Intérêt du long mandrin béquillé en première intention
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Intérêt du long mandrin béquillé en première intention
ACADEMIE DE PARIS Année 2015 MEMOIRE [desarmi.org/]. Document sous License Crea6ve Commons (by-‐nc-‐sa). Pour l’obtention du DES Anesthésie-Réanimation Coordonnateur : Monsieur le Professeur Benoit Plaud Par Jaubert Jennifer Présenté et soutenu le 07.09.2015 Intérêt du long mandrin béquillé en première intention pour l’intubation orotrachéale: une étude réalisée sur mannequin en simulation de différentes conditions interventionnelles. Travail effectué sous la direction du Professeur Gilles Dhonneur. 1 [desarmi.org/]. Document sous License Crea6ve Commons (by-‐nc-‐sa). SOMMAIRE ABREVIATIONS ……………………………..………………………………… I.RESUME……………………………………………………………………… II. INTRODUCTION……………………………………………………………. III. MATERIEL ET METHODE………………………………………………… IV. RESULTATS………………………………………………………………. . V. DISCUSSION……………………………………………………………… VI. CONCLUSIONS………………………………………………………… VII. BIBLIOGRAPHIE………………………………………………………….. 2 [desarmi.org/]. Document sous License Crea6ve Commons (by-‐nc-‐sa). ABREVIATIONS CI : Condition d’Intubation C L : score de Cormack et Lehane DESC : Diplôme d’étude Spécialisé Complémentaire GILD : Glotte Invisible En Laryngoscopie Direct IOT : Intubation Oro Trachéale LMAC : Laryngoscope de Macintosh LMB: Long Mandrin Béquillé LMB-1: Long Mandrin Béquillé en première intention MUPH: Médecine d’Urgence Pré Hospitalière ORL: Oto Rhino Laryngologie POGO: Pourcentage d’Orifice Glottique Observable SID : Score d’Intubation difficile SIT-1 : Sonde d’Intubation Trachéale en première intention SIT-Styl-1 : Sonde d’Intubation trachéale avec stylet en première intention VAS : Voies Aériennes Supérieures 3 [desarmi.org/]. Document sous License Crea6ve Commons (by-‐nc-‐sa). I. RESUME Introduction : L’utilisation première du long mandrin béquillé (LMB-1) dans l’intubation oro trachéale (IOT), pourrait réduire la durée du geste dans les situations ou l’exposition glottique est difficile ou rendue difficile par les conditions interventionnelles. Matériel et Méthodes : Etude prospective réalisée sur mannequin en simulation de différentes conditions interventionnelles par 12 médecins juniors et 12 médecins seniors. La complexité de l’IOT était modulée par la difficulté de la laryngoscopie avec un score Cormack et Lehane (CL) de 1 ou de 3, et par la position du mannequin sur 3 ateliers: comme au bloc sur une table opératoire (A1), posé à plat dos à même le sol sur une vaste surface plane (A2), et à plat dos fixé à même le sol mais avec un accès à la tête très limitée, contraignant (A3). Les participants devaient réaliser une IOT chronométrée en respectant les algorithmes d’IOT difficile en utilisant soit la sonde d’IOT en premier (SIT-1) soit LMB-1. L’ordre de passage, la difficulté d’intubation, la séquence des ateliers et la stratégie LMB-1 ou SIT-1 étaient randomisées. Les caractéristiques de l’IOT étaient notées ainsi qu’un score de confort de réalisation du geste (EVA : 0-100). L’objectif était de montrer une diminution de 30% de la durée d’IOT difficile dans A3 par LMB-1 par rapport à SIT-1. Résultats : 276 séquences d’IOT ont été analysées réalisées par les 24 médecins. LMB-1 proposé pour l’intubation difficile dans A3 entraine une réduction globale de 39% de la durée d’IOT par rapport à SIT-1. Par contre LMB-1, par rapport à SIT-1, proposé dans A1 pour une intubation non complexe, allonge la durée d’intubation de 17%. L’analyse du confort du geste d’IOT combiné aux durées d’IOT valide notre concept d’un geste de plus en plus difficile à réaliser entre A1 et A3. Conclusion: En situation de simulation d’IOT sur mannequin, LMB-1 raccourcit la durée d’IOT difficile dès lors que le geste est réalisé dans une position interventionnelle non conventionnelle (au sol ou en situation contrainte). Une étude prospective en situation réelle de MUPH est souhaitable pour confirmer ces résultats. 4 [desarmi.org/]. Document sous License Crea6ve Commons (by-‐nc-‐sa). II. INTRODUCTION L’intubation orotrachéale (IOT) est un geste médical de contrôle invasif des voies aériennes supérieures (VAS). L’IOT consiste à placer par la bouche, dans la partie proximale de la trachée, une sonde d’intubation munie d’un ballonnet. Une fois le ballonnet de la sonde trachéale gonflé, l’IOT permet de réaliser au niveau de la trachée un système ventilatoire étanche au gaz et théoriquement imperméable aux liquides. L’IOT permet ainsi: d’assurer une ventilation mécanique, de protéger le poumon profond contre l’inhalation des secrétions d’origine digestives ou naso-sinusiennes, et d’éliminer les sécrétions présentes dans l’arbre trachéobronchique. L’IOT est un geste technique qui est pratiqué par des médecins anesthésistes, le plus souvent au bloc opératoire, de manière programmée. Elle est réalisée à l’aide du laryngoscope de Macintosh (LMAC) qui permet contrôler, en vision directe, le passage de la sonde d’intubation entre les cordes vocales. Une fois la glotte franchie, la sonde d’intubation est avancée à l’aveugle dans la trachée. Des repères marqués sur la sonde d’intubation permettent de situer sa position distale dans la trachée. Dans le monde, un peu plus de 300 millions d’IOT sont réalisées chaque année. La majorité (90%) d’entre elles sont effectuées de manière très simple. Environ 10% de ces IOT sont plus difficiles et peuvent donner lieu à des complications sévères comprenant le décès du patient. Un calcul arithmétique simple démontre que toutes les secondes, dans le monde, un patient est soumis à un risque de complication voir de décès du fait d’une IOT difficile. C’est pour éviter une hécatombe potentielle que les sociétés savantes des spécialités qui utilisent l’IOT comme outil thérapeutique, ont développé des algorithmes de prise en charge des VAS difficiles. 5 [desarmi.org/]. Document sous License Crea6ve Commons (by-‐nc-‐sa). Des procédures sont maintenant disponibles pour permettre aux cliniciens de palier aux difficultés du geste d’IOT. Le geste d’IOT nécessite de positionner de manière optimale la tête du patient sur le rachis cervical. Cette manipulation de la tête et du cou permet d’aligner les axes de la cavité buccale, du pharynx et du larynx afin de faciliter la vision directe de l’orifice glottique. Pour réaliser cet alignement, il est recommandé de placer un coussin de 7 à 10 cm d’épaisseur sous la tête du patient. La flexion légère du rachis cervical qu’il entraine permet de commencer l’alignement des axes pharyngés et laryngés. Par la suite, la tête est mise en hyper-extension modérée par flexion plus prononcée du rachis cervical, ce qui permet d’aligner l’axe buccal et pharyngé. Le patient est alors en position de reniflement, dite amendé de Jackson. Une fois l’axe tête-cou positionné de manière optimale, l’opérateur positionné derrière le patient allongé sur un plan dur placé à hauteur de l’épigastre de l’intervenant, utilise le LMAC pour visualiser directement la glotte du patient. La lame métallique (de taille adaptée) du LMAC, dont le manche est tenu dans la main gauche de l’opérateur, est introduite par la commissure labiale droite du patient pendant que la main droite de l’opérateur ouvre la bouche, protège et écarte les lèvres. La pointe de la lame chemine sous contrôle de la vue dans la cavité buccale pour arriver en position médiane au niveau jusqu’au du sillon glosso-épiglottique tout en réclinant le massif lingual sur la gauche. Pour visualiser la glotte, une traction est réalisée sur le manche du laryngoscope selon son axe en évitant de fléchir le poignet et de réaliser un mouvement de levier en appui sur les incisives du patient. Le massif lingual est avancé² dans l’axe du manche le LMAC par traction. L’effacement de la langue de l’axe de vision permet de démasquer l’épiglotte. La pointe de la lame est alors repositionnée de manière plus distale dans le sillon glosso-épiglottique. L’épiglotte est alors soulevée toujours selon l’axe du manche du LMAC, et l’orifice glottique est exposé à la vision directe de l’opérateur. La sonde d’intubation manipulée par la main droite est introduite par la commissure labiale droite. Elle est pilotée vers l’orifice glottique puis introduite entre les cordes 6 [desarmi.org/]. Document sous License Crea6ve Commons (by-‐nc-‐sa). vocales dans la trachée en prenant soin de placer la limite supérieure du ballonnet environ 2 cm sous les cordes vocales. Une fois le ballonnet gonflé à la pression recommandée, la sonde d’IOT est fixée soigneusement en regard des massifs osseux fixes des deux maxillaires. Les vérifications règlementaires de positionnement et de fonctionnement de la sonde d’IOT sont alors réalisées. L’IOT difficile, causes : Si l’IOT programmée au bloc opératoire avec LMAC est un geste technique le plus souvent simple pour un opérateur entrainé. Elle est parfois compliquée pour des raisons techniques quand elle est réalisée par un intervenant moins expérimenté, parfois du fait d’anomalies morphologiques ou anatomiques présentées par le patient, ou par les circonstances particulières de l’intervention nécessitant ce geste ultime invasif et urgent de contrôle des VAS. Nous partons du principe que la qualité de l’anesthésie ne doit plus affecter les conditions de l’IOT. Tous les patients sont curarisés profondément au moment de la réalisation du geste d’IOT. 1- Expérience de l’opérateur L’expérience de l’IOT est un point fondamental qui conditionne le succès du geste. Il est estimé que la maitrise de la technique d’IOT au bloc opératoire avec le LMAC, pour les médecins anesthésistes en formation, nécessite entre 50 et 100 gestes. La courbe d’apprentissage de l’IOT au bloc opératoire est longue, au prix d’un compagnonnage prolongé. L’incidence de l’intubation difficile ou compliquée avec LMAC est inversement proportionnelle à l’expérience de l’intervenant qui réalise l’IOT. Le maintient de la compétence du geste d’IOT avec LMAC est aussi un élément important à prendre en compte. Une fois la compétence acquise, il faut continuer à réaliser le geste d’IOT pour maintenir une performance optimale. Il va de soit que les intervenants qui n’ont pas pu réaliser complètement leur courbe d’apprentissage et qui par la suite dans leur de pratique clinique réalisent peut d’IOT sont exposés à des situations d’intubation difficile plus fréquentes. Les risques 7 [desarmi.org/]. Document sous License Crea6ve Commons (by-‐nc-‐sa). encourus par les patients liés à un manque de compétence initiale et/ou à un défaut d’entretien de la qualification ont été démontrés [1]. 2- Critères prédictifs d’IOT difficile L’IOT peut être difficile chez certains patients qui possèdent des critères anatomiques qui laissent à penser que le geste sera difficile. En effet, la littérature médicale a identifié les facteurs prédictifs d’IOT difficile [2]. Ils sont souvent combinés chez un même patient. Il s’agit avant tout des patients chez qui il est impossible de réaliser les manœuvres d’alignement des axes du fait d’une rigidité du rachis cervical qui peu être plus ou moins fixé dans une position vicieuse. Par ailleurs, il est évident que les patients qui ont une ouverture de bouche insuffisante ou ceux qui ont une implantation dentaire anormale vont poser des problèmes pour réaliser la laryngoscopie directe. De même, les malades qui démontrent une inadéquation (quelle qu’en soit la cause) entre le volume de la langue et celui de la loge mandibulo-thyroïdienne et ceux qui ont une compliance abaissée cette dernière (capacité à se laisser distendre par la traction sur le manche du LMAC), vont présenter des difficultés de visualisation de l’orifice glottique. Enfin, l’IOT en chirurgie ORL chez des patients porteurs de tumeur des VAS est pourvoyeuse d’une incidence d’IOT difficile biens supérieure à de l’exercice dans d’autre secteurs d’activité anesthésique. 3- Conditions interventionnelles ou l’IOT est plus difficile La technique d’IOT est enseignée sur des malades programmés allongé à plat-dos, la hauteur du plateau sur lequel repose le patient étant adapté à la stature de l’opérateur. Les patients ne sont malheureusement pas toujours dans la position idéale de l’apprentissage. Il est des conditions clairement identifiées qui rendent l’IOT plus difficile. La gestion invasive des VAS réalisée dans la cadre de l’urgence est plus difficile que dans les situations réglées. L’urgence est un facteur de stress majeur qui peut transformer une IOT simple en IOT difficile voire impossible. La situation d’IOT en urgence est parfois rencontrée au bloc opératoire, à la maternité, 8 [desarmi.org/]. Document sous License Crea6ve Commons (by-‐nc-‐sa). dans le service des urgences, et en médecine d’urgence préhospitalière (MUPH). La position du patient est un élément déterminant de la difficulté d’intubation. Les patients placés au sol (situation fréquente en MUPH) et les malades allongés dans un lit d’hospitalisation (service de médecine ou en réanimation) sont plus difficiles à intuber. Il est des situations où l’intervenant réalisant le geste d’IOT est physiquement contraint par son environnement ce qui l’empêche de réaliser les manœuvres standards. Ainsi, les conditions interventionnelles où le patient est incarcéré dans son véhicule, placé en position vicieuse ou incongrues sont parfois génératrices de difficulté d’IOT majeures. Certaines ambiances extérieures de luminosité et température extrêmes, ou des conditions climatiques particulières (pluie et neige) rencontrées en MUPH rendent l’IOT bien plus difficile qu’au bloc opératoire où toutes les conditions favorables sont réunies. Enfin, les traumatismes sévères qui affectent la face et le cou sont générateurs de raideurs, déformations et de saignement internes des VAS qui vont rendre l’intubation trachéale avec LMAC beaucoup plus difficile. L’IOT difficile avec le LMAC, épidémiologie. La définition de l’intubation difficile a évolué au cours du temps. Il y a maintenant près de 20 ans, l’IOT difficile était définie par une manœuvre, réalisée par un intervenant expérimenté, qui durait plus de 10 minutes. Par la suite, l’IOT difficile était celle qui nécessitait deux médecins anesthésistes aguerris, ou plus pour être finalisée. Plus récemment, l’intubation difficile sous laryngoscopie directe a été définie comme l’impossibilité pour un anesthésiste expérimenté de réaliser une IOT avec le LMAC, comme seul outil de gestion des VAS. L’IOT est maintenant qualifiée de difficile quand elle nécessite des outils d’assistance au LMAC ou quand un autre outil que le LMAC permet de finaliser le geste. La difficulté est appréciée par un score mesuré rétrospectivement. Il s’agit du score d’intubation difficile (SID), qui est validé dans la littérature en partant du principe que plus l’IOT est difficile plus la réalisation du geste est longue et complexe avec nécessitée d’utiliser des outils d’assistance [3]. Le SID comprend des items qui ont des pondérations différentes en fonction de leur impact sur la durée du geste. Le score SID est calculé en 9 [desarmi.org/]. Document sous License Crea6ve Commons (by-‐nc-‐sa). additionnant les valeurs des 7 items suivants qualité de la vue du larynx appréciée par les grade de Cormack et Lehane [Figure 1]: 0 ou grade-1; traction forte sur le manche du laryngoscope: 0, 1 ; la nécessite de réaliser des manipulations externes: 0 ou 1 ;le nombre(n) de tentatives d’intubation: 0 ou n-1 ; le nombre d’intervenants: 0 ou n-1; le nombre d’outils d’aide: 0 ou n-1). FIGURE 1 Score de Cormack et Lehane Ainsi, le grade de laryngoscopie directe de Cormack et Lehane qui caractérise la meilleure vue de la glotte obtenue lors d’une laryngoscopie « optimisée » par les manipulations externes de la tête et du cou est l’item prépondérant du SID. Une vue impossible de la fente glottique (Cormack et Lehane >2a) obtenue malgré une traction forte sur le manche du laryngoscope et une manipulation externe du larynx définit une intubation difficile (SID > 5), après un premier échec d’accès trachéal à l’aveugle. Le SID a permit de déterminer rétrospectivement les facteurs prédictifs d’IOT difficile avec le LMAC [2]. D’une manière générale, l’intubation trachéale avec le LMAC est plus difficile quand l’exposition glottique met en évidence un grade de Cormack et Lehane >2a. Le score le plus récent utilisé en médecine d’urgence pour qualifier l’intubation difficile est le score POGO (pourcentage d’orifice glottique observable) [ figure 2]. 10 [desarmi.org/]. Document sous License Crea6ve Commons (by-‐nc-‐sa). Ce score POGO qualifie la vision glottique, quel que soit la technique de laryngoscopie utilisée. [4] Quand l’ensemble de la fente glottique est visible, ce qui correspond à un score de Cormack et Lehane = 1, le POGO est à 100%. Quand les deux tiers de la fente glottique son visible le POGO est 66%, ce qui correspond à un grade de Cormack et Lehane égale à 2. Quand un tiers de la fente glottique est visible le POGO est égal à 30%, le grade de Cormack et Lehane est aussi égal à 2. Quand seule, la base de la fente glottique est visible le score de POGO est égal à 10% le grade de Cormack et Lehane est toujours égal à 2, pourtant la difficulté d’intubation des POGO compris entre 10% et 66% n’est pas comparable. Comme, nous pouvons le voir le Score de POGO permet de mesurer plus finement la difficulté de l’IOT que le grade de Cormack et Lehane. La difficulté de l’IOT est inversement proportionnelle au score POGO. Plus le POGO est bas, plus l’IOT avec LMAC est difficile. Un grade de Cormack et Lehane = 2 n’apporte qu’un seul point au SID pour une gamme de POGO compris entre 1 et 99%. La figure 2 illustre la relation entre le POGO et les grades de Cormack et Lehane. FIGURE 2 Au total, la qualité de la vision glottique sous laryngoscopie directe est largement influencée par l’expérience de l’opérateur, la présence de critères anatomiques prédictifs de difficulté de gestion des VAS et les conditions interventionnelles qui représentent des éléments déterminant de la difficulté d’IOT avec le LMAC. Plus la 11 [desarmi.org/]. Document sous License Crea6ve Commons (by-‐nc-‐sa). vision glottique est bonne plus l’intubation est simple. Quand la vision de la glotte n’est pas possible (glotte invisible en laryngoscopie directe: GILD), ce qui correspond à un score POGO à 0% et aux grades de Cormack et Lehane 3 et 4, l’IOT avec LMAC est difficile, voir très difficile. Dans les meilleures conditions réglées de l’IOT au bloc opératoire, l’incidence de GILD est rare. Cette situation n’est rencontrée que dans environ 1 % des cas. Elle peut atteindre 4% en anesthésie programmée dans des spécialités particulières comme l’ORL ou la chirurgie maxillo-faciale. Par contre, la fréquence des situations d’IOT difficile avec GLID est plus importante quand on s’intéresse à la réanimation et à la médecine d’urgence surtout quand elle est préhospitalière (MUPH) [5]. L’incidence de l’intubation difficile varie entre 5 à 10% en MUPH, avec une augmentation importante de l’incidence des GLID. L’expertise moins importante des intervenants et les conditions interventionnelles particulières liées à l’urgence sont responsables de la difficulté majorée de gestion des VAS en MUPH et en réanimation. Pour limiter la morbimortalité liée à la gestion des VAS dans les spécialités interventionnelles, mais aussi au bloc opératoire ou l’anesthésie générale réglée est devenue très sure, les cliniciens suivent maintenant des algorithmes de prise en charge des VAS difficiles. Ces procédures, agencées sous forme d’algorithme, hiérarchisent les actions programmées et l’ordre des outils d’assistance à utiliser en cas de GLID [6]. Il est démontré que l’application des algorithmes permet de réduire la morbidité et la mortalité liées à la gestion des VAS en anesthésie, en MUPH et maintenant en réanimation. 1-Algorithmes d’IOT difficile Les algorithmes proposent une démarche pas à pas pour résoudre les difficultés de gestion des VAS. Ils envisagent deux scénarios plus ou moins intriqués. Il s’agit des 12 [desarmi.org/]. Document sous License Crea6ve Commons (by-‐nc-‐sa). 2 situations critiques où : l’IOT est impossible avec le LMAC et la ventilation est inefficace à maintenir une oxygénation artérielle acceptable avec un masque facial. Pour ce qui est de l’oxygénation, les sociétés savantes d’Anesthésie, Réanimation et Médecine d’Urgence ont un algorithme qui est semblable. Quand l’oxygénation artérielle, estimée par la SaO2, n’est pas maintenue à un niveau acceptable par la ventilation manuelle au masque facial, alors il est recommandé de tenter une ventilation et oxygénation par voie pharyngée en utilisant un masque laryngé placé dans le pharynx et dont le ballonnet est gonflé à > de 60 cmH20. Si cette stratégie d’oxygénation ne permet pas d’améliorer la SaO2, alors l’oxygénation doit être assurée par voie trans-trachéale (ponction inter-cricothyroïdienne) selon plusieurs stratégies dépendantes de la situation. Lorsque l’IOT est impossible avec le LMAC après deux échecs successifs d’accès trachéal, alors les sociétés savantes s’accordent à utiliser en premier palier le long mandrin béquillé (LMB) appelé aussi mandrin ou bougie d’Eschmann pour tenter d’accéder à la trachée et guider secondairement la sonde d’intubation vers sa position finale [7].Après deux échecs successifs avec le LMB pour accéder à la trachée, le masque laryngé d’intubation Fastrach™ est recommandé en palier 2, pour pratiquer l’IOT à l’aveugle [2]. Les nouveaux protocoles d’intubation incluent au bloc opératoire un troisième palier plaçant un vidéolaryngoscope entre le LMB et le masque laryngé d’intubation Fastrach™. Les travaux cliniques de validation des algorithmes, issus de notre groupe de recherche, démontrent sur un collectif important (près de 25 000 patients) inclus dans des protocoles prospectifs à la recherche des meilleures stratégies de gestion des VAS, que le masque laryngé Fastrach™ est un outil fantastique pour sauver des vies en corrigeant dans près de 90% l’oxygénation artérielle et que le LMB permet de palier à 90% des situations d’IOT impossible avec le LMAC seul. La littérature démontre que les performances de ces deux outils (LMB et LMA Fastrach™) sont semblables au bloc opératoire et en MUPH dans les situations imprévues d’IOT impossible avec LMAC. 13 [desarmi.org/]. Document sous License Crea6ve Commons (by-‐nc-‐sa). 2-Utilisation du long mandrin béquillé Le LMB permet donc de régler 80 à 90% des situations d’IOT impossible sous laryngoscopie directe en situation réglée mais aussi dans l’urgence [8].Le LMB est un outil d’aide à l’accès trachéal presque idéal. En effet, il est à usage unique et peu couteux au regard des bénéfices qu’il rend. Il possède une courbe d’apprentissage extrêmement courte. Après environ 5 utilisations en simulation d’intubation difficile avec LMAC sur mannequin, ou en situation clinique réglée au bloc opératoire, la courbe d’apprentissage du LMB est finalisée. Moyennant, un maintient de la compétence simple sur mannequin, la technique d’utilisation du LMB reste maitrisée au cours du temps. Le LMB a été évalué au bloc opératoire dans des conditions cliniques d’intubation rendues plus difficile par une immobilisation du rachis cervical par un collier cervical. Dans cette situation, il s’est avéré plus efficace que la laryngoscopie seule pour raccourcir la durée d’intubation [9].De nombreux cas cliniques, d’intubation difficile anticipée ou imprévue ont été résolu par l’utilisation du LMB [8]. La technique d’intubation avec le LMB est simple, elle consiste à optimiser la laryngoscopie directe en maintenant le manche du LMAC avec la main gauche, et à tenter d’introduire dans la trachée le LMB dont l’extrémité est pilotée par la main droite. La partie béquillée du LMB orientée vers le haut est avancée vers l’orifice glottique partiellement visible. Quand la glotte n’est pas visible en laryngoscopie directe, LMB est alors avancé au dessus de la base des cartilages aryténoïdes ou glissé sous l’épiglotte pour tenter d’accéder à la trachée. Des petits mouvements de rotation appliqués au LMB par la main conductrice permettent parfois d’accrocher une structure laryngée qui va diriger le mandrin vers la trachée. Lors de sa course aveugle dans la trachée, il est possible de ressentir les ressauts de l’extrémité angulée du LMB sur les anneaux trachéaux. Enfin, la butée distale du LMB entre 25 et 35 cm chez l’adulte témoigne de sa position dans l’arbre bronchique. L’absence de butée après 35 cm signe une malposition distale du LMB, le plus souvent dans l’œsophage. Une fois le LMB placé en butée dans l’arbre bronchique, 14 [desarmi.org/]. Document sous License Crea6ve Commons (by-‐nc-‐sa). la sonde d’IOT est glissée sur le LMB qui la guide dans la trachée. Pendant toute la manœuvre la traction sur LMAC est maintenue [figure 3]. Figure 3 1 2 4 3 5 En cas d’obstacle à la descente de la sonde d’IOT sur le LMB situé en butée dans l’arbre trachéo-bronchique, il est recommandé de réaliser une rotation de 90° dans le sens antihoraire de la sonde au moment de passage de l’orifice glottique. Cette petite manipulation permet au biseau de l’extrémité distale de la sonde d’IOT de se dégager du ligament ary-épiglottique et de se visser entre les cordes vocales, sans les léser. 15 [desarmi.org/]. Document sous License Crea6ve Commons (by-‐nc-‐sa). Rationnel de l’étude De manière intéressante, nous avons observé en conditions de simulation sur mannequin et en pratique clinique que l’accès trachéal avec la sonde d’IOT ou le LMB ne requérait pas les mêmes qualités d’exposition glottique. En laboratoire, nous avons constaté qu’il faut obtenir un POGO > à 30 % pour placer sans difficulté une sonde d’IOT dans la trachée. A l’opposée, un POGO compris entre 0 et 1% (seule la base des aryténoïdes ou une fraction infime de la fente glottique est visible) suffit pour insérer simplement le LMB dans la trachée avec le LMAC. De manière similaire, les intervenants placés en situation d’IOT difficile au bloc opératoire en réanimation ou en MUPH, attestent ne pas toujours suivre exactement l’algorithme proposé par les sociétés savantes pour raccourcir le délai de sécurisation des voies aériennes. En effet, les praticiens expérimentés n’attendent pas d’avoir eu 2 échecs d’intubation avec le LMAC seul pour utiliser le LMB. Ces médecins suggèrent que la décision d’utiliser le LMB peut être prise sur la qualité de la première laryngoscopie. Si cette dernière ne permet d’obtenir qu’une vision très partielle de la glotte, alors il probablement préférable pour la sécurité du patient et pour raccourcir le délai d’IOT, d’insérer rapidement le LMB dans la trachée et de l’utiliser comme guide pour placer la sonde d’IOT. Le raccourcissement du délai de sécurisation des voies aériennes et la simplification de la procédure d’IOT sont des éléments majeurs qui affectent le devenir des patients pris en charge en MUPH et en réanimation [10]. A gravité initiale équivalente, plus le nombre d’échecs d’IOT est élevé lors de la prise en charge initiale, plus le pronostic à court terme est sombre. A tel point que des médecins urgentistes et réanimateurs proposent dans les situations « scabreuses » de gestion des VAS liées à la position atypique du patient (incarcéré) ou de l’intervenant (patient au sol et non extirpable dans une enceinte très réduite), ou dans les cas d’une intubation difficile anticipée chez un malade qui cumule de nombreux facteurs prédictifs d’IOT difficile (patient obèse dont le visage 16 [desarmi.org/]. Document sous License Crea6ve Commons (by-‐nc-‐sa). est œdèmatié suite à un traumatisme de la face), de tenter d’emblée l’accès trachéal avec le LMB, puis de réaliser secondairement l’intubation trachéale sur ce guide. Dans la mesure où l’insertion du LMB dans la trachée semble plus simple que celle d’une sonde d’IOT, cette stratégie est aussi maintenant proposée par les seniors aux médecins urgentistes en formation, lors de leur compagnonnage clinique initial. Face à ces changements de pratiques qui affectent les procédures d’intubation difficile et qui semblent bénéficier aux patients, nous avons émis l’hypothèse que le LMB utilisé en première intention pourrait raccourcir la durée d’IOT réalisée par des intervenants peu expérimentés et des médecins seniors sur des mannequins mobiles permettant de simuler une intubation difficile dans différentes situations interventionnelles. 17 [desarmi.org/]. Document sous License Crea6ve Commons (by-‐nc-‐sa). III. MATERIEL ET METHODE Avec pour objectif de valider notre hypothèse nous avons réalisé une étude prospective dans le laboratoire d’entrainement et de simulation à la gestion des VAS de notre centre hospitalo-universitaire. 1-Les intervenants Tous les intervenants ayant participés à ce travail se sont portés volontaires pour réaliser l’étude. Les médecins étaient qualifiés de « Junior » tant qu’ils n’avaient pas finalisé leur formation au geste le geste d’IOT. Il s’agissait des internes de spécialité en cours de validation de leur premier semestre d’anesthésie et des internes du SMUR en cours de validation du DESC de médecine d’urgence. Les médecins étaient qualifiés de « Senior » quand ils avaient finalisé leur courbe d’apprentissage de l’IOT. Nous avons considéré que les anesthésistes-réanimateurs qui avaient plus de 3 ans d’expérience clinique en CHU et que les médecins urgentistes qui avaient plus de 5 ans d’expérience clinique en SMUR étaient considéré comme des seniors. 2-Les superviseurs Trois superviseurs, médecins anesthésistes-réanimateurs chevronnés travaillant régulièrement dans le laboratoire d’entrainement et de simulation à la gestion des VAS ont réalisé l’organisation spatiale des ateliers d’intubation. Ils étaient aussi responsables de la randomisation des séquences d’intubation et du recueil des caractéristiques des gestes réalisés colligés sur un document spécifique. 3-Les ateliers d’intubations Les mannequins adultes utilisés pour moduler la difficulté d’intubation trachéale étaient le modèle AirMan ® (Société). 18 [desarmi.org/]. Document sous License Crea6ve Commons (by-‐nc-‐sa). Ce model de mannequin permet de choisir à priori la difficulté d’intubation en générant un grade de Cormack et Lehane I ou IIb. La modulation standardisée de la rigidité cervicale et la mise en place d’un collier cervical permettait d’obtenir des conditions d’intubation simples (CI Simple) correspondant à un grade de Cormack et Lehane 1 et d’intubation difficile (CI Difficile) correspondant à un grade de Cormack et Lehane IIb. Trois ateliers on été constitués correspondant à 3 situations interventionnelles différentes. Ils étaient réalisés par modification de la position des mannequins. Pour le premier atelier (A1) [photo1] le mannequin placé en position d’intubation standard équivalente à celle de l’intubation réglée au bloc opératoire. Le mannequin était allongé à plat dos sur un sticker dont le plateau était placé à une hauteur optimale, variable en fonction de la taille de l’intervenant. Photo 1 SITUATION A1 19 Pour le second atelier (A2) [photo 2] le mannequin était posé à plat dos à même le sol sur une vaste surface plane permettant à l’intervenant de se positionner à sa [desarmi.org/]. Document sous License Crea6ve Commons (by-‐nc-‐sa). guise à la tête du patient sans contrainte aucune pour réaliser le geste d’IOT. SITUATION A2 Photo 2 20 Enfin, le troisième atelier (A3) [photo 3] simulait une intubation réalisée en situation contrainte. Celle d’un patient fixé au sol à plat dos, mais dont l’accès à la tête était limité à un cube d’un volume environ 75 cm3 placé dans l’axe du corps et dans le prolongement de la tête. SITUATION A3 [desarmi.org/]. Document sous License Crea6ve Commons (by-‐nc-‐sa). Photo 3 4-Les séquences d’IOT Après avoir été informé des objectifs de l’étude et s’être familiarisé avec les outils d’intubation trachéale (laryngoscope de Macintosh, lames métallique, LMB) et les mannequins d’intubation placés sur l’atelier A1, en configuration CI Simple, les superviseurs s’assuraient que tout les participants connaissaient les différents paliers de la procédure d’intubation trachéale à suivre. Pour les juniors, les superviseurs s’assuraient que tous les participants maitrisaient et avaient finalisé la courbe d’apprentissage du LMB. Une petite technique simple d’utilisation du LMB permettant 21 [desarmi.org/]. Document sous License Crea6ve Commons (by-‐nc-‐sa). aux intervenants de réaliser seul, sans assistance et sans délai l’IOT avec le LMB (Figure 3) était enseignée aux participants. Par la suite les intervenants étaient convoqués par groupe de 8 pour réaliser les manœuvres d’IOT. L’ordre de passage des intervenants était randomisé (1 à 24). Pour chaque intervenant l’ordre de passage sur chaque atelier (A1, A2, et A3) était randomisé. Pour chaque passage sur un des ateliers, la difficulté du geste d’IOT (CI Simple et CI Difficile) était randomisée. Les intervenants n’avait pas connaissance avant l’arrivée dans la salle des ateliers de la difficulté du geste ni de l’intensité de la difficulté). Pour chaque difficulté du geste d’IOT, le choix de la technique d’intubation : standard respectant les algorithmes qui recommandent de placer la sonde d’intubation trachéale en premier dans la trachée (SIT-1), ou alternative qui consiste à placer le LMB en première intention en butée dans la trachée (LMB-1) pour guider secondairement la sonde d’intubation dans la trachée, était réalisé de manière aléatoire. Seul l’intervenant réalisant l’IOT était admis dans la salle ou se situaient les ateliers. A l’appel de son numéro d’ordre de passage, l’intervenant entrait dans la salle des ateliers et présentait aux superviseurs une des 12 enveloppes de randomisation identiques qui lui avait été remises. Une fois le premier geste accompli, l’enveloppe sélectionnée était déchirée et il lui était demandé à l’intervenant de regagner la salle d’attente et de ne pas communiquer sur ce qu’il venait de réaliser. Chaque intervenant passait 12 fois dans la salle des ateliers. 22 [desarmi.org/]. Document sous License Crea6ve Commons (by-‐nc-‐sa). La figure 4 illustre le déroulement des étapes de randomisation. 5-Déroulement et caractéristiques de l’IOT Pendant la réalisation de chaque geste d’IOT les paramètres suivants étaient mesurés ou notés. La durée de l’intubation trachéale définie comme le temps séparant la prise en main de LMAC ou de LMB et de gonflement trachéal du ballonnet de la sonde d’intubation. Les intubations œsophagiennes étaient notées par le superviseur qui validait l’auscultation pulmonaire associée à l’ampliation thoracique. En cas de doute une visualisation directe de la sonde dans la trachée était possible. Les intervenants devaient appliquer les recommandations proposées dans les algorithmes. En cas de difficulté majeure d’exposition laryngée lors de SIT-1, et après un échec d’accès trachéal, il était laissé à l’appréciation de l’intervenant de ne pas tenter le second accès trachéal avec la sonde en main, mais de « switcher » pour le LMB.Il devait alors énoncer à voix haute le mot « Switch ». L’échec de la manœuvre d’IOT était défini par l’impossibilité de placer la sonde d’intubation dans la trachée dans les 2 minutes qui suivaient la prise en main de LMAC ou de LMB. 23 [desarmi.org/]. Document sous License Crea6ve Commons (by-‐nc-‐sa). Après chaque geste d’intubation les intervenant quottaient le confort de réalisation de la manœuvre en utilisant une échelle visuelle analogue de confort (EVA) allant de 0 à 100 (0 : inconfort majeur, 100: meilleur confort imaginable). 6-Analyse Statistique Le dimensionnement de notre travail est basé sur l’hypothèse d’une réduction de la durée d’IOT dans les situations les plus difficiles. Dans notre travail, la CI Difficile sur l’A3 représente la combinaison « environnement » et « caractéristique du patient » qui expose le plus à une situation d’IOT difficile. Nous avons donc tenté de valider l’hypothèse suivante que LMB-1 serait responsable d’une réduction de 30% de la durée d’intubation par rapport à SIT-1 pour des intervenants placés devant la situation d’IOT combinant : CI Difficile-A3. Dans un travail précédent réalisé au laboratoire en simulation d’intubation difficile nous avions mesuré une durée moyenne (écart-type) d’IOT avec le LMAC égale à 29 (9) secondes. Pour valider l’hypothèse que LMB-1 permettrait de réduire d’un tiers la durée d’IOT observée avec SIT-1 avec un risque alpha égal à 5% et beta égal à 90%, nous avons calculé qu’il nous fallait réaliser 44 gestes d’IOT par au moins 22 participants randomisé pour SIT-1 ou LMB-1. Les valeurs numériques sont présentées sous forme de moyenne (écart-type). Les valeurs quantitatives ont été comparées par une Anova suivie d’un test post-hoc de Newman–Keuls adapté à notre comparaison. Une valeur de p < 0,05 était retenue comme seuil de significativité. 24 [desarmi.org/]. Document sous License Crea6ve Commons (by-‐nc-‐sa). IV. RESULTATS Il s’agit d’un travail réalisé en Décembre 2013. L’étude s’est réalisée sur 3 journées pour permettre le recueil des données d’IOT réalisées par les 24 médecins Les caractéristiques de 276 IOT (12 situations interventionnelles par médecin).chronométrées ont été analysées et comparées. Dans le groupe des 12 Seniors, l’âge moyen était de 43 ans et il y avait autant d’hommes que de femmes. Dans ce groupe l’expérience de MUPH était au minimum de 3 ans et au maximum de 38 ans. Dans le groupe des 12 Juniors, l’âge moyen était de 25 ans et il y avait 7 filles pour 5 garçons. Dans ce groupe, l’expérience des internes en anesthésie était de 2 mois. Les internes se spécialisant en médecine d’urgence étaient dans leur second semestre d’internat. Les Tableaux 2, 3, et 4 présentent les moyennes (écart-type) des durées d’IOT (s) en fonction des ateliers A1, A2 et A3, de la difficulté d’intubation : CI Simple et CI Difficile et enfin en fonction de la randomisation SIT-1 ou LMB-1 pour l’ensemble des médecins [Tableau 2], pour les Juniors [Tableau 3] et pour les seniors [Tableau 4]. Pour l’ensemble des médecins, la durée d’IOT et le confort de réalisation du geste semblent étroitement corrélés au choix de l’outil utilisé en premier pour accéder à la trachée. LMB-1 proposé pour la CI Difficile dans A3 entraine une réduction globale de 39% de la durée d’IOT par rapport à SIT-1. Dans cette configuration, la durée moyenne (écart-type) d’IOT difficile pour LMB-1 est égale à 34 (13) s alors qu’elle est significativement plus longue égale à 55 (31) s pour SIT-1 (p=0.01). Cette réduction très significative de la durée d’IOT dans LMB-1 est obtenue malgré 5 « Switchs » déclarés pour SIT-1 (4 Seniors et 1 Junior). 25 [desarmi.org/]. Document sous License Crea6ve Commons (by-‐nc-‐sa). LMB-1, par rapport à SIT-1, proposé pour la CI Simple dans A1, allonge la durée d’intubation de 17%. Ce sont les médecins Seniors qui bénéficient le plus de LMB-1 quand l’intubation est difficile dans A3. En effet LMB-1 raccourcit de près de la moitié (49%) la durée d’IOT difficile dans A3 par rapport à SIT-1. Les durées moyennes (Ecart-Type) d’intubation difficile avec LMB-1 et SIT-1 dans A3 sont respectivement de 77(35) s et 39 (15) s, p = 0.01. A l’opposée ces mêmes médecins Seniors sont pénalisés par l’utilisation de LMB-1 en situation d’intubation simple avec par rapport à SIT-1 un allongement de la durée d’IOT de près de 46%. Les durées moyennes (Ecart-Type) d’intubation simple avec SIT-1 et LMB-1 dans A1 sont respectivement de 18 (8) s et 24 (13) s, p < 0.01. Seuls les médecins Juniors vont présenter un échec d’IOT dans les situations A2 et A3, en condition d’intubation difficile avec SIT-1 et LMB-1. Le détail des conditions d’intubation associées à un échec (Durée IOT > 2min) est présenté dans le Tableau 1: Conditions d’intubations associées à un échec d’IOT (Durée > 2min) Tableau 1 Juniors Conditions Echecs OTI (n) A2 A3 CI Simple CI Difficile CI Simple CI Difficile SIT-‐1 LMB-‐1 SIT-‐1 LMB-‐1 SIT-‐1 LMB-‐1 SIT-‐1 LMB-‐1 0 0 2 1 2 1 3 2 IOT: intubation orotrachéale ; SIT-1 : Sonde d’intubation trachéale première ; LMB-1 : Long mandrin béquillé premier ; A : Atelier 1, 2 ou 3 (cf. Méthode) ; CI Simple : condition d’intubation simple (cf. Méthode) ; CI Difficile : Conditions d’intubation difficile (cf. Méthode) ; * p = 0,01 versus A3-CI DifficileSIT-1. 26 [desarmi.org/]. Document sous License Crea6ve Commons (by-‐nc-‐sa). Tableau 2: Influence de SIT-1 et LMB-1 sur la durée de l’IOT exprimée en sec pour l’ensemble des médecins. A1 A2 A3 SIT-1 25 (17) 25 (17) 28 (18) LMB-1 31 (11) 27 (6) 29 (8) SIT-1 33 (23) 47 (27) 55 (31) ° LMB-1 32 (17) 44 (27) 34 (13) * Ateliers Conditions d’IOT CI Simple CI Difficile Ensemble des médecins IOT : intubation orotrachéale ; SIT-1 : Sonde d’intubation trachéale première ; LMB-1 : Long mandrin béquillé premier ; A : Atelier 1, 2 ou 3 (cf. Méthode) ; CI Simple : condition d’intubation simple (cf. Méthode) ; CI Difficile : Conditions d’intubation difficile (cf. Méthode) ;° 4 « Switch » déclarés sur 24 tentatives d’IOT selon SIT-1 ; * p = 0,01 versus A3-CI Difficile-SIT-1. Tableau 3 : Influence de SIT-1 et LMB-1 sur la durée de l’IOT exprimée en sec pour les médecins Juniors. A1 A2 A3 SIT-1 31 (19) 28 (21) 30 (19) LMB-1 34 (9) 29 (5) 31 (9) SIT-1 37 (27) 41 (29)° 43 (20)° LMB-1 35 (21) 37 (23)° 30 (12)° Ateliers Conditions d’IOT Juniors CI Simple CI Difficile IOT : intubation orotrachéale ; SIT-1 : Sonde d’intubation trachéale première ; LMB-1 : Long mandrin béquillé premier ; A : Atelier 1, 2 ou 3 (cf. Méthode) ; CI Simple : condition d’intubation simple (cf. Méthode) ; CI Difficile : Conditions d’intubation difficile (cf. Méthode). ° Situations associées à un ou plusieurs d’échec(s) d’IOT (> 2min) sur le groupe (durée de manœuvre exclue de l’analyse). 27 [desarmi.org/]. Document sous License Crea6ve Commons (by-‐nc-‐sa). Tableau 4: Influence de SIT-1 et LMB-1 sur la durée de l’IOT exprimée en sec pour les médecins Seniors. A1 Ateliers Conditions d’IOT Seniors CI Simple SIT-1 CI Difficile 18 (8) A2 A3 22 (10) 24 (16) LMB-1 24 (13) 24 (6) 26 (5) SIT-1 29 (16) * 62 (18) 77 (35)° LMB-1 30 (11) 46 (34) 39 (15) IOT : intubation orotrachéale ; SIT-1 : Sonde d’intubation trachéale première ; LMB-1 : Long mandrin béquillé premier ; A : Atelier 1, 2 ou 3 (cf. Méthode) ; CI Simple : condition d’intubation simple (cf. Méthode) ; CI Difficile : Conditions d’intubation difficile (cf. Méthode). ;° 4 « Switch » déclarés sur 24 tentatives d’IOT selon SIT-1 ; * : p< 0,05 versus A1-CI Simple-LMB-1 Les Tableaux 5,6 et 7 présentent les résultats de durée de l’IOT selon LMB-1 sur les trois ateliers A1, A2, et A3 exprimés en pourcentage de la durée d’IOT selon SIT-1 pour l’ensemble des médecins [Tableau 5], pour les juniors [Tableau 6], et pour les seniors [Tableau 7] Tableau 5 : Influence de LMB-1 sur la durée de l’IOT exprimée en % de SIT-1 pour l’ensemble des médecins Atelier A1 A2 A3 CI Simple + 17% + 7% +3% CI Difficile -1% -7% -39% Ensemble des médecins Condition d’IOT IOT : intubation orotrachéale ; SIT-1 : Sonde d’intubation trachéale première ; LMB-1 : Long mandrin béquillé premier ; A : Atelier 1, 2 ou 3 (cf. Méthode) ; CISimple : condition d’intubation simple (cf. Méthode) ; CI Difficile : Conditions d’intubation difficile (cf. Méthode). 28 [desarmi.org/]. Document sous License Crea6ve Commons (by-‐nc-‐sa). Tableau 6 : Influence de LMB-1 sur la durée de l’IOT exprimée en % de SIT-1 pour les médecins Juniors Atelier A1 A2 A3 CI Simple + 10% + 2% 0% CI Difficile -6% -9% -29% Les Juniors Condition d’IOT IOT : intubation orotrachéale ; SIT-1 : Sonde d’intubation trachéale première ; LMB-1 : Long mandrin béquillé premier ; A : Atelier 1, 2 ou 3 (cf. Méthode) ; CI Simple : condition d’intubation simple (cf. Méthode) ; CI Difficile : Conditions d’intubation difficile (cf. Méthode). Tableau 7 : Influence de LMB-1 sur la durée de l’IOT exprimée en % de SIT-1 pour les médecins Seniors Atelier A1 A2 A3 CI Simple + 46% + 12% 6% CI Difficile +4% -9% -49% Les Seniors Condition d’IOT IOT : intubation orotrachéale ; SIT-1 : Sonde d’intubation trachéale première ; LMB-1 : Long mandrin béquillé premier ; A : Atelier 1, 2 ou 3 (cf. Méthode) ; CI Simple : condition d’intubation simple (cf. Méthode) ; CI Difficile : Conditions d’intubation difficile (cf. Méthode). 29 [desarmi.org/]. Document sous License Crea6ve Commons (by-‐nc-‐sa). Les figures 5, 6, et 7 présentent sous forme de courbe l’influence de LMB-1 exprimé en pourcentage de SIT-1 sur la durée d’IOT réalisée par l’ensemble des médecins [figure 5], par les juniors [figure 6] et par les seniors [Figure 7]. Figure 5 : Influence de LMB-1 sur la durée d’intubation trachéale, exprimée en pourcentage de SIT-1, réalisée par l’ensemble des médecins Effet de LMB-1 sur la durée de l'IOT (exprimée en % de SIT-1) 50% 25% CISimple 0% A1 A2 A3 CIDifficile -25% -50% Conditions Interventionnelles IOT : intubation orotrachéale ; SIT-1 : Sonde d’intubation trachéale première ; LMB-1 : Long mandrin béquillé premier ; A : Atelier 1, 2 ou 3 (cf. Méthode) ; CI Simple : condition d’intubation simple (cf. Méthode) ; CI Difficile : Conditions d’intubation difficile (cf. Méthode). 30 [desarmi.org/]. Document sous License Crea6ve Commons (by-‐nc-‐sa). Figure 6: Influence de LMB-1 sur la durée d’intubation trachéale, exprimée en pourcentage de SIT-1, réalisée par les médecins Juniors Durée d'IOT en % de SIT-1 50% 25% CISimple 0% A1 A2 A3 CIDifficile -25% -50% Conditions Interventionnelles IOT : intubation orotrachéale ; SIT-1 : Sonde d’intubation trachéale première ; LMB-1 : Long mandrin béquillé premier ; A : Atelier 1, 2 ou 3 (cf. Méthode) ; CI Simple : condition d’intubation simple (cf. Méthode) ; CI Difficile : Conditions d’intubation difficile (cf. Méthode). Figure 7 : Influence de LMB-1 sur la durée d’intubation trachéale exprimée en pourcentage de SIT-1 réalisée par les médecins Seniors Effet de LMB-1 sur la durée de l'IOT (exprimée en % de SIT-1) 50% 25% CISimple 0% A1 A2 A3 CIDifficile -25% -50% Conditions Interventionnelles IOT : intubation orotrachéale ; SIT-1 : Sonde d’intubation trachéale première ; LMB-1 : Long mandrin béquillé premier ; A : Atelier 1, 2 ou 3 (cf. Méthode) ; CI Simple : condition d’intubation simple (cf. Méthode) ; CI Difficile : Conditions d’intubation difficile (cf. Méthode). 31 [desarmi.org/]. Document sous License Crea6ve Commons (by-‐nc-‐sa). Les données concernant le confort lors de l’IOT démontrent un confort progressivement décroissant de l’IOT entre A1, A2 et A3. Pour chaque atelier les conditions d’IOT affectent nettement le confort du geste. Enfin, dans la situation interventionnelle la plus inconfortable dans A3, l’utilisation de LMB-1 améliore significativement le confort du geste par rapport à SIT. Les valeurs moyennes (EcartType) d’EVA de confort du geste avec SIT-1 et LMB-1 dans A3 sont respectivement de 28 (18) versus 40 (24), p < 0.05. Les valeurs de confort les plus basses sont mesurées systématiquement dans A3 pour les conditions d’intubation difficile, avec SIT-1. Le tableau 9 illustre les valeurs moyennes de confort mesurées juste après le geste d’IOT avec une EVA de 0 (absence totale) à 100 (maximum imaginable). A1 EVA Confort 0-‐100 CI Simple SIT-‐1 A2 CI Difficile LMB-‐1 SIT-‐1 CI Simple LMB-‐1 SIT-‐1 A3 CI Difficile CI Simple LMB-‐1 SIT-‐1 LMB-‐1 SIT-‐1 CI Difficile LMB-‐1 SIT-‐1 LMB-‐1 40* Moyenne 82 82 63 67 72 81 45 48 60 61 28 Ecart-‐Type 15 12 17 23 15 12 21 31 22 24 18 EVA : Echelle visuelle analogue de confort (0-100) ; SIT-1 : Sonde d’intubation trachéale première ; LMB-1 : Long mandrin béquillé premier ; A : Atelier 1, 2 ou 3 (cf. Méthode) ; CI Simple : condition d’intubation simple (cf. Méthode) ; CI Difficile : Conditions d’intubation difficile (cf. Méthode). * : p<0,05 versus A3-CI Difficile-SIT-1 32 24 [desarmi.org/]. Document sous License Crea6ve Commons (by-‐nc-‐sa). Figure 8: Influence des conditions d’IOT sur le confort du geste mesuré par une EVA quottée de 0 (absence totale de confort à 100) maximum de confort imaginable. EVA (0-100) moyenne de confort de réalisation de l'IOT 100 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0 SIT-1 LMB-1 SIT-1 LMB-1 SIT-1 LMB-1 SIT-1 LMB-1 SIT-1 LMB-1 SIT-1 LMB-1 CISimple CIDifficile A1 CISimple CIDifficile A2 CISimple CIDifficile A3 Conditions d'IOT EVA : Echelle visuelle analogue ; IOT: intubation orotrachéale ; SIT-1 : Sonde d’intubation trachéale première ; LMB-1 : Long mandrin béquillé premier ; A : Atelier 1, 2 ou 3 (cf. Méthode) ; CI Simple : condition d’intubation simple (cf. Méthode) ; CI Difficile : Conditions d’intubation difficile (cf. Méthode). Les barres verticales correspondent à l’écart-type de la moyenne,: p<0,05 versus A3 CI Difficile et SIT-1 33 moyennes des paramètres mesurées dans les 12 situations interventionnelles sur l’ensemble des médecins. Relation Durée de l'IOT et le Confort du Geste 60 Durée de l'IOT (s) [desarmi.org/]. Document sous License Crea6ve Commons (by-‐nc-‐sa). Figure 9: Relation entre la Durée de l’IOT et la Durée du Geste pour les valeurs 50 40 30 20 y = -0,3592x + 55,109 2 R = 0,5627 0 20 40 60 80 100 EVA de confort (0-100) Le confort des intervenants lors de la réalisation de l’IOT semble affecter la durée du geste. 34 [desarmi.org/]. Document sous License Crea6ve Commons (by-‐nc-‐sa). V.DISCUSSION Notre travail de simulation réalisé sur mannequin démontre l’hypothèse que nous avions posée, à savoir que, dans certaines situations interventionnelles de MUPH requérant la sécurisation urgentes des VAS, LMB-1 raccourcit très significativement la durée d’IOT trachéale. Les résultats de ce travail valident notre hypothèse malgré le fait que dans A3, 4 médecins Seniors aient choisi volontairement de raccourcir la procédure d’IOT pour SIT-1, et que nous n’ayons pas inclus dans le calcul de la durée moyenne d’IOT les échecs des Juniors dans cette même configuration. La poursuite d’une procédure normale d’intubation trachéale par les Séniors et l’attribution systématique d’une valeur de durée d’IOT égale à 120 s pour les échecs des Juniors, auraient certainement amplifié nos résultats en faveur de LMB-1. Cependant, bien que nous nous soyons placés délibérément en situation de simulation sur mannequin, nous avons interprétés nos résultats comme si nous étions dans la vraie vie de la MUPH où les médecins seniors tentent l’accès trachéal avec LMB après un seul échec d’intubation et les Juniors sont remplacés par le Senior après 2 min d’échec d’IOT. L’importance de sécuriser, en médecine d’urgence, le plus rapidement possible les voies aériennes des patients qui justifient d’une intubation trachéale n’est plus à démontrer. Raccourcir la durée d’IOT permet en pratique clinique de réduire le risque d’inhalation d’un éventuel contenu digestif régurgité dans le pharynx, de contrôler l’oxygénation et d’assurer rapidement une ventilation en pression positive. Nos résultats semblent confirmer la pertinence de notre modèle expérimental avec une difficulté d’IOT variable, de simple pour des Juniors à très difficile pour les Seniors. Lorsque le mannequin est difficile à intuber et qu’il est placé dans une position non conventionnelle, l’IOT est réalisée en moins de 2 minutes par tous les Seniors, mais cette situation génère des échecs d’IOT chez les médecins Juniors. 35 [desarmi.org/]. Document sous License Crea6ve Commons (by-‐nc-‐sa). Enfin, le confort de réalisation de l’IOT est très significativement abaissé pour l’Atelier A3 quand les médecins doivent réaliser une intubation difficile. Notre étude sur le mannequin démontre que LMB-1 raccourcit la durée d’IOT quand les conditions d’intervention associent: difficultés d’exposition glottique et position non conventionnelle du mannequin. Dans cette configuration expérimentale, ce sont non seulement les médecins Juniors mais aussi les médecins Seniors qui bénéficient de LMB-1, pour raccourcir la durée d’IOT. Par contre, nos résultats semblent démontrer que LMB-1 n’est probablement pas justifiée quand le mannequin est simple à intuber, quelque soit sa position et indépendamment de la qualité de l’intervenant qui réalise le geste, Junior ou Senior. Nos résultats en simulation confirment clairement que certaines dérives dans l’application strictes algorithmes de gestion des VAS peuvent potentiellement bénéficier au patient. En effet, en se basant sur une impression clinique, certains médecins urgentistes sautaient certaines étapes de l’algorithme, pour utiliser plus rapidement le LMB. Notre travail de simulation démontre qu’il est des situations interventionnelles simulées dans l’atelier A3, ou LMB-1 raccourcit très significativement la durée d’IOT. La démarche que nous avons menée, tentant de valider par la simulation une stratégie clinique « enfreignant » les procédures établies, n’est pas fréquente. En effet, c’est plutôt l’inverse qui est réalisé le plus souvent. Les algorithmes sont testés en conditions de simulation, puis validés en pratique clinique. Notre objectif suivant est maintenant clairement de confirmer les résultats obtenus en simulation en réalisant, en MUPH, une étude clinique randomisant SIT-1 versus LMB-1. Ce futur travail devra intégrer un collectif important de patients permettant de comparer un nombre de situations semblable à A3 dans deux groupes de patients, l’un pris en charge selon SIT-1 et l’autre selon LMB-1. Il n’existe pas à notre connaissance de travail clinique ou de simulation ayant évalué systématiquement l’impact de LMB-1 sur le délai de sécurisation des VAS. Une 36 [desarmi.org/]. Document sous License Crea6ve Commons (by-‐nc-‐sa). grande majorité des études concernant LMB, démontre son intérêt pour faciliter l’accès trachéal quand celui-ci est impossible avec la sonde d’IOT. Les algorithmes de gestion des VAS difficile au bloc opératoire, en médecine d’urgence, MUPH et en réanimation démontre que LMB permet d’obtenir un accès trachéal dans 70 à 80% des situations après échecs avec la sonde d’IOT. Les raisons d’une telle performance semblent évidentes. Le LMB avec son extrémité béquille à 40° sur les derniers cm permet de passer sous l’épiglotte et d’accéder à la trachée sans nécessité de voir la glotte. Dans un travail clinique réalisé en MUPH, avant la présente étude (données non encore publiées), nous avions mis en évidence que les scores de POGO seuils permettant d’insérer une sonde d’intubation ou un LMB étaient significativement différents. En effet, sur un collectif important de patients (n=150), nous avions observés que la limite inférieure du POGO pour placer, lors de la première tentative, une SIT dans la trachée, était proche de 30%. En dessous de ce seuil de POGO, le risque de tentatives multiples d’accès trachéal était plus important. A contrario, pour les Cormack 3 (POGO=0, avec l’épiglotte visible), l’insertion du LMB était possible, et elle était simple pour les POGO positifs. Les résultats du travail présent confirment que les médecins Seniors confrontés à un grade de Cormack et Lehane IIb ou III avec un POGO proche de 0, placent difficilement la SIT dans la trachée si le mannequin n’est pas dans une position conventionnelle. Lorsque le mannequin est difficile à intuber et est allongé au sol ou en position contraignante pour l’opérateur, la nécessité du recours à LMB augmente significativement. Si LMB-1 n’a pas été comparé à SIT-1 dans la littérature, la stratégie LMB-1 a été comparée à l’utilisation première de la SIT dans laquelle était inséré au préalable un stylet malléable (SIT-Styl-1). Cette stratégie étant sensée faciliter l’IOT en réalisant une courbure de la sonde d’IT permettant ainsi d’accéder aux glottes haute ou déviées. Certaines de ces études étaient réalisées par des seniors et des juniors en condition de simulation d’intubation difficile, sur cadavre et en condition clinique au bloc opératoire et dans 37 [desarmi.org/]. Document sous License Crea6ve Commons (by-‐nc-‐sa). les services d’urgence. Les résultats de ces études sont concordants. LMB-1 est supérieur à SIT-Styl-1 pour améliorer les caractéristiques de l’intubation trachéale difficile quand les Juniors doivent intuber des mannequins ou des cadavres [11]. Des résultats semblables sont obtenus quand ce sont des anesthésistes qui réalisent une intubation difficile simulée au bloc opératoire selon différentes méthodes, chez des patients pour lesquels on altère la laryngoscopie [12] ou on réalise une manœuvre de Sellick appuyée. Dans ces deux dernières études cliniques les auteurs recommandent LMB-1 quand une bonne vue de la glotte n’est pas possible sous laryngoscopie. C’est tout à fait le sens de nos observations et nos propositions pour la médecine d’urgence. Les auteurs qui proposaient SIT-Styl-1 pensaient à la simplicité du geste d’IOT. En plaçant un stylet malléable au préalable dans la SIT pour la préformer ils pensaient éviter la double manœuvre nécessaire dans LMB-1 : a) d’accès trachéal premier avec le LMB puis b) le passage de la SIT sur LMB en butée dans la trachée. Cette hypothèse est pertinente car dans notre travail la durée de cette double manœuvre était de 5 à 6 s dans les meilleures conditions. Cependant les auteurs se sont retrouvés confrontés à la difficulté de l’accès trachéal pour SIT avec ou sans stylet pour les situations d’intubation difficile. Notre travail a des limitations. Il s’agit d’un travail de simulation dont les conclusions ne peuvent peut être pas être directement exportable à la pratique clinique de la médecine d’urgence. Notre modèle de difficulté d’intubation de plus en plus importante en fonction des ateliers semble pertinent, mais n’a jamais fait l’objet d’une démonstration spécifique autre que le lien entre confort et difficulté d’IOT. Il n’existe pas dans la littérature d’étude de simulation d’IOT difficile comparant 2 stratégies systématiquement comparées sur un tel model d’intubation difficile de complexité croissante. Néanmoins notre méthode de randomisation complexe à 4 niveaux nous garanti une certaine validité de nos résultats qui corroborent des impressions cliniques. La réalisation d’une étude clinique, incluant plus de 200 patients randomisés dans SIT-1 ou LMB-1 permettra de valider cette fois la pertinence de notre démarche. 38 [desarmi.org/]. Document sous License Crea6ve Commons (by-‐nc-‐sa). VI. CONCLUSION En situation de simulation sur mannequin, l’utilisation de LMB-1, raccourcit la durée d’IOT quand l’exposition glottique est difficile et que ce geste est réalisé sur un mannequin positionné de manière non conventionnelle (au sol ou en situation contrainte). Dans cette configuration interventionnelle, ce sont non seulement les médecins Juniors mais aussi les médecins Seniors qui bénéficient de LMB-1, pour raccourcir la durée d’IOT. Cette étude a permis de démontrer en situation de simulation ce qui était ressenti et pratiqué en clinique de MUPH. Bien que les conclusions de notre étude confirment notre hypothèse de travail, il s’agit d’un travail réalisé en laboratoire sur des mannequins permettant de simuler l’IOT difficile. Il semble maintenant pertinent de confronter notre hypothèse à la vraie vie de la MUPH. Sur la base de nos résultats préliminaires, et après avoir reçu l’accord d’un CCPPRB, nous avons décidé de mener pendant plus d’un an, un vaste essai clinique dans un SMUR d’Ile-de-France ou les patients nécessitant une IOT étaient randomisés dans deux groupes LMB-1 ou SIT-1. . 39 [desarmi.org/]. Document sous License Crea6ve Commons (by-‐nc-‐sa). VII. BIBLIOGRAPHIE [1] Andrews JD,Nocon CC, Small SM, Pinto JM, Blair; Head Neck Emergency airway management: training and experience of chief residents in otolaryngology and anesthesiology. EA.2012 Dec; 34(12):1720-6. [2] A.M. Cros, J.L. Bourgain, P. Diemunsch, D. Francon, O. Langeron ; Les essentiels Intubation difficile SFAR 2005 p389-401. [3] Adnet F, Borron SW, Racine SX, Clemessy JL, Fournier JL, Plaisance P, Lapandry C. The intubation difficulty scale (IDS): proposal and evaluation of a new score characterizing the complexity of endotracheal intubation. Anesthesiology. 1997 Dec;87(6):1290-7. [4] Levitan RM, Ochroch EA, Kush S, Shofer FS, Hollander JE. Assessment of airway visualization: validation of the percentage of glottic opening (POGO) scale. Acad Emerg Med. 1998 Sep;5(9):919-23. [5] Jabre P, Combes X, Leroux B, Aaron E, Auger H, Margenet A, Dhonneur G. Use of gum elastic bougie for prehospital difficult intubation. Am J Emerg Med. 2005 Jul;23(4):552-5. 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