E-Revue

Transcription

E-Revue
E-Revue
Numéro 1 - Janvier 2003
Sommaire
•
Le marché des dérivés de crédit, par Sébastien Cochard, Ensae 94
•
What do swap rates tell us ?, par Benjamin Sahel, Ensae 95
•
Flexible ?, par François Hada, Ensae 94
•
Nouvelle révélation sociétale, par Patrick Babayou, Ensae 94
•
2003 : l’année du statut statistique du chef de l’État, par Patrick Babayou, Ensae 94
•
Sélections d’Articles récents
•
La baisse de la durée du travail entre 1995 et 2001 Afsa Cédric (Ensae 1981), Biscourp
Pierre (Ensae 1999), et Pascale Pollet
•
La proportion de logements vacants la plus faible depuis 30 ans Bessière Sabine (Ensae
2000)
•
La participation électorale au printemps 2002 - De plus en plus de votants intermittents
Clanché François (promo 1994)
•
Niveau de vie et risque de pauvreté parmi les retraités des pays européens Marc CohenSolal (Ensae 1995) et Michèle Lelièvre
•
La croissance à petits pas Michel Devilliers (Ensae 1974), Xavier Bonnet (Ensae 1994),
Emmanuel Chion (Ensae 1998), Vladimir Passeron (Ensae 1997)
•
Note de Conjoncture de l'Insee - Décembre 2002
Votre point de vue nous intéresse, il intéresse aussi le reste du monde.
Vous pouvez contribuer de trois manières à la e-revue :
1.
En nous adressant un article que vous aurez écrit spécialement pour la e-revue, sur la question de votre
choix, sans aucune restriction, au moment que vous choisirez, sans calendrier fixé à l'avance.
2.
En nous communiquant un court résumé, ainsi que les références et si possible l'adresse électronique
d'hébergement des papiers que vous aurez écrits dans un contexte professionnel ou autre. Nous inscrirons
ces éléments dans la e-revue et diffuserons largement l'information.
3.
En réagissant en ligne aux articles composant la e-revue
La e-revue porte vos idées. Ecrivez à la e-revue : [email protected].
1
New York, le mercredi 10 octobre 2002
Le marché des dérivés de crédit
Le marché des dérivés de crédit connaît un développement extrêmement rapide,
avec un quasi-doublement des montants de notionnels chaque année depuis cinq ans.
Cette évolution exponentielle ne s’est pas ralentie avec l’établissement de records de
défauts d’obligations corporate, bien au contraire : en période de tension (après 11/9,
faillites de Enron et WorldCom par exemple) l’on a ainsi pu observer l’arrivée d’importantes
liquidités, de nouveaux intervenants se proposant comme vendeurs de protection
parallèlement à l’élévation des primes de risque. Les dérivés de crédits (essentiellement les
credit default swaps) apparaissent ainsi apporter aux investisseurs une liquidité qui en général
a disparu sur le marché « cash » des obligations. De l’avis de la Réserve Fédérale, cette
nouvelle « soupape » pour les marchés a sauvé l’économie mondiale d’un credit crunch ou
d’une crise systémique.
Le marché des dérivés de crédit a par ailleurs donné naissance à un nouveau
produit qualifié de « win-win » par les banquiers d’investissement, à savoir le
portefeuille de dérivés de crédits titrisés (Synthetic-Collateralized Debt Obligation) qui ne
présenterait que des externalités positives pour l’ensemble des intervenants. Le CDO
synthétique est un véhicule de titrisation dont le portefeuille sous-jacent est constitué de
dérivés de crédit. Sa mise en place est donc beaucoup moins coûteuse que celle d’un
portefeuille d’actifs « cash » (le SPE, véhicule porteur, ne doit en effet acquérir que des credit
default swaps sur des actifs et non les actifs eux-même ; il reçoit en plus pour cela une prime
comme vendeur de protection qui lui sert à rémunérer les détenteurs des tranches du CDO).
Les investisseurs y trouvent également leur avantage : la détention de portefeuille de risques
sur des noms multiples, à risque de défaut égal, minimise leur variance de perte ; ils profitent
par ailleurs de la liquidité plus grande actuelle des dérivés de crédit par rapport à l’obligataire
privé.
Un risque important existe cependant, lié en particulier au caractère actuellement
oligopolistique du marché. JP Morgan-Chase, suivi d’assez loin par Citigroup et Bank of
America, est l’animateur principal des différents produits de dérivés de crédit ; par ailleurs les
trois agences de notation mondiales travaillent en étroite collaboration avec les banques
d’investissement pour l’établissement des ratings des différentes tranches des CDO. Ces six
établissements, banques et agence de notations, apparaissent ainsi à la fois price et market
makers pour les dérivés de crédits.
Le risque principal est donc celui d’un marché qui se développerait très rapidement,
mais sur la base d’erreurs (voire de manipulation) de la valorisation/tarification
(pricing) des produits : les investisseurs, dans ce cas, ne recevraient pas une rémunération
suffisante pour le risque qu’ils prennent, les taux servis étant en réalité inadéquats face à la
probabilité réelle de défaut. En d’autres termes, les conditions d’une éventuelle nouvelle
« bulle ». / SC
1 – Le point de vue d’un régulateur : la Réserve Fédérale estime que le
développement récent du marché des dérivés de crédit a probablement permis d’éviter
une crise financière globale.
Le 25 septembre dernier, Alan Greenspan a énoncé ce qui devrait dorénavant
constituer la position officielle de la Réserve Fédérale américaine face au développement
du marché des dérivés de crédit. Après avoir longtemps retenu son jugement (jusqu’à
présent toujours nuancé par une balance des risques au moins équivalente), la Fed semble en
effet désormais considérer que le « stress test » exercé par les évènements de l’année écoulée
a raisonnablement prouvé l’apport au total favorable des dérivés de crédit à la stabilité
financière mondiale.
Alors que la résorption de la bulle TMT et les défauts records de débiteurs1 auraient
été de nature à entraîner des banqueroutes en chaîne et à induire un « credit crunch »
voire une crise systémique, les instruments à base de dérivés de crédit et de titrisation
ont permis, selon A. Greenspan, de disperser efficacement les dettes -notamment celles
des entreprises de télécoms- et de résister aux chocs successifs de Swissair, Railtrack, 11/9,
Enron, Argentine et WorldCom. Le test du marché des dérivés de crédit ne sera certes
définitivement concluant qu’à la sortie de la phase basse du cycle économique en cours : pour
autant, selon A. Greenspan, le marché a bien fonctionné jusqu’à présent.
De plus, la « prééminence croissante » des dérivés de crédit, selon le Président de la
Fed, n’est pas due uniquement à cette aptitude à diluer le risque, mais également à
l’importance et à la qualité des informations en matière de risques de crédit qu’ils
apportent à l’ensemble des intervenants. Enfin, tout en reconnaissant que les prix demandés
par les vendeurs de protection à travers les credit default swaps (le type le plus répandu des
dérivés de crédit) avaient eu tendance à s’élever au cours des derniers mois suite aux
scandales comptables américains, A. Greenspan a souligné que leurs niveaux restent
« modérés »2.
2 – Evolutions récentes du marché des dérivés de crédit
2.1 - Un dérivé de crédit est un contrat financier bilatéral (négocié de gré à gré) dont
la valeur est dépendante ou dérivée du risque de crédit présenté par un actif financier
sous-jacent (par exemple un prêt bancaire, un crédit commercial, un titre obligataire, une
créance souveraine, etc). Le contrat est conçu de manière à ce que l’une des deux parties soit
protégée contre le risque de défaut de l’émetteur du sous-jacent. Comme d’autres types de
produits dérivés, les dérivés de crédit permettent de vendre ou d’acheter une exposition sans
1
Au cours du seul premier semestre 2002, le montant de défauts sur les obligations d’entreprises se sont ainsi
élevés à 140 MdsUSD, dépassant le record de défaut de l’année 2001 (135 MdsUSD). Une dette corporate a
aujourd’hui la même probabilité de défaut aux Etats-Unis que pendant la période 1930-1938 ; des problèmes de
crédit de moindre ampleur avaient induit un credit crunch au début des années 1990.
2
Ces niveaux de prime de risque restent–en particulier en Europe- globalement inférieurs à leurs équivalents sur
le marché cash des obligations d’entreprise ; le marché des dérivés de crédit apparaît par ailleurs plus liquide
que l’obligataire corporate.
avoir à vendre/acquérir le sous-jacent ; un dérivé de crédit permet ainsi de séparer, au sein de
n’importe quel actif financier, la composante spécifique du risque de crédit.
Le marché des dérivés de crédit, quasiment inexistant il y a encore une demidouzaine d’années, connaît depuis quatre ans une croissance exponentielle (quasidoublement chaque année du montant notionnel). Selon l’International Swaps and
Derivatives Association (ISDA), qui n’établit une statistique des dérivés de crédit que depuis
la mi-2001, le montant total de notionnel des dérivés de crédit serait ainsi passé de 632
MdsUSD fin-juin 2001 à 1.200 MdsUSD à fin-juin 2002. L’enquête annuelle de la British
Bankers Association (BBA) indique pour sa part un montant total de notionnel de 1.189
MdsUSD à fin 2001 et prévoit un passage à 1.952 Mds en fin d’année 2002. La moitié du
marché mondial des dérivés de crédit serait négocié à Londres et un tiers à New York.
Notionnel
BBA
ISDA
1997
180
1998
350
1999
668
2000
1.009
2001S1
632
2001
1.189
919
2002S1
1.200
2002
1.952
2004
4.799
En MdsUSD ; source BBA et ISDA
Ces montants peuvent apparaître ne représenter qu’une faible portion du total de
notionnel de l’ensemble des produits dérivés (80 MdsUSD pour les produits de taux et de
change à fin-juin 2002 selon l’ISDA) ; en réalité le niveau de risque transféré par les
dérivés de crédits n’est pas directement comparable avec celui de la plupart des autres
produits dérivés sur la base du seul montant de notionnel : ainsi, alors que l’exposition sur un
swap de taux d’intérêts par exemple ne porte en général que sur moins de 5% du sous-jacent,
cette exposition peut en revanche s’élever jusqu’à 100% pour certains dérivés de crédit
(remboursement complet du prêt par le vendeur de protection en cas de défaut du débiteur).
2.2 - Selon l’enquête de la BBA, les credit default swaps (CDS) représentent encore
45% du total de notionnel des dérivés de crédit. Les produits de « portefeuille », c’est à
dire essentiellement les produits titrisés synthétiques comme les synthetic collateralized debt
obligation (CDO-synthétiques) et les collateralized loan obligations (CLO), représentent déjà
au moins 25% du total et devraient connaître une croissance rapide au cours des prochaines
années. Cette croissance des produits de portefeuille se fait au détriment des autres types de
dérivés de crédit (total return swap, credit linked note, produits de « paniers » et produits de
spread de crédit) dont la part de marché de chacun se situe autour de 5%.
Le marché apparaît désormais majoritairement consacré à la gestion du risque
d’entreprise (« corporate ») : les actifs d’entreprise (obligations, crédits commerciaux)
représentent ainsi en 2001 selon la BBA 60% du montant total des sous-jacents des dérivés de
crédit. Les actifs bancaires (notamment les prêts) représentent 25% des sous-jacents et les
dettes souveraines seulement 15% (contre 54% lors de la première enquête de la BBA en
1996, puis 35% en 1998).
Les estimations de l’importance relative des différentes catégories d’utilisateurs
finaux des dérivés de crédit (comme vendeurs et acheteurs de protection) soulignent la
part toujours prédominante des banques, initiateurs du marché. Leur reflux progressif et la
montée des investisseurs institutionnels (en particulier les compagnies d’assurances) est
cependant le reflet du passage des motivations d’optimisation des bilans (dérivés de crédits
« balance-sheet ») à des comportements d’investissement dans une nouvelle catégorie
d’instruments financiers (qui permettent notamment l’arbitrage entre les différents marchés :
dérivés de crédit « arbitrage »).
Vendeurs de protection
Banques
Assurances
Maisons de titres
Hedge funds
Mutual et pension funds
Entreprises
Gouvernements
1999
47
23
16
5
5
3
1
2002
39
33
16
4
5
2
1
Acheteurs de protection
Banques
Assurances
Maisons de titres
Hedge funds
Mutual et pension funds
Entreprises
Gouvernements
En %, d’après BBA
1999
63
7
18
4
2
6
1
2002
51
10
17
9
4
9
1
3 – Typologie des dérivés de crédit
La forme la plus courante de dérivé de crédit est le credit default swap (CDS). Ce
type de contrat permet à l’une des deux parties d’acheter à l’autre une protection contre le
risque de défaut d’un actif émis par un tiers (« entité de référence »). L’acheteur de protection
verse une commission/prime périodique jusqu’à la fin du contrat ou bien jusqu’à la survenue
d’un événement de crédit (tel que défini dans le contrat) qui donne lieu au versement d’une
indemnisation par le vendeur de protection. Un CDS laisse ainsi l’acheteur de protection
entièrement exposé au risque de contrepartie (hypothèse du défaut du vendeur de protection).
Les contrats de CDS sont le plus souvent standardisés selon le modèle diffusé en
1999 par l’ISDA (ISDA short form confirmation document) :
- définition de l’entité de référence (émetteur souverain, corporate ou bancaire) ;
- définition de l’événement de crédit (par exemple banqueroute de l’entité de référence,
défaut, restructuration, etc) ;
- détermination des modalités d’indemnisation : versement d’espèces (cash settlement, le
plus souvent valeur faciale moins valeur de recouvrement) ou bien « délivrance physique »
(physical delivery). Dans ce dernier cas, l’acheteur de protection peut délivrer l’actif qui a fait
défaut ou bien tout autre actif de même droits et privilèges, en échange d’espèces de la part du
vendeur de protection. Une majorité de CDS sont établis sur la base du physical delivery.
Un credit linked note (CLN) est un titre qui dépend à la fois de la solvabilité de
l’émetteur et de la valeur de l’obligation sous-jacente. L’investisseur (le vendeur de
protection) reçoit le versement d’un coupon et, si aucun événement de crédit n’est survenu, la
valeur faciale à la maturité. Si l’actif de référence fait défaut, le montant net versé à
l’investisseur à maturité est réduit en proportion. L’acheteur de protection (et émetteur du
titre) reçoit le paiement du CLN dès son émission et ainsi n’est pas soumis au risque de
contrepartie.
Un total return swap est un contrat qui engage l’acheteur de protection à verser
périodiquement au vendeur de protection l’ensemble des revenus procurés par l’actif de
référence, plus toute appréciation éventuelle du prix de marché de cet actif. Le vendeur de
protection pour sa part verse une prime variable dont l’indexation sur des taux de marché est
déterminée dans le contrat et indemnise en cas de baisse du prix de marché de l’actif de
référence. Enfin, un credit spread option permet de se couvrir contre la volatilité des spreads.
L’entité de référence d’un dérivé de crédit peut-être constituée d’un seul débiteur
(le dérivé est alors « single name ») ou de plusieurs (dérivé « multiple name », cas des
produits « de panier » et de portefeuille). Les contrats « multiple name » peuvent donner lieu à
indemnisation/prendre fin dès le premier défaut de l’un des noms (first to default), ou bien la
protection peut être établie proportionnellement aux actifs dans le portefeuille.
La standardisation des contrats de credit default swaps sur le modèle diffusé par
l’ISDA en 1999 a certainement répondu à une demande du marché et a rempli son
objectif d’en accélérer le développement. Cette standardisation, qui a facilité le règlement
des contrats (en cas de défaut) mais a également réduit le coût de leur établissement, a été
déterminante dans le passage des CDS d’une forme de contrat d’assurance bilatérale contre le
risque de crédit à un statut d’instrument d’investissement à part entière.
De la même manière, la mise en place récente de plate-formes de cotations
électroniques des dérivés de crédit est le produit du développement du marché et devrait
en approfondir encore la liquidité. Des plate-formes de cotations accessibles par internet
ont ainsi été lancées au cours des derniers mois par les courtiers spécialisés en dérivés de
crédit GFI, Creditex et Creditrade. Goldman Sachs a très profitablement ainsi mis aux
enchères en avril dernier sur Creditex un portefeuille de dérivés de crédit titrisés (CDO
synthétique) de 1 MdsUSD sur des titres de113 compagnies différentes.
4 - La naissance des portefeuilles de dérivés de crédit titrisés, les synthetic
collateralized debt obligations (CDO synthétiques)
Les banques, dans un objectif de gestion des fonds propres réglementaires (elles ont
été imitées par la suite par l’ensemble des acteurs désireux de transférer un risque de crédit)
ont initialement développé deux types de transferts des droits sur certains de leurs actifs :
d’une part la vente directe (marché secondaire des « traded loans » par exemple) et d’autre
part la titrisation, transfert des droits sur certains actifs à des entités ad hoc, les Special
Purpose Entities/Vehicules (SPE/SPV), qui émettent ensuite des titres gagés sur la
performance des actifs dont ils ont acquis les droits.
Les collateralized debt obligations sont ainsi un produit de titrisation qui peut être
constitué à partir de différentes sortes de créances Le SPV qui sert de support à l’émission
du CDO met en place un portefeuille de titres qui seront les sous-jacents de l’émission :
lorsque ces titres sont des obligations d’entreprises ou souveraines, des prêts bancaires et
commerciaux, des investissements de banque d’affaire (private equity), des actifs
immobiliers, le SPV en acquiert les droits : le CDO est dans ce cas un « cash CDO » ; il y a
transfert de risque, mais également transfert de propriété : un cash CDO n’est pas ainsi un
dérivé de crédit.
Le portefeuille de titres qui sert de sous-jacent à l’émission du CDO peut en
revanche également être constitué de prises de positions « synthétiques » sur certains
noms, par l’acquisition de dérivés de crédit (des CDS le plus souvent). Les CDOsynthétiques, pools de dérivés de crédit, réalisent ainsi la jonction entre la titrisation et les
dérivés de crédit. Leur émergence a été bien sûr rendue possible par l’approfondissement
récent de la liquidité du marché des CDS.
L’émission des titres du CDO (qu’il soit « cash » ou synthétique) est ensuite scindée,
sur la base des notations octroyées par les agences de rating, entre différentes tranches de
risque qui rémunèrent les investisseurs de manière différenciée :
- Les tranches « senior » reçoivent en général une notation Aaa et représentent le
plus souvent un minimum de 70% (aux Etats-Unis) à 90-95% (en Europe) du notionnel
total du CDO ; elles confèrent à leurs détenteurs la priorité du remboursement à maturité.
- Les tranches « mezzanine » constituent le cœur des émissions de CDO (la tranche
sur laquelle les gains d’arbitrage sont possibles). Ces tranches sont plus ou moins risquées
en fonction du CDO (et de l’évolution du cycle économique) ; elles sont souvent notées
quelques notes au-dessus de la limite de l’investment grade et représentent de 4 à 10% de
l’émission.
- Enfin les tranches les plus basses (equity tranche ou first loss tranche) portent la
plus forte probabilité de défaut mais aussi la plus forte rémunération (à travers les taux
qu’elles servent à leurs acheteurs).
Le tableau ci-après présente un exemple théorique mais représentatif de CDOsynthétique qui aurait pu être émis au cours des dernières semaines (septembre 2002) :
l’on peut ainsi constater que les rémunérations des tranches sont actuellement
particulièrement élevées.
Notionnel total
Tranche
Super Senior Aaa
Senior A
Tranche
1 MdUSD
Taux de la tranche
93 %
du notionnel total
Libor + 20-30 pb
4%
Libor + 150-200 pb
Libor + 300-400 pb
Mezzanine Baa
Tranche Equity
3%
Libor + 10 à 20%
Source : agence financière, à partir d’entretiens avec des émetteurs et les agences de notation
5 – Les CDO synthétiques, produit « win-win » des marchés financiers en 2002 ?
5.1 - Les CDO synthétiques ont depuis quelques mois la faveur des émetteurs de
produits titrisés grâce en particulier à un coût beaucoup plus faible de mise en place par
rapport à un CDO de titrisation classique. Non seulement le SPE ne doit acquérir que des
dérivés de crédit gagés sur des actifs et non pas les actifs eux-mêmes, mais la détention de ces
dérivés de crédit en tant que vendeur de protection apporte un revenu périodique qui permet
au SPE de régler les rémunérations aux acquéreurs des tranches du CDO.
Les banques d’investissement ne construisent plus désormais quasiment que des
CDO-synthétiques. Les CDO synthétiques ont représenté, au premier semestre 2002, 92%
des 72 MdsUSD de notionnel de CDO émis publiquement en Europe (8% seulement de cashCDO). A fin-2001, le marché global des CDO-synthétiques émis publiquement était estimé à
130 MdsUSD (dont 46 Mds émis publiquement en 2001 -le marché total représenterait en
réalité le double de ce notionnel).
A la mi-2002, un CDO typique est donc synthétique plutôt que « cash »,
« arbitrage » plutôt que de restructuration de bilan, en gestion active plutôt que
statique. Le portefeuille sous-jacent du CDO peut en effet être géré de trois manière
différentes : en « statique » (la composition du portefeuille est figée à l’émission des
tranches) ; en « dynamique » (le manager du CDO a la possibilité de modifier la composition
du portefeuille) ; en « blind pool » (les investisseurs ne connaissent pas la composition du
portefeuille et son éventuelle évolution).
Autour de ce modèle mondial, l’on enregistre par ailleurs une divergence forte entre
les Etats-Unis et l’Europe : les portefeuilles de titres sous-jacents sont beaucoup plus
fortement pondérés en high yield aux Etats-Unis, où par ailleurs les CDO-cash conservent une
part de marché plus importante.
5.2 - Outre leur faible coût de création pour les banques d’investissement qui les
mettent en place, deux atouts importants expliquent la faveur actuelle des CDOsynthétiques auprès des investisseurs eux-mêmes :
- Les investisseurs ont la possibilité de construire eux-mêmes leur CDO, « taillé sur
mesure », en particulier par le choix des noms des compagnies sur lesquels ils prennent une
position à travers les CDS.
- A probabilité de défaut égale (i.e à notation égale), la détention d’une tranche de
CDO minimise la variance de perte (la volatilité) par rapport à la détention d’un simple titre
obligataire.
6 - Les produits de CDO ont cependant déjà posé un certain nombre de problèmes
aux investisseurs ; des pertes importantes –qui ont débordé des tranches equity- ont ainsi
été enregistrés au cours de la dernière année.
Les effets négatifs du cycle économique ont été renforcés par l’intérêt a priori qu’ont
les monteurs de portefeuilles à choisir systématiquement, à notation égale, les titres aux
spreads les plus importants qui rapportent ainsi plus de primes de protection au SPE et
permettent de promettre à l’acheteur des tranches mezzanine ou equity de plus fortes
rémunérations.
Ainsi les fonds de pension avaient été en particulier vivement incités à investir dans
les tranches equity par les taux servis (typiquement 25% de retour « promis » encore en
début 2001). Le doublement en un an du taux de défauts (passé de 6 à 10% et désormais au
niveau de celui des années 1930-1938 aux Etats-Unis) et le fait que la plupart des CDO émis
encore en 2000 reposaient trop sur les TMT en général et sur trop peu de noms en particulier
ont certainement multiplié les pertes au cours de la période récente. Depuis le début 2002,
Moody’s a ainsi abaissé la note de près de 160 tranches de CDO. Entre 10 et 13% de
l’ensemble des notations de CDO ont été dégradées par les trois agences en 2001.
Une conséquence de ces pertes liées à des vices initiaux dans la composition du
portefeuille sous-jacent a été la montée récente des CDO-synthétiques activement gérés
(actively managed synthetics), qui permettent au manager du CDO de remplacer à volonté les
CDS du portefeuille.
7 – Retour sur les déterminants du développement rapide du marché des dérivés de
crédit : des intermédiaires fortement incités et des avantages économiques multiples
pour les investisseurs.
7.1 - Les banques d’investissements qui arrangent les contrats et les produits de
dérivés de crédit ont un fort intérêt au développement de ce marché ; elles y trouvent les
revenus de remplacement à l’extinction des syndications et des commissions de fusionacquisitions. JP Morgan, qui animerait par exemple près de 40% du marché des CDS, aurait
ainsi retiré un total de 20% de son revenu net en 2001 de ses activités sur le marché des
dérivés de crédit. Les produits ayant été jusqu’à très récemment encore particulièrement
innovants (en particulier les CDO), les commissions de montage pour les banques
d’investissement ont été très importantes au cours des deux dernières années (le niveau de ces
commissions est cependant en voie de réduction accélérée parallèlement au développement de
la concurrence sur ces produits).
L’autre grande catégorie d’acteurs intermédiaires qui profite du marché des dérivés
de crédits sont les agences de notation. Les agences de notation sont rémunérées par les
banques d’investissement pour le rating des différentes tranches des CDO synthétiques
construits par ces dernières3. La notation des produits titrisés représente aujourd’hui la
3
Le plus souvent, la banque d’investissement construit les différentes tranches du CDO en appliquant elle-même
les méthodes de notation des agences ; le résultat est ensuite présenté, pour validation, aux agences.
principale source de revenu des agences de notations ; au sein des produits titrisés, ce sont les
émissions de CDO qui constituent le principal revenu.
7.2 - Les dérivés de crédit se sont développés initialement afin de permettre aux
banques de gérer activement leurs risques de crédit. Ils permettent ainsi de ne plus être
contraint par exemple par les limites d’engagements par contrepartie tout en préservant la
relation commerciale avec cette contrepartie. Les dérivés de crédit isolent la composante
risque des autres aspects liés à la détention d’un titre : l’entité de référence, dont le risque de
crédit est ainsi transféré par le dérivé, n’est ainsi en général pas informée de cette transaction
dérivée, externalité positive parmi d’autres pour l’acheteur de protection, qui peut continuer à
détenir sa position sur l’emprunteur concerné et le cas échéant sa relation commerciale avec
lui. A l’inverse, le marché secondaire des prêts requiert par exemple le plus souvent une
notification à l’emprunteur.
La séparation de l’origine du risque de crédit de la détention de ce risque apparaît
ainsi une innovation majeure, favorable à l’efficience des marchés ; elle a indiscutablement
permis de diluer le risque des créances douteuses qui, sinon, aurait provoqué au moins un
credit crunch aux Etats-Unis et au pire, une crise systémique à travers la faillite
d’établissements financiers de premier plan. Les trois principales banques américaines sont
ainsi, en compte propre ou non, à l’origine de 86% des dérivés de crédits émis aux EtatsUnis ; signe d’un besoin fort de la part de ces trois établissements (JP Morgan-Chase,
Citigroup et Bank of America).
7.3 - Les motivations d’investissement et d’arbitrage entre marchés ont désormais
pris le pas sur les motivations d’optimisation des bilans (l’on est ainsi passé par exemple
des « balance sheet CDO » aux « arbitrage CDO »)
Le marché des dérivés de crédit devrait suppléer en particulier à l’illiquidité du
marché obligataire cash pendant les périodes de tensions. Pendant ces périodes, les
investisseurs ont deux manières de gérer leur risque de crédit sur un nom : en vendant le titre
(au risque qu’il ne trouve pas preneur à un bon prix) ou en acquérant une protection via un
dérivé de crédit. Cette liquidité nouvelle du marché des dérivés de crédit fait qu’un prix
d’équilibre peut apparemment toujours être trouvé, la montée du niveau des spreads devant
rencontrer la nouvelle logique d’investissement des vendeurs de protection. Le marché des
dérivés de crédits a par exemple triplé de volume quelques jours après le 11/9, sans pour
autant que soit enregistré de déséquilibre entre l’offre et la demande de protection (la forte
progression des spreads avait eu pour résultat d’attirer des investissements spéculatifs).
Les dérivés de crédit sont également censés propager l’information entre les
différents marchés. Par exemple, lorsqu’une banque accorde un nouveau prêt à une
entreprise, elle peut chercher à acquérir une protection sur cette entreprise sur le marché des
dérivés de crédits ; les spreads sur le nom de l’entreprise vont alors s’élever, apportant une
information importante et originale (qu’ils n’auraient pas été en mesure se percevoir sinon)
aux investisseurs qui détiennent des titres obligataires cash de l’entreprise
Les arbitrages que les investisseurs peuvent réaliser entre les différents marchés
devraient permettent de réduire progressivement les incohérences de pricing. Les
informations transmises par les dérivés de crédit sont censés permettre la réduction des écarts
entre les primes de risque sur les différents marchés (cf supra). Les objectifs différents de
chaque catégorie d’intervenant permettent également de mieux homogénéiser les prix ; les
banques par exemple, qui observent les incohérences entre le marché obligataire corporate
cash et celui des primes de risque sur les CDS seront tentées de chercher systématiquement à
acheter la protection des investisseurs institutionnels (compagnies d’assurances, fonds
d’investissement) sur les titres pour lesquels la différence entre les primes de risque est la plus
grande (par exemple plus élevée sur le marché des CDS). Les compagnies d’assurance, qui ne
prennent en compte que la probabilité de défaut théorique indiquée par le rating des
émissions, participent ainsi au rééquilibrage entre les deux marchés en apportant de la
demande sur le dérivé.
Ce type d’arbitrage peut être réalisé de la même manière entre produits de
différentes maturités, devises, notations, classes d’actifs, etc, le passage par la liquidité et
le faible coût des dérivés de crédits (achat de la seule prime de risque) permettant ce que
l’illiquidité relative du marché obligataire sur la plupart des noms n’autorisait pas
jusqu’à présent. Le marché des dérivés de crédit sert ainsi de connexion effective entre les
différents types de marchés.
Les dérivés de crédit, qui sont des structures hors-bilan, permettent également aux
investisseurs d’obtenir de forts effets de leviers, outre l’optimisation des fonds propres
pour les banques. Ces avantages sont renforcés par l’aspect synthétique de la position prise
sur un nom (moins coûteux que l’acquisition directe du titre). Le degré d’effet de levier pour
les CDO dépend du coût de constitution « up front » du portefeuille de collatéraux. Il faut
cependant noter que les évolutions du cadre comptable de la titrisation en cours de refonte par
la FASB sont de nature à avoir un impact sur la structuration et le coût de ces produits et donc
sur leurs emplois.
8 - Les dérivés de crédits ne sont cependant sans présenter des risques potentiels
importants
La difficulté « traditionnelle » du marché des dérivés de crédit, difficulté en voie de
résorption, est le risque légal et documentaire. Le travail de standardisation de l’ISDA s’est
avéré important. Il reste cependant encore à parachever ; une différence importante existe par
exemple entre les Etats-Unis et l’Europe sur l’inclusion dans la liste des évènements de
crédits de la définition de la restructuration de la dette de l’entité de référence.
L’autre difficulté traditionnelle, externalité négative des avantages que présente le
caractère de gré à gré des dérivés de crédit (avec notamment l’aspect « taillé sur
mesure » et le secret éventuel de ces opérations), est bien sûr l’approfondissement de
l’opacité de la gestion du risque de crédit. Les régulateurs bancaires peuvent en effet le cas
échéant s’inquiéter de difficultés nouvelles à localiser les détenteurs effectifs de ce risque,
voire d’une incertitude sur la capacité de ces nouveaux détenteurs finaux à gérer de manière
saine ce nouveau risque. La détention de dérivés de crédit –en particulier des CDO- par les
véhicules de gestion collective a pu en particulier inquiéter certains régulateurs bancaires,
constatant la propagation de ces instruments dérivés complexes en direction des investisseurs
individuels.
L’utilisation mécanique par certains investisseurs institutionnels (comme certaines
compagnies d’assurance) des notations comme seul indicateur du risque de défaut est
source de risque pour ces intervenants. Nous l’avons vu, les banques d’investissement
réalisent des arbitrages aisés en plaçant de préférence auprès des compagnies d’assurances, au
sein des CDO-synthétiques en particulier, des noms d’émetteurs de référence dont les primes
de risque présentent les plus forts écarts entre le marché des CDS et le cash, ou plus
généralement entre la probabilité de défaut indiquée par la notation et celle relative indiquée
par le prix de l’achat de protection.
Le problème le plus grave est bien sûr le risque de valorisation/tarification
inadéquate (mispricing). L’investisseur (une compagnie d’assurance ou un fond
d’investissement) est-il suffisamment rémunéré pour le risque qu’il prend ? Ce risque
est-il sous évalué, à travers le cas échéant une notation initiale trop favorable par les agences
qui donnera lieu ensuite à des abaissements de note ? Ou bien est-ce le prix de la protection
qui est sous-évalué, les taux servis aux investisseurs étant en réalité inadéquats face à la
probabilité réelle de défaut ?
Une source possible de mispricing peut à l’évidence être reconnue dans la
concentration extrême des acteurs qui déterminent dans les faits le prix de la protection.
En effet, soit par position de market maker / price maker soit du fait de l’avantage
concurrentiel de la situation oligopolistique du marché de la notation, une demi-douzaine
d’institutions (trois banques et trois agences de notation américaines) déterminent
effectivement les prix sur le marché des dérivés de crédit.
Sébastien COCHARD
What do swap rates tell us?1
Interest rate swaps are one of the instruments available on interest rate markets. In a standard interest rate swap
contract between A and B, A and B agree to make some payments to each other at regular intervals over a
certain period of time, for example every year over the next ten years. A will pay fixed amounts, which are
determined on the basis of the agreed so-called “swap rate”. B will pay varying amounts, which will be
calculated at each payment date on the basis of a reference money market rate, for example the three-month
London inter-bank offered rate (Libor). For standard swap contracts, swap rate quotations are readily available in
wholesale financial markets.
Like other interest rates, swap rates fluctuate in line with market conditions. Considering an investment horizon
of ten years, government bond yields and swap rates are the two most often used references. The differential
between swap rates and government bond yields (the so-called swap spread) is often regarded as a variable that
nicely summarises various relevant aspects of current market conditions.
A summary of developments in US dollar ten-year swap spreads over the last fifteen years could be as follows
(Chart 1). In a first phase corresponding to the recession of 1990-1991, ten-year swap spreads increased, up to
around 95 basis points in early 1990, and then decreased until they reached a level around 35 basis points in the
first half of 1992. In a second phase that lasted five years, from 1992 to 1996 inclusive, ten-year swap spreads
fluctuated in a narrow range with a mid-point around 35 basis points. A third phase started in early 1997.
Interrupted only by short-lived declines in late 1998 and in the second half of 1999, ten-year swap spreads
increased considerably, reaching around 135 basis points in the first half of 2000. They then declined just as
considerably over the following two and a half years, reaching a level around 40 basis points by the beginning of
2003. Whilst the historical volatility of ten-year swap spreads was on average 2 basis point per week during the
first two phases, it was more than twice as high in the third phase, at more than 4 basis point per week on
average after mid-1998 (Chart 2). This suggests that there could have been a change of regime in the relationship
between USD swap rates and US government bond yields in the second half of 1998.
Chart 1
Chart 2
US dollar ten-year swap spreads
Historical volatility of US dollar ten-year swap spreads
(basis points)
(basis points per week; estimated over sliding twelve-week periods)
9
140
8
120
7
100
6
80
5
60
4
3
40
2
20
1
Source: Bloomberg
2002
2001
2000
1999
1998
1997
1996
1995
1994
1993
1992
1991
1990
1989
1988
2002
2001
2000
1999
1998
1997
1996
1995
1994
1993
1992
1991
1990
1989
0
1988
0
Source: Bloomberg
According to market analysts, the increase in swap spreads between 1997 and 2000 reflected three successive
events: the Asian crisis in 1997; the episode of financial turbulence that followed the Russian default and the
LTCM failure in 1998; and the US Treasury debt buy-back announcements in early 2000. According to the same
analysts, the decrease in swap spreads between 2000 and early 2003 reflected three main factors: the US
recession; the change in the US budgetary position from surplus to deficit; and some increase in hedging activity
by large institutions in the context of declining long-term interest rates. These analyses give an indication about
what moves swap spreads: government debt issuance; the position in the business cycle; financial market
volatility; and other factors affecting demand for swaps in particular, including changes in hedging activity when
swaps are extensively used in such activity.
An issue that might be controversial is the extent to which swap spreads reflect credit conditions (i.e. the
relationship between demand for credit by firms and supply of credit by financial institutions). It can be argued
that overall credit conditions will be reflected in the yields on bonds issued by private-sector firms. A number of
1
Prepared by Benjamin Sahel, Principal in the Investment Division of Directorate General – Operations at the European
Central Bank. The views expressed in this paper do not necessarily reflect those of the European Central Bank. I thank
my colleagues in the Investment Division for their suggestions.
2
Chart 3
private sector bond indices are available, some of which
are broken down according to the rating of the issuers
(AAA, AA, A, BBB, etc.). Corporate bond spreads (i.e.,
the differential between a corporate bond yield index and a
government bond yield index) are often rather closely
correlated with swap spreads, but not always. Considerable
divergences were observed in particular in the second half
of 1991 and in 1992 as well as in the second half of 2001
and in 2002 (Chart 3). Some of these differences may
reflect changes in ratings, which tend to be clustered
around certain periods, in particular during recessions.
Because such changes in ratings affect the composition of
corporate bond indices, they may cause exceptionally wide
fluctuations in corporate bond spreads.
US swap and corporate bond spreads
(basis points)
160
Ten-year swap spread
140
7 to 10-year AA corporate spread
120
100
80
60
40
20
2002
2001
2000
Another complementary explanation for the divergences in
corporate bond spreads and swap spreads is that swaps Source: Bloomberg and Merrill Lynch
may not reflect credit conditions in the same way as corporate bonds, for several reasons:
1999
1998
1997
1996
1995
1994
1993
1992
1991
0
1) At times, the borrowing plans of the private sector and of the public sector may be affected by common
factors. Moreover, financial institutions may change their attitude towards lending (through the extension of
loans or the purchase of bonds) in the same manner irrespective of whether the borrowers are from the
private sector or from the public sector. In these cases, corporate bond yields and government bond yields
are subject to the same kinds of influences, whereas swap rates may remain broadly unaffected because of
the special features of swaps. In particular, unlike loans and bonds, swaps involve only interest payments,
not principal payments, which could imply that they are less sensitive to changes in credit conditions.
Moreover, swaps are easily subjected to credit risk mitigation measures, such as margin calls for example,
which also reduce their sensitivity to changes in credit conditions compared with bonds.
2) Although more non-financial institutions and even some governments have started to use swaps recently,
swaps are more commonly used by financial institutions amongst themselves. Moreover, financial
institutions remain the main swap market makers, in the sense that, in most swap agreements, they are
involved as one of the two contracting parties. As a result, swap rates may be more affected, on average, by
changes in the creditworthiness of financial institutions than by changes in creditworthiness of the remainder
of the economy.
3) As mentioned above, some firms, including for example the US agency Fannie Mae, have recourse to swaps
in order to hedge their interest rate exposure from time to time. When the amounts are large, this may affect
swap rates more than other interest rates. Some market analysts think that these factors might have played a
role at times in 2001 and 2002, exerting a short-lived but nonetheless noticeable influence on swap rates.
Against this background, at times it may be useful to calculate interest rates spreads using swap rates instead of
government bond yields as reference (Charts 4 and 5). In particular, the correlation between spreads against
swaps is markedly higher than the correlation between spreads against governments (Table 1).
Chart 4
Chart 5
Spreads against government in the United States
Spreads against swaps in the United States
(basis points)
(basis points)
300
350
250
BBB
300
BBB
200
250
150
100
200
A
150
A
50
AA
0
AAA
-50
AA
100
Government
-100
50
AAA
Swap
Jul 2002
Oct 2002
Apr 2002
Jan 2002
Jul 2001
Oct 2001
Apr 2001
Jan 2001
Oct 2000
Jul 2000
Apr 2000
Jan 2000
Oct 1999
Jul 1999
Apr 1999
Jan 1999
Jul 2002
Oct 2002
Jan 2002
Apr 2002
Oct 2001
Jul 2001
Jan 2001
Apr 2001
Jul 2000
Oct 2000
Jan 2000
Apr 2000
Jul 1999
Source: Bloomberg
Oct 1999
Jan 1999
-200
Apr 1999
0
-150
Source: Bloomberg
3
Table 1
Coefficients of correlation between interest rate spreads*
(A) Spreads against governments
United States from 1 Jan. 1999 to end-2002
Swaps
Swaps
AAA
AA
A
BBB
AAA
0.02
AA
0.02
0.49
A
0.07
0.49
0.68
Euro area from 1 Jan. 1999 to end-2002**
BBB
0.05
0.30
0.59
0.65
Swaps
Swaps
AAA
AA
A
BBB
AAA
0.01
AA
-0.01
0.80
A
-0.03
0.70
0.79
BBB
-0.01
0.34
0.43
0.52
United States from 1 Jan. 1991 to end-2002
Swaps
Swaps
AAA
AA
A
BBB
AAA
0.27
AA
0.33
0.59
A
0.24
0.59
0.74
BBB
0.26
0.51
0.72
0.72
(B) Spreads against swaps
United States from 1 Jan. 1999 to end-2002
Govt
Govt
AAA
AA
A
BBB
AAA
0.80
AA
0.83
0.83
A
0.83
0.83
0.90
Euro area from 1 Jan. 1999 to end-2002**
BBB
0.74
0.71
0.84
0.85
Govt
Govt
AAA
AA
A
BBB
AAA
0.82
AA
0.81
0.93
A
0.79
0.89
0.92
BBB
0.48
0.56
0.61
0.61
United States from 1 Jan. 1991 to end-2002
Govt
Govt
AAA
AA
A
BBB
AAA
0.76
AA
0.77
0.82
A
0.75
0.81
0.88
BBB
0.59
0.70
0.81
0.81
Source: Bloomberg and Merrill Lynch
* Coefficients of correlation in excess of 0.5 appear in bold characters
** For the euro area, government bond yields are German government bond yields. The results are essentially unchanged if the bonds of another euro area government such as
Spain, France or Italy are used.
Two main conclusions may be drawn from these observations.
First, if one wishes to rely on a single variable to reflect financial market credit conditions, for example in a
modelling exercise, then, on average, it may be better to use a spread against swap (for example, the AA
corporate bond spread against swap) rather than a spread against government.
Second, some analysts may think that, of the three reasons mentioned above for the special character of swaps,
only the first reason is valid. For those analysts, swap rates can be considered as a more reliable interest rate
“benchmark” than government bond yields. However, things are not so simple if the second reason and/or the
third reason are also valid. In this case, the idea that there may exist such a thing as an interest rate “benchmark”
may even be illusory.
Benjamin Sahel, Ensae 1995
4
Flexible ?
Les débats récents, notamment lors des dernières campagnes électorales, soulignent la montée d’un sentiment
d’insécurité qui dépasse sans doute la seule insécurité physique des personnes et de leurs biens, et touche aussi la
relation à l’emploi, ressentie comme plus incertaine et plus instable. L’emploi se transforme et ces évolutions ne
sont pas sans risque pour les personnes. Ces risques peuvent être anciens, mais être de plus forte amplitude
qu’auparavant (comme les accidents du travail). Ils peuvent être aussi nouveaux, comme en témoignent des
carrières salariales moins stables, des incertitudes plus fortes affectant la relation d’emploi, des rémunérations
plus variables, des transformations technologiques plus rapides, des exigences professionnelles qui privilégient
désormais autant les capacités relationnelles que les compétences techniques. Dans le même temps, on observe
que le cadre législatif et les pratiques sociales se sont transformées, dans le sens d’une plus grande flexibilité.
Une transformation s’impose. Il y a peu encore, le mouvement était à la réduction des risques ou, au moins, à
leur mutualisation, dans l’objet d’en atténuer les conséquences pour ceux qui étaient touchés. Depuis une
vingtaine d’années environ, un mouvement contraire semble se dessiner, à l’instar de la réduction et de la
diversification des règles collectives. Les transformations de l’emploi semblent induire davantage d’exigences et
de responsabilités demandées aux personnes : ce qui devient une opportunité de valorisation pour les uns est un
risque de décrochage pour les autres. Et dans ce domaine, le clivage semble traverser les catégories sociales
habituelles2. Comment concilier dans ce cas une plus grande flexibilité et ses conséquences avec un
renforcement de la sécurité des personnes ?
La flexibilité, un concept flou
Le travail rémunéré était à l’époque industrielle, du type fordiste, l’une des bases de l’existence individualisée,
du statut social, notamment dans l’espace « famille et travail ». A ce titre le statut de l’adulte, actif, s’opposait au
jeune et à la personne âgée, inactifs. L’emploi à temps plein était un standard qui délivrait un statut social. Le
salarié était coproducteur du monde, et adhérait au projet commun. Trois axes définissait la standardisation du
travail : le contrat, le lieu, le temps. La frontière entre travail et non travail était claire et nette. La flexibilisation
de ces trois piliers, sous diverses influences, a transformé la frontière entre emploi et chômage en zone floue et
fluctuante de risque.
-
-
La durée du travail est devenue variable en raison du développement du temps partiel et du temps incomplet
sur l’année : ce partage de la pénurie du sous-emploi procède d’un profilage vers le bas des revenus, de la
protection sociale, des opportunités professionnelles, notamment pour les moins qualifiés. Ce phénomène
suscite de nouvelles insécurités et de nouvelles inégalités. C’est le plan famille travail qui est ici remis en
question, par la mobilité géographique notamment.
Le lieu de travail et l’entreprise tendent à ne plus coïncider. L’exercice d’un emploi ne relève plus toujours
d’un endroit commun. Le tissu social du travail devient invisible, avec la disparition du contact direct les
relations sociales prennent en violence.
Le contrat de travail prend des formes de plus en plus variées, plus individualisées, afin de favoriser la
flexibilité.
Ainsi, l’individualisation des salaires et des conditions de travail est générale en Europe. Au Danemark, le
« contrat cafétéria » permet à chacun de choisir certaines des composantes de son contrat : plus ou moins
d’heures, niveau de retraite, etc. La convention collective a perdu une partie de son rôle organisationnel, au profit
du contrat individuel. En Suède et au Royaume-Uni, les conventions collectives de branche ont disparu : dans les
chemins de fer suédois, les salaires sont négociés gare par gare. Mais cette individualisation créé d’autant moins
de tensions que les syndicats, très puissants, peuvent accompagner les individus.
En France, des modifications substantielles sont intervenues depuis 20 ans dans le sens d’une plus grande
flexibilité de l’emploi et du marché du travail. La fixation des salaires, désindexés depuis 1983, est de plus en
plus décentralisée au niveau de l’entreprise, traduisant notamment une réduction du rôle des conventions
collectives de branche. Tandis que la rémunération est de plus en plus liée aux performances de l’entreprise, des
formes atypiques d’emploi se développent. De même, l’autorisation administrative de licenciement a été
supprimée en 1986 et les obligations de mobilité ont été élargies. Enfin, les temps de travail sont de plus en plus
variables et individualisés et la négociation collective est de plus en plus décentralisée.
2
Voir, par exemple, la première partie du livre de E. Maurin, L’égalité des possibles, La République des Idées, Seuil, mars 2002.
5
Ces éléments décrivent un mouvement allant dans le sens d’une plus grande « flexibilité » du marché du travail.
A ce stade, la notion semble relever de l’évidence : une société ne saurait se satisfaire de postes de travail
immuables et rigides, alors même que les conditions techniques et économiques évoluent sans cesse. Mais le rôle
de la « flexibilité » reste en fait pour le moins flou. Pris dans un sens restrictif, ce concept se ramène à l’idée
d’élasticité : élasticité de l’emploi aux salaires, par exemple. Pris dans un sens extensif, accroître la flexibilité
peut consister à éliminer toutes les entraves qui empêchent le marché du travail de fonctionner comme un
marché de concurrence pure et parfaite. Quelle nécessité pousse donc à davantage de flexibilité du marché du
travail ?
D’un côté, le cadre législatif et les différentes règles institutionnelles, plus ou moins contraignants en matière
d’ajustement d’effectifs, de protection de l’emploi, et plus ou moins généreux en matière d’indemnisation du
chômage, semblent être corrélés à un haut niveau de chômage d’équilibre. Comme le montrent nombre de
travaux, changer ces règles dans le sens d’une plus grande flexibilité modifie la composition de l’emploi et le
chômage. Ainsi, le chômage des travailleurs les moins qualifiés est d’autant plus important que les règles
institutionnelles sont plus protectrices vis-à-vis de l’emploi.
Mais dans le fond, vouloir une plus grande flexibilité du marché du travail a-t-il vraiment pour objectif
l’amélioration des performances d’emploi ? Ou n’est-ce pas plutôt pour répondre à un système productif
confronté à une demande plus volatile, à des changements techniques importants, à une concurrence avivée ? Ce
n’est pas l’amélioration de l’emploi qui motive la demande pour une plus grande flexibilité, mais le besoin
croissant de la part des entreprises d’ajustements rapides.
La flexibilité pour répondre à une exigence de la demande de travail ?
Le contenu et le contexte professionnel dans lesquels s'exercent les métiers changent profondément. Jadis surtout
industriel, l’emploi s’inscrit désormais dans les services. Les besoins en consommation domestique ont évolué
vers les services. Le secteur tertiaire représente aujourd’hui près des trois-quarts de l’emploi en France, contre
environ la moitié en 1980. Au-delà, quel que soit le secteur, la dimension « service » des activités, par opposition
à la production d’un bien matériel, ne cesse de progresser. La production n’est plus stockée, mais immédiatement
consommée, et le travail dépend d’une demande à satisfaire immédiatement. Les activités de service impliquent
ainsi un rapport direct avec le client, et la tâche exécutée devient inséparable de la satisfaction de celui-ci.
Puisque la tertiarisation est une production immatérielle, c’est le service de la personne qui est évalué, donc in
fine la personne elle-même. Le salarié se trouve alors en situation de mise à disposition, pris entre le contrôle de
sa hiérarchie et celui du client. L’exigence en réactivité s’en trouve augmentée, tandis que le temps consacré au
travail doit se conformer à celui de la consommation.
Les entreprises ont dû s’adapter à ces nouvelles demandes et à une concurrence plus vive. A nouvelle demande,
nouvelles structures de production. La taille des établissements se transforme. Leur organisation aussi, tant
interne qu’entre établissements. Les structures d’entreprises se transforment en un ajustement permanent à une
concurrence avivée.
L’externalisation des fonctions annexes au « cœur du métier » des entreprises et le développement de la soustraitance industrielle reviennent pour elles à transférer à leurs sous-traitants une partie du risque de fluctuations
de l’activité auquel elles font face. Ce phénomène peut conduire au développement de situations d’emploi nonsalarié (par le statut juridique) mais demeurant dans des relations de dépendance complète à l’égard du donneur
d’ordre réel. Les distinctions habituelles entre flexibilité interne et flexibilité externe, aux conséquences bien
différentes sur les salariés, perdent ainsi de leur pertinence. Les contours de l’entreprise sont de plus en plus
« flous » : l’externalisation de certaines fonctions permet à l’entreprise de ne pas employer la totalité des salariés
qui travaillent pour elle.
Flexible : qui plie sans rompre
Les perdants de ce mouvement sont les moins qualifiés lesquels bénéficient de moindres possibilités de
reconversion en cas de perte d’emploi. Population éclatée, il s’agit des familles monoparentales, des personnes
seules, des jeunes, des peu ou pas qualifiés, de certains salariés du secteur privé. C’est essentiellement la durée
incomplète et la précarité de leurs emplois, conséquents en partie aux phénomènes décrits ci-dessus, qui les
placent en situation de revenus faibles et instables. Ainsi, les nouvelles technologies rendent l’employé plus
rapidement opérationnel. L’expérience et l’ancienneté sont donc moins valorisées par l’employeur. Celui peut
donc jouer d’une plus forte rotation de l’emploi pour maintenir le coût du travail au plus bas niveau. Ainsi,
même si le phénomène est sans doute très hétérogène d’un secteur à l’autre, les nouvelles technologies génèrent
de l’instabilité structurelle, qui soumet le salarié à une nouvelle forme de risque. Les personnes les moins
qualifiées se trouvent alors prises dans une zone grise d’instabilité, entre chômage et emploi. L’emploi a ainsi
6
perdu pour eux son rôle protecteur et structurant. Le chômage de masse a remis en cause le principe de cycle de
vie, et ce fondement de l’existence. Le passage de l’emploi standardisé au sous-emploi flexible créé pour cette
population une zone d’insécurité de l’emploi, une zone de risques de revenu.
Afin de protéger ces populations, une première réflexion doit être menée sur la cohérence des différents
dispositifs légaux et formes institutionnelles encadrant le marché du travail. L’expérience étrangère peut être
précieuse à cet égard. Ainsi, au Danemark, le taux de remplacement et le taux de rotation sont parmi les plus
élevés de l’Union européenne. En fait, le taux de remplacement élevé rend socialement acceptable le taux de
rotation des salariés, lequel est adossé à un dispositif de retour à l’emploi serré, ce qui délivre au marché du
travail sa fluidité. Au Danemark, secteur public mis à part, les petites et moyennes entreprises sont
prédominantes dans le tissu productif. Il était, en effet, important pour des PME de pouvoir compter sur une
rotation élevée. Mais l’acceptabilité sociale de ce taux de rotation élevé, dans un pays ou les syndicats sont
puissants, passait par une indemnisation du chômage « généreuse » et de longue durée accompagnée, depuis, par
des dispositifs de politique active de l’emploi. De même, aux Pays-Bas, le régime d’invalidité sociale a rendu les
restructurations industrielles socialement acceptables, dans le cadre d’une négociation multidimensionnelle
touchant aussi la fixation du salaire minimum.
Autre problème, la sous-traitance et l’externalisation posent un double problème : d’une part celui du statut des
travailleurs du donneur d’ordre et des sous-traitants qui ont les uns et les autres des contrats de travail classiques
et, d’autre part, celui de la nécessaire réactivité des relations entre donneurs d’ordres et sous traitants qui pèse sur
la gestion de la main d’œuvre des sous-traitants. Le droit du travail fonctionne encore sur une relation binaire
employeur/salarié, qui ne sait pas tenir compte des relations triangulaires alors que la « co-activité » tend à se
généraliser : les relations entre entreprises donnent déjà naissance, mais de façon encore très discrète, à un
concept nouveau, celui de « co-employeurs », puisque l’activité des uns a des conséquences directes sur l’emploi
des autres.
Faut-il donc en mettre en place un contrat de travail assurant la continuité des droits ? La protection sociale doitelle s’attacher aux personnes, et faire dorénavant abstraction de la diversité des statuts et garantir à chacun une
continuité de ses droits, quel que soit son parcours professionnel et la nature exacte de son employeur ? Ou bien,
faut-il s’attacher aux employeurs et rapprocher le droit du fait en favorisant la mutualisation de l’emploi
(coopératives ou groupements d’employeurs) ? Ou une responsabilité conjointe des employeurs des salariés qui
travaillent ensemble, ce qui impliquerait que, quelle que soit la situation des salariés, ces derniers bénéficient des
mêmes droits dès lors qu’ils travaillent à un même ouvrage ?
Le « Rapport Boissonnat »3 propose de s’intéresser aux groupements d’employeurs pratiquant la mise à
disposition des salariés, afin de permettre une continuité de droits dans le cadre d’une mutualisation. Le
« Rapport Supiot »4, lui, suggère de construire un statut de l’actif, fondé sur la personne, adossé à des garanties
collectives qui concrétiseraient un tel droit individuel. Dans un cas, la mutualisation du contrat de travail lierait
le salarié à plusieurs employeurs. Dans l’autre cas, plus que la relation de travail, des droits seraient ouverts à
chaque personne, quelle que soit son activité.
*
*
*
Toujours est-il que, plus que de tenter de compenser les inégalités ex post, il est important d’investir à nouveau
dans un bien commun, la cohésion sociale, au « rendement » bien tangible et qui dépasse l’arbitrage entre équité
sociale et efficacité économique. Il est impératif de reconsidérer les statuts des salariés en intégrant cette
fragilisation du lien à l’emploi qui tend à se généraliser. Surtout, le travail, puissant vecteur d’intégration sociale,
doit être replacé au cœur du projet social. L’emploi, en particulier pour les plus fragiles, doit être une priorité,
afin de redonner à l’ensemble des individus les moyens d’adhérer et de participer au projet commun.
François Hada (1994)
Clerc D., Hada F., Rioux L., De nouveaux modes d'ajustement de la main-d’œuvre ?, Synthèse de la première
séance du séminaire consacré aux « risques liés à la transformation de l'emploi », 2002.
3
Commissariat général au Plan (1995), Le travail dans vingt ans, Rapport de la commission présidée par Jean
Boissonnat, Editions Odile Jacob, Paris.
4
Commission européenne (1999), Au-delà de l'emploi ; transformations du travail et devenir du droit du travail en Europe,
Rapport présidé par Alain Supiot, Flammarion, Paris.
7
2003 : l’année du statut statistique du chef de l’État
Alors que la commission Avril rendait son verdict sur le statut pénal du Président de la République, un autre
groupe de travail planche dans le plus grand secret sur la question cruciale de son statut statistique. La tradition
veut en effet que le score du Président réélu progresse d’une échéance à l’autre. Parvenu à 82% en 2002, Jacques
Chirac aura du mal à améliorer naturellement son score en 2007.
Une Commission d’experts statisticiens indépendants a donc été formée pour proposer des « solutions
acceptables pour la démocratie ». On y trouve moult anciens ENSAE. « L’enjeu de gouvernance justifiait que
l’on appelle les meilleurs statisticiens mondiaux », a expliqué Jean-Pierre Raffarin lors du kick-off meeting.
Aujourd’hui, malgré le secret qui entoure les travaux de la Commission, nous savons que trois scénarios sont
envisagés :
1.
« Abstention d’abord, sursaut républicain après » (ou « 2002 se reproduit en 2007 ») ; selon les
experts, le score de Jacques Chirac face à Jean-Marie Le Pen pourrait se stabiliser, avec un intervalle de
confiance de 5 points.
2.
« Primaires de l’opposition » : afin de traduire le rapport des forces politiques issues de la création de
l’UMP, une modification constitutionnelle permettrait de passer directement au second tour, opposant le
sortant à son challenger désigné par ces « Primaires ». L’UMP a déjà approché les partis minoritaires
du Parlement et nommé un « Monsieur Primaires », Jean Tibéri, expert reconnu en élections.
3.
« Union de l’extrême gauche » : des ex-membres de l’OCI ont été retournés pour initier une stratégie
d’entrisme au sein de LO, de la LCR et d’autres mouvances afin de réaliser l’union avant 2006. « Les
premières études permettent de prédire un second tour Chirac – Besancenot favorable au premier »,
nous a confié un membre de la Commission pour qui cette stratégie rappelle la stratégie mitterrandienne
des années quatre-vingt face au FN.
Selon Fox T.Paddle, le Président de l’IDOF (Institut Désinformation et Opinion Francophone), la force des
stratégies élaborées par les experts statisticiens réside dans leur complémentarité : « la réalisation de [3]
permettra d’optimiser la réussite de [2], tandis que leur orthogonalité triviale deux à deux avec [1] rend
possible un score écrasant pour le candidat sortant, sachant que des trois scénarios, c’est [1] qui a la plus forte
probabilité de survenance ».
Grâce à la contribution des anciens élèves de l’ENSAE, Jacques Chirac peut espérer être le premier démocrate à
entrer dans le cercle fermé des « CE90% », Chefs d’État élus par plus de 90% des suffrages directs.
Patrick Babayou (94)
Rédacteur Suprême du web-journal Désinformations.com
8
Nouvelle révélation sociétale : 85% des jeunes s'ennuient pendant les
repas de famille
Après les révélations inattendues selon lesquelles les jeunes s'ennuient à l'école, l'IDOF publie aujourd'hui une
enquête de fond qui montre que l'ennui les gagne aussi pendant les repas de famille.
A la demande du Ministère délégué à la Sécurité Familiale, l'Institut Désinformation et Opinion Francophone a
enquêté auprès d'un échantillon représentatif de jeunes et de parents bien désinformés sur leurs attitudes face aux
repas de famille.
60% des jeunes interrogés déclarent "s'ennuyer ferme" et 25% "s'emmerder comme un rat mort". Seuls 5% se
déclarent "trouver parfois un intérêt aux conversations", et 10% "préfèrent ne pas répondre".
Ce qui passait autrefois pour une fatalité devient aujourd'hui un véritable problème sociétal qui inquiète les
experts. "Il y a toujours eu un décalage entre les attentes des jeunes et le déroulement des repas de famille", note
Fox T.Paddle, président de l'IDOF, "mais c'est la multiplication des incivilités qui provoque aujourd'hui de
véritables malaises familiaux".
Ces incivilités paraissent insignifiantes mais c'est leur accumulation qui donne toute sa dimension au problème
sociétal des repas. Lors des entretiens en face à face, les parents citent "le refus systématique de passer le sel",
"l'absence d'intérêt manifeste d'enthousiasme pour les histoires de famille", "couper la parole" ou encore "être
grossier avec les parents, oncles, tantes et grands-parents". Autant de "signaux faibles pris individuellement" qui,
selon Fox T.Paddle, pris dans leur ensemble conceptuel, sont le révélateur d'un "profond malaise familial sousjacent".
Les résultats de ce sondage ont immédiatement été commentés par Christian Jacob, Ministre délégué à la
Sécurité Familiale, qui s'est "alarmé" de la dégradation de l'ambiance et a appelé les parents à "transmettre leur
enthousiasme" pour les repas de famille à leurs enfants.
Patrick Babayou (94)
Rédacteur Suprême du web-journal Désinformations.com
9
Sélection d’articles sortis récemment :
Afsa Cédric (promo 1981), Biscourp Pierre (promo 1999), et Pascale Pollet,
La baisse de la durée du travail entre 1995 et 2001
Lois Robien (1996), Aubry I (1998), Aubry II (2000) avec pour ces dernières une application
en deux phases (2000 et 2002) : l’année 2001 est une année transitoire dans l’application de
l’aménagement et de la réduction du temps de travail. Les entreprises de plus de 20 salariés
l’ont déjà mise en oeuvre alors que les autres entreprises ainsi que la Fonction publique auront
dû attendre 2002. L’impact de la RTT sur la durée du travail dépend beaucoup de la position
hiérarchique dans l’entreprise. Ainsi, les ouvriers sont les plus concernés par la réduction de
leur temps de travail quotidien ; la diminution du temps de travail hebdomadaire concerne
dans les mêmes proportions les ouvriers, les employés et les professions intermédiaires ; pour
les cadres, cette réduction passe majoritairement par l’attribution de congés annuels
supplémentaires. En mars 2001, l’écart de durée hebdomadaire du travail entre les salariés
passés aux 35 heures et les autres est plus élevé pour les ouvriers et pour les employés
(environ 3 heures) que pour les professions intermédiaires et les cadres (un peu moins de 1
heure 30).
Insee Première N°881 - Janvier 03
http://www.insee.fr/fr//ffc/docs_ffc/IP881.pdf
Bessière Sabine (promo 2000)
La proportion de logements vacants la plus faible depuis 30 ans
La croissance du parc des résidences principales ralentit : + 250 000 par an depuis 1996 alors
qu’entre 1992 et 1996, elle était de 290 000. Depuis 1996, il y a une nette reprise sur le parc
des résidences secondaires et logements occasionnels. Quant aux logements vacants, leur
proportion dans le parc total n’a jamais été aussi faible depuis les années soixante : moins de 7
%.
En 2002, les maisons individuelles représentent 61 % du parc de logements neufs (51 % en
1996). Les achats se font de plus en plus dans l’ancien qui représente les trois quarts des
ventes entre 1998 et 2002. Bien que les achats de résidences principales reprennent, le nombre
d’accédants à la propriété diminue, de nombreux ménages ayant fini de rembourser leurs
emprunts immobiliers. La proportion de locataires reste stable mais les locataires sont très
mobiles : deux tiers occupent leur logement depuis moins de quatre ans. La population des
logements sociaux vieillit. En contrepartie, la proportion de jeunes logés dans le secteur libre
augmente.
Insee Première N° 880 - Janvier 2003
http://www.insee.fr/fr/ffc/docs_ffc/ip880.pdf
Clanché François (promo 1994)
La participation électorale au printemps 2002 - De plus en plus de votants intermittents
10
Lors des élections présidentielles et législatives du printemps 2002, près de neuf électeurs
métropolitains inscrits sur les listes électorales sur dix ont participé à au moins un scrutin.
Toutefois, moins d’un sur deux a voté à tous les tours possibles. Par rapport à 1995, le taux
moyen de participation aux scrutins a diminué de 5 points. Entre ces deux dates, c’est surtout
le comportement de vote régulier qui a diminué, au profit du vote intermittent et, dans une
moindre mesure, de l’abstention systématique. La participation électorale augmente avec
l’âge jusqu’à 70 ans, en partie parce que les jeunes sont moins réguliers que leurs aînés. Les
personnes peu diplômées ou celles qui, en 1999, étaient au chômage ou dans un emploi
temporaire ont moins souvent voté que les autres, et beaucoup d’entre elles sont
systématiquement abstentionnistes. Être inscrit dans une commune rurale, être propriétaire de
son logement et vivre en famille sont, en revanche, des facteurs favorables à la participation
électorale.
Insee Première N° 877 - Janvier 2003
http://www.insee.fr/fr/ffc/docs_ffc/IP877.pdf
Marc
Cohen-Solal
(promo
1995)
et
Michèle
Lelièvre
Niveau de vie et risque de pauvreté parmi les retraités des pays européens
Dans les treize pays européens étudiés, ce sont plus de 8 millions de retraités qui vivaient en
1996 dans des ménages percevant une pension, soit 30 % de la population. L’étude présentée
ici s’attache à dresser une typologie des niveaux de vie des ménages de retraités en Europe en
utilisant les données comparatives issues du panel des ménages européens. Celles-ci
permettent notamment d’analyser le rôle respectif des structures familiales et du système de
protection sociale dans la situation relative des ménages de retraités. L’analyse confirme en
premier lieu que la pauvreté des personnes âgées, l’un des groupes les plus exposés autrefois,
s’est considérablement réduite aujourd’hui dans la plupart des pays d’Europe. Les prestations
vieillesse, première source de revenus des retraités européens, constituent en moyenne 60 %
du revenu des ménages auxquels ils appartiennent. Si le niveau de vie des ménages retraités
est, dans la plupart des pays, comparable à celui de l’ensemble de la population, il reste plus
modeste pour les femmes retraitées, qui vivent seules le plus souvent et connaissent encore
des conditions de vie difficiles. Le risque de pauvreté des retraités demeure surtout localisé
dans quelques pays où les systèmes de protection n’ont pas atteint leur pleine maturité comme
en Grèce ou au Portugal, et où le rôle protecteur joué par les retraites de base est relativement
faible comme au Royaume-Uni.
Études et résultats numéro 213, janvier 2003
Ministère des Affaires sociales, du travail et de la solidarité
Ministère de la Santé, de la famille et des personnes handicapées
DREES
http://www.sante.gouv.fr/drees/etude-resultat/er-pdf/er213.pdf
Michel Devilliers (promo 1974), Xavier Bonnet (promo 1994), Emmanuel Chion (promo
1998), Vladimir Passeron (promo 1997)
La croissance à petits pas
11
Avec une croissance de 0,7% dans la zone euro (+1,0% en France), l’année 2002 n’a pas
concrétisé les espoirs de reprise en Europe après le fort ralentissement mondial de 2001. Trois
traits principaux semblent se dégager de ce constat : une forte sensibilité des économies
européennes à des chocs externes qui se sont multipliés, un manque de ressorts internes à la
zone euro et une faiblesse particulière de l’Allemagne, principale économie de la zone. En
France, si la demande des entreprises est restée déprimée tout au long de l’année, la
consommation des ménages n’a cessé de progresser et de constituer le principal moteur de la
croissance. Il est vrai que l’augmentation du pouvoir d’achat a encore été forte, grâce
notamment aux allégements d’impôts. Par ailleurs, la progression du chômage, en liaison avec
une augmentation très ralentie de l’emploi (50 000 emplois marchands créés en 2002 contre
230 000 l’année précédente), est restée suffisamment lente pour ne pas modifier nettement le
comportement d’épargne des ménages. A l’aube de 2003, deux éléments qui avaient
fortement pesé sur les anticipations des entrepreneurs occidentaux à partir de l’été évoluent
plus favorablement : les cours du pétrole se sont repliés et les marchés boursiers ont retrouvé
quelques couleurs. De plus, les politiques monétaires se sont encore assouplies. Après une
croissance forte au troisième trimestre (+1,0%), et sans doute plus modeste au quatrième,
l’économie américaine semble en mesure, en raison des progrès de la situation des entreprises,
de s’inscrire sur une progression du PIB à un rythme de l’ordre de 3% au premier semestre
2003. Ceci favoriserait une amélioration du commerce mondial dont profiterait la zone euro.
Dans celle-ci, les anticipations des entrepreneurs tendent à se redresser, mais les perspectives
à très court terme sont hypothéquées par la mauvaise orientation de la conjoncture allemande.
A l’inverse, l’activité en France bénéficie toujours d’une progression régulière de la
consommation. L’augmentation des revenus liée aux baisses d’impôts de la fin 2002
soutiendrait encore les achats des ménages au premier semestre de 2003, avec un effet qui
s’atténuerait progressivement. Le pouvoir d’achat des revenus d’activité serait préservé par
une décélération progressive des prix et un maintien de la progression des salaires. L’inflation
sous-jacente, supérieure à 2% sur les trois premiers trimestres de 2002, reviendrait vers 1,6%
à la mi-2003 et le glissement des prix à la consommation serait de 1,7% en juin 2003, après
2,3% en décembre 2002. Dans ces conditions, la consommation des ménages décélérerait,
dans un contexte de progression lente du taux de chômage (9,3% en juin 2003).
Les entreprises, n’étant qu’au début de la restauration de leurs marges, garderaient un
comportement prudent de créations d’emplois. Néanmoins, l’atténuation du climat
d’incertitude et le raffermissement de la conjoncture mondiale permettraient un comportement
plus neutre en matière de stocks et d’investissement. Ainsi, au total, la croissance en France
accélérerait progressivement, se situant en moyenne au premier semestre de 2003 autour de
2% (en rythme annualisé). Cette évolution suppose bien sûr qu’il n’y ait pas de nouveau choc
extérieur significatif. Une telle éventualité repousserait encore le mouvement d’accélération
de la croissance.
http://www.insee.fr/fr/indicateur/analys_conj/conj_article.htm
Marie-Laure Arnould, Souheil Benmebkout, Xavier Bonnet (promo 1994), Suzanne Casaux,
Emmanuel Chion (promo 1998), Élise Clément, Patrick Corbel, Véronique Cordey, Thibault
Cruzet, Aurélien Daubaire (promo 2002), Jean-Philippe De Plazaola, Michel Devilliers
(promo 1974), Hélène Erkel-Rousse (promo 1986), Jérôme Fabre, Philippe Gallot, Agnès
Greliche, Emmanuel Gros, Véronique Guihard, Thomas Heckel (promo 1999), François Hild,
Ingrid Lefebvre, Fabrice Lenglart (promo 1994), Brice Lepetit, Virginie Mora, Karim
Moussallam (promo 1997), Vladimir Passeron (promo 1997), Sébastien Perez-Duarte (promo
2000), Christophe Peter, Gaëlle Prioux (promo 2000), Corinne Prost (promo 1998), Marie
12
Reynaud, Fabrice Romans, Camille Rousseau, Sébastien Seguin, Salvatore Serravalle, Fabien
Toutlemonde (promo 1999).
Note de Conjoncture de l'Insee - Décembre 2002
En pdf, dans son intégralité :
http://www.insee.fr/fr/indicateur/analys_conj/archives/décembre2002.pdf
13