Christ Roi
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Christ Roi
Festi’Catho Christ Roi Œuvre choisie : la flagellation du Christ, Caravage, 1607. Huile sur toile, 286x213 cm. Naples, église San Domenico Maggiore (en dépôt au musée national de Capodimonte) L’artiste Michelangelo Merisi, dit Le Caravage (1571-1610) est un artiste italien majeur du début du XVIIe siècle. Personnage tourmenté, reconnu pour son talent, il révolutionne la peinture en poussant à l’extrême le sens du réalisme et la recherche des effets de la lumière dans l’obscurité. (le « clair obscur »). En appliquant ses principes réalistes à la peinture religieuse, il choqua nombre de ses contemporains. Toutefois, avec l’art de Caravage, la représentation du projet divin s’ancra profondément dans la pâte humaine, et au cœur de ses combats. L’œuvre Peinte pendant la période napolitaine de Caravage, en 1607, pour le couvent des dominicains, l’œuvre frappe par la nuit qui l’envahit et dont émergent à peine quatre figures, semblant entraînées dans une danse violente et haineuse. Elle représente l’épisode de la flagellation dans la Passion du Christ, relaté par les quatre évangélistes (Mt 27, 26 ; Mc 15, 15 ; Jn 19, 1. mention plus floue en Lc 23, 25) Selon un motif traditionnel, le Christ, attaché à une colonne, ici à peine visible dans la nuit, est malmené par trois hommes : l’un lui tire les cheveux ; l’autre prend appui pour lui lier durement les mains ; un troisième, au premier plan se baisse pour lier un fagot destiné à frapper Jésus. Celui-ci, nu, couronné d’épines, semblant épouser la danse bestiale de ses bourreaux, est frappé de lumière, et recueilli. L’effet obtenu est finalement assez discordant : le réalisme des personnages est secondaire, face au corps lumineux du Christ. Pistes de lecture Une royauté nouvelle Quelle obscurité, quelle violence, en un mot, quel pessimisme pour dire le Christ roi ! Sa couronne est d’épines, point de manteau royal, mais l’humiliante nudité. Les colonnes de son palais deviennent lieu du supplice, et les courtisans se font bourreaux. Pour entrer dans l’œuvre, il faut repérer ces motifs royaux complètement retournés. Car c’est bien une royauté radicalement nouvelle que celle du Christ ! et cette nouveauté, il y a 2000 ans, n’est pas apparue en pleine lumière. Au contraire, elle est apparue comme un éclair lumineux enfoui dans une humanité souvent violente. Et cette humanité condamna le roi de lumière au lieu de le suivre. 1 Il était la lumière véritable qui éclaire tout homme, venant dans le monde. Il était dans le monde, et le monde fut par lui, et le monde ne l’a pas reconnu (Jn 1, 9-10) Voici l’homme ! (Jn 19, 5) C’est bien ce qui frappe dans cette œuvre : un corps de lumière, beau mais non idéalisé, nu, mais restant pudique. Une humanité mise à nu, mise à nu et couronnée. Et le contraste est frappant, entre cet homme lié et lumineux, et ces trois hommes libres, mangés par la nuit, aux traits et aux gestes violents. Où est la vraie humanité, dans sa liberté ? Peut-être bien dans ce corps royal exposé pour nous redire qu’en sa vie, il nous a montré quelle était profondément la vocation de l’homme, telle que le cœur de Dieu l’avait imaginée : un homme royalement aimé de Dieu, un homme destiné à se parer de la lumière-même de Dieu. Mais un homme défiguré par le mal, dévoré par les ténèbres. Un homme mettant parfois toute son ardeur à lier et brutaliser son humanité créée libre et bonne. Oui, Voici l’homme : Jésus, le serviteur du meilleur de notre humanité, venu consoler, guérir, illuminer notre humanité pour lui rendre sa condition royale. Jésus, venu inviter les hommes à se faire serviteurs pour rendre au monde sa lumineuse majesté. la Création en attente (Ro 8) une œuvre aussi violente peut surprendre. Pourtant, nous sommes habitués, hélas, à un monde violent contre lequel tous nos efforts peuvent sembler vains. N’imaginons pas la royauté du Christ loin de cela. C’est au cœur de ce monde, et à son service qu’Il est venu. Et le signe éclatant de sa royauté n’est autre que cet homme à la couronne blessante et dérisoire, frappé avant d’être crucifié. Un signe étonnant. Une lumière éclatante, que tous n’accueillent pas. Pourtant, même ses bourreaux en sont éclaboussés. Créés par Dieu et aimés de Lui, ils ne savent peut-être pas l’espérance que le Père met en eux. Ils la découvriront un jour, peut-être, ou pas. Ils ne le savent pas, mais l’homme-Dieu, roi enchaîné, jusqu’au bout, se met au service de leur humanité à réveiller. Venceslas DEBLOCK 2