Courant fort Un bulletin pour rester au courant de la scène
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Pour recevoir le bulletin régulièrement, inscrivez-vous sur www.energieuisse.net Courant fort Un bulletin pour rester au courant de la scène énergétique Numéro 8 - Janvier 2016 _____________________________________________________________________________________________________ Dans ce bulletin, nous attirons l'attention sur une remarquable évolution de la transition énergétique allemande dans la nouvelle Loi sur les énergies renouvelables soumise au Bundestag en décembre dernier - avec deux contributions (un professeur et un ministre) qui remettent en cause les fondements économiques de la transition et le régime de subventions pervers qui a prévalu jusqu'à maintenant. Le chef du Parti socialiste allemand s'engage résolument dans la voie du libéralisme. Il faut dire que le socialisme allemand a toujours une longueur d'avance sur le nôtre, dans l'erreur et dans la sagesse. ____________________________________________________________________________________________________ Commission de l'énergie: voie libre pour le nucléaire La Commission de l’énergie du Conseil national a terminé ses délibérations sur les divergences subsistant dans la Stratégie énergétique 2050. La majorité s’oppose tant à l’introduction d’un concept d’exploitation à long terme qu’à une limitation de la durée d’exploitation des centrales nucléaires. Le Conseil national avait approuvé ces réglementations lors de son premier examen du projet. La Commission de l’environnement, de l’aménagement du territoire et de l’énergie du Conseil national (CEATE-N) a traité les divergences qui subsistent dans les différentes lois modifiées par la Stratégie énergétique 2050. Elle propose à son conseil de renoncer à introduire des dispositions visant à prévoir un concept d’exploitation à long terme (14 voix contre 11) et de ne pas limiter la durée d’exploitation des centrales nucléaires (14 voix contre 9 et 2 abstentions). La majorité est convaincue qu’il est inutile de compléter la loi sur l’énergie nucléaire pour garantir la sécurité des centrales et réglementer leur mise hors service. Au contraire, elle met en garde contre le risque que les exploitants contraints de désaffecter prématurément leurs centrales réclament des dommages et intérêts. Une minorité de la commission souhaite que le Conseil national maintienne ses décisions. À l’instar de l’Inspection fédérale de la sécurité nucléaire (IFSN), elle estime en effet que les points précités doivent être réglés au niveau de la loi et juge la voie de l’ordonnance insuffisante. Selon la minorité, il s’agit de la seule façon de garantir que les autorités disposent d’une base légale suffisante pour exercer leur mission de surveillance lors de la future phase de mise hors service des centrales. 1 Par 13 voix contre 11 et 1 abstention, la commission a rejeté une proposition du Conseiller National FDP Christian Wasserfallen, une proposition qui consistait à revenir sur la disposition interdisant l’octroi de nouvelles autorisations générales. Selon toute vraisemblance, c'est le Conseiller national Benoit Genecand, FDP fraichement élu, qui s'est abstenu. Ce résultat très serré diffère beaucoup des votes précédents dans les deux commissions des chambres. _________________________________________________ Vent-soleil: les inévitables mécanismes du marché Dans le secteur de l'électricité, la politique énergétique allemande n'arrive pas à se déterminer entre la variante "marché concurrentielle" et la variante "dirigisme étatique". De prime abord, l'année passée, avec la "Loi sur le marché de l'électricité", le gouvernement semblait fortement s'engager en faveur du marché concurrentiel. Exactement en même temps, cependant, il a forcé très arbitrairement la mise hors service de certaines centrales au lignite - et ainsi démontré sa volonté débridée d'ignorer à volonté la liberté du marché. "Prémisse: pour trouver - comme dans le cas du lignite avec la notion de "réserve de sécurité" une façon de répercuter le coût supplémentaire sur les consommateurs d'électricité. Cette répartition peu claire des responsabilités entre le marché et l'État constitue un dilemme persistant du Tournant énergétique. Car d'une part, la politique veut déterminer elle-même quelles technologies sont utilisables et celles qui ne le sont pas - d'autre part elle a besoin d'un marché libéralisé, ne serait-ce que parce qu'il n'existe aucune autre solution pour coordonner les nombreux acteurs dans l'ensemble du système. Ce dilemme se manifeste entre autres dans la détermination des barèmes de prix à la consommation. En particulier, la Loi sur le marché de l'électricité devrait régler les activités croissantes dans le commerce inter-journalier. Ceci exige une tarification à mailles fines, une tarification qui joue – et qui doit jouer - un rôle décisif dans l'intégration au réseau des énergies intermittentes, comme le vent et le solaire. Dans ce contexte, on observe une intense activité de recherche, riche en innovations, un domaine dans lequel notre institut participe intensément. Pourtant, en même temps, la politique finance de nombreux mécanismes - y compris le subventionnement des coûts différentiels des énergies renouvelables - par des rétributions sur les kilowattheures (kWh) consommés - des rétributions fixes et indépendantes du moment de la journée. C'est la même chose pour les coûts de réseau – que l'on répartit sur les kWh consommés - au lieu de, par exemple, de la puissance de raccordement. Pour aggraver les choses, l'État impose de surcroit une taxe forfaitaire sur les kWh consommés. Avec toutes ces charges financières fixes sur les kWh consommés, la politique écrase et lisse tous ces merveilleux signaux qui prévalent dans le commerce de gros avec ses prix flexibles et temporellement variables. Une tarification de l'électricité si dépendante de l'État cause des distorsions croissantes dans le système électrique. C'est ainsi que l'autoproduction d'électricité avantage plus les privés que l'économie en général. Suite à une autoproduction croissante, le système électrique collectif doit distribuer sur un volume de consommation totale décroissant, les mêmes coûts fixes et les mêmes coûts de réseau, ce qui rend encore plus cher le recours au réseau collectif et rend encore plus attrayante l'autoproduction. Manifestement, une spirale ne pouvant que mal finir. 2 De plus, la politique ignore ou sous-estime les potentiels d'une gestion plus flexible et dynamique de la demande d'électricité. Il n'y a pas que les outils souvent cités d'une meilleure gestion de la demande; il y aurait encore l'utilisation plus judicieuse de l'électricité dans le secteur de la chaleur. La quantité d'électricité éolienne et solaire ne cesse de croître en Allemagne; malheureusement solaire et éolienne partagent une grande simultanéité. Malgré cela, la politique voudra installer toujours plus d'énergies renouvelables – avec les mêmes excédents dans les mêmes créneaux temporels en tout cas, tant que les modalités de rétribution ne changeront pas. Le secteur de la chaleur serait pourtant un réceptacle assez grand et facilement accessible pour les excédents grandissants d'électricité intermittente. Pour la mise en place d'une utilisation plus efficace des fluctuations de la production, en particulier grâce à l'intégration de l'électricité et de chaleur, les consommateurs d'électricité devraient pouvoir adapter leur comportement de consommation - à chaque instant - que selon le prix d'équilibre instantané du réseau. Tous les autres coûts aujourd'hui associés au volume de kWh consommés - réseau, redevances, impôts n'ont rien à voir avec le moment de la consommation. Ils seront payés sous une autre forme. En révolutionnant de cette façon-là l'actuel système de prix, la politique libérerait un fabuleux potentiel d'innovation et d'efficacité. Bien sûr qu'elle perdrait ainsi son instrument chéri de la redevance sur le kWh, puisque les intrusions politiques sur le marché seraient financées par d'autres moyens! Entre temps, pendant la transition de l'ancien au nouveau régime, la politique aurait bien sûr fort à faire pour régler les conflits de distribution entre les acteurs multiples. Une telle révolution est donc probablement peu probable à court terme. À plus long terme, la montée en puissance des énergies renouvelables et ses conséquences économiques rendront cette révolution inévitable ________________________________________________ Président Sigmar Gabriel une évolution remarquable: socialiste → social-démocrate → social-libéral… Par conséquent, je crois que l'un des grands dangers de la situation sociale et politique actuelle [en Allemagne], c'est que nous sommes trop enclins à croire que le développement économique va se poursuivre comme jusqu'à maintenant. Dans les prochains mois, nous devrions en fait débattre de ce qui est nécessaire dans ce pays, locomotive de l'Europe, pour nous engager dans la prochaine vague de modernisation de l'économie… Que pouvons-nous faire pour améliorer la productivité de notre économie? Et en particulier: Comment allons aborder les défis de la numérisation intense de l'économie mondiale axée sur les données? C'est d'abord une question d'infrastructure. Nous nous sommes fixé comme cible un débit de 50 mégabits par seconde pour 2018. Ce ne serait qu'une étape intermédiaire. Un pays comme l'Allemagne devrait se donner comme objectif d'avoir en 2020 d'avoir la meilleure infrastructure numérique du monde, afin de ne pas laisser les bonnes affaires aux autres.... 3 En tant que Ministre de l'Économie, je pense que nos efforts dans ce sens doivent se dérouler dans le cadre de l'économie de marché. Je suis convaincu que seul le marché est à même de coordonner efficacement la demande et la production de 1,5 million d'installations. À long terme, ce n'est pas à l'État de déterminer les capacités de production nécessaires. Les énergies renouvelables seront elles-aussi soumises à un régime d'appels d'offres, de mise en concurrence. La Loi sur les énergies renouvelables dans sa version originale, ce fut un bon instrument pour la promotion technologique. Elle a aidé les chiots à grandir, mais les chiots sont devenus des chiens de chasse; il n'y a pas plus de raison de les considérer comme espèces en voie de disparition….. Commençons par les énergies renouvelables: Dans une première étape, avec la Loi de 2014, nous avons stoppé la dynamique des subventions élevées qui existait auparavant. La vente directe au marché devient obligatoire, si bien que les producteurs ne peuvent plus produire abusivement sans égard pour la demande; ils deviennent maintenant plus sensibles aux lois du marché. Avec le projet de Loi 2016, nous continuons sur la lancée d'une orientation encore plus compatible avec une économie de marché. Pour la première fois, les redevances aux producteurs ne seront plus déterminées par l'État, mais par appels d'offre. Ce ne seront plus les deux chambres parlementaires qui fixeront à l'avenir le prix de l'électricité sans émission de CO2, mais la concurrence selon la solution la plus rentable .... Nous devons être cohérents; nous devons continuer de faire évoluer le marché de l'électricité vers plus de concurrence. Dans le long terme, l'intervention de l'État dans ce domaine n'aurait que des effets négatifs. ... Mais aussi, le marché de l'électricité doit être réorganisé; l'électricité produite à partir des énergies renouvelables dépend du vent et du soleil, nous avons donc besoin de centrales qui réagissent avec souplesse. Et nous avons besoin d'un marché de l'électricité qui envoie les bons signaux aux producteurs et aux consommateurs. Une nouvelle organisation du marché est nécessaire pour que l'offre et la demande soient décidées sur le moment par le marché et non par décisions prises à l'avance par la politique. … au centre de la transition énergétique, il faut plus de marché et moins d'État. …. Sigmar Gabriel, Président du Parti socialiste allemand, Ministre fédéral de l'économie. Extraits d'une conférence donnée à Berlin le 19 janvier, publiée dans le Handelsblatt du 20 janvier 2016 -------------------------------------------------------------Commentaire: Dans le numéro du 28 janvier, l'hebdomadaire suisse-alémanique Die Weltwoche n'a pas apprécié la nouvelle politique du social-libéral Gabriel. Soyons précis: c'est sous la plume de Peter Bodenmann, 'invité permanent' du magazine, bien que proto-socialiste et ancien président du Parti socialiste suisse. Grand chien de chasse lui-même aux crocs acérés, il se moque de son Camarade Sigmar qui abandonne si lâchement les petits chiots allemands du renouvelable, lui qui voudrait en peupler tout le Haut-Valais… _____________________________ .energiesuisse.net un réseau-citoyen de toute la Suisse qui plaide - pour le bien de l’économie et de la population suisse - en faveur d’un approvisionnement en énergie suffisant, diversifié, sûr, économiquement optimal et respectueux de l’environnement, ainsi qu’une consommation économe et rationnelle de l’énergie, selon les principes de la Constitution fédérale (Art. 89). Une stratégie énergétique durable se doit de protéger les places de travail, la prospérité de tous et aussi les paysages. Associés au réseau; „Aktion für vernünftige Energiepolitik Schweiz (AVES)“; „Arbeitsgruppe Christen+Energie (ACE)“; „Arbeitskreis Energiewende (AKE)“; „Carnot-Cournot-Netzwerk“; „Clubenergie 2051“; "Energy for Humanity (Schweiz)"; “Forum Médecine et Énergie (FME); „Frauen für Energie (FFE)“; „Gruppe Gesamtenergie“; „ Institut libéral“; „Kettenreaktion“; „Naturfreunde für Atomstrom“; „Women in Nuclear (WiN) Schweiz“Coordination du Bulletin «Courant fort» d’energiesuisse.net : Pour la version française : Bruno Pellaud (physicien EPFZ et économiste HEC Lausanne) - Pour la version allemande : Irène et Simon Aegerter (docteurs en physique de l’Université de Berne) - (Pour la version allemande «Hochspannung», voir le site www.energiesuisse.net) 4