse an II relatif aux faux témoins in J-B. DUVERGIER, op. cit., 1825, Tome VII, page 16. - Décret des 23 germinal an III portant qu’aucune femme prévenue de crime emportant peine de mort, ne peut être mise en jugement qu’il n’ait été vérifié qu’elle n’est pas enceinte in J-B. DUVERGIER, op. cit., 1825, Tome VIII, page 95. - Constitution du 5 fructidor an III in Les constitutions de la France depuis 1789, op. cit., pages 101 à 141. - Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV in J-B. DUVERGIER, op. cit., 1825, Tome VIII, pages 469 à 533. - Loi du 11 prairial an IV portant des peines contre les témoins qui ne comparaissent pas sur les citations à eux données in J-B. DUVERGIER, op. cit., 1825, Tome IX, page 122. - Loi du 19 fructidor an V contenant des mesures de salut public prises relativement à la conspiration royale in J-B. DUVERGIER, op. cit., 1825, Tome X, pages 42 à 46. - Loi du 18 germinal an VII relative au remboursement des frais de justice en matière criminelle in J-B. DUVERGIER, op. cit., 1825, Tome XI, pages 199 et 200. - Loi du 25 brumaire an VIII qui prescrit la formule du serment à prêter par tous les fonctionnaires publics in J-B. DUVERGIER, op. cit., 1826, Tome XII, page 7. - Constitution du 22 frimaire an VIII in Les constitutions de la France depuis 1789, op. cit., pages 151 à 177. - Loi du 21 nivôse an VIII qui exige de tous les fonctionnaires publics, etc., une promesse de fidélité à la Constitution in J-B. DUVERGIER, op. cit., 1826, Tome XII, page 65. - Loi du 7 pluviôse an IX relative à la poursuite des délits en matière criminelle et correctionnelle in J-B. DUVERGIER, op. cit., 1826, Tome XII, pages 380 à 390. - Arrêté du 7 pluviôse an IX relatif à la formation des listes des jurés in J-B. DUVERGIER, op. cit., 1826, Tome XII, page 380. 105 - Loi du 18 pluviôse an IX relative à l’établissement de tribunaux spéciaux in J-B. DUVERGIER, op. cit., 1826, Tome XII, page 386 à 390. - Constitution de l’an XII in Les constitutions de la France depuis 1789, op. cit., pages 185 à 207. - Loi des 5-15 pluviôse an XIII relative à la diminution des frais de justice en matière criminelle ou de police correctionnelle in J-B. DUVERGIER, op. cit., 1826, Tome XV, pages 155 et 156. - Code pénal de 1994 106 Bibliographie - R. BADINTER, Naissance d’une justice in Une autre justice 1789-1799, études publiées sous la direction de Robert Badinter, Saint-Armand-Montrond, Fayard, collection Histoire de la justice, 1989, pages 9 à 25. - J-M. CARBASSE, Dictionnaire de la culture juridique, au mot Jury, sous la direction de D. ALLAND et S. RIALS, Paris, Lamy, Presses Universitaires de France, collection Quadrige, 1ère édition, octobre 2003, pages 888 à 891. - J-M. 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TAUZIN, Le parricide en Cour d’assises de 1811 à 1894 en Ille-et-Vilaine, Université de Rennes 1, Mémoire d’Histoire du Droit, 1995. - L. TAUZIN, Les crimes familiaux en Ille-et-Vilaine entre 1811 et 1940, Université de Rennes 1, Thèse d’Histoire du droit, 16 novembre 2000. 108 Table des matières SOMMAIRE ............................................................................................................................. 4 INTRODUCTION.................................................................................................................... 5 PARTIE I LA DÉCOUVERTE DU CRIME.................................................................... 9 CHAPITRE 1 LA DÉFINITION JURIDIQUE DU PARRICIDE ET DE L’UXORICIDE ......................... 9 Section 1 Le parricide .................................................................................................... 9 I. Les éléments constitutifs du parricide.................................................................... 9 A. Un meurtre........................................................................................................ 10 B. La victime : un ascendant du coupable ............................................................ 10 C. L’intention homicide ........................................................................................ 10 II. Les excuses au parricide....................................................................................... 11 Section 2 L’uxoricide ................................................................................................... 12 I. Les éléments constitutifs de l’uxoricide............................................................... 12 A. Un homicide ..................................................................................................... 12 B. La victime : l’époux ......................................................................................... 13 C. L’intention homicide ........................................................................................ 13 II. Les excuses à l’uxoricide ..................................................................................... 14 CHAPITRE 2 LE CONTEXTE DU CRIME ................................................................................ 15 Section 1 Le lieu et le moment de la commission du crime.......................................... 15 I. Le lieu du crime.................................................................................................... 15 A. Le lieu de commission des parricides .............................................................. 15 B. Le lieu de commission des uxoricides.............................................................. 16 C. Le cas particulier du déplacement du cadavre ................................................. 17 II. Le moment du crime ............................................................................................ 18 A. Le moment de commission du parricide .......................................................... 18 B. Le moment de commission de l’uxoricide ....................................................... 18 Section 2 Les moyens utilisés ....................................................................................... 19 I. Les moyens communément employés pour donner la mort................................. 19 A. La mort par noyade .......................................................................................... 20 B. L’utilisation d’armes ........................................................................................ 20 II. Le cas particulier de l’empoisonnement............................................................... 21 A. Les moyens de se procurer du poison .............................................................. 21 B. La découverte du poison .................................................................................. 22 Section 3 Les mobiles du crime.................................................................................... 23 I. Les mobiles du parricide ...................................................................................... 23 II. Les mobiles de l’uxoricide ................................................................................... 24 PARTIE II LA MISE EN ACCUSATION....................................................................... 27 CHAPITRE 1 L’INSTRUCTION : LA PREUVE DU CRIME ET LA RECHERCHE DU COUPABLE .... 27 Section 1 La découverte du crime ................................................................................ 27 I. La découverte du corps ........................................................................................ 28 II. La forme de la dénonciation................................................................................. 28 A. Les personnes menant l’instruction.................................................................. 29 B. La dénonciation du crime ................................................................................. 31 109 Section 2 La recherche de la preuve............................................................................ 33 I. La descente sur les lieux du crime ....................................................................... 33 A. L’autopsie......................................................................................................... 33 B. L’audition des témoins ..................................................................................... 38 C. La recherche des autres éléments de preuve .................................................... 41 II. Le mandat d’amener et ses conséquences ............................................................ 42 A. Le mandat d’amener et l’audition du suspect................................................... 42 B. Le mandat d’arrêt ............................................................................................. 47 C. Le cas particulier du contumax ........................................................................ 50 D. Les réquisitions du commissaire du roi............................................................ 51 CHAPITRE 2 L’ACCUSATION .............................................................................................. 53 Section 1 L’acte d’accusation ...................................................................................... 53 I. La mise en accusation .......................................................................................... 53 A. La décision de soumettre l’affaire au jury d’accusation .................................. 53 B. Le contenu de l’acte d’accusation .................................................................... 55 II. La décision favorable à l’accusation .................................................................... 56 A. Le choix des jurés............................................................................................. 56 B. La tenue de la séance du jury d’accusation ...................................................... 58 C. La décision du jury d’accusation...................................................................... 60 Section 2 L’ordonnance de prise de corps................................................................... 61 I. Le contenu de cette ordonnance ........................................................................... 61 II. Les conséquences de l’ordonnance ...................................................................... 63 III. Le cas particulier du contumax ........................................................................ 64 PARTIE III LE JUGEMENT ET LA CONDAMNATION......................................... 66 CHAPITRE 1 LA PROCÉDURE DE JUGEMENT DEVANT LE TRIBUNAL CRIMINEL .................... 66 Section 1 La préparation du procès............................................................................. 66 I. L’audition du prévenu .......................................................................................... 67 II. Le tirage au sort et la convocation des jurés de jugement.................................... 68 A. Le principe........................................................................................................ 68 B. Le cas particulier du jury spécial de jugement ................................................. 69 Section 2 Le procès ...................................................................................................... 70 I. Le rôle des différents intervenants ....................................................................... 70 II. Le début de l’audience ......................................................................................... 71 III. La prestation de serment des jurés ................................................................... 71 IV. L’audition des témoins ..................................................................................... 72 V. La décision du jury de jugement et le prononcé de la peine ................................ 75 A. L’examen des pièces ........................................................................................ 75 B. Les questions posées aux jurés......................................................................... 76 A t il donné la mort a son epouse dans un accez de folie............................................. 77 C. La déclaration des jurés.................................................................................... 78 D. La peine ............................................................................................................ 79 Section 3 La compétence concurrente du tribunal criminel spécial............................ 82 I. La formation et l’organisation du tribunal criminel spécial ................................. 83 II. La poursuite, l’instruction et le jugement............................................................. 83 CHAPITRE 2 L’EXÉCUTION DU JUGEMENT ......................................................................... 86 Section 1 Le pourvoi en cassation................................................................................ 86 I. Les conditions du pourvoi en cassation................................................................ 86 II. Les conséquences de la décision du tribunal de cassation ................................... 88 Section 2 L’exécution de la peine ................................................................................ 90 110 I. L’exposition et l’exécution du condamné ............................................................ 90 II. Le cas particulier des femmes condamnées à mort .............................................. 90 III. Le cas particulier des contumaces .................................................................... 93 CONCLUSION....................................................................................................................... 95 ANNEXE 1 TABLEAU DES PARRICIDES ....................................................................... 97 ANNEXE 2 TABLEAU DES UXORICIDES ...................................................................... 98 ANNEXE 3 ARTICLE 372 DU CODE DES DÉLITS ET DES PEINES ......................... 99 ANNEXE 4 L’ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION DU 26 FRUCTIDOR AN XIII ................................................................................................................................................ 100 SOURCES ............................................................................................................................. 104 BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................... 107 TABLE DES MATIÈRES ................................................................................................... 109 111