bell canada entreprises (bce) des frasques de 47$ milliards

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bell canada entreprises (bce) des frasques de 47$ milliards
BELL CANADA ENTREPRISES (BCE)
ANALYSE SOCIO-ÉCONOMIQUE
1989 - 2002 : 14 ans
DES FRASQUES DE 47$ MILLIARDS:
ET C’EST DE NOTRE ARGENT QU’IL S’AGIT
LÉO-PAUL LAUZON, Doctorat en sciences de la gestion (Grenoble), M.B.A.,
C.A., C.M.A.
Titulaire de la Chaire d’études socio-économiques et professeur au département des sciences
comptables de l’Université du Québec à Montréal
JUIN 2003
CHAIRE D’ÉTUDES SOCIO-ÉCONOMIQUES
Université du Québec à Montréal
Case postale 8888
Succursale Centre-Ville
Montréal, Québec
H3C 3P8
Téléphone:
(514) 987-3000 poste 7841#
Télécopieur: (514) 987-0345
Courriel:
[email protected]
Site internet: http://www.unites.uqam.ca/cese
Chaire d’études socio-économiques, juin 2003
Toute reproduction de cette étude en totalité ou en partie est formellement interdite sans
l’autorisation écrite de la Chaire d’études socio-économiques
PRÉSENTATION DE L’ÉTUDE
Ce document a été rédigé par Léo-Paul Lauzon, professeur au département des sciences
comptables de l’Université du Québec à Montréal et titulaire de la Chaire d’études socioéconomiques.
Sa rédaction et sa publication ont été financées à même les fonds de recherche de la Chaire
d’études socio-économiques. Aucune subvention n’a été reçue de groupes communautaires,
syndicaux ou de tout autre groupe pour produire cette étude.
L’auteur tient à remercier Martine Lauzon, agente d’administration à la Chaire, pour le travail de
dactylographie, de révision du texte et d’entrées de données. Il tient également à remercier Sami
Oueslati et Marc Hasbani, chercheurs à la Chaire, pour la révision du texte.
Les idées et opinions exprimées dans ce texte n’engagent que l’auteur.
TABLE DES MATIÈRES
SECTION
SUJET ABORDÉ
1
S
S
S
INTRODUCTION
Méthodologie de la recherche..........................................................
Vérification du postulat de l’efficacité supérieure du privé:
traitement des cas de Bell Canada Entreprises et de
la Caisse de dépôt et placement du Québec.....................................
Le service résidentiel d’ici: la poule aux gros oeufs d’or
de Bell..............................................................................................
Pour un partenariat public-privé du service résidentiel...................
2
S
S
S
S
S
PROFIL DE L’ENTREPRISE
Profil général de l’entreprise...........................................................
Organigramme de l’entreprise.........................................................
Profil détaillé de l’entreprise...........................................................
Mondialisation et ventilation géographique des ventes de Bell......
Le service résidentiel: la vache à lait de Bell..................................
3
S
S
DÉTAIL DU COÛT TOTAL DES FRASQUES DE 46.8$ MILLIARDS DE BCE
Aperçu général................................................................................. 7
Immobilier - Radiation de la participation dans BCE
Development et dans Daon Development....................................... 11
Immobilier - Perte sur vente à Carena Development de
l’investissement dans BF Realty et de sa filiale Brookfield........... 11
Génie informatique - Radiation partielle de l’investissement
dans Kinburn Technology et SHL Systemhouse............................. 11
Services financiers - Acquisition et vente de Montréal Trustco...... 12
Fabrication d’équipements de télécommunications: Nortel
Networks - Constitution d’une provision pour restructuration
en 1989............................................................................................. 13
Fabrication d’équipements de télécommunications: Nortel
Networks - Enregistrement de charges spéciales en 1993................ 13
• Programme de restructuration............................................ 13
• Programme relatif aux logiciels......................................... 13
• Réévaluation de l’achalandage........................................... 14
Général - Frais de restructuration, de transformation et autres......... 14
Téléglobe et Excel Communications................................................ 15
S
Vente et rachat d’une participation de 20% dans Bell Canada
S
S
S
S
S
S
S
S
PAGE
1
1
1
2
3
3
4
5
6
à SBC Communications, USA......................................................... 16
S
S
S
S
4
S
S
S
S
5
S
S
S
S
6
Diverses filiales - Provision pour pertes, restructurations
et réductions d’achalandage.............................................................
Portail internet Sympatico - Réduction du placement.....................
Gain infime à la vente des filiales
TransCanada Pipelines et Encor.......................................................
Nortel Networks - Le cadeau empoisonné.......................................
18
18
18
19
COÛT FISCAL DE 10.1 MILLIARDS$ DES FRASQUES DE BCE POUR LES
CONTRIBUABLES
Aperçu général.................................................................................. 20
Coût fiscal des déboires de Téléglobe.............................................. 23
Déduction fiscale des pertes et non-imposition des gains:
la vente des annuaires....................................................................... 23
Pas d’impôt à payer aussi sur la vente des actions de
Nortel Networks................................................................................ 23
LE TRAITEMENT MÉDIATIQUE, PATRONAL ET POLITIQUE DES
FRASQUES DE BELL: PLACE À LA COMPASSION ET AUX
JUSTIFICATIONS
Aperçu général.................................................................................. 24
Compréhension de la presse écrite................................................... 24
Le traitement médiatique de Jean C. Monty.................................... 25
Le silence complice du patronat et du politique............................... 26
S
S
S
LE TRAITEMENT MÉDIATIQUE, PATRONAL ET POLITIQUE DE LA
PERTE ENCOURUE EN 2002 PAR LA CAISSE DE DÉPÔT: PLACE AU
MÉPRIS ET AUX ACCUSATIONS
Le traitement hystérique de la section éditoriale de La Presse......... 27
Les gros titres répétés en première page de La Presse...................... 29
Le traitement de certains partis politiques........................................ 30
7
CONCLUSION
S
S
S
S
Plus ça change, plus c’est pareil.......................................................
Pour un partenariat public-privé du service public du
téléphone résidentiel........................................................................
La propriété étrangère de Bell..........................................................
Bell menace de quitter le Québec.....................................................
31
32
32
33
TABLEAUX
I
Pertes subies avant impôts par Bell (BCE)
de 1989 à 2002 - 14 ans............................................................................... 8
II
Coût fiscal estimatif des pertes subies par Bell (BCE)
de 1989 à 2002 - 14 ans................................................................................ 21
1
1-
INTRODUCTION
Méthodologie de la recherche
Cette étude sur Bell Canada Entreprises (BCE) est la deuxième menée par l’auteur. La première
fut rédigée au mois d’avril 1994 et portait sur l’analyse et l’interprétation des activités de la firme
au cours des années 1983 à 1992. Pour les deux études, nous nous sommes servis des états
financiers de l’entreprise. Nos travaux de recherche sont donc factuels et objectifs, en ce sens
qu’ils reposent sur l’étude de phénomènes passés tels que décrits dans les rapports annuels
mêmes de BCE. Toutes les données financières de notre étude ont été ramenées en dollars
constants, indexés ou millésimés de l’an 2002. La présente étude couvre une période de 14 ans,
soit de 1989 à 2002 inclusivement. La formation comptable et l’expérience pratique de six ans en
cabinets d’experts comptables de l’auteur, dont trois ans passés chez Deloitte & Touche, lui
furent fort utiles afin de décortiquer, de déchiffrer et de décoder les acrobaties et les artifices
comptables pratiqués par les dirigeants de l’entreprise afin de rendre intentionnellement l’analyse
des états financiers plus ardue et, à l’occasion, de gonfler artificiellement les résultats
d’exploitation et de l’actif total de la firme. Les rapports annuels de BCE sont loin d’être un
modèle de transparence et d’imputabilité, pourtant un principe si cher au privé.
Vérification du postulat de l’efficacité supérieure du privé: traitement des cas de Bell
Canada Entreprises et de la Caisse de dépôt et placement du Québec
À partir du cas de la plus grande entreprise canadienne de communications, nous testerons par
des faits réels et non par des dogmes non démontrés, l’efficacité supérieure postulée du privé sur
le public. Comme dans biens d’autres cas, nous verrons que les prétentions ne résistent pas du
tout à l’analyse objective des faits. L’auteur fera aussi le parallèle entre le traitement plein de
compréhension accordé aux frasques de 47 milliards$ de Bell et de ses dirigeants par les
politiciens, les médias et leurs journalistes, chroniqueurs et éditorialistes ainsi que le silence
complice du patronat et de leurs économistes de tous genres que nous comparerons ensuite au
traitement hystérique et rempli de mépris accordé à la perte de 8.5 milliards$ subie par la Caisse
de dépôt et placement du Québec en 2002. Pourtant, les pertes de Bell furent cinq fois plus
grandes que celles encourues par la Caisse de dépôt et se répètent à chaque année depuis 1983
alors que la Caisse de dépôt a connu des résultats impressionnants par le passé. Il n’a fallu
qu’une mauvaise année financière de la Caisse de dépôt, dont les pertes sont principalement dues
à la chute du marché boursier et sans que l’on prenne en considération que la perte économique
subie sur son placement dans Quebecor n’est que sur papier seulement et sans que l’on quantifie
les importants avantages socio-économiques pour le Québec et ses commettants de conserver le
contrôle juridique dans notre province d’une firme aussi importante que Vidéotron et de ses
filiales, comme entre autres, Télé-Métropole. Mais non, pour les gaffes effectuées dans le privé il
y a toujours des justifications rationnelles et pour certaines erreurs commises par les
gouvernements et leurs organismes publics il n’y a de place que pour des accusations souvent
gratuites et intéressées des profiteurs et de leur suite afin de réclamer à hauts cris la privatisation.
Pourtant, quoiqu’on en dise et surtout que l’on ne dit pas, dans les deux cas, ce sont les
contribuables qui font les frais de tous ces écarts économiques.
2
Le service résidentiel d’ici: la poule aux gros oeufs d’or de Bell
Nous verrons qu’à chaque fois que Bell Canada Entreprises est sortie, ici et ailleurs dans le
monde, de son confortable créneau réglementé du téléphone résidentiel et de ce qui s’ensuit, les
résultats ont été tout simplement catastrophiques. Payer environ entre vingt-cinq et trente dollars
par mois pour une ligne de téléphone résidentiel, alors qu’aucun service n’est fourni et que le
réseau de lignes téléphoniques est amorti depuis belle lurette, c’est carrément un vol
institutionnalisé, qu’on se le dise une fois pour toutes. Et dire que plusieurs nous ont répété ad
nauseam dans le passé que c’était l’interurbain qui finançait le résidentiel. Quelle farce
grotesque! D’ailleurs, les dirigeants de Bell s’avisent bien de nous fournir aucun détail sur la
rentabilité véritable du service résidentiel dans leurs rapports annuels. Ils préfèrent, de pair avec
leurs mercenaires de tout acabit et avec l’assentiment des organismes réglementaires, tel que le
CRTC, nous mentir à tour de bras sur la profitabilité réelle du résidentiel afin d’augmenter
inlassablement leur tarif mensuel et nous arnaquer chaque fois un peu plus. Je l’ai déjà dit et je le
réitère, il faudrait, pour le mieux-être de la majorité, instaurer un partenariat public-privé dans le
cas du téléphone résidentiel.
Pour un partenariat public-privé du service résidentiel
Je le sais trop bien, dans ce courant idéologique du démantèlement de l’État, de la privatisation,
de la déréglementation, de la défiscalisation, de la désyndicalisation, etc., suggérer la
nationalisation, même avec des chiffres à l’appui, relève pour certains de la provocation, de la
folie furieuse, de la pensée magique. Par contre, ceux qui suggèrent l’État minimal, la
privatisation, la défiscalisation, la désyndicalisation et la déréglementation, toutes des mesures
qui ne profitent qu’à une minorité d’opportunistes et de nantis, comme les mesures suggérées par
le patronat et leurs organismes de recherche; par les partis politiques comme le parti Libéral du
Québec et l’Action Démocratique du Québec; par les médias et leurs chroniqueurs, leurs
éditorialistes et certains de leurs journalistes, tout cela représente à leurs yeux des mesures, un
discours et des initiatives courageuses, modernes, incontournables, rafraîchissantes, intelligentes
et relevant tout naturellement du gros bon sens.
En bon rassembleur, et en bon modéré que je suis, je recommande une solution mitoyenne entre
la nationalisation complète et le privé intégral actuel, soit l’instauration d’un partenariat publicprivé du service résidentiel de Bell Canada dans lequel l’État détiendrait une participation
juridique suffisante de la nouvelle entité lui permettant d’avoir une influence certaine dans le
processus décisionnel. Une telle structure soulèvera à coups sûrs l’enthousiasme et recevra
l’assentiment du patronat et des partis politiques qui plaident continuellement en faveur du
concept de partenariat public-privé. Pour une fois, je ferai l’unanimité, sauf pour certains groupes
d’extrême gauche qui trouveront ma proposition beaucoup trop à droite.
3
2-
PROFIL DE L’ENTREPRISE
Profil général de l’entreprise
Voici comment se décrit l’entreprise Bell Canada Entreprises (BCE) dans son rapport annuel
2002:
BCE est la plus grande société de communications au Canada. Par
le truchement du secteur Bell Canada, elle fournit des services
téléphoniques locaux et interurbains, de communications sans fil,
d’accès à Internet, de données, de télévision par satellite et
d’autres services à des clients de résidence et d’affaires, grâce à
ses 25 millions de connexions clients.
BCE rejoint des millions de personnes chaque jour par
l’intermédiaire de Bell Globemedia Inc., une entreprise canadienne
prépondérante dans le domaine des médias qui comprend CTV
Inc., le premier radiodiffuseur privé du Canada, et The globe and
Mail, le quotidien national numéro un au pays. BCE fournit
également des services d’affaires électroniques par l’entremise de
BCE Emergis Inc.
Le pivot de BCE est le secteur Bell Canada, qui représentait 88%
de ses produits d’exploitation et 100% de son bénéfice net en
2002. Bell Globemedia et BCE Emergis représentaient en 2002
une part respective de 6% et de 2% de ses produits. Aux fins de la
gestion, toutes les autres activités de BCE sont regroupés dans le
secteur BCE Investissements qui a contribué à 4% de ses produits
totaux en 2002.
Organigramme de l’entreprise
L’organigramme de BCE Inc. est le suivant
au 31 décembre 2002:
BCE
Secteur
Bell Canada
Bell Canada
100%
Bell Globemedia
70%
Globe and Mail
100%
BCE Emergis
65%
BCE
Investissements
CGI
32%
4
Bell ExpressVu
100%
CTV
100%
Télésat
100%
Aliant
53%
Profil détaillé de l’entreprise
À la lecture de l’organigramme de la firme, nous sommes à même de constater que:
BCE exerce ses activités au sein de quatre secteurs d’exploitation:
le secteur Bell Canada, Bell Globemedia, BCE Emergis et BCE
Investissements.
Secteur Bell Canada - fournit des services de communication à une
clientèle de résidence et d’affaires. Ce secteur est le principal
fournisseur canadien de services de transmission de la voix et de
données sur fil et sans fil, de services d’accès à internet haute
vitesse et sans fil, de services de télévision par satellite et de
services IP/large bande. Il a de plus fourni des services d’annuaires
imprimés et électroniques jusqu’à ce qu’il vende ces activités en
novembre 2002.
Ce secteur représente la consolidation de La Société de Portefeuille
Bell Canada Inc. (BCH) avec Bell Canada, ses filiales consolidées
et d’autres entités. Ces dernières comprennent Bell Mobilité, BCE
Nexxia, Bell ActiMedia, Bell Distribution inc., Certen Inc., une
participation de 53% dans Aliant Inc., une participation de 60%
dans Bell West et la Société en commandite Bell ExpressVu.
Bell Globemedia - fournit des services d’information et de
divertissement à des clients canadiens.
Ce secteur représente la consolidation de CTV, de The Globe and
Mail, de Bell Globemedia Interactive et des autres participations
dans les médias. BCE détient 70.1% de Bell Globemedia, tandis que
The Thomson Corporation en détient 20% et The Woodbridge
Company Limited, 9.9%.
BCE Emergis - fournit des services d’affaires électroniques qui
automatisent les transactions interentreprises et leur permettent
5
d’interagir et d’effectuer des transactions en temps réel. Elle se
spécialise dans le traitement de réclamations, la présentation
électronique de factures et les services de paiement dans les secteurs
des services financiers et de la santé. BCE détient environ 65% de
BCE Emergis, le reste des actions ordinaires étant détenu par le
public.
BCE Investissements - reflète les participations de BCE dans
Télésat Canada et Groupe CGI et d’autres placements.
Mondialisation et ventilation géographique des ventes de Bell
Le secteur privé canadien a beau se gargariser du concept siroteux de la mondialisation, souvent
pour justifier des mises à pied, des baisses d’impôts et de taxes, des privatisations, de la
déréglementation, de la sous-traitance, etc, et BCE a beau clamer qu’elle est la plus grande
société canadienne de communications mais, dans les faits, les firmes canadiennes si elles jouent
au gros ici, elles se font fort discrètes ailleurs, étant quasi-absentes en Europe occidentale et très
peu visibles en Asie, en Afrique et en Amérique latine à moins que l’État canadien les
accompagnent et les soutiennent. Les ligues majeures en économie sont pour les firmes
européennes et américaines et les ligues de garage pour...
En 2002, sur des produits d’exploitation consolidés totaux de 19.8 milliards$ de Bell Canada
Entreprises, 95% (18.8 milliards$) ont été réalisés au Canada, 4% aux États-Unis et un gros 1%
ailleurs dans le monde. Voilà pour la mondialisation servie à la sauce du patronat canadien.
D’ailleurs, en 2002, BCE a liquidé sa filiale Bell Canada International et a vendu au cours des
dernières années ses placements étrangers comme Telecom Américas, Jones Intercable, Cable &
Wireless Communications, KG Telecommunications, Phone Com, Clear Communications, etc.
Elle s’est sortie, et les concurrents l’ont sortie, de l’Amérique latine, de l’Asie, du Moyen-Orient
et de la vieille Europe. Pourquoi se frotter à la farouche concurrence à l’étranger lorsque l’on peut
opérer tranquillement dans un monopole lucratif au Canada?
6
Le service résidentiel: la vache à lait de Bell
Dans son rapport annuel 2001, les dirigeants signalent clairement que Bell détient 96% du
marché local du service résidentiel. Allô ouverture à la concurrence et allô marché avec ses lois
économiques dites naturelles. Faut plutôt parler d’un véritable monopole privé. Voici la
ventilation des ventes de 2002 par branche d’activités pour le seul secteur Bell Canada:
Ventes
(En milliards)
(En pourcentage)
6.2$
35.4%
Services interurbains
2.6
14.9
Services sans fil
2.2
12.6
Services de données
3.8
21.7
Services de radiodiffusion par satellite
0.6
3.4
Autres
2.1
12.0
17.5$
100.0%
Services locaux
En 1993, les services locaux totalisaient 37% des ventes totales. Et, n’oublions pas que le service
de téléphone résidentiel de Bell aide à stimuler fortement les ventes de plusieurs produits et
services connexes, dont l’interurbain entre autre.
Dire qu’en 1992, le coût mensuel d’un téléphone résidentiel était de 13.70$ à plusieurs endroits
au Québec et en Ontario (Recto-Verso, novembre-décembre 1997) alors que ma dernière facture
de Bell fait état d’un tarif de base de 29.61$ (mars 2002) et de 34.00$ après TPS et TVQ pour un
téléphone résidentiel à Ste-Marguerite dans les Laurentides. Du vrai vol à l’exposant «N».
Comme si cette arnaque institionnalisée n’était pas assez, les dirigeants de Bell en ont rajouté
encore plus lors de leurs audiences d’avril 2000 devant le CRTC en disant le plus sérieusement
du monde que: «au chapitre du service de résidence, les clients de Bell ne paient que 76% du coût
réel des services de base» (Le Devoir, 1 avril 2000, «Bell demande une hausse de ses tarifs
résidentiels»). Si le téléphone résidentiel est si déficitaire, pourquoi alors ne liquident-ils pas cette
division et ne ferment-ils pas la «shop»? Et pourquoi ont-ils racheté en 2002, au gros prix (6,32
milliards$) s’il-vous-plaît, la participation de 20% que détenait la firme américaine SBC
Ameritech dans Bell Canada? Messieurs, serait-il possible d’être plus subtil dans vos énormités et
7
d’arrêter de nous prendre pour des caves?
3-
DÉTAIL DU COÛT TOTAL DES FRASQUES DE 46.8 MILLIARDS$ DE BCE
Aperçu général
Les pertes totales de 46.8 milliards$ encourues par Bell Canada Entreprises (BCE) au cours des
14 dernières années (1989-2002) sont conservatrices et n’incluent pas les flops retentissants
comme le système de communications Alex et le retrait de BCE de plusieurs pays et de certaines
activités. Ces pertes de 46.8 milliards$ subies durant les 14 dernières années dans toutes sortes
d’aventures aussi loufoques les unes que les autres, allant de Bell Canada International à
Téléglobe, de Montréal Trustco à Nortel Networks, de TransCanada Pipelines à Excel, de
l’immobilier au génie informatique, de la vente et du rachat de sa participation de 20% dans Bell
Canada à SBC Ameritech, de Bell Globemedia à Alex, etc., représentent une moyenne annuelle
de 3.3 milliards$. Qui dit mieux?
Le tableau I qui suit fournit en détail la nature, l’année et le coût de chacune des pertes encourues
qui seront expliquées par la suite. Plusieurs de ses stratégies de diversification ratées furent très
éphémères comme dans les cas de l’immobilier, des services financiers, du pétrole et du gaz, de
l’international avec Bell Canada International, de la vente et du rachat d’une participation de 20%
dans Bell Canada à SBC Ameritech, de Téléglobe, d’Excel, etc.
8
TABLEAU 1
PERTES SUBIES AVANT IMPÔTS PAR BELL (BCE) DE 1989 À 2002 - 14 ANS
(En millions de dollars canadiens)
Année de
la perte
1989
Secteur d’activités
Année
d’acquisition
Année de
liquidation
Immobilier - BCE
Development et Daon
Development
1985
1989
Radiation de
l’investissement
1993
Dollars constants
de 2002
610$
830$
700
826
1310
1656
403
536
Immobilier - BF Realty
Holding et Brookfield
Perte sur vente à Carena
Developments
1990
Dollars
d’origine
1990
1993
Génie informatique Kinburn Technology et
SHL Systemhouse
Radiation partielle de
l’investissement
1988
-
9
1993
Services financiers Montréal Trustco
Perte sur vente à la Banque
Scotia
1989
1993
611
721
-
2000
242
329
-
2000
1479
1745
1721
2074
Nortel Networks
1989
1993
Année de
la perte
Frais de restructuration
Frais de restructuration,
programme de logiciels et
réduction de l’achalandage
Secteur d’activités
Année
d’acquisition
Année de
liquidation
Dollars
d’origine
Dollars
constants
de 2002
Général - Frais de restructuration, de
transformation et autres
1997
“
”
1181
1323
1998
“
”
654
726
1999
“
”
490
534
2001
“
”
1177
1224
2002
“
”
887
887
4389
4694
Téléglobe et Excel Communications
2001
Radiation du placement dans Excel
2002
Radiation du placement dans Téléglobe
1998
2001
4600
4784
2000
2002
8061
8061
10
12661
12845
1220
1220
5472
5472
6692
6692
Vente et rachat d’une participation de
20% dans Bell Canada à SBC
Communications, USA
2002
2002
Perte sur vente (5.1 milliards$) et
rachat (6.32 milliards$)
1999
2002
Achalandage de consolidation
comptabilisée en 2002 lors du rachat à
radier car aucune justification
économique et comptable
Diverses filiales - Provision pour
pertes, restructuration et radiations
d’achalandage
1993
Télésat
100
118
1997
Diverses filiales non précisées
3602
4034
1999
Iridium, Sky View Media et BCI
78
85
2001
Bell Canada International (BCI)
2002
247
257
2002
Bell Canada International (BCI)
2002
316
316
2002
BCE Emergis
170
170
2002
Bell Globemedia
1493
1493
2002
Alliant
55
55
6061
6528
Dollars
d’origine
Dollars
constants
de 2002
560
560
(138)
(163)
Année de
la perte
Secteur d’activités
2002
Portail internet Sympatico
Réduction du placement
1993
Année
d’acquisition
Année de
liquidation
TransCanada Pipelines (transport de
gaz naturel)
Gain insignifiant sur vente du
placement
1983
1993
11
1993
Encor (producteur de pétrole et de
gaz naturel)
Gain insignifiant sur vente du
placement
1987
1993
Sous-total du coût économique des
frasques de Bell et de ses dirigeants
2000
(39)
(46)
(177)
(209)
34231
36097
10114
10721
44345
46818
Nortel Networks
Perte comptable seulement (inscrit
aux bénéfices non répartis de BCE)
du cadeau empoisonné largué par
Bell à ses actionnaires. La perte
économique est évidemment plus
importante
Grand total du coût des nombreuses
erreurs stratégiques commises par
les dirigeants de Bell et assumées
par l’entreprise, les actionnaires, les
employés, les consommateurs et les
gouvernements
-
2000
12
Immobilier - Radiation de la participation dans BCE Development et dans Daon
Development
Au premier trimestre 1985, BCE Inc. a acquis une participation de 65% dans Corporation
d’Aménagement Daon. L’importance de son portefeuille d’immeubles commerciaux lui confère
alors un statut digne des plus importantes entreprises dans le secteur de l’immobilier. En février
1986, les actionnaires ont approuvé la nouvelle raison sociale de la compagnie, à savoir
Corporation de Développement BCE (BCED).
En raison des pertes importantes et répétées, d’une réduction de la valeur des biens immobiliers
de BCED, et seulement quatre ans après son investissement original, BCE inc. a décidé, au 31
décembre 1989, de mettre fin à ses activités immobilières commerciales. Cette décision s’est
concrétisée par une radiation de sa participation dans les actions ordinaires de BCED pour un
montant s’élevant à 830 millions$.
Immobilier - Perte sur vente à Carena Developments de l’investissement dans BF Realty et
de sa filiale Brookfield
En janvier 1990, BCE Inc. a conclu une entente avec Carena Developments Limited afin de
faciliter la mise en oeuvre d’une restructuration de BF Realty Holding. L’entente prévoyait que
les deux compagnies impliquées pouvaient effectuer des versements pouvant atteindre 455
millions$ chacune. De 1989 à 1992 respectivement, le montant total des placements de BCE Inc.
dans BF Realty et de sa principale filiale, Brookfield est passé de 306 millions$ à 601 millions$.
Début décembre 1993, BCE inc. a mis définitivement fin à ses activités dans le domaine de
l’immobilier commercial en se départissant de BF Realty et de la Corporation de Développement
Brookfield. En vendant le tout à Carena Developments, Bell subit alors une lourde perte de 826
millions$.
Génie informatique - Radiation partielle de l’investissement dans Kinburn Technology et
SHL Systemhouse
Kinburn Technology et SHL Systemhouse sont des entreprises qui oeuvrent dans le secteur de
génie informatique. SHL Systemhouse était la filiale de Kinburn Technology.
En 1988, BCE a vendu à Kinburn les entreprises Rolph-Clark-Stone Packaging, Services
technologiques Bell et Les Distributeurs d’Innovations en Informatique Inc. en acceptant en
contrepartie des billets de Kinburn Technology.
BCE avait acquis également un droit d’option en vertu duquel elle pouvait obtenir un taux de
participation de 49% à l’issue d’une période de cinq ans. À la clôture de l’exercice 1989, la
13
valeur comptable du placement dans Kinburn Technology était de 511 millions$. En 1989, BCE a
investi un montant additionnel de 68 millions$ afin d’obtenir une participation de 12.4% dans
SHL Systemhouse.
Au quatrième trimestre de 1989, Kinburn Technology a éprouvé de graves difficultés financières
et fut incapable de rembourser les prêts qui lui avaient été accordés par BCE. C’est alors que
BCE a inscrit une provision pour perte de revenus relativement au placement dans Kinburn de
l’ordre de 536 millions$. La provision a été comptabilisée au cours de l’exercice 1990.
Services financiers - Acquisition et vente de Montréal Trustco
Le 24 avril 1989, BCE faisait l’acquisition de la totalité des actions ordinaires de Montréal
Trustco. Cette dernière commercialisait des services financiers et fiduciaires diversifiés, destinés
aux particuliers, aux entreprises et à des organismes divers. La transaction d’achat a été effectuée
avec Power Corporation. Le prix d’achat de l’acquisition a été fixé à 1.2 milliards$ et la
contrepartie a été répartie comme suit:
(En millions)
En espèces
Actions ordinaires de BCE Inc.
Prix d’achat
736$
464
1200
Au moment de l’acquisition, la valeur comptable de l’actif net de Montréal Trustco était la
suivante:
(En millions)
Total de l’actif
14 100$
Total du passif
13 600
Valeur comptable nette
Prix d’achat
Achalandage d’acquisition payé
500
1 200
700
BCE a payé 58% du prix d’achat pour acquérir de l’achalandage ou 240% de la valeur comptable
nette. C’est un montant très élevé. Ceci est un indice révélateur que BCE a payé beaucoup trop
cher pour l’acquisition de Montréal Trustco.
En 1991 et 1992, BCE a injecté respectivement 65 millions$ et 150 millions$ afin d’acquérir des
14
actions ordinaires de Montréal Trustco. Ces renflouements du capital-actions de Montréal
Trustco portèrent l’investissement total à 1.4 milliards$ de BCE dans cette filiale.
En décembre 1993, soit seulement quatre ans après son acquisition, BCE cédait Montréal Trustco
à la Banque Scotia pour une somme de 354 millions$, inscrivant dans ses états financiers une
perte de 721 millions$.
Fabrication d’équipements de Télécommunications : Nortel Networks - Constitution d’une
provision pour restructuration en 1989
Au début de l’année 1989, Nortel Networks, anciennement Northern Telecom Limitée, a
constituée une provision de 329 millions$ en vue d’une restructuration majeure au sein de
l’entreprise. Cette restructuration visait l’amélioration de Northern Telecom au niveau mondial.
La restructuration se traduira par une rationalisation des fonctions de marketing et de vente, la
fermeture et la consolidation de quelques installations manufacturières au Canada et aux ÉtatsUnis.
Fabrication d’équipements de télécommunications: Nortel Networks - Enregistrement de
charges spéciales en 1993
Nortel Networks a enregistré des charges spéciales pour un montant global de 1745 millions$ en
1993. Ces charges spéciales ont été constatées immédiatement au deuxième trimestre dans les
états financiers de BCE. Analysons les motifs de ces charges spéciales ainsi que les montants qui
se rattachent à chacune d’elles:
Programme de restructuration
Une provision de 615 millions$ a été constituée pour la mise sur pied d’un programme de
restructuration qui prévoyait la rationalisation et la consolidation des établissements de
fabrication ainsi que la réduction des frais de soutien de l’infrastructure. La haute direction
prévoyait que ce programme entraînerait une réduction des effectifs pouvant atteindre jusqu’à
5200 employés ou près de 9% de l’effectif total. L’aboutissement de ce programme de
restructuration devait prendre fin à la clôture de l’exercice financier 1994.
Programme relatif aux logiciels
Un programme a été instauré dans le but d’achever la modulation de l’architecture du logiciel de
commutation centrale en vue de rectifier des problèmes d’exploitation et d’améliorer le
rendement de l’équipement. Ce programme a engendré la comptabilisation d’une provision de
379 millions$.
15
Réévaluation de l’achalandage
En 1987, Northern Telecom a acquis une participation de 27.5% dans les actions ordinaires de
STC plc. À cette date, STC se positionnait au deuxième rang des firmes d’électronique en
Grande-Bretagne. Le 5 mars 1991, Northern Telecom a acquis le reliquat des actions ordinaires
pour ainsi obtenir une participation de 100%.
1987
1991
Total
(En millions de dollars)
Prix d’achat
Juste valeur de l’avoir acquis
Achalandage
1557$
3661$
5218$
509$
1070$
1579$
1048$
2591$
3639$
Concernant l’achalandage associé au placement dans STC, Northern Telecom a décidé, quelques
années seulement après son investissement, de la réduire de 751 millions$. Cette décision fut
justifiée par les prévisions d’une faiblesse continue de l’environnement économique européen et
de la baisse prévisible des ventes et des bénéfices à court terme en Europe générés par STC.
Northern Telecom a connu de biens meilleures années lorsque Bell obligeait ses abonnés à
acquérir ou à louer leurs appareils téléphoniques exclusivement de sa filiale Northern. Cette
filiale a longtemps constitué un monopole dans un autre monopole. L’ouverture du marché a fait
mal à Northern qui avait été peu habitué à se frotter à la concurrence étrangère.
Général - Frais de restructuration, de transformation et autres
À force de commettre des gaffes l’une après l’autre, l’entreprise congédie et impartie en soustraitance ses employés afin de sauver la face et de maintenir sa rentabilité. Les employés
deviennent donc alors les victimes des nombreuses et coûteuses erreurs commises par les
administrateurs de Bell. Voici, à titre d’exemple, ce que disait la note 4 intitulée «Frais de
restructuration et autres frais» des états financiers de 1999 de BCE: «Les frais de restructuration,
composés surtout d’indemnités de cessation d’emploi (visant environ 2600 employés) et de coûts
supplémentaires qui y sont reliés, résultent principalement de la décision d’impartir une partie des
activités du Service de téléphonistes, du démantèlement de Gestion du réseau canadien Stentor et
de la rationalisation des coûts au sein d’autres groupes d’exploitation».
En 2001, les programmes de rationalisation concernant la réduction de l’effectif de Bell et de ses
filiales ont touché 4150 employés additionnels licenciés ou mis à la retraite, après les 2600
téléphonistes licenciées et vendues en 1999 à un sous-traitant dont Bell est toutefois actionnaire!
Puis, en 2002, la note aux états financiers concernant les frais liés à la rationalisation et autres
frais disait ceci: «Les frais de restructuration résultaient principalement d’une décision de
rationaliser certaines fonctions et incluaient des indemnités de cessation d’emploi à l’égard
16
d’environ 1700 employés».
Les mises à pied constituent de fait un sport national chez Bell depuis toujours. Et dire que le
privé est censé être le seul à être en mesure de créer de la richesse et des emplois pour tous. Par
exemple, l’article du journaliste Robert Dutrisac du journal Le Devoir du 28 mars 1995
s’intitulait ainsi: «Bell Canada sabre 10 000 emplois: le géant de la téléphonie veut doubler ses
profits». Une chance qu’ils ne voulaient pas tripler leurs bénéfices! Puis, que dire du titre de cet
article de La Presse du 12 janvier 1999: «Les Téléphonistes de Bell “vendues” à des
Américains». Chanceuses qu’elles sont d’être vendues aux merveilleux «Américains» des States,
les défenseurs de la liberté et de la démocratie et qui ont rien de moins que Dieu comme
«partner». Puis, dans Le Devoir du 26 avril 2001, le titre de cet article: «Tout baigne pour BCE, à
l’exception de Téléglobe: La compagnie Bell a réduit son effectif de 1900 personnes dans le
cours normal de ses activités». Donc, licencier pour Bell en particulier et le privé en général est
une activité de tout ce qui a de plus normale. Puis, dans le Journal de Montréal du 19 décembre
2002, le titre suivant de cet article: «BCE abolira 1700 emplois: Simplicité et efficacité dit le
nouveau président Michael Sabia». Plus les présidents de Bell changent, de Jean de Grandpré, à
J.V. Raynond Cyr, à L.R. Wilson, à Jean C. Monty et maintenant Michael J. Sabia, plus c’est
pareil.
Téléglobe et Excel Communications
Téléglobe était une société d’État fédérale qui était fort rentable du temps qu’elle était gérée par
des fonctionnaires. Puis, Brian Mulroney, alors premier ministre du Canada et grand partisan de
l’idéologie néolibérale, a vendu cette entreprise pour des miettes à la binerie Memotec qui l’a
ensuite refilée au tandem Bell et Charles Sirois, la vedette d’alors de l’entrepreneurship
québécois qui, en bon «smat» qu’il était, ne se gênait pas pour multiplier haut et fort ses lumineux
conseils sur la façon de gérer l’État.
Excel Communications des États-Unis acquise en 1998 par le «visionnaire» Charles Sirois au
prix d’environ 6.7 milliards$ canadiens (4.4 milliards$ US) fut vendue en 2001 à l’entreprise
américaine Vartec Telecom pour moins de 250 millions$ US («Vente d’Excel: Téléglobe se
débarasse d’un boulet». La Presse, 28 août 2001, Charles Côté, journaliste). Puis, c’est en 2002
que Bell a largué Téléglobe et que le président de l’entreprise Jean C. Monty a remis sa
démission. Dans son article du 25 avril 2002 intitulé «Monty victime de sa démesure», le
journaliste Gérard Bérubé du Devoir dit alors que la radiation de Téléglobe pourrait atteindre une
perte de 8.5 milliards$ US aux livres de BCE. Démesure peut-être, mais cela n’a pas empêché le
petit Jean C. Monty de recevoir une grosse prime de départ de 1.34 millions$ (Journal de
Montréal, 12 avril 2003) et de toucher une grosse pension de vieillesse de BCE de près de 2
millions$ par année pour le reste de sa vie (La Presse, 30 avril 2002). Enfin, en 2000, le sieur
Monty avait encaissé un p’tit 50 millions$ de rien du tout à la levée d’options d’achats d’actions.
L’argent versé à Monty, c’est pas Bell qui le paie au bout du compte, c’est vous avec votre
argent. Enfin, Téléglobe s’est placé sous la protection des tribunaux au mois de mai 2002 (La
Presse, 16 mai 2002, Martyne Couture, journaliste).
17
Vente et rachat d’une participation de 20% dans Bell Canada à SBC Communications,
USA
En 1999, BCE vend une participation de 20% dans sa lucrative filiale Bell Canada à l’américaine
SBC Communications pour une considération de 5.1 milliards$ et comptabilise alors un gain de
4.242 milliards$ à son état des résultats, gain qui représentait alors 78% du bénéfice net de 5.459
milliards$ déclaré par BCE en 1999. Puis, en 2002, elle rachète cette même participation de 20%
dans Bell Canada de la même entreprise américaine SBC, pour une considération de 6.32
milliards$ et en profite alors pour augmenter au bilan son actif intangible «achalandage» ou
«écart d’acquisition» pour un montant de 5.472 milliards$.
Premièrement, signalons encore une fois de plus l’illogisme des dirigeants de BCE. Vendre en
1999 une participation de 20% dans sa filiale de Bell Canada à SBC Ameritech des États-Unis
pour 5.1 milliards$ et la racheter moins de trois ans après en 2002 pour 6.32 milliards$, dépasse
tout entendement et fait subir à l’entreprise 1.22 milliards$ en perte économique sèche. Il est très
facile à comprendre le calcul de cette perte de 1.22 milliards$ pour BCE et c’est cette perte nette
qui aurait dû être comptabilisée dans les états financiers de BCE entre 1999 et 2002. Mais ce
n’est pas ce qu’ont fait les dirigeants de l’entreprise. Par opportunisme et avec l’utilisation de
cosmétiques comptables, tout en recevant la bénédiction de leur très aimable vérificateur externe
Deloitte & Touche, ils ont comptabilisé, lors de la vente, un super gain de 4.242 milliards$ en
1999 et ont augmenté, lors du rachat, l’actif intangible d’achalandage de 5.472 milliards$ en
2002. Cette façon de faire des dirigeants de BCE, quant au traitement comptable de cette
transaction (vente et rachat de la participation de 20% dans Bell Canada), est fallacieuse,
trompeuse et induit en erreur les investisseurs et les lecteurs des états financiers de BCE. Cet
artifice comptable a gonflé les bénéfices, l’avoir des actionnaires (bénéfices non répartis) et
l’actif total de la firme. Et dire que ce sont ces mêmes personnes qui parlent d’imputabilité et de
transparence obligatoires dans le public. Ces artifices comptables de 4.2 milliards$ et de 5.5
milliards$ respectivement cuisinés par les dirigeants de BCE en 1999 et en 2002 sur cette même
transaction, quoique très importante en chiffres absolus, en pourcentage du bénéfice net et de
l’actif total, aucun média et aucun organisme patronal ne les ont relevés et signalés au grand
public. Mais que l’État ou un organisme public ne s’avise pas de faire la même chose, même en
moins grossier et en valeur monétaire moindre, alors là, attendez-vous aux accusations de toutes
sortes et aux gros titres flamboyants provenant de l’artillerie lourde.
En 2002, lors du rachat de la participation, les dirigeants de BCE auraient dû comptabliliser une
perte à l’état des résultats de 5.4 milliards$,soit la perte économique réelle de 1.2 milliards$ (prix
de rachat 6.3$ moins prix de vente 5.1$) plus l’annulation du gain de 4.2 milliards$ comptabilisé
en 1999 qui s’est avéré ultérieurement une perte. Mais non, en 2002, la direction de BCE a décidé
18
en lieu et place, de camoufler le tout en augmentant au bilan un actif intangible bidon du nom
«d’écart d’acquisition» de 5.4 milliards$. On a entreposé ce «moton» de 5.4 milliards$ dans ce
poste d’actif intangible de façon «provisoire», qu’ils ont dit dans le rapport annuel 2002. Le
temps d’un certain laps de temps pour que les gens oublient, puis «oups» par enchantement on
va, quelques années plus tard, radier ce montant en le transférant et en diminuant directement le
compte de bénéfices non répartis de l’avoir des actionnaires au bilan. Ni vu, ni connu. Du vrai
tripotage de faits économiques significatifs dans le but de leurrer et de tromper les lecteurs des
états financiers. Lorsque la rémunération des dirigeants d’une entreprise est fondée sur le
rendement obtenu, la tentation est alors forte d’augmenter à tout prix le profit, quitte à utiliser au
passage des artifices comptables. À cet effet, les scandales financiers mis à jour l’an passé aux
États-Unis constituent un exemple probant.
Un gigantesque trou public financier de 5.4 milliards$ et personne n’en dit mot. Si ça relève du
privé avec leur éthique, leur régie d’entreprise et leur gouvernance exemplaires, c’est que ça doit
être correct. On parle ici d’un trou réel de 5.4 milliards$, basé sur des faits passés objectifs et non
d’un trou hypothétique reposant seulement sur des données budgétaires, comme celui relevé dans
le dernier budget de la province du Québec par Guy Breton, l’ex-vérificateur général du Québec,
devenu l’homme de main du nouveau gouvernement libéral du Québec, dont tout le monde a
parlé et empiré à dessein la chose par intérêt . Peut-être que l’on pourrait mandater ce même Guy
Breton pour enquêter sur le trou de 5.4 milliards$ dans les états financiers 2002 de BCE, lui qui
est un spécialiste en la recherche et surtout en la «découverte» de trous de tous genres,
principalement ceux émanant du secteur public?
19
Diverses filiales- Provision pour pertes, restructurations et réductions d’achalandage
Les actifs intangibles comme ceux des écarts d’acquisition ou de l’achalandage de consolidation
constituent un fourre-tout comptable qui sert souvent aux dirigeants d’entreprises à manipuler les
résultats d’exploitation à leur guise. On n’a qu’à capitaliser les écarts d’acquisitions
d’investissements et d’autres coûts, ce qui augmente le bénéfice net issu de l’exploitation
normale de la firme pour ensuite dégonfler de temps en temps ces actifs intangibles en faisant une
radiation directement au poste de bénéfices non répartis ou à des éléments extraordinaires de
l’état des résultats comme au chapitre des activités abandonnées, ce qui ne vient aucunement
affecté à la baisse par la suite le bénéfice net issu de l’exploitation normale de l’entreprise. Et les
dirigeants de BCE ne sont surtout pas gênés pour utiliser ce stratagème économique et comptable
à satiété depuis 1993 comme en fait foi le tableau I et ses provisions pour pertes de 6.528
milliards$ comptabilisées depuis 1993 et qui concernent des filiales comme Bell Canada
International (liquidée en 2002), BCE Emergis, Bell Globemedia, Télésat, etc.
Portail internet Sympacito - Réduction du placement
Au cours des deux dernières années, BCE a diminué la valeur de son portail internet Sympatico
de 560 millions$ (La Presse, 21 février 2003, Francis Vailler, journaliste).
Gain infime à la vente des filiales TransCanada Pipelines et Encor
Bonne nouvelle, en 1993, BCE a réalisé un gain de 163 millions$ lors de la vente de sa filiale
TransCanada Pipelines, spécialisée dans le transport de gaz naturel, et un gain de 46 millions$ à
la vente de son autre filiale Encor, un producteur de pétrole et de gaz naturel. Vous vous dites que
faisait donc alors BCE dans le pétrole et le gaz naturel? Vous n’êtes pas les seuls, loin de là. Mais
chez BCE, tout est possible et plus rien ne nous surprend.
20
Nortel Networks - Le cadeau empoisonné
Quant au canard boiteux largué en 2000 par les dirigeants de BCE à ses actionnaires, qui sont
devenus les dindons d’une farce vraiment grotesque, ces derniers savaient bien alors ce qu’ils
faisaient. Ils ont voulu sauver les meubles et transférer rapidement cette bombe à retardement aux
actionnaires afin de ne pas avoir à prendre en charge des pertes énormes sur cette filiale. Larguée
en 2000 à ses actionnaires, la valeur des actions de Nortel est tombée à presque rien en 2001, un
an seulement après son délestage.
Rions encore plus sur le génie visionnaire des dirigeants de BCE en observant quelques folles
acquisitions effectuées au gros prix par Nortel Networks de 1998 à 2000, période durant laquelle
elle était détenue par BCE. Cette courte énumération ne prétend aucunement être exhaustive:
123-
4-
«Nortel achète Bay Network de Californie, pour 9.1 milliards$ US (environ 13
milliards$ canadiens)» (Journal de Montréal, 16 janvier 1998);
«Nortel versera jusqu’à 3.25 milliards$ US (environ 4.5 milliards$ canadiens)
pour Qtera en Floride» (La Presse, 16 décembre 1999);
«Nortel entreprend 2000 en haute vitesse. Le géant acquiert un développeur
d’accès à Internet (Promatory Communications de Californie) pour 778 millions$
US (environ 1.5 milliards$ canadiens)» (La Presse, 7 janvier 2000);
«Une PME (Xros de Californie) vendue 3.25 milliards$ US (environ 4.5 milliards
canadiens) à Nortel» (La Presse, 15 mars 2000).
Les dirigeants de BCE ont comptabilisé dans leurs états financiers de l’an 2000 le transfert de
Nortel Networks à leurs actionnaires à titre d’un dividende versé à ses derniers au montant de
10.7 milliards$ et ont réduit directement l’avoir des actionnaires (bénéfices non répartis) du
même montant. En voici une dernière avant de passer à autre chose: «Nortel obtient 108 millions
US pour des actifs payés trois milliards US en 2001 (environ 4.5 milliards$) (Le Journal de
Montréal, 8 décembre 2002). En seulement un an, on revend la patente à gosses en subissant une
légère perte d’environ 4.3 milliards$ canadiens. Une autre preuve de plus que le privé c’est
toujours meilleur.
21
4-
COÛT FISCAL DE 10.1 MILLIARDS$ DES FRASQUES DE BCE POUR LES
CONTRIBUABLES
Aperçu général
Les nombreux déboires de Bell au montant de 46.8 milliards$ expérimentés au cours des 14
dernières années vont également coûter très cher aux contribuables canadiens, car BCE aura droit
à des remboursements d’impôts et à des déductions fiscales du gouvernement fédéral et des
provinces d’au moins 10.1 milliards$, tel que détaillé au tableau II qui suit. L’État, qu’il soit
fédéral ou provincial, sera donc privé de 10.1 milliards$ et devra compenser ce manque à gagner
en allant le chercher dans les poches des contribuables canadiens ou en coupant dans les services
publics. La très grande majorité du détail des coûts des déductions fiscales provient des états
financiers mêmes de BCE. Voilà encore appliqué le dicton qui postule la socialisation des pertes
privées et la privatisation des profits. Ne l’oublions pas, le coût des frasques de 46.8 milliards$ de
BCE et des déductions fiscales de 10.1 milliards$ qui s’ensuivent, ce sont principalement les
consommateurs, les employés et les contribuables qui en font les frais. Certainement pas les
dirigeants de Bell qui, avec leurs parachutes dorés, s’en sortent avec des millions et des millions
en salaires, en primes de départ et en rentes de retraite, toujours sur le bras des consommateurs,
des employés, des actionnaires et des contribuables.
22
TABLEAU II
COÛT FISCAL ESTIMATIF DES PERTES SUBIES PAR BELL (BCE)
DE 1989 À 2002 - 14 ANS
(En millions de dollars canadiens)
Année de
la perte
Secteur d’activités
Perte brute en
dollars indexés
Déductions
fiscales
1989
Immobilier - BCE Development et Daon Development
830$
272$
1993
Immobilier - BF Realty Holding et Brookfield
826
413
1656
685
Génie informatique - Kinburn Technology et SHL
Systemhouse
536
160
Services financiers - Montréal Trustco
721
172
1990
1993
Nortel Networks
1989
Frais de restructuration
329
98
1993
Restructuration, logiciels et achalandage
1745
352
2074
450
Général - Frais de restructuration, de transformation et
autres
1997
“
”
1323
516
1998
“
”
726
274
1999
“
”
534
240
2001
“
”
1224
488
2002
“
”
887
345
4694
1863
Téléglobe et Excel Communications
2001
Radiation du placement dans Excel
4784
1143
2002
Radiation du placement dans Téléglobe
8061
2000
12845
3143
Vente et rachat d’une participation de 20% dans Bell
Canada à SBC Communications, USA
2002
Perte sur rachat de la participation
1220
180
2002
Achalandage de consolidation injustifié à radier
5472
820
23
Année de la
perte
Secteur d’activités
6692
1000
Perte brute en
dollars indexés
Déductions
fiscales
Diverses filiales - provisions diverses et radiations
d’actifs
1993
Télésat
118
35
1997
Diverses filiales non précisées
4034
1573
1999
Iridium, Sky View Media Group et BCI
85
29
2001
Bell Canada International (BCI)
257
102
2002
Bell Canada International (BCI)
316
126
2002
BCE Emergis
170
80
2002
Bell Globemedia
1493
463
2002
Alliant
55
18
6528
2426
560
225
Gain sur vente des placements
(209)
(42)
Sous-total du coût économique et du coût fiscal des
nombreuses frasques de Bell et de leurs dirigeants
36097
10082
10721
-
46818$
10082$
2002
Portail internet Sympatico
Réduction du placement
1993
2000
TransCanada Pipelines et Encor
Nortel Networks
Perte comptable du cadeau empoisonné largué par Bell à
ses actionnaires. La perte économique est évidemment
plus importante. BCE a traité cette transaction comme
un dividende et a réduit son avoir des actionnaires
(bénéfices non répartis) de 10.7 milliards$
Grand total du coût économique et du coût fiscal des
nombreuses erreurs stratégiques commises par les
dirigeants de Bell assumées par l’entreprise, les
actionnaires, les employés, les consommateurs et les
gouvernements
24
Coût fiscal des déboires de Téléglobe
Dans un excellent article du journaliste Francis Vailles de La Presse, du 1er août 2002 intitulé:
«Les déboires de Téléglobe vont coûter cher aux contribuables», le journaliste s’exprime ainsi
dans le premier paragraphe de son texte: «Les déboires de Téléglobe ne sont pas sans
conséquence pour les contribuables. La société mère du télécommunicateur, BCE, pourra
récupérer environ 2 milliards de dollars d’impôt des gouvernements fédéral et provinciaux,
compte tenu des sommes englouties dans l’aventure Téléglobe».
Déduction fiscale des pertes et non-imposition des gains: la vente des annuaires
À la mi-septembre 2002, BCE a annoncé la vente de ses annuaires (bottins et pages jaunes) pour
la somme de 3 milliards de dollars, réalisant du même coup un gain de capital du même montant
puisque les bottins et les Pages jaunes avaient été lancés par Bell il y a longtemps à un coût
minime. En passant, les annuaires furent très rentables pour Bell au cours de toutes ces années et
c’est pourquoi elle a été en mesure de les vendre au gros prix de 3 milliards$. Et, ces activités
d’annuaires et les gros gains qui en ont découlé sont un sous-produit direct du service
téléphonique résidentiel que les dirigeants de BCE ont le culot de prétendre qu’ils opèrent à perte.
Si c’est vrai qu’ils perdent des centaines de millions de dollars depuis plusieurs années avec le
service de téléphone résidentiel, pourquoi alors ne s’en départissent-ils pas alors comme ils l’ont
fait pour plusieurs autres activités et filiales d’ici et d’ailleurs? Ne soyons point dupes de leurs
entourloupettes primaires et grossières.
Et la facture d’impôts pour Bell sur ce gain de 3 milliards de dollars que vous me demandez? La
réponse est zéro comme le signale très bien le journaliste Francis Vailles de La Presse dans son
article du 21 novembre 2002 intitulé: «BCE ne paiera pas d’impôt sur la vente des bottins. Une
économie de 675 millions». Au premier paragraphe de son texte, le journaliste mentionne que:
«La nouvelle fera sourire les actionnaires de BCE, mais déplaira aux contribuables: Bell Canada,
ne paiera probablement pas un sou d’impôt sur la vente de sa division des annuaires de téléphone,
soit l’équivalent d’un gain de 675 millions$».
Pas d’impôt à payer aussi sur la vente des actions de Nortel Networks
Traitement fiscal identique aussi pour les gains que BCE a réalisé en 2000 sur la vente au public
d’actions de Nortel Networks qu’elle n’avait pas distribuées à ses actionnaires et qu’elle avait
alors conservées comme le démontre éloquemment les titres de ces deux articles de journaux:
«BCE place ses actions de Nortel en garantie et évite le fisc. Le géant des
télécoms sauve des centaines de millions de dollars» (Journal Les Affaires, 15
juillet 2000, Claude Chiasson, journaliste)
«BCE a économisé pour des centaines de millions en impôts en vendant ses
actions de Nortel» (Le Presse, 15 août 2002, Francis Vailles, journaliste)
BCE en particulier et le privé en général multiplient les astuces fiscales pour ne pas payer
d’impôts et pour réclamer par contre le plus d’aide gouvernementale directe et indirecte comme
en font foi les millions que Bell reçoit en subventions gouvernementales pour le service
25
téléphonique en région, pour la recherche, pour l’investissement, pour la formation, pour
l’exportation, pour les licenciements et même pour le travail partagé: «Travail partagé: Bell
demande une contribution de 35 millions à Ottawa» (La Presse, 24 novembre 1993, François
Bergeron, journaliste).
5LE TRAITEMENT MÉDIATIQUE, PATRONAL ET POLITIQUE DES
FRASQUES DE BELL: PLACE À LA COMPASSION ET AUX JUSTIFICATIONS
Aperçu général
Même si c’est vous et moi qui en dernier ressort payons avec notre argent pour les nombreuses et
coûteuses frasques de 46.8 milliards$ de Bell et les déductions fiscales de 10.1 milliards$ qui s’y
rattachent, que ce soit à titre de consommateurs, de contribuables, d’employés, d’actionnaires, de
retraités de Bell, etc., et bien, étant donné que cela origine d’une firme privée, qui n’a d’ailleurs
de privé que le nom, la presse en général s’est faite très compréhensive, le patronat s’est fait très
silencieux et les politiciens se sont portés comme toujours (pensons aussi aux cas récents d’Air
Canada et de Bombardier) à son secours. C’est la politique du «deux poids, deux mesures»: des
justifications pour les déboires du privé et des accusations pour tout ce qui est public. Quand des
pertes originent du public, le patronat et sa suite d’opportunistes réclament à cor et à cri la
privatisation, l’impartition, le démantèlement, etc. Mais, on ne réclame jamais la nationalisation
et et la réglementation lorsque les déboires proviennent du privé. On s’évertue alors à trouver des
excuses et on quémande encore plus de soutien financer de l’État.
Compréhension de la presse écrite
Prenons par exemple les titres des articles de journaux suivants qui sont plein de compréhension
pour les déboires de Bell, même si c’est la population canadienne qui devra payer la note finale.
Dans la prochaine section, vous verrez que la presse écrite a adopté une attitude différente dans le
cas des pertes beaucoup moindres et qui ont eu lieu pour une seule année, après plusieurs années
de résultats positifs, de la Caisse de dépôt et placement du Québec. Mais, que voulez-vous, les
arrivistes de tout acabit ont intérêt à cultiver la haine de notre solidarité et de nos instruments
collectifs car ils empocheront alors des milliards si on les privatisait.
S
«Un retour aux sources pour BCE» (La Presse, 26 juillet 2002, Michèle Boisvert,
éditorialiste). La même madame Boisvert adoptera toutefois une attitude pleine de
mépris pour la Caisse de dépôt. Vous verrez dans la prochaine partie de l’étude;
S
«La transformation d’un géant tranquille» (La Presse, 3 avril 1999, Richard
Dupaul, journaliste). Un géant pas tout à fait tranquille selon moi;
S
«Retour en force de BCE» (Journal Les Affaires, 22 février 2003, numéro spécial
sur BCE). Allô force!;
S
«Le recentrage de BCE» (Journal de Montréal, 29 juin 2002, Jean-Philippe
Décarie, chroniqueur). Le recentrage vous dites? Pour combien de temps et
combien ça va nous coûter?
26
Aucun de ces journalistes n’a vraiment été méchant envers les dirigeants de BCE et aucun n’a fait
état des tenants et aboutissants d’un point de vue critique des glissements économiques de
l’entreprise.
Le traitement médiatique de Jean C. Monty
Jean C. Monty fut président de Bell Canada Entreprises de 1998 à 2002 et, sous son règne,
l’entreprise a englouti des milliards de pertes dans des aventures de toutes sortes qui ont coûté
cher à la collectivité. Qu’à cela ne tienne, la presse écrite l’a traité en héros et il en est sorti avec
tous les honneurs et avec plein de fric. Jean-Claude Scaire et Michel Nadeau, les précédents
dirigeants de la Caisse de dépôt et placement du Québec et Claude Blanchet de la SGF, ont eu
droit à une toute autre médecine médiatique.
Premièrement, Jean C. Monty a eu droit à l’insigne honneur d’être nommé, pas une fois, mais
deux fois, la personnalité de la semaine de La Presse, soit le 16 novembre 1997 et le 21 mai
2000. Mieux vaut en rire, n’est-ce pas? Puis, le 6 août 1989, ce fut le tour de Jean De Grandpré,
ex-président de BCE, d’être affublé du prestigieux titre de la personnalité de la semaine à La
Presse. Cette brève énumération ne prétend pas être exhaustive. Il y en a probablement eu
d’autres.
Puis, que dire des titres émouvants de ces deux articles de journaux:
S
«Jean Monty s’investit dans les bonnes oeuvres» (Journal de Montréal, 5 octobre
2002, Maude Goyer, journaliste);
S
«Jean Monty, de BCE à la responsabilité sociale» (Les Affaires, 26 octobre 2002,
Suzanne Dansereau, journaliste).
Vraiment édifiant le sens critique de nos journalistes de la presse écrite. Voilà comment ils
concrétisent dans les faits l’adhésion au principe de la liberté de presse qui leur est si cher.
Jean C. Monty «s’investit» peut-être dans les bonnes oeuvres et dans la responsabilité sociale,
mais cela ne l’a pas empêché de passer à la caisse malgré le fiasco intégral de sa gestion chez
BCE, comme en fait foi le titre de ces articles de journaux:
S
«Jean Monty s’enrichit de 47 millions$» (La Presse, 1er avril 2000, Michel Girard,
journaliste);
S
«Jean Monty a reçu une prime de 1.34 millions$ à son départ de BCE» (Journal
de Montréal, 12 avril 2003, Presse Canadienne);
27
S
«Jean Monty ne part pas les mains vides» (La Presse, 30 avril 2002, Hélène Baril,
journaliste). Le monsieur va recevoir de la compagnie une rente de retraite
annuelle à vie de 2 millions de dollars pour ses précieux services rendus. Ça aussi,
c’est vous et moi qui allons payer. Parachute doré blindé pour les dirigeants du
privé et travail atypique déréglementé pour les employés ordinaires. Pour se payer
une telle pension de vieillesse, Monty a eu bien raison de vendre ses téléphonistes
à un sous-traitant américain qui les paie maintenant deux fois moins avec très peu
d’avantages sociaux.
Le silence complice du patronat et du politique
Quant au patronat et aux politiciens, avez-vous déjà vu passé une critique, si minime soit-elle,
dans les médias, sur les déboires de Bell et de ses dirigeants? Bien non, ils préfèrent s’attaquer à
nos instruments collectifs et à tout ce qui concerne l’État: santé, éducation, transport public, aide
sociale, pensions de vieillesse, régimes publics de rentes, d’assurance maladie et d’assurance
automobile, la Société générale de financement (SGF), la Caisse de dépôt, infrastructures
routières, systèmes d’aqueducs, la Régie du logement, Hydro-Québec, les fonctionnaires
municipaux et plus particulièrement les cols bleus de la ville de Montréal, etc.
28
6-
LE TRAITEMENT MÉDIATIQUE, PATRONAL ET POLITIQUE DE LA PERTE
ENCOURUE EN 2002 PAR LA CAISSE DE DÉPÔT : PLACE AU MÉPRIS ET
AUX ACCUSATIONS
Le traitement hystérique de la section éditoriale de La Presse
Faut surtout pas se surprendre du traitement déplorable de la section «éditorial» de La Presse et
de ses chroniqueurs, dont l’émérite Claude Picher, accordé aux pertes subies en 2002 par la
Caisse de dépôt et placement du Québec et aussi par les autres journaux détenus par Power Corp.,
dont Le Soleil de Québec, La Tribune de Sherbrooke, Le Nouvelliste de Trois-Rivières et Le
Quotidien au Saguenay. Comme Power Corp. est intensément présent dans le domaine des
services publics en général, ils font exactement la même chose en déblatérant continuellement sur
notre système de santé publique.
Et comme Power Corp. a aussi d’immenses intérêts dans les domaines de la planification à la
retraite, de l’assurance-vie, de la gestion de portefeuille et dans la planification financière
individuelle avec ses grosses filiales Investors, la financière Mackenzie, la Great West Life, la
London Life et maintenant Canada-Vie, il ne fallait pas s’étonner du traitement hystérique qu’ils
ont fait en 2003 sur le cas de la Caisse de dépôt et placement. La privatisation des pensions de
vieillesse publiques et des régimes de rentes publiques feraient bien leur affaire. Naturellement,
leur mercenaire préféré, Claude Castonguay, anciennement président du groupe d’assurances La
Laurentienne et de la Banque Laurentienne, à qui profiterait aussi le délestage public des
pensions de vieillesse et du régime des rentes du Québec, a eu droit à beaucoup «d’opinions»
dans La Presse pour dénigrer la Caisse de dépôt, comme il le fait si bien, dans le même quotidien,
à titre d’actionnaire et d’administrateur de compagnies pharmaceutiques, pour décrier notre
système de santé publique et préconiser sa privatisation. La venue de Raymond Garneau dans les
hautes sphères du Parti Libéral du Québec n’augure aussi rien de bon pour la Caisse de dépôt et
pour notre système de santé publique lui qui est administrateur de la société d’assurances et de
services financiers l’Industrielle-Alliance. Power Corp. avec toutes ses filiales n’est jamais trop
gros, la Caisse de dépôt et la santé publique beaucoup trop à leur goût.
Voici quelques exemples de textes, d’opinions et d’éditoriaux qui ont été consacrés à la Caisse de
dépôt par La Presse en seulement deux mois, soit les mois de mars et d’avril 2003. Faut le faire.
C’est carrément du délire et du mépris affichés par des porte-queues de Power et de La
Laurentienne, intéressés qu’ils sont par la privatisation, le démantèlement, le ratatinement et
l’impartition de nos instruments collectifs et de nos services publics. Ces personnes et ces
entreprises sont d’une malhonnêteté exemplaire. Même si c’est nous, avec notre argent, qui avons
payé et allons payer pour les gigantesques pertes répétées de Bell, ce fut dans ce cas le silence
complet dans La Presse et s’il y a eu quelque chose, ce fut pour défendre et justifier les gestes
posés par Bell et encenser les dirigeants de cette entreprise et surtout Jean C. Monty son exprésident. Vraiment pathétique. Voyons voir de plus près la couverture éditorialiste de La Presse
pour les mois de mars et d’avril 2003:
29
7 mars 2003 - La boîte aux lettres. «Caisse de dépôt: il faut une enquête»
Une enquête rien de moins. Pas chez Bell, mais à la Caisse de dépôt
et à la SGF. Pourquoi pas un enquête criminelle, un coup parti?
14 mars 2003 «Remise à jour» et le 25 avril 2003 «L’urgence d’agir». Deux
lénifiants éditoriaux de la très suave Michèle Boisvert.
Chez Bell, il n’y a pas de quoi fouetter un chat et il n’y a aucune
remise à jour à faire et aucune urgence d’agir. Seulement à la
Caisse de dépôt, bien évidemment. Vous vous souvenez, dans la
section précédente, la madame intellectuelle avait rédigé un
éditorial plein de compassion et de compréhension pour Bell et ses
dirigeants.
11 mars 2003 -
«Sauver la Caisse». L’éditorial d’André Pratte, le chef de la
section.
Sauver la Caisse, rien de moins. Pas sauver Bell, mais la Caisse de
dépôt. Et comment la sauver selon vous? Par la privatisation
complète ou partielle, voyons donc!
17 avril 2003 -
«Scinder la Caisse?», une opinion de Service Rémillard, exdirigeant de la Caisse.
Pas scinder Bell ou Power, mais la Caisse. Fallait y penser!
Vraiment génial, les mots me manquent.
Et maintenant, faisons place, comme La Presse lui en fait beaucoup, à l’honorable Claude
Castonguay, ex-président de la compagnie d’assurances La Laurentienne, de la Banque
Laurentienne et actuel actionnaire et administrateur de compagnies privées dans le domaine de la
santé. La Presse aime tellement Claude Castonguay qu’il a droit à son «opinion» hebdomadaire
dans le dit journal. Ses sujets de prédilection sont toujours la santé publique et la Caisse de dépôt.
En voici trois rédigés par Claude et publiés récemment dans «sa» Presse, dont le sujet fut
strictement consacré à la Caisse de dépôt:
20 septembre 2002 - «La fin du double mandat: la Caisse de dépôt doit cesser ses
interventions dans l’économie et se centrer sur son rôle de
gestionnaire de fonds»;
10 décembre 2002 -
«Caisse de dépôt: le débat continue. Le gouvernement et le conseil
d’administration ont aussi leur large part de responsabilité»;
11 mars 2003 -
«Le gâchis: les résultats de la Caisse de dépôt nous révèlent le pire
désastre financier dans l’histoire du Québec».
30
Mais, quelle ignorance crasse affichée par Claude Castonguay. Il aurait intérêt à lire notre étude
sur Bell et d’autres comme Nortel Networks, Téléglobe, Cinar, BreX, Bombardier, les
pétrolières, les pharmaceutiques, les banques, etc.
Et voici d’autres éditoriaux, opinions ou chroniques parus au mois de mars 2003, toujours sur la
Caisse de dépôt, dans d’autres journaux:
Journal Les Affaires
15 mars 2003 «Pourquoi ne pas mettre la Caisse de dépôt en concurrence».
Éditorial de Jean-Paul Gagné;
1 mars 2003 - «Diviser la Caisse en deux et miser d’abord sur le rendement». Opinion de
Jean-Luc Landry, gestionnaire de portefeuille.
Le Devoir
13 mars 2003 -
«La dérive de la Caisse». Chroniqueur de Gérard Bérubé.
Et une dernière avant de passer à une autre section, soit une importante «nouvelle», parue en
première page s’il-vous-plaît, du Devoir du 24 avril 2003, faisant suite à une conférence faite par
Jacques Ménard de la Banque de Montréal à la Chambre de commerce de Montréal, celui-là
même qui a été le cerveau dirigeant des Expos de Montréal pendant plusieurs années avec les
résultats que l’on connaît: «Le public réclame davantage de rigueur. Jacques Ménard plaide pour
une loi encandrant les nominations dans les sociétés d’État». Plus de rigueur et une loi, rien de
moins, pour le public seulement, cela va de soi bien évidemment. Pas pour le privé et surtout pas
pour Bell, voyons-donc. La rigueur est au privé un gêne naturel de même que leur auto-discipline
proverbiale.
En passant, juste comme ça, la Caisse de dépôt et placement du Québec a conservé, au mois de
mars 2003, et malgré sa perte affichée en 2002 et nonobstant toute cette merde médiatique, sa
cote AAA attribuée par l’Agence de notation de crédit américaine Standard & Poor’s qui est loin
d’être un organisme marxiste-lenniniste, croyez-moi.
On le répète, la principale cause de la perte de 8.5 milliards$ de dollars affichée par la Caisse de
dépôt en 2002 fut le résultat de la formidable débâcle boursière et des nombreuses fraudes
réalisées par des firmes privées américaines et canadiennes en 2001 et en 2002 et qui ont fait
perdre environ 7000 milliards de dollars aux investisseurs, aux employés, aux caisses de retraite
privées et à la collectivité. Quant à la perte subie par la Caisse de dépôt sur son investissement
dans Quebecor, il n’est que théorique et il faudrait tenir en ligne de compte les gains
économiques importants pour la collectivité, les employés et les entreprises d’ici d’avoir conservé
au Québec le contrôle juridique de Vidéotron. Si Vidéotron fut à ce point un si mauvais
31
placement, pourquoi alors la firme concurrente Rogers s’est-elle battue jusqu’à la dernière minute
pour l’acquérir?
Les gros titres répétés en première page de La Presse
En plus de ses multiples éditoriaux et opinions négatifs, La Presse a accordé, en première
page s’il-vous-plaît, de nombreux articles «flamboyants» au cours des mois de mars et
d’avril 2003 à notre Caisse de dépôt nationale:
6 mars 2003 - «Pertes de 8.5 milliards pour la Caisse en 2002»;
9 mars 200324 avril 2003-
«Dans l’aventure Vidéotron: la Caisse mange deux autre
milliards»;
«La Caisse a perdu la moitié de ses billes dans MGM»;
8 mars 2003-
«Caisse de dépôt: pire performance de l’histoire en vue»;
29 mars 2003- «Les travailleurs et les entreprises devront payer pour les déboires de la
Caisse».
Vraiment de l’acharnement médiatique. Naturellement, pour toutes les autres années précédentes
au cours desquelles la Caisse a affiché d’excellents résultats financiers et a fait mieux que les
autres caisses de retraite privées, rien, niet, kapout.
Le traitement de certains partis politiques
Naturellement, l’Action Démocratique du Québec (ADQ) et le Parti Libéral du Québec, qui sont
de farouches partisans de l’État-minimal et de furieux adeptes du privé partout et surtout dans les
services publics, ne pouvaient rater cette occasion en or, surtout en pleine période électorale, de
lâcher leur fou et leur dévolu sur la Caisse de dépôt, comme en font foi les titres de ces quelques
articles de journaux répertoriés encore une fois dans La Presse à Power Corp. et à ses filiales
Investors, Mackenzie, Great-West Life, London Life et Canada-Vie:
6 mars 2003 -
«Caisse de dépôt: l’ADQ mettrait un frein à l’interventionnisme»
16 mars 2003 -
«Jean Charest tient le premier ministre (Bernard Landry)
personnellement responsable des déboires de la Caisse»
17 mars 2003 -
«Dumont s’en prend à la “folie des grandeurs” de la Caisse»
30 mars 2003 -
«Caisse de dépôt: le PLQ revient à l’offensive»
Et à la folie des grandeurs et des déboires de Bell que nous allons tous devoir assumer, qui en est
responsable messieurs Charest et Dumont?
32
7-
CONCLUSION
Plus ça change, plus c’est pareil
Vous me permettez de reprendre, en première partie de ma conclusion, de larges extraits de celle
que j’avais rédigée en 1994 lors de ma première étude sur Bell Canada Entreprises. Depuis 1994,
les choses ne se sont pas améliorées mais se sont plutôt nettement détériorées.
Cette étude sur la plus importante compagnie canadienne de communications a démontré
clairement qu’il faut prendre avec un grain de sel les postulats et les dogmes creux et futiles,
avancés continuellement par certains ténors du secteur privé et par leurs meneuses de claques
attitrées prêchant abondamment la supposée efficacité, efficience, compétence, etc. du privé par
rapport au public. Lorsque BCE s’hasarde à l’extérieur de son monopole pépère qui lui assure
une rente à perpétuité, il fait «dur» et fait pire que le public. Il ne faut point oublier que ces pertes
de 47 milliards$ subies au cours des quatorze dernières années par BCE dans des activités
connexes aux télécommunications canadiennes seront refilées aux abonnés de Bell Canada, la
vache à lait du holding financier. Dans les faits, ces pertes de 47 milliards de dollars ont été
défrayées à même les surplus accumulés antérieurs fournis par les consommateurs. Comme les
dividendes versés aux actionnaires ont continuellement augmenté depuis quatorze ans ainsi que
les somptueux salaires consentis à la haute direction, l’on peut dire que ce sont les contribuables,
les consommateurs et les employés de Bell qui ont fait et qui feront les frais de ce fiasco. Depuis
1985, les dirigeants de BCE ont acquis au gros prix (achalandage exorbitant) des compagnies qui
se sont avérées, quelques années plus tard, être des gouffres financiers.
Si ces pertes considérables avaient été subies par une société d’État, les médias et les gourous du
secteur privé l’auraient dénoncées à grands cris et auraient fait valoir l’incompétence notoire de
la fonction publique. N’oublions pas que BCE n’a de privé que le nom. Dans les faits, elle relève
bien plus du public que du privé. Rappelons-nous que la perte de la Caisse de dépôt subie en
2002 a été couverte de long et en large par les médias. Et cette couverture médiatique relevait
carrément du mépris comme nous l’avons exposé dans notre étude. Par contre, les pertes de 47
milliards$ encourues par BCE ont eu peu d’écho dans la presse écrite et parlée, de même que les
déductions fiscales que les contribuables canadiens et québécois devront défrayer.
Comme nous l’avons signalé plus haut, ces 47 milliards$ de pertes englouties ailleurs que dans
les télécommunications au Canada proviennent des poches des abonnés du téléphone d’ici qui lui
ont versés ces sommes au cours des soixante dernières années. Il aurait été nettement préférable
de faire comme dans d’autres pays qui ont confié le monopole du téléphone à une société d’État.
Il en aurait résulté une répartition plus équitable des ressources du pays en général et du Québec
en particulier. Il est à souhaiter que ces résultats désastreux générés par BCE appelleront les
dirigeants de BCE à un peu plus de retenue et de modestie dans leurs comportements et dans
leurs déclarations. Et dire que Jean C. Monty, ex-président de BCE va recevoir une rente de
retraite annuelle de 2 millions de dollars jusqu’à la fin de ses jours pour ses «précieux services
rendus». C’est ainsi que le privé concrétise ses concepts d’imputabilité et de rémunération au
33
rendement dont il louange tant les vertus intrinsèques.
Pour un partenariat public-privé du service public du téléphone résidentiel
J’espère que les faits démontrés dans notre étude de recherche en convaincront certains de
l’urgence d’instaurer un partenariat public-privé pour ce service public de base pour le mieux-être
de la très grande majorité de la population, que ce soit à titre de consommateurs, de petites et
moyennes entreprises, de contribuables, d’employés, des régions, etc. Nous avons eu le courage
de faire dans les années soixante la nationalisation d’Hydro-Québec avec les succès retentissants
qui s’ensuivirent: baisse de plus de la moitié des tarifs d’électricité, tarifs uniformes partout au
Québec, importants investissements faits dans la province, traitement correct des employés,
apports financiers considérables annuels versés par Hydro-Québec dans les coffres du
gouvernement du Québec, énormes déboursés en recherche et développement effectués ici au
Québec, nombreux et lucratifs contrats accordés à des firmes d’ici, dont de nombreuses petites et
moyennes entreprises, aucune subvention reçue par Hydro-Québec des gouvernements comme
c’est le cas pour le privé qui en exige toujours plus pour quoi que ce soit (recherche,
investissements, formation, exportations, etc.), les plus bas tarifs résidentiels d’électricité au
monde (généralement plus de deux fois moins élevés qu’aux États-Unis), présence aux Québec
de nombreux investissements étrangers grâce à Hydro-Québec, etc.
C’est par le biais d’instruments collectifs que le peuple du Québec peut vraiment afficher sa
souveraineté face aux pays étrangers et aux multinationales d’ici et d’ailleurs qui ne se
reconnaissent qu’une seule responsabilité, soit l’enrichissement de leurs actionnaires et de leurs
dirigeants. Servir l’intérêt supérieur de la collectivité passe par le renforcement de nos services
publics, de nos instruments collectifs et de l’État, et non le contraire. Au nom de quel a priori ne
devrions-nous pas être collectivement présents dans ce que nous jugeons du meilleur intérêt de
l’ensemble de la population? Il ne peut y avoir de souveraineté politique, culturelle et sociale sans
une souveraineté économique digne de ce nom.
Je le sais trop bien, suggérer de nos jours la nationalisation de quelque service public que ce soit,
fait de vous un arriéré, un farfelu, un communisme, un jaloux, un bouffon, etc. Quoi qu’il en soit,
la solution qui ressemblera la majorité, surtout le patronat et les partis politiques, et que je fais
mienne, est la mise en place d’un partenariat public-privé pour le service public du téléphone
résidentiel dans lequel l’État détiendra une participation suffisante de la nouvelle entité lui
permettant d’influer sur le processus décisionnel. Face à la solution actuelle inacceptable du privé
total avec tous ses effets pervers, le partenariat public-privé que je propose, de même que le
patronat et les partis politiques, du moins en principe, fera consensus à coups sûrs. Le partenariat
public-privé, tel qu’avancé par le patronat et les partis politiques, n’est pas, du moins je l’espère,
un concept à sens unique, c’est-à-dire toujours orienter du public vers le privé. De plus, les
dirigeants de Bell seront emballés par notre recommandation, eux qui prétendent opérer à perte
depuis toujours le service résidentiel. Ainsi, ils seront libérés d’un véritable boulet économique, à
moins que l’on ne nous ai pas dit la vérité.
34
La propriété étrangère de Bell
«BCE aimerait voir disparaître les règles de propriété étrangère», tel fut le titre de l’article de
journal du 19 février 2003 paru dans La Presse. Mais quel projet de société grandiose! Comme si
nous n’étions pas assez colonisé déjà, enfonçons-nous encore un peu plus dans cette voie au
profit des seuls actionnaires de Bell, de ses dirigeants et des investisseurs étrangers. Et croyezmoi, la vente de ce service public à des intérêts américains se concrétisera dans le futur comme ce
fut le cas pour plusieurs autres entreprises d’ici, entre autres, dans les domaines du pétrole, du gaz
naturel, de l’assurance, de la pharmacologie, etc. Déjà que plus de 85% de nos exportations sont
dirigés vers les États-Unis et que les multinationales américaines détiennent des milliers
d’entreprises canadiennes, il faut obligatoirement, face au comportement actuel et passé
impérialiste et terroriste des États-Unis, prendre nos distances et réduire notre dépendance face à
ce pays et non s’enfoncer toujours plus dans les griffes de l’empire américain.
Comment le lobby de Bell réussira-t-il à convaincre Ottawa, que vous demandez? Et bien
prenons cet extrait d’un article paru dans La Presse du 7 septembre 2001 intitulé: «Le conseiller
en éthique prié d’enquêter sur le “cadeau” de BCE au premier ministre: Selon Démocratie en
surveillance, BCE et ses filiales de Bell Canada ont à eux seuls quelques 16 lobbyistes sur la
colline parlementaire à Ottawa, dont 11 sont directement actifs auprès du Conseil privé, donc
auprès du cabinet du premier ministre».
Bell menace de quitter le Québec
Même si Bell s’enrichit copieusement à nos dépens depuis toujours à même un service public,
cela n’a pas du tout empêché les dirigeants de cette entreprise de menacer de quitter la province
dans l’éventualité de la souveraineté du Québec (Journal de Montréal, 8 mai 1996). La
souveraineté du Québec, une aspiration collective nécessaire pour notre émancipation, fait peur à
tous nos aventureux hommes d’affaires, même s’ils prétendent avoir le goût inné du risque,
qualité première de tout entrepreneur. Même l’infime Charles Sirois, qui à titre de président de
Téléglobe, a mené cette entreprise à la faillite, avait fait la même menace en 1996, comme en fait
foi le titre de cet article du Journal de Montréal du 9 mai 1996, soit un jour après le chantage de
Bell intitulé: «Après le président de BCE: Charles Sirois menace lui aussi de sortir Téléglobe de
Montréal».
N’avons-nous pas un minimum de fierté? L’élémentaire dignité collective face à ces menaces de
quitter le Québec et de vendre ce service public du téléphone résidentiel à des étrangers,
devraient nous convaincre du bien fondé de nationaliser cette entreprise, pardon d’instaurer un
partenariat public-privé, le plus vite possible avant qu’il ne soit trop tard. En aurons-nous le
courage, où préférons-nous l’exploitation, la soumission et le chantage?