bell canada entreprises (bce) des frasques de 47$ milliards
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BELL CANADA ENTREPRISES (BCE) ANALYSE SOCIO-ÉCONOMIQUE 1989 - 2002 : 14 ans DES FRASQUES DE 47$ MILLIARDS: ET C’EST DE NOTRE ARGENT QU’IL S’AGIT LÉO-PAUL LAUZON, Doctorat en sciences de la gestion (Grenoble), M.B.A., C.A., C.M.A. Titulaire de la Chaire d’études socio-économiques et professeur au département des sciences comptables de l’Université du Québec à Montréal JUIN 2003 CHAIRE D’ÉTUDES SOCIO-ÉCONOMIQUES Université du Québec à Montréal Case postale 8888 Succursale Centre-Ville Montréal, Québec H3C 3P8 Téléphone: (514) 987-3000 poste 7841# Télécopieur: (514) 987-0345 Courriel: [email protected] Site internet: http://www.unites.uqam.ca/cese Chaire d’études socio-économiques, juin 2003 Toute reproduction de cette étude en totalité ou en partie est formellement interdite sans l’autorisation écrite de la Chaire d’études socio-économiques PRÉSENTATION DE L’ÉTUDE Ce document a été rédigé par Léo-Paul Lauzon, professeur au département des sciences comptables de l’Université du Québec à Montréal et titulaire de la Chaire d’études socioéconomiques. Sa rédaction et sa publication ont été financées à même les fonds de recherche de la Chaire d’études socio-économiques. Aucune subvention n’a été reçue de groupes communautaires, syndicaux ou de tout autre groupe pour produire cette étude. L’auteur tient à remercier Martine Lauzon, agente d’administration à la Chaire, pour le travail de dactylographie, de révision du texte et d’entrées de données. Il tient également à remercier Sami Oueslati et Marc Hasbani, chercheurs à la Chaire, pour la révision du texte. Les idées et opinions exprimées dans ce texte n’engagent que l’auteur. TABLE DES MATIÈRES SECTION SUJET ABORDÉ 1 S S S INTRODUCTION Méthodologie de la recherche.......................................................... Vérification du postulat de l’efficacité supérieure du privé: traitement des cas de Bell Canada Entreprises et de la Caisse de dépôt et placement du Québec..................................... Le service résidentiel d’ici: la poule aux gros oeufs d’or de Bell.............................................................................................. Pour un partenariat public-privé du service résidentiel................... 2 S S S S S PROFIL DE L’ENTREPRISE Profil général de l’entreprise........................................................... Organigramme de l’entreprise......................................................... Profil détaillé de l’entreprise........................................................... Mondialisation et ventilation géographique des ventes de Bell...... Le service résidentiel: la vache à lait de Bell.................................. 3 S S DÉTAIL DU COÛT TOTAL DES FRASQUES DE 46.8$ MILLIARDS DE BCE Aperçu général................................................................................. 7 Immobilier - Radiation de la participation dans BCE Development et dans Daon Development....................................... 11 Immobilier - Perte sur vente à Carena Development de l’investissement dans BF Realty et de sa filiale Brookfield........... 11 Génie informatique - Radiation partielle de l’investissement dans Kinburn Technology et SHL Systemhouse............................. 11 Services financiers - Acquisition et vente de Montréal Trustco...... 12 Fabrication d’équipements de télécommunications: Nortel Networks - Constitution d’une provision pour restructuration en 1989............................................................................................. 13 Fabrication d’équipements de télécommunications: Nortel Networks - Enregistrement de charges spéciales en 1993................ 13 • Programme de restructuration............................................ 13 • Programme relatif aux logiciels......................................... 13 • Réévaluation de l’achalandage........................................... 14 Général - Frais de restructuration, de transformation et autres......... 14 Téléglobe et Excel Communications................................................ 15 S Vente et rachat d’une participation de 20% dans Bell Canada S S S S S S S S PAGE 1 1 1 2 3 3 4 5 6 à SBC Communications, USA......................................................... 16 S S S S 4 S S S S 5 S S S S 6 Diverses filiales - Provision pour pertes, restructurations et réductions d’achalandage............................................................. Portail internet Sympatico - Réduction du placement..................... Gain infime à la vente des filiales TransCanada Pipelines et Encor....................................................... Nortel Networks - Le cadeau empoisonné....................................... 18 18 18 19 COÛT FISCAL DE 10.1 MILLIARDS$ DES FRASQUES DE BCE POUR LES CONTRIBUABLES Aperçu général.................................................................................. 20 Coût fiscal des déboires de Téléglobe.............................................. 23 Déduction fiscale des pertes et non-imposition des gains: la vente des annuaires....................................................................... 23 Pas d’impôt à payer aussi sur la vente des actions de Nortel Networks................................................................................ 23 LE TRAITEMENT MÉDIATIQUE, PATRONAL ET POLITIQUE DES FRASQUES DE BELL: PLACE À LA COMPASSION ET AUX JUSTIFICATIONS Aperçu général.................................................................................. 24 Compréhension de la presse écrite................................................... 24 Le traitement médiatique de Jean C. Monty.................................... 25 Le silence complice du patronat et du politique............................... 26 S S S LE TRAITEMENT MÉDIATIQUE, PATRONAL ET POLITIQUE DE LA PERTE ENCOURUE EN 2002 PAR LA CAISSE DE DÉPÔT: PLACE AU MÉPRIS ET AUX ACCUSATIONS Le traitement hystérique de la section éditoriale de La Presse......... 27 Les gros titres répétés en première page de La Presse...................... 29 Le traitement de certains partis politiques........................................ 30 7 CONCLUSION S S S S Plus ça change, plus c’est pareil....................................................... Pour un partenariat public-privé du service public du téléphone résidentiel........................................................................ La propriété étrangère de Bell.......................................................... Bell menace de quitter le Québec..................................................... 31 32 32 33 TABLEAUX I Pertes subies avant impôts par Bell (BCE) de 1989 à 2002 - 14 ans............................................................................... 8 II Coût fiscal estimatif des pertes subies par Bell (BCE) de 1989 à 2002 - 14 ans................................................................................ 21 1 1- INTRODUCTION Méthodologie de la recherche Cette étude sur Bell Canada Entreprises (BCE) est la deuxième menée par l’auteur. La première fut rédigée au mois d’avril 1994 et portait sur l’analyse et l’interprétation des activités de la firme au cours des années 1983 à 1992. Pour les deux études, nous nous sommes servis des états financiers de l’entreprise. Nos travaux de recherche sont donc factuels et objectifs, en ce sens qu’ils reposent sur l’étude de phénomènes passés tels que décrits dans les rapports annuels mêmes de BCE. Toutes les données financières de notre étude ont été ramenées en dollars constants, indexés ou millésimés de l’an 2002. La présente étude couvre une période de 14 ans, soit de 1989 à 2002 inclusivement. La formation comptable et l’expérience pratique de six ans en cabinets d’experts comptables de l’auteur, dont trois ans passés chez Deloitte & Touche, lui furent fort utiles afin de décortiquer, de déchiffrer et de décoder les acrobaties et les artifices comptables pratiqués par les dirigeants de l’entreprise afin de rendre intentionnellement l’analyse des états financiers plus ardue et, à l’occasion, de gonfler artificiellement les résultats d’exploitation et de l’actif total de la firme. Les rapports annuels de BCE sont loin d’être un modèle de transparence et d’imputabilité, pourtant un principe si cher au privé. Vérification du postulat de l’efficacité supérieure du privé: traitement des cas de Bell Canada Entreprises et de la Caisse de dépôt et placement du Québec À partir du cas de la plus grande entreprise canadienne de communications, nous testerons par des faits réels et non par des dogmes non démontrés, l’efficacité supérieure postulée du privé sur le public. Comme dans biens d’autres cas, nous verrons que les prétentions ne résistent pas du tout à l’analyse objective des faits. L’auteur fera aussi le parallèle entre le traitement plein de compréhension accordé aux frasques de 47 milliards$ de Bell et de ses dirigeants par les politiciens, les médias et leurs journalistes, chroniqueurs et éditorialistes ainsi que le silence complice du patronat et de leurs économistes de tous genres que nous comparerons ensuite au traitement hystérique et rempli de mépris accordé à la perte de 8.5 milliards$ subie par la Caisse de dépôt et placement du Québec en 2002. Pourtant, les pertes de Bell furent cinq fois plus grandes que celles encourues par la Caisse de dépôt et se répètent à chaque année depuis 1983 alors que la Caisse de dépôt a connu des résultats impressionnants par le passé. Il n’a fallu qu’une mauvaise année financière de la Caisse de dépôt, dont les pertes sont principalement dues à la chute du marché boursier et sans que l’on prenne en considération que la perte économique subie sur son placement dans Quebecor n’est que sur papier seulement et sans que l’on quantifie les importants avantages socio-économiques pour le Québec et ses commettants de conserver le contrôle juridique dans notre province d’une firme aussi importante que Vidéotron et de ses filiales, comme entre autres, Télé-Métropole. Mais non, pour les gaffes effectuées dans le privé il y a toujours des justifications rationnelles et pour certaines erreurs commises par les gouvernements et leurs organismes publics il n’y a de place que pour des accusations souvent gratuites et intéressées des profiteurs et de leur suite afin de réclamer à hauts cris la privatisation. Pourtant, quoiqu’on en dise et surtout que l’on ne dit pas, dans les deux cas, ce sont les contribuables qui font les frais de tous ces écarts économiques. 2 Le service résidentiel d’ici: la poule aux gros oeufs d’or de Bell Nous verrons qu’à chaque fois que Bell Canada Entreprises est sortie, ici et ailleurs dans le monde, de son confortable créneau réglementé du téléphone résidentiel et de ce qui s’ensuit, les résultats ont été tout simplement catastrophiques. Payer environ entre vingt-cinq et trente dollars par mois pour une ligne de téléphone résidentiel, alors qu’aucun service n’est fourni et que le réseau de lignes téléphoniques est amorti depuis belle lurette, c’est carrément un vol institutionnalisé, qu’on se le dise une fois pour toutes. Et dire que plusieurs nous ont répété ad nauseam dans le passé que c’était l’interurbain qui finançait le résidentiel. Quelle farce grotesque! D’ailleurs, les dirigeants de Bell s’avisent bien de nous fournir aucun détail sur la rentabilité véritable du service résidentiel dans leurs rapports annuels. Ils préfèrent, de pair avec leurs mercenaires de tout acabit et avec l’assentiment des organismes réglementaires, tel que le CRTC, nous mentir à tour de bras sur la profitabilité réelle du résidentiel afin d’augmenter inlassablement leur tarif mensuel et nous arnaquer chaque fois un peu plus. Je l’ai déjà dit et je le réitère, il faudrait, pour le mieux-être de la majorité, instaurer un partenariat public-privé dans le cas du téléphone résidentiel. Pour un partenariat public-privé du service résidentiel Je le sais trop bien, dans ce courant idéologique du démantèlement de l’État, de la privatisation, de la déréglementation, de la défiscalisation, de la désyndicalisation, etc., suggérer la nationalisation, même avec des chiffres à l’appui, relève pour certains de la provocation, de la folie furieuse, de la pensée magique. Par contre, ceux qui suggèrent l’État minimal, la privatisation, la défiscalisation, la désyndicalisation et la déréglementation, toutes des mesures qui ne profitent qu’à une minorité d’opportunistes et de nantis, comme les mesures suggérées par le patronat et leurs organismes de recherche; par les partis politiques comme le parti Libéral du Québec et l’Action Démocratique du Québec; par les médias et leurs chroniqueurs, leurs éditorialistes et certains de leurs journalistes, tout cela représente à leurs yeux des mesures, un discours et des initiatives courageuses, modernes, incontournables, rafraîchissantes, intelligentes et relevant tout naturellement du gros bon sens. En bon rassembleur, et en bon modéré que je suis, je recommande une solution mitoyenne entre la nationalisation complète et le privé intégral actuel, soit l’instauration d’un partenariat publicprivé du service résidentiel de Bell Canada dans lequel l’État détiendrait une participation juridique suffisante de la nouvelle entité lui permettant d’avoir une influence certaine dans le processus décisionnel. Une telle structure soulèvera à coups sûrs l’enthousiasme et recevra l’assentiment du patronat et des partis politiques qui plaident continuellement en faveur du concept de partenariat public-privé. Pour une fois, je ferai l’unanimité, sauf pour certains groupes d’extrême gauche qui trouveront ma proposition beaucoup trop à droite. 3 2- PROFIL DE L’ENTREPRISE Profil général de l’entreprise Voici comment se décrit l’entreprise Bell Canada Entreprises (BCE) dans son rapport annuel 2002: BCE est la plus grande société de communications au Canada. Par le truchement du secteur Bell Canada, elle fournit des services téléphoniques locaux et interurbains, de communications sans fil, d’accès à Internet, de données, de télévision par satellite et d’autres services à des clients de résidence et d’affaires, grâce à ses 25 millions de connexions clients. BCE rejoint des millions de personnes chaque jour par l’intermédiaire de Bell Globemedia Inc., une entreprise canadienne prépondérante dans le domaine des médias qui comprend CTV Inc., le premier radiodiffuseur privé du Canada, et The globe and Mail, le quotidien national numéro un au pays. BCE fournit également des services d’affaires électroniques par l’entremise de BCE Emergis Inc. Le pivot de BCE est le secteur Bell Canada, qui représentait 88% de ses produits d’exploitation et 100% de son bénéfice net en 2002. Bell Globemedia et BCE Emergis représentaient en 2002 une part respective de 6% et de 2% de ses produits. Aux fins de la gestion, toutes les autres activités de BCE sont regroupés dans le secteur BCE Investissements qui a contribué à 4% de ses produits totaux en 2002. Organigramme de l’entreprise L’organigramme de BCE Inc. est le suivant au 31 décembre 2002: BCE Secteur Bell Canada Bell Canada 100% Bell Globemedia 70% Globe and Mail 100% BCE Emergis 65% BCE Investissements CGI 32% 4 Bell ExpressVu 100% CTV 100% Télésat 100% Aliant 53% Profil détaillé de l’entreprise À la lecture de l’organigramme de la firme, nous sommes à même de constater que: BCE exerce ses activités au sein de quatre secteurs d’exploitation: le secteur Bell Canada, Bell Globemedia, BCE Emergis et BCE Investissements. Secteur Bell Canada - fournit des services de communication à une clientèle de résidence et d’affaires. Ce secteur est le principal fournisseur canadien de services de transmission de la voix et de données sur fil et sans fil, de services d’accès à internet haute vitesse et sans fil, de services de télévision par satellite et de services IP/large bande. Il a de plus fourni des services d’annuaires imprimés et électroniques jusqu’à ce qu’il vende ces activités en novembre 2002. Ce secteur représente la consolidation de La Société de Portefeuille Bell Canada Inc. (BCH) avec Bell Canada, ses filiales consolidées et d’autres entités. Ces dernières comprennent Bell Mobilité, BCE Nexxia, Bell ActiMedia, Bell Distribution inc., Certen Inc., une participation de 53% dans Aliant Inc., une participation de 60% dans Bell West et la Société en commandite Bell ExpressVu. Bell Globemedia - fournit des services d’information et de divertissement à des clients canadiens. Ce secteur représente la consolidation de CTV, de The Globe and Mail, de Bell Globemedia Interactive et des autres participations dans les médias. BCE détient 70.1% de Bell Globemedia, tandis que The Thomson Corporation en détient 20% et The Woodbridge Company Limited, 9.9%. BCE Emergis - fournit des services d’affaires électroniques qui automatisent les transactions interentreprises et leur permettent 5 d’interagir et d’effectuer des transactions en temps réel. Elle se spécialise dans le traitement de réclamations, la présentation électronique de factures et les services de paiement dans les secteurs des services financiers et de la santé. BCE détient environ 65% de BCE Emergis, le reste des actions ordinaires étant détenu par le public. BCE Investissements - reflète les participations de BCE dans Télésat Canada et Groupe CGI et d’autres placements. Mondialisation et ventilation géographique des ventes de Bell Le secteur privé canadien a beau se gargariser du concept siroteux de la mondialisation, souvent pour justifier des mises à pied, des baisses d’impôts et de taxes, des privatisations, de la déréglementation, de la sous-traitance, etc, et BCE a beau clamer qu’elle est la plus grande société canadienne de communications mais, dans les faits, les firmes canadiennes si elles jouent au gros ici, elles se font fort discrètes ailleurs, étant quasi-absentes en Europe occidentale et très peu visibles en Asie, en Afrique et en Amérique latine à moins que l’État canadien les accompagnent et les soutiennent. Les ligues majeures en économie sont pour les firmes européennes et américaines et les ligues de garage pour... En 2002, sur des produits d’exploitation consolidés totaux de 19.8 milliards$ de Bell Canada Entreprises, 95% (18.8 milliards$) ont été réalisés au Canada, 4% aux États-Unis et un gros 1% ailleurs dans le monde. Voilà pour la mondialisation servie à la sauce du patronat canadien. D’ailleurs, en 2002, BCE a liquidé sa filiale Bell Canada International et a vendu au cours des dernières années ses placements étrangers comme Telecom Américas, Jones Intercable, Cable & Wireless Communications, KG Telecommunications, Phone Com, Clear Communications, etc. Elle s’est sortie, et les concurrents l’ont sortie, de l’Amérique latine, de l’Asie, du Moyen-Orient et de la vieille Europe. Pourquoi se frotter à la farouche concurrence à l’étranger lorsque l’on peut opérer tranquillement dans un monopole lucratif au Canada? 6 Le service résidentiel: la vache à lait de Bell Dans son rapport annuel 2001, les dirigeants signalent clairement que Bell détient 96% du marché local du service résidentiel. Allô ouverture à la concurrence et allô marché avec ses lois économiques dites naturelles. Faut plutôt parler d’un véritable monopole privé. Voici la ventilation des ventes de 2002 par branche d’activités pour le seul secteur Bell Canada: Ventes (En milliards) (En pourcentage) 6.2$ 35.4% Services interurbains 2.6 14.9 Services sans fil 2.2 12.6 Services de données 3.8 21.7 Services de radiodiffusion par satellite 0.6 3.4 Autres 2.1 12.0 17.5$ 100.0% Services locaux En 1993, les services locaux totalisaient 37% des ventes totales. Et, n’oublions pas que le service de téléphone résidentiel de Bell aide à stimuler fortement les ventes de plusieurs produits et services connexes, dont l’interurbain entre autre. Dire qu’en 1992, le coût mensuel d’un téléphone résidentiel était de 13.70$ à plusieurs endroits au Québec et en Ontario (Recto-Verso, novembre-décembre 1997) alors que ma dernière facture de Bell fait état d’un tarif de base de 29.61$ (mars 2002) et de 34.00$ après TPS et TVQ pour un téléphone résidentiel à Ste-Marguerite dans les Laurentides. Du vrai vol à l’exposant «N». Comme si cette arnaque institionnalisée n’était pas assez, les dirigeants de Bell en ont rajouté encore plus lors de leurs audiences d’avril 2000 devant le CRTC en disant le plus sérieusement du monde que: «au chapitre du service de résidence, les clients de Bell ne paient que 76% du coût réel des services de base» (Le Devoir, 1 avril 2000, «Bell demande une hausse de ses tarifs résidentiels»). Si le téléphone résidentiel est si déficitaire, pourquoi alors ne liquident-ils pas cette division et ne ferment-ils pas la «shop»? Et pourquoi ont-ils racheté en 2002, au gros prix (6,32 milliards$) s’il-vous-plaît, la participation de 20% que détenait la firme américaine SBC Ameritech dans Bell Canada? Messieurs, serait-il possible d’être plus subtil dans vos énormités et 7 d’arrêter de nous prendre pour des caves? 3- DÉTAIL DU COÛT TOTAL DES FRASQUES DE 46.8 MILLIARDS$ DE BCE Aperçu général Les pertes totales de 46.8 milliards$ encourues par Bell Canada Entreprises (BCE) au cours des 14 dernières années (1989-2002) sont conservatrices et n’incluent pas les flops retentissants comme le système de communications Alex et le retrait de BCE de plusieurs pays et de certaines activités. Ces pertes de 46.8 milliards$ subies durant les 14 dernières années dans toutes sortes d’aventures aussi loufoques les unes que les autres, allant de Bell Canada International à Téléglobe, de Montréal Trustco à Nortel Networks, de TransCanada Pipelines à Excel, de l’immobilier au génie informatique, de la vente et du rachat de sa participation de 20% dans Bell Canada à SBC Ameritech, de Bell Globemedia à Alex, etc., représentent une moyenne annuelle de 3.3 milliards$. Qui dit mieux? Le tableau I qui suit fournit en détail la nature, l’année et le coût de chacune des pertes encourues qui seront expliquées par la suite. Plusieurs de ses stratégies de diversification ratées furent très éphémères comme dans les cas de l’immobilier, des services financiers, du pétrole et du gaz, de l’international avec Bell Canada International, de la vente et du rachat d’une participation de 20% dans Bell Canada à SBC Ameritech, de Téléglobe, d’Excel, etc. 8 TABLEAU 1 PERTES SUBIES AVANT IMPÔTS PAR BELL (BCE) DE 1989 À 2002 - 14 ANS (En millions de dollars canadiens) Année de la perte 1989 Secteur d’activités Année d’acquisition Année de liquidation Immobilier - BCE Development et Daon Development 1985 1989 Radiation de l’investissement 1993 Dollars constants de 2002 610$ 830$ 700 826 1310 1656 403 536 Immobilier - BF Realty Holding et Brookfield Perte sur vente à Carena Developments 1990 Dollars d’origine 1990 1993 Génie informatique Kinburn Technology et SHL Systemhouse Radiation partielle de l’investissement 1988 - 9 1993 Services financiers Montréal Trustco Perte sur vente à la Banque Scotia 1989 1993 611 721 - 2000 242 329 - 2000 1479 1745 1721 2074 Nortel Networks 1989 1993 Année de la perte Frais de restructuration Frais de restructuration, programme de logiciels et réduction de l’achalandage Secteur d’activités Année d’acquisition Année de liquidation Dollars d’origine Dollars constants de 2002 Général - Frais de restructuration, de transformation et autres 1997 “ ” 1181 1323 1998 “ ” 654 726 1999 “ ” 490 534 2001 “ ” 1177 1224 2002 “ ” 887 887 4389 4694 Téléglobe et Excel Communications 2001 Radiation du placement dans Excel 2002 Radiation du placement dans Téléglobe 1998 2001 4600 4784 2000 2002 8061 8061 10 12661 12845 1220 1220 5472 5472 6692 6692 Vente et rachat d’une participation de 20% dans Bell Canada à SBC Communications, USA 2002 2002 Perte sur vente (5.1 milliards$) et rachat (6.32 milliards$) 1999 2002 Achalandage de consolidation comptabilisée en 2002 lors du rachat à radier car aucune justification économique et comptable Diverses filiales - Provision pour pertes, restructuration et radiations d’achalandage 1993 Télésat 100 118 1997 Diverses filiales non précisées 3602 4034 1999 Iridium, Sky View Media et BCI 78 85 2001 Bell Canada International (BCI) 2002 247 257 2002 Bell Canada International (BCI) 2002 316 316 2002 BCE Emergis 170 170 2002 Bell Globemedia 1493 1493 2002 Alliant 55 55 6061 6528 Dollars d’origine Dollars constants de 2002 560 560 (138) (163) Année de la perte Secteur d’activités 2002 Portail internet Sympatico Réduction du placement 1993 Année d’acquisition Année de liquidation TransCanada Pipelines (transport de gaz naturel) Gain insignifiant sur vente du placement 1983 1993 11 1993 Encor (producteur de pétrole et de gaz naturel) Gain insignifiant sur vente du placement 1987 1993 Sous-total du coût économique des frasques de Bell et de ses dirigeants 2000 (39) (46) (177) (209) 34231 36097 10114 10721 44345 46818 Nortel Networks Perte comptable seulement (inscrit aux bénéfices non répartis de BCE) du cadeau empoisonné largué par Bell à ses actionnaires. La perte économique est évidemment plus importante Grand total du coût des nombreuses erreurs stratégiques commises par les dirigeants de Bell et assumées par l’entreprise, les actionnaires, les employés, les consommateurs et les gouvernements - 2000 12 Immobilier - Radiation de la participation dans BCE Development et dans Daon Development Au premier trimestre 1985, BCE Inc. a acquis une participation de 65% dans Corporation d’Aménagement Daon. L’importance de son portefeuille d’immeubles commerciaux lui confère alors un statut digne des plus importantes entreprises dans le secteur de l’immobilier. En février 1986, les actionnaires ont approuvé la nouvelle raison sociale de la compagnie, à savoir Corporation de Développement BCE (BCED). En raison des pertes importantes et répétées, d’une réduction de la valeur des biens immobiliers de BCED, et seulement quatre ans après son investissement original, BCE inc. a décidé, au 31 décembre 1989, de mettre fin à ses activités immobilières commerciales. Cette décision s’est concrétisée par une radiation de sa participation dans les actions ordinaires de BCED pour un montant s’élevant à 830 millions$. Immobilier - Perte sur vente à Carena Developments de l’investissement dans BF Realty et de sa filiale Brookfield En janvier 1990, BCE Inc. a conclu une entente avec Carena Developments Limited afin de faciliter la mise en oeuvre d’une restructuration de BF Realty Holding. L’entente prévoyait que les deux compagnies impliquées pouvaient effectuer des versements pouvant atteindre 455 millions$ chacune. De 1989 à 1992 respectivement, le montant total des placements de BCE Inc. dans BF Realty et de sa principale filiale, Brookfield est passé de 306 millions$ à 601 millions$. Début décembre 1993, BCE inc. a mis définitivement fin à ses activités dans le domaine de l’immobilier commercial en se départissant de BF Realty et de la Corporation de Développement Brookfield. En vendant le tout à Carena Developments, Bell subit alors une lourde perte de 826 millions$. Génie informatique - Radiation partielle de l’investissement dans Kinburn Technology et SHL Systemhouse Kinburn Technology et SHL Systemhouse sont des entreprises qui oeuvrent dans le secteur de génie informatique. SHL Systemhouse était la filiale de Kinburn Technology. En 1988, BCE a vendu à Kinburn les entreprises Rolph-Clark-Stone Packaging, Services technologiques Bell et Les Distributeurs d’Innovations en Informatique Inc. en acceptant en contrepartie des billets de Kinburn Technology. BCE avait acquis également un droit d’option en vertu duquel elle pouvait obtenir un taux de participation de 49% à l’issue d’une période de cinq ans. À la clôture de l’exercice 1989, la 13 valeur comptable du placement dans Kinburn Technology était de 511 millions$. En 1989, BCE a investi un montant additionnel de 68 millions$ afin d’obtenir une participation de 12.4% dans SHL Systemhouse. Au quatrième trimestre de 1989, Kinburn Technology a éprouvé de graves difficultés financières et fut incapable de rembourser les prêts qui lui avaient été accordés par BCE. C’est alors que BCE a inscrit une provision pour perte de revenus relativement au placement dans Kinburn de l’ordre de 536 millions$. La provision a été comptabilisée au cours de l’exercice 1990. Services financiers - Acquisition et vente de Montréal Trustco Le 24 avril 1989, BCE faisait l’acquisition de la totalité des actions ordinaires de Montréal Trustco. Cette dernière commercialisait des services financiers et fiduciaires diversifiés, destinés aux particuliers, aux entreprises et à des organismes divers. La transaction d’achat a été effectuée avec Power Corporation. Le prix d’achat de l’acquisition a été fixé à 1.2 milliards$ et la contrepartie a été répartie comme suit: (En millions) En espèces Actions ordinaires de BCE Inc. Prix d’achat 736$ 464 1200 Au moment de l’acquisition, la valeur comptable de l’actif net de Montréal Trustco était la suivante: (En millions) Total de l’actif 14 100$ Total du passif 13 600 Valeur comptable nette Prix d’achat Achalandage d’acquisition payé 500 1 200 700 BCE a payé 58% du prix d’achat pour acquérir de l’achalandage ou 240% de la valeur comptable nette. C’est un montant très élevé. Ceci est un indice révélateur que BCE a payé beaucoup trop cher pour l’acquisition de Montréal Trustco. En 1991 et 1992, BCE a injecté respectivement 65 millions$ et 150 millions$ afin d’acquérir des 14 actions ordinaires de Montréal Trustco. Ces renflouements du capital-actions de Montréal Trustco portèrent l’investissement total à 1.4 milliards$ de BCE dans cette filiale. En décembre 1993, soit seulement quatre ans après son acquisition, BCE cédait Montréal Trustco à la Banque Scotia pour une somme de 354 millions$, inscrivant dans ses états financiers une perte de 721 millions$. Fabrication d’équipements de Télécommunications : Nortel Networks - Constitution d’une provision pour restructuration en 1989 Au début de l’année 1989, Nortel Networks, anciennement Northern Telecom Limitée, a constituée une provision de 329 millions$ en vue d’une restructuration majeure au sein de l’entreprise. Cette restructuration visait l’amélioration de Northern Telecom au niveau mondial. La restructuration se traduira par une rationalisation des fonctions de marketing et de vente, la fermeture et la consolidation de quelques installations manufacturières au Canada et aux ÉtatsUnis. Fabrication d’équipements de télécommunications: Nortel Networks - Enregistrement de charges spéciales en 1993 Nortel Networks a enregistré des charges spéciales pour un montant global de 1745 millions$ en 1993. Ces charges spéciales ont été constatées immédiatement au deuxième trimestre dans les états financiers de BCE. Analysons les motifs de ces charges spéciales ainsi que les montants qui se rattachent à chacune d’elles: Programme de restructuration Une provision de 615 millions$ a été constituée pour la mise sur pied d’un programme de restructuration qui prévoyait la rationalisation et la consolidation des établissements de fabrication ainsi que la réduction des frais de soutien de l’infrastructure. La haute direction prévoyait que ce programme entraînerait une réduction des effectifs pouvant atteindre jusqu’à 5200 employés ou près de 9% de l’effectif total. L’aboutissement de ce programme de restructuration devait prendre fin à la clôture de l’exercice financier 1994. Programme relatif aux logiciels Un programme a été instauré dans le but d’achever la modulation de l’architecture du logiciel de commutation centrale en vue de rectifier des problèmes d’exploitation et d’améliorer le rendement de l’équipement. Ce programme a engendré la comptabilisation d’une provision de 379 millions$. 15 Réévaluation de l’achalandage En 1987, Northern Telecom a acquis une participation de 27.5% dans les actions ordinaires de STC plc. À cette date, STC se positionnait au deuxième rang des firmes d’électronique en Grande-Bretagne. Le 5 mars 1991, Northern Telecom a acquis le reliquat des actions ordinaires pour ainsi obtenir une participation de 100%. 1987 1991 Total (En millions de dollars) Prix d’achat Juste valeur de l’avoir acquis Achalandage 1557$ 3661$ 5218$ 509$ 1070$ 1579$ 1048$ 2591$ 3639$ Concernant l’achalandage associé au placement dans STC, Northern Telecom a décidé, quelques années seulement après son investissement, de la réduire de 751 millions$. Cette décision fut justifiée par les prévisions d’une faiblesse continue de l’environnement économique européen et de la baisse prévisible des ventes et des bénéfices à court terme en Europe générés par STC. Northern Telecom a connu de biens meilleures années lorsque Bell obligeait ses abonnés à acquérir ou à louer leurs appareils téléphoniques exclusivement de sa filiale Northern. Cette filiale a longtemps constitué un monopole dans un autre monopole. L’ouverture du marché a fait mal à Northern qui avait été peu habitué à se frotter à la concurrence étrangère. Général - Frais de restructuration, de transformation et autres À force de commettre des gaffes l’une après l’autre, l’entreprise congédie et impartie en soustraitance ses employés afin de sauver la face et de maintenir sa rentabilité. Les employés deviennent donc alors les victimes des nombreuses et coûteuses erreurs commises par les administrateurs de Bell. Voici, à titre d’exemple, ce que disait la note 4 intitulée «Frais de restructuration et autres frais» des états financiers de 1999 de BCE: «Les frais de restructuration, composés surtout d’indemnités de cessation d’emploi (visant environ 2600 employés) et de coûts supplémentaires qui y sont reliés, résultent principalement de la décision d’impartir une partie des activités du Service de téléphonistes, du démantèlement de Gestion du réseau canadien Stentor et de la rationalisation des coûts au sein d’autres groupes d’exploitation». En 2001, les programmes de rationalisation concernant la réduction de l’effectif de Bell et de ses filiales ont touché 4150 employés additionnels licenciés ou mis à la retraite, après les 2600 téléphonistes licenciées et vendues en 1999 à un sous-traitant dont Bell est toutefois actionnaire! Puis, en 2002, la note aux états financiers concernant les frais liés à la rationalisation et autres frais disait ceci: «Les frais de restructuration résultaient principalement d’une décision de rationaliser certaines fonctions et incluaient des indemnités de cessation d’emploi à l’égard 16 d’environ 1700 employés». Les mises à pied constituent de fait un sport national chez Bell depuis toujours. Et dire que le privé est censé être le seul à être en mesure de créer de la richesse et des emplois pour tous. Par exemple, l’article du journaliste Robert Dutrisac du journal Le Devoir du 28 mars 1995 s’intitulait ainsi: «Bell Canada sabre 10 000 emplois: le géant de la téléphonie veut doubler ses profits». Une chance qu’ils ne voulaient pas tripler leurs bénéfices! Puis, que dire du titre de cet article de La Presse du 12 janvier 1999: «Les Téléphonistes de Bell “vendues” à des Américains». Chanceuses qu’elles sont d’être vendues aux merveilleux «Américains» des States, les défenseurs de la liberté et de la démocratie et qui ont rien de moins que Dieu comme «partner». Puis, dans Le Devoir du 26 avril 2001, le titre de cet article: «Tout baigne pour BCE, à l’exception de Téléglobe: La compagnie Bell a réduit son effectif de 1900 personnes dans le cours normal de ses activités». Donc, licencier pour Bell en particulier et le privé en général est une activité de tout ce qui a de plus normale. Puis, dans le Journal de Montréal du 19 décembre 2002, le titre suivant de cet article: «BCE abolira 1700 emplois: Simplicité et efficacité dit le nouveau président Michael Sabia». Plus les présidents de Bell changent, de Jean de Grandpré, à J.V. Raynond Cyr, à L.R. Wilson, à Jean C. Monty et maintenant Michael J. Sabia, plus c’est pareil. Téléglobe et Excel Communications Téléglobe était une société d’État fédérale qui était fort rentable du temps qu’elle était gérée par des fonctionnaires. Puis, Brian Mulroney, alors premier ministre du Canada et grand partisan de l’idéologie néolibérale, a vendu cette entreprise pour des miettes à la binerie Memotec qui l’a ensuite refilée au tandem Bell et Charles Sirois, la vedette d’alors de l’entrepreneurship québécois qui, en bon «smat» qu’il était, ne se gênait pas pour multiplier haut et fort ses lumineux conseils sur la façon de gérer l’État. Excel Communications des États-Unis acquise en 1998 par le «visionnaire» Charles Sirois au prix d’environ 6.7 milliards$ canadiens (4.4 milliards$ US) fut vendue en 2001 à l’entreprise américaine Vartec Telecom pour moins de 250 millions$ US («Vente d’Excel: Téléglobe se débarasse d’un boulet». La Presse, 28 août 2001, Charles Côté, journaliste). Puis, c’est en 2002 que Bell a largué Téléglobe et que le président de l’entreprise Jean C. Monty a remis sa démission. Dans son article du 25 avril 2002 intitulé «Monty victime de sa démesure», le journaliste Gérard Bérubé du Devoir dit alors que la radiation de Téléglobe pourrait atteindre une perte de 8.5 milliards$ US aux livres de BCE. Démesure peut-être, mais cela n’a pas empêché le petit Jean C. Monty de recevoir une grosse prime de départ de 1.34 millions$ (Journal de Montréal, 12 avril 2003) et de toucher une grosse pension de vieillesse de BCE de près de 2 millions$ par année pour le reste de sa vie (La Presse, 30 avril 2002). Enfin, en 2000, le sieur Monty avait encaissé un p’tit 50 millions$ de rien du tout à la levée d’options d’achats d’actions. L’argent versé à Monty, c’est pas Bell qui le paie au bout du compte, c’est vous avec votre argent. Enfin, Téléglobe s’est placé sous la protection des tribunaux au mois de mai 2002 (La Presse, 16 mai 2002, Martyne Couture, journaliste). 17 Vente et rachat d’une participation de 20% dans Bell Canada à SBC Communications, USA En 1999, BCE vend une participation de 20% dans sa lucrative filiale Bell Canada à l’américaine SBC Communications pour une considération de 5.1 milliards$ et comptabilise alors un gain de 4.242 milliards$ à son état des résultats, gain qui représentait alors 78% du bénéfice net de 5.459 milliards$ déclaré par BCE en 1999. Puis, en 2002, elle rachète cette même participation de 20% dans Bell Canada de la même entreprise américaine SBC, pour une considération de 6.32 milliards$ et en profite alors pour augmenter au bilan son actif intangible «achalandage» ou «écart d’acquisition» pour un montant de 5.472 milliards$. Premièrement, signalons encore une fois de plus l’illogisme des dirigeants de BCE. Vendre en 1999 une participation de 20% dans sa filiale de Bell Canada à SBC Ameritech des États-Unis pour 5.1 milliards$ et la racheter moins de trois ans après en 2002 pour 6.32 milliards$, dépasse tout entendement et fait subir à l’entreprise 1.22 milliards$ en perte économique sèche. Il est très facile à comprendre le calcul de cette perte de 1.22 milliards$ pour BCE et c’est cette perte nette qui aurait dû être comptabilisée dans les états financiers de BCE entre 1999 et 2002. Mais ce n’est pas ce qu’ont fait les dirigeants de l’entreprise. Par opportunisme et avec l’utilisation de cosmétiques comptables, tout en recevant la bénédiction de leur très aimable vérificateur externe Deloitte & Touche, ils ont comptabilisé, lors de la vente, un super gain de 4.242 milliards$ en 1999 et ont augmenté, lors du rachat, l’actif intangible d’achalandage de 5.472 milliards$ en 2002. Cette façon de faire des dirigeants de BCE, quant au traitement comptable de cette transaction (vente et rachat de la participation de 20% dans Bell Canada), est fallacieuse, trompeuse et induit en erreur les investisseurs et les lecteurs des états financiers de BCE. Cet artifice comptable a gonflé les bénéfices, l’avoir des actionnaires (bénéfices non répartis) et l’actif total de la firme. Et dire que ce sont ces mêmes personnes qui parlent d’imputabilité et de transparence obligatoires dans le public. Ces artifices comptables de 4.2 milliards$ et de 5.5 milliards$ respectivement cuisinés par les dirigeants de BCE en 1999 et en 2002 sur cette même transaction, quoique très importante en chiffres absolus, en pourcentage du bénéfice net et de l’actif total, aucun média et aucun organisme patronal ne les ont relevés et signalés au grand public. Mais que l’État ou un organisme public ne s’avise pas de faire la même chose, même en moins grossier et en valeur monétaire moindre, alors là, attendez-vous aux accusations de toutes sortes et aux gros titres flamboyants provenant de l’artillerie lourde. En 2002, lors du rachat de la participation, les dirigeants de BCE auraient dû comptabliliser une perte à l’état des résultats de 5.4 milliards$,soit la perte économique réelle de 1.2 milliards$ (prix de rachat 6.3$ moins prix de vente 5.1$) plus l’annulation du gain de 4.2 milliards$ comptabilisé en 1999 qui s’est avéré ultérieurement une perte. Mais non, en 2002, la direction de BCE a décidé 18 en lieu et place, de camoufler le tout en augmentant au bilan un actif intangible bidon du nom «d’écart d’acquisition» de 5.4 milliards$. On a entreposé ce «moton» de 5.4 milliards$ dans ce poste d’actif intangible de façon «provisoire», qu’ils ont dit dans le rapport annuel 2002. Le temps d’un certain laps de temps pour que les gens oublient, puis «oups» par enchantement on va, quelques années plus tard, radier ce montant en le transférant et en diminuant directement le compte de bénéfices non répartis de l’avoir des actionnaires au bilan. Ni vu, ni connu. Du vrai tripotage de faits économiques significatifs dans le but de leurrer et de tromper les lecteurs des états financiers. Lorsque la rémunération des dirigeants d’une entreprise est fondée sur le rendement obtenu, la tentation est alors forte d’augmenter à tout prix le profit, quitte à utiliser au passage des artifices comptables. À cet effet, les scandales financiers mis à jour l’an passé aux États-Unis constituent un exemple probant. Un gigantesque trou public financier de 5.4 milliards$ et personne n’en dit mot. Si ça relève du privé avec leur éthique, leur régie d’entreprise et leur gouvernance exemplaires, c’est que ça doit être correct. On parle ici d’un trou réel de 5.4 milliards$, basé sur des faits passés objectifs et non d’un trou hypothétique reposant seulement sur des données budgétaires, comme celui relevé dans le dernier budget de la province du Québec par Guy Breton, l’ex-vérificateur général du Québec, devenu l’homme de main du nouveau gouvernement libéral du Québec, dont tout le monde a parlé et empiré à dessein la chose par intérêt . Peut-être que l’on pourrait mandater ce même Guy Breton pour enquêter sur le trou de 5.4 milliards$ dans les états financiers 2002 de BCE, lui qui est un spécialiste en la recherche et surtout en la «découverte» de trous de tous genres, principalement ceux émanant du secteur public? 19 Diverses filiales- Provision pour pertes, restructurations et réductions d’achalandage Les actifs intangibles comme ceux des écarts d’acquisition ou de l’achalandage de consolidation constituent un fourre-tout comptable qui sert souvent aux dirigeants d’entreprises à manipuler les résultats d’exploitation à leur guise. On n’a qu’à capitaliser les écarts d’acquisitions d’investissements et d’autres coûts, ce qui augmente le bénéfice net issu de l’exploitation normale de la firme pour ensuite dégonfler de temps en temps ces actifs intangibles en faisant une radiation directement au poste de bénéfices non répartis ou à des éléments extraordinaires de l’état des résultats comme au chapitre des activités abandonnées, ce qui ne vient aucunement affecté à la baisse par la suite le bénéfice net issu de l’exploitation normale de l’entreprise. Et les dirigeants de BCE ne sont surtout pas gênés pour utiliser ce stratagème économique et comptable à satiété depuis 1993 comme en fait foi le tableau I et ses provisions pour pertes de 6.528 milliards$ comptabilisées depuis 1993 et qui concernent des filiales comme Bell Canada International (liquidée en 2002), BCE Emergis, Bell Globemedia, Télésat, etc. Portail internet Sympacito - Réduction du placement Au cours des deux dernières années, BCE a diminué la valeur de son portail internet Sympatico de 560 millions$ (La Presse, 21 février 2003, Francis Vailler, journaliste). Gain infime à la vente des filiales TransCanada Pipelines et Encor Bonne nouvelle, en 1993, BCE a réalisé un gain de 163 millions$ lors de la vente de sa filiale TransCanada Pipelines, spécialisée dans le transport de gaz naturel, et un gain de 46 millions$ à la vente de son autre filiale Encor, un producteur de pétrole et de gaz naturel. Vous vous dites que faisait donc alors BCE dans le pétrole et le gaz naturel? Vous n’êtes pas les seuls, loin de là. Mais chez BCE, tout est possible et plus rien ne nous surprend. 20 Nortel Networks - Le cadeau empoisonné Quant au canard boiteux largué en 2000 par les dirigeants de BCE à ses actionnaires, qui sont devenus les dindons d’une farce vraiment grotesque, ces derniers savaient bien alors ce qu’ils faisaient. Ils ont voulu sauver les meubles et transférer rapidement cette bombe à retardement aux actionnaires afin de ne pas avoir à prendre en charge des pertes énormes sur cette filiale. Larguée en 2000 à ses actionnaires, la valeur des actions de Nortel est tombée à presque rien en 2001, un an seulement après son délestage. Rions encore plus sur le génie visionnaire des dirigeants de BCE en observant quelques folles acquisitions effectuées au gros prix par Nortel Networks de 1998 à 2000, période durant laquelle elle était détenue par BCE. Cette courte énumération ne prétend aucunement être exhaustive: 123- 4- «Nortel achète Bay Network de Californie, pour 9.1 milliards$ US (environ 13 milliards$ canadiens)» (Journal de Montréal, 16 janvier 1998); «Nortel versera jusqu’à 3.25 milliards$ US (environ 4.5 milliards$ canadiens) pour Qtera en Floride» (La Presse, 16 décembre 1999); «Nortel entreprend 2000 en haute vitesse. Le géant acquiert un développeur d’accès à Internet (Promatory Communications de Californie) pour 778 millions$ US (environ 1.5 milliards$ canadiens)» (La Presse, 7 janvier 2000); «Une PME (Xros de Californie) vendue 3.25 milliards$ US (environ 4.5 milliards canadiens) à Nortel» (La Presse, 15 mars 2000). Les dirigeants de BCE ont comptabilisé dans leurs états financiers de l’an 2000 le transfert de Nortel Networks à leurs actionnaires à titre d’un dividende versé à ses derniers au montant de 10.7 milliards$ et ont réduit directement l’avoir des actionnaires (bénéfices non répartis) du même montant. En voici une dernière avant de passer à autre chose: «Nortel obtient 108 millions US pour des actifs payés trois milliards US en 2001 (environ 4.5 milliards$) (Le Journal de Montréal, 8 décembre 2002). En seulement un an, on revend la patente à gosses en subissant une légère perte d’environ 4.3 milliards$ canadiens. Une autre preuve de plus que le privé c’est toujours meilleur. 21 4- COÛT FISCAL DE 10.1 MILLIARDS$ DES FRASQUES DE BCE POUR LES CONTRIBUABLES Aperçu général Les nombreux déboires de Bell au montant de 46.8 milliards$ expérimentés au cours des 14 dernières années vont également coûter très cher aux contribuables canadiens, car BCE aura droit à des remboursements d’impôts et à des déductions fiscales du gouvernement fédéral et des provinces d’au moins 10.1 milliards$, tel que détaillé au tableau II qui suit. L’État, qu’il soit fédéral ou provincial, sera donc privé de 10.1 milliards$ et devra compenser ce manque à gagner en allant le chercher dans les poches des contribuables canadiens ou en coupant dans les services publics. La très grande majorité du détail des coûts des déductions fiscales provient des états financiers mêmes de BCE. Voilà encore appliqué le dicton qui postule la socialisation des pertes privées et la privatisation des profits. Ne l’oublions pas, le coût des frasques de 46.8 milliards$ de BCE et des déductions fiscales de 10.1 milliards$ qui s’ensuivent, ce sont principalement les consommateurs, les employés et les contribuables qui en font les frais. Certainement pas les dirigeants de Bell qui, avec leurs parachutes dorés, s’en sortent avec des millions et des millions en salaires, en primes de départ et en rentes de retraite, toujours sur le bras des consommateurs, des employés, des actionnaires et des contribuables. 22 TABLEAU II COÛT FISCAL ESTIMATIF DES PERTES SUBIES PAR BELL (BCE) DE 1989 À 2002 - 14 ANS (En millions de dollars canadiens) Année de la perte Secteur d’activités Perte brute en dollars indexés Déductions fiscales 1989 Immobilier - BCE Development et Daon Development 830$ 272$ 1993 Immobilier - BF Realty Holding et Brookfield 826 413 1656 685 Génie informatique - Kinburn Technology et SHL Systemhouse 536 160 Services financiers - Montréal Trustco 721 172 1990 1993 Nortel Networks 1989 Frais de restructuration 329 98 1993 Restructuration, logiciels et achalandage 1745 352 2074 450 Général - Frais de restructuration, de transformation et autres 1997 “ ” 1323 516 1998 “ ” 726 274 1999 “ ” 534 240 2001 “ ” 1224 488 2002 “ ” 887 345 4694 1863 Téléglobe et Excel Communications 2001 Radiation du placement dans Excel 4784 1143 2002 Radiation du placement dans Téléglobe 8061 2000 12845 3143 Vente et rachat d’une participation de 20% dans Bell Canada à SBC Communications, USA 2002 Perte sur rachat de la participation 1220 180 2002 Achalandage de consolidation injustifié à radier 5472 820 23 Année de la perte Secteur d’activités 6692 1000 Perte brute en dollars indexés Déductions fiscales Diverses filiales - provisions diverses et radiations d’actifs 1993 Télésat 118 35 1997 Diverses filiales non précisées 4034 1573 1999 Iridium, Sky View Media Group et BCI 85 29 2001 Bell Canada International (BCI) 257 102 2002 Bell Canada International (BCI) 316 126 2002 BCE Emergis 170 80 2002 Bell Globemedia 1493 463 2002 Alliant 55 18 6528 2426 560 225 Gain sur vente des placements (209) (42) Sous-total du coût économique et du coût fiscal des nombreuses frasques de Bell et de leurs dirigeants 36097 10082 10721 - 46818$ 10082$ 2002 Portail internet Sympatico Réduction du placement 1993 2000 TransCanada Pipelines et Encor Nortel Networks Perte comptable du cadeau empoisonné largué par Bell à ses actionnaires. La perte économique est évidemment plus importante. BCE a traité cette transaction comme un dividende et a réduit son avoir des actionnaires (bénéfices non répartis) de 10.7 milliards$ Grand total du coût économique et du coût fiscal des nombreuses erreurs stratégiques commises par les dirigeants de Bell assumées par l’entreprise, les actionnaires, les employés, les consommateurs et les gouvernements 24 Coût fiscal des déboires de Téléglobe Dans un excellent article du journaliste Francis Vailles de La Presse, du 1er août 2002 intitulé: «Les déboires de Téléglobe vont coûter cher aux contribuables», le journaliste s’exprime ainsi dans le premier paragraphe de son texte: «Les déboires de Téléglobe ne sont pas sans conséquence pour les contribuables. La société mère du télécommunicateur, BCE, pourra récupérer environ 2 milliards de dollars d’impôt des gouvernements fédéral et provinciaux, compte tenu des sommes englouties dans l’aventure Téléglobe». Déduction fiscale des pertes et non-imposition des gains: la vente des annuaires À la mi-septembre 2002, BCE a annoncé la vente de ses annuaires (bottins et pages jaunes) pour la somme de 3 milliards de dollars, réalisant du même coup un gain de capital du même montant puisque les bottins et les Pages jaunes avaient été lancés par Bell il y a longtemps à un coût minime. En passant, les annuaires furent très rentables pour Bell au cours de toutes ces années et c’est pourquoi elle a été en mesure de les vendre au gros prix de 3 milliards$. Et, ces activités d’annuaires et les gros gains qui en ont découlé sont un sous-produit direct du service téléphonique résidentiel que les dirigeants de BCE ont le culot de prétendre qu’ils opèrent à perte. Si c’est vrai qu’ils perdent des centaines de millions de dollars depuis plusieurs années avec le service de téléphone résidentiel, pourquoi alors ne s’en départissent-ils pas alors comme ils l’ont fait pour plusieurs autres activités et filiales d’ici et d’ailleurs? Ne soyons point dupes de leurs entourloupettes primaires et grossières. Et la facture d’impôts pour Bell sur ce gain de 3 milliards de dollars que vous me demandez? La réponse est zéro comme le signale très bien le journaliste Francis Vailles de La Presse dans son article du 21 novembre 2002 intitulé: «BCE ne paiera pas d’impôt sur la vente des bottins. Une économie de 675 millions». Au premier paragraphe de son texte, le journaliste mentionne que: «La nouvelle fera sourire les actionnaires de BCE, mais déplaira aux contribuables: Bell Canada, ne paiera probablement pas un sou d’impôt sur la vente de sa division des annuaires de téléphone, soit l’équivalent d’un gain de 675 millions$». Pas d’impôt à payer aussi sur la vente des actions de Nortel Networks Traitement fiscal identique aussi pour les gains que BCE a réalisé en 2000 sur la vente au public d’actions de Nortel Networks qu’elle n’avait pas distribuées à ses actionnaires et qu’elle avait alors conservées comme le démontre éloquemment les titres de ces deux articles de journaux: «BCE place ses actions de Nortel en garantie et évite le fisc. Le géant des télécoms sauve des centaines de millions de dollars» (Journal Les Affaires, 15 juillet 2000, Claude Chiasson, journaliste) «BCE a économisé pour des centaines de millions en impôts en vendant ses actions de Nortel» (Le Presse, 15 août 2002, Francis Vailles, journaliste) BCE en particulier et le privé en général multiplient les astuces fiscales pour ne pas payer d’impôts et pour réclamer par contre le plus d’aide gouvernementale directe et indirecte comme en font foi les millions que Bell reçoit en subventions gouvernementales pour le service 25 téléphonique en région, pour la recherche, pour l’investissement, pour la formation, pour l’exportation, pour les licenciements et même pour le travail partagé: «Travail partagé: Bell demande une contribution de 35 millions à Ottawa» (La Presse, 24 novembre 1993, François Bergeron, journaliste). 5LE TRAITEMENT MÉDIATIQUE, PATRONAL ET POLITIQUE DES FRASQUES DE BELL: PLACE À LA COMPASSION ET AUX JUSTIFICATIONS Aperçu général Même si c’est vous et moi qui en dernier ressort payons avec notre argent pour les nombreuses et coûteuses frasques de 46.8 milliards$ de Bell et les déductions fiscales de 10.1 milliards$ qui s’y rattachent, que ce soit à titre de consommateurs, de contribuables, d’employés, d’actionnaires, de retraités de Bell, etc., et bien, étant donné que cela origine d’une firme privée, qui n’a d’ailleurs de privé que le nom, la presse en général s’est faite très compréhensive, le patronat s’est fait très silencieux et les politiciens se sont portés comme toujours (pensons aussi aux cas récents d’Air Canada et de Bombardier) à son secours. C’est la politique du «deux poids, deux mesures»: des justifications pour les déboires du privé et des accusations pour tout ce qui est public. Quand des pertes originent du public, le patronat et sa suite d’opportunistes réclament à cor et à cri la privatisation, l’impartition, le démantèlement, etc. Mais, on ne réclame jamais la nationalisation et et la réglementation lorsque les déboires proviennent du privé. On s’évertue alors à trouver des excuses et on quémande encore plus de soutien financer de l’État. Compréhension de la presse écrite Prenons par exemple les titres des articles de journaux suivants qui sont plein de compréhension pour les déboires de Bell, même si c’est la population canadienne qui devra payer la note finale. Dans la prochaine section, vous verrez que la presse écrite a adopté une attitude différente dans le cas des pertes beaucoup moindres et qui ont eu lieu pour une seule année, après plusieurs années de résultats positifs, de la Caisse de dépôt et placement du Québec. Mais, que voulez-vous, les arrivistes de tout acabit ont intérêt à cultiver la haine de notre solidarité et de nos instruments collectifs car ils empocheront alors des milliards si on les privatisait. S «Un retour aux sources pour BCE» (La Presse, 26 juillet 2002, Michèle Boisvert, éditorialiste). La même madame Boisvert adoptera toutefois une attitude pleine de mépris pour la Caisse de dépôt. Vous verrez dans la prochaine partie de l’étude; S «La transformation d’un géant tranquille» (La Presse, 3 avril 1999, Richard Dupaul, journaliste). Un géant pas tout à fait tranquille selon moi; S «Retour en force de BCE» (Journal Les Affaires, 22 février 2003, numéro spécial sur BCE). Allô force!; S «Le recentrage de BCE» (Journal de Montréal, 29 juin 2002, Jean-Philippe Décarie, chroniqueur). Le recentrage vous dites? Pour combien de temps et combien ça va nous coûter? 26 Aucun de ces journalistes n’a vraiment été méchant envers les dirigeants de BCE et aucun n’a fait état des tenants et aboutissants d’un point de vue critique des glissements économiques de l’entreprise. Le traitement médiatique de Jean C. Monty Jean C. Monty fut président de Bell Canada Entreprises de 1998 à 2002 et, sous son règne, l’entreprise a englouti des milliards de pertes dans des aventures de toutes sortes qui ont coûté cher à la collectivité. Qu’à cela ne tienne, la presse écrite l’a traité en héros et il en est sorti avec tous les honneurs et avec plein de fric. Jean-Claude Scaire et Michel Nadeau, les précédents dirigeants de la Caisse de dépôt et placement du Québec et Claude Blanchet de la SGF, ont eu droit à une toute autre médecine médiatique. Premièrement, Jean C. Monty a eu droit à l’insigne honneur d’être nommé, pas une fois, mais deux fois, la personnalité de la semaine de La Presse, soit le 16 novembre 1997 et le 21 mai 2000. Mieux vaut en rire, n’est-ce pas? Puis, le 6 août 1989, ce fut le tour de Jean De Grandpré, ex-président de BCE, d’être affublé du prestigieux titre de la personnalité de la semaine à La Presse. Cette brève énumération ne prétend pas être exhaustive. Il y en a probablement eu d’autres. Puis, que dire des titres émouvants de ces deux articles de journaux: S «Jean Monty s’investit dans les bonnes oeuvres» (Journal de Montréal, 5 octobre 2002, Maude Goyer, journaliste); S «Jean Monty, de BCE à la responsabilité sociale» (Les Affaires, 26 octobre 2002, Suzanne Dansereau, journaliste). Vraiment édifiant le sens critique de nos journalistes de la presse écrite. Voilà comment ils concrétisent dans les faits l’adhésion au principe de la liberté de presse qui leur est si cher. Jean C. Monty «s’investit» peut-être dans les bonnes oeuvres et dans la responsabilité sociale, mais cela ne l’a pas empêché de passer à la caisse malgré le fiasco intégral de sa gestion chez BCE, comme en fait foi le titre de ces articles de journaux: S «Jean Monty s’enrichit de 47 millions$» (La Presse, 1er avril 2000, Michel Girard, journaliste); S «Jean Monty a reçu une prime de 1.34 millions$ à son départ de BCE» (Journal de Montréal, 12 avril 2003, Presse Canadienne); 27 S «Jean Monty ne part pas les mains vides» (La Presse, 30 avril 2002, Hélène Baril, journaliste). Le monsieur va recevoir de la compagnie une rente de retraite annuelle à vie de 2 millions de dollars pour ses précieux services rendus. Ça aussi, c’est vous et moi qui allons payer. Parachute doré blindé pour les dirigeants du privé et travail atypique déréglementé pour les employés ordinaires. Pour se payer une telle pension de vieillesse, Monty a eu bien raison de vendre ses téléphonistes à un sous-traitant américain qui les paie maintenant deux fois moins avec très peu d’avantages sociaux. Le silence complice du patronat et du politique Quant au patronat et aux politiciens, avez-vous déjà vu passé une critique, si minime soit-elle, dans les médias, sur les déboires de Bell et de ses dirigeants? Bien non, ils préfèrent s’attaquer à nos instruments collectifs et à tout ce qui concerne l’État: santé, éducation, transport public, aide sociale, pensions de vieillesse, régimes publics de rentes, d’assurance maladie et d’assurance automobile, la Société générale de financement (SGF), la Caisse de dépôt, infrastructures routières, systèmes d’aqueducs, la Régie du logement, Hydro-Québec, les fonctionnaires municipaux et plus particulièrement les cols bleus de la ville de Montréal, etc. 28 6- LE TRAITEMENT MÉDIATIQUE, PATRONAL ET POLITIQUE DE LA PERTE ENCOURUE EN 2002 PAR LA CAISSE DE DÉPÔT : PLACE AU MÉPRIS ET AUX ACCUSATIONS Le traitement hystérique de la section éditoriale de La Presse Faut surtout pas se surprendre du traitement déplorable de la section «éditorial» de La Presse et de ses chroniqueurs, dont l’émérite Claude Picher, accordé aux pertes subies en 2002 par la Caisse de dépôt et placement du Québec et aussi par les autres journaux détenus par Power Corp., dont Le Soleil de Québec, La Tribune de Sherbrooke, Le Nouvelliste de Trois-Rivières et Le Quotidien au Saguenay. Comme Power Corp. est intensément présent dans le domaine des services publics en général, ils font exactement la même chose en déblatérant continuellement sur notre système de santé publique. Et comme Power Corp. a aussi d’immenses intérêts dans les domaines de la planification à la retraite, de l’assurance-vie, de la gestion de portefeuille et dans la planification financière individuelle avec ses grosses filiales Investors, la financière Mackenzie, la Great West Life, la London Life et maintenant Canada-Vie, il ne fallait pas s’étonner du traitement hystérique qu’ils ont fait en 2003 sur le cas de la Caisse de dépôt et placement. La privatisation des pensions de vieillesse publiques et des régimes de rentes publiques feraient bien leur affaire. Naturellement, leur mercenaire préféré, Claude Castonguay, anciennement président du groupe d’assurances La Laurentienne et de la Banque Laurentienne, à qui profiterait aussi le délestage public des pensions de vieillesse et du régime des rentes du Québec, a eu droit à beaucoup «d’opinions» dans La Presse pour dénigrer la Caisse de dépôt, comme il le fait si bien, dans le même quotidien, à titre d’actionnaire et d’administrateur de compagnies pharmaceutiques, pour décrier notre système de santé publique et préconiser sa privatisation. La venue de Raymond Garneau dans les hautes sphères du Parti Libéral du Québec n’augure aussi rien de bon pour la Caisse de dépôt et pour notre système de santé publique lui qui est administrateur de la société d’assurances et de services financiers l’Industrielle-Alliance. Power Corp. avec toutes ses filiales n’est jamais trop gros, la Caisse de dépôt et la santé publique beaucoup trop à leur goût. Voici quelques exemples de textes, d’opinions et d’éditoriaux qui ont été consacrés à la Caisse de dépôt par La Presse en seulement deux mois, soit les mois de mars et d’avril 2003. Faut le faire. C’est carrément du délire et du mépris affichés par des porte-queues de Power et de La Laurentienne, intéressés qu’ils sont par la privatisation, le démantèlement, le ratatinement et l’impartition de nos instruments collectifs et de nos services publics. Ces personnes et ces entreprises sont d’une malhonnêteté exemplaire. Même si c’est nous, avec notre argent, qui avons payé et allons payer pour les gigantesques pertes répétées de Bell, ce fut dans ce cas le silence complet dans La Presse et s’il y a eu quelque chose, ce fut pour défendre et justifier les gestes posés par Bell et encenser les dirigeants de cette entreprise et surtout Jean C. Monty son exprésident. Vraiment pathétique. Voyons voir de plus près la couverture éditorialiste de La Presse pour les mois de mars et d’avril 2003: 29 7 mars 2003 - La boîte aux lettres. «Caisse de dépôt: il faut une enquête» Une enquête rien de moins. Pas chez Bell, mais à la Caisse de dépôt et à la SGF. Pourquoi pas un enquête criminelle, un coup parti? 14 mars 2003 «Remise à jour» et le 25 avril 2003 «L’urgence d’agir». Deux lénifiants éditoriaux de la très suave Michèle Boisvert. Chez Bell, il n’y a pas de quoi fouetter un chat et il n’y a aucune remise à jour à faire et aucune urgence d’agir. Seulement à la Caisse de dépôt, bien évidemment. Vous vous souvenez, dans la section précédente, la madame intellectuelle avait rédigé un éditorial plein de compassion et de compréhension pour Bell et ses dirigeants. 11 mars 2003 - «Sauver la Caisse». L’éditorial d’André Pratte, le chef de la section. Sauver la Caisse, rien de moins. Pas sauver Bell, mais la Caisse de dépôt. Et comment la sauver selon vous? Par la privatisation complète ou partielle, voyons donc! 17 avril 2003 - «Scinder la Caisse?», une opinion de Service Rémillard, exdirigeant de la Caisse. Pas scinder Bell ou Power, mais la Caisse. Fallait y penser! Vraiment génial, les mots me manquent. Et maintenant, faisons place, comme La Presse lui en fait beaucoup, à l’honorable Claude Castonguay, ex-président de la compagnie d’assurances La Laurentienne, de la Banque Laurentienne et actuel actionnaire et administrateur de compagnies privées dans le domaine de la santé. La Presse aime tellement Claude Castonguay qu’il a droit à son «opinion» hebdomadaire dans le dit journal. Ses sujets de prédilection sont toujours la santé publique et la Caisse de dépôt. En voici trois rédigés par Claude et publiés récemment dans «sa» Presse, dont le sujet fut strictement consacré à la Caisse de dépôt: 20 septembre 2002 - «La fin du double mandat: la Caisse de dépôt doit cesser ses interventions dans l’économie et se centrer sur son rôle de gestionnaire de fonds»; 10 décembre 2002 - «Caisse de dépôt: le débat continue. Le gouvernement et le conseil d’administration ont aussi leur large part de responsabilité»; 11 mars 2003 - «Le gâchis: les résultats de la Caisse de dépôt nous révèlent le pire désastre financier dans l’histoire du Québec». 30 Mais, quelle ignorance crasse affichée par Claude Castonguay. Il aurait intérêt à lire notre étude sur Bell et d’autres comme Nortel Networks, Téléglobe, Cinar, BreX, Bombardier, les pétrolières, les pharmaceutiques, les banques, etc. Et voici d’autres éditoriaux, opinions ou chroniques parus au mois de mars 2003, toujours sur la Caisse de dépôt, dans d’autres journaux: Journal Les Affaires 15 mars 2003 «Pourquoi ne pas mettre la Caisse de dépôt en concurrence». Éditorial de Jean-Paul Gagné; 1 mars 2003 - «Diviser la Caisse en deux et miser d’abord sur le rendement». Opinion de Jean-Luc Landry, gestionnaire de portefeuille. Le Devoir 13 mars 2003 - «La dérive de la Caisse». Chroniqueur de Gérard Bérubé. Et une dernière avant de passer à une autre section, soit une importante «nouvelle», parue en première page s’il-vous-plaît, du Devoir du 24 avril 2003, faisant suite à une conférence faite par Jacques Ménard de la Banque de Montréal à la Chambre de commerce de Montréal, celui-là même qui a été le cerveau dirigeant des Expos de Montréal pendant plusieurs années avec les résultats que l’on connaît: «Le public réclame davantage de rigueur. Jacques Ménard plaide pour une loi encandrant les nominations dans les sociétés d’État». Plus de rigueur et une loi, rien de moins, pour le public seulement, cela va de soi bien évidemment. Pas pour le privé et surtout pas pour Bell, voyons-donc. La rigueur est au privé un gêne naturel de même que leur auto-discipline proverbiale. En passant, juste comme ça, la Caisse de dépôt et placement du Québec a conservé, au mois de mars 2003, et malgré sa perte affichée en 2002 et nonobstant toute cette merde médiatique, sa cote AAA attribuée par l’Agence de notation de crédit américaine Standard & Poor’s qui est loin d’être un organisme marxiste-lenniniste, croyez-moi. On le répète, la principale cause de la perte de 8.5 milliards$ de dollars affichée par la Caisse de dépôt en 2002 fut le résultat de la formidable débâcle boursière et des nombreuses fraudes réalisées par des firmes privées américaines et canadiennes en 2001 et en 2002 et qui ont fait perdre environ 7000 milliards de dollars aux investisseurs, aux employés, aux caisses de retraite privées et à la collectivité. Quant à la perte subie par la Caisse de dépôt sur son investissement dans Quebecor, il n’est que théorique et il faudrait tenir en ligne de compte les gains économiques importants pour la collectivité, les employés et les entreprises d’ici d’avoir conservé au Québec le contrôle juridique de Vidéotron. Si Vidéotron fut à ce point un si mauvais 31 placement, pourquoi alors la firme concurrente Rogers s’est-elle battue jusqu’à la dernière minute pour l’acquérir? Les gros titres répétés en première page de La Presse En plus de ses multiples éditoriaux et opinions négatifs, La Presse a accordé, en première page s’il-vous-plaît, de nombreux articles «flamboyants» au cours des mois de mars et d’avril 2003 à notre Caisse de dépôt nationale: 6 mars 2003 - «Pertes de 8.5 milliards pour la Caisse en 2002»; 9 mars 200324 avril 2003- «Dans l’aventure Vidéotron: la Caisse mange deux autre milliards»; «La Caisse a perdu la moitié de ses billes dans MGM»; 8 mars 2003- «Caisse de dépôt: pire performance de l’histoire en vue»; 29 mars 2003- «Les travailleurs et les entreprises devront payer pour les déboires de la Caisse». Vraiment de l’acharnement médiatique. Naturellement, pour toutes les autres années précédentes au cours desquelles la Caisse a affiché d’excellents résultats financiers et a fait mieux que les autres caisses de retraite privées, rien, niet, kapout. Le traitement de certains partis politiques Naturellement, l’Action Démocratique du Québec (ADQ) et le Parti Libéral du Québec, qui sont de farouches partisans de l’État-minimal et de furieux adeptes du privé partout et surtout dans les services publics, ne pouvaient rater cette occasion en or, surtout en pleine période électorale, de lâcher leur fou et leur dévolu sur la Caisse de dépôt, comme en font foi les titres de ces quelques articles de journaux répertoriés encore une fois dans La Presse à Power Corp. et à ses filiales Investors, Mackenzie, Great-West Life, London Life et Canada-Vie: 6 mars 2003 - «Caisse de dépôt: l’ADQ mettrait un frein à l’interventionnisme» 16 mars 2003 - «Jean Charest tient le premier ministre (Bernard Landry) personnellement responsable des déboires de la Caisse» 17 mars 2003 - «Dumont s’en prend à la “folie des grandeurs” de la Caisse» 30 mars 2003 - «Caisse de dépôt: le PLQ revient à l’offensive» Et à la folie des grandeurs et des déboires de Bell que nous allons tous devoir assumer, qui en est responsable messieurs Charest et Dumont? 32 7- CONCLUSION Plus ça change, plus c’est pareil Vous me permettez de reprendre, en première partie de ma conclusion, de larges extraits de celle que j’avais rédigée en 1994 lors de ma première étude sur Bell Canada Entreprises. Depuis 1994, les choses ne se sont pas améliorées mais se sont plutôt nettement détériorées. Cette étude sur la plus importante compagnie canadienne de communications a démontré clairement qu’il faut prendre avec un grain de sel les postulats et les dogmes creux et futiles, avancés continuellement par certains ténors du secteur privé et par leurs meneuses de claques attitrées prêchant abondamment la supposée efficacité, efficience, compétence, etc. du privé par rapport au public. Lorsque BCE s’hasarde à l’extérieur de son monopole pépère qui lui assure une rente à perpétuité, il fait «dur» et fait pire que le public. Il ne faut point oublier que ces pertes de 47 milliards$ subies au cours des quatorze dernières années par BCE dans des activités connexes aux télécommunications canadiennes seront refilées aux abonnés de Bell Canada, la vache à lait du holding financier. Dans les faits, ces pertes de 47 milliards de dollars ont été défrayées à même les surplus accumulés antérieurs fournis par les consommateurs. Comme les dividendes versés aux actionnaires ont continuellement augmenté depuis quatorze ans ainsi que les somptueux salaires consentis à la haute direction, l’on peut dire que ce sont les contribuables, les consommateurs et les employés de Bell qui ont fait et qui feront les frais de ce fiasco. Depuis 1985, les dirigeants de BCE ont acquis au gros prix (achalandage exorbitant) des compagnies qui se sont avérées, quelques années plus tard, être des gouffres financiers. Si ces pertes considérables avaient été subies par une société d’État, les médias et les gourous du secteur privé l’auraient dénoncées à grands cris et auraient fait valoir l’incompétence notoire de la fonction publique. N’oublions pas que BCE n’a de privé que le nom. Dans les faits, elle relève bien plus du public que du privé. Rappelons-nous que la perte de la Caisse de dépôt subie en 2002 a été couverte de long et en large par les médias. Et cette couverture médiatique relevait carrément du mépris comme nous l’avons exposé dans notre étude. Par contre, les pertes de 47 milliards$ encourues par BCE ont eu peu d’écho dans la presse écrite et parlée, de même que les déductions fiscales que les contribuables canadiens et québécois devront défrayer. Comme nous l’avons signalé plus haut, ces 47 milliards$ de pertes englouties ailleurs que dans les télécommunications au Canada proviennent des poches des abonnés du téléphone d’ici qui lui ont versés ces sommes au cours des soixante dernières années. Il aurait été nettement préférable de faire comme dans d’autres pays qui ont confié le monopole du téléphone à une société d’État. Il en aurait résulté une répartition plus équitable des ressources du pays en général et du Québec en particulier. Il est à souhaiter que ces résultats désastreux générés par BCE appelleront les dirigeants de BCE à un peu plus de retenue et de modestie dans leurs comportements et dans leurs déclarations. Et dire que Jean C. Monty, ex-président de BCE va recevoir une rente de retraite annuelle de 2 millions de dollars jusqu’à la fin de ses jours pour ses «précieux services rendus». C’est ainsi que le privé concrétise ses concepts d’imputabilité et de rémunération au 33 rendement dont il louange tant les vertus intrinsèques. Pour un partenariat public-privé du service public du téléphone résidentiel J’espère que les faits démontrés dans notre étude de recherche en convaincront certains de l’urgence d’instaurer un partenariat public-privé pour ce service public de base pour le mieux-être de la très grande majorité de la population, que ce soit à titre de consommateurs, de petites et moyennes entreprises, de contribuables, d’employés, des régions, etc. Nous avons eu le courage de faire dans les années soixante la nationalisation d’Hydro-Québec avec les succès retentissants qui s’ensuivirent: baisse de plus de la moitié des tarifs d’électricité, tarifs uniformes partout au Québec, importants investissements faits dans la province, traitement correct des employés, apports financiers considérables annuels versés par Hydro-Québec dans les coffres du gouvernement du Québec, énormes déboursés en recherche et développement effectués ici au Québec, nombreux et lucratifs contrats accordés à des firmes d’ici, dont de nombreuses petites et moyennes entreprises, aucune subvention reçue par Hydro-Québec des gouvernements comme c’est le cas pour le privé qui en exige toujours plus pour quoi que ce soit (recherche, investissements, formation, exportations, etc.), les plus bas tarifs résidentiels d’électricité au monde (généralement plus de deux fois moins élevés qu’aux États-Unis), présence aux Québec de nombreux investissements étrangers grâce à Hydro-Québec, etc. C’est par le biais d’instruments collectifs que le peuple du Québec peut vraiment afficher sa souveraineté face aux pays étrangers et aux multinationales d’ici et d’ailleurs qui ne se reconnaissent qu’une seule responsabilité, soit l’enrichissement de leurs actionnaires et de leurs dirigeants. Servir l’intérêt supérieur de la collectivité passe par le renforcement de nos services publics, de nos instruments collectifs et de l’État, et non le contraire. Au nom de quel a priori ne devrions-nous pas être collectivement présents dans ce que nous jugeons du meilleur intérêt de l’ensemble de la population? Il ne peut y avoir de souveraineté politique, culturelle et sociale sans une souveraineté économique digne de ce nom. Je le sais trop bien, suggérer de nos jours la nationalisation de quelque service public que ce soit, fait de vous un arriéré, un farfelu, un communisme, un jaloux, un bouffon, etc. Quoi qu’il en soit, la solution qui ressemblera la majorité, surtout le patronat et les partis politiques, et que je fais mienne, est la mise en place d’un partenariat public-privé pour le service public du téléphone résidentiel dans lequel l’État détiendra une participation suffisante de la nouvelle entité lui permettant d’influer sur le processus décisionnel. Face à la solution actuelle inacceptable du privé total avec tous ses effets pervers, le partenariat public-privé que je propose, de même que le patronat et les partis politiques, du moins en principe, fera consensus à coups sûrs. Le partenariat public-privé, tel qu’avancé par le patronat et les partis politiques, n’est pas, du moins je l’espère, un concept à sens unique, c’est-à-dire toujours orienter du public vers le privé. De plus, les dirigeants de Bell seront emballés par notre recommandation, eux qui prétendent opérer à perte depuis toujours le service résidentiel. Ainsi, ils seront libérés d’un véritable boulet économique, à moins que l’on ne nous ai pas dit la vérité. 34 La propriété étrangère de Bell «BCE aimerait voir disparaître les règles de propriété étrangère», tel fut le titre de l’article de journal du 19 février 2003 paru dans La Presse. Mais quel projet de société grandiose! Comme si nous n’étions pas assez colonisé déjà, enfonçons-nous encore un peu plus dans cette voie au profit des seuls actionnaires de Bell, de ses dirigeants et des investisseurs étrangers. Et croyezmoi, la vente de ce service public à des intérêts américains se concrétisera dans le futur comme ce fut le cas pour plusieurs autres entreprises d’ici, entre autres, dans les domaines du pétrole, du gaz naturel, de l’assurance, de la pharmacologie, etc. Déjà que plus de 85% de nos exportations sont dirigés vers les États-Unis et que les multinationales américaines détiennent des milliers d’entreprises canadiennes, il faut obligatoirement, face au comportement actuel et passé impérialiste et terroriste des États-Unis, prendre nos distances et réduire notre dépendance face à ce pays et non s’enfoncer toujours plus dans les griffes de l’empire américain. Comment le lobby de Bell réussira-t-il à convaincre Ottawa, que vous demandez? Et bien prenons cet extrait d’un article paru dans La Presse du 7 septembre 2001 intitulé: «Le conseiller en éthique prié d’enquêter sur le “cadeau” de BCE au premier ministre: Selon Démocratie en surveillance, BCE et ses filiales de Bell Canada ont à eux seuls quelques 16 lobbyistes sur la colline parlementaire à Ottawa, dont 11 sont directement actifs auprès du Conseil privé, donc auprès du cabinet du premier ministre». Bell menace de quitter le Québec Même si Bell s’enrichit copieusement à nos dépens depuis toujours à même un service public, cela n’a pas du tout empêché les dirigeants de cette entreprise de menacer de quitter la province dans l’éventualité de la souveraineté du Québec (Journal de Montréal, 8 mai 1996). La souveraineté du Québec, une aspiration collective nécessaire pour notre émancipation, fait peur à tous nos aventureux hommes d’affaires, même s’ils prétendent avoir le goût inné du risque, qualité première de tout entrepreneur. Même l’infime Charles Sirois, qui à titre de président de Téléglobe, a mené cette entreprise à la faillite, avait fait la même menace en 1996, comme en fait foi le titre de cet article du Journal de Montréal du 9 mai 1996, soit un jour après le chantage de Bell intitulé: «Après le président de BCE: Charles Sirois menace lui aussi de sortir Téléglobe de Montréal». N’avons-nous pas un minimum de fierté? L’élémentaire dignité collective face à ces menaces de quitter le Québec et de vendre ce service public du téléphone résidentiel à des étrangers, devraient nous convaincre du bien fondé de nationaliser cette entreprise, pardon d’instaurer un partenariat public-privé, le plus vite possible avant qu’il ne soit trop tard. En aurons-nous le courage, où préférons-nous l’exploitation, la soumission et le chantage?