Enfance Le toucher chez les enfants prématurés
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Enfance http://www.necplus.eu/ENF Additional services for Enfance: Email alerts: Click here Subscriptions: Click here Commercial reprints: Click here Terms of use : Click here Le toucher chez les enfants prématurés Fleur Lejeune et Édouard Gentaz Enfance / Volume 2013 / Issue 01 / April 2013, pp 33 - 48 DOI: 10.4074/S0013754513001055, Published online: 10 April 2013 Link to this article: http://www.necplus.eu/abstract_S0013754513001055 How to cite this article: Fleur Lejeune et Édouard Gentaz (2013). Le toucher chez les enfants prématurés. Enfance, 2013, pp 33-48 doi:10.4074/S0013754513001055 Request Permissions : Click here Downloaded from http://www.necplus.eu/ENF, IP address: 78.47.27.170 on 30 Sep 2016 Le toucher chez les enfants prématurés Fleur LEJEUNE∗ et Édouard GENTAZ∗∗ RÉSUMÉ Le toucher, premier des sens à se développer in utero, joue un rôle essentiel dans le développement perceptivo-cognitif de l’enfant. De ce fait, l’étude des compétences tactiles des enfants prématurés est une approche de privilégiée pour mieux comprendre le développement précoce du toucher. Après avoir brièvement rappelé des éléments du substrat neurophysiologique du toucher passif et actif, à savoir le système somesthésique et son développement précoce, cet article présente, d’une part, une synthèse des travaux expérimentaux sur les compétences précoces des enfants prématurés tant pour le toucher passif que pour le toucher actif. Il propose d’autre part une synthèse des travaux concernant deux programmes de soins de développement dont le toucher est un composant essentiel : la thérapie par le massage et la méthode Kangourou. L’ensemble de ces études révèle l’existence 1. d’une capacité de discrimination suite à une stimulation tactile passive dès 30 semaines d’aménorrhée (30 SA), 2. d’une discrimination manuelle active entre deux formes différentes dès 28 SA et enfin, 3. d’effets bénéfiques de l’application d’une thérapie par le massage ou de la méthode Kangourou sur le devenir neurodéveloppemental de l’enfant né prématuré. MOTS CLÉS : ENFANTS PRÉMATURÉS, MODALITÉ TACTILE, PERCEPTION HAPTIQUE, SOINS DE DÉVELOPPEMENT *Unité de psychologie clinique et neuropsychologie de l’enfant, Faculté de Psychologie et des Sciences de l’Éducation (FPSE), Université de Genève, Bd du pont d’Arve 40, 1211 Genève 4, Suisse. Email : [email protected] **Laboratoire de Psychologie et Neurocognition (CNRS, UMR 5105), SHS, Domaine Universitaire, Université Pierre Mendès-France, 1251 avenue centrale, BP 47, 38040 Grenoble Cedex 9, France. Email : É[email protected] nfance n◦ 1/2013 | pp. 33-48 34 Fleur LEJEUNE et Édouard GENTAZ SUMMARY Early tactile perception Touch being the first sense to develop in utero, it plays an essential role in the perceptual-cognitive development in infancy. The study of tactile skills in premature infants is a relevant approach to better understand the early development of touch. After briefly summarizing some elements of neurophysiological substrates of passive and active touch, namely the somatosensory system and its early development, this article describes, first, a review of experimental work on early skills of premature infants in both passive touch and active touch, and secondly, a summary of studies about two programs of developmental care in which touch is an essential component: the massage therapy and the kangaroo mother care. Overall, studies show in premature infants the occurrence of 1. discrimination subsequent to passive tactile stimulation from 30 weeks of gestation; 2. active manual discrimination between two different object shapes from 28 weeks and finally 3. beneficial effects on their neurodevelopmental future after receiving a massage therapy or the kangaroo mother care. KEY-WORDS: TAL CARE PRETERM INFANTS, TACTILE MODALITY, HAPTIC PERCEPTION, DEVELOPMEN- Perception tactile précoce/Early tactile perception INTRODUCTION In utero, les sens ne se développent pas simultanément mais plutôt de manière successive : d’abord le toucher, puis l’olfaction, le goût, l’audition et enfin la vision. Ainsi, étant la première brique pour le développement des autres sens, le toucher joue un rôle essentiel. L’étude des compétences tactiles chez les enfants prématurés est une approche privilégiée pour mieux comprendre le développement précoce des sensorialités en général et du toucher en particulier. Au cours des dernières années, le nombre de naissances prématurées1 n’a cessé d’augmenter (Beck et al., 2010). Ces enfants prématurés sont plus « à risque » que les enfants nés à terme de présenter des troubles du développement neurodéveloppementaux à moyen et long terme (Arpino et al., 2010 ; Barisnikov & Lejeune, 2012). Les troubles développementaux observés dans cette population ont progressivement amené les professionnels à s’intéresser aux stimulations sensorielles offertes dans l’environnement de néonatalogie en évaluant en quoi elles pouvaient s’avérer inappropriées, ou au contraire ajustées, lors de cette période critique du développement cérébral. Ainsi, une meilleure connaissance scientifique des compétences sensorielles des nouveau-nés prématurés permet d’améliorer la qualité de leurs soins si on admet que des expériences sensorielles spécifiques devraient être proposées au moment où le système sensoriel spécifique est capable de traiter l’information reçue (Feldman, 2002 ; Korner, 1990). Cela conduit les chercheurs et les praticiens à suggérer que la mise en place successive des différents sens doit être prise en compte dans les programmes d’intervention précoce, avec en conséquence un rôle crucial dévolu au toucher. Dans cet article, nous allons d’abord rappeler des éléments du substrat neurophysiologique du toucher passif (ou perception cutanée) et actif (ou perception haptique), à savoir le système somesthésique et son développement précoce. Nous nous intéresserons ensuite aux compétences précoces des enfants prématurés en matière de toucher passif puis actif, mises en évidence par les psychologues du développement précoce depuis plusieurs années. Enfin, nous présenterons deux programmes de soins de développement dont le toucher est un composant essentiel : la thérapie par le massage et la méthode « Kangourou ». 1. LE SUBSTRAT NEUROPHYSIOLOGIQUE DU TOUCHER : LE SYSTÈME SOMESTHÉSIQUE Le système somesthésique est le substrat neurophysiologique du toucher (Gentaz, 2000, 2009 ; Heller & Gentaz, sous presse) et son organisation est 1 Une naissance est prématurée lorsqu’elle survient avant 37 semaines d’aménorrhée (SA) révolues (avant 8 mois de grossesse), définie par le premier jour des dernières règles. La limite de viabilité d’un fœtus est établie entre 22 et 24 SA selon le pays, avec un poids d’au moins 500 grammes, viabilité déterminée en fonction de sa capacité à survivre en milieu extra-utérin. Rappelons qu’une naissance à terme advient entre 38 et 42 SA. nfance n◦ 1/2013 35 36 Fleur LEJEUNE et Édouard GENTAZ spécifique et complexe. En effet, ce système diffère des autres systèmes sensoriels car ses récepteurs sensoriels sont distribués sur tout le corps et non à des endroits localisés comme ceux de la vision, ou de l’audition. Il est impliqué dans les sensations tactiles (cutanées) et thermiques non douloureuses, ainsi que dans les sensations douloureuses (nociception). Ce système permet aussi à la personne d’avoir connaissance de la position et des mouvements de son corps dans l’espace (proprioception). La distinction au niveau anatomique des récepteurs impliqués dans le fonctionnement de la perception cutanée et dans celui de la perception proprioceptive permet de distinguer le toucher dit « passif » du toucher dit « actif ». Chez l’Homme, la perception cutanée implique au moins quatre types de mécanorécepteurs situés dans la peau glabre et innervés par quatre classes de fibres nerveuses afférentes périphériques. Les récepteurs impliqués dans le toucher épicritique (fin, discriminatif) sont les corpuscules de Meissner et les récepteurs de Merkel. Les récepteurs de Merkel, sensibles à l’intensité et la durée de la stimulation, codent les caractéristiques spatiales des stimuli telles que les contours et la forme. Les récepteurs de Meissner sont des détecteurs de vitesse qui codent les mouvements sur la surface de la peau. Les récepteurs impliqués dans le toucher protopathique (grossier, non discriminatif) sont les corpuscules de Pacini et de Ruffini. Les récepteurs de Pacini sont particulièrement sensibles aux vibrations. Ils sont impliqués dans le codage des indices temporels du stimulus alors que les récepteurs de Ruffini sont sensibles à l’étirement de la peau. Notons aussi l’existence de thermorécepteurs mobilisés dans la perception thermique et de nocicepteurs nécessaires à la perception douloureuse. La perception proprioceptive résulte de mouvements qui provoquent la déformation des récepteurs proprioceptifs situés dans les muscles (les fuseaux neuromusculaires), les tendons (les organes tendineux de Golgi) et les articulations (les récepteurs de Ruffini et de Pacini). Les récepteurs musculaires fournissent essentiellement des informations sur la longueur du muscle ou sur la vitesse de ce changement de longueur. Les récepteurs tendineux donnent des informations sur le niveau de tension du muscle et ses variations dans le temps. Les mécanorécepteurs des articulations renseignent sur les positions et les mouvements des membres. Le toucher actif ou haptique résulte de l’association de la perception purement cutanée, issue de la déformation mécanique de la couche superficielle de la peau stimulée et de la perception proprioceptive, produite par la déformation des muscles, des articulations et des tendons au cours des mouvements corporels. Au cours du développement embryonnaire, le système somesthésique est le premier des sens à se mettre en place. La description de l’ordre d’installation progressive des récepteurs cutanés a été faite par des chercheurs qui ont observé les réactions de fœtus avortés auxquels ils ont appliqué des stimulations tactiles sur différentes parties du corps (Hooker, 1938, 1952 ; Humphrey, 1964, 1970). On sait ainsi que la mise en place des récepteurs cutanés débute vers 7 SA. Les terminaisons nerveuses des récepteurs cutanés sont présentes dès 8-9 SA Perception tactile précoce/Early tactile perception dans la région orale et péri-orale, ce qui induit que les fœtus avortés manifestent des réponses motrices à l’effleurement de la lèvre supérieure. Les corpuscules de Meissner et Pacini se développent ensuite très rapidement. Les récepteurs cutanés sont présents au niveau du visage, de la paume des mains et de la plante des pieds vers 11 SA. Enfin, les récepteurs cutanés poursuivent leur développement jusqu’à 20 SA où ils sont présents sur toute la surface du corps. Le grasping qui consiste en une flexion des doigts lorsqu’on place quelque chose dans la main apparaît vers 18 SA (Hooker, 1938). Les sources de stimulations tactiles in utero sont assez restreintes. Il y a tout d’abord les mouvements de la mère qui, selon leur amplitude, créent des contacts plus ou moins étendus entre le fœtus, la paroi utérine, le placenta et son cordon. Mais il y a aussi des contacts du fœtus avec lui-même : entre ses mains et son corps, entre ses mains et son visage et entre ses mains et sa bouche. Zoia et ses collaborateurs (2012) observent qu’à 14, 18 et 22 semaines de gestation, les mouvements de la main vers la bouche et vers l’œil sont toujours plus fréquents par rapport aux autres parties du visage Dans ce contexte, le nouveau-né prématuré serait doté dès sa naissance, d’un sens du toucher suffisamment mature pour manifester un certain nombre de compétences tactiles précoces, même quand il est né très tôt. 2. LE TOUCHER PASSIF CHEZ LES ENFANTS PRÉMATURÉS Une des premières recherches à s’être intéressée au toucher passif chez le nouveau-né prématuré date de 1976 (Rose, Schmidt, & Bridger, 1976). Les chercheurs y étudient s’il existe des différences comportementales et physiologiques entre des enfants nés prématurément et des enfants nés à terme quant à leur capacité à répondre d’une part à une stimulation tactile appliquée sur une même partie du corps et, d’autre part, à discriminer différentes intensités d’une telle stimulation. Chaque stimulus, produit par le contact sur la peau de trois filaments de diamètres différents, est appliqué rapidement cinq fois au bas de l’abdomen. Les enfants prématurés, nés vers 33 SA et âgés de 5 semaines (soit 38 SA en moyenne le jour de l’observation) ne manifestent pas de modifications physiologiques suite aux différentes stimulations tactiles au contraire des enfants nés à terme âgés de 2-3 jours. À l’inverse, les enfants prématurés, comme ceux nés à terme, modifient leur réponse comportementale suite à l’application du stimulus de plus grande intensité, même si la réponse est plus faible chez les enfants prématurés. Les conclusions de cette première étude, qui a mis en évidence des différences importantes de réponses à une stimulation tactile entre les enfants nés à terme et les prématurés, ont été confirmées par une étude utilisant une procédure d’habituation (Field, Dempsey, Hatch, Ting, & Clifton, 1979). L’habituation consiste en dix présentations successives du stimulus au bas de l’abdomen. Une diminution des réponses cardiaques et comportementales est remarquée chez les enfants nés à terme au fil de la répétition des stimulations alors que les enfants prématurés ne répondent que par une diminution de la réponse comportementale, confirmant en cela les résultats précédemment obtenus par nfance n◦ 1/2013 37 38 Fleur LEJEUNE et Édouard GENTAZ Rose et ses collaborateurs (1976). Field et ses collaborateurs (1979) suggèrent que cette différence entre les deux populations pourrait témoigner de l’existence d’un seuil d’habituation plus élevé chez les prématurés, seuil qui n’aurait pas été atteint dans leur étude. Les auteurs supposent donc qu’une fois ce seuil atteint, les réponses entre les deux populations pourraient être équivalentes. Plus récemment, le développement de la sensibilité tactile a été examiné en utilisant une procédure d’habituation/déshabituation chez des nouveau-nés prématurés à partir de 30 SA et chez des nouveau-nés nés à terme, tous étant âgés de moins d’une semaine (Fearon, Hains, Muir, & Kisilevsky, 2002). Lors de la phase d’habituation de huit essais, l’expérimentateur applique une caresse durant 4 secondes sur l’avant-bras de l’enfant. Puis, l’expérimentateur applique deux fois pendant 4 secondes un nouveau stimulus où il saisit le poignet de l’enfant et soulève son bras. Enfin, le stimulus familier est à nouveau présenté deux fois pendant 4 secondes. Les résultats révèlent une modification des réponses entre 30 et 40 SA se traduisant par une amplification graduelle de l’accélération cardiaque ainsi que par l’augmentation de la corrélation des réponses cardiaques et comportementales. Cela atteste la maturation progressive des systèmes physiologique et moteur au cours du développement. Le fait que la majorité des enfants prématurés et nés à terme manifestent une accélération cardiaque et motrice suite à la présentation initiale du stimulus, puis une diminution des deux types de réponses lorsque la stimulation est répétée indique qu’ils se sont habitués. Toutefois, un nombre important d’enfants (40 %) ne montrent pas de réponses cardiaque et motrice consécutive à la présentation initiale du stimulus tactile. Ils ne commencent à en manifester qu’après quelques essais (figure 1). Ces enfants (appelés « les non-répondeurs ») échouent lors de la phase de discrimination, contrairement aux autres enfants (« les répondeurs ») qui réagissent à la présentation du nouveau stimulus. Fearon et ses collègues (2002) interprètent ce dernier phénomène comme reflétant des différences individuelles indépendamment du groupe d’âge. À notre connaissance, ces résultats sont les premiers à mettre en évidence la capacité de discrimination suite à une stimulation tactile passive chez les enfants prématurés dès 30 SA. Néanmoins, les études évaluant les compétences des bébés prématurés à répondre à la fois au niveau comportemental et physiologique à une stimulation tactile passive confirment des différences avec celles des enfants nés à terme. Examinons maintenant si de tels résultats sont aussi observés pour le toucher actif. 3. LE TOUCHER ACTIF MANUEL CHEZ LES ENFANTS PRÉMATURÉS À la naissance, l’introduction d’un objet dans la main du nouveau-né provoque la fermeture de la paume de la main et des doigts sur l’objet : c’est l’expression du réflexe de grasping (Twitchell, 1965, 1970). Cependant, des études plus récentes ont découvert que le grasping n’est pas seulement une réponse réflexe passive s’activant de manière rigide et stéréotypée mais qu’il permet aussi une réelle prise 39 Perception tactile précoce/Early tactile perception Moyenne pics d’accélération cardiaque (bpm) A - non répondeurs B - répondeurs 16 14 12 10 8 6 4 2 0 1 le ô ntr Co i ab H 2 3 on ti tua 1 4 uté ce ea an uv naiss o N on c Re le Co ô ntr i ab H 2 3 on ti tua 4 uté ce ea an uv naiss o N on c Re Figure 1. Moyennes des pics d’accélérations cardiaques en fonction des essais contrôles, d’habituation, de nouveauté et de reconnaissance pour les non répondeurs (A) et les répondeurs (B) et erreurs standards. Adapté de Fearon, Hains, Muir et Kisilevsky (2002) d’informations. Ce n’est que tout récemment que l’étude du toucher actif manuel chez les enfants prématurés a débuté en s’intéressant à une dimension particulière de l’objet, sa forme. Une procédure classique d’habituation/discrimination (sans contrôle visuel) est appliquée pour examiner la capacité des nouveau-nés à percevoir et discriminer deux objets de formes différentes. Une première étude a concerné les compétences tactiles manuelles d’enfants prématurés nés à 30 SA et 6 jours en moyenne. Ils sont âgés de 33 à 34+6 SA au moment de l’observation soit 20 jours de vie postnatale en moyenne (Lejeune et al., 2010). Lors de l’habituation, l’expérimentateur présente plusieurs fois un objet (prisme ou cylindre) dans une main du bébé (gauche ou droite) (figure 2). a b Figure 2. Enfants prématurés tenant un cylindre et un prisme. Photographies de Frédérique Berne-Audéoud nfance n◦ 1/2013 40 Fleur LEJEUNE et Édouard GENTAZ Moyenne de temps de tenue(s) Le bébé est considéré habitué quand la somme du temps de tenue de l’objet lors de deux essais consécutifs est inférieure ou égale au tiers de la somme du temps de tenue de l’objet lors des deux premiers essais. Après habituation, les enfants reçoivent soit le même objet (familier) soit un objet nouveau dans la même main que celle mobilisée dans la phase d’habituation. Au fur et à mesure des essais, la durée des temps de tenue de l’objet diminue, révélant ainsi la capacité d’une habituation tactile dès 33 SA pour chaque main, quelle que soit la forme de l’objet (figure 3). 45 40 35 30 25 20 15 10 5 0 1 2 3 4 5 6 Essais Figure 3. Profils d’habituation des enfants prématurés âgés de 33 à 34+6 SA. Adapté de Lejeune et al. (2010) De plus, lorsque l’objet nouveau est présenté, on constate que le temps de tenue augmente, ce qui n’est pas le cas pour l’objet familier. Par conséquent, les enfants prématurés sont capables de discriminer manuellement deux objets de formes différentes. De semblables compétences tactiles sont aussi mises en évidence chez des enfants prématurés dès 28 SA (Marcus, Lejeune, BerneAudéoud, Gentaz, & Debillon, 2012). Dans cette étude, deux groupes d’enfants, l’un composé de grands prématurés (âgés de 28 à 31+6 SA), l’autre de prématurés moyens (âgés de 32 à 34 SA), sont capables, de manière similaire, d’une discrimination tactile manuelle d’un objet nouveau après habituation (table 1). Ces deux études établissent pour la première fois que le nouveau-né prématuré est capable, avec chacune de ses mains, d’extraire des informations sur la forme des objets et de les encoder. Toutefois, ces données ne prouvent pas la robustesse de cet encodage tactile lors d’une interférence. Aussi, dans cette même seconde étude, Marcus et ses collaborateurs (2012) se sont aussi intéressés à la reconnaissance de l’objet familier après interférence (présentation préalable d’un nouvel objet). La procédure est identique à celle utilisée par Lejeune et ses collaborateurs (2010), sauf qu’une dernière phase est ajoutée où l’objet familier est présenté à l’ensemble des enfants après la discrimination d’un nouvel objet. Les chercheurs observent que le temps de tenue de l’objet familier diminue significativement 41 Perception tactile précoce/Early tactile perception Table 1. Discrimination : Temps moyens de tenue (± Écart Type) des objets en secondes durant les deux derniers essais de l’habituation tactile et puis pour les deux essais de la discrimination en fonction du groupe (expérimental : objet nouveau vs. contrôle : objet familier) et de l’âge (grande prématurité vs. moyenne prématurité). Adapté de Marcus, Lejeune, Berne-Audéoud, Gentaz, & Debillon (2012). Grande prématurité Temps de tenue moyen des 2 derniers essais d’habituation (s) (±EC) Temps de tenue moyen des 2 essais de discrimination (s) (±EC) p Moyenne prématurité contrôle N = 12 expérimental N = 12 contrôle N = 12 expérimental N = 12 7,6 4,1 4 5,6 (±6,3) (±2,5) (±2,3) (±4,6) 12,7 21,7 12,4 33,5 (±16) (±16,8) (±12,7) (±20,3) NS < 0,001 NS < 0,001 Note : NS = non significatif après présentation du nouvel objet, aussi bien chez les grands prématurés que chez les prématurés moyens (table 2). Ces résultats suggèrent l’existence d’une forme de mémoire haptique à court terme fonctionnelle dès 28 SA. Il est utile de souligner ici que toutes les découvertes précédentes concernent des compétences tactiles intra-main (gauche ou droite). Le transfert inter-main, qui est la capacité à reconnaître qu’un objet déjà exploré par une main est le même que celui présenté dans l’autre main, reflète pour sa part la capacité de l’individu à mémoriser de l’information sur un objet, à la maintenir en mémoire, et à la comparer avec l’information obtenue dans la main opposée. Un transfert d’informations entre les deux hémisphères cérébraux est nécessaire pour effectuer cette comparaison. Une étude a porté spécifiquement sur le transfert inter-manuel d’informations sur la forme chez des enfants prématurés âges de 33 à 34+6 SA (29 jours de vie en moyenne à l’observation) (Lejeune et al., 2012). La procédure d’habituation réplique celle utilisée par Lejeune et ses collaborateurs (2010). Une fois l’enfant habitué à un objet, il reçoit dans la main opposée un objet avec une nouvelle forme pendant deux essais et l’objet familier pendant deux autres essais. Les enfants prématurés, après habituation à un objet dans une main, tiennent plus longtemps l’objet de forme nouvelle que l’objet familier dans la main opposée (figure 4). Cela montre qu’il existe un transfert inter-manuel de la forme des objets chez les enfants prématurés âgés de 33 et 34+6 SA témoignant d’une communication déjà fonctionnelle entre les deux hémisphères cérébraux. nfance n◦ 1/2013 42 Fleur LEJEUNE et Édouard GENTAZ Table 2. Reconnaissance : Temps moyens de tenue (± Écart Type) des objets en secondes durant les deux essais de discrimination puis pour les deux essais de la reconnaissance en fonction du groupe (expérimental vs. contrôle) et de l’âge (grande prématurité vs. moyenne prématurité). Adapté de Marcus, Lejeune, Berne-Audéoud, Gentaz, & Debillon (2012). Grande prématurité Temps de tenue moyen des 2 essais de discrimination (s) (±EC) Temps de tenue moyen des 2 essais de reconnaissance (s) (±EC) Moyenne prématurité contrôle N = 12 expérimental N = 12 contrôle N = 12 expérimental N = 12 12,7 21,7 12,4 33,5 (±16) (±16,8) (±12,7) (±20,3) 17,3 13 13,4 12,8 (±18,9) (±12,6) (±18,3) (±17,4) NS 0,05 NS 0,01 p Note : NS = non significatif 30 Temps de tenue moyen(s) 25 20 15 10 5 0 2 derniers essais habituation Objet familier Objet nouveau Figure 4. Temps de tenue (moyennes (erreurs standards)) des deux derniers essais de l’habituation, de l’objet nouveau et de l’objet familier lors des essais de la phase test. Adapté de Lejeune et al. (2012) Perception tactile précoce/Early tactile perception Des études en neuroimagerie menées chez l’adulte ont montré que le transfert d’informations tactiles repose sur l’intégrité de la partie postérieure du corps calleux (Fabri et al., 2005 ; Fabri et al., 2001). Au cours du développement prénatal, les premières fibres calleuses sont observées vers 10-11 SA et le corps calleux ne mature que très lentement avec un processus de myélinisation qui se poursuivra jusqu’à la puberté (Bloom & Hynd, 2005). Les principaux faisceaux de fibres, dont ceux du corps calleux, sont déjà en place dès 28 SA (Huppi et al., 1998). C’est pourquoi, Lejeune et ses collaborateurs (Lejeune et al., 2012) font l’hypothèse que le corps calleux serait suffisamment développé chez les bébés prématurés pour permettre ce transfert inter-manuel d’informations tactiles. Des études en neuroimagerie chez les enfants prématurés seront nécessaires pour confirmer cette hypothèse. 4. TOUCHER DANS LES SOINS DE DÉVELOPPEMENT Les programmes de soins de développement préconisent une gestion optimale des stimulations sensorielles et de la plasticité cérébrale. Ils ont pour but de limiter le stress de l’enfant prématuré, d’améliorer son environnement et ainsi de contribuer à son bien-être et son développement. Il existe différents programmes de soins de développement dont deux en particulier intègrent le toucher comme un composant essentiel : la thérapie par le massage et la méthode « Kangourou ». La thérapie par le massage Elle est fondée sur le rôle nécessaire du contact lors du développement sensori-moteur précoce et du développement de la relation parent-enfant. Malgré la fragilité reconnue des enfants prématurés, les massages habituellement utilisés sont proposés sous forme de pressions modérées. Généralement, les séances sont prodiguées 3 fois par jour pendant 7 à 10 jours. Elles durent en moyenne 15 minutes et sont divisées en deux phases. La première dure 10 minutes et est composée de stimulations tactiles par pressions modérées appliquées sur l’ensemble du corps de l’enfant couché sur le ventre. Pendant la seconde phase, le masseur effectue des flexions et des extensions passives des membres pendant que l’enfant est couché sur le dos. Des effets bénéfiques sont observés chez les enfants prématurés ayant reçu la thérapie par le massage dès la période néonatale (Field, Diego, & Hernandez-Reif, 2010). La prise de poids est significativement plus importante, de 21 % et 48 % selon l’étude, que les enfants non massés. La durée du séjour en service de néonatalogie est en moyenne réduite de 3 à 6 jours et les enfants présentent moins de complications post-natales. Le massage permet aussi d’apaiser les enfants prématurés qui manifestent alors moins de comportements de stress (Hernandez-Reif, Diego, & Field, 2007). Enfin, lors de procédures semi-douloureuses comme enlever un scotch chirurgical, la thérapie par le massage diminue la réponse de douleur pendant et après l’acte douloureux (Diego, Field, & Hernandez-Reif, 2009). Les auteurs postulent que la stimulation des récepteurs de pression atténuerait la douleur et aiderait l’enfant à se remettre plus rapidement d’un événement douloureux. Des études récentes suggèrent que nfance n◦ 1/2013 43 44 Fleur LEJEUNE et Édouard GENTAZ la thérapie par le massage aurait un impact sur le développement cérébral et sur la sécrétion de facteurs de croissance (Field et al., 2008 ; Guzzetta et al., 2009; Guzzetta et al., 2011). Les résultats révèlent une maturation de l’activité EEG, une accélération de l’acuité visuelle et des taux plus élevés en IGF-1 (facteur de croissance impliqué dans le développement cérébral) chez les enfants prématurés ayant reçu des massages pendant deux semaines. Si le massage a une influence positive sur le développement cérébral et en particulier sur le développement visuel, la maturation de la réponse EEG est pourtant retrouvée sur l’ensemble du scalp et pas seulement au niveau occipital. Cela suggère que le bénéfice de la thérapie par le massage n’impliquerait pas seulement le développement visuel. Des évaluations réalisées à l’âge de 2 ans montrent une légère amélioration des résultats psychomoteurs et une amélioration plus nette du développement cognitif des enfants ayant reçu des massages en comparaison des enfants n’en ayant pas bénéficié en période néonatale (Procianoy, Mendes, & Silveira, 2010). En conclusion, les recherches actuelles montrent que des stimulations tactiles optimisées et organisées pendant l’hospitalisation induisent une amélioration du devenir neurodéveloppemental de l’enfant prématuré (Lejeune & Gentaz, 2011). Le Kangaroo Mother Care (KMC) Le KMC a pour but d’initier et de maintenir la relation physique entre la mère et son enfant. Les enfants ayant atteint une stabilité physiologique, pouvant téter et déglutir seuls et n’ayant plus besoin d’assistance respiratoire peuvent bénéficier de ce programme. Le KMC se décline en trois points. Tout d’abord, l’enfant prématuré doit être placé en peau à peau avec sa mère 24 h/24 h (figure 5). L’enfant est positionné verticalement sur le ventre de sa mère entre les deux seins de façon à s’alimenter dès qu’il le désire, l’allaitement exclusif étant le second principe du KMC. Enfin, la sortie de l’hôpital doit être anticipée au maximum. Ainsi décrite cette méthode est appelée KMC en continu. Il existe aussi des programmes de KMC intermittents qui reprennent les mêmes principes sur des temps plus courts dans la journée. Les effets bénéfiques, évalués pour le KMC continu, sont visibles dès la période néonatale. Les enfants prématurés ayant eu une intervention KMC présentent des risques plus réduits d’infections, de maladie grave, de maladie pulmonaire mais aussi une prise de poids plus importante, une diminution de la durée d’hospitalisation (Conde-Agudelo, Diaz-Rossello, & Belizan, 2003) et une baisse significative de la mortalité infantile (Lawn, Mwansa-Kambafwile, Horta, Barros, & Cousens, 2010) en comparaison des enfants du groupe contrôle sans KMC. De plus, après un événement douloureux comme la prise de sang, les enfants « KMC » présentent moins de réactions physiologiques et comportementales à la douleur. Le KMC se pose ainsi comme une alternative avérée d’intervention non pharmacologique pour soulager la douleur chez les enfants prématurés physiologiquement stables (Johnston et al., 2008). Des effets bénéfiques sont aussi mis en évidence à 3, 6 et 12 mois chez les enfants « KMC » comparés aux enfants prématurés n’ayant eu aucune intervention particulière. Perception tactile précoce/Early tactile perception Figure 5. Positionnement en « peau à peau » pour la méthode Kangourou. Source : Lawn et al. (2010) À 3 mois, les seuils d’émotions négatives de ces enfants sont plus élevés. On remarque une organisation plus efficace des états d’éveil et leurs parents manifestent une plus grande sensibilité avec un meilleur environnement familial (Feldman, Eidelman, Sirota, & Weller, 2002). Ces mêmes études montrent qu’à 6 mois, ces enfants explorent plus attentivement leurs jouets, ils ont des périodes plus longues et des latences plus courtes d’attention partagée avec la mère et ils ont également de meilleurs scores mentaux et psychomoteurs. Enfin, à 12 mois, ces enfants présentent de meilleures capacités de planification des actions, de meilleures relations sociales et un développement mental plus important, notamment chez les enfants les plus à risque de leur échantillon, c’est-à-dire ceux dont le diagnostic neurodéveloppemental était réservé à l’âge de 6 mois (Tessier et al., 2003). La méthode « Kangourou » apparaît comme une méthode prometteuse qui a le potentiel pour intégrer les conceptions d’autorégulation, de manipulation minimale, de stimulation tactile, d’enrichissement sensoriel dans le cadre du contact physique entre parent et enfant. CONCLUSION Nous venons de voir que l’enfant prématuré est doté de capacités tactiles précoces. Lors de son hospitalisation en service de néonatalogie, l’enfant né prématurément est confronté quotidiennement à de nombreuses stimulations stressantes et inadaptées qui peuvent avoir des conséquences négatives sur son développement. C’est pourquoi des programmes de soins de développement se sont développés ces dernières décennies en s’appuyant sur la plasticité cérébrale nfance n◦ 1/2013 45 46 Fleur LEJEUNE et Édouard GENTAZ et la gestion ajustée des stimulations sensorielles. Les deux programmes de soins de développement présentés dans cet article intègrent le toucher passif comme une composante essentielle. Ils induisent des effets bénéfiques voire compensatoires sur le développement des enfants prématurés. De plus, les résultats récents sur les compétences tactiles manuelles ouvrent de nouvelles perspectives dans le cadre de ce type de programme où des stimulations tactiles pourraient être proposées régulièrement au prématuré pendant son hospitalisation. Le but n’étant pas alors de le sur-stimuler ni de faire un apprentissage tactile, ces stimulations doivent être adaptées et non douloureuses (agrippement d’un doudou ou du doigt d’un des parents), tout en respectant au maximum ses phases de veille-sommeil. Il s’agirait donc de proposer aux enfants prématurés des stimulations tactiles harmonieuses, équilibrées et non douloureuses (Berne-Audéoud, Marcus, Lejeune, Gentaz, & Debillon, 2010). Remerciements Ce travail a bénéficié du soutien du Centre National de la Recherche Scientifique, de l’Université Pierre Mendés France (Grenoble II), du CHU de Grenoble et de la Région Rhônes-Alpes. Nous remercions les enfants et leurs parents pour leur participation à cette étude. Nous remercions aussi enfin le personnel du service néonatalogie du CHU de Grenoble pour leurs précieuses et indispensables collaborations et en particulier le Pr Thierry Debillon et les médecins pédiatres, Leïla Marcus et Frédérique Berne-Audéoud. RÉFÉRENCES Arpino, C., Compagnone, E., Montanaro, M. L., Cacciatore, D., De Luca, A., Cerulli, A., et al. (2010). Preterm birth and neurodevelopmental outcome: a review. Child’s Nervous System, 26(9), 1139-1149. Barisnikov, K. & Lejeune, F. (2012). 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