Observance médicamenteuse et lieu de contrôle de la santÃ

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Observance médicamenteuse et lieu de contrôle de la santÃ
L’Encéphale (2011) 37, S11—S18
Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com
journal homepage: www.em-consulte.com/produit/ENCEP
MÉMOIRE ORIGINALE
Observance médicamenteuse et lieu de contrôle de
la santé dans la schizophrénie
Drug compliance and health locus of control in schizophrenia
C. Combes ∗, F. Feral
1 bis, cité Voltaire, 75011 Paris, France
Reçu le 9 novembre 2009 ; accepté le 1er juin 2010
Disponible sur Internet le 8 octobre 2010
MOTS CLÉS
Schizophrénie ;
Observance
médicamenteuse ;
Lieu de contrôle de la
santé ;
Insight
KEYWORDS
Schizophrenia;
Compliance;
Health locus of
control;
Insight
∗
Résumé Parmi les facteurs influençant l’observance médicamenteuse dans la schizophrénie,
nous nous sommes intéressés aux croyances des patients en matière de contrôle de la santé,
conceptualisées sous le terme de lieu de contrôle de la santé. Nous avons fait l’hypothèse qu’il
existe une corrélation entre l’orientation interne et/ou externe liée aux docteurs du lieu de
contrôle de la santé et le degré d’observance médicamenteuse dans la schizophrénie. Pour cela,
nous avons déterminé, à l’aide de questionnaires, la qualité de l’observance médicamenteuse,
le type de lieu de contrôle de la santé et l’insight chez 65 sujets schizophrènes. Nos résultats
sont en faveur d’une corrélation positive statistiquement significative entre le lieu de contrôle
de la santé interne et/ou externe lié aux docteurs et l’observance médicamenteuse. Cela signifie que, plus les patients croient que leur schizophrénie peut être contrôlée par eux-mêmes
et/ou par les médecins, plus ils prennent leurs médicaments fidèlement à la prescription. De
plus, deux dimensions de l’insight que sont la conscience de la réponse au traitement et la
reconnaissance du besoin de traitement interviendraient comme facteurs de confusion dans
cette relation.
© L’Encéphale, Paris, 2010.
Summary Schizophrenia is a frequent disorder since it affects about 1% of the general population. Drug compliance, that is to say patients’ adherence to their treatment, remains rather
poor concerning this disease with, on an average, one patient out of two not complying with
his/her medication. Among the factors influencing drug compliance, we focused on patients’
beliefs in terms of health control, a concept known as health locus of control. This is a concept
that originated from social psychology and derived from the Rotters’ original concept of locus
of control: it corresponds to the type of connexion established by an individual between subsequent events in the history of his/her disease and internal (personal abilities) or external
factors (chance, powerful others). Nowadays, the tridimensional structure of this concept is
Auteur correspondant.
Adresse e-mail : [email protected] (C. Combes).
0013-7006/$ — see front matter © L’Encéphale, Paris, 2010.
doi:10.1016/j.encep.2010.08.007
S12
C. Combes, F. Feral
commonly admitted as being in three dimensions: internality, chance externality and powerful
others externality, the latter group being divided between doctors and others. We have assumed
that there is a correlation between the degree of drug compliance and the internal and/or
doctors’ external health locus of control. For this purpose, we have determined the quality of
drug compliance by using the Medical Adherence Rating Scale (MARS) and the type of health
locus of control by using the Multidimensional Health Locus of Control (MHLC) scale among 65
schizophrenic patients. We have also considered it was important to evaluate patients’ insight by
using the Amador’s scale (Scale of Unawareness of Mental Disorder) because many researchers
have established a strong correlation between insight and drug compliance in schizophrenia.
Associations between the four dimensions of health locus of control (‘‘internal’’, ‘‘chance
external’’, ‘‘others external’’ and ‘‘doctors’ external’’) and drug compliance were assessed by
estimating Spearman’s rank correlation coefficient (r) and its degree of significance (p). These
associations were judged significant at an alpha threshold of 5%, which corresponded to a level
of p inferior to 0.05. Our results tend to confirm a statistically significant positive correlation
between internal (r = 0.25; p = 0.043) and/or doctors’ external (r = 0.27; p = 0.027) health locus
of control and drug compliance. Conversely, there is no correlation between chance external
or others’ external health locus of control and drug compliance (p > 0.05). This means that
the more patients believe that their schizophrenia can be controlled by themselves and/or by
doctors, the more they follow their prescriptions. Furthermore, the link between health locus
of control and drug compliance appears to be confused by two dimensions of insight, namely
awareness of the response to the treatment and perceived need for treatment. An application
of these results is that, in the case of patients whose health locus of control is chance or
others’ external, it can be beneficial to attempt to change their beliefs in order to improve
drug compliance. These results hold particular interest in the field of psycho-education and can
be directly applied to cognitive therapy for beliefs among stabilized schizophrenic patients.
© L’Encéphale, Paris, 2010.
Introduction
D’importants progrès ont été réalisés dans le domaine
du traitement médicamenteux de la schizophrénie. Pourtant, 50 % en moyenne des sujets schizophrènes ne
suivraient pas correctement leur prescription médicamenteuse [7,8,10,16,22,35].
L’amélioration de l’observance dans la schizophrénie représente un enjeu majeur, dans la mesure où
l’inobservance augmente le risque de rechute et aggrave
le pronostic de la maladie [20,27,30,34,36].
Cette amélioration passe par une meilleure connaissance
des facteurs qui influent sur la qualité de l’observance.
Parmi les déterminants de l’observance liés aux
patients, nous nous sommes particulièrement intéressés aux
croyances en matière de contrôle de la maladie, conceptualisées sous le terme de health locus of control, traduit en
français par « lieu de contrôle de la santé » [13].
Le lieu de contrôle de la santé est la croyance dans le fait
que les évènements ultérieurs de sa santé ou de sa maladie dépendent, soit de facteurs internes (actions, efforts,
capacités personnelles), soit de facteurs externes (destin,
chance, hasard, personnages puissants) [31].
Actuellement, la structure tridimensionnelle du concept
est la plus reconnue. Les croyances se divisent selon trois
dimensions : l’internalité, l’externalité liée à la chance
et l’externalité liée aux autres tout-puissants, ce dernier
ensemble étant divisé entre les médecins (docteurs) et les
autres personnes dites puissantes (autres) [33].
Des études ont mis en évidence une corrélation entre
l’orientation interne du lieu de contrôle de la santé et
le degré d’observance médicamenteuse dans certaines
pathologies somatiques telles que le diabète, l’asthme et
l’hypertension artérielle [9,14,25,26,29,32].
Ces maladies, de part leur caractère chronique, soulèvent les mêmes problématiques que la schizophrénie en
termes d’observance médicamenteuse.
Bien qu’aucune étude ne l’ait démontré jusqu’à présent,
nous avons émis l’hypothèse que cette corrélation existait
dans la schizophrénie. Nous avons ainsi formulé l’hypothèse
suivante : « il existe une corrélation positive entre un lieu de
contrôle de la santé interne et/ou externe lié aux docteurs
et une bonne observance médicamenteuse chez les sujets
schizophrènes ».
Afin de le démontrer, nous avons recruté des patients
souffrant de schizophrénie et nous avons recherché, à l’aide
de questionnaires, la qualité de leur observance médicamenteuse ainsi que leurs croyances en matière de contrôle
de leur maladie.
Nous avons considéré qu’il était également important
d’évaluer l’insight de nos patients car de nombreux travaux établissent un lien fort entre insight et observance
médicamenteuse dans la schizophrénie [2,11,12,15,17].
Matériel et méthodes
Nous avons réalisé une étude transversale comparative afin
d’étudier les orientations du lieu de contrôle de la santé en
fonction du degré d’observance médicamenteuse dans une
population de sujets schizophrènes.
Observance médicamenteuse et lieu de contrôle de la santé dans la schizophrénie
Pour cela, nous avons mesuré leurs croyances en matière
de contrôle de la santé, leur score d’observance médicamenteuse ainsi que leur insight.
Les sujets ont été recrutés dans des structures intrahospitalières et extrahospitalières de différents secteurs
psychiatriques de Nice et de sa région.
Les sujets dans chaque site d’investigation ont été inclus
dans notre étude après avis de leur psychiatre traitant.
Chaque patient nous a fourni son consentement éclairé et a
participé de façon volontaire. Afin de réduire les biais liés à
l’évaluation de leur degré d’observance thérapeutique, les
sujets étaient informés de l’anonymat de leur participation
et du respect de la confidentialité des données recueillies.
Les inclusions se sont déroulées du mois de décembre
2007 au mois de mai 2008.
Les sujets recrutés souffraient tous d’un trouble schizophrénique selon les critères diagnostiques du DSM IV (APA,
1994). Les autres critères d’inclusion étaient : l’âge de
18 à 65 ans, la prise en charge en ambulatoire ou dans des
services de soins et l’évaluation à distance d’une décompensation psychotique aiguë.
Les critères d’exclusion étaient : les sujets mineurs ou
âgés de plus de 65 ans, les sujets en phase de décompensation psychotique aiguë, les sujets souffrant d’un trouble
schizo-affectif selon les critères diagnostiques du DSM IV
et les sujets présentant un retard mental, un trouble de
la personnalité ou souffrant d’une affection neurologique
évolutive.
Soixante-cinq sujets ont été évalués lors d’un entretien
semi-dirigé au cours duquel les questionnaires et échelles
suivantes ont été remplies :
• une fiche de renseignement sociodémographiques, anamnestiques et psychopathologiques créée pour l’étude ;
• une version française de la Positive And Negative
Syndrome Scale (PANSS) dans le but d’évaluer la symptomatologie psychotique [18] ;
• une version française de l’échelle de dépression de
Calgary, afin de dépister une éventuelle dépression
[1,19,21] ;
• une version française de la Medication Adherence Rating
Scale (MARS) qui est un auto-questionnaire de dix items
permettant d’évaluer le degré d’observance médicamenteuse dans la schizophrénie [23,28] ;
• une version française abrégée de l’échelle d’insight
d’Amador, la Scale of Unawareness of Mental Disorder
(SUMD) qui est un hétéro-questionnaire d’évaluation multidimensionnelle de la conscience du trouble (conscience
d’avoir un trouble mental, des symptômes positifs, négatifs et attributions causales) [3,4,6] ;
• une version française de la forme C de l’échelle Multidimensional Health Locus of Control (MHLC) qui permet de
recueillir les croyances en termes de lieu de contrôle de la
maladie et qui est construite à partir de 18 items (six items
« internes », six items « chance », trois items « docteurs »
et trois items « autres ») [24,31,33].
Analyse statistique
Les données ont été analysées au plan statistique sous SAS
9.1. Les associations entre les quatre dimensions du lieu
S13
de contrôle de la santé (« interne », « externe chance »,
« externe autres » et « externe docteurs ») et l’observance
médicamenteuse (MARS) ont été appréciées par l’estimation
des coefficients de corrélation des rangs de Spearman (r) et
de leur degré de signification (p).
Les facteurs de confusion potentiels qui ont été également analysés sont les dimensions de l’insight.
Des corrélations simples ont été estimées au cours d’une
première étape (coefficients de corrélation dits « bruts »)
entre le lieu de contrôle de la santé et l’observance par
ailleurs, mais également entre le lieu de contrôle de la
santé et les facteurs de confusion potentiels, puis entre
l’observance et ces mêmes facteurs de confusion.
Enfin, une analyse ajustée a été réalisée au moyen des
coefficients de corrélation partielle de Spearman ; cette
analyse permet d’estimer l’association lieu de contrôle de la
santé-observance en éliminant l’effet de ces tiers facteurs.
Les associations ont été déclarées significatives au seuil
alpha 5 % correspondant à un p inférieur à 0,05.
Résultats
Nous avons recruté 65 sujets schizophrènes, qui ont tous
participé à la totalité de l’étude.
Le Tableau 1 synthétise les caractéristiques sociodémographiques de la population.
Dans le Tableau 2, nous rapportons les facteurs anamnestiques et cliniques de notre population.
Les patients ont été évalués cliniquement à l’aide de plusieurs questionnaires. Les résultats sont présentés dans le
Tableau 3.
Les scores moyens des sujets de notre étude aux trois
sous-échelles de la PANSS sont inférieurs à ceux de la population de référence composée de schizophrènes hospitalisés
et traités, à partir de laquelle cet instrument a été standardisé [18]. Les patients de notre étude ont été évalués à
distance d’une décompensation psychotique et étaient bien
stabilisés. De plus, le score moyen de 4 à la Calgary illustre le
fait que les sujets inclus n’étaient pas déprimés au moment
de la passation. Quant à l’insight, l’interprétation que nous
pouvons faire de nos résultats corrobore ce que nous observons en pratique clinique : certains patients souffrant de
schizophrénie peuvent avoir une assez bonne conscience
de leurs troubles, essentiellement des signes négatifs mais
présentent souvent un défaut d’attribution à la pathologie.
Nous présentons dans le Tableau 4 les corrélations entre
les quatre dimensions du lieu de contrôle de la santé et
l’observance.
À partir de ces résultats statistiques, nous pouvons
conclure que :
• il existe une corrélation positive significative entre le lieu
de contrôle de la santé interne et l’observance médicamenteuse (r = 0,25 ; p = 0,043*) ;
• il existe une corrélation positive significative entre le
lieu de contrôle de la santé externe lié aux docteurs et
l’observance médicamenteuse (r = 0,27 ; p = 0,027*) ;
• il n’existe aucune corrélation entre le lieu de contrôle de
la santé externe lié à la chance et externe lié aux autres
et l’observance médicamenteuse (p > 0,05).
S14
Tableau 1
patients.
C. Combes, F. Feral
Caractéristiques sociodémographiques des
Sexe
Hommes n (%)
Femmes n (%)
45 (69,2)
20 (30,8)
Âge moyenne, ans (ET)
37,1 (11,5)
Origine ethnique
Caucasiens n (%)
Maghrébins n (%)
Noirs n (%)
48 (73,8)
13 (20)
4 (6,2)
Situation familiale
Célibataires n (%)
Autres n (%)
53 (81,5)
12 (18,5)
Parentalité
Pas d’enfant n (%)
Enfant(s) n (%)
55 (84,6)
10 (15,4)
Mode de vie
Seul n (%)
Chez les parents n (%)
Autres n (%)
30 (46,1)
20 (30,8)
15 (23,1)
Niveau d’études
Secondaire n (%)
Supérieur n (%)
Primaire n (%)
46 (70,8)
18 (27,7)
1 (1,5)
Situation professionnelle
Sans emploi n (%)
En activité n (%)
Autres n (%)
54 (83,1)
6 (9,2)
5 (7,7)
Revenus
AAH n (%)
Autres n (%)
45 (69,2)
20 (30,8)
Mesure de protection
Absence n (%)
Curatelle ou tutelle n (%)
41 (63,1)
24 (36,9)
Tableau 2
patients.
Facteurs anamnestiques et cliniques des
Ancienneté des troubles moyenne (ET)
Nombre d’hospitalisations moyenne (ET)
14,6 (10,8)
6 (4,4)
Type de soins
Hospitalisation temps plein
Hôpital de jour
CMP
Hôpital de semaine
n (%)
26 (40)
22 (33,8)
12 (18,5)
5 (7,7)
Nombre de médicaments
<2
2—4
>4
n (%)
8 (12,3)
47 (72,2)
10 (15,5)
Tableau 3
Évaluation clinique des patients.
Symptomatologie psychotique (PANSS) moyenne (ET)
PANSS positive
9,7 (3,2)
PANSS négative
20,4 (6)
PANSS psychopathologie générale
27,4 (6)
PANSS totale
57,5 (11,1)
Symptomatologie dépressive (Calgary)
moyenne (ET)
Insight (SUMD) : % de score à 1
Item
Item
Item
Item
Item
Item
Item
Item
Item
Item
Item
1 (trouble mental)
2a (réponse au traitement)
2b (besoin de traitement)
3a (hallucinations)
3b (attribution)
4a (délire)
4b (attribution)
5a (émoussement affectif)
5b (attribution)
6a (retrait social)
6b (attribution)
Observance médicamenteuse (MARS) n (%)
Score ≤ 5
Score > 5
4 (3,8)
(Conscience/
attribution
correcte)
58,5
64,6
64,6
55,4
33,8
67,7
29,2
64,6
27,7
75,4
29,5
21 (33,3)
44 (66,7)
Lieu de contrôle de la santé (MHLC) moyenne (ET)
Interne
23,1 (6,4)
Externe chance
15,9 (6,5)
Externe autres
12,8 (3,5)
Externe docteurs
14,5 (3,3)
Les résultats après ajustement sur l’insight sont présentés dans le Tableau 5.
La corrélation que l’on observait entre le lieu de contrôle
de la santé interne et/ou externe lié aux docteurs et
l’observance diminue fortement lorsque l’on prend en
compte les réponses aux items 2a et 2b de la SUMD (diminution de r et p > 0,05). Ces résultats étaient attendus car
l’item 2a correspond à la conscience de la réponse au traitement et l’item 2b, à la reconnaissance du besoin de
traitement. En revanche, les autres items de la SUMD ne
sont pas des facteurs de confusion car les coefficients de
corrélation sont très peu modifiés après ajustement sur ces
items.
Ainsi, les items 2a et 2b de la SUMD sont des facteurs de
confusion du lien entre le lieu de contrôle de la santé et
l’observance.
Le lien entre l’observance médicamenteuse et l’insight
est illustré dans le Tableau 6.
À partir de ces résultats statistiques, nous pouvons
affirmer qu’il existe une corrélation négative significative
entre l’observance et les scores aux items 2a (r = −0,45 ;
p = 0,0002*), 2b (r = −0,38 ; p = 0,002*), 5b (r = −0,31 ;
p = 0,011*) et 6b (r = −0,25 ; p = 0,048*).
Rappelons que plus les scores sont élevés à la SUMD, plus
le sujet est inconscient ; ce qui nous conduit à interpréter
les résultats de la façon suivante : il existe une corrélation
positive significative entre la conscience de la réponse au
Observance médicamenteuse et lieu de contrôle de la santé dans la schizophrénie
Tableau 4
S15
Evaluation du lien entre lieu de contrôle de la santé et observance médicamenteuse.
Observance
LOC
LOC
LOC
LOC
de
de
de
de
la
la
la
la
Tableau 5
santé
santé
santé
santé
interne
externe lié à la chance
externe lié aux autres
externe lié aux docteurs
0,25
−0,22
0,02
0,27
Coefficients de Spearman (r)
0,043*
0,082
0,872
0,027*
p (* = significatif)
Analyse ajustée du lien entre lieu de contrôle de la santé et observance médicamenteuse.
LOC de la santé
Interne
Observance
Après ajustement
Après ajustement
Après ajustement
Après ajustement
Après ajustement
Après ajustement
Après ajustement
Après ajustement
Après ajustement
Après ajustement
Après ajustement
sur
sur
sur
sur
sur
sur
sur
sur
sur
sur
sur
l’item
l’item
l’item
l’item
l’item
l’item
l’item
l’item
l’item
l’item
l’item
0,25
0,24
0,13
0,16
0,24
0,29
0,25
0,24
0,27
0,24
0,25
0,23
r
1
2a
2b
3a
3b
4a
4b
5a
5b
6a
6b
Tableau 6 Corrélations entre l’insight et l’observance
médicamenteuse.
Insight (SUMD)
Observance (MARS)
Item 1
(trouble mental)
Item 2a
(réponse au traitement)
Item 2b
(besoin de traitement)
Item 3a
(hallucinations)
Item 3b
(attribution)
Item 4a
(délire)
Item 4b
(attribution)
Item 5a
(émoussement affectif)
Item 5b
(attribution)
Item 6a
(retrait social)
Item 6b
(attribution)
−0,22
0,071
−0,45
0,0002*
−0,38
0,002*
−0,15
0,216
−0,19
0,123
−0,18
0,142
−0,21
0,097
0,15
0,233
−0,31
0,011*
−0,02
0,893
−0,25
0,048*
r
p
Externe docteurs
0,043*
0,055
0,306
0,209
0,052
0,021
0,043
0,054
0,029
0,058
0,044
0,062
p
0,27
0,21
0,12
0,07
0,27
0,32
0,24
0,31
0,30
0,27
0,28
0,23
r
0,027*
0,104
0,353
0,551
0,033
0,011
0,055
0,013
0,017
0,028
0,027
0,064
p
traitement (item 2a) et la reconnaissance du besoin de traitement (item 2b) et l’observance.
Nous avons également recherché l’existence d’un lien
entre le lieu de contrôle de la santé et l’insight (résultats
dans le Tableau 7).
À partir de ces résultats statistiques, nous pouvons
conclure qu’il existe une corrélation négative statistiquement significative entre :
• le lieu de contrôle de la santé interne et les scores
aux items 2a (r = −0,32 ; p = 0,009*) et 2b (r = −0,29 ;
p = 0,018*) ;
• le lieu de contrôle de la santé externe lié aux docteurs et les scores aux items 1 (r = −0,40 ; p = 0,001*), 2a
(r = −0,39 ; p = 0,001*) et 2b (r = −0,57 ; p = 0,0001*).
La SUMD étant une échelle d’inconscience du trouble,
nous pouvons affirmer qu’il existe une corrélation positive
significative entre le lieu de contrôle de la santé interne
et/ou externe lié aux docteurs, et la conscience de la
réponse au traitement (item 2a) et la reconnaissance du
besoin de traitement (item 2b). De plus, il existe une corrélation positive significative entre la conscience du trouble
mental (item 1) et le lieu de contrôle externe lié aux docteurs.
Nous avons ainsi mis en évidence l’existence d’un lien
entre un lieu de contrôle de la santé interne et/ou externe
lié aux docteurs et l’observance médicamenteuse dans
la schizophrénie. Après ajustement, l’insight se révèle
être un facteur de confusion, à travers les items 2a et
2b de la SUMD, correspondant à la conscience de la
S16
C. Combes, F. Feral
Tableau 7
Corrélations entre le lieu de contrôle de la santé et l’insight.
LOC de la santé
Insight (SUMD)
Interne
Item
Item
Item
Item
Item
Item
Item
Item
Item
Item
Item
−0,08
−0,32
−0,29
−0,08
0,14
−0,01
−0,08
−0,11
−0,09
−0,16
−0,10
r
1
2a
2b
3a
3b
4a
4b
5a
5b
6a
6b
0,524
0,009*
0,018*
0,521
0,258
0,907
0,538
0,395
0,489
0,203
0,406
p
Externe lié à la chance
Externe lié aux autres
Externe lié aux docteurs
0,20
0,14
0,13
0,08
0,14
0,16
0,13
−0,07
0,21
0,26
0,14
r
−0,20
0,01
−0,12
−0,17
0,12
−0,02
0,16
−0,12
−0,16
−0,03
−0,01
r
−0,40
−0,39
−0,57
−0,07
0,17
−0,24
0,12
−0,11
−0,16
−0,03
−0,01
r
0,103
0,263
0,281
0,521
0,268
0,211
0,303
0,592
0,093
0,038
0,263
p
réponse au traitement et la reconnaissance du besoin de
traitement.
De plus, nous avons prouvé qu’il existe une corrélation
négative significative entre, d’une part, les items 2a et 2b
et le lieu de contrôle de la santé et, d’autre part, les items
2a et 2b et l’observance médicamenteuse.
Discussion
L’objectif de notre étude était de démontrer l’existence
d’un lien entre l’orientation du lieu de contrôle de la santé
et l’observance médicamenteuse chez les sujets schizophrènes. Après analyse statistique des résultats obtenus
à partir des 65 sujets inclus, notre hypothèse est vérifiée : il existe une corrélation positive significative entre
l’orientation interne et/ou externe lié aux docteurs du lieu
de contrôle de la santé et l’observance médicamenteuse.
Autrement dit, plus les patients croient que leur schizophrénie peut être contrôlée par eux-mêmes et/ou par les
médecins, plus ils prennent leurs médicaments fidèlement
à la prescription.
Par ailleurs, deux dimensions de l’insight que sont la
conscience de la réponse au traitement et la reconnaissance
du besoin de traitement interviendraient dans la relation
entre lieu de contrôle de la santé et observance.
Notre étude est la première explorant les croyances en
matière de contrôle de la santé et l’observance médicamenteuse dans la schizophrénie. Un plus large échantillon aurait
sans doute permis d’augmenter la puissance des résultats,
toutefois, ce nombre a permis de mettre en évidence des
corrélations statistiquement significatives. Même si la plupart des patients inclus étaient pris en charge en milieu
hospitalier, nous avons veillé à inclure des patients inscrits
dans des prises en charge variées, telles que les unités temps
plein, l’hôpital de semaine et l’hôpital de jour. Les sujets
ont été évalués par un investigateur unique, qui n’était pas
impliqué dans leur prise en charge. Cela a permis d’avoir une
uniformité dans le recueil des données et dans la cotation
des scores.
En ce qui concerne les caractéristiques sociodémographiques de notre population (Tableau 1), la surreprésen-
0,105
0,949
0,350
0,178
0,347
0,882
0,194
0,357
0,194
0,809
0,935
p
0,001*
0,001*
0,0001*
0,594
0,183
0,052
0,328
0,362
0,748
0,079
0,077
p
tation masculine (plus de 69 %) peut s’expliquer par deux
éléments : d’une part, la révélation de la maladie est plus
tardive chez les femmes [5], alors que l’âge moyen de notre
population est de 37 ans, et d’autre part, l’évolution est plus
favorable chez les femmes [37] qui sont moins souvent hospitalisées que les hommes, alors que notre recrutement s’est
effectué en grande partie en milieu hospitalier.
L’observance médicamenteuse des sujets inclus dans
notre étude (Tableau 3) est sensiblement plus élevée (67 %)
que le taux habituel de 50 % cité dans d’autres études
[7,8,10,16,22,35]. Afin de réduire les biais de sélection,
les psychiatres traitants étaient juste informés des critères
d’inclusion, afin de permettre le recrutement de sujets
schizophrènes, quel que soit leur niveau d’observance. Ce
pourcentage élevé est probablement lié au fait que les
sujets ayant participé volontairement à notre enquête,
après avoir été informés qu’elle portait sur l’observance,
étaient des patients sensibilisés à l’intérêt de l’adhésion à
la thérapeutique.
Notre étude étant une étude transversale, explorant
les croyances et le degré d’observance à un instant précis au cours de l’évolution de la maladie, cela ne nous
permet pas d’établir de manière formelle le sens du lien
mis en évidence. Des études ont déjà prouvé, en ce qui
concerne le lien entre insight et observance, que c’est parce
que l’insight est élevé (cause), que l’observance est bonne
(effet) [15,17]. En effet, les sujets schizophrènes qui ont une
conscience élevée de la réponse au traitement et une bonne
reconnaissance du besoin de traitement, auront tendance à
mieux prendre leurs médicaments.
Des études complémentaires, longitudinales cette fois,
permettraient de déterminer le sens du lien entre le lieu
de contrôle de la santé et l’insight. S’il s’avérait que
l’insight était un facteur médiateur de la relation lieu de
contrôle-observance, cela nous encouragerait à ne pas tenter d’améliorer l’insight des sujets schizophrènes à tout
prix, surtout chez les sujets qui ne perçoivent pas une part
de contrôle sur leur maladie.
En attendant, la mise en évidence d’une relation entre
l’orientation du lieu de contrôle de la santé et le degré
d’observance médicamenteuse chez les sujets souffrant de
schizophrénie trouve des applications directes dans la prise
Observance médicamenteuse et lieu de contrôle de la santé dans la schizophrénie
en charge de ces patients. Repérer les croyances en matière
de contrôle permet, dans un premier temps, d’identifier
les sujets à risque de mauvaise observance. Pour cela,
il convient d’explorer le contrôle perçu de nos patients
sur leur pathologie afin de déterminer s’ils pensent avoir
une part de contrôle sur leur schizophrénie ou bien s’ils
attribuent ce contrôle aux médecins, au destin ou à leurs
proches. Une fois ces croyances détectées, il devient possible de les travailler afin de les renforcer ou de les modifier.
Une approche cognitive pourrait être adaptée pour tenter
de consolider les croyances que l’on pourrait qualifier d’
« adaptatives » (lieu de contrôle de la santé interne et/ou
externe lié aux docteurs) ou de modifier, par le biais d’une
restructuration cognitive, les croyances que l’on pourrait
nommer « dysfonctionnelles » (lieu de contrôle externe lié à
la chance ou aux autres).
Rappelons enfin que l’observance est un phénomène
complexe et multidéterminé et que le lieu de contrôle
vient s’ajouter à ses nombreux déterminants déjà identifiés. Notre étude permet d’identifier un nouveau facteur
influençant l’observance, qui serait lié à l’un des déterminants principaux liés au patient : l’insight. Il convient donc,
afin de mieux appréhender l’aspect multidimensionnel du
comportement d’observance de nos patients, de rechercher
également leurs croyances en matière de contrôle de la
santé.
Conclusion
L’objectif de notre étude était de mettre en évidence
une corrélation entre l’orientation du lieu de contrôle de
la santé et l’observance médicamenteuse dans la schizophrénie. Notre travail portant sur 65 sujets schizophrènes
a permis de démontrer notre hypothèse selon laquelle les
patients ayant un lieu de contrôle de la santé interne et/ou
externe lié aux docteurs, autrement dit, les patients, qui
croient que leur maladie est contrôlée par eux-mêmes et/ou
par les médecins, ont une meilleure observance médicamenteuse que les patients n’ayant pas ce type de croyances. De
plus, deux dimensions de l’insight que sont la conscience
de la réponse au traitement et la reconnaissance du besoin
de traitement interviendraient dans la relation entre lieu de
contrôle et observance.
Notre étude est la première à établir une corrélation
dans la schizophrénie, d’autres travaux seraient nécessaires
afin de confirmer nos résultats. Des études complémentaires
visant également à intégrer d’autres variables, telles que
l’auto-efficacité perçue et la valeur accordée à la santé,
pourraient permettre de comprendre davantage l’impact
des croyances sur le degré d’observance dans la schizophrénie. Par ailleurs, explorer l’alliance thérapeutique existant
entre les patients et leur médecin pourrait entraîner une
meilleure compréhension des raisons pour lesquelles certains patients, ayant un lieu de contrôle de la santé externe
liés aux docteurs, ne prennent pas correctement leur traitement.
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