1 Erhard Friedberg : Made in monde de Suzanne Berger

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1 Erhard Friedberg : Made in monde de Suzanne Berger
Erhard Friedberg : Made in monde de Suzanne Berger
« La mondialisation n’est pas un choc exogène : elle est le résultat de
millions de choix réalisés par les entreprises, concernant les activités
qu’elles veulent garder sous leur toit, celles qui seront sous-traitées à
d’autres et l’implantation de toutes ces activités. »(p.81)
Voilà un livre sur la mondialisation qui nous change agréablement et radicalement de la
littérature habituelle sur ce thème. Ici, point de plaidoyers théoriques et/ou moralisateurs
pour ou contre, point de lamentations sur les menaces réelles et supposées que la
mondialisation fait courir à l’Etat-providence, aux équilibres politiques et sociaux ainsi
qu’aux identités culturelles de nos sociétés. Comme le montre la citation mise en
exergue, le point de vue et le point de départ sont tout autres. Sans état d’âme et sans
prévention particulière devant un phénomène accepté comme un fait apportant des
contraintes certes, mais aussi beaucoup d’opportunités nouvelles, le livre se propose
d’aller à l’écoute des acteurs qui, dans les entreprises, font la mondialisation par leurs
décisions, pour écouter leur diagnostic de la situation et pour observer comment,
concrètement, ils ont décidé de « jouer » face aux contraintes et aux opportunités
inhérentes aux nouvelles conditions de concurrence créées par la mondialisation. Fruit
d’une enquête de cinq ans conduite par une équipe de 15 chercheurs du MIT auprès de
500 entreprises localisées en Europe, aux Etats-Unis et en Asie, le livre offre une
discussion détaillée et éclairante des transformations des modes d’organisation et de
production qui rendent la mondialisation possible. Il permet de se faire une idée concrète
et très différenciée de son impact réel en mettant en évidence la diversité des situations
et des évolutions qu’elle crée. Par là, le livre rend la mondialisation moins effrayante,
parce que moins impersonnelle : il en montre les ressorts profonds, met en évidence les
contraintes et les opportunités qu’elle recèle et, partant, autorise une attitude plus
optimiste et plus offensive face à ce que, en France, nous avons plutôt l’habitude de
redouter.
Le livre comporte six parties. S. Berger commence par mettre en place la scène. La
première partie passe rapidement en revue les termes du débat de la mondialisation,
caractérise la révolution du mode de production et surtout du mode d’organisation qui en
est le moteur, et pose la question centrale du livre : la mondialisation conduit-elle,
comme
beaucoup
le
prétendent,
à
une
convergence
implacable
des
modes
d’organisation, ou laisse-t-elle de la place pour des stratégies diversifiées menant
également au succès ? Le chapitre se termine en énonçant quatre conclusions qui
balisent l’itinéraire qui va suivre : égaler les meilleures dans chaque stade de la
production, ou externaliser ; cultiver l’héritage, c’est-à-dire exploiter les ressources
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spécifiques qui font la force d’une entreprise, ne pas courir derrière les bas salaires qui
ne sont pas systématiquement une gage de succès, et enfin l’idée que, pour gagner dans
la mondialisation, il faut choisir et aussi se remettre en question.
La deuxième partie est centrée autour de ce qui apparaît dans ce livre comme la rupture
fondamentale apportée par la mondialisation, à savoir la fragmentation de l’entreprise
intégrée, l’émergence de ce qui est appelé tantôt « l’entreprise éclatée », tantôt
« l’entreprise en réseau ». L’idée de base est simple : l’entreprise qui est aujourd’hui
performante est une entreprise qui, après avoir analysé sa chaîne de création de la
valeur, a délimité les différentes fonctions (R&D, industrialisation, fabrication, vente et
après-vente) et n’a conservé que celles dans lesquelles elle est compétitive, en
externalisant les autres vers des entreprises spécialisées dans telle ou telle fonction.
Dans sa forme la plus extrême, c’est l’invention des entreprises « fabless », c’est-à-dire
sans usines. C’est le modèle qui a inspiré Alcatel quand il a vendu ses usines pour se
concentrer sur des fonctions à haute valeur ajoutée, et dont l’exemple canonique,
maintes fois cité dans le livre et la littérature spécialisée, est l’entreprise Dell aux EtatsUnis qui s’est hissée au premier rang des producteurs d’ordinateurs avec un modèle de
production qui n’a gardé le contrôle direct que sur les quatre minutes d’assemblage final
de chaque ordinateur, sur une chaîne logistique qui fait venir d’un grand nombre de
sous-traitants du monde entier les composants nécessaires à la fabrication des
ordinateurs, et sur la distribution, c’est-à-dire le contact avec le client. Une brève histoire
de
cette
modularisation,
de
son
émergence
(notamment
dans
le
marché
des
microprocesseurs) et de sa très large diffusion dans un grand nombre de secteurs de
l’industrie américaine est présentée ; son impact et sa portée sont discutés à l’aide de
l’exemple de l’automobile, considéré comme un des secteurs dans lesquels la faisabilité à
long terme de cette stratégie de production soulève probablement le plus de problèmes
et de questions.
Dans les trois parties suivantes, on plonge au cœur du sujet. La partie trois discute la
question épineuse de la localisation des activités. La modularisation de la production,
jointe à la libéralisation des échanges commerciaux, a créé une situation inédite où les
entreprises disposent d’une latitude inconnue jusqu’ici pour choisir la localisation de leurs
activités. Et les entreprises en usent (et en abusent) à la recherche tout d’abord de
salaires moins élevés. Le moteur de la mondialisation est là, et c’est cette dynamique de
la délocalisation qui entretient la peur et nourrit les critiques. Sans diminuer l’ampleur du
phénomène avec maints chiffres à l’appui, le livre montre que les choses sont ici aussi
plus compliquées. Si la recherche de bas salaires est naturellement un motif puissant
pour délocaliser, les problèmes rencontrés lors de la délocalisation (qualité insuffisante
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de
la
production,
formation
défaillante
de
la
main
d’oeuvre,
corruption
des
administrations, incertitudes des environnements juridiques, etc.) montrent qu’un calcul
trop simple passe à côté du sujet. Par ailleurs, d’autres motifs interviennent aussi. Pour
une entreprise qui ferme un lieu de production ici pour en ouvrir un autre dans un pays à
bas salaire, combien d’opérations mixtes où l’installation dans un pays à bas salaires doit
s’analyser en fait comme des opérations de développement qui contournent des
impossibilités de se développer sur place et/ou permettent de maintenir, voire de créer
des emplois dans le pays d’origine ? En somme, on voit qu’exercer la nouvelle liberté de
localisation et d’organisation de la production n’est pas une chose évidente, mais l’objet
de beaucoup d’hésitations de la part des entreprises.
C’est cette question qui est reprise dans la partie quatre. Suzanne Berger y documente et
y discute la diversité des stratégies d’entreprises qu’on peut observer, et les réflexions
souvent
contradictoires
électronique. On y voit
des
chefs
d’entreprises
au moins trois
à
ce sujet. Prenons
le secteur
grands types de stratégies : celle du
désinvestissement - IBM a décidé de vendre sa production d’ordinateurs à un fabricant
chinois pour se consacrer aux matériels hauts de gamme et aux services qui y sont
attachés ; Dell, déjà cité, achète tous les composants de son produit et ne garde que le
contrôle de l’assemblage final des ordinateurs et la distribution, ou encore Lenovo
(l’acquéreur de la division ordinateurs d’IBM), Sony ou Toshiba qui gardent en leur sein,
et la fabrication de composants et la fabrication des ordinateurs. Tous les dirigeants ont
de bons arguments pour appuyer leur stratégie respective, la poursuivent de manière
conséquente, et semblent pour le moment réussir. Et ce qui est vrai pour le secteur
électronique l’est également pour des secteurs moins à la pointe de la technologie. Là
aussi les exemples divergents abondent. Tout le monde connaît la stratégie de Nike, une
entreprise « fabless » s’il en est. Mais American Apparel produit ses tee-shirts à Los
Angeles et refuse de se délocaliser car il a besoin d’un lieu de production proche de la
consommation pour réagir au quart de tour à la mode et au marché, tout comme
Kenwood qui a réussi son come-back en relocalisant sa production au Japon. On pourrait
encore citer Luxottica, petite multinationale italienne de la lunette, qui ferme les usines
de Rayban au Mexique et aux Etats-Unis pour tout rapatrier en Italie, où les salaires sont
certes plus élevés, mais où la main d’œuvre a des compétences et une bien meilleure
productivité. C’est ce que montre de manière plus systématique le chapitre suivant qui
passe en revue les différentes options possibles : fabriquer les produits et leurs
composants ou se spécialiser sur une branche de l’alternative ; se contenter d’être une
entreprise gestionnaire d’une marque, ne faire que du design et laisser le reste à des
sous-traitants spécialisés ; bien garder le contrôle de la chaîne logistique. Comme le
résume l’auteur dans la conclusion de ce chapitre : « Dans le monde de la production
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fragmentée, les enjeux sont ce qu’ils ont toujours été : bénéfices, pouvoir, sécurité et
nouvelles opportunités. Ce qui a changé, c’est qu’il est désormais possible d’atteindre ces
objectifs en se positionnant à n’importe quel point de la chaîne de valeurs ». Le tout est
de bien choisir.
Les deux chapitres de la partie cinq complètent le tableau. D’une part, y sont discutés les
nombreux cas d’entreprises, toutes branches confondues, qui, non seulement n’ont pas
délocalisé mais, pour certaines d’entre elles, ont même rapatrié des productions
délocalisées, car les avantages d’une main d’œuvre compétente, de la proximité des
marchés et de l’évolution de la demande, compensent les attraits des bas salaires.
D’autre part, est soulignée l’importance de ce que l’auteur appelle l’héritage, par quoi
sont désignées à la fois les compétences particulières qu’une entreprise a développée au
cours de son existence, ce que Philip Selznick en son temps appelait son « caractère », et
les avantages institutionnels comparés des différents pays (système de formation de la
main d’œuvre, régime de négociations collectives, gouvernance des entreprises,
organisation financière, etc.). Cet héritage structure les options que peuvent réalistement
choisir les entreprises, et fournit des ressources spécifiques pour rendre telle ou telle
stratégie de production plus faisable et plus facile à mettre en place. Il est ainsi
remarquable de constater que, tendanciellement, la voie de la sous-traitance totale est
plutôt choisie pas les entreprises américaines qui ont inventé le modèle des « fabless »,
alors que les entreprises japonaises et coréennes semblent plus hésitantes à s’engager
dans cette voie, quand elles ne la critiquent pas franchement.
Dans la dernière partie, l’auteur tire un bilan et souligne les implications des résultats de
ce voyage de cinq ans à travers 500 entreprises du monde entier. Sur le plan de
l’entreprise, les résultats parlent d’eux-mêmes. Tout d’abord, le plus important : il n’y
pas une seule, mais des recettes pour le succès, la convergence n’a pas lieu. Quelque
soit le secteur, on voit coexister plusieurs modèles de fonctionnement : des entreprises
intégrées coexistent et prospèrent côte à côte avec des entreprises en réseau, et rien ne
permet de dire que l’une sera durablement supérieur à l’autre. C’est en fait la bonne
exploitation des ressources et des compétences spécifiques de chaque entreprise,
l’ajustement entre sa stratégie et ses compétences qui font la différence. Dans cette
perspective, fonder sa stratégie sur la seule recherche d’une main d’œuvre à bas prix
n’est pas une stratégie gagnante. Autre résultat, non moins important aucun secteur ne
semble condamner à disparaître dans les pays anciennement industrialisés : même dans
le secteur textile, secteur le plus sensible à l’attrait des bas salaires, on voit des réussites
incontestables d’entreprises américaines, italiennes, espagnoles, implantées dans des
pays à haut salaires et fonctionnant avec des choix organisationnels très divers.
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Viennent ensuite trois mises en garde. La première concerne le défi que constitue la
bonne gestion de la sous-traitance dans la mesure où elle risque à tout moment de
produire des concurrents. Même si les fabricants contractuels chinois ou taïwanais
assurent ne pas vouloir faire de la concurrence à leur clients, le livre a analysé plusieurs
cas
où
d’anciens
sous-traitants
partenaires
contractuels
ont
fini
par
capitaliser
l’expérience accumulée dans la fabrication « à façon » comme on disait dans le temps,
pour lancer leur propre marque et venir concurrencer leur anciens clients sur leur propre
terrain. Gérer le partenariat industriel est donc une tâche bien complexe : il y faut de la
confiance doublée de vigilance, c’est un rapport de dépendance mutuelle dans lequel il ne
faut se laisser emprisonner, tout en en retirant tout l’avantage d’un rapport de
coopération durable. Rien que l’énoncé de la chose fait comprendre qu’il s’agit d’un
rapport dont la bonne gestion exige de la doigté, de l’intelligence et une capacité à faire
des choses contradictoires. Ensuite, une deuxième mise en garde concernant le défi
chinois : tout en disant clairement que la menace des pays comme la Chine et l’Inde
dans le domaine des hautes technologies est
actuellement surfaite, l’auteur souligne
aussi que les choses risquent d’aller vite et qu’il faut s’attendre à des percées dans tel ou
tel domaine dans un avenir pas très éloigné. D’où sa troisième mise en garde :
comprendre que les rentes économiques que la capacité d’innovation procure sont moins
que jamais éternelles. La mondialisation signifie aussi que nous sommes entrés dans un
monde plus mobile où les situations acquises sont constamment menacées par la
dynamique de la « destruction créatrice » décrite par Schumpeter. Le seul salut d’une
entreprise comme d’une société face à cela est dans sa capacité à innover, à détecter de
nouvelles opportunités, à inventer de nouvelles combinaisons de facteurs et à renouveler
ses manières à créer de la valeur. Le salut n’est pas dans l’érection de murailles ou de
lignes défensives, il est dans la mobilité et dans l’invention. C’est aussi ce qui doit
inspirer l’action des gouvernements nationaux dans ce nouveau monde en train
d’émerger. Les entreprises sont en effet tributaires de tout un ensemble de conditions
(ce
qu’on
appelle
communément
« l’environnement
économique »
ou
le
« tissu
institutionnel » porteur du développement des firmes) pour pouvoir se développer et
s’adapter à la nouvelle donne. Car contrairement à ce que prétendent certains, la
mondialisation ne met pas fin à l’enracinement des grandes multinationales dans leur
pays d’origine. Les gouvernements nationaux ont donc leur rôle à jouer. Il leur appartient
tout d’abord à valoriser l’avantage institutionnel comparé de leur pays en le renouvelant
en fonction de la nouvelle donne. Il leur appartient ensuite à construire les conditions qui
permettent
de
rendre
socialement
acceptable
l’ouverture
des
économies
et
le
renouvellement accéléré des arrangements organisationnels et sociaux qui en sont le
prix : y figurent les politiques de soutien à l’enseignement secondaire (exhortation
adressée au pouvoirs publics américains qui vaut aussi pour le gouvernement français
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même si on peut penser que la priorité en France devrait plutôt aller à l’enseignement
supérieur en voie de paupérisation accélérée) et surtout le soutien à l’innovation capable
de produire d’autres sauts technologiques que celui que nous avons connu au cours des
quarante dernières années et dont les conditions institutionnelles, nous dit l’auteur, ont
disparu dans le monde de la production modularisée d’aujourd’hui. La croissance et le
progrès économiques sont à ce prix.
Made in Monde est un livre important. Dans ces temps de lamentations il apporte une
note tonique. Il parvient à parler de la mondialisation différemment, avec des mots
simples et concrets, sans jargon, de manière vivante et non mortifère, en racontant mille
histoires concrètes d’entreprises. Comme le suggère son titre anglais How we compete
(qu’on
pourrait
traduire
approximativement
par
« Comment
nous
nous
faisons
concurrence ») il en parle à partir d’un point de vue inhabituel et oh combien important,
celui des entreprises et des entrepreneurs qui font la mondialisation à travers leurs choix
et à travers leurs actions. Il nous en montre un autre visage, moins effrayant et plus
proche de nous. On voit tout un tas d’acteurs s’affairer non pas pour la combattre, mais
pour jouer avec et dedans, pour mettre à profit les opportunités qu’elle apporte, et qui
réussissent malgré, mais plus vraisemblablement aussi à cause du contexte plus difficile
parce que plus instable et plus mouvant. Ainsi, la mondialisation n’est pas seulement ce
grand épouvantail avec lequel nous nous faisons peur périodiquement, cette chape de
plomb qui nous tombe dessus et dont nous avons pris l’habitude de faire l’explication
passe-partout de tout ce qui va mal. Elle est aussi un formidable appel d’air et une force
de renouveau pour peu qu’on puisse, mais aussi qu’on veuille se saisir des innombrables
opportunités qu’elle offre pour l’innovation, la recombinaison originale des facteurs, le
renouveau des arrangement institutionnels, le développement.
A y regarder de plus près, ce livre est en fait un hymne non pas à l’entreprise, mais à
l’esprit d’entreprise, seul capable de nous faire sortir gagnant face aux bouleversements
et
à
la
mise
en
cause
des
situations
acquises
qu’apporte
inévitablement
la
mondialisation. Qu’on ne se méprenne surtout pas. Ce livre ne peint pas un tableau
idyllique et irénique de la mondialisation. Il en montre les ressorts et la signification
profonde, à savoir une incroyable intensification de la concurrence qui déstabilise tout,
puis que cela revient en fait à fortement augmenter les options et possibilités de choix à
la disposition des entreprises. Celles-ci, du moins dans les secteurs exposés, sont
beaucoup moins prisonnières qu’avant des arrangements organisationnels, financiers,
commerciaux, sociaux et technologiques existants. Ils peuvent en choisir d’autres et donc
négocier leurs conditions plus chèrement. De même, le livre n’escamote la discussion
d’aucun des dangers ou menaces qu’apporte la mondialisation. Il ne passe pas sous
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silence son côté sombre : la disparition des emplois, la déqualification d’un bon nombre
d’autres, l’insécurité sociale à travers la mise en cause des situations et des droits acquis,
la pression exacerbée de la compétition, le création de nouvelles inégalités. Mais il ne
s’arrête pas là. Par les multiples histoires d’entreprises qu’il présente, il montre qu’il n’y a
pas de fatalité du déclin, il montre qu’il est possible de réussir dans à peu près tous les
secteurs et de manière extrêmement diverse. C’est l’esprit d’entreprise, la capacité
d’innovation et la compétence dans la mobilisation des ressources et dans la mise en
œuvre des stratégies qui font la différence. En d’autres termes, le livre nous rappelle que
c’est dans le mouvement, dans la mobilité et dans l’agilité à rebondir, à redéployer les
ressources que se trouve le salut, non pas dans le retrait derrière je ne sais quelle ligne
de défense ou de ligne Maginot imaginaire. C’est pour cette raison que je tiens ce livre
pour important et qu’il faut souhaiter qu’il soit lu par le plus grand nombre d’enseignants
du secondaire, et notamment par tous ceux qui enseignent les questions économiques et
sociales.
Un livre comme celui-ci soulève naturellement aussi beaucoup de questions. Dans le
cadre de ce compte-rendu il n’est pas possible de les aborder toutes. Je me bornerai
donc à en évoquer trois.
La première a trait à la diversité des formes organisationnelles et des stratégies que le
livre observe et souligne avec force. Ce sont l’affirmation et la démonstration empiriques
de la diversité des voies possibles vers la réussite qui forme le constat central du livre,
diversité non seulement entre les secteurs, mais au sein même des secteurs analysés.
Que ce soit dans l’industrie des micro processeurs, de l’automobile, du textile et de la
confection, des ordinateurs : partout on voit plusieurs stratégies d’entreprises dont la
mise en œuvre systématique mène également au succès. Si dans certains secteurs
comme celui des micro processeurs, le modèle de la sous-traitance intégrale est plus
développé, si les entreprises américaines semblent plus portées vers ce modèle que les
entreprises japonaises ou européennes, nulle part il s’est imposé comme la seule
référence, et partout co-existent modèles de production modularisée, entreprises
éclatées et entreprises intégrées. Ce constat est rassurant et surtout intéressant, mais
quel est son statut ? Est-ce une diversité provisoire ou est-ce une diversité structurelle ?
L’auteur pose lui-même la question, en soulignant en même temps que tout pronostic en
ces matières est affecté d’une date de préemption rapprochée, tant les choses évoluent
vite. Il me semble pourtant qu’on peut parier sans trop de risque que cette diversité est
structurelle, pour les mêmes raisons que la convergence tant annoncée entre « variétés
de capitalisme » tarde à se réaliser. Il est peu vraisemblable que le modèle « fabless »
constituera demain la référence unique et incontournable. Comme le montre bien le livre,
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son
fonctionnement
technologiques
d’une
suppose
part,
en
effet
l’acceptation
réalisées
de
la
toute
une
banalisation
série
des
de
conditions
produits
(leur
« commodification ») d’autre part, lesquelles ne sont pas prêtes d’être réalisées dans
tous les secteurs.
Mais il y a plus. On peut en effet se poser la question de la viabilité de ce modèle sur le
moyen terme, même là où les conditions technologiques et les considérations
commerciales nécessaires sont remplies. Pour illustrer mon propos, je rappellerai
brièvement l’histoire d’une entreprise européenne de mécanique fine, que j’ai été
amenée à étudier de près. Très implantée aux Etats-Unis et leader sur son marché, cette
entreprise avait décidé, au milieu des années soixante, de devenir une organisation
« fabless » avant la lettre, essentiellement pour des raisons de coûts. L’ensemble de la
fabrication fut sous-traité à un fabricant japonais, le siège en Europe et aux Etats-Unis
(le marché principal de l’entreprise) ne gardant que les services de R&D, le Marketing et
la distribution, donc le contact au client. Le modèle a fonctionné à merveille pour
améliorer les comptes de l’entreprise, avant de se gripper à nouveau gravement. Après
beaucoup de tâtonnements, il fut décidé de revenir assez fortement en arrière, de
reprendre une partie de la fabrication en propre sur un site contrôlé directement par le
siège dans un pays européen à bas salaire à l’époque. La première raison avancée pour
ce changement de stratégie concernait la bonne gestion de la sous-traitance : l’usine
gérée en propre donnait à l’entreprise un effet de levier lui permettant de mieux
contrôler le fabricant japonais, qui avait de son côté commencé à remonter la chaîne de
valeur vers l’industrialisation des produits proposés par la R&D et le marketing et
constituait de plus en plus une boite noire opaque, notamment en ce qui concerne les
coûts de fabrication. Mais cette dimension de gestion de coûts et de gouvernance de la
sous-traitance qui est abordée à plusieurs reprises dans le livre, en recouvrait en fait une
autre qui, par certains côtés, était plus inquiétante et plus dommageable à terme : sans
qu’on s’en rende compte sur le court terme, la sous-traitance de la fabrication avait en
effet entraîné un affaiblissement des compétences des services de R&D, et une
diminution de leurs capacités auparavant réputées à concevoir des produits innovants et
performants. L’analyse de cet état de fait a mis en lumière l’importance d’une boucle
organisationnelle qui avait permis, du temps de l’entreprise intégrée, aux ingénieurs R&D
de communiquer facilement et rapidement avec la fabrication et d’intégrer les remarques
de celle-ci dans leur travail. L’éloignement de la fabrication avait interrompu cette boucle
et isolé les services RD dans un monde éloigné des réalités de la fabrication, entraînant
en fait une perte de compétence sur son produit lui-même. Il a fallu reconquérir cette
compétence, et la gestion en directe d’une usine s’est à cet égard avérée une ressource
décisive.
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Il me semble que ce cas, pour partiel qu’il soit, montre bien le pari osé et pas
nécessairement gagnant qu’il y a derrière le modèle « fabless ». Il consiste à penser de
manière univoque les flux d’information et d’échange entre concepteurs et fabricants,
comme si les deux vivaient dans des mondes séparés, pouvant être optimisés
indépendamment l’un de l’autre et couplés par une simple logique séquentielle. C’est bien
le schéma qui sous-tend la division du travail dans le monde des microprocesseurs : aux
uns le dessin, aux autres les procédés de fabrication, la fidélité et l’exactitude de la
transmission des préconisations des premiers vers les seconds étant garanties par une
interface informatique automatisée. N’étant pas familier des conditions d’élaboration des
masques, je suis incapable de savoir si les spécialistes du process de fabrication des
puces n’ont vraiment rien à apprendre à ceux qui conçoivent le dessin, et comment dans
le cas contraire les industriels « fabless » de ce secteur ont résolu le problème de
communication avec leurs sous-traitants et de la maîtrise continue de leurs produits. Je
veux donc bien croire qu’une telle conception séquentielle de la production soit réaliste à
terme dans ce métier et puisse durer. De même, on ne peut qu’admirer le modèle
d’affaire de Dell. Mais il me semble aussi que la généralisation de ce modèle se heurtera
à beaucoup d’obstacles dans d’autres secteurs, là où on ne pourrait (ou ne voudrait) pas
pousser la standardisation et la banalisation des produits et des composants aussi loin, là
où les interfaces entre fonctions sont moins stabilisées et moins formalisées. Le
problème, c’est qu’il y a dans ces questions de changement de modèle d’affaires ou
modèle de fonctionnement toujours un décalage temporel délicat à gérer. A court terme,
de tels changements apportent des résultats positifs, en partie parce qu’ils profitent
encore des ressources et des compétences accumulées dans le modèle précédent. Ce
n’est qu’avec le temps que leurs coûts deviennent plus visibles. C’est bien ainsi qu’on
peut interpréter l’histoire de la gestion par projet et des organisations matricielles. On
entend de plus en plus que ces types d’organisations cannibalisent les compétences
existantes dans l’organisation, sans permettre de les reconstituer en capitalisant sur les
expériences et les opérations menées. D’où l’insistance depuis quelques années sur les
procédés de capitalisation des connaissances et des compétences jusqu’à envisager une
hybridation des principes matriciels. Il y a donc beaucoup de raisons pour lesquelles le
stade ultime de la modularisation de la production, le modèle »fabless », ne se
généralisera pas facilement, et ce processus sera l’objet de beaucoup d’hybridations en
fonction des circonstances particulières de tel ou tel secteur, voire il produira à terme des
conséquences contre-productives qui pousseront à en moduler voire en modérer l’emploi.
Voilà encore une raison de penser que la diversité des modèles restera une
caractéristique forte du paysage industriel dans la mondialisation. Les conclusions du
livre vont d’ailleurs dans ce sens. Il affirme certes que pour beaucoup de secteurs aux
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Etats-Unis, la messe semble dite : l’entreprise modulaire y constitue le modèle dominant
et ne laisse subsister des exceptions que sur la marge. Mais ce n’est pas vrai pour tous
les secteurs, même aux Etats-Unis, et correspond encore moins à la réalité au Japon et
aussi en Europe.
La troisième question posée par le livre et abordée dans le tout dernier chapitre concerne
le défi que constitue la mondialisation pour l’Etat, ce qui inclut aussi toutes les autorités
publiques territoriales. Le rôle de l’Etat n’était pas l’objet du livre, aussi n’est-ce pas
étonnant que peu de développements lui soient consacrés. C’est même probablement un
des intérêts du livre que de mettre pour une fois l’accent sur le rôle des entreprises et
des entrepreneurs qui sont les premiers acteurs de la mondialisation. Car, par là, il
souligne le renversement d’optique qui doit plus que jamais guider l’intervention
publique : ce n’est plus l’Etat qui est l’acteur crucial, mais ce sont les entreprises, et pas
seulement les entreprises existantes, mais aussi (voire surtout) les entreprises qui
n’existent
pas
encore
et
dont
il
faut
susciter
la
création
et
accompagner
le
développement. Ce renversement d’optique met les pouvoirs publics devant des défis
redoutables, partout en Europe, et tout particulièrement en France. Le premier de ces
défis est de comprendre la signification profonde d’une économie ouverte pour son rôle et
ses
possibilités
d’intervention.
Il
ne
s’agit
plus
d’entreprendre,
mais
d’aider
à
entreprendre, il ne s’agit pas de protéger, mais d’encourager la création d’entreprise, le
renouvellement constant du tissu d’entreprise à la faveur d’innovations de toutes sortes,
d’aider les entreprises à se projeter. Il s’agit au fond de comprendre ce que signifie, pour
ce qui est de la fonction économique de l’Etat, de passer du rôle d’orchestrateur d’une
économie de rattrapage à celui d’un accompagnateur d’une économie fondée sur
l’innovation et la mise en concurrence exacerbée. Dans une telle économie, l’action des
pouvoirs publics doit toute entière tendre vers la libération des initiatives et l’esprit
d’entreprise. Il en résulte un déplacement et une dé-sectorialisation des moteurs de
l’action économique des pouvoirs publics. Les exigences de la compétitivité, non
seulement des grandes entreprises et champions nationaux mais du tissu économique
dans son ensemble, et notamment du tissu des PME, deviennent l’aune d’un nombre
croissant de politiques publiques dont l’autonomie par rapport à cet objectif central
décroît : c’est naturellement les politiques des marchés du travail, mais aussi les
politiques d’enseignement et de formation, les politiques de recherche, les politiques de
la concurrence et d’autres. Faire pénétrer ce nouvel esprit dans l’action des secteurs
administratifs concernés n’est pas le moindre des défis devant lesquels se trouvent
placés les pouvoirs publics dans un pays comme la France, habitués qu’ils sont à jouer un
rôle plus majestueux, habitués aussi à considérer que les contraintes économiques ne les
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concernent pas directement1. Il est d’ailleurs significatif à cet égard que les collectivités
territoriales (villes, régions) semblent avoir compris beaucoup plus vite et mieux que les
administrations nationales les nécessités de ce repositionnement de leurs actions : elles
savent d’expérience ce qu’est la concurrence autour de l’obtention d’une implantation
d’une entreprise. En fait, il faut bien comprendre que, dans cette nouvelle configuration,
l’administration centrale et les pouvoirs publics nationaux sont largement dépassés.
L’intervention des pouvoirs publics au service de l’économie de l’innovation passe
nécessairement par un dessaisissement des pouvoirs publics nationaux au bénéfice des
collectivités régionales et éventuellement des grandes villes.
Mais derrière cette nouvelle hiérarchisation de l’action publique au service de l’impératif
de la compétitivité du tissu économique, se cachent deux autres défis peut-être moins
visibles et moins discutés, mais dont la gestion satisfaisante commande tout autant
l’avenir. Le premier est l’acceptabilité des conséquences de cet impératif de la
compétitivité dans une économie de plus en plus ouverte. Celle-ci entraîne en effet une
partition de plus en plus sensible entre un secteur exposé et "hyper"-compétitif, et un
secteur protégé dont le symbole (le vaisseau amiral) est la fonction publique au sens
large. Dans un pays comme la France, l’écart entre les deux mondes n’a cessé de
s’accentuer. En partie, mais en partie seulement, cet écart recoupe ce qui a été débattu
en France sous le terme de fracture sociale. En partie, il se manifeste sous forme d’un
accroissement des inégalités, même si, à en croire les statistiques, celle-ci se sont
beaucoup moins accrues en France que dans d’autres pays d’Europe, sans parler des
Etats-Unis, et même si ce fait ne doit pas cacher l’apparition de nouvelles inégalités
horizontales beaucoup moins souvent thématisées mais tout aussi réelles entre ceux qui
disposent d’un emploi stable et de conditions de retraites privilégiées (cela concerne en
premier lieu le groupe des fonctionnaires et des employés du secteur public) et les
autres. Mais cet écart est réel au point qu’il se retrouve dans la géographie économique
du pays. Comme l’ont bien montré Davezies et Veltz dans une contribution récente sur la
métamorphose du territoire2, à une France des métropoles bien insérée dans la
compétition internationale et contribuant à la part de lion de la création de valeur,
s’oppose une autre France de la province et des campagnes, en quelque sorte à l’écart,
dont le dynamisme économique repose de plus en plus exclusivement sur l’emploi public
et sur les ressources de la redistribution sociale. On comprend que cet écart correspond
en fait à une sorte de partition souterraine des esprits : d’un côté une population qui vit
1
2
Dans le jargon de la gauche française, cela s’appelle la « marchandisation » de la société et les « ravages
de l’ultralibéralisme ».
Daviers L. et Velte P., La métamorphose du territoire : nouvelles mobilités, nouvelles inégalités, in
Thierry Puech et Pierre Rosaniline (Ed.), La nouvelle critique sociale, Paris, Le Seuil- La république des
idées ; 2006, pp.27-36.
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les réalités de la mondialisation, s’en accommode voire en profite, et de l’autre une
population qui, ne la vivant pas réellement, en a peur et en vient à refuser l’impératif de
la concurrence internationale, l’intensification de la création de valeur et la remise en
cause des leurs conditions d’existence qui en découleraient, ce refus étant motivé plus
par des raisons cognitives que pour des raisons morales et politiques. En somme, ils ne
comprennent pas le problème. C’est une situation depuis longtemps bien connue des
managers des grands opérateurs de services publics en France qui doivent faire partager
leurs anticipations d’une concurrence planétaire à venir et les nouveaux modes de
fonctionnement qui en découlent, à des salariés qui ne comprennent pas de quoi on leur
parle et regardant simplement ce qui se passe dans leur contexte immédiat d’action. Il
me semble que les pouvoirs publics dans un pays comme la France, où la culture
économique est sous-développée et où l’acceptation d’une économie de marché n’a
jamais fait l’objet d’une pédagogie politique, font mutatis mutandis face à une difficulté
comparable. Cette difficulté est bien illustrée, parmi beaucoup d’autres dimensions, par
le non des français au référendum sur la constitution européenne, dont la géographie
recoupe très largement cette partition entre une France insérée dans l’économie
mondiale et une France sinon "désinsérée", du moins largement découplée de celle-ci.
L’autre défi fait référence à un point soulevé par Suzanne Berger dans le dernier
chapitre. Elle y montre que l’incroyable développement économique des quinze dernières
années
aux
Etats-Unis,
développement
auquel
l’Europe
continentale
n’a
malheureusement pas participé autant qu’on aurait pu le souhaiter, est inséparable du
bond technologique rendu possible par les travaux et les inventions réalisées par des
laboratoires de recherche entretenues et financées par de grandes entreprises intégrées
comme Xerox, IBM, Dupont de Nemours, et les Bell Laboratories d’AT&T. Ces laboratoires
fonctionnaient avec beaucoup d’indépendance et avaient la capacité de développer des
recherches interdisciplinaires dont les débouchés n’étaient pas immédiatement visibles et
dont les retombées ont, de proche en proche, produit la poussée technologique des
quinze dernières années. Sous la pression de leurs actionnaires, et pour affronter les
nouvelles conditions de fonctionnement d’une économie de marché mondialisée, ces
laboratoires (et souvent leurs entreprises mères) ont été restructurées et plus
directement mis au service de la création de valeur. Et Suzanne Berger de s’interroger si,
dans ces nouvelles conditions organisationnelles, ces laboratoires et ces entreprises
seront encore capables de fabriquer, demain, les inventions et les innovations qu’ils ont
produites dans le passé.
On pourrait prolonger et amplifier le problème ainsi décrit de la manière suivante :
combien d’inefficience d’un point de vue financier, ou quel degré de « slack »
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organisationnel, pour utiliser le terme de Cyert et March, est-il nécessaire pour des
innovations fondamentales ? Ou, dit autrement : les organisations maigres d’aujourd’hui,
d’où on a chassé la moindre graisse, qu’on a recentrées sur leur cœur de métier en
externalisant tout ce qui est considéré comme périphérique à ce métier, dont on a
rationalisé les moindres replis sont-elles encore capables de produire vraiment du
nouveau, ont-elles encore les espaces protégés dans lesquelles les associations inédites
de facteurs, de technologies, de savoirs à l’origine de toute vraie innovation sont
possibles, où sont-ce simplement des machines rationnelles à optimiser à court terme ?
Cette question est au cœur du dernier livre de R. Lester et de M. Pioré Innovation : The
Missing Dimension. Elle correspond au plan de l’économie d’entreprise au dilemme du
choix rationnel : la rationalité est ce qu’il y a de meilleur pour organiser de manière
optimale quand les buts sont connus et acceptés. Mais elle peut aussi être l’instrument
de sous-optimisation désastreuse lorsque le calcul et le choix doivent se faire à l’intérieur
d’une gamme de possibles trop restreinte. Soulever cette question n’est pas un plaidoyer
pour un retour en arrière (d’ailleurs totalement irréaliste et pas souhaitable) aux
corporations multi-divisionnelles et conglomérats paresseux de naguère que la vague des
restructurations industrielles et financières a dépecés et fait éclater. C’est simplement
mettre le doigt sur un problème insuffisamment thématisé de notre capitalisme financier
du début du XXIè siècle qui exigera qu’on s’y intéresse sans trop tarder.
Erhard Friedberg
Professeur des universités à Sciences-Po
Centre de Sociologie des Organisations
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La croissance sans emploi des Etats-Unis aujourd’hui
•
Parler de la mobilité que donne la possibilité d’éviter les lourdes immobilisations
liées à la production. L’existence de fabricants contractuels qui n’attendent que
cela, permet à des start-up sans grande immobilisation de partir très vite à la
conquête de marché et donc d’accélérer le passage à l’innovation produit.
•
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