Observance médicamenteuse et lieu de contrôle de la santÃ
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Observance médicamenteuse et lieu de contrôle de la santÃ
L’Encéphale (2011) 37, S11—S18 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com journal homepage: www.em-consulte.com/produit/ENCEP MÉMOIRE ORIGINALE Observance médicamenteuse et lieu de contrôle de la santé dans la schizophrénie Drug compliance and health locus of control in schizophrenia C. Combes ∗, F. Feral 1 bis, cité Voltaire, 75011 Paris, France Reçu le 9 novembre 2009 ; accepté le 1er juin 2010 Disponible sur Internet le 8 octobre 2010 MOTS CLÉS Schizophrénie ; Observance médicamenteuse ; Lieu de contrôle de la santé ; Insight KEYWORDS Schizophrenia; Compliance; Health locus of control; Insight ∗ Résumé Parmi les facteurs influençant l’observance médicamenteuse dans la schizophrénie, nous nous sommes intéressés aux croyances des patients en matière de contrôle de la santé, conceptualisées sous le terme de lieu de contrôle de la santé. Nous avons fait l’hypothèse qu’il existe une corrélation entre l’orientation interne et/ou externe liée aux docteurs du lieu de contrôle de la santé et le degré d’observance médicamenteuse dans la schizophrénie. Pour cela, nous avons déterminé, à l’aide de questionnaires, la qualité de l’observance médicamenteuse, le type de lieu de contrôle de la santé et l’insight chez 65 sujets schizophrènes. Nos résultats sont en faveur d’une corrélation positive statistiquement significative entre le lieu de contrôle de la santé interne et/ou externe lié aux docteurs et l’observance médicamenteuse. Cela signifie que, plus les patients croient que leur schizophrénie peut être contrôlée par eux-mêmes et/ou par les médecins, plus ils prennent leurs médicaments fidèlement à la prescription. De plus, deux dimensions de l’insight que sont la conscience de la réponse au traitement et la reconnaissance du besoin de traitement interviendraient comme facteurs de confusion dans cette relation. © L’Encéphale, Paris, 2010. Summary Schizophrenia is a frequent disorder since it affects about 1% of the general population. Drug compliance, that is to say patients’ adherence to their treatment, remains rather poor concerning this disease with, on an average, one patient out of two not complying with his/her medication. Among the factors influencing drug compliance, we focused on patients’ beliefs in terms of health control, a concept known as health locus of control. This is a concept that originated from social psychology and derived from the Rotters’ original concept of locus of control: it corresponds to the type of connexion established by an individual between subsequent events in the history of his/her disease and internal (personal abilities) or external factors (chance, powerful others). Nowadays, the tridimensional structure of this concept is Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (C. Combes). 0013-7006/$ — see front matter © L’Encéphale, Paris, 2010. doi:10.1016/j.encep.2010.08.007 S12 C. Combes, F. Feral commonly admitted as being in three dimensions: internality, chance externality and powerful others externality, the latter group being divided between doctors and others. We have assumed that there is a correlation between the degree of drug compliance and the internal and/or doctors’ external health locus of control. For this purpose, we have determined the quality of drug compliance by using the Medical Adherence Rating Scale (MARS) and the type of health locus of control by using the Multidimensional Health Locus of Control (MHLC) scale among 65 schizophrenic patients. We have also considered it was important to evaluate patients’ insight by using the Amador’s scale (Scale of Unawareness of Mental Disorder) because many researchers have established a strong correlation between insight and drug compliance in schizophrenia. Associations between the four dimensions of health locus of control (‘‘internal’’, ‘‘chance external’’, ‘‘others external’’ and ‘‘doctors’ external’’) and drug compliance were assessed by estimating Spearman’s rank correlation coefficient (r) and its degree of significance (p). These associations were judged significant at an alpha threshold of 5%, which corresponded to a level of p inferior to 0.05. Our results tend to confirm a statistically significant positive correlation between internal (r = 0.25; p = 0.043) and/or doctors’ external (r = 0.27; p = 0.027) health locus of control and drug compliance. Conversely, there is no correlation between chance external or others’ external health locus of control and drug compliance (p > 0.05). This means that the more patients believe that their schizophrenia can be controlled by themselves and/or by doctors, the more they follow their prescriptions. Furthermore, the link between health locus of control and drug compliance appears to be confused by two dimensions of insight, namely awareness of the response to the treatment and perceived need for treatment. An application of these results is that, in the case of patients whose health locus of control is chance or others’ external, it can be beneficial to attempt to change their beliefs in order to improve drug compliance. These results hold particular interest in the field of psycho-education and can be directly applied to cognitive therapy for beliefs among stabilized schizophrenic patients. © L’Encéphale, Paris, 2010. Introduction D’importants progrès ont été réalisés dans le domaine du traitement médicamenteux de la schizophrénie. Pourtant, 50 % en moyenne des sujets schizophrènes ne suivraient pas correctement leur prescription médicamenteuse [7,8,10,16,22,35]. L’amélioration de l’observance dans la schizophrénie représente un enjeu majeur, dans la mesure où l’inobservance augmente le risque de rechute et aggrave le pronostic de la maladie [20,27,30,34,36]. Cette amélioration passe par une meilleure connaissance des facteurs qui influent sur la qualité de l’observance. Parmi les déterminants de l’observance liés aux patients, nous nous sommes particulièrement intéressés aux croyances en matière de contrôle de la maladie, conceptualisées sous le terme de health locus of control, traduit en français par « lieu de contrôle de la santé » [13]. Le lieu de contrôle de la santé est la croyance dans le fait que les évènements ultérieurs de sa santé ou de sa maladie dépendent, soit de facteurs internes (actions, efforts, capacités personnelles), soit de facteurs externes (destin, chance, hasard, personnages puissants) [31]. Actuellement, la structure tridimensionnelle du concept est la plus reconnue. Les croyances se divisent selon trois dimensions : l’internalité, l’externalité liée à la chance et l’externalité liée aux autres tout-puissants, ce dernier ensemble étant divisé entre les médecins (docteurs) et les autres personnes dites puissantes (autres) [33]. Des études ont mis en évidence une corrélation entre l’orientation interne du lieu de contrôle de la santé et le degré d’observance médicamenteuse dans certaines pathologies somatiques telles que le diabète, l’asthme et l’hypertension artérielle [9,14,25,26,29,32]. Ces maladies, de part leur caractère chronique, soulèvent les mêmes problématiques que la schizophrénie en termes d’observance médicamenteuse. Bien qu’aucune étude ne l’ait démontré jusqu’à présent, nous avons émis l’hypothèse que cette corrélation existait dans la schizophrénie. Nous avons ainsi formulé l’hypothèse suivante : « il existe une corrélation positive entre un lieu de contrôle de la santé interne et/ou externe lié aux docteurs et une bonne observance médicamenteuse chez les sujets schizophrènes ». Afin de le démontrer, nous avons recruté des patients souffrant de schizophrénie et nous avons recherché, à l’aide de questionnaires, la qualité de leur observance médicamenteuse ainsi que leurs croyances en matière de contrôle de leur maladie. Nous avons considéré qu’il était également important d’évaluer l’insight de nos patients car de nombreux travaux établissent un lien fort entre insight et observance médicamenteuse dans la schizophrénie [2,11,12,15,17]. Matériel et méthodes Nous avons réalisé une étude transversale comparative afin d’étudier les orientations du lieu de contrôle de la santé en fonction du degré d’observance médicamenteuse dans une population de sujets schizophrènes. Observance médicamenteuse et lieu de contrôle de la santé dans la schizophrénie Pour cela, nous avons mesuré leurs croyances en matière de contrôle de la santé, leur score d’observance médicamenteuse ainsi que leur insight. Les sujets ont été recrutés dans des structures intrahospitalières et extrahospitalières de différents secteurs psychiatriques de Nice et de sa région. Les sujets dans chaque site d’investigation ont été inclus dans notre étude après avis de leur psychiatre traitant. Chaque patient nous a fourni son consentement éclairé et a participé de façon volontaire. Afin de réduire les biais liés à l’évaluation de leur degré d’observance thérapeutique, les sujets étaient informés de l’anonymat de leur participation et du respect de la confidentialité des données recueillies. Les inclusions se sont déroulées du mois de décembre 2007 au mois de mai 2008. Les sujets recrutés souffraient tous d’un trouble schizophrénique selon les critères diagnostiques du DSM IV (APA, 1994). Les autres critères d’inclusion étaient : l’âge de 18 à 65 ans, la prise en charge en ambulatoire ou dans des services de soins et l’évaluation à distance d’une décompensation psychotique aiguë. Les critères d’exclusion étaient : les sujets mineurs ou âgés de plus de 65 ans, les sujets en phase de décompensation psychotique aiguë, les sujets souffrant d’un trouble schizo-affectif selon les critères diagnostiques du DSM IV et les sujets présentant un retard mental, un trouble de la personnalité ou souffrant d’une affection neurologique évolutive. Soixante-cinq sujets ont été évalués lors d’un entretien semi-dirigé au cours duquel les questionnaires et échelles suivantes ont été remplies : • une fiche de renseignement sociodémographiques, anamnestiques et psychopathologiques créée pour l’étude ; • une version française de la Positive And Negative Syndrome Scale (PANSS) dans le but d’évaluer la symptomatologie psychotique [18] ; • une version française de l’échelle de dépression de Calgary, afin de dépister une éventuelle dépression [1,19,21] ; • une version française de la Medication Adherence Rating Scale (MARS) qui est un auto-questionnaire de dix items permettant d’évaluer le degré d’observance médicamenteuse dans la schizophrénie [23,28] ; • une version française abrégée de l’échelle d’insight d’Amador, la Scale of Unawareness of Mental Disorder (SUMD) qui est un hétéro-questionnaire d’évaluation multidimensionnelle de la conscience du trouble (conscience d’avoir un trouble mental, des symptômes positifs, négatifs et attributions causales) [3,4,6] ; • une version française de la forme C de l’échelle Multidimensional Health Locus of Control (MHLC) qui permet de recueillir les croyances en termes de lieu de contrôle de la maladie et qui est construite à partir de 18 items (six items « internes », six items « chance », trois items « docteurs » et trois items « autres ») [24,31,33]. Analyse statistique Les données ont été analysées au plan statistique sous SAS 9.1. Les associations entre les quatre dimensions du lieu S13 de contrôle de la santé (« interne », « externe chance », « externe autres » et « externe docteurs ») et l’observance médicamenteuse (MARS) ont été appréciées par l’estimation des coefficients de corrélation des rangs de Spearman (r) et de leur degré de signification (p). Les facteurs de confusion potentiels qui ont été également analysés sont les dimensions de l’insight. Des corrélations simples ont été estimées au cours d’une première étape (coefficients de corrélation dits « bruts ») entre le lieu de contrôle de la santé et l’observance par ailleurs, mais également entre le lieu de contrôle de la santé et les facteurs de confusion potentiels, puis entre l’observance et ces mêmes facteurs de confusion. Enfin, une analyse ajustée a été réalisée au moyen des coefficients de corrélation partielle de Spearman ; cette analyse permet d’estimer l’association lieu de contrôle de la santé-observance en éliminant l’effet de ces tiers facteurs. Les associations ont été déclarées significatives au seuil alpha 5 % correspondant à un p inférieur à 0,05. Résultats Nous avons recruté 65 sujets schizophrènes, qui ont tous participé à la totalité de l’étude. Le Tableau 1 synthétise les caractéristiques sociodémographiques de la population. Dans le Tableau 2, nous rapportons les facteurs anamnestiques et cliniques de notre population. Les patients ont été évalués cliniquement à l’aide de plusieurs questionnaires. Les résultats sont présentés dans le Tableau 3. Les scores moyens des sujets de notre étude aux trois sous-échelles de la PANSS sont inférieurs à ceux de la population de référence composée de schizophrènes hospitalisés et traités, à partir de laquelle cet instrument a été standardisé [18]. Les patients de notre étude ont été évalués à distance d’une décompensation psychotique et étaient bien stabilisés. De plus, le score moyen de 4 à la Calgary illustre le fait que les sujets inclus n’étaient pas déprimés au moment de la passation. Quant à l’insight, l’interprétation que nous pouvons faire de nos résultats corrobore ce que nous observons en pratique clinique : certains patients souffrant de schizophrénie peuvent avoir une assez bonne conscience de leurs troubles, essentiellement des signes négatifs mais présentent souvent un défaut d’attribution à la pathologie. Nous présentons dans le Tableau 4 les corrélations entre les quatre dimensions du lieu de contrôle de la santé et l’observance. À partir de ces résultats statistiques, nous pouvons conclure que : • il existe une corrélation positive significative entre le lieu de contrôle de la santé interne et l’observance médicamenteuse (r = 0,25 ; p = 0,043*) ; • il existe une corrélation positive significative entre le lieu de contrôle de la santé externe lié aux docteurs et l’observance médicamenteuse (r = 0,27 ; p = 0,027*) ; • il n’existe aucune corrélation entre le lieu de contrôle de la santé externe lié à la chance et externe lié aux autres et l’observance médicamenteuse (p > 0,05). S14 Tableau 1 patients. C. Combes, F. Feral Caractéristiques sociodémographiques des Sexe Hommes n (%) Femmes n (%) 45 (69,2) 20 (30,8) Âge moyenne, ans (ET) 37,1 (11,5) Origine ethnique Caucasiens n (%) Maghrébins n (%) Noirs n (%) 48 (73,8) 13 (20) 4 (6,2) Situation familiale Célibataires n (%) Autres n (%) 53 (81,5) 12 (18,5) Parentalité Pas d’enfant n (%) Enfant(s) n (%) 55 (84,6) 10 (15,4) Mode de vie Seul n (%) Chez les parents n (%) Autres n (%) 30 (46,1) 20 (30,8) 15 (23,1) Niveau d’études Secondaire n (%) Supérieur n (%) Primaire n (%) 46 (70,8) 18 (27,7) 1 (1,5) Situation professionnelle Sans emploi n (%) En activité n (%) Autres n (%) 54 (83,1) 6 (9,2) 5 (7,7) Revenus AAH n (%) Autres n (%) 45 (69,2) 20 (30,8) Mesure de protection Absence n (%) Curatelle ou tutelle n (%) 41 (63,1) 24 (36,9) Tableau 2 patients. Facteurs anamnestiques et cliniques des Ancienneté des troubles moyenne (ET) Nombre d’hospitalisations moyenne (ET) 14,6 (10,8) 6 (4,4) Type de soins Hospitalisation temps plein Hôpital de jour CMP Hôpital de semaine n (%) 26 (40) 22 (33,8) 12 (18,5) 5 (7,7) Nombre de médicaments <2 2—4 >4 n (%) 8 (12,3) 47 (72,2) 10 (15,5) Tableau 3 Évaluation clinique des patients. Symptomatologie psychotique (PANSS) moyenne (ET) PANSS positive 9,7 (3,2) PANSS négative 20,4 (6) PANSS psychopathologie générale 27,4 (6) PANSS totale 57,5 (11,1) Symptomatologie dépressive (Calgary) moyenne (ET) Insight (SUMD) : % de score à 1 Item Item Item Item Item Item Item Item Item Item Item 1 (trouble mental) 2a (réponse au traitement) 2b (besoin de traitement) 3a (hallucinations) 3b (attribution) 4a (délire) 4b (attribution) 5a (émoussement affectif) 5b (attribution) 6a (retrait social) 6b (attribution) Observance médicamenteuse (MARS) n (%) Score ≤ 5 Score > 5 4 (3,8) (Conscience/ attribution correcte) 58,5 64,6 64,6 55,4 33,8 67,7 29,2 64,6 27,7 75,4 29,5 21 (33,3) 44 (66,7) Lieu de contrôle de la santé (MHLC) moyenne (ET) Interne 23,1 (6,4) Externe chance 15,9 (6,5) Externe autres 12,8 (3,5) Externe docteurs 14,5 (3,3) Les résultats après ajustement sur l’insight sont présentés dans le Tableau 5. La corrélation que l’on observait entre le lieu de contrôle de la santé interne et/ou externe lié aux docteurs et l’observance diminue fortement lorsque l’on prend en compte les réponses aux items 2a et 2b de la SUMD (diminution de r et p > 0,05). Ces résultats étaient attendus car l’item 2a correspond à la conscience de la réponse au traitement et l’item 2b, à la reconnaissance du besoin de traitement. En revanche, les autres items de la SUMD ne sont pas des facteurs de confusion car les coefficients de corrélation sont très peu modifiés après ajustement sur ces items. Ainsi, les items 2a et 2b de la SUMD sont des facteurs de confusion du lien entre le lieu de contrôle de la santé et l’observance. Le lien entre l’observance médicamenteuse et l’insight est illustré dans le Tableau 6. À partir de ces résultats statistiques, nous pouvons affirmer qu’il existe une corrélation négative significative entre l’observance et les scores aux items 2a (r = −0,45 ; p = 0,0002*), 2b (r = −0,38 ; p = 0,002*), 5b (r = −0,31 ; p = 0,011*) et 6b (r = −0,25 ; p = 0,048*). Rappelons que plus les scores sont élevés à la SUMD, plus le sujet est inconscient ; ce qui nous conduit à interpréter les résultats de la façon suivante : il existe une corrélation positive significative entre la conscience de la réponse au Observance médicamenteuse et lieu de contrôle de la santé dans la schizophrénie Tableau 4 S15 Evaluation du lien entre lieu de contrôle de la santé et observance médicamenteuse. Observance LOC LOC LOC LOC de de de de la la la la Tableau 5 santé santé santé santé interne externe lié à la chance externe lié aux autres externe lié aux docteurs 0,25 −0,22 0,02 0,27 Coefficients de Spearman (r) 0,043* 0,082 0,872 0,027* p (* = significatif) Analyse ajustée du lien entre lieu de contrôle de la santé et observance médicamenteuse. LOC de la santé Interne Observance Après ajustement Après ajustement Après ajustement Après ajustement Après ajustement Après ajustement Après ajustement Après ajustement Après ajustement Après ajustement Après ajustement sur sur sur sur sur sur sur sur sur sur sur l’item l’item l’item l’item l’item l’item l’item l’item l’item l’item l’item 0,25 0,24 0,13 0,16 0,24 0,29 0,25 0,24 0,27 0,24 0,25 0,23 r 1 2a 2b 3a 3b 4a 4b 5a 5b 6a 6b Tableau 6 Corrélations entre l’insight et l’observance médicamenteuse. Insight (SUMD) Observance (MARS) Item 1 (trouble mental) Item 2a (réponse au traitement) Item 2b (besoin de traitement) Item 3a (hallucinations) Item 3b (attribution) Item 4a (délire) Item 4b (attribution) Item 5a (émoussement affectif) Item 5b (attribution) Item 6a (retrait social) Item 6b (attribution) −0,22 0,071 −0,45 0,0002* −0,38 0,002* −0,15 0,216 −0,19 0,123 −0,18 0,142 −0,21 0,097 0,15 0,233 −0,31 0,011* −0,02 0,893 −0,25 0,048* r p Externe docteurs 0,043* 0,055 0,306 0,209 0,052 0,021 0,043 0,054 0,029 0,058 0,044 0,062 p 0,27 0,21 0,12 0,07 0,27 0,32 0,24 0,31 0,30 0,27 0,28 0,23 r 0,027* 0,104 0,353 0,551 0,033 0,011 0,055 0,013 0,017 0,028 0,027 0,064 p traitement (item 2a) et la reconnaissance du besoin de traitement (item 2b) et l’observance. Nous avons également recherché l’existence d’un lien entre le lieu de contrôle de la santé et l’insight (résultats dans le Tableau 7). À partir de ces résultats statistiques, nous pouvons conclure qu’il existe une corrélation négative statistiquement significative entre : • le lieu de contrôle de la santé interne et les scores aux items 2a (r = −0,32 ; p = 0,009*) et 2b (r = −0,29 ; p = 0,018*) ; • le lieu de contrôle de la santé externe lié aux docteurs et les scores aux items 1 (r = −0,40 ; p = 0,001*), 2a (r = −0,39 ; p = 0,001*) et 2b (r = −0,57 ; p = 0,0001*). La SUMD étant une échelle d’inconscience du trouble, nous pouvons affirmer qu’il existe une corrélation positive significative entre le lieu de contrôle de la santé interne et/ou externe lié aux docteurs, et la conscience de la réponse au traitement (item 2a) et la reconnaissance du besoin de traitement (item 2b). De plus, il existe une corrélation positive significative entre la conscience du trouble mental (item 1) et le lieu de contrôle externe lié aux docteurs. Nous avons ainsi mis en évidence l’existence d’un lien entre un lieu de contrôle de la santé interne et/ou externe lié aux docteurs et l’observance médicamenteuse dans la schizophrénie. Après ajustement, l’insight se révèle être un facteur de confusion, à travers les items 2a et 2b de la SUMD, correspondant à la conscience de la S16 C. Combes, F. Feral Tableau 7 Corrélations entre le lieu de contrôle de la santé et l’insight. LOC de la santé Insight (SUMD) Interne Item Item Item Item Item Item Item Item Item Item Item −0,08 −0,32 −0,29 −0,08 0,14 −0,01 −0,08 −0,11 −0,09 −0,16 −0,10 r 1 2a 2b 3a 3b 4a 4b 5a 5b 6a 6b 0,524 0,009* 0,018* 0,521 0,258 0,907 0,538 0,395 0,489 0,203 0,406 p Externe lié à la chance Externe lié aux autres Externe lié aux docteurs 0,20 0,14 0,13 0,08 0,14 0,16 0,13 −0,07 0,21 0,26 0,14 r −0,20 0,01 −0,12 −0,17 0,12 −0,02 0,16 −0,12 −0,16 −0,03 −0,01 r −0,40 −0,39 −0,57 −0,07 0,17 −0,24 0,12 −0,11 −0,16 −0,03 −0,01 r 0,103 0,263 0,281 0,521 0,268 0,211 0,303 0,592 0,093 0,038 0,263 p réponse au traitement et la reconnaissance du besoin de traitement. De plus, nous avons prouvé qu’il existe une corrélation négative significative entre, d’une part, les items 2a et 2b et le lieu de contrôle de la santé et, d’autre part, les items 2a et 2b et l’observance médicamenteuse. Discussion L’objectif de notre étude était de démontrer l’existence d’un lien entre l’orientation du lieu de contrôle de la santé et l’observance médicamenteuse chez les sujets schizophrènes. Après analyse statistique des résultats obtenus à partir des 65 sujets inclus, notre hypothèse est vérifiée : il existe une corrélation positive significative entre l’orientation interne et/ou externe lié aux docteurs du lieu de contrôle de la santé et l’observance médicamenteuse. Autrement dit, plus les patients croient que leur schizophrénie peut être contrôlée par eux-mêmes et/ou par les médecins, plus ils prennent leurs médicaments fidèlement à la prescription. Par ailleurs, deux dimensions de l’insight que sont la conscience de la réponse au traitement et la reconnaissance du besoin de traitement interviendraient dans la relation entre lieu de contrôle de la santé et observance. Notre étude est la première explorant les croyances en matière de contrôle de la santé et l’observance médicamenteuse dans la schizophrénie. Un plus large échantillon aurait sans doute permis d’augmenter la puissance des résultats, toutefois, ce nombre a permis de mettre en évidence des corrélations statistiquement significatives. Même si la plupart des patients inclus étaient pris en charge en milieu hospitalier, nous avons veillé à inclure des patients inscrits dans des prises en charge variées, telles que les unités temps plein, l’hôpital de semaine et l’hôpital de jour. Les sujets ont été évalués par un investigateur unique, qui n’était pas impliqué dans leur prise en charge. Cela a permis d’avoir une uniformité dans le recueil des données et dans la cotation des scores. En ce qui concerne les caractéristiques sociodémographiques de notre population (Tableau 1), la surreprésen- 0,105 0,949 0,350 0,178 0,347 0,882 0,194 0,357 0,194 0,809 0,935 p 0,001* 0,001* 0,0001* 0,594 0,183 0,052 0,328 0,362 0,748 0,079 0,077 p tation masculine (plus de 69 %) peut s’expliquer par deux éléments : d’une part, la révélation de la maladie est plus tardive chez les femmes [5], alors que l’âge moyen de notre population est de 37 ans, et d’autre part, l’évolution est plus favorable chez les femmes [37] qui sont moins souvent hospitalisées que les hommes, alors que notre recrutement s’est effectué en grande partie en milieu hospitalier. L’observance médicamenteuse des sujets inclus dans notre étude (Tableau 3) est sensiblement plus élevée (67 %) que le taux habituel de 50 % cité dans d’autres études [7,8,10,16,22,35]. Afin de réduire les biais de sélection, les psychiatres traitants étaient juste informés des critères d’inclusion, afin de permettre le recrutement de sujets schizophrènes, quel que soit leur niveau d’observance. Ce pourcentage élevé est probablement lié au fait que les sujets ayant participé volontairement à notre enquête, après avoir été informés qu’elle portait sur l’observance, étaient des patients sensibilisés à l’intérêt de l’adhésion à la thérapeutique. Notre étude étant une étude transversale, explorant les croyances et le degré d’observance à un instant précis au cours de l’évolution de la maladie, cela ne nous permet pas d’établir de manière formelle le sens du lien mis en évidence. Des études ont déjà prouvé, en ce qui concerne le lien entre insight et observance, que c’est parce que l’insight est élevé (cause), que l’observance est bonne (effet) [15,17]. En effet, les sujets schizophrènes qui ont une conscience élevée de la réponse au traitement et une bonne reconnaissance du besoin de traitement, auront tendance à mieux prendre leurs médicaments. Des études complémentaires, longitudinales cette fois, permettraient de déterminer le sens du lien entre le lieu de contrôle de la santé et l’insight. S’il s’avérait que l’insight était un facteur médiateur de la relation lieu de contrôle-observance, cela nous encouragerait à ne pas tenter d’améliorer l’insight des sujets schizophrènes à tout prix, surtout chez les sujets qui ne perçoivent pas une part de contrôle sur leur maladie. En attendant, la mise en évidence d’une relation entre l’orientation du lieu de contrôle de la santé et le degré d’observance médicamenteuse chez les sujets souffrant de schizophrénie trouve des applications directes dans la prise Observance médicamenteuse et lieu de contrôle de la santé dans la schizophrénie en charge de ces patients. Repérer les croyances en matière de contrôle permet, dans un premier temps, d’identifier les sujets à risque de mauvaise observance. Pour cela, il convient d’explorer le contrôle perçu de nos patients sur leur pathologie afin de déterminer s’ils pensent avoir une part de contrôle sur leur schizophrénie ou bien s’ils attribuent ce contrôle aux médecins, au destin ou à leurs proches. Une fois ces croyances détectées, il devient possible de les travailler afin de les renforcer ou de les modifier. Une approche cognitive pourrait être adaptée pour tenter de consolider les croyances que l’on pourrait qualifier d’ « adaptatives » (lieu de contrôle de la santé interne et/ou externe lié aux docteurs) ou de modifier, par le biais d’une restructuration cognitive, les croyances que l’on pourrait nommer « dysfonctionnelles » (lieu de contrôle externe lié à la chance ou aux autres). Rappelons enfin que l’observance est un phénomène complexe et multidéterminé et que le lieu de contrôle vient s’ajouter à ses nombreux déterminants déjà identifiés. Notre étude permet d’identifier un nouveau facteur influençant l’observance, qui serait lié à l’un des déterminants principaux liés au patient : l’insight. Il convient donc, afin de mieux appréhender l’aspect multidimensionnel du comportement d’observance de nos patients, de rechercher également leurs croyances en matière de contrôle de la santé. Conclusion L’objectif de notre étude était de mettre en évidence une corrélation entre l’orientation du lieu de contrôle de la santé et l’observance médicamenteuse dans la schizophrénie. Notre travail portant sur 65 sujets schizophrènes a permis de démontrer notre hypothèse selon laquelle les patients ayant un lieu de contrôle de la santé interne et/ou externe lié aux docteurs, autrement dit, les patients, qui croient que leur maladie est contrôlée par eux-mêmes et/ou par les médecins, ont une meilleure observance médicamenteuse que les patients n’ayant pas ce type de croyances. De plus, deux dimensions de l’insight que sont la conscience de la réponse au traitement et la reconnaissance du besoin de traitement interviendraient dans la relation entre lieu de contrôle et observance. Notre étude est la première à établir une corrélation dans la schizophrénie, d’autres travaux seraient nécessaires afin de confirmer nos résultats. Des études complémentaires visant également à intégrer d’autres variables, telles que l’auto-efficacité perçue et la valeur accordée à la santé, pourraient permettre de comprendre davantage l’impact des croyances sur le degré d’observance dans la schizophrénie. Par ailleurs, explorer l’alliance thérapeutique existant entre les patients et leur médecin pourrait entraîner une meilleure compréhension des raisons pour lesquelles certains patients, ayant un lieu de contrôle de la santé externe liés aux docteurs, ne prennent pas correctement leur traitement. Références [1] Addington D, Addington J, Maticka-Tyndale E. Assessing depression in schizophrenia: the Calgary Depression Scale. Br J Psychiatry Suppl. 1993;(22):39—44. S17 [2] Adewuya AO, Ola BA, Mosaku SK, et al. Attitude towards antipsychotics among out-patients with schizophrenia in Nigeria. Acta Psychiatr Scand 2006;113(3):207—11. [3] Amador XF, Flaum M, Andreasen NC, et al. Awareness of illness in schizophrenia. 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