Les fluctuations de l`engagement militant

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Les fluctuations de l`engagement militant
Institut d’études politiques - Université Lumière Lyon II
Les fluctuations de l’engagement militant :
le cas des militants de l’association AttacRhône
Mémoire de recherche de Master 2 de Sociologie politique
Kumeda Maryna
2008-2009
Sous la direction de Lilian Mathieu
Soutenu le 12 juin 2009
Table des matières
Remerciements . .
Introduction . .
Chapitre I. Attac Rhône, expression locale d’une dynamique altermondialiste nationale . .
1. Sociohistoire de l’association Attac . .
1.1. La naissance d’Attac . .
1.2. La définition des statuts et des objectifs . .
1.3. Le développement d’Attac au niveau local . .
1.4. Les crises internes à Attac . .
1.5. Attac, figure de proue fragilisée de l’altermondialisme français . .
2. Attac-Rhône – traduction d’une logique nationale au niveau local . .
2.1. La fondation d’Attac Rhône . .
2.2. Les fluctuations des effectifs d’Attac Rhône . .
2.3. L’offre d’activités militantes . .
Chapitre II. L’association Attac-Rhône aujourd'hui. « Déclin ou mutation ? » . .
1. Ces adhérents « invisibles » . .
1.1. Présentation de l’enquête . .
1.2. Profil sociographique . .
1.3. Rapport au champ partisan . .
1.4. Eléments de socialisation politique . .
2. Les activités actuelles d’Attac-Rhône . .
3. Les représentations politiques des militants d’Attac-Rhône . .
3.1. La socialisation politique des militants d'Attac-Rhône. Démocratie dans une
communauté restreinte . .
3.2. Le positionnement d’Attac dans le champ politique . .
3.3. « Faire de la politique autrement » : éducation populaire, production de
l’expertise, construction du débat public . .
3.4. La place d’Attac-Rhône dans l’espace militant de Lyon . .
Chapitre III. L’engagement et ses fluctuations : le cas des adhérents et des militants
d’Attac-Rhône . .
1. Les approches sociologiques contemporaines du militantisme . .
2. Les facteurs des fluctuations de l’engagement . .
2.1. Générations militantes . .
2.2. Cadre organisationnel de l’engagement . .
2.3. L’épuisement . .
2.4. Les moments forts du militantisme . .
2.5. Ruptures biographiques . .
2.6. L’inscription du militantisme dans l’espace des pratiques sociales ordinaires . .
2.7. Variabilité des rétributions militantes . .
2.8. Formes de sociabilités . .
2.9. Désengagement . .
3. La fin d’Attac-Rhône ? . .
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Bibliographie . .
Méthodologie . .
Sources académiques . .
Dossiers : . .
Sources journalistiques : . .
Sources Attac: . .
Autre : . .
Site internet : . .
Liste des sources . .
Entretien № 1. Mathieu . .
Entretien № 2. Julien . .
Entretien № 3. Jérôme . .
Entretien № 4. Lucie . .
Entretien № 5. Romain . .
Entretien № 6. Florian . .
Entretien № 7. Delphine . .
Entretien № 8. Azzedine . .
Entretien № 9. Amandine . .
Entretien № 10. Nicolas . .
Entretien № 11. Hélène . .
Entretien № 12. Charlotte . .
Entretien № 13. Daniel . .
Entretien № 14. Alice . .
Entretien № 15. Michael . .
Entretien № 16. Cédric . .
Entretien № 17. Manuel . .
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Remerciements
Remerciements
Je tiens à remercier
M Lilian Mathieu
pour sa surveillance précieuse et très instructive de notre travail de recherche,
Delphine, Lucia, Eddy, Yoann
pour leur soutien et encouragement.
Maryna Kumeda - 2009
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Les fluctuations de l’engagement militant : le cas des militants de l’association Attac-Rhône
Introduction
Objet d’enquête
En s’inscrivant dans la sociologie de l’engagement militant, la présente étude porte
sur les fluctuations des engagements des militants du comité local d’Attac-Rhône. Les
engagements, au pluriel, puisque ce sont ses fluctuations et la variété de ses formes
que nous allons essayer de comprendre et d’expliquer. Ayant abordé notre terrain par
une rencontre avec des militants de l’association avec le questionnement sur l’élément
idéologique dans l’engagement militant, nous avons été amenée du fait de l’état des activités
et des effectifs de l’association à nous pencher vers l’exploration d’un phénomène plus
saillant aux multiples facettes : le désengagement. Autant le discours des militants engagés
actuellement que la reconstruction rétrospective par les désengagés de leur militantisme
passé et la désaffection de l’association, mais aussi l’analyse quantitative du profil des
adhérents actuels et l’exploration de leur rapport aux activités de l’association vont nous
permettre de mieux comprendre le phénomène de l’engagement militant comme activité
sociale particulière, ses logiques, déterminants, modes de déroulement et conséquences.
L’instabilité et les fluctuations de l’engagement militant est un objet d’autant plus intéressant
aujourd'hui que la participation électorale est en baisse constante (quelle sera la dynamique
de celle-ci lors de la consultation de ce juin 2009 ?) et que la démocratie représentative
perd ainsi de sa légitimité.
L’association Attac est un terrain particulièrement propice pour l’étude de notre
objet. Attac (Association pour la taxation des transactions pour l'aide aux citoyens) est
une organisation altermondialiste constituée en France en 1998 et existant aujourd'hui
dans une cinquantaine de pays avec 100 000 membres. Elle a été un vrai phénomène
dans la vie politique française avec son essor impressionnant et l’adhésion de 30 000
membres en quatre ans. Ensuite, l’association a connu une baisse du nombre d’adhésions,
l’accroissement des divergences internes, résultant en « crise » interne, très médiatisée,
1
en 2006. Elle se trouve aujourd'hui avec près de 10 000 membres et 215 comités locaux .
L’association Attac, l’attractivité de laquelle était confirmée quantitativement au départ, mais
mise en cause ensuite dans les propos des médias et par le décroissement double de ses
effectifs, présente ainsi un terrain propice pour l’étude des fluctuations de l’engagement.
L’état des lieux.
Le phénomène Attac n’a pas pu échapper au regard des chercheurs. Néanmoins, ce
sont surtout des jeunes chercheurs-doctorants, à quelques exceptions près, qui en ont fait
2
l’objet de leurs enquêtes. Leur attention a été portée sur l’émergence de l’association ,
3
4
ses militants , les pratiques de son fonctionnement interne et des formes de participation
1
10650 adhérents à jour de cotisation au 30 septembre 2008. Dans la brochure d’Attac de 2009 nous voyons que « en France,
près de 15 000 personnes ont adhéré en 2007 » www.france.attac.org
2
ANCELOVICI, Marcos, “Organizing against Globalization: the Case of ATTAC in France”, Politics & Society, 2002, vol. 30,
n.3, p.427-463.
3
CRUZEL, Elise, « Passer à l’Attac » : Eléments pour l’analyse d’un engagement altermondialiste, Politix, Volume 17 –
n 68/2004, p. 135-163 ; RULLIERE Sonia, “Géographies d’ATTAC”, mémoire pour l’obtention du titre de maitrise à l’Institut de
géopolitique, Université Paris-VIII-Vincennes (dir.Laurent Carroué), 2003 ; BAROTTE Nicolas et BENHABRI Mehdi, « Les militants
6
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Introduction
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6
des militants , mais aussi sur le « système d’Attac » et la position d’Attac dans l’espace
7
militant et son travail discursif (ou « idéologique », selon l’appellation de l’auteur) . Une
vaste étude a été mené par Raphael Wintrebert dans le cadre de sa thèse sur l’« histoire
8
et la crise d’une organisation militante » . Ensuite, simultanément à l’atténuation de l’intérêt
médiatique envers Attac, le regard sociologique s’est déplacé vers d’autres phénomènes
altermondialistes, entre autres les forums sociaux mondiaux et régionaux, et d’autres objets
de la sociologie de l’engagement militant.
Dans leur ensemble, les études du mouvement altermondialiste — dont l’essor est
généralement daté dès la fin des années 1990 avec la manifestation contre le sommet
9
de l’Organisation Mondial de Commerce (OMC) à Seattle , l’apparition d’Attac en France
et l’organisation des premiers Forums sociaux à Porto Alegre — sont nombreuses. Tout
10
en instaurant sa continuité avec des mouvements sociaux et revendications anciennes ,
11
elles cherchent à expliquer son émergence et constitution de l’espace altermondialiste ,
12
13
prennent en compte le contenu de sa critique , ses formes d’action et d’organisation ,
d’Attac et la mondialisation. Enquête par entretien auprès de 10 militants », mémoire pour l’obtention du diplôme de l’IEP de Paris,
2001 ; MARTY Thomas, « ATTAC Toulouse : Les conditions sociales de la mobilisation d’un capital militant », mémoire pour le DEA
« Politique comparée et Sociologie politique » (dir.Bernard Lacroix), Université Paris-X-Nanterre, 2001-2002.
4
5
TRAUTMANN, Flore, Internet au service de la démocratie ? Le cas d’ATTAC, Cahiers du CEVIPOF, 30, 2001.
SZCZEPANSKI, Maxime, « Du militantisme à la militance. Une étude microsociologique des modalités de participation des
militants ‘antimondialisation’ », Regards sociologiques, 24,2002.
6
GERVAIS, Julie. Les acteurs et le « système d’Attac » : entre mutations du militantisme et nouveaux engagements citoyens.
D.E.A. de Science politique de Lyon, septembre 2001
7
WATERS Sarah, « A l’attac : globalization and ideological renewal of the French Left », Modern & Contemporary France, 2006,
05, vol. 14, n°2, pp.141-156; WATERS Sarah, “Mobilising against Globalisation. Attac and the French Intellectuals”, West European
Politics, Vol. 27, no. 5, 2004.
8
WINTREBERT Raphael, Attac, la politique autrement? Enquête sur l’histoire et la crise d’une organisation militante, Paris,
Editions La Découverte, 2007 ; WINTREBERT Raphael, « Attac France et le mouvement altermondialiste », Courrier hebdomadaire,
2007/1978-1979, n ° 1978-1979, p.5-62.
9
BARLOW M., Clarke T., 2000, La Bataille de Seattle. Sociétés civiles contre mondialisation marchande, Paris, Fayard.
LOSSON L., QUINIO P., Génération Seattle. Les rebelles de la mondialisation, Grasset, Paris, 2002.
10
AGRIKOLIANSKY Eric, FILLIEULE Olivier, MAYER Nonna (dir.), L’altermondialisme en France. La longue histoire
d’une nouvelle cause, Paris, Flammarion, 2005 ; AGRIKOLIANSKY Eric, FILLIEULE Olivier et MAYER Nonna, « La dynamique
altermondialiste en France », L'Économie Politique, 2005/1 - n°25, p.82-90.
11
L. MATHIEU, « La constitution du mouvement altermondialiste français », Critique internationale, n° 27, 2005 ; BRUNEAU
Ivan, « La Confédération paysanne et le « mouvement altermondialisation », Politix, Vol 17-n 68 / 2004, p.111-134 ; MAYER Nonna
et SIMEANT Johanna, « L’espace de l’altermondialisme », Revue française de science politique, vol. 54, n° 3, juin 2004, p. 373-378.
12
BECK Ulrich, Pouvoir et contre-pouvoir à l'ère de la mondialisation, Paris, Aubier, 2003; BOLTANSKI Luc et CHIAPELLO
Eve, Le Nouvel Esprit du capitalisme, Paris, Gallimard, 1999 ; NEGRI Antonio et HARDT Michael, Empire, 2002 ; FOUGIER Eddy,
« Perceptions de la mondialisation en France et aux Etats-Unis », Politique étrangère, n 3 / 2001, p.569-585 ; FOUGIER Eddy,
« Mondialisation : l’ère des refus », Politique étrangère, n 3-4 / 2003, p.627-641 ; COUVRAT Christine, L’essor de l’altermondialisme,
Paris, l’Harmattan, 2007.
13
« Seattle, Florence, Porto Alegre : l'autre mondialisation », Mouvements, n°25-2003/1, 2003, p.5-91 ; WIEVIORKA M, Un
autre monde. Contestations, dérives et surprises dans l’antimondialisation, Balland, Paris, 2003.
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14
dressent le profil des militants altermondialistes . Cette thématique était également à
15
l’origine de nombreux projets de réflexion collective . L’intérêt a diminué depuis quelques
16
années, à rare exception , et le mouvement, tout en étant moins visible médiatiquement,
17
suscite aujourd'hui les débats autour de l’hypothèse de son « essoufflement » .
En ce qui est de la place qu’occupe notre objet de recherche, les fluctuations de
18
l’engagement et le désengagement , dans la sociologie de l’engagement militant, l’intérêt
y porté sous cet angle est relativement récent. Ainsi, Olivier Fillieule, qui depuis longtemps
nourrit un programme de recherche fondé sur l’« analyse processuelle de l’engagement
19
individuel » , a dirigé un ouvrage collectif sorti en 2005 sous l’intitulé Le désengagement
militant, qui est un fruit d’une journée d’études dans le cadre du Groupe d'études et de
20
recherches sur les mutations du militantisme (GERMM) en 2001. Mais la portée de cet
ouvrage, selon son directeur, est plus grande que de recenser des facteurs et des modalités
du désengagement – c’est la curiosité sociologique pour les logiques sous-jacentes aux
phénomènes sociaux qui définissent sa direction : « L’entrée par le désengagement s’inscrit
ici plus largement dans une tentative de poser d’une manière renouvelée la question du
militantisme comme activité sociale spécifique, avec ses phases de recrutement et ses
21
moments de déprise » . Ainsi, l’apport de cette approche d’analyse du militantisme par
le désengagement est incontestable. Tout d’abord, selon Fillieule, cela permet d’éviter
l’analyse synchronique de l’organisation ou du mouvement, qui pourrait être réductrice,
14
AGRIKOLIANSKY Eric et SOMMIER Isabelle (dir.), Radiographie du mouvement altermondialiste. Le deuxième Forum social
européen, La Dispute, 2005 ; GOBILLE Boris, « Les altermondialistes : des activistes transnationaux ? », Critique internationale, N°27,
avril-juin 2005, p.131-145 ; FILLIEULE Olivier; BLANCHARD Philippe; AGRIKOLIANSKY Eric; BANDLER Marko; PASSY Florence;
SOMMIER Isabelle, « L'altermondialisation en réseaux. Trajectoires militantes, multipositionnalité et formes de l'engagement: les
participants du contre-sommet du G8 d'Evian », Politix, vol.17, n°68, 2004, p. 13-48 ; DELLA PORTA Donatella, « Démocratie en
mouvement. Les manifestants du Forum social européen, des liens aux réseaux », Politix, vol.17, n°68, 2004, p. 49 – 77.
15
Colloque international : "Les mobilisations altermondialistes" (3-5 décembre 2003) organisé par le GERMM à l’AFSP, des
dossiers dans les revues : « Les ONG face aux mouvements altermondialistes » dans la Revue française de science politique,
vol.54, 2004-3 ; « Militants de l'altermondialisation » dans le Politix, vol.17, n°68 en 2004 ; « Les altermondialismes » dans la Critique
internationale, n°27-2005/2.
16
Le numéro intitulé « Altermondialisme(s) oublié(s) » de la revue Cultures et conflits a réuni des travaux qui portent le regard
sur les formes du mouvement altermondialiste du Sud. Voir n°70, été 2008.
17
AGRIKOLIANSKY Eric, « L’altermondialisme en temps de crise. Réflexions sur un déclin annoncé », Mouvements, 2007/2,
N° 50 ; FOUGIER Eddy, « Où en est le mouvement altermondialiste ? Réflexion sur l’essoufflement », La vie des idées, le 3 mars
2008, www.laviedesidées.fr , PLEYERS Geoffrey, « L’altermondialisme : essoufflement, ou reconfiguration ? Réponse à Eddy Fougier
», le 21 mars 2008, www.laviedesidees.fr .
18
Malgré la définition dans la langue courante de désengagement comme « une action de se désengager », il nous semble
qu’en sociologie prévaut l’approche processuel d’analyse de ce phénomène.
19
Il explique sa motivation par le fait que tant l’intérêt accordé aux mécanismes d’enclenchement et d’entrée dans
l’engagement est grand, l’évolution de celui-ci en cours d’action n’est que très peu étudié. Il insiste sur la nécessité de rajouter une
dimension temporelle dans l’analyse de ce phénomène, ce qui pourrait, ainsi, permettre d’aborder la question de désengagement
et des conséquences biographiques de l’engagement (dans FILLIEULE Olivier, « Propositions pour une analyse processuelle de
l’engagement individuel », Revue française de science politique, vol.51, n°1-2, février-avril 2001, p.199-217.)
20
21
8
http://www.afsp.msh-paris.fr/activite/groupe/germm/germm.html
FILLIEULE Olivier, « Introduction » in FILLIEULE Olivier (dir.), Le désengagement militant, Paris, Belin, 2005, p.11.
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Introduction
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n’offrant pas la possibilité de prendre en compte ni les effets de sélection
, ni
les effets de la durée de l’engagement. Ensuite, cela permet la prise en compte des
conséquences biographiques de l’engagement, des possibilités et des façons de reconvertir
les ressources militantes acquises. Cela coïncide avec l’intérêt pour le concept de l’espace
23
des mouvements sociaux , où les répertoires d’action, les militants, les ressources et
les cadres circulent et sont interdépendants. De plus, la connaissance du devenir des
désengagés va enrichir l’image de leurs engagements passés en ce qu’elle « renseigne
sur les possibles entrouverts, freinés ou censurés auparavant par l’appartenance politique,
24
et qui sont désormais facilités » . De plus, O. Fillieule envisage ici la possibilité pour la
sociologie des mouvements sociaux de dépasser son « splendide isolement », en intégrant,
25
par exemple, les acquis de la sociologie de socialisation ou de la sortie des rôles . Il dresse
une liste détaillé de la multitude des courants et champs d’études des sciences de l’homme,
26
où peuvent être puisés des éléments pour enrichir l’analyse du désengagement .
Dans notre analyse nous allons nous servir des concepts développés, ou empruntés
dans d’autres disciplines, et appliqués aux études empiriques par les auteurs de cet ouvrage
27
collectif. Ainsi, l’analyse par générations militantes (cohortes
) permet de prendre en
compte l’effet du moment de l’entrée dans l’organisation et de la durée de l’engagement,
28
et met, ainsi, en lumière le phénomène d’épuisement, voire de burn out
, chez des
militants appartenant généralement aux premières générations. La prise en compte de la
multipositionnalité de l’acteur social dans des sphères de vie
22
29
et la tension
30
, matérielle et
La corrélation entre les configurations organisationnelles, idéologiques ou humaines d’un groupe, le profil des engagés et
le caractère de leur engagement : « (…) ceux qui sont là ne sont sans doute pas « identiques » à tous ceux qui sont partis », in
FILLIEULE Olivier (dir.), Le désengagement militant, op.cit., p.12.
23
24
MATHIEU, Lilian, « L’espace des mouvements sociaux », Politix, n° 77, 2007.
GOTTRAU X Philippe, « Autodissolution d’un collectif politique. Autour de Socialisme ou Barbarie » in FILLIEULE
Olivier (dir.),
25
Le désengagement militant
,
op.cit.
, p.89.
FILLIEULE Olivier, « Temps biographique, temps social et variabilité des rétributions » in FILLIEULE Olivier (dir.), Le
désengagement militant, op.cit., p.47.
26
Ce sont les approches biologiques (notamment, les approches structuralo-fonctionnalistes du développement personnel), les
approches macro-sociales (R.Turner, J.Gusfield, A.Hirschman, D.Labbé et M.Croisat), les théories des rôles sociaux (J.-C.Kauffman,
H.R.Fuchs-Ebaugh), les travaux sur les conséquences biographiques de l’engagement (J.Whalen, McAdam, Ch.Tilly), et enfin, les
approches de la psychologie sociale sur le maintien de l’engagement (B.Klandermans, R.Kanter), dans FILLIEULE Olivier, « Temps
biographique, temps social et variabilité des rétributions » in FILLIEULE Olivier (dir.), Le désengagement militant, op.cit., p.17-47.
27
WHITTIER Nancy, « Political générations, Micro cohorts and the Transformations of Social Movements », American
Sociological Review, vol.62, n°5, oct.1997, p.760-778 ; LABBE Dominique et CROISAT Mauric, La fin des syndicats ?, Paris,
l’Harmattan, coll. « Logiques sociales », 1992 cité in FILLIEULE Olivier (dir.), Le désengagement militant, op.cit., p.26-27, 255.
28
Appliqué à l’étude sur la défection des bénévoles des associations de lutte contre le sida, ce concept est emprunté par
O.Fillieule dans une étude de 1974 pour désigner « l’épuisement professionnel des soignants » (FREUDENBERGER H.J., « Staff
Burn-Out », Journal of social Issues, 30, 1974, p.187-196 ; MASLACH C., Burnout : The Cost of Caring, Englewoods Cliffs, N.J.,
Prentice-Hall, 1982, cite in FILLIEULE Olivier (sous dir.), Le désengagement militant, op.cit., p.257, 280-281.
29
PASSY Florence, “Interactions sociales et imbrications des sphères de vie”, in Fillieule Olivier (dir.), Le désengagement
militant, op.cit., pp.111-130.
30
GOTTRAUX Philippe, « Autodissolution d’un collectif politique. Autour de Socialisme ou Barbarie » in FILLIEULE Olivier
(dir.), Le désengagement militant, op.cit., p.75-93.
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31
identitaire, qui en découle expliquerait, y compris du point de vue de la psychologie sociale ,
32
les transformations identitaires que vit l’acteur et qui peuvent entraîner son éloignement,
voir sa défection. L’ouverture ou l’absence des possibilités de reconversion des capitaux
33
militants est une autre variable explicative des fluctuations de l’engagement, que nous
appliquerons. Nous allons également essayer d’intégrer dans notre analyse les apports
34
d’Albert Hirschman pour expliquer le jeu des facteurs structurels à travers les mécanismes
individuels psychologiques, tels que ceux résultant dans un sentiment de déception.
Ces réflexions théoriques et méthodologiques nous renvoient à l’état des lieux de la
35
sociologie de l’engagement militant aujourd'hui. Sans dresser la liste des travaux dans
ce domaine ni les transformations qu’il avait vécues et les tendances actuelles, ce qui était
36
récemment fait par Frédéric Sawicki et Johanna Siméant , nous voudrions rappeler les
défis, tels que les auteurs les ont définis, pour la recherche aujourd'hui. Premièrement, la
centralisation des recherches en sociologie de l’engagement sur les « nouvelles » formes
des militantismes, souvent encadrées par des « organisations assez faibles » a abouti
à un manque de considération des « effets d’organisation » : d’une part, l’impact de la
37
configuration organisationnelle, sélectionnant et structurant le militantisme en son sein ,
38
d’autre part, les capitaux militants et leur actualisation selon la structure organisationnelle .
Dans notre enquête nous allons essayer d’éviter ces lacunes en mobilisant les éléments
de la sociohistoire de l’association et l’expérience des acteurs liée à leur vécu dans cette
association et dans leurs autres engagements, aussi que dans d’autres espaces de vie.
Deuxièmement, les auteurs appellent à mettre en lien les changements macrosociaux et
les transformations affectant l’engagement. Ainsi, nous allons essayer de rapporter des
fluctuations de l’engagement des militants aux transformations affectant l’organisation Attac,
le mouvement altermondialiste dans son ensemble et le contexte sociopolitique français.
39
F.Sawicki et J.Siméant remarquent que le sentiment du déclin de certaines formes
de militantisme (« réputées « traditionnelles » » : partisan, syndical, professionnel)
31
KLANDERMANS Bert, « Une psychologie sociale de l’exit » in FILLIEULE Olivier (dir.), Le désengagement militant, op.cit.,
p.95-110.
32
VOEGTLI Michael, « Du Jeu dans le Je : ruptures biographiques et travail de mise en cohérence », Lien social et Politiques,
n° 51, 2004, p. 145-158.
33
MATONI Frédérique et POUPEAU Franck, « Le capital militant. Essai de définition », Actes de la recherche en sciences
sociales, n° 155, 2004/5, p.4-11.
34
HIRSCHMAN Albert, Bonheur privé, action publique (Shifting Involvements. Private Interest and Public Action), trad. M.Leyris
et JB.Grasset, Paris, Fayard, 1983.
35
L’ «engagement militant » est défini par F.Sawicki et J.Siméant comme « toute forme de participation durable à une action
collective visant la défense ou la promotion d’une cause », in SAWICKI Frédéric, SIMEANT Joanna, « Décloisonner la sociologie de
l’engagement militant. Note critique sur quelques tendances récentes des travaux français », Sociologie du travail, n° 51, 2009, p. 98.
36
SAWICKI Frédéric, SIMEANT Joanna, « Décloisonner la sociologie de l’engagement militant. Note critique sur quelques
tendances récentes des travaux français », art.cit., p. 97–125.
37
Ou, en d’autres termes, comment les organisations « travaillent les individus et sont travaillées par eux », voir SAWICKI
Frédéric, SIMEANT Joanna, « Décloisonner la sociologie de l’engagement militant. Note critique sur quelques tendances récentes
des travaux français », art.cit., p. 115.
38
39
Ibid., p. 101.
PERRINEAU Pascal (dir.), L'engagement politique: déclin ou mutation ? Paris : Presses de la Fondation nationale des
sciences politiques, 1994.
10
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ou d’apparition des nouvelles (« engagement distancié » ) est lié au regard biaisé
que portent des chercheurs sur l’espace des mouvements sociaux, en privilégiant
d’étudier le militantisme pour les « causes globales » (les mouvements altermondialiste,
environnemental, la défense des « sans », l’engagement humanitaire) plutôt que celui pour
les causes locales (l’engagement dans des associations du quartier, des consommateurs),
ou encore les mouvements de gauche plutôt que de droite ou apolitiques (syndicats
41
42
patronaux, clubs de type Rotary) , en accordant les fausses explications aux « mutations
du militantisme », faute d’éléments pour élaborer et comprendre l’image de l’ensemble
des transformations du contexte sociopolitique. Sur une autre échelle, à l’hypothèse de
l’« essoufflement » du mouvement altermondialiste, E.Agrikoliansky répond qu’elle est due
aux représentations tronquées que se font certains chercheurs, journalistes ou acteurs sur
son ensemble et ses acteurs. Ainsi, la perception du déclin d’Attac, repérable tant dans
l’espace médiatique que dans les propos des acteurs, est-elle un reflet exact de la réalité des
choses ? Quelles formes prend-il et comment peut-on l’expliquer ? Ce sont des questions
auxquelles nous nous sommes intéressées au départ.
De tels questionnements renvoient aux préoccupations plus globales dans les
démocraties occidentales du déclin de la participation citoyenne, tant dans sa forme
qui est le fondement de leur légitimité (le vote) que dans sa dimension contestataire
(les mouvements sociaux). Cette dernière, elle aussi, en ce qu’elle témoigne de l’intérêt
des citoyens pour le politique et, donc, du sentiment de pouvoir y peser, contribue à la
légitimation du système politique actuel. Enfin, cela renvoie à la question du rapport au
politique des citoyens et à la définition même de ce qu’on peut considérer comme politique.
Problématique et hypothèses
Ainsi, en partant de l’hypothèse du déclin de l’association Attac-Rhône, nous avons
été amenée à analyser les fluctuations de l’engagement des militants, de son intensité et
de la variété de ses formes d’expression, de sa perception et de son interprétation par
les militants eux-mêmes, de ses éléments constitutifs, tout en les confrontant à l’état de
l’espace militant de Lyon et au contexte politique plus général. Ainsi, tout en appliquant les
acquis riches de la sociologie de l’engagement, nous tenterons de comprendre l’état actuel
40
ION Jacque, La fin des militants? , Paris, Editions de l’Atelier, 1997. Pour la critique de son analyse, voir COLLOVALD Annie,
« Pour une sociologie des carrières morales des dévouements militants », in Annie Collovald (dir.), L’humanitaire ou le management
des dévouements. Enquête sur un militantisme de « solidarité internationale » en faveur du Tiers-Monde, Presses Universitaires de
Rennes, Rennes, 2002, p.177-229.
41
SAWICKI Frédéric, SIMEANT Joanna, « Décloisonner la sociologie de l’engagement militant. Note critique sur quelques
tendances récentes des travaux français », art.cit., p. 98.
42
A.Collovald l’explique par des biais méthodologiques et par l’enfermement paradigmatique, mais aussi par un manque de
scientificité et l’adoption des catégories discursives des acteurs, ainsi la « distanciation » étant comprise non pas au sens sociologique
d’une « distance au rôle », mais « la distance, arbitrairement créée, avec un passé montré comme contre exemplaire ». Son verdict :
« L’analyse dont le modèle de l’engagement distancié est la conclusion, déjà infidèle à l’ « histoire réelle », autorise, grâce au jeu de
miroir inversé qui lui sert de fil conducteur, à alterner les regards portés sur les situations passées et présentes, à passer de l’une
à l’autre du « misérablisme » au « populisme » et, ce faisant, à généraliser, sur la base de l’apparente identité de leur formulation,
l’aspect positif des revendications actuelles d’autonomie personnelle à tous les groupes sociaux ». Enfin, pour elle l’engagement est
aujourd'hui « déstabilisé » plutôt que « distancié », entre autres par : les changements des politiques d’emploi, d’éducation, sociales,
des transformations de la scène politique (reconversion de la gauche au néolibéralisme, propagation des thèmes d’insécurité et d’un
adversaire immigrant, et même, la contribution académique dans l’image de la crise du syndicalisme. Voir COLLOVALD Annie, « Pour
une sociologie des carrières morales des dévouements militants », in Annie Collovald (dir.), L’humanitaire ou le management des
dévouements. Enquête sur un militantisme de « solidarité internationale » en faveur du Tiers-Monde, op.cit., p.177-229.
Maryna Kumeda - 2009
11
Les fluctuations de l’engagement militant : le cas des militants de l’association Attac-Rhône
des engagements au sein du bureau local d’Attac-Rhône, dans le contexte plus large de
l’activisme altermondialiste moins visible et de vérifier quelques hypothèses.
Est-ce que le sentiment du déclin est lié au désinvestissement effectif dans
l’engagement à Attac chez ses adhérents et ses militants?
Est-ce que le militantisme au sein d’Attac-Rhône a dépéri, ou s’est-il reconverti en
d’autres formes d’engagements et trouve éventuellement un prolongement sous d’autres
formes, par exemple au sein des partis politiques et des organismes d’éducation populaire ?
Ou alors, a-t-il été l’effet d’une mode sans conséquences biographiques et politiques
pour les carrières militantes de ses anciens affiliés ?
Qui sont ceux qui y militaient et configuraient le cadre de son fonctionnement
auparavant et qui est-ce qu’on y trouve maintenant ? En quoi se distinguent des militants du
« noyau dur » (les plus anciens), de la deuxième génération et des plus récemment arrivés
(se distinguent-ils les uns des autres ?) et quelles ont été les conséquences (si il y en a eu)
de tels changements de son recrutement sur le fonctionnement de l’association ?
Méthodologie
Ayant choisi pour l’objet d’analyse les fluctuations de l’engagement des militants
d’Attac-Rhône, nous voulions aborder ce phénomène d’un angle vaste. Au niveau théorique,
cela consistait en un effort pour concilier, d’une part, l’approche interactionniste dans
l’observation de la discussion et de l’action en train d’être construite par les acteurs, et,
d’autre part, la recherche des configurations structurelles de l’engagement chez les militants
et les adhérents d’Attac-Rhône, tout en intégrant les éléments du contexte plus général
43
sociopolitique, aussi que la position de l’association dans l’espace militant . Ainsi, dans le
choix de méthode nous avons essayé d’associer les techniques quantitatives et qualitatives
de recueil des données. Quatre grands types de méthodes en sciences sociales : recherche
documentaire, observation, questionnaire, entretien – ont été appliquées dans notre travail
de terrain.
Les analyses du contexte politico-économique et relatives aux transformations du
champ militant étaient repérées dans le corpus des travaux académiques français
abondants. Les données concernant notre terrain plus particulièrement, le comité local
Attac-Rhône, étaient recueillies de façons différentes. Pour nous familiariser au début
et ensuite pour approfondir la connaissance du milieu et des normes qui le régissent,
nous avons observé entre octobre 2008 et mai 2009 des réunions du Bureau et du
Conseil d’administration, l’Assemblée générale le 13 décembre 2008, le travail des groupes
internes de réflexion, le déroulement des réunions des collectifs et des initiatives dont
est souscripteur Attac-Rhône, des manifestations avec la participation des militants,
d’autres activités organisées par Attac-Rhône (le Forum social Lyonnais, les cafés-débats,
44
la projection-débat d’un documentaire ). Nous nous sommes servies des documents
43
Ainsi, on suit le programme proposé par P.Corcuff de construction des « nouvelles sociologies » qui permettrait de dépasser
le placement classique aux antipodes des approches structuraliste et interactionniste, mais on tente également de répondre au défi
d’articuler des différents niveaux d’observation : « les niveaux micro (les individus et leurs interactions en face-à-face), méso (les
groupes et les organisations plus ou moins institutionnalisés) et macrologique (les transformations socioéconomiques, culturelles et
politiques) ». Voire : SAWICKI Frédéric, SIMEANT Joanna, « Décloisonner la sociologie de l’engagement militant. Note critique sur
quelques tendances récentes des travaux français », art.cit., p. 97–125 ; CORCUFF Philippe, Les nouvelles sociologies : constructions
de la réalité sociale, Paris, Nathan, 1995.
44
La projection-débat a été organisé par Attac-Rhône le 2 février 2009 du documentaire de O.Azam et D.Mermet « Chomsky
et cie » (d’après un reportage radio de GivAnquetil et Daniel Mermet pour “là-bas si j’y suis” France Inter) à la Maison des Passages.
12
Maryna Kumeda - 2009
Introduction
45
46
47
internes ou accessibles sur le site internet d’Attac-Rhône et d’Attac France , des
documents statutaires de l’association, des comptes-rendus des réunions, des messages
diffusés sur les listes électroniques (« Attac-Rhône », et « Attac69-Actifs »), des articles
de presse.
Pour entrer sur notre terrain, nous avions pris contact en envoyant des courriers
électroniques aux responsables des groupes de travail, indiqués sur la liste des groupes
48
de 2009 . Or, à nos trois demandes, nous avions reçu une seule réponse, favorable, et
pouvions, ainsi, venir observer le travail du groupe « Construction Européenne », le groupe
le plus actif, comme nous l’avions découvert plus tard. Ensuite, nous étions venue à la
réunion du Bureau un mercredi soir, avions été très bien accueillie et continuions notre
49
observation en cours de l’année .
50
Nous avons également réalisé un questionnaire auprès 37 adhérents et militants
d’Attac-Rhône présents lors de l’Assemblée générale, le 13 décembre 2008 à la Bourse
du travail de Lyon. Le questionnaire contenait 20 questions, dans la majorité fermées,
à l’exception de quelques questions, notamment sur le rapport aux valeurs et au rôle
d’Attac: en tout, 8 questions sur les déterminants sociaux, 12 questions sur l’engagement
à Attac-Rhône et les différentes dimensions de politisation des interrogés. Toutefois, nous
voulons souligner que cet échantillon de 37 personnes n’est pas représentatif de l’ensemble
d’adhérents du bureau local d’Attac-Rhône (309 personnes ayant payés leurs cotisations
51
en 2008), ni de l’ensemble d’adhérents du mouvement Attac . Parmi les présents à l’AG
(à part des militants actifs) on peut supposer un engagement plus important de par leur
présence un samedi, pour une réunion durant toute la journée. Ils ont ainsi manifesté leur
volonté de s’impliquer dans la vie de l’association, en intervenant, en votant les motions
et en élisant les membres de Conseil d’administration. Le passage de ce questionnaire
visait à repérer quelques caractéristiques du profil sociologique des adhérents les plus actifs
d’Attac-Rhône, repérer certaines dimensions de leur adhésion à l’association (l’année et le
motif d’adhésion, le rapport au rôle de l’association) et de leur politisation (rapport au champ
partisan et militant, plus généralement, lecture des médias, positionnement sur l’échelle
droit-gauche), ainsi que de tester certaines hypothèses et faits déjà connus à propos de
l’engagement militant, et plus particulièrement, celui d’Attac. Plus globalement, cette partie
45
46
47
48
49
Qui nous ont été transmis aimablement par des membres du Bureau d’Attac-Rhône.
Qui a été brièvement inaccessible et déplacer vers un autre serveur en cour de l’année : http://attac69.org
www.france.attac.org
Liste des groupes de travail d’Attac-Rhône, 2008 (Voir l’Annexe).
Nous avons pu profiter de l’ouverture et de la transparence du fonctionnement du comité Attac-Rhône, fixées dans l’article 8-5
des Statuts : « Tout adhérent [et même, comme le confirme notre expérience, non-adhérent] peut assister à une réunion du Conseil ou
du Bureau. Il peut y intervenir, mais ne prend pas part aux votes ». Statuts d’Attac-Rhône, adoptés en septembre 2001. (Voir l’Annexe).
50
e
Le manuel utilisé pour constitution du questionnaire : SINGLY François, L’enquête et ses méthodes : le questionnaire, 2
ed., Armand Colin, 2006. Le logiciel SPSS a été utilisé pour traiter les données recueillies à l’aide de questionnaire.
51
Les quelques peu d’enquêtes comparatives qui existent sur le profil des adhérents et la composition des comités locaux,
témoignent d’une différenciation géographique importante et de l’impossibilité de transposer les résultats concernant un comité local
sur l’ensemble des adhérents d’Attac France.
Maryna Kumeda - 2009
13
Les fluctuations de l’engagement militant : le cas des militants de l’association Attac-Rhône
52
de notre enquête visait à prendre en compte les adhérents , souvent les moins visibles
pour les chercheurs qui travaillent sur le militantisme.
Si les questionnaires servent pour expliquer, les entretiens servent pour comprendre,
53
remarque F.Singly dans son manuel .Nous avons conduit dix-sept entretiens semi-directifs
d’une durée moyenne d’une heure avec des anciens et actuels militants d’Attac-Rhône. Le
premier entretien exploratoire a été conduit avec une personne qui nous a été connue,
en vue de balayer le terrain, de repérer l’information principale sur le fonctionnement de
l’association aujourd'hui et d’avoir un avis sur les interlocuteurs potentiellement accessibles
pour de futurs entretiens. Compte tenu de notre intérêt de départ pour des formes et
fluctuations de l’engagement militant, donc, caractéristiques des militants assez impliqués
dans la vie de l’association (à l’opposé des simples adhérents), nous avons cherché des
contacts essentiellement avec des militants, présents ou désengagés, d’un fort degré
d’implication au sein d’Attac-Rhône. Les entretiens ont été conduits dans des locaux d’AttacRhône, dans le lieu d’habitation ou de travail des interviewés, dans des cafés, en fonction de
degré de connaissance (il est plus facile d’inviter quelqu'un qui est connu chez soi), ou selon
la densité de l’emploi du temps (quand il est plus facile de se déplacer pour un retraité ou un
étudiant, que pour un professionnel). Les personnes sollicitées se sont montrés quasiment
tous très favorable au passage de l’entretien, quelquefois précisant, avant de donner
la réponse affirmative, sur quoi porte l’enquête. Un militant actif, lors de notre première
observation dans le groupe « Construction Européenne », après avoir découvert l’objectif de
notre présence, s’est « porté bénévole » pour l’entretien, ayant expliqué sa bonne volonté
par le fait d’être actuellement en thèse et l’intérêt pour des enquêtes sociologiques, même
en tant qu’objet d’étude. Les militants actifs, que nous avions connus lors des réunions à
Attac-Rhône, ont été sollicités face-à-face, et avaient tous été d’accord d’être interviewé,
54
tandis que les militants désengagés ont été contacté par courrier électronique au nombre
de cinq, dont un est resté sans réponse.
Parmi les dix-sept interviewés, nous pouvons distinguer cinq désengagés, auparavant
très impliqués dans l’association Attac-Rhône, et douze militants actifs ou en processus
transitoire, qui hésitent à s’autodéfinir. Il nous a manqué probablement de la profondeur des
propos recueillis en 50-90 minutes, les entretiens plus longs auront pu être plus appropriés
pour une telle analyse. Cependant, nous avons pu à travers des entretiens plus nombreux
recenser plus de trajectoires, surement moins détaillés, mais permettant de voir plus de
diversité des parcours, des trajets militants, des logiques individuelles des acteurs.
Dans la conduite de l’entretien, nous nous sommes inspirée d’une technique proposée
55
par Jean-Claude Kauffman d’un entretien « compréhensif » , qui permettrait d’instaurer une
ambiance confidentielle entre l’interviewé et l’intervieweur, dont nous avions besoin pour
pouvoir parler des motivations et sentiments des acteurs par rapport à leur engagement.
Traitant de l’efficacité d’interaction entre l’enquêté et l’enquêteur, Kaufmann s’oppose à
la non-personnalisation de l’entretien, le principe de l’entretien compréhensif est, donc,
52
Qui sont « souvent négligés dans les enquêtes quantitatives sur le militantisme, empêchant ainsi de tester la validité des
variables mises en avant pour expliquer le passage à l’action », in SAWICKI Frédéric, SIMEANT Joanna, « Décloisonner la sociologie
de l’engagement militant. Note critique sur quelques tendances récentes des travaux français », art.cit, p. 113.
53
e
SINGLY François, L’enquête et ses méthodes : le questionnaire, 2 ed., Armand Colin, 2006.
54
La liste de tous les militants avec une brève description de leur passage et le statut actuel à Attac-Rhône nous a été procurée
par un militant actif, ancien président, qui, plus généralement, sans assignation d’une telle tâche officiellement, officieusement assure
l’accueil des nouveaux arrivés à l’association.
55
14
KAUFMANN Jean-Claude, L’entretien compréhensif, Nathan, Paris, 1996, réed. 2001.
Maryna Kumeda - 2009
Introduction
l’engagement actif de l’enquêteur, avec, des fois, la prise même de position sur les questions
adressées à l’interviewé. Ainsi, lors de nos entretiens avec des militants, nous avons pu,
selon la personnalité de l’interviewé, faire certains, plus hésitants de s’exprimer suite à nos
56
propres suggestions ou prises de position . Nous avons laissé d’autres, ayant l’habitude de
57
parler de leur engagement , de s’exprimer, tout en orientant leur propos vers les éléments
et les dimensions qui nous intéressent de leur militantisme.
Une telle approche à la construction des rapports interviewé-intervieweur nous a
permis de construire notre objet d’étude selon le modèle de la « théorie fondée sur les
58
données issues du terrain (grounded theory) » et dépasser des a priori et des préjugés
tout faits. En outre, comme l’entretien incite à « la production d’un discours in situ »,
cela le transforme en « situation sociale de rencontre et d’échange et non pas un simple
59
prélèvement d’information » . Nous avons pu, donc, bénéficier de la spécificité de l’entretien
comme technique, qui consiste en ce qu’il « va à la recherche des questions des acteurs
eux-mêmes, fait appel au point de vue de l’acteur et donne à son expérience vécue, à sa
60
logique, à sa rationalité, une place de premier plan » . En ayant recours aux entretiens nous
voulions étudier les représentations, mais aussi repérer les pratiques, passées et ancrées
dans la mémoire des acteurs. Tout en permettant de recueillir ces faits sociaux, les systèmes
de représentations et les pratiques sociales, l’entretien avait permis alors de lier et d’articuler
les deux.
Pendant la réalisation des entretiens nous nous sommes trouvées confrontée à
quelques difficultés, dont nous avaient prévenue A.Blanchet et A.Gotman. Tout d’abord,
nous avons pu repérer des éléments du « processus d’objectivation », quand l’interviewé
opère en produisant son discours « une transformation de son expérience cognitive,
61
passant du registre procédural (savoir-faire) au registre déclaratif (savoir-dire) » . Toutefois,
si on tient en compte l’existence de ces rationalisations a posteriori, ces « illusions
62
biographiques » peuvent être confrontées à d’autres éléments et données recueillis.
Deuxièmement, les auteurs nous préviennent de faire attention au phénomène de la
63
« régionalisation des représentations », ou « régionalisation des comportements » :
quand en fonction du lieu, du temps ou d’autres circonstances matérielles, de recueil des
propos (le fait de parler de son militantisme dans les locaux de l’organisation va structurer
56
Selon la lecture avec une grille interactionniste des rapports intervieweur-interviewé : « …L’informateur a besoin de repères
pour développer son propos. C’est d’ailleurs une loi bien connue de l’interaction : à défaut de pouvoir typifier son interlocuteur, l’échange
ne peut se structurer », BERGER P., LUCKMANN T. La Construction sociale de la réalité, Paris, Méridiens-Klincksieck, 1986, cité in
KAUFMANN Jean-Claude, L’entretien compréhensif, op.cit., p. 49.
57
Plusieurs interviewés témoignent avoir été interviewés auparavant, par les étudiants, journalistes, et, entre autre, au moins,
deux lors de l’enquête de R.Wintrebert sur Attac.
58
GLASER Barney G. et STRAUSS Anselm L., The discovery of grounded theory: strategies for qualitative research. Chicago:
Aldine, 1967.
59
BLANCHET Alain, GOTMAN Anne, L’Enquête et ses méthodes : l’entretien, Paris, Nathan, 1992, rééd., Armand Colin, 2
e
éd., 2007, p.15.
60
61
62
63
Ibid., p.20.
Ibid., p.26.
BOURDIEU Pierre, « L’illusion biographique », Actes de la recherche en sciences sociales, n°62-63, juin 1986, p.69-72.
GOFFMAN E., La Mise en scène de la vie quotidienne, Paris, Editions de Minuit, 1973 pour la traduction française, tome 1.
La présentation de soi., cité in BLANCHET Alain, GOTMAN Anne, L’Enquête et ses méthodes : l’entretien, op.cit., p.27.
Maryna Kumeda - 2009
15
Les fluctuations de l’engagement militant : le cas des militants de l’association Attac-Rhône
inévitablement le discours de l’interviewé), ils vont être formulés différemment, sans que
l’interviewé en est conscient.
L’interprétation des données est une étape important dans le travail de chercheur.
Compte tenu de la spécificité de notre échantillon, d’un capital culturel moyen assez
élevé, nous avons plusieurs écueils à éviter. Premièrement, la reprise du vocabulaire et de
64
l’interprétation des faits par les interviewés . Ensuite, dans l’interprétation des données,
65
il s’agissait de dépasser l’« évidence » des faits observés ou des propos recueillis, en
cherchant les logiques et structures sous-jacentes qui permettront non simplement de
décrire mais d’interpréter et d’expliquer la réalité étudiée.
En outre, la difficulté de garder une approche critique, « un scepticisme de principe
66
à l’égard des analyses « généralistes » et des découpages préétablis du monde social »
étaient du à la spécificité de notre échantillon. Militants d’un mouvement critique envers la
réalité sociale des choses, eux-mêmes, transfèrent souvent cette approche critique dans
leur discours sur leurs pratiques et représentations.
Contrairement à l’expérience de J.Gervais qui n’a pas du se confronter aux
théorisations par les interviewés a posteriori de ce « qu’ils avaient dû gérer au jour le jour,
67
de manière pragmatique » , nos interviewés souvent déviaient leur récit pour expliquer
et monter en généralité les expériences, les comportements et les événements, comme ce
militant : « Comme tu me poses la question, du coup je construis mon histoire comme si…
depuis tous les jours j’avais eu envie de faire ça, mais j’avais d’autres centre d’intérêt à
68
l’époque aussi » . Cela est sans doute du, en partie, au temps d’enquête, 2001 où enquêtait
J.Gervais, le temps d’activités importantes au quotidien dans l’association, et 2008-2009
pour nous, le temps beaucoup moins intense dans la vie des militants d’Attac-Rhône.
69
L’autre divergence avec l’expérience de J.Gervais est l’absence des efforts d’établir
un rapport de force par nos interviewés. Tout en ayant reçu les mêmes questions par les
interviewés qu’elle, à propos de notre problématique, notre méthode et l’approche adoptée,
nous les avions perçues comme les signes d’une simple curiosité, bienveillante, parfois par
une curiosité sociologique, car certains interviewés possèdent des connaissances ou font
de la recherche en sciences sociales.
Dans l’analyse des entretiens nous avons associé l’analyse linguistique et l’analyse
70
de contenu , tout en faisant attention à d’autres indices sur le non-dit, les réticences,
64
Parmi les dix-sept interviewés : cinq sont chercheurs dans les Sciences sociales ou appliquées, une étudiante en Sociologie
et un auteur de bande dessinée d’intervention politique, donc, presque la moitié de notre échantillon possédant des outils acquis
professionnellement d’analyse et de synthèse. Les autres les ont acquis également, mais dans la moindre mesure, à travers leur
expérience militante à Attac.
65
66
67
BEAUD Stéphane, WEBER Florence, Guide de l’enquête de terrain, Paris, La découverte, 2003, p.9.
Ibid., p.10.
GERVAIS, Julie. Les acteurs et le « système d’Attac » : entre mutations du militantisme et nouveaux engagements citoyens.
D.E.A. de Science politique de Lyon, septembre 2001, p.17.
68
69
Florian, militant, 31 ans, doctorant en histoire, enregistré le 25 novembre 2008 à Lyon.
GERVAIS, Julie. Les acteurs et le « système d’Attac » : entre mutations du militantisme et nouveaux engagements citoyens,
op.cit., p.18.
70
Dans l’analyse linguistique l’attention est centrée sur les structures formelles du langage, l’analyse du contenu étudie et
compare « les sens des discours pour mettre à jour les systèmes de représentations véhiculés par ces discours», voir BLANCHET
Alain, GOTMAN Anne, L’Enquête et ses méthodes : l’entretien, op.cit., p.89.
16
Maryna Kumeda - 2009
Introduction
etc., les liant à la posture de l’interviewé pendant la discussion, ses interventions dans
des réunions à Attac-Rhône. Tout en se garant des présupposés et des biais que notre
regard subjectif pouvait apporter pour les matériaux recueillis et pendant leur analyse, nous
nous rappelions, que « la reconnaissance d’un biais fondamental n’est pas la marque de
l’invalidité d’une méthode mais, au contraire, la condition nécessaire pour que cette méthode
atteigne un statut scientifique. Une méthode étant précisément caractérisée par la maîtrise
71
des distorsions auxquelles elle soumet les faits » .
Ainsi, nous allons présenter les résultats de notre enquête en trois parties.
Dans la première partie de notre raisonnement, nous allons présenter la sociohistoire (la
fondation, l’essor et les moments militants clés) contextualisée de l’association Attac France
et la constitution du bureau local d’Attac-Rhône. Cela en vue de situer historiquement
l’institution qui est au cœur de cette analyse, et qui nous aiderait à comprendre la situation
actuelle, les enjeux de son fonctionnement et sa position dans le champ militant, le rapport
que les militants peuvent entretenir avec l’association, qui inclut aussi son passé.
Ensuite, dans la deuxième partie de notre démonstration, dans le respect d’une
cohérence chronologique, nous allons, premièrement, présenter le profil sociologique des
militants et adhérents actuels d’Attac-Rhône, pour donner à l’association sa dimension
humaine, et, en deuxième partie, analyser les activités principales du comité, et de là,
essayer de dégager les représentations des militants de ce que doit être l’association Attac
et démontrer la négociation continue dont fait l’objet l’identité d’Attac-Rhône, et puis, les
effets que de tels remaniements exercent sur les militants.
Enfin, dans la troisième partie, à travers la grille d’analyse de l’engagement militant qui
prend en compte ses divers éléments constitutifs, en sollicitant principalement le discours
des acteurs, nous tenterons d’analyser les fluctuations du militantisme au sein d’AttacRhône, ses éventuelles reconversions dans d’autres investissements et les conséquences
biographiques pour les désengagés, mais aussi pour l’organisation et le maintien de son
activité.
71
Ibid., p.115.
Maryna Kumeda - 2009
17
Les fluctuations de l’engagement militant : le cas des militants de l’association Attac-Rhône
Chapitre I. Attac Rhône, expression
locale d’une dynamique altermondialiste
nationale
« Attac est fondée sur un certain nombre de paradoxes qui peuvent contribuer à
72
notre dynamisme ou générer des paralysies » .
L’essor impressionnant d’Attac en France, durant les premières années, la croissance
exponentielle du nombre de ses adhérents, fut une surprise. Néanmoins, son apparition
sur la scène politique française peut être expliquée par des facteurs tels que la conjoncture
sociopolitique et économique, la configuration de l’espace des mouvements sociaux, mais
aussi l’ancrage des actions concrètes de certains des acteurs de ce processus dans une
conjoncture favorable. Ainsi, dans cette partie de notre travail nous allons présenter les
étapes de l’apparition et de l’institutionnalisation de l’association, compte tenu du contexte
et des acteurs qui y ont joué un rôle. Nous nous focaliserons, dans un second temps, sur
l’histoire du comité local Attac-Rhône.
1. Sociohistoire de l’association Attac
Si nous en tiendrons à marquer l’événement clé pour l’émergence d’Attac, nous devrons
73
mentionner surement l’éditorial d’Ignacio Ramonet « Désarmons les marchés » qui en
74
décembre 1997 a paru dans le journal Le Monde diplomatique
.Crée en 1954 le
journal, étant destiné au départ à la lecture du personnel des ambassades, change son
registre avec l’arrivée de Claude Julien au poste de rédacteur-en-chef en 1973. Gardant
un discours critique et visiblement « idéologiquement » marqué, il est considéré d’avoir
crée une grille de lecture critique de la mondialisation, ainsi, ayant favorisé la constitution
de l’altermondialisme en France, aussi qu’une plateforme de rencontre transversale des
75
universitaires, militants et journalistes, « une communauté référentielle » , qui donnera
ensuite lieu à la création d’Attac notamment.
72
Proposition d’Attac Var en vue d’améliorer le fonctionnement de la Conférence nationale des comités locaux, mars
2004, cité in WINTREBERT Raphael, Attac, la politique autrement?Paris, Editions La Découverte, 2007, p.169.
73
RAMONET Ignacio, « Désarmer les marchés », Le Monde diplomatique, 01/12/1997, p.1. Cet article peut-être récupéré sur
www.france.attac.org
74
SZCZEPANSKI-HUILLERY Maxime, “Les architectes e l’altermondialisme. Registres d’action et modalités d’engagement au Monde
diplomatique », in AGRIKOLIANSKY Eric, FILLIEULE Olivier, MAYER Nonna (dir.), L’altermondialisme en France. La longue histoire
d’une nouvelle cause, Paris, Flammarion, 2005, p.143-173.
75
WATERS Sarah, « A l¹attac : globalization and ideological renewal of the French Left », Modern & Contemporary France, 2006,
05, vol. 14, n°2, pp.143.
18
Maryna Kumeda - 2009
Chapitre I. Attac Rhône, expression locale d’une dynamique altermondialiste nationale
Nous ne pourrons pas comprendre le phénomène d’Attac sans évoquer les conditions
préalables, celles qui ont favorisé la réponse rapide des milliers des lecteurs, l’envoi des
chèques et des propositions d’action concrète. Nous en tiendrons aux événements clés de
l’émergence d’Attac d’abord, et nous expliciterons les caractéristiques de cette conjoncture
en deuxième temps.
1.1. La naissance d’Attac
Dans son éditorial, I.Ramonet dénonce l’« Etat mondial », « un pouvoir sans société »,
« tenu par les marchés financiers et les entreprises géantes », plus précisément, quatre
institutions internationales que sont le Fonds monétaire international (FMI), la Banque
mondiale, l’Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE)
et l’Organisation mondiale du commerce (OMC) : « Le désarmement du pouvoir financier
doit devenir un chantier civique majeur si l’on veut éviter que le monde du siècle à venir
ne se transforme en une jungle où les prédateurs feront la loi ». Pour instaurer le contrôle
sur les spéculations financières, il propose trois solutions : « suppression des «paradis
fiscaux» ; augmentation de la fiscalité des revenus du capital ; taxation des transactions
financières ». L’idée de cette dernière, l’instauration de la taxe Tobin, est empruntée au Prix
Nobel américain d’économie Tobin, qui l’avait proposée dès 1972. Le mécanisme serait
« de taxer, de manière modique, toutes les transactions sur les marchés des changes
pour les stabiliser et, par la même occasion, pour procurer des recettes à la communauté
internationale ». De là, la proposition suivante concluait l’article : « Pourquoi ne pas créer, à
l’échelle planétaire, l’organisation non gouvernementale Action pour une taxe Tobin d’aide
aux citoyens (Attac) ? En liaison avec les syndicats et les associations à finalité culturelle,
sociale ou écologique, elle pourrait agir comme un formidable groupe de pression civique
auprès des gouvernements pour les pousser à réclamer, enfin, la mise en œuvre effective
de cet impôt mondial de solidarité ».
Suite à cet article la rédaction du journal a reçu plus de 2 500 courriers de lecteurs,
76
tous manifestant leur soutien et exprimant l’envie de faire partie d’une telle initiative . La
direction du journal, plus particulièrement son directeur général, Bernard Cassen, chargé
par le journal, a décidé d’encadrer la constitution de l’organisation.
R.Wintrebert parle d’un espace du « débat intellectuel » crée par le Monde diplomatique,
qui avait contribué à une telle réaction à l’appel d’Ignacio Ramonet, d’une sorte de
77
« libération cognitive » . La base du succès du mouvement Attac était constituée par la
grille de lecture de la réalité économique et politique proposée dans des journalistes du
Monde diplomatique, mais aussi par le nombre important et la disposition à l’engagement
78
de ses lecteurs .
Les acteurs, réunis par Le Monde diplomatique au départ étaient des titres de presses
(Charlie hebdo, Politis, Transversales/Science/ Culture, Témoignage chrétien, Alternatives
économiques et Politis), mais aussi les syndicats (des fédérations de la CGT et de la
76
Parmi nos 17 interviewés sept ont fait partie de ces premiers adhérents d’Attac, dont trois sont toujours militants du comité
local Attac-Rhône.
77
Le concept de libération cognitive renvoie à une prise de conscience de l’ouverture de la structure des opportunités politiques
pour une mobilisation. Voir McADAM Doug, Political Process and the Development of Black Insurgency, Chicago, Chicago University
Press, 1982.
78
AGRIKOLIANSKY Eric, FILLIEULE Olivier, MAYER Nonna (dir.), L’altermondialisme en France. La longue histoire d’une
nouvelle cause, op.cit., p.172, et WINTREBERT Raphael, Attac, la politique autrement?, art.cit., p.13-15.
Maryna Kumeda - 2009
19
Les fluctuations de l’engagement militant : le cas des militants de l’association Attac-Rhône
CFDT, Fédération des finances CGT, la FSU, SNES, SNESup, SNUipp, les Groupe des
dix Solidaires, SUD-PTT, SNUI, la Confédération paysanne, Modef), les organisations de
production de l’expertise et de diffusion de l’information (CEDETIM, AITEC, CRID, Raisons
d’agir), les associations phares des mouvements sociaux des années 1990 (DAL, AC !,
Droits devant !!, MNCP, APEIS) et d’autres (CADAC, les Amis de la Terre, etc), aussi
que les personnalités éminentes (José Bové, Manu Chao, Susan George, Gisèle Halimi,
Daniel Mermet). Ils se réunirent au cours de printemps 1998 pour définir la forme et les
principes du fonctionnement de l’organisation, ses thématiques de travail et ses modes
d’action. Le Monde diplomatique prévoyait déjà la future association comme un « lieu de
collecte, de diffusion et de vulgarisation des informations » : « Attac agira d’abord par
l’information, en produisant des argumentations et des propositions – du livre à la brochure,
à l’article et au tract – qui constitueront autant d’outils de réflexion et de combat pour
79
les organisations membre et les adhérents individuels ». Mais les questions abordées
pendant les premières réunions concernaient surtout la forme organisationnelle et le statut
du nouvel organisme. La nécessité d’assurer l’équilibre entre les membres fondateurs,
disparates tant dans leurs sensibilités idéologiques que leurs formes organisationnelles et
modes d’action, - était soutenue par l’ensemble des acteurs. B.Cassen explique le choix de
créer une association loi 1901 d’organisations déjà existantes pour « garantir la pérennité,
80
pour stabiliser » :
« En ce qui concerne la formation de notre collectif de départ, les membres
fondateurs, nous avons délibérément privilégié les personnes morales pour
installer l’association dans la durée et pour que, grâce à leur diversité, se forme
un système auto-équilibrant. Dans le même esprit, les statuts d’Attac prévoient
qu’une majorité des membres du conseil d’administration soit issue du collège
81
des fondateurs : c’est la garantie de notre pluralisme »
.
La diversité des membres-fondateurs et la nécessité de les organiser dans l’action
commune ont configuré l’architecture spécifique d’Attac : les organisations-membres
mandatent une personne pour y participer, qui, une fois élue au conseil d’administration,
représente l’ensemble des adhérents d’Attac. Ainsi, « Attac n’est ni une fédération ni
82
une coordination d’organisation. Il s’agit d’une association d’adhérents » , avec un statut
de personne moral pour une organisation-membre et un statut de personne physique
pour un adhérent individuel. Le statut d’une association est pensé à l’opposé d’un statut
de cartel d’organisations, dont l’exemple était le membre-fondateur d’Attac AC ! ou la
CCAMI (Coordination contre l’AMI), avec qui Attac était dans des rapports conflictuels et,
83
comme en témoignent les militants, même concurrentiels , et où, selon B.Cassen, « y en
84
a qui coordonnent plus que les autres » . La visée très ambitieuse, ainsi, distingue les
79
Un article et une lettre aux potentiels membres fondateurs dans Le Monde diplomatique, cité dans WINTREBERT Raphael,
Attac, la politique autrement?, op.cit., p.39 et 47.
80
81
Entretien avec B.Cassen, 2003, cité dans WINTREBERT Raphael, Attac, la politique autrement? op.cit., p.24.
« Attac : une réussite tactique ? » Propos de B.Cassen recueillis par Grégory Delannes, Confluences pour une
alternative progressiste, mai 1999, p.6, cité dans WINTREBERT Raphael, Attac, la politique autrement? op.cit., p.51-52.
82
83
84
20
WINTREBERT Raphael, Attac, la politique autrement?Paris, Editions La Découverte, 2007, p.25.
Ibid., p.42-44.
Entretien avec B.Cassen, in Ibid., p.43.
Maryna Kumeda - 2009
Chapitre I. Attac Rhône, expression locale d’une dynamique altermondialiste nationale
fondateurs d’Attac dès le départ, et les amènent parfois à positionner Attac dans une logique
concurrentielle dans l’espace militant.
1.2. La définition des statuts et des objectifs
Dans la constitution de nouvelle organisation, le choix a été fait de s’appuyer sur
les organisations et réseaux existants, qui apporteraient « quelques moyens matériels
85
86
initiaux » et serviraient de « relais naturels de communication » , mais ce qui était aussi
87
une façon de « manifester publiquement le caractère fédérateur de la taxe Tobin » . Et en
même temps, la direction du Monde diplomatique avait dans l’idée de créer une organisation
nouvelle et autonome vis-à-vis du champ partisan. La tension inhérente consistait déjà dans
l’objectif de réunir les nombreuses organisations, déjà insérées dans le champ politique et
ayant leurs propres enjeux, tout en garantissant l’indépendance de nouvelle organisation
dans ce champ. Le statut de l’association d’adhérents et la création du Collège des
fondateurs étaient appelés à résoudre ce problème : « Le Collège des fondateurs comprend
les personnes physiques et morales qui ont créé l’Association et celles qu’elles désigneront,
88
à la majorité des deux tiers, pour les compléter ou les remplacer, le cas échéant » .
En plus de son pouvoir de proposer au Conseil d’administration « les grandes
89
orientations et lignes d’action de l’Association» , le Collège des fondateurs avait contrôle
90
sur deux tiers des sièges au conseil d’administration (18 des 30 sièges ). Du fait
de parrainage par le Monde diplomatique de ses réunions organisationnelles et le
poids symbolique de sa neutralité, B.Cassen suggérant les statuts des Amis du Monde
diplomatique (AMD) comme modèle, - n’a pas vu d’opposition. La clause sur le Collège des
fondateurs provient de là, puisque le journal voulait alors protéger l’accès aux ressources
91
financières et l’indépendance de sa ligne rédactionnelle . Premièrement, ce principe, selon
92
Bernard Cassen , est démocratique en ce qu’il était censé de garantir, malgré la diversité
des membres fondateurs d’Attac, la recherche du consensus, en donnant ainsi un équilibre
et une stabilité à Attac. Deuxièmement, il assurait la démocratie dans la mesure où il
protégeait d’entrisme par des organisations politiques dans le but de s’emparer du pouvoir.
Dans ses débats sur les formes d’organisation d’Attac se jouait l’enjeu important de
l’identité du mouvement. Avec une position assez autonome des organisations membres
d’Attac (« celles-ci sont à la fois constitutives d’Attac et extérieures à elle » : « les décisions
93
auxquelles elles participent dans Attac ont des effets en leur sein, et inversement » )
et la multipositionnalité des acteurs dans l’espace des mouvements sociaux, la diversité
de leurs affinités – les débats autant sur les positions que les modes d’action étaient
85
86
87
88
Attac, mode d’emploi, le 1 juillet 1998, www.france.attac.org (Voir l’Annexe).
Lettre aux adhérents d'Attac, 28/09/1998, www.france.attac.org
Attac, mode d’emploi, le 1 juillet 1998, www.france.attac.org (Voir l’Annexe).
Statuts de l’association, le 3 juin 1998, www.france.attac.org (Voir l’Annexe).
89
90
Ibid.
Liste arrêté par le Collège des fondateurs des 18 candidatures au Conseil d’administration national, qui doit être votée ou
rejetée par l’Assemblée générale nationale des adhérents.
91
92
93
WINTREBERT Raphael, Attac, la politique autrement? op.cit., p.54.
CASSEN Bernard, « On the Attack », New Left Review, n 19, janvier-février 2003, pp.43-44; www.newleftreview.net
WINTREBERT Raphael, Attac, la politique autrement? op.cit., p.63.
Maryna Kumeda - 2009
21
Les fluctuations de l’engagement militant : le cas des militants de l’association Attac-Rhône
importants. Attac s’est ainsi posée plusieurs défis, relatifs à cette contradiction dans son
sein : le défi « de tenir ensemble ces deux types de temporalité irréductibles et parfois
contradictoires – le temps (long) de la réflexion et du consensus, et le temps (court ou
moyen) de l’action à proprement parler » et le défi de créer un cadre de coopération entre les
organisations concurrentes sur leur champ d’action, - ces défis, l’accomplissement desquels
94
sensés être « bénéfique » pour le mouvement social . La question de conciliation d’une
telle diversité dans la construction identitaire et dans la définition des vecteurs d’action était
aussi pertinente pour le mouvement altermondialiste, dans son ensemble.
Ainsi, le 3 juin 1998 a eu lieu l’Assemblée générale constitutive d’Attac, dont le
nom officiel devient « Association pour la taxation des transactions financières pour
l’aide aux citoyens. ». Ont été adoptés les Statuts et la Plate-forme d’Attac, élaborés
pendant les premières rencontres des membres fondateurs. Le Collège des fondateurs avait
également proposé un premier calendrier d'activités, avait élu le Conseil d'administration et
95
la direction provisoires d'Attac . Ainsi, les Statuts définissaient « les règles du jeu » et la
configuration organisationnelle de l’association. Etant pensés par beaucoup comme rigides
et antidémocratiques, ils étaient appelés à garantir l’équilibre entre les membres fondateurs
et la stabilité. L’existence éventuelle de l’association au niveau local n’était pas prévue dans
les Statuts. Quoi qu’il en soit, les Statuts, comme le montre dans son étude R.Wintrebert,
n’ont pas empêché ni l’apparition des comités locaux, ni l’évolution générale des formes
organisationnelles d’Attac.
La Plate-forme d’Attac, à son tour, définissait le cadre d’interprétation à partir
duquel l’association a orienté ses analyses ultérieures. La Plate-forme avait condamné
la substitution par des logiques spéculatives des activités visant la réalisation de l’intérêt
général, autant en ce qui concerne le fonctionnement des institutions d’Etat que l’accès
des citoyens à la définition de ces choix publics. Pour arrêter ce processus la Plate-forme
appelle à la création de « nouveaux instruments de régulation et de contrôle » et à une
96
sorte de « sursaut civique et militant » . L’objectif général, annoncé dans les Statuts de
l’association, est de « produire et communiquer de l’information, ainsi que de promouvoir et
mener des actions de tous ordres en vue de la reconquête, par les citoyens, du pouvoir que
la sphère financière exerce sur tous les aspects de la vie politique, économique, sociale et
97
culturelle dans l’ensemble du monde » .
Un des appels principaux à l’aube de l’apparition d’Attac, instaurer la taxe Tobin sur
les transactions financières, une mesure économique, était elle aussi justifiée comme une
action redonnant le contrôle sur les activités financières et qu’elle « alimenterait des logiques
de résistance, redonnerait des marges de manœuvre aux citoyens et aux Etats et, surtout,
signifierait que le politique reprend le dessus », c'est-à-dire permettrait de « reconquérir les
98
espaces perdus par la démocratie au profit de la sphère financière » . Ainsi, Attac s’est
constituée « à la fois comme une « single issue organization » sur le modèle anglo-saxon,
99
et comme une association à vocation beaucoup plus généraliste » . En même temps, pour
Attac, contrairement à The Tobin Tax Initiative, une organisation américaine, « la taxe Tobin
94
95
96
97
98
99
22
WINTREBERT Raphael, Attac, la politique autrement? op.cit., p.63-64.
Attac, mode d’emploi, le 1 juillet 1998, www.france.attac.org (Voir l’Annexe).
Plate-forme de l’Association ATTAC, le 3 juin 1998, www.france.attac.org (Voir l’Annexe).
Statuts de l’association, le 3 juin 1998, www.france.attac.org (Voir l’Annexe).
Plate-forme de l’Association ATTAC, le 3 juin 1998, www.france.attac.org (Voir l’Annexe).
WINTREBERT Raphael, Attac, la politique autrement? op.cit., p.76.
Maryna Kumeda - 2009
Chapitre I. Attac Rhône, expression locale d’une dynamique altermondialiste nationale
est, en quelque sorte, une mesure pédagogique, symbolique (redistribution des richesses,
notamment entre le Nord et le Sud) et politique (une proposition « pour » et non pas une
100
dénonciation de ce qui existe) » , le cadre de référence à travers lequel elle aborde une
grande variété de problèmes liés à la mondialisation libérale. La preuve étant l’abandon
de référence à la taxe Tobin dans son appellation plus tard. Ainsi, R. Wintrebert constate
une tendance dans le développement de l’association : son « passage d’une association
101
spécialisée et restreinte à un vaste mouvement généraliste » et, ainsi, élargissant la
production de l’expertise du champ économique à d’autres domaines de la vie sociale.
1.3. Le développement d’Attac au niveau local
Ayant été créé comme association loi 1901, Attac a obtenu une licence d’association
102
d’éducation populaire , qui était sa mission principale, définie par ces fondateurs comme
103
tournée vers l’action
,et a procédé à l’institutionnalisation du flux d’initiatives et
104
des volontés d’agir pour « se réapproprier ensemble l’avenir de notre monde » . Bien
avant l’Assemblée constitutive, les groupes locaux commençaient apparaître. Dans une
lettre adressée aux adhérents B.Cassen annonce la nouvelle priorité de procéder à une
105
constitution des comités locaux (CL) . Le 17 octobre 1998 première rencontre nationale
à La Ciotat, à côté de Marseille, rassemblait les adhérents locaux (3 500 qui ont payés
leur cotisation à ce jour), environ 1 000 présents, qui ont pu ainsi se rencontrer et débattre
des modes de s’organiser ensuite. Avec la constitution des nombreux comités locaux, qui
n’étaient pas prévu par les fondateurs au départ, et l’accroissement de leur nombre en
progression géométrique, les débats sur la nécessité d’adaptation de réglementation à la
réalité des deux niveaux institutionnels de fonctionnement d’Attac et sur l’élaboration de
mode de leur interaction se sont ouverts. L’évolution d’Attac au niveau local avait très tôt
crée les tensions, liées à la lutte pour leur place par des militants locaux dans les instances
de décision nationales.
Cette lutte pour l’adaptation du projet d’Attac avait abouti au vote lors de l’Assemblée
générale de St.Brieuc en octobre 2000 des deux vœux : premièrement, l’instauration d’une
106
Conférence nationale des comités locaux (CNCL) , et, deuxièmement, une commission de
travail pour réfléchir sur la modification des statuts
100
101
102
103
107
et l’amélioration du fonctionnement
Ibid., p.78.
Ibid., p.82.
Agrément ministériel du 4 février 2002, www.france.attac.org
La Charte des relations entre l’association Attac et les comités locaux d’Attac, novembre 2002,
www.france.attac.org
(Voir
l’Annexe).
104
105
Plate-forme de l’Association ATTAC, le 3 juin 1998, www.france.attac.org (Voir l’Annexe).
Attac, mode d’emploi, le 1 juillet 1998, www.france.attac.org (Voir l’Annexe).
106
« Celle-ci devra se réunir trois fois par an avec une représentation d’une personne minimum par comité local. Cette
Conférence permettra aux comités locaux d’occuper toute leur place dans la vie de l’association, tant par les débats qui devront y avoir
lieu qu’autour des orientations sur les actions que nous devons mener ensemble. Elle permettra un échange fructueux des comités
locaux entre eux, avec le Conseil d’administration et le Bureau et d’avancer ainsi concrètement dans la réflexion et l’action”, in Charte
– Présentation, le 22 juin 2001, www.france.attac.org
107
Selon les témoignages recueillis par R.Wintrebert, malgré l’intitulé souhaité par des militants locaux d’un groupe pour
réfléchir à « une modification des statuts », B.Cassen a accepté de faire voter le vœu n°2 sur condition de son appellation d’un groupe
Maryna Kumeda - 2009
23
Les fluctuations de l’engagement militant : le cas des militants de l’association Attac-Rhône
démocratique d’Attac (Commission mixte CA / CL (Conseil d'administration / Comités
locaux)). Significatif est le fait que le travail de la dernière a abouti non pas à la modification
effective des statuts, mais à la Charte pour réglementer les relations entre l’association Attac
et les comités locaux.
Le fait de ne pas prévoir le développement des comités locaux, selon B.Cassen, était
plutôt positif dans ses conséquences politiques :
« Le système auquel on a abouti finalement est excellent, parce que ça crée deux
niveaux de pouvoir : le niveau national qui cadre, qui a la compétence, l’expertise
humaine, les ressources humaines, mais qui n’est pas responsable devant les
comités, et on a des comités qui ne sont pas subordonnées au national, qui ont
leur personnalité juridique propre, et qui peuvent nous envoyer promener s’ils
le veulent. Le seul argument qu’on a c’est le nom, on peut leur retirer ça, bon,
on peut le faire. Nous, on est une association d’adhérents, pas de comités. Les
108
comités n’ont pas le droit d’adhérer à Attac en tant que comités» .
Ainsi, en grande partie les activités d’une redéfinition des « règles du jeu » entre le siège
central et les comités locaux étaient liées, premièrement, à la détermination du poids
de la CNCL et, deuxièmement, aux résultats du travail de la Commission mixte sur une
possible modification des statuts. Pour organiser une action vaste les adhérents étaient
obligés de passer par le siège central, qui possédait des ressources organisationnelles et
financières importantes, mais l’implication des militants à la CNCL leur ouvrait une possibilité
de contourner le national et de construire un espace de coopération avec d’autres comités
locaux. L’enjeu autour de mise en place et institutionnalisation de la CNCL était la possibilité
de créer un « contrepoids » aux instances nationales et s’imposer dans le mouvement Attac.
Mais une des difficultés consistait dans le rapport très différent des comités locaux envers
la CNCL, allant de ceux qui y voyaient clairement l’enjeu du fonctionnement de l’association
jusqu’à ceux qui ne se chargeant même pas d’y envoyer un représentant
109
.
Ainsi, différentes stratégies ont été adoptées par les comités locaux pour rééquilibrer
les rapports des forces: des affrontements directs avec la direction nationale et les
revendications des changements radicaux dans le fonctionnement de l’organisation, par
les uns, et un plus grand investissement visant la structuration et l’institutionnalisation de
la CNCL, par les autres. Selon R.Wintrebert, cette deuxième stratégie a permis de facto
le rééquilibrage des forces entre le « national » et le « local », et a donné à la CNCL un
certain poids dans le fonctionnement de l’organisation, tout en faisant une réserve, que « le
développement d’Attac est toujours le fruit de compromis, de consensus et de rapports de
110
force provisoires et instables entre différents acteurs » .
Le travail de la Commission mixte a été beaucoup critiqué par les militants locaux
111
également. Déjà selon les Statuts, les conditions de leurs modifications étaient difficiles
pour réfléchir sur « l’opportunité d’une réforme des statuts ». Cette commission, en outre, comportait seulement 12 membres, qui
ensemble, devaient réfléchir à une question d’une telle importance pour l’association, in WINTREBERT Raphael, Attac, la politique
autrement? op.cit., p.145.
108
109
Entretien avec B.Cassen, cité in WINTREBERT Raphael, Attac, la politique autrement? op.cit., p.57-58.
WINTREBERT Raphael, Attac, la politique autrement? op.cit., p.162.
110
111
Ibid., p.170-171.
« Les décisions de l’Assemblée générale extraordinaire relatives à la modification des statuts ou à la dissolution, sont prises
à la majorité des deux tiers des membres [souligné par nous], présents ou représentés. L’Assemblée générale extraordinaire ne peut
24
Maryna Kumeda - 2009
Chapitre I. Attac Rhône, expression locale d’une dynamique altermondialiste nationale
à accomplir. Finalement, le groupe de travail a renoncé à son objectif initial, « mettant cette
112
question entre parenthèses » et a commencé le travail sur le texte de la Charte des
comités locaux, le moment où B.Cassen s’est désengagé du travail de ce groupe, en n’y
voyant plus d’enjeux, probablement. La Charte des relations entre l’association Attac et les
113
comités locaux d’Attac est adoptée lors de l’Assemblée générale à La Rochelle en 2002 .
La Charte définit séparément l’association Attac, équivalent de son siège central, et le
mouvement Attac, qui inclut également les groupes et comités locaux. Ce document définit
les relations entre le siège central et les comités locaux comme un « engagement contractuel
mutuel où chaque partie, autonome, se reconnaît d’un même mouvement : le mouvement
Attac » et dont la logique de fonctionnement « associe la démocratie représentative, la
114
démocratie participative et la recherche des convergences » . La Charte met l’accent
sur la possession des droits de propriété du logo et du nom Attac par le siège central.
Ainsi, toute association locale voulant bénéficier du statut de « comité local d’Attac » et se
revendiquant du mouvement Attac, devra signer et respecter la Charte, mais aussi rédiger et
communiquer un règlement intérieur, le faire vérifier et valider par le Conseil d’administration
d’Attac France. Le comité local, selon la Charte, a une double mission politique : de
« stimuler et coordonner les actions visant à réaliser les objectifs de l’association Attac ;
veiller à la pluralité de points de vue et à l’ouverture, ainsi qu’au respect de la plate-forme
115
fondatrice d’Attac » . « La place politique » des comités locaux est définie notamment
par leur représentation au sein de la Conférence Nationale des Comités Locaux (CNCL),
« un lieu d’échange et de débats entre les comités locaux », mais aussi le moyen de « mise
en œuvre des décisions prises par l’Assemblée générale annuelle des adhérent(e)s » où
« des orientations nationales peuvent (…) être élaborées, débattues et validées, y compris
116
par un vote » .
En réalité, un an après son adoption, en septembre 2003, selon Jean-Louis Sounes,
directeur administratif d’Attac, la Charte a été signée par pas plus qu’un tiers des CL, et
n’était, donc, pas perçue comme un instrument réel de peser sur les décisions au niveau
national. Les enjeux autour de la CNCL étaient plus importants dans ces conditions-là. Les
avis sur son adoption étaient néanmoins partagés :
« Du point de vue des militants critiques qui souhaitaient rééquilibrer les
pouvoirs entre direction nationale et CL, il s’agit d’un échec : échec au niveau
national, et même affaiblissement au niveau local dans la mesure où le national
a un droit de regard plus fort. (…) Pour certains militants cependant, le travail
de la commission a permis d’ouvrir d’autres espaces d’expression et de
reconnaissance pour les comités locaux. Leur but était avant tout de formaliser
et de poser explicitement la question de la place des comités locaux et de la
délibérer que si les deux tiers des membres de l’association sont présents ou représentés, sur première convocation, et de moitié sur
les suivantes », Statuts de l’association, le 3 juin 1998, www.france.attac.org . (Voir l’Annexe).
112
113
CA du 17 mars 2001, http://www.france.attac.org/spip.php?article300 .
La Charte des relations entre l’association Attac et les comités locaux d’Attac, novembre 2002, www.france.attac.org .
(Voir l’Annexe).
114
115
116
Ibid.
Ibid.
La Charte des relations entre l’association Attac et les comités locaux d’Attac, novembre 2002, www.france.attac.org .
(Voir l’Annexe)
Maryna Kumeda - 2009
25
Les fluctuations de l’engagement militant : le cas des militants de l’association Attac-Rhône
« démocratie interne ». Il s’agissait surtout de « marquer le débat, laisser une
117
trace qui pourra être reprise »
.
L’apparition du niveau local avec l’accroissement rapide et inattendu des adhésions
individuelles et les réunions de constitution des comités locaux ont finalement abouti
à son institutionnalisation dans la Charte. Cette formalisation était une façon de gérer
le déséquilibre entre les deux échelons d’existence d’Attac. Et « ce déséquilibre
organisationnel revêt un caractère d’autant plus politique qu’il advient dans un groupe
associatif où les principes de « démocratie participative » sont mis en avant comme modèle
pour la société tout entière. Attac est ainsi aisément soupçonnée de suivre la « loi d’airain
de l’oligarchie »
119
autres » .
118
, ironie du sort pour une association qui entend la dénoncer chez les
Les débats sur les modifications des Statuts persistent. Ainsi, le projet des modifications
des Statuts, proposé par le Conseil d’administration national en 2006, visait à « améliorer
sa situation financière; de renforcer le poids des adhérents et des comités locaux
dans le fonctionnement de l’association; d’assouplir les règles permettant de modifier
120
les statuts. »
Les modifications concernaient le débat autour du poids du Collège
des fondateurs par rapport aux comités locaux et les adhérents. Il était donc prévu
d’augmenter le nombre de candidats élus au Conseil d’Administration parmi les adhérents
(le passage de 12 à 24), mais aussi la démocratisation de l’accès au poste de président,
qui auparavant devait être choisi parmi les membres fondateurs. Il s’agissait aussi de
reconnaître statutairement un rôle plus important de facto du Conseil d’Administration et de
l’Assemblée Générale des adhérents dans la définition des « grandes orientations et lignes
d’action » de l’association, auparavant conviées au Collège des fondateurs. Néanmoins, le
17 juin 2006, lors de l’Assemblée générale extraordinaire les modifications des statuts n’ont
pas été adoptées avec le quorum non-atteint (quelques centaines de votes manquants à un
121
quorum de 10724). Le délai prolongé pour le vote n’a pas permis de l’atteindre . Comme
prévu au cas du non-vote des modifications des Statuts, les 24 premiers sur la liste d’élus
122
des adhérents étaient quand même intégrés au CA. La campagne a été reprise et le vote
sur les modifications des statuts est prévu lors de l’Assemblée générale de 2009.
1.4. Les crises internes à Attac
Dans l’institutionnalisation des « règles du jeu » de l’association et la redéfinition des
rapports de forces, R.Wintrebert distingue deux périodes : de 1998 à 2002 où apparaissent
les comités locaux et, en revendiquant leur prise en compte juridique et empirique,
parviennent à s’imposer dans l’association Attac et en créer le mouvement, et puis, de 2003
à 2006 – marquée par la division au sein de la direction nationale aboutissant à une « crise ».
117
Entretien avec un militant du Calvados, février 2004, cité in WINTREBERT Raphael, Attac, la politique autrement?
op.cit., p.148.
118
119
MICHELS Roberto, Les Partis politiques : essai sur les tendances oligarchiques des démocraties, Flammarion, Paris, 1971 (1911).
WINTREBERT Raphael, Attac, la politique autrement? op.cit., p.68.
120
121
122
26
Pourquoi une modification des statuts ?, le 10 mars 2006, www.france.attac.org
Le CA du 11 décembre constate les quelques 259 voix manquants.
« Vote sur la réforme des statuts », Lignes d’Attac, n°74, avril 2009. (Voire l’Annexe).
Maryna Kumeda - 2009
Chapitre I. Attac Rhône, expression locale d’une dynamique altermondialiste nationale
La crise interne d’Attac, qui a culminé avec la « fraude » électorale, était très relayée
par les médias. Au point qu’elle était souvent la première référence à Attac qu’évoquaient
ceux à qui nous avons parlé de notre objet d’enquête. D’autant plus difficilement elle était
vécue par les adhérents. C’était un processus long et complexe, qui révélait non seulement
des aspirations personnelles de B.Cassen et J.Nikonoff, mais également d’autres facteurs,
tels que les transformations dans l’espace militant, les tâtonnements et les interrogations
au sein des mouvements altermondialistes.
R.Wintrebert distingue quatre facteurs de la division dans la direction nationale, qui
s’accroissait depuis 2002 : « une structure organisationnelle et un équilibre politique initial
précaire; une évolution du mouvement, non prévue, qui a profondément transformé son
projet initial; des personnalités qui coopèrent plus ou moins bien entre elles ; un contexte
123
politique électoral qui modifie les stratégies des acteurs » . B.Cassen ayant exercé deux
mandats pendant quatre ans et demi (au lieu de six mois comme c'était prévu au départ)
affirme avoir décidé un an auparavant de ne pas se représenter aux élections, « parce que
124
je n’en pouvais plus, tout simplement »
. D’autres acteurs soulignaient ses aspirations
croissantes axées sur le niveau international et les forums sociaux mondiaux (FSM), dont il
125
était un des fondateurs et organisateurs . Quoi qu’il en soit de ses raisons personnelles,
ici, nous ne pouvons que nous intéresser aux conséquences. B.Cassen en proposant, «
au nom du Monde diplomatique », une candidature de J.Nikonoff, méconnu de beaucoup
126
de membres des instances nationales, croyait avoir trouvé « la personne capable » .
En faisant cette proposition, aussi tard qu’il pouvait, B.Cassen explique avoir voulu éviter
les conflits à propos de la candidature entre les membres. Or, selon certains, par l’envie
d’exercer encore une fois son pouvoir et s’affirmer symboliquement. Lui-même répondait à
l’accusation de la non-démocratie de telle démarche : « En fait ce n’est pas la procédure,
c'est évident, tu sais très bien que des questions de procédures cachent toujours des
questions de fond (…) Ce qui leur posait problème ce n’était pas une question de procédures
démocratiques, au contraire, c'était que Tarta, Khalfa, Aguiton, Annick Coupé ne puissent
pas dire : « Camarades, qu’est-ce qu’on fait ? » et là j’aurais été coincé, j’aurais été obligé
ou bien de rompre, en ayant dévoilé mes cartes, ou bien de leur lâcher un morceau, ce que
127
je ne voulais pas… » . R.Wintrebert conclut que mise à part des lettres de P.Tartakowsky,
un communiqué de G10-Solidaires et un texte écrit par le Conseil scientifique, critiquant
la méthode de Cassen, les mécontentements se sont concentrés dans les couloirs et
personne s’est confronté directement avec B.Cassen lors d’une réunion. J.Nikonoff, peu
connu et, donc, fort de seule légitimité par B.Cassen, dès son entrée au poste du président
(fin 2002) a voulu rationaliser et structurer l’organisation, mais aussi, prendre plus de
contrôle sur les activités des comités locaux, élaborer une « planification stratégique » des
128
futurs actions d’Attac . Or, la mise en pratique de ses stratégies et la façon de gérer
l’association par Nikonoff, encore plus rigides que celles de Cassen, appréciées par les
uns et critiquées par les autres, selon R.Wintrebert, elles ont surtout approfondi et éclairé
123
124
125
126
WINTREBERT Raphael, Attac, la politique autrement? op.cit., p.189.
Entretien avec B.Cassen, août 2003, cité in WINTREBERT Raphael, Attac, la politique autrement?op.cit., p.193.
CASSEN Bernard, Tout a commencé à Porto Alegre, Paris, Mille-et-une-nuits, 2003.
Entretien avec B.Cassen, aout 2003, cité in WINTREBERT Raphael, Attac, la politique autrement?Paris, Editions La
Découverte, 2007, p.194.
127
128
Entretien avec B.Cassen, aout 2003, cité in WINTREBERT Raphael, Attac, la politique autrement? op.cit., p.197.
WINTREBERT Raphael, Attac, la politique autrement? op.cit., p.208-217.
Maryna Kumeda - 2009
27
Les fluctuations de l’engagement militant : le cas des militants de l’association Attac-Rhône
« un clivage au sein des instances nationales autour d’une question centrale : comment
gérer la diversité des profils, des parcours, des références, des projets au sein d’Attac,
et entre Attac et les autres organisations du mouvement altermondialiste ? Il en découle
des considérations politiques (quel(s) débouché(s) politique(s) Attac peut-elle envisager ?)
129
et tactiques (quelles alliances est-il nécessaire ou possible de faire ?)» . Cela a donné
130
lieu à un projet de réflexion sur la « nouvelle dynamique pour Attac » : rééquilibrage
du poids des membres fondateurs au sein des instances nationales, le mode de prises de
décision au consensus, le fonctionnement des comités locaux, etc. Ces réflexions, renvoient
aux questions plus générales de formes organisationnelles qui seraient effectives pour
le mouvement altermondialiste, lui-même en constante évolution, de son rapport avec le
syndicalisme, le champ partisan et les débouchés pour le mouvement.
131
La première confrontation ouverte est survenue après la condamnation par J.Nikonoff
de certaines actions radicales lors du rassemblement de Larzac qui, selon lui, aurait pu
amener à associer le mouvement altermondialiste à la « vieille extrême gauche ». Cet article
était très mal accueilli au sein d’Attac, et notamment, critiqué par le CA, lors de l’université
d’été et par les vice-présidents, S.George, G.Massiah et F.Dufour. Ce conflit ouvre une
série de confrontations autour de la question des modes de prise de décision et formes
d’organisation pour Attac, son positionnement dans l’espace de l’altermondialisme.
Un autre événement ressuscite le même débat - l’idée de présenter en 2004 les
listes « 100% altermondialistes pour une Europe solidaire » à l’occasion des élections
européennes du 13 juin 2004, qui, selon R.Wintrebert, proviennent, officiellement, de trois
personnes : M.Le Glatin, responsable du domaine « culture » d’Attac, C.Ventura, salarié
132
d’Attac, et D.Mourlaine, membre élu au CA en 2002-2006 . S’emparant du sigle « % »
et des beaucoup d’éléments de critique d’Attac, l’initiative est entreprise par quelques
adhérents, qui néanmoins, ne se sont jamais référés comme représentants d’Attac. Elle
a suscité une critique virulente par des adhérents, par le camp opposé à B.Cassen, mais
aussi par d’autres Attac du monde. Malgré la négation par B.Cassen de son rôle dans cette
affaire, l’avis partagé des adhérents est que c’est « B.Cassen, en liaison avec J.Nikonoff,
avait lancé les listes dites « 100% altermondialistes » qui se confondaient aisément, et
pour cause, avec Attac elle-même. Cette initiative, montée sans débats dans le dos de
133
l’association, avait à l’époque provoqué une crise importante » . Finalement, ces listes
134
n’ont pas été déposées , mais le précédent, qui a révélé publiquement une tension interne
129
130
Ibid., p.214.
« Perspectives pour une nouvelle dynamique d'Attac », le 21 septembre 2004,
http://www.france.attac.org/spip.php?
article3549 .
131
132
133
134
NIKONOFF Jacques, « Après le Larzac, de nouveaux défis », Libération, le 18 aout 2003.
WINTREBERT Raphael, Attac, la politique autrement? op.cit., p.227.
BRUN Thierry, « Attac en danger de mort ! », Politis, le 31 aout-6 septembre 2006.
Outre que le manque des ressources financières, ces initiateurs expliquent qu’un autre facteur avait défini leur choix, plus
précisément « le comportement, malheureusement classique, de la plupart des médias qui n'ont à aucun moment parlé du contenu
des propositions des listes 100 %, mais ont consacré des colonnes entières... au débat que ces listes provoquaient chez certains
membres d'Attac ! Nous avons eu beau rappeler en permanence que nous ne parlions pas au nom de cette association, qui l'a ellemême confirmé à plusieurs reprises, rien n'y a fait : les médias ont délibérément occulté le fond pour se consacrer à l'anecdote.
Eux aussi portent une grave responsabilité dans une dépolitisation des citoyens sur laquelle ils versent par ailleurs des larmes de
crocodile. Enfin, encouragées par ce travestissement médiatique de notre projet, certaines polémiques qui se sont développées au
sein d'Attac, et qui, à ce que nous en savons, semblent parfois aussi avoir servi à traiter d'autres problèmes internes. Celles et ceux
28
Maryna Kumeda - 2009
Chapitre I. Attac Rhône, expression locale d’une dynamique altermondialiste nationale
forte autour de la question des débouchés potentiels pour Attac, était une occasion de
présenter et de tester la réception potentielle d’une telle conception de l’association par
certains acteurs du mouvement et a abouti à l’échec. Cet événement a mis en lumière le
statut problématique d’Attac vis-à-vis de l’action politique. Ayant réunis en son sein des
militants et des organisations avec un rapport très différent au champ partisan, allant de
sa réfutation (pour ceux, Attac est devenu une substitution de l’action politique partisane)
jusqu’à l’envie de trouver des débouchés politiques à la critique d’Attac (ceux à l’initiative
des Listes ou participant aux élections à titre personnel), elle se trouve ainsi au croisement
des chemins pour son action future. Nous allons voir que sa position reste toujours ambiguë.
La campagne électorale interne d’Attac en 2006 était l’étape finale de la crise.
R.Wintrebert souligne que la crise à Attac n’est pas « politique » à proprement parler « au
sens où elle opposerait des blocs constitués par rapport à des thématiques spécifiques
(paradis fiscaux, OGM, OMC, taxes globales, etc.) », mais une crise « délibérative »,
« c'est-à-dire portant sur les manières de collaborer, de décider et de dépasser d’éventuels
135
désaccords dans les instances dirigeantes » . Or, nous ne sommes pas d’accord avec
cette définition, dans le sens où la crise n’a pas comme seul facteur les modes de gestion
autoritaires de Cassen ou Nikonoff, qui n’étaient pas appréciés par d’autres membres. Elle
était également liée à la diversité des sensibilités que l’association a réunies en son sein
et la difficulté croissante avec le développement du mouvement de les unir et agir avec un
projet de société commun.
Dans l’ensemble, les conflits de cette période concernent pas plus qu’une centaine des
militants parmi 21 000 (pour les confrontations physiques, et entre 80 et 300 personnes
pour les rencontres électroniques, selon les listes de discussion), les plus impliqués, de
l’expérience politique et organisationnelle importante. Plus précisément, ils avaient divisé
le CA en deux camps, celui de J.Nikonoff (avec B.Cassen et M.Dessenne) et, à l’opposé
S.George, P.Khalfa et G.Massiah. Ainsi, Nikonoff n’ayant pas trouvé le support unanime au
sein du Collège des fondateurs et y voyant une menace pour sa réélection, commence une
136
campagne , qui durait de l’été 2005 au printemps 2006 et visait «l’autonomie » interne
d’Attac vis-à-vis des membres fondateurs, dans l’objectif de minimiser le rôle du collège. N’y
étant pas parvenu, il s’est réorienté stratégiquement pour changer les procédures électives.
Parmi les comités locaux, seulement une cinquantaine des 230 était impliqué plus ou
moins dans ces conflits (une quinzaine des CL a pris une position publique pour J.Nikonoff,
une autre quinzaine - pour P.Khalfa). Malgré le petit nombre des militants impliqués, la
bataille était vive : environ 60 emails par jour sur les listes Local, Orientations, Statuts, CA137
Fondateurs, soit 18 000 messages entre mars et décembre 2006 .
Le jour de l’Assemblée Générale extraordinaire de 17 juin 2006 pour annoncer les
résultats de vote sur les modifications des statuts et l’élection du CA, les « aberrations
statistiques » ont été constatées. J.Nikonoff est élu à plus de 60% de voix, mais
l’inversement de tendance dans les bulletins pendant quelques jours du dépouillement, très
« favorables » à sa candidature, ont semé les soupçons, et vingt élus ont refusé de siéger
d'entre nous (une petite minorité de nos colistiers) qui sont membres de cette association déplorent vivement le trouble inutile qu'elle
y a provoqué ». Voir « Au-delà des listes aux élections européennes. Le rapport du mouvement Altermondialiste au champ politique :
un débat enfin dévérrouillé », le 10 juin 2004, www.alter-m.org . L’association politique Alter a été crée suite à cette initiative.
135
136
137
WINTREBERT Raphael, Attac, la politique autrement? op.cit., p.232.
Ibid., p.243-273.
WINTREBERT Raphael, Attac, la politique autrement? op.cit., p.271.
Maryna Kumeda - 2009
29
Les fluctuations de l’engagement militant : le cas des militants de l’association Attac-Rhône
jusqu’à l’éclaircissement de la situation. La moitié restante des administrateurs s’est réunit
et a voté la candidature de J.Nikonoff au poste de président.
Suite à des nombreux débats et analyses des possibilités et causes probables des
« aberrations statistiques », le rapport interne de R.Passet, synthèse des trois expertises, a
conclu à la fraude: « tous les experts s’accordent à reconnaître l’existence d’anomalies
troublantes liées aux dates de dépouillement du scrutin ; ils estiment que la probabilité
statistique des écarts enregistrés se situe à des niveaux qui relèvent de l’impossible et qu’il
y a donc eu « manipulation » : jamais les écarts enregistrés et concentrés dans le temps
138
n’auraient été possibles sans l’intervention providentielle de quelque «main invisible » .
139
La Commission d’enquête a abouti à la même conclusion. Le rapport graphologique de
G.Duménil et D.Lévy a constaté: « L’analyse - plus particulière mais non exclusive - des lots
réputés atypiques a fait apparaître des ensembles de bulletins suspects [une centaine]
dont l’examen a révélé qu’ils avaient été massivement réalisés par deux ou trois mains et
140
dont le contenu a révélé des « stratégies » évidentes » . Le 2 octobre 2006 onze élus du
CA du camp de Nikonoff démissionnent. Lors des élections de décembre la liste « Avenir
d’Attac : pour une Attac deuxième génération » proche à J.Nikonoff obtient en tout 4 places
sur 42 au CA. Le principe de co-présidence a été instauré (coprésidents : A.Trouvé et J.M.Harribey).
141
Le réseau « Avenir d’Attac » , « une sensibilité organisée au sein de l’association
Attac », réunissant des militants « qui se reconnaissaient dans le projet porté par les
deux premiers présidents d’Attac, Bernard Cassen et Jacques Nikonoff », existait au
sein d’Attac et a été dissout le 6 décembre 2007. Le 24 mai 2008 J.Nikonoff a crée le
142
Mouvement Politique d’Education Populaire (M’PEP) avec un positionnement différent
de celui d’Attac : « Si le Mouvement politique d’éducation populaire (M’PEP) n’est pas
un parti politique, ni un organisme d’éducation populaire, il ressemble cependant, par
certains aspects, à un parti politique et à un organisme d’éducation populaire. C’est en
cela que le M’PEP veut marquer son originalité à la fois sur la scène politique française
et dans le secteur de l’éducation populaire en s’identifiant comme un « mouvement
politique d’éducation populaire» ». Ayant la composition semblable à celle d’Attac, dans ses
objectifs le mouvement souligne, à l’opposé, vouloir « donner un débouché politique à leur
engagement ».
Ainsi, la conclusion de R.Wintrebert est que cette crise n’est en rien une crise
politique, mais une crise d’organisation, puisque, riche des provenances diverses de ses
composantes, l’association n’a pas su créer un « cadre de délibération qui permette
d’identifier, de clarifier, de dépasser ou de mettre de côté ces différends, bref de les traiter.
S’il est vrai que la crise qu’a traversée Attac s’explique par des orientations politiques
différentes (en termes d’alliances, de stratégies, de conceptions de ce que doit devenir
138
PASSET René, "Elections ATTAC: synthèse des rapports d’experts », le 23 août 2006, http://yonne.lautre.net/spip.php?
article1882&lang=fr
139
PASSET René et ALBALA Nuri, « Rapport Commission d'enquête sur les élections au C. A. d'Attac », le 29 septembre
2006, www.france.attac.org
140
PASSER René et ALBALA Nuri, « Rapport Commission d'enquête sur les élections au C. A. d'Attac », le 29 septembre
2006, www.france.attac.org
141
« Figé » depuis le 12 décembre 2007, le site d’ « Avenir d’Attac » « reste accessible au titre de la mémoire d’Attac »,
http://www.avenirdattac.net/
142
30
www.m-pep.org
Maryna Kumeda - 2009
Chapitre I. Attac Rhône, expression locale d’une dynamique altermondialiste nationale
Attac), il n’en reste pas moins que le fond du problème se situait en amont : comment
accepter la diversité des références et des projets sans scléroser l’association, sans
renoncer à élaborer de véritables propositions politiques ? Quels modes d’organisation,
143
de discussion et de décision mettre en place pour y parvenir ? » . Les questions
conflictogènes comme « le nucléaire », « le voile » ou le passage à l’action politique - ont
révélé la tension dans Attac et le choix entre son rôle d’« espace des convergences » ou
144
d’élaboration de son propre projet. Ainsi, en vue d’une « nouvelle dynamique d’Attac » ,
les militants revendiquent le rôle d’Attac dans la « construction de convergences » dans
l’espace altermondialiste : « Nous récusons la vision d’Attac, qui oppose la construction
d’Attac et celle du mouvement altermondialiste et qui conduirait à isoler Attac et quelques
fois même à opposer Attac au mouvement altermondialiste sous prétexte d’éviter une
dilution de l’association ». Ainsi, il faudrait prendre en compte les processus dans le champ
altermondialiste pour comprendre les débats qui animent l’association.
La vie interne de l’association, le centre de notre attention jusqu’ici, était autant le
produit des interactions entre ses acteurs, qu’elle subissait l’influence des facteurs externes.
Elle a pu devenir le lieu des luttes aussi intenses à cause des enjeux accrus dus à
son importance croissante sur la scène politique française et son audience au niveau
international. En décembre 1998 la première réunion internationale avait eu lieu, à l’issue de
laquelle « Plateforme internationale d’Attac » a été publiée, et en juin 1999 les Rencontres
internationales ont réuni 2 000 personnes de 80 pays. Aujourd'hui les organisations Attac
existent dans une cinquantaine de pays et se développent selon des logiques propres à
145
chaque espace national. Attac, plus particulièrement B.Cassen et ses amis brésiliens,
étaient aux origines des Forums sociaux mondiaux (FSM) à Porto Alegre, où 15 000
personnes se sont réunies pour un contre-sommet à celui du sommet économique du Davos
en 2001. En 2001 également Attac se mobilise dans une vaste campagne contre l’Accord
général sur le commerce des services (AGCS). En novembre 2002 le premier Forum social
européen (FSE) a eu un succès important à Florence. En 2005 après un débat sur la
nécessité de prise de position suivi de vote, Attac se lance dans la campagne pour le « Non »
au référendum sur le Traité constitutionnel européen (TCE) qui a abouti à un rejet de celuici le 29 mai. Tout en étant un grand succès, très médiatisé, pour Attac, la participation dans
cette campagne a suscité la désaffection de ceux qui n’étaient pas d’accord avec cette
position. Actuellement, dans la panique suscitée par la « crise financière » mondiale, Attac
se réactive dans la critique des spéculations financières et réfléchit, en vue des élections
au CA cette année, sur « l’approfondissement du projet d’Attac dans la nouvelle situation
146
créée par la crise globale que le monde connaît » .
1.5. Attac, figure de proue fragilisée de l’altermondialisme français
R.Wintrebert distingue trois phases de développement d’Attac au regard du nombre
d’adhésions: une croissance exponentielle des effectifs de juin 1998 à fin 2001, une
stagnation entre 2002 et 2004, et enfin un déclin à partir de 2005-2006. Il faut distinguer,
néanmoins, le renouvellement et les nouvelles adhésions. Le taux de nouvelles adhésions
143
WINTREBERT Raphael, Attac, la politique autrement? op.cit., p.301.
144
« Perspectives pour une nouvelle dynamique d'Attac », le 21 septembre 2004,
http://www.france.attac.org/spip.php?
article3549
145
146
CASSEN Bernard, Tout a commencé à Porto Alegre, Paris, Mille-et-une-nuits, 2003.
« Appel à contributions préparatoires à l’AG 2009 », le 19 mai 2009, http://www.france.attac.org/spip.php?rubrique1140
Maryna Kumeda - 2009
31
Les fluctuations de l’engagement militant : le cas des militants de l’association Attac-Rhône
se maintenait à environ 10 000 personnes de 1999 à 2003, et a baissé ensuite (4 848 en
2004, 4 077 en 2005 et 2 366 en 2006). R.Wintrebert remarque l’effet différent que certains
événements dans l’histoire d’Attac ont exercé sur le taux de nouvelles adhésions : suite
à un très médiatisé rassemblement au Larzac en été 2003 - 1 793 nouveaux adhérents
ont rejoint Attac en juillet 2003 à l’opposé de seulement 412 en juillet 2002, par contre,
le même taux d’adhésions nouvelles s’est maintenu dans la période entre avril et aout
en 2004 et 2005 (1 820 et 1937 conséquemment), malgré la réussite de la campagne
référendaire. Néanmoins, les changements du rapport des adhérents à Attac ne peuvent
pas être expliqués seules par les activités de l’association. Il faudrait porter un regard plus
vaste sur les transformations de l’espace politique et contestataire.
D’importants changements sociopolitiques ont précédé et contribué à l’apparition
d’Attac, leur prise en compte est nécessaire pour mieux comprendre ce phénomène.
L’émergence et la constitution du mouvement altermondialiste, résultant du processus de
147
l’autonomisation et de la consolidation de l’espace des mouvements sociaux , éclaireront
davantage les difficultés, les conflits et la crise qu’avait vécus l’association.
La naissance du mouvement altermondialiste, qui est souvent datée des mobilisations
148
149
de Seattle en 1999 et du mouvement contre l’AMI , trouve, selon E.Agrikoliansky, ses
racines dans les mouvements tiers-mondistes des années 1970, et le point de départ
d’une « configuration nouvelle d’acteurs » étaient la manifestation contre le sommet G7
150
à Paris et la campagne pour l’annulation de la dette du tiers monde le 8 juillet 1989 .
Dans l’objectif de dépasser les biais d’une « vision téléologique » de cette approche,
151
L.Mathieu décrit le processus de l’émergence du mouvement altermondialiste comme
152
153
résultant des recompositions dans l’espace des mouvements sociaux . La vague des
mobilisations des années 1990, quoique hétérogènes, après « l’atonie militante de la
décennie précédente » signifiait le « retour de la question sociale » (à travers la critique de la
précarité, de la dégradation de qualité de vie et des conditions de travail, du démantèlement
de l’Etat-Providence), était marquée par une tendance chez ses mouvements de désigner
147
MATHIEU Lilian, « La constitution du mouvement altermondialiste français », Critique internationale, N°27, avril-juin 2005,
p.147-161.
148
BARLOW M., CLARKE T., La Bataille de Seattle. Sociétés civiles contre mondialisation marchande, Paris, Fayard, 2000 ;
LOSSON L., QUINIO P., Génération Seattle. Les rebelles de la mondialisation, Grasset, Paris, 2002.
149
MOUCHARD Daniel, « Les mobilisations contre l’AMI : un « moment fondateur » du mouvement altermondialiste ? »,
communication lors du colloque international « Les mobilisations altermondialistes » organisé par le GERMM, Paris, 3-5 décembre
2003.
150
AGRIKOLIANSKY Eric, « Du tiers-mondisme à l’altermondialisme : genèse(s) d’une nouvelle cause », in AGRIKOLIANSKY
Eric, FILLIEULE Olivier, MAYER Nonna (dir.), L’altermondialisme en France. La longue histoire d’une nouvelle cause, op.cit., p.43-73.
151
152
MATHIEU Lilian, « La constitution du mouvement altermondialiste français », art.cit., p.147-161.
Le dossier « Militants de l’altermondialisation » de Politix. (Vol. 17, N°68, 2004) est consacré à l’étude des conditions
de l’émergence du nouveau mouvement « au confluent de traditions militantes nationales et de courants idéologiques anciens, qui
trouvent dans ce nouveau combat des espaces de reconversion, tant au niveau de la formulation des causes que des trajectoires
militantes » in « Militants de l’altermondialisation », Politix. Vol. 17, N°68, 2004, p.9.
153
L’espace des mouvements sociaux est « un univers de pratique et de sens distinct au sein du monde social – et
distinct notamment du champ politique partisan – à l’intérieur duquel les différents mouvements sont unis par des rapports fluctuants
d’interdépendance ». De la consolidation de cet espace témoignaient l’apparition de son « autoréférence », souciée de se distinguer
de l’espace partisan, et le développement des liens entre ses composants, voir MATHIEU Lilian, « La constitution du mouvement
altermondialiste français », art.cit., p.150.
32
Maryna Kumeda - 2009
Chapitre I. Attac Rhône, expression locale d’une dynamique altermondialiste nationale
comme coupable les politiques néolibérales, et témoignait des possibilités restreintes de
l’engagement dans l’espace partisan de gauche (où le Parti socialiste a vécu une conversion
au néolibéralisme, où de Parti communiste ne restait qu’une ombre, et l’effritement de
l’extrême-gauche n’était guère plus attrayant pour l’engagement).
Au calme relatif qui régnait sur la scène des mouvements sociaux depuis la déception
socialiste et jusqu’à 1995 a succédé la montée sur tous les fronts des contestations, sociale
mais aussi intellectuelle, « l’esprit de l’époque », bien synthétisée par un militant d’Attac
France :
« Moi, mon engagement dans Attac il est dans la foulée des mouvements de 95,
de l’engagement de Bourdieu…c'est-à-dire qu’au début des années 90 il y a eu
ce bulldozer intellectuel qui essayait de nous convaincre de la fin de l’Histoire
et puis…l’homme n’est plus le moteur de l’Histoire, c'est comme ça et puis on a
vu ce qui commençait au Chiapas et tous ces mouvements…ça a fait que y avait
quand même une résistance intellectuelle, on ne peut pas accepter les choses
telles qu’elles sont…y a des choses qui sont insupportables, il faut qu’on agisse.
Et Attac, ça s’inscrit toujours dans cette réaction à ne pas accepter les choses
154
telles qu’elles sont »
Les interconnexions entre ces mouvements étaient favorisées non seulement par la
similitude de leur critique, mais également par « la multipositionnalité de certains
155
responsables agissant comme des « courtiers » (brokers)
». Contre l’hypothèse de
la conversion directe des anciens mouvements en une nouvelle identité altermondialiste
L.Mathieu oppose trois arguments. D’abord, non seulement les mouvements contre la
précarité se trouvent dans la mouvance altermondialiste, mais aussi ceux des sensibilités
écologistes et tiers-mondistes, survivants des années 1980. Ensuite, tous les mouvements
clés des années 1990 ne l’ont pas rejoint, comme par exemple Act Up. Enfin, il souligne
le « caractère tâtonnant, et non linéaire » de construction de la critique altermondialiste,
dont témoigne l’orientation vers le niveau européen d’abord (appel de Bourdieu « Pour un
156
mouvement sociologie européen » ) et le passage au niveau international ensuite (mais
aussi un autre moment critique comme l’appellation du mouvement : « antiglobaliste »
157
au début, et puis renégociée au moins révolutionnaire « altermondialiste », ensuite ).
158
Le « cadre dominant » (master frame) qui aurait réunis le mouvement altermondialiste,
n’existait pas préalablement, mais les lieux d’élaboration de la critique de la mondialisation
néolibérale étaient nombreux. Cette critique émergeait dans les interventions multipliées
des « intellectuels engagés », dont exemplaire est P. Bourdieu, mais aussi des groupes
154
155
WINTREBERT Raphael, Attac, la politique autrement? op.cit., p.98.
Le concept qui désigne « des acteurs aptes à connecter des unités contestataires antérieurement isolées » est emprunté par
l’auteur dans McADAM Doug, TARROW Sidney, TILLY Charles, Dynamics of Contention, Cambridge, Cambridge University Press,
2001, cité in MATHIEU Lilian, « La constitution du mouvement altermondialiste français », art.cit., p.150.
156
157
BOURDIEU Pierre, Contre-feux 2, Paris, Editions Raisons d’agir, 2001.
Arnaud Zacharie, le porte-parole d’Attac Belgique, est considéré l’inventeur de cette appellation, qui se répand depuis
2002 et était réapproprié par le mouvement. Voir PLEYERS Geoffrey, « Le mouvement altermondialiste liégeois », Colloque
"Les mobilisations altermondialistes", GERMM, Paris, 3-5 décembre 2003,
http://www.afsp.msh-paris.fr/activite/groupe/germm/
collgermm03txt/germm03pleyers.pdf .
158
SNOW David A., BENFORD Robert D., “Master Frames and Cycles of Protest”, in MORRIS Aldon D. et MUELLER Carol (dir.),
Frontiers in Social Movement Theory , New Haven, Yale University Press, 1992, pp.133-155.
Maryna Kumeda - 2009
33
Les fluctuations de l’engagement militant : le cas des militants de l’association Attac-Rhône
de production de l’expertise et de diffusion de l’information, tels que le Club Merleau-Ponty
(1994), le Réseau d’alerte sur les inégalités (1995), Raisons d’agir (1995), l’Appel des
économistes pour sortir de la pensée unique (1996), l’Observatoire de la mondialisation
(1996), enfin, la Fondation Copernic (1998), ou encore le Conseil scientifique d’Attac.
L’expertise devient un mode d’action des organisations sans effectifs militants importants,
qui construisent ainsi la légitimité de leur contestation sur l’objectivité de leur production,
159
alternative à la réalité des choses . Ces groupes de réflexion et d’expertise n’étaient pas
à l’aune du mouvement altermondialiste, mais ont apparu plutôt en réponse à la « pensée
unique » imposée par des think tanks légitimant les politiques néolibérales.
Enfin, les syndicats ont trouvé leur place dans le mouvement altermondialiste, qui, en
même temps, revendique toujours son autonomie de l’espace partisan. Les recompositions
vécues par les syndicats à partir des années 1980 font que ceux qui sont outsiders
160
dans leur champ d’action, faibles et en manque des ressources et de légitimité (les
dissidents de la Confédération française démocratique du travail (CFDT), le Groupe des
dix, la Confédération paysanne) cherchent à se positionner et créer des alliances, et se
trouvent ainsi parmi les membres fondateurs d’Attac. La coopération entre ces syndicats
et des associations se construisait autour de questions d’exclusion, dont AC ! est un
cas exemplaire. Les associations comme AC !, DAL ou Droit devant sont marginaux
en ce qu’elles « défendent les populations les plus démunies et les plus stigmatisées
(chômeurs, étrangers sans papiers) et qu’ils restent peu institutionnalisés et faiblement
161
dotés en ressources » , surtout en comparaison avec les Restos du cœur ou ATDQuart Monde. Ces outsiders cherchent également des ressources en termes d’expertise,
de réseaux ou encore, à travers la nouvelle dimension internationale des revendications, à
« se régénérer » et « ennoblir » les luttes. Ainsi, Attac était un « aboutissement » en quelque
sorte « du rapprochement, opéré depuis les années 1980, entre le mouvement syndical et
162
le mouvement associatif » .
Le rapport au champ partisan est plus compliqué, marqué « par une très forte
ambivalence, quand ce n’est pas par une sourde hostilité témoignant d’une volonté
de clôture de l’espace des mouvements sociaux », qui s’explique par « le discrédit
des partis, la crainte de la « récupération » de la critique altermondialiste à des fins
électorales et la volonté de préserver un espace de militantisme « désintéressé » car
163
dénué d’enjeux de carrière » . Néanmoins, l’autonomie s’est avérée difficile à préserver
du fait de la « porosité entre espace des mouvements sociaux et champ politique », la
multipositionnalité de ses acteurs, et la reprise par des partis politiques des éléments de la
critique altermondialiste. En outre, certains des acteurs du mouvement altermondialiste ont
commencé à promouvoir et revendiquer le déplacement des activités altermondialistes dans
le champ d’action politique. Dans le champ partisan les positions envers l’altermondialisme
sont hétérogènes. Les groupes Attac ont été crée à l’Assemblée Nationale et au Parlement
Européen. Il existe toujours une certaine proximité entre le PCF et la LCR (actuellement
159
CRETTIEZ Xavier et SOMMIER Isabelle, La France rebelle, Michalon, Paris, 2002.
160
AGRIKOLIANSKY Eric, FILLIEULE Olivier et MAYER Nonna, « La dynamique altermondialiste en France », L'Économie
Politique, 2005/1 - n°25, p.82-90 ; AGRIKOLIANSKY Eric, FILLIEULE Olivier, MAYER Nonna (dir.), L’altermondialisme en France. La
longue histoire d’une nouvelle cause, op.cit.
161
162
163
34
AGRIKOLIANSKY Eric, FILLIEULE Olivier et MAYER Nonna, « La dynamique altermondialiste en France », art.cit., p.87.
WINTREBERT Raphael, Attac, la politique autrement? op.cit., p.25.
MATHIEU Lilian, « La constitution du mouvement altermondialiste français », art.cit., p.155.
Maryna Kumeda - 2009
Chapitre I. Attac Rhône, expression locale d’une dynamique altermondialiste nationale
le NPA), dont certains leaders et membres adhèrent à Attac et se positionnent comme
altermondialistes. En même temps le cadre organisationnel d’Attac était préalablement
réfléchi en termes de son protection d’entrisme, y compris par des partis politiques.
Cette tension au sein du mouvement altermondialiste renvoie à une hypothèse de son
essoufflement.
164
Ainsi, Eddy Fougier analyse deux phénomènes qui témoigneraient de l’essoufflement
actuel de l’altermondialisme : l’indifférence croissante des médias et le sentiment du
165
déclin éprouvé par les militants altermondialistes eux-mêmes , divisés dès lors en deux
166
camps : les partisans du « statut quo », ou « consensus altermondialiste » , réclamant
l’autonomie altermondialiste du champ partisan, et les partisans de la « rupture », ou du
« post-altermondialisme », qui soulignent la nécessité du recours à l’action politique. Le
désintérêt des médias s’explique, selon E.Fougier, par « la logique médiatique », qui ne
leur permet plus éclairer dans la même proportion le répertoire d’action altermondialiste,
routinisé et moins spectaculaire. Cette perte d’intérêt médiatique est due également au
fait du déplacement de FSM de la ville du budget participatif Porto Alegre, très attirante
symboliquement, et de la décentralisation ultérieure (le FSM « polycentré » de 2006 avait
lieu à Bamako, Caracas et Karachi et le FSM « décentralisé » de 2008), de l’absence de
porte-parole et de la déclaration finale. D’autres facteurs, plus étroitement liées avec la
scène politique française, sont l’indifférence croissante des hommes politiques envers le
FSM, la crise d’Attac de 2006 et l’échec de la candidature de J.Bové aux présidentielles de
2007. Une autre dimension de l’essoufflement du mouvement serait la déception induite par
les attentes élevées à l’égard du mouvement. La Charte des principes du FSM stipulait le
refus des instances dirigeantes et hiérarchisées et l’autonomie du mouvement de champ
167
partisan traditionnel . Or, selon E.Fougier, ce « consensus altermondialiste » s’est délité
avec la déception des attentes portées dans les FSM et compte tenu de mise en œuvre
de certaines des propositions altermondialistes dans les pays d’Amérique Latine (Hugo
Chavez au Venezuela, Lula au Brésil, Evo Morales en Bolivie ou Rafael Correa à Equateur).
Il souligne que le premier à critiquer l’inefficacité des FSM était un de ses fondateurs,
168
B.Cassen . Déjà en 2005, lors d’une conférence de presse, B.Cassen expliquait que
« Manifeste de Porto Alegre » censé de « donner un coup d’accélérateur vers une traduction
164
FOUGIER Eddy, « Où en est le mouvement altermondialiste ? Réflexion sur l’essoufflement », La vie des idées, le 3 mars
2008, www.laviedesidees.fr
165
“Le Forum social se disperse”, Politis, le 17 janvier 2008, ou B.Cassen tenant le discours critique sur Attac, les Forums
sociaux mondiaux et le mouvement altermondialiste, en général, à la défense du « post-altermondialisme ».
166
Terme employé par l’auteur. Probablement, lui-même, l’ayant emprunté chez B.Cassen, qui proposait d’appeler « consensus
de Porto Alegre », en opposition au « consensus de Washington », « l’élaboration progressive, au niveau mondial, d’un corpus de
plus en plus largement partagé par les acteurs sociaux […] d’analyses et de propositions en rupture avec les politiques libérales », in
CASSEN Bernard, « Jusqu’où ira Porto Alegre ? », La Rivista del Manifesto, n°32, octobre 2002 et CASSEN Bernard “Repenser le
“format” des Forums sociaux, passer à l’acte politique”, Libération, le 12 janvier 2004.
167
« Le Forum Social Mondial est un espace pluriel et diversifié, non confessionnel, non gouvernemental et non partisan,
qui articule de façon décentralisée, en réseau, des instances et mouvements engagés dans des actions concrètes, au niveau
local ou international, visant à bâtir un autre monde», Charte de Principes du Forum Social Mondial, le 9 avril 2001,
http://
www.forumsocialmundial.org.br/main.php?id_menu=4&cd_language=3
168
Il parle d’ « un certain essoufflement de la formule inaugurée en 2001 », in CASSEN Bernard, « Le « Manifeste de Porto
Alegre » et l’avenir des Forums sociaux mondiaux », Grain de Sable, n°521, 6 juillet 2005.
Maryna Kumeda - 2009
35
Les fluctuations de l’engagement militant : le cas des militants de l’association Attac-Rhône
169
politique de nos propositions » , une thèse rejetée par son ami fondateur de FSM, Candido
Grzybowski. De plus, si on prend en compte le rôle décroissant de Cassen à Attac et son
investissement important et, donc, l’ambition centrée sur le niveau international, on pourrait
comprendre que son avis ne serait pas le reflet de celui du mouvement altermondialiste
dans son ensemble. E.Fougier justifie sa thèse sur le sentiment d’essoufflement (ou même
170
« la fin » ) chez les altermondialistes, de manière pas très convaincante, en s’appuyant
sur la critique par H.Chavez et B.Cassen et de par son implication dans l’organisation
171
« Mémoire des luttes » , aboutissant à un colloque organisé à Paris le 26 janvier 2008
172
« Altermondialisme et post-altermondialisme. Vers un socialisme du XXIe siècle » . La
moindre visibilité des FSM, la présence à ce colloque de sept des dix-neuf signataires
173
de « Manifeste de Porto Alegre » pour réfléchir au « post-altermondialisme » et la
proclamation de la « nécessité d’entrer dans un post-altermondialisme de combat pour
174
dégager les perspectives d’un socialisme du XXIe siècle » - sont, selon lui, significatifs
d’une fracture importante dans le mouvement altermondialiste qui peine à trouver les
débouchés, marqué par « l’impuissance et la marginalisation », et de la « fin de cycle »
175
dominé par les forums sociaux .
Cette analyse et son argumentation sont biaisées par un regard centré sur la
scène française, où l’acteur principal du mouvement altermondialiste, Attac, a vécu
une crise profonde, mais aussi par un choix de sources, limitées majoritairement aux
176
discours de B.Cassen, un acteur par ailleurs relativement discrédité dans le mouvement
altermondialiste. Or, quelques événements témoignent que les activités altermondialistes
restent encore importantes, et, même, se propagent géographiquement. Ainsi, la plus
importante mobilisation autour du G8 dans le Nord-est de l’Allemagne avait rassemblé
en juin 2007 environ 75 000 personnes. En outre, la position d’Attac Allemagne est plus
forte que celle de son homologue français. 19 000 membres fin 2007 (contre 15 000 en
France), un succès que G.Pleyers attribue à un choix pour « une démarche citoyenne
169
L’Humanité, le 31 janvier 2005, cité in FOUGIER Eddy, « Où en est le mouvement altermondialiste ? Réflexion sur
l’essoufflement », La vie des idées, le 3 mars 2008, www.laviedesidees.fr .
170
CASSEN Bernard, «L’altermondialisme, c’est terminé», Propos recueillis par N.Buzdugan, www.nouvelobs.com , le 24
août 2007.
171
« Mémoire des luttes » est une association créée à l’initiative de Gunter Holzmann le 7 janvier 2000, l’association étant
également membre fondateur d’Attac. http://medelu.org/
172
Colloque « Altermondialisme et postaltermondialisme. Vers un socialisme du XXIe siècle », Paris, 26 janvier 2008, http://
www.utopie-critique.fr/index.php?option=com_content&-task=view&id=19&Itemid=33
173
Bernard Cassen, Ignacio Ramonet, Samir Amin, Walden Bello, François Houtart, Emir Sader et Riccardo Petrella. Or
G.Pleyers souligne la déconnexion de certains « leaders médiatiques », qui sont souvent « intellectuels militants cosmopolites très
mobiles » n’ayant pas de liens réels avec les mouvements de bases et ne pouvant dès lors représenter un mouvement quelconque.
Le « Manifeste » était signé par 19 intellectuels, dans un palace de la ville et non pas au sein du FSM. « Cependant, (…) le mouvement
ne s’est jamais limité à ces leaders qui semblent plutôt avoir perdu de l’influence au cours des dernières années ». Voir, PLEYERS
Geoffrey, « L’altermondialisme : essoufflement, ou reconfiguration ? Réponse à Eddy Fougier », le 21 mars 2008, www.laviedesidees.fr
174
175
176
« Vers un Manifeste pour un socialisme du XXIe siècle », http://medelu.org/spip.php?article21
Or, en 2009 lors de FSM à Belém, Brésil, ont participé entre 100 000 et 133 000 personnes, selon les sources.
Suite aux soupçons de “fraude” lors des élections en juin 2006, selon G.Pleyers, « la réunion du Conseil International
du Forum Social Mondial de janvier 2007 a attesté de la perte d’influence (…) pour Bernard Cassen au sein de cette instance du
mouvement international ». Voir PLEYERS Geoffrey, « L’altermondialisme : essoufflement, ou reconfiguration ? Réponse à Eddy
Fougier », art.cit.
36
Maryna Kumeda - 2009
Chapitre I. Attac Rhône, expression locale d’une dynamique altermondialiste nationale
et collégiale plutôt que l’organisation du mouvement autour de leaders », en évoquant la
démission au profit de la nouvelle génération de quelques principaux membres fondateurs.
En outre, les forums sociaux investissent de nouveaux sites : les continents africain et nordaméricain, avec le premier Forum Social de la République Démocratique du Congo ayant
177
réuni 1500 participants, le FSM à Nairobi en 2007 , le premier Forum Social des EtatsUnis (10 000 participants), le Forum Social national du Mexique (7 000 personnes) lors du
FSM décentralisé de 2008.
Tout en constatant le manque des mobilisations lors de la semaine de FSM de 2008
en Europe occidentale et en Inde, E.Fougier tire la conclusion que « le mouvement
altermondialiste est aujourd'hui bien moins dynamique dans quelques-uns de ses fiefs
historiques, mais il continue de toucher de nouveaux territoires qui pourraient constituer les
178
pôles d’une nouvelle dynamique du mouvement » . Cette visible baisse de dynamique
est analysée par G.Pleyers en termes des reconfigurations du mouvement altermondialiste
plutôt que de son déclin, l’approche, « qui ne pourrait refléter la complexité d’un acteur
179
organisé en réseau et actif simultanément à différents niveaux » . G.Pleyers définit trois
180
niveaux de ce processus : les bases géographiques du mouvement , le changement
181
du niveau d’activités vers les réseaux et l’action locales et le renouveau du débat sur
182
l’action politique . Ainsi, il insiste sur la nécessité d’affiner l’hypothèse de l’essoufflement
de l’altermondialisme et nous rappelle que « davantage que dans les acteurs ou les forums
sociaux, c’est dans les idées qu’il a portées et dans les enjeux sociétaux qu’il a pointés que
réside l’altermondialisme », l’identification du mouvement avec des acteurs et organisations
183
isolés produit un biais méthodologique important .
E.Agrikoliansky, pour sa part, explique le diagnostic du déclin de mouvement non
seulement dans les médias, mais chez les militants mêmes et les chercheurs, par un
177
POMMEROLLE Marie-Emmanuelle et SIMEANT Johanna, « Voix africaines au Forum social mondial de Nairobi. Les
chemins transnationaux des militantismes africains », Cultures et conflits, n°70, été 2008.
178
179
180
PLEYERS Geoffrey, « L’altermondialisme : essoufflement, ou reconfiguration ? Réponse à Eddy Fougier», art.cit.
Ibid.
Géographie primaire de l’altermondialisme se basant en France, Italie, ensuite Inde et Brésil, est reconfigurée autour
d’autres pôles : Allemagne, Etats-Unis, pays d’Afrique. « Certes, (…) cet élargissement géographique a pour contrepartie une plus
grande hétérogénéité, engendre des problèmes de coordination et des difficultés pour déterminer des lignes communes », mais,
d’autre part, le mouvement altermondialiste s’est pensé comme un « espace ouvert », et non pas comme un mouvement unifié,
centralisé et hiérarchisé, souligne-t-il. Ibid.
181
Ainsi, le mouvement altermondialiste a trouvé sa réalisation en plus de soixante Forums sociaux nationaux ou régionaux
entre janvier 2006 et mars 2008, en l’augmentation des espaces de vie et de la consommation alternative, de commerce équitable, en
la propagation de logiciels libres, des médias alternatifs, en persistance des réseaux et des organisations de production de l’expertise,
etc. Ces formes d’action sont moins hiérarchisées, plus locales, - ce qui explique leur moindre médiatisation.
182
La tendance du mouvement altermondialiste et ses acteurs, qui prônent l’action politique, souvent plus médiatisés, comme
B.Cassen, ne « l’a cependant pas emporté », dont sont significatif l’échec de la liste « 100 % altermondialiste », la candidature de
J.Bové aux présidentielles, ou la distanciation du mouvement des sans-terre de Lula et l’affirmation de l’indépendance du FSM en
2007 à Nairobi.
183
« Ceux qui l’ont identifié avec certains personnages ou partis politiques en reviendront immanquablement déçus, comme
ce fut le cas de plusieurs mouvements latino-américains. Ceux qui ont trop directement identifié le mouvement à l’une ou l’autre
organisation (comme Attac France) ou à quelques leaders intellectuels verront le mouvement décliner avec les déboires de ces
acteurs », in PLEYERS Geoffrey, « L’altermondialisme : essoufflement, ou reconfiguration ? Réponse à Eddy Fougier », art.cit.
Maryna Kumeda - 2009
37
Les fluctuations de l’engagement militant : le cas des militants de l’association Attac-Rhône
184
décalage entre les représentations de ce qui devait être et ce qu’il est en réalité . La
prégnance des représentations qui ont été faites de l’altermondialisme à l’aube de ses
événements clés (Seattle et Porto Alegre) a comme conséquence que ces « illusions »
« servent depuis une dizaine d’années de cadres cardinaux pour décrire et percevoir les
185
mouvements altermondialistes, leur réalité et leur avenir » . La première illusion sur le
caractère international du mouvement a été démentie par les études des FSE en Italie
186
et France qui témoignent de la domination du public local et des logiques du champ
politique national lors de ses événements. La composante transnationale du mouvement
altermondialiste, souligne L.Mathieu, est définie plutôt dans « son niveau de préoccupation
et de revendication (sous forme spécialement d’imputation de responsabilité d’une situation
jugée négative à des acteurs de niveau transnational, tels l’OMC et le FMI, voir de mise
187
en scène symbolique) que dans son assise organisationnelle » . Ainsi, S.Tarrow décrit
188
les altermondialistes comme des « cosmopolites enracinés » (rooted cosmopolitans) qui
sont « enracinés dans le contexte spécifique national, mais qui s’engagement régulièrement
dans des activités qui nécessitent leur implication dans les réseaux transnationaux ». Les
tentatives de tisser des liens organisationnels ont été faits, à travers la création du Conseil
international du FSM et l’Assemblée européenne de préparation, mais la réalité de ses
coopérations restent loin des images enchantées dont elles sont l’objet.
En outre, la coopération transnationale des Etats dans la répression s’est avérée
189
réelle , et a eu pour effet d’infléchir « très notablement la trajectoire des mobilisations
altermondialistes qui ont du même coup perdu une partie importante de leur public initial :
celui plus jeune, plus radical mais aussi plus festif et spectaculaire, qui occupait les rues
190
des grandes villes européennes et nord américaines entre 1999 et 2001 » .
La deuxième illusion enchantée sur l’émergence (selon une conception immaculée
de l’altermondialisme) d’un nouveau « mouvement des mouvements », un melting pot,
rompant avec le passé, organisé en réseau et fonctionnant selon les procédures de la
minimisation de la délégation, à la recherche du consensus, souvent au prix de la « montée
en abstraction », qui, néanmoins, n’assure la délivrance complète des logiques procédurales
et donc, rétablissent le jeu classique d’une organisation, comme on l’a vu dans le cas
d’Attac. La campagne référendaire d’Attac France, à cet égard, reste exceptionnelle, selon
E.Agrikoliansky. « La difficulté d’articuler autour d’un projet, un candidat ou une organisation
altermondialiste une candidature unitaire à l’élection présidentielle, et l’impossibilité d’une
vaste recomposition de la « gauche de la gauche » autour de cette dynamique, ne doit donc
au final pas être interprétée comme un indice de l’échec du mouvement altermondialiste
ou de son incapacité à évoluer, donc d’une crise de celui-ci. Il est plutôt inscrit dans la
logique même de son histoire : c’est la diversité et l’hétérogénéité de cette nébuleuse qui
184
185
186
Agrikoliansky Eric, « L’altermondialisme en temps de crise. Réflexions sur un déclin annoncé », Mouvements, 2007/2, N° 50.
Ibid., p.35.
Agrikoliansky Eric et Isabelle Sommier (dir.), Radiographie du mouvement altermondialiste. Le deuxième Forum social
européen, La Dispute, 2005 ; ADRETTA A., DELLA PORTA D., REINER H., Global, Non Global, New Global, Rome/Bari, Laterza, 2002.
187
188
MATHIEU Lilian, « La constitution du mouvement altermondialiste français », art.cit., p.157.
TARROW Sidney, « Rooted Cosmopolitan, Transantional Activists in a World of States »
http://falcon.arts.cornell.edu/
sgt2/contention/documents/tarrow.doc
189
FILLIEULE Olivier et DELLA PORTA Donatella (dir.), Police et manifestants : maintien de l’ordre et gestion des conflits,
Presses de Sciences po, Paris, 2006.
190
38
Agrikoliansky Eric, « L’altermondialisme en temps de crise. Réflexions sur un déclin annoncé », art.cit., p.38.
Maryna Kumeda - 2009
Chapitre I. Attac Rhône, expression locale d’une dynamique altermondialiste nationale
191
a fait sa force, mais en même temps sa faiblesse » . Sans prendre parti dans le débat,
on voudrait seulement remarquer ici que, selon l’analyste de la crise d’Attac, R.Wintrebert,
c’est précisément l’incapacité de gérer cette diversité qui a été son facteur principal: « La
crise qu’a traversée Attac n’était donc pas à proprement parler politique au sens où elle
opposait des blocs constitués par rapport à des thématiques spécifiques, mais une crise
délibérative, c’est-à-dire portant sur les manières de collaborer, de décider et de dépasser
192
d’éventuels désaccords dans les instances dirigeantes» .
On a vu à travers la sociohistoire de l’émergence et de l’institutionnalisation de
l’association Attac les logiques qui étaient à l’aune de son apparition et qui se transformaient
dans l’interaction et l’action des acteurs concrets. Ces mêmes logiques, régissant les
comportements des acteurs d’Attac, porteurs de leurs vécus organisationnels et militants
passés et de leurs multi-inscriptions dans l’espace des mouvements sociaux, traversaient
les mouvements altermondialistes dans leur ensemble (ou plutôt dans leur hétérogénéité).
Elles sont aujourd'hui l’enjeu de définition des divers acteurs du mouvement, des médias,
voire, des chercheurs. Compte tenu de ses facteurs dans le développement de l’association
Attac France et de la configuration de l’espace altermondialiste dans son ensemble, nous
allons présenter la façon dont ses processus se sont traduits au niveau local dans la
constitution et l’évolution du comité local d’Attac-Rhône. Cela est une étape nécessaire
pour ensuite procéder à l’analyse des dynamiques des engagements individuels et leur
conditionnement des transformations de l’association, et pour tester l’hypothèse de son
déclin.
2. Attac-Rhône – traduction d’une logique nationale
au niveau local
2.1. La fondation d’Attac Rhône
Le comité local d’Attac-Rhône s’est constitué en s’inscrivant dans la vague de réactions
enthousiastes à l’éditorial d’Ignacio Ramonet. Mais le terrain était déjà en quelque sorte
préparé. Un groupe de militants, qui travaillaient alors sur les questions des spéculations
financières et de la taxe Tobin, organisait deux ateliers thématiques dans le cadre d’un
contre-sommet lors de la Conférence des Nations Unies en 1998, l’année de l’émergence
et de l’institutionnalisation d’Attac. Parmi ces trois militants se trouvait le futur éminent
président d’Attac-Rhône. Ainsi, tout en faisant partie de l’espace militant de Lyon, ils ont
suivi l’appel et étaient à l’initiative du lancement du bureau local à Lyon :
« La première réunion de tous les gens, qui étaient, en fait, adhérents, s’est
tenu à la Ciotat. Ca devait être fin juin ou juillet, je me souviens plus, je me
souviens pas. Et là…y avait énormément de monde, je crois qu’ils attendaient 500
personnes, on avait plus de 1000. (…) Je te raconte ça, parce que, quand je suis
allé à la Ciotat, j’ai réussi à prendre la parole, j’ai réussi, parce que y avait un tel
191
192
Ibid., p.41.
WINTREBERT Raphael, « Attac France et le mouvement altermondialiste », Courrier hebdomadaire, 2007/1978-1979, n
° 1978-1979, p.42.
Maryna Kumeda - 2009
39
Les fluctuations de l’engagement militant : le cas des militants de l’association Attac-Rhône
e
bordel, etc., difficile. En disant, on prépare, et il y ait la 10
conférence de la
CNUCED à Lyon. Nous avons organisé un sommet off, il y a un atelier sur la taxe
Tobin, on voudrait quelqu'un, y avait déjà eu l’association Attac, était un bureau,
quelqu'un qui a présenté Attac France, qui vienne à cette conférence pour lancer
193
le…lancer Attac à Lyon. (…) Moi, je réclame ça, quand même
…Alors, je
te raconte ça simplement parce que ça faisait qu’il y a des gens, qui étaient là,
que je connaissais pas, un mec qui parlait qui disait que je suis de Lyon. Donc,
ils sont venus me voir, parce que ils étaient de Lyon. (…) Et assez rapidement on
s’est vus, mais comme ça, on s’est vus…(…)Et on a envoyé, je sais plus, on a du
envoyer moins de 100 courriers. Et pour convoquer cette réunion à la Maison de
194
Rancy, y avait plus de 100 personnes. Et donc, voila, c'est parti.» .
Ainsi, à cette première réunion dans la salle des Rancy devaient être présents
majoritairement ceux qui avait répondu à l’éditorial d’I.Ramonet et ont adhéré à Attac
195
France dans l’année 1998 . Donc, le participant à cette réunion était le plus probablement
lecteur du Monde diplomatique, ayant envie si non pas d’agir, au moins de faire partie
de la nouvelle initiative audacieuse d’instauration d’un outil de contrôle démocratique des
marchés, la taxe Tobin, à travers la création d’un « groupe de pression civique auprès
196
des gouvernements » . Effectivement, les plus investis dans la vie de l’association (qui
restent actifs, pour quelques uns, encore aujourd'hui), « les dinosaures d’Attac-Rhône » tels
qu’ils se désignent, se trouvaient parmi les participants à cette première réunion. Nous ne
savons pas combien de ceux qui étaient à la salle des Rancy ont participé effectivement
dans la création du bureau local, mais, selon les témoignages, l’ambiance qui y régnait était
enthousiaste:
« Moi, j’ai encore souvenirs intacts du lancement d’Attac-Rhône, réunion, donc,
via Monde diplomatique, à l’initiative de Nicolas et de deux autres personnes, je
sais plus qui c'était…D. je crois, un syndicaliste de la FSU…ils convoquent les
gens qui sont intéressés à la réunion, salle Rancy, c'est 3e arrondissement, et je
me rappelle y avait 150 personnes, et là, une sorte de caléidoscope de la société
militante de cette époque-là, avec des chevelus, j’imagine, soit libertaires, soit
soixante-huitards et puis aux tout-venants…Et ça discute, et ça hurle, et ça…et
en fin de la réunion, on a rien décidé du tout. Donc, la capacité de s’organiser
collectivement…C'est quand même assez surprenant… Et à ce moment-là,
Nicolas et les deux autres disent, « on peut pas ressortir de cette salle sans avoir
décidé quelque chose ». Donc, ils décident de trois thèmes différents, je me
rappelle plus lesquels, trois feuilles de papier, trois stylos, et on invite les gens
à s’inscrire dans des groupes de travail. On a pas encore formé l’association. Et
j’attends que tout le monde sorte, pour voir qu’est-ce qui avait pu…avec un point
d’interrogation…je sais pas, et les feuilles sont pleines. Ça veut dire que les gens
193
Souligné par nous.
194
Nicolas, ancien militant, 55 ans, au chômage, enregistré le 16 décembre 2008.
195
Comme l’explique Nicolas les adresses pour envoyer la convocation à cette réunion ont été demandées au siège national, donc,
contenaient la liste des adhérents d’Attac France à ce moment-là.
196
RAMONET Ignacio, « Désarmer les marchés », Le Monde diplomatique, 01/12/1997, p.1. Cet article peut-être récupéré sur
www.france.attac.org
40
Maryna Kumeda - 2009
Chapitre I. Attac Rhône, expression locale d’une dynamique altermondialiste nationale
s’engagent à l’équipe…personne se connaît quasiment, mais avec au moins, la
volonté de se dire, d’un travail de réflexion. Après, on l’appellera comme on veut,
197
idéologique, intellectuel, ce qu’on veut… mais n’empêche il existe » .
Tous les participants à cette réunion ne sont pas revenus à Attac par la suite. Un militant,
ayant pris sa carte dès l’apparition d’Attac, étant venu à la réunion de Rancy à Lyon,
pourtant, ne s’est pas engagé. Plus tard, quand il est revenu à Attac-Rhône en 2000, il s’est
autoformé dans le groupe « Services public » et il est, dès lors, devenu l’expert de référence
sur cette question. C’est l’indisponibilité biographique, ou plus exactement la concurrence
d’un engagement préalable (en l’occurrence syndical) accapareur de temps et d’énergie, a
joué en défaveur de son engagement au départ :
« J’ai été membre d’Attac depuis la création. J’ai fait partie des gens qui ont
écris une petite lettre suite à l’édito d’Ignacio Ramonet. Voila. J’ai… donc, je
devais avoir la carte six cent et quelque…Dans les premiers adhérés à Attac. Sur
Lyon, j’avais été à la réunion de lancement d’Attac-Rhône. J’y n’avais pas pris
part, parce qu’à ce moment-là, effectivement, je m’investissais plus au niveau
syndical. Donc, quand y a eu le projet de privatisation [de la Compagnie National
du Rhône, où il est salarié], je me suis dit, un, c'est vraiment dans les thèmes
d’Attac : la financiarisation, etc., la privatisation. Deuxièmement, si la CNR, les
milles personnes qu’on est, restent-là à se battre, on va se faire laminer, donc, il
198
faut ouvrir…”
.
Formellement le comité local Attac-Rhône a été crée le 16 janvier 1999, et, depuis, comme
l’annonce le site Internet, réunit « des femmes et des hommes, tous adhérents, venus
d’horizons différents, qui ont en commun la volonté de se réapproprier le droit d’exercer le
199
pouvoir qui fonde la réalité de la démocratie : le pouvoir politique du citoyen » . La diversité
200
des provenances de ces militants étaient effectivement confirmé par des interviewés , une
201
sorte de « melting pot », un « brassage d’idées » s’est constitué. Mais, et ça a été le cas au
niveau national, au départ également, ne posait pas de problème pour la prise des décisions
sur les thèmes et les modes d’action. De plus, suite au système très flexible d’interaction
entre les niveaux national et local au départ, les comités locaux se sont institutionnalisés,
de façons très différentes l’un de l’autre, dans l’indépendance des directives d’en-haut,
aboutissant à un mélange des cultures organisationnelles et des expériences militantes de
ses fondateurs:
« Ah, bah, c'était très chouette, c'était une très bonne expérience, parce que
on faisait partie des gens qui montaient l’association, en fait. Donc, on avait
une grande indépendance par rapport à Attac national, pas trop de comptes à
rendre. Je pense que de façon assez étonnante, il s’est passé quelque chose
où tout le monde était à peu près d’accord sur les objectifs, tout le monde était
à peu près d’accord politiquement… Q : Même si, déjà, ils venaient de… d’horizons différents ? Oui.
Q : Des partis, syndicats, des …ou les gens pas du
197
Manuel, ancien militant, 50 ans, chargé d’affaires à EDF-GDF, enregistré le 20 mars 2009 à Lyon.
198
Daniel, ancien militant, 43 ans, technicien à la CNR, enregistré le 10 mars 2009 à Lyon.
199
200
201
www.local.attac.org/rhone
Les syndicats (la CGT, la FSU, le SNI), les associations (MRAP, Survie), etc.
Alice, militante, 60 ans, à la retraite, enregistré le 11 mars 2009 à Lyon.
Maryna Kumeda - 2009
41
Les fluctuations de l’engagement militant : le cas des militants de l’association Attac-Rhône
tout politisés. Politisés, je veux dire… organisés ? Oui, oui. Et même ! y avait,
dans le panel des gens de gauche représentés, y avait des gens qui allaient de
sensibilités plutôt de la gauche, du parti socialiste, à des sensibilités beaucoup
plus à gauche ou d’extrême-gauche, mais tout le monde était assez d’accord
quand même… Il y a jamais eu à Attac-Rhône, à mon sens, de discussions
politiques sur les fondamentaux, en fait. Tout le monde était assez d’accord sur
l’idée qu’il fallait faire une expertise du fonctionnement économique et restituer
ce qu’on avait appris. Donc, le côté éducation populaire était vraiment très fort
au départ, et puis, l’idée de lutter contre le néo-libéralisme, d’analyser les tenants
et les aboutissants des politiques menées, de voir, ce qu’on pouvait proposer,
pareil, ça faisait pas discussions, en fait. Mais….comme y avait pas de modèle
d’organisation ni de calendrier, ni de thèmes qui descendait du national, on
s’organisait nous-mêmes, on montait les groupes nous-mêmes, on faisait ce
qu’on avait envie de faire, et c'est…des façons assez étonnantes, ces envies se
202
recoupaient à Attac-Rhône, ça créait pas de problème.
Outre l’accord sur les modes d’action, selon les témoignages, la « dimension humaine qui
était chouette »
203
, favorisaient la cohésion du groupe.
Les quelques premières années étaient décrites par les militants de la manière très
semblables : « On se réunissait une fois par semaine, on était très nombreux, et y avait des
discussions de fond, donc, on se réunissait de 19h à 22h, et… à la Bourse la cloche sonnait
204
toujours, on n’avait jamais fini, donc, ça allait vraiment jusqu’au bout »
. « On avait des
ordres du jour sur la Bourse du travail, c'était infernal quoi. Je sais pas comment fonctionne
les multinationales, mais je pense que on a fonctionné sans savoir comment on fonctionne.
On revissait de 8h à 10h, c'est des pompiers qui nous viraient de la Bourse du travail,
205
mais sinon on y serait encore » . L’exaltation émanant du sentiment d’appartenance à un
206
important projet collectif, a marqué dès lors la mémoire des fondateurs d’Attac-Rhône ,
en rendant la tâche du maintien de l’engagement dans les conditions du militantisme plus
routinisé au sein d’un mouvement affaibli plus difficile.
Le développement du comité local Attac-Rhône suivait celui du siège national, avec la
première période de l’essor de l’association, la croissance des effectifs et la multiplicité des
activités proposées par l’association.
2.2. Les fluctuations des effectifs d’Attac Rhône
202
203
Michael, ancien militant, 37 ans, auteur-dessinateur des bandes dessinées, enregistré le 12 mars 2009 à Lyon.
Michael, ancien militant, 37 ans, auteur-dessinateur des bandes dessinées, enregistré le 12 mars 2009 à Lyon.
204
205
206
Alice, militante, 60 ans, à la retraite, enregistré le 11 mars 2009 à Lyon.
Manuel, ancien militant, 50 ans, chargé d’affaires à EDF-GDF, enregistré le 20 mars 2009 à Lyon.
Aussi qu’avait enrichi le rang des bandes dessinées d’intervention politique, car l’histoire de création d’Attac-Rhône, ayant
marqué la mémoire d’un de ces acteurs principaux, est dès lors présente en dessins. SQUARZONI Philippe, Zapata, en temps de
guerre, Les Requins Marteaux, Albi, 2003, p.24-29. (Voir l’Annexe).
42
Maryna Kumeda - 2009
Chapitre I. Attac Rhône, expression locale d’une dynamique altermondialiste nationale
207
Les statistiques
des adhésions nous montrent l’accroissement rapide du nombre
d’adhérents pour atteindre son maximum en 2002 avec 1155 adhérents, et la diminution
des effectifs quasi-symétrique avec un rebondissement léger (le surcroit de 80 personnes
par rapport à l’année précédente) en 2006. Elle suit ainsi les tendances de niveau national.
Une baisse de 35% des effectifs en 2007 peut être expliquée par un bilan de 2006 très
négatif pour Attac avec un aboutissement de la crise interne par une « fraude » lors des
élections au CA en juin.
Tableau 1. Les dynamiques d’adhésions au comité local d’Attac-Rhône
208
Ces tableaux sont à consulter sur place au Centre de Documentation
Contemporaine de l'Institut d'Etudes Politiques de Lyon
Tableau 2. Le renouvellement des adhésions d’une année à l’autre
La variable du taux de « renouvellement des adhésions d’une année sur l’autre » ne
peut que montrer, d’une manière très limitée, la continuité de l’adhésion d’une année sur
209
l’autre et non pas une dynamique du maintien de l’engagement au long terme, et ainsi,
est corrélative des logiques plutôt conjoncturelles que structurelles. Ainsi, le « sursaut » des
renouvellements en 2006 peut être interprété comme une réaction favorable à une vaste
campagne pour le « non » au TCE, menée par Attac-Rhône un an plus tôt.
La variation visible du taux de renouvellement sur le tableau 2, n’est pas significative,
en réalité, si nous prenons en compte les valeurs absolues, et non pas relatives, et si
nous analysons leur variation. Ainsi, nous nous apercevons qu’il y a deux fois moins de
nouveaux adhérents en 2004 (226 nouvelles adhésions en 2004 comparé à plus de 450
nouveaux adhérents tous les ans entre 1999 et 2003), la première baisse importante de
cette catégorie d’adhésions. Ensuite, la part des nouvelles adhésions reste stable (la même
pour les années 2004 et 2005, avec une légère augmentation en 2006), qu’on peut expliquer
par la visibilité et la réussite de la campagne référendaire de 2005. La baisse suivante,
encore plus importante, a lieu en 2007 avec seulement 68 nouvelles adhésions (et 460
du nombre total d’adhésion, une diminution importante par rapport à l’an 2006, où 706
adhérents ont payé leurs cotisations), qui est probablement une répercussion de la crise
dont les événements marquants eurent lieu dans la première moitié de l’an 2006, et qui a
vu sa résolution à la fin de la même année.
Ce tableau est à consulter sur place au Centre de Documentation Contemporaine de
l'Institut d'Etudes Politiques de Lyon
Tableau 3. Dynamiques des types d’adhésions selon l’année.
207
Les statistiques ont été enregistrées depuis la création du comité local Attac-Rhône par un militant et nous ont été transmises
aimablement par ce même militant (Voir l’Annexe).
208
209
Statistiques internes du comité Attac-Rhône (Voir l’Annexe).
Selon R.Wintrebert, le taux de réadhésion à Attac France était plus ou moins stable : entre 67% et 75% avec un pic à
81,4% en 2004. Or, Attac a mené une étude interne pour comprendre ce non-renouvellement de 25-30%: 1025 adhérents dans l’année
2002, n’ayant pas renouvelées leur adhésion en 2003, ont été contactés. Parmi les raisons déclarées de non-réadhésion prédominait
l’« oubli » (42%), des « raisons personnelles et non liées à Attac » (24%) (« manque de temps, problèmes financiers, double adhésion
dans un couple, participation à une autre association »), et, enfin, pour des « raisons politiques concernant leur comité local ou
l’association nationale » n’ont pas réadhéré 14% (« manque de convivialité et d’intérêt des réunions locales ; contrôle du comité
par une tendance politique ; divisions dans le comité ; n’a jamais été contacté par le comité »), in WINTREBERT Raphael, Attac, la
politique autrement? op.cit., p.70.
Maryna Kumeda - 2009
43
Les fluctuations de l’engagement militant : le cas des militants de l’association Attac-Rhône
Nous voyons qu’à partir de l’année 2004 le nombre d’adhésions a commencé à baisser,
un an avant le début du déclin au niveau national. Les mémoires des réunions animées
dans une salle pleine à la Bourse de travail jusqu’à la fermeture de celle-ci et de l’agenda
rempli par des activités trouvant un très favorable accueil à Lyon font dès lors partie de la
mémoire collective. Elles font partie de l’identité d’un militant d’Attac-Rhône, nostalgique et
fier en même temps, si il y a participé, et alourdi à endosser pour un nouvel arrivant.
Quels événements clés en font partie ? Tout d’abord une quinzaine de groupes de
réflexion s’est constituée au départ pour travailler sur des questions telles que la taxe Tobin,
les paradis fiscaux, l’énergie, la santé, le transport, l’éducation, les institutions mondiales.
Leur travail trouvait sa réalisation à l’extérieur de l’association à travers les événements de
type conférence, café-débat, les contre-sommets et les actions locales selon le calendrier
des forums sociaux mondiaux, et même en une pièce de théâtre altermondialiste « Super
promo – global planète ».
2.3. L’offre d’activités militantes
Tout d’abord, l’événement le plus important dans la vie de l’association était « Les Assises
210
des services publics » , dix soirées d’assises, organisées par un collectif des organisations
lyonnaises (Attac Loire et Attac Rhône, Agir contre le chômage (AC !), Ligue des Droits
de l’Homme (LDH), Association des Consommateurs d'Eau du Rhône (ACER), A Gauche
Autrement (AGA), Association Internationale des Techniciens, Experts et Chercheurs
(AITEC), CFDT Transports, UD CGT (Union départementale de la CGT du Rhône), FSU
(Fédération Syndicale Unitaire), Groupe des 10 Solidaires du Rhône, Syndicat National
de l'Enseignement Supérieur (SNESup), Le Syndicat National Unitaire des Instituteurs,
Professeurs des écoles et Pegc (SNUIPP), L’Union nationale des étudiants de France –
Indépendante et démocratique (Unef-ID) Lyon, LCR (Ligue Communiste Révolutionnaire
°, Parti Communiste Français Vénissieux (PCF), Parti Socialiste du Rhône (PS), Verts du
211
Rhône, etc.), subventionnées par Ville de Lyon, COURLY et la Région Rhône-Alpes, et
qui ont eu lieu le 19-26 octobre 2001.
Premièrement, du fait d’un grand investissement des militants d’Attac-Rhône dans
son organisation, et, deuxièmement, puisque c'était une bonne occasion de réaliser à
l’extérieur, dans l’esprit de la mission d’ « éducation populaire tournée vers l’action »,
212
le travail du groupe de réflexion sur les questions liées aux services publics . Cet
événement s’inscrivait également dans la campagne menée par le mouvement Attac partout
en France contre l’AGCS (l’Accord Général sur le Commerce des Services) et avait pour
objectif : « comprendre l’AGCS, ses mécanismes, sa logique et ses enjeux, mettre en
lumière les politiques de démantèlement des services publics déjà à l’œuvre au niveau
mondial, européen et local, définir ce que nous attendons des services publics, interpeller
213
le gouvernement, la Commission Européenne et le Conseil » . Pour l’association AttacRhône, cet événement alors était « le chantier prioritaire, à l'ordre du jour de toutes les
210
211
Le projet était hébergé par le site internet d’Attac-Rhône, http://www.local.attac.org/rhone/agcs
Ancienne appellation du Grand Lyon, www.grandlyon.com .
212
Les groupes « Energie », « Santé », « Education », « Culture », « Transports », « Communications », « Eau », était
constitués pour préparer les interventions lors des Assises, qui se sont ensuite réunis en groupe de réflexion « Services publics » au
sein d’Attac-Rhône. Depuis la fondation d’Attac-Rhône existait un groupe sur les questions économiques, avec un sous groupe qui
travaillait sur « l’impact local de la mondialisation », qui débattait sur les mêmes questions.
213
44
« Assises des services publics », http://www.local.attac.org/rhone/agcs/ (Voir l’Annexe).
Maryna Kumeda - 2009
Chapitre I. Attac Rhône, expression locale d’une dynamique altermondialiste nationale
214
réunions » . Elle assurait une grande partie de communication de l’événement : articles
215
dans le « Grain de Sable » , l’hébergement du projet par le site internet de l’association,
la diffusion de l’information dans tous les comités locaux et auprès le siège national.
S’ouvrant par une soirée avec Susan George, les Assises continuaient par des soirées
portant sur les transports, les services publics dans la construction Européenne, l’éducation,
la santé, l’énergie, eau et assainissement (avec notamment l’intervention un militant, réputé
spécialiste d’Attac-Rhône sur cette question, Jean-Louis Linossier).
Ainsi, les militants d’Attac-Rhône étaient au cœur de cet événement, tant dans
la dimension organisationnelle que dans le travail de réflexion et de synthèse sur les
thématiques abordées pendant la semaine. L’idée des Assises, selon les témoignages,
provenait du président d’alors d’Attac-Rhône, Nicolas, qui ensuite, s’est occupé par la
recherche des financements et d’équipements pour l’événement. Le premier grand chantier
parrainé par Attac-Rhône, donc, a permis à l’association et ses militants de mettre en avant
leur travail préalable (les résultats du travail du groupe de réflexion sur « l’impact local de
la mondialisation »), tisser des liens et élargir le réseau avec d’autres organisations, enfin,
adresser le projet concret et recevoir un soutien financier, ainsi, une reconnaissance de
valeur publique de leur travail par les pouvoirs locaux:
« On faisait une semaine de conférences, de débats sur la question des services
publics avec, donc, des réunions thématiques. Donc, moi, je me suis occupé,
par exemple, de tout ce qui était énergie. Aussi, des réunions beaucoup plus
transverses, type, Union Européen et services publics. Donc, pendant une
semaine, avec énormément de partenaires, on a réunis…de mémoire…25
associations et partis politiques, y compris le PS, à l’époque, etc., sur cette
question-là. Donc, un gros travail qui a été fait en amont, on a fait six mois de
préparation…Nous, par exemple, sur le groupe « Energie », on a produit des
fiches thématiques, etc. Donc, une soirée qui était organisée, ensuite, tout un
travail pour sortir des actes, qui ont été, d’ailleurs, publiés, grâce à un budget
de la région « Rhône-Alpes », (…) un petit livre rouge qui s’appelait « Assises
du service public à Lyon », je crois. ( …) Fin, donc, gros gros travail là- dessus,
qui m’a permis, d’ailleurs, d’entrer en contact, par exemple, avec des gens de
l’AITEC, association des ingénieurs techniciens et chercheurs, qui est une
association qui avait beaucoup travaillé sur les services publics. Et donc, par
exemple, la personne sur Lyon, moi, j’ai rencontré, connaissait beaucoup le
domaine de l’énergie. Comme ça m’intéressait, on a resté en contact. Voila. Donc,
ça m’a permis de dans des questions de services publics, et dans l’énergie,
de tisser un peu des liens. ( …)Et puis, c'est là où a commencé à prendre plus
d’importance le travail sur l’AGCS. On a rencontré les élus, fait prendre des
216
motions sur l’AGCS, etc. » .
Un autre événement qui s’est gravé dans la mémoire des militants d’Attac-Rhône est
217
les Rencontres pour une autre mondialisation (RAM) . Les Rencontres pour une autre
mondialisation est un événement, l’idée duquel était également émise à Attac-Rhône, et qui
214
215
216
217
Compte-rendu du Collectif "Assises des services publics", le 16 juillet 2001, http://www.local.attac.org/rhone/
Le bulletin bimestriel du comité Attac-Rhône.
Daniel, ancien militant, 43 ans, technicien à la CNR, enregistré le 10 mars 2009 à Lyon.
Voire brochure RAM dans l’Annexe.
Maryna Kumeda - 2009
45
Les fluctuations de l’engagement militant : le cas des militants de l’association Attac-Rhône
consistait en une succession des soirées militantes, beaucoup plus informelles que celles
des Assises, pour relayer les discussions du Forum social mondial avec des projections des
films et activités dans des librairies, des interventions des spécialistes invités et des débats
qui s’en suivaient, organisées conjointement par un collectif d’une trentaine d’associations
218
lyonnaises , financées cette fois par les cotisations des membres de ce collectif (Amis de
la Terre, Artisans du Monde, Attac-Rhône, Vétérinaires Sans Frontières, Survie, LDH, AC !
Rhône, Greenpeace, Bioforce, Handicap International, CADTM, CCO Villeurbanne, Ciné
Travail, Cinéma le Zola, Confédération Paysanne, les MJC (Ménival, Oullins, Pierre Bénite,
O Totem Rillieux la pape, Vieux Lyon), Contresens, Casseurs de Pub, etc.).
Il y a eu lieu six éditions des RAM au mois de janvier, de 2001 jusqu’à l’année 2006. 800
219
personnes ont participé à la première édition (1 200, selon les organisateurs). Les RAM
étaient très orientées non seulement vers la diffusion de l’information, mais au débat avec
220
les citoyens, « surtout non militants », précise une lettre de présentation . Un autre apport
des RAM, comme l’ont indiqué les militants, était leur potentiel d’attraction du public plus
jeune. Le type des activités proposées y contribuaient : la projection des films, les soirées
festives, les concerts et les animations théâtralisées, - et tout en fort lien avec le déroulement
des Forums sociaux mondiaux, qui attirait largement le public jeune.
Ce tableau est à consulter sur place au Centre de Documentation Contemporaine
de l'Institut d'Etudes Politiques de Lyon
221
Tableau 4. « Les RAM en chiffre »
La dernière édition des RAM a eu lieu en 2006, elles se sont éteintes petit à petit, avec
les difficultés croissantes d’organisation. Lors d’une tentative d’organiser l’action lors du
222
FSM en janvier 2008 place de la République: « il y avait personne» . Mise à part le facteur
de l’usure, un militant émet l’hypothèse sur le rôle qu’avait pu jouer l’ouverture d’Attac-Rhône
à la LCR en ce que les associations du Collectif RAM ne l’ont pas rejoint dans cette action :
« Et puis, enfin, donc, les Rencontres, ont les a abandonnées. Elles sont tournées
un petit peu d’elles-mêmes, parce que là aussi, l’usure, et puis c'était aussi
un très fort investissement pareil là-dessus...Et en redémarrant un peu dans
cette idée quand-même par rapport à ce qu’on a fait au mois de janvier...On
a fait une première petite manifestation, place de la République...Mais c'était
beaucoup plus modeste que ce qu’on avait à nos Rencontres pour une autre
mondialisation! Et bon, c'était un peu les mêmes et tous ce qui nous ont rejoint
et qui formaient l’ancien collectif RAM - ouvrons aux portée aux formations
politiques, donc on a été rejoint par LCR...Alors oui, tu vois bien, maintenant
218
L’association Attac-Rhône, dans l’organisation de ses deux événements, jouait le rôle de plate-forme de coopération et de l’alliance
entre les organisations très diverses. Le collectif des Assises, incluant les organisations comme AITEC, avait préparé une action plutôt
dans l’esprit de l’expertise préalable, suivant par la présentation et le débat, avec les interventions des spécialistes, comme S.George,
P.Khalfa, des représentants d’AITEC, des députés et un membre du Conseil d’Etat. Le collectif des RAM, à son tour, aussi dans sa
composition que les activités proposées lors de l’événement, était orienté vers l’action plutôt dans le cadre d’éducation populaire,
adapté au public non-militant, voir non-politisé, d’un caractère divertissant et festif.
219
Millénaire – Le Centre Ressources Prospecitves du Grand Lyon http://www.millenaire3.com/RAM-Rencontres-pour-une-
Autre-Mondialisation.298+M5d9d69919d3.0.html
220
221
222
46
La brochure RAM, http://www.local.attac.org/rhone/IMG/pdf/doc-323.pdf . (Voir l’Annexe).
La brochure RAM, http://www.local.attac.org/rhone/IMG/pdf/doc-323.pdf . (Voir l’Annexe).
Lucie, militante, 20 ans, étudiante en sociologie en Master 1, enregistré le 12 novembre 2008 à Lyon.
Maryna Kumeda - 2009
Chapitre I. Attac Rhône, expression locale d’une dynamique altermondialiste nationale
qu’on est en période électorale, ils profitent de la circonstance.
On a répété
223
l’opération (…) sur la place de St Jean
, et la LCR est venue quand-même,
et venue à nouveau, pardon (…) On a su franchir cette étape-là, mais ça n’a pas
été très facile. Certains, censés d’avoir comme argument, « oui, c'est peut-être la
raison pour laquelle des associations comme, d’autres associations qui étaient
dans le collectif RAM, nous ont pas rejoint, pour cet éventuel redémarrage, 224
initiative qu’on prend, toute proportion gardée, beaucoup plus modeste... »
Ainsi, même ouvert à la coopération avec des partis politiques dans l’organisation des
événements, l’association avait vu avec le temps ses capacités de fédérer diminuer
considérablement.
Un débouché particulier du travail d’Attac-Rhône s’est trouvé dans la réalisation d’une
pièce de théâtre « Tout est à vendre » (« Super promo-global planète » depuis 2003). L’idée
était de montrer les conséquences dévastatrices de l’AGCS et des politiques de privatisation
imposées par l’OMC, mais de manière plus accessible pour la population qui n’a pas les
connaissances et les compétences sur le sujet, aussi que dans un cadre interactif, car la
représentation envisageait la participation des spectateurs. Donc, le choix de cette forme
225
d’ « éducation populaire tournée vers l’action » révélait d’une réflexion sur les manières
d’aborder un public non-militant et non-politisé, et le lieu de sa première présentation en
est significatif, - la place Terreaux. La pièce a été également présentée dans des MJC
de Lyon et aux alentours, des festivals locaux, lors des « Assises des services publics »,
du Forum Social Européen à Paris Saint-Denis en 2003, lors de l’Assemblée générale de
2007 à Lyon, des CNCL, mais aussi est invité, par exemple, à être présenté dans des
comités d’entreprise ou pendant un événement organisé par la région Rhône-Alpes en
décembre 2007 - une Rencontre Mondiale « la démocratie participative du local au global,
226
pour quelle mondialisation ?» . Le spectacle est un des anciens produits d’Attac-Rhône
qui est toujours en vie et continue d’être représentée, après avoir été retravaillé en 2003,
restant le seul lien de certains de ses ex-militants avec l’association :
« Dès l’instant où j’ai découvert l’OMC, l’AGCS, j’ai dit, c'est pas possible,
c'est une monstruosité, cette histoire. Monstruosité par contenu, par les
méthodes d’application, antidémocratiques, totales, euh. Peu d’information,
pas d’information du tout…et on s’était dit (…), faut qu’on fasse quelque
chose. Ça, c'est 2000, la réflexion commence en 2000. Et on avait déjà monté
223
Forum Social Local, pl.St.Jean, en septembre 2008 à l’écho de FSE de Malmö, dont nous présenterons les résultats
dans le deuxième chapitre.
224
Romain, militant, 66 ans, à la retraite, enregistré le 13 novembre 2008 à Lyon.
225
226
Voir la fiche de présentation du spectacle « Super promo, Globale planète » dans l’Annexe.
Les mémoires de cette représentation sont, néanmoins, pas très positive : « On l’a joué à la région, la seule fois où on
a été payé, la région nous a acheté le spectacle. Pour l’année dernière, sur la démocratie participative mondiale. Alors, on était pas
très content, parce que la région l’avait collé à la culture au moment des repas et tout le monde mangeait, 400-500 personnes, qui
avait le crieur public, qui était là aussi, qui annonçait le spectacle et on a même pas eu 20 personnes, et qu’on avait une salle de
400 places. Et si les gens ont poussé leur curiosité à venir voir le spectacle, ça aurait été intéressant. Mais on a eu même pas 20
personnes. Si sur une scène, t’avais 400 chaises, ça faisait un peu vide. Bon, on avait joué, on était payé, on avait joué… (rire) (…)
C'était des conférences, les débats, et puis, bon, la culture, on l’avait mis à 13h30, les gens mangent encore ”, Charlotte, militante,
45 ans, formatrice dans une association d’accompagnement à l’insertion professionnelle, enregistré le 18 décembre 2008 à Lyon.
Rencontre mondiale démocratie participative à Lyon, décembre 2007, http://www.democratie2007.rhonealpes.fr/ .
Maryna Kumeda - 2009
47
Les fluctuations de l’engagement militant : le cas des militants de l’association Attac-Rhône
plusieurs actions sur ces questions-là et on s’était rendus compte rapidement
qu’on touchait que des milieux militants, le réseau militant, c'est-à-dire, que la
population, on a eu du mal. Et après on a réfléchi, comme d’autres ont réfléchi
avant nous, dans les années 1970, voire dans les années 1960, - comment faire
d’une réflexion politique, comment on peu… pas la diffuser, - la proposer. (…) On
s’était dit que, ça pouvait passer que par l’optique culturelle. C'est-à-dire, même
pas par la présentation politique. C'est l’outil culturel. (…) Et la première fois,
on l’a fait, c'est donc, en 2000 ou 2001, avec un nom, il s’appelait, « Tout est à
vendre ». Et on était intervenu place des Terreaux-là. Et voila, un samedi. Et ça
a tellement bien marché, que personne n’a compris. Tout le monde a cru qu’on
vendait tout : la mairie, les fleuves, tout, et vrai, des bons, les gens ont cru qu’ils
227
avaient gagné. C'est pas possible, cette époque. »
Ayant été abandonné pour quelques années et après avoir été retravaillé et avoir intégré
une comédienne professionnelle et d’autres personnes en dehors d’Attac, dans l’objectif
de « créer un spectacle avec peu de logistique, qui puisse être réactualisé, et qui puisse
228
être déconcentré »
, la pièce « Super promo-Global planète » a repris et est représentée
depuis 2003.
La campagne pour le « non » au référendum sur le Traité constitutionnel européen de
229
2005, comme au niveau national, était autant une période du fort investissement militant ,
récompensé par le succès, qu’un facteur de divisions internes. Les militants décrivent cette
campagne comme une période d’exaltation, comparable à celle de l’émergence d’Attac pour
les plus anciens. Après avoir fait un travail de renseignement et d’analyse du projet, les
militants ont mis en place un calendrier des interventions et des rencontres-débats à Lyon,
230
mais aussi dans le département (Tarare, l’Arbresle, Craponne) .
« Il y avait la campagne du referendum, qui, pour le coup, nous a donné un super
débouché. On s’est formé à ça, et ça nous a permis, en fait, de vraiment contribuer très
activement à la campagne de referendum d’Attac-Rhône. Moi, j’ai fait à l’époque des débats
(…) j’ai représenté Attac dans des débats, ce que je n’aurais pas pu faire si j’avais pas fait
ce travail au sein de groupe Europe.
Q : Des débats au niveau..
Rhône. Bon, j’en ai fait deux dans la Drôme aussi, mais c’était essentiellement à
Lyon, oui. (…) Vraiment on avait l’activité assez important, on allait même faire
une journée supère, on est allés faire une demi-journée, un samedi matin, a
Tarare pour former les copains de là-bas. Là, c’était vraiment super. Ca veut dire
que nous, on avaient décortiqué le Traité, on connaissaient quasiment par cœur,
et c’est pas qu’un mot, on avaient tout d’un tas d’articles qu’on maitrisés quand
227
228
Manuel, ancien militant, 50 ans, chargé d’affaires à EDF-GDF, enregistré le 20 mars 2009 à Lyon.
Ibid.
229
Pour l’anecdote, une militante, qui n’a « jamais autant milité de [sa] vie » que pendant la campagne pour le « non » au
référendum sur le Traité Constitutionnel Européen, coïncidant avec sa grossesse (son enfant né le 5 juin), nous a raconté qu’ils se
disaient entre les militants, que « quand A. allait naître, elle dirait seulement « non », parce que on avait tellement milité pour le
« non » » (Delphine, militante, 30 ans, doctorante en histoire, A.T.E.R. à Lyon 2, enregistré le 8 décembre 2008 à Lyon)
230
Pour l’exemple, ce flyer présente 17 rencontres avec des militants d’Attac-Rhône entre le 3 et le 25 mai 2005 (voir l’Annexe,
« Calendrier des réunions et débats » TCE, 2005).
48
Maryna Kumeda - 2009
Chapitre I. Attac Rhône, expression locale d’une dynamique altermondialiste nationale
même très très bien. Et surtout qu’on connaissait par cœur la structure. On avait
très très bien en tête la structure du Traité. Et puis, aussi, l’articulation avec les
traités préexistants et puis on avait aussi l’historique des traités en tête, on avait
vraiment une idée de l’empilement du Traité et de la sédimentation en fait, de ces
traités au fil de l’histoire de la construction Européenne. Donc, on était quand
même assez calés là-dessus. Et on a pu y faire la formation. On a fait aussi des
interventions à MJC. Donc, ça, c’était bien ça. C’était un bon moment. Mais une
fois le 29 mai 2005 passé, je continuais en fait d’animer ce groupe en essayant de
lui donner une autre orientation. On a essayé de,.. on a eu l’idée.. je sais pas si
c’était moi qui a proposé ça au groupe - d’essayer de faire un travail en commun
avec d’autres Attacs Européens. C’était vraiment, fous de 29 mai, on se disait
qu’on allait construire l’Europe cette fois-ci, qu’on allait arrêter de rigoler. (rire)
231
Donc, on étaient très très ambitieux » .
Donc, un moment fort pour les militants d’Attac-Rhône, qui avait eu, nous l’avons vu à partir
des statistiques, un impact positif dans l’accroissement tant des nouvelles adhésions que le
rebondissement du nombre total d’adhésions. Cette période a produit les effets divers sur
les militants, amenant un groupe poursuivre la réflexion sur la « Construction Européenne »
232
jusqu’à l’élaboration du Plan P, un projet de la constitution pour les peuples d’Europe , et
d’autres – se désengager, faute de percevoir d’autres débouchés et formes d’investissement
au sein d’Attac-Rhône. Nous allons voir ces diverses reconfigurations d’espace militant
d’Attac-Rhône dans le chapitre suivant.
Dans ce chapitre, ayant abordé la sociohistoire d’Attac France et la constitution,
l’évolution et les événements clés du comité local d’Attac-Rhône, nous avons étudié
l’idée à l’origine de l’association, la configuration du champ sociopolitique et de l’espace
militant, qui ont contribué et ont également modifiée cette idée dans sa réalisation, les
logiques organisationnelles et celles des acteurs individuels, qui forgeaient et guidaient
Attac dans son évolution. Nous avons vu que si le comité local Attac-Rhône dans le
développement de ses effectifs suivait celui d’Attac France, ce n’étaient pas tout à fait
les mêmes logiques organisationnelles qui la traversaient. Si les instances nationales,
quasiment dès le début, se sont confrontées au problème de gestion de la diversité des
sensibilités et des projets de ses composantes, Attac-Rhône était guidé par une autre
contrainte, liée aux difficultés d’attirer le public non-militant et à la décroissance de ses
effectifs. La réflexion sur les formes d’action, qui était ressentie dès le début et est toujours
très présente dans les discussions formelles, mais aussi dans les réflexions personnelles
des interviewés, s’explique par l’épuisement et la tendance à la baisse des afflux d’adhésion
après la croissance exponentielle jusqu’à 2002. Sans ce passage nécessaire avec l’objectif
de donner une dimension historique à notre objet d’étude, il ne serait pas possible de
comprendre les interrogations, les débats et les actions qui l’animent aujourd'hui.
231
232
Mathieu, militant, 36 ans, doctorant en sciences politiques, enregistré le 20 octobre 2008 à Lyon.
Le plan P, une constitution pour les peuples d’Europe, le 25 mars 2009, http://local.attac.org/rhone/article.php3?id_article=1104 .
Maryna Kumeda - 2009
49
Les fluctuations de l’engagement militant : le cas des militants de l’association Attac-Rhône
Chapitre II. L’association Attac-Rhône
aujourd'hui. « Déclin ou mutation ? »
Dans ce chapitre nous allons présenter le fonctionnement du comité local Attac-Rhône
aujourd'hui : sa composition, ses activités, les militants qui les animent et les adhérents qui
par le paiement des cotisations et par la fréquentation des activités, le soutiennent. D’abord,
à travers la présentation du profil sociologique des adhérents et des militants actuels d’AttacRhône, pour lui donner sa dimension humaine. Ensuite, à partir d’analyse des activités de
l’association et des représentations que les militants se font de leur engagement, nous allons
essayer de comprendre ce qui guide les acteurs dans leur action, et comment l’identité de
l’organisation en question est résultante de la négociation continue entre les logiques qui
animent ses acteurs, son passé et le contexte environnemental sociopolitique et militant.
1. Ces adhérents « invisibles »
Tout d’abord le fonctionnement de l’organisation a un cadre juridique. Les Statuts adoptés
233
en septembre 2001 et le Règlement intérieur de 2002 régissent celui d’Attac-Rhône.
234
Association loi 1901 , elle a été créée lors de l’Assemblée constitutive des adhérents à la
Bourse du Travail de Lyon le 16 janvier 1999. Une des spécificités de la forme associative
du fonctionnement est une plus grande souplesse de son cadre institutionnel. Ainsi, « ces
logiques institutionnelles sont destinées à réduire l’instabilité d’une structure qui peut être
remise en cause par ses membres et ne bénéficie pas des garde-fous dont peuvent se
prévaloir d’autres organisations où les relations interpersonnelles sont beaucoup plus
235
codifiées dans des règles qui préexistent aux acteurs » . Le principe de la structure
et du fonctionnement associatifs souples, tant revendiqués au moment de création de
l’association, sont en vigueur à Attac-Rhône. Les procédures statutaires, telles que les
élections, les réunions du Conseil d’administration, du Bureau sont respectées, mais, par
exemple, certains militants ne se rappellent pas la personnalité qui occupait le poste du
président (il y en avait que huit en tout, y compris les co-présidents en 2007 et 2008)
ou la composition du CA (y compris leurs propres périodes d’exercice du mandat). Ainsi,
les normes internes du fonctionnement, la configuration des responsabilités et la façon
d’occuper un poste particulier sont maniables et changent selon les acteurs actifs dans
l’association. J. Gervais a démontré que les modifications des statuts-types, proposés
par le siège national aux comités locaux, ont abouti à la matérialisation dans les textes
233
234
Voir l’Annexe.
« L'association est la convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun, d'une façon permanente,
leurs connaissances ou leur activité dans un but autre que de partager des bénéfices. Elle est régie, quant à sa validité, par les
principes généraux du droit applicables aux contrats et obligations». Loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association, http://
www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=LEGITEXT000006069570&dateTexte=vig
235
50
LAVILLE Jean-Louis, SAINSAULIEU Renaud (dir.), Sociologie de l’association, Paris, Desclée de Brouwer, 1997, p.70.
Maryna Kumeda - 2009
Chapitre II. L’association Attac-Rhône aujourd'hui. « Déclin ou mutation ? »
236
réglementaires du pouvoir de président beaucoup moins prononcé qu’au niveau national .
Et en pratique, son exercice, surtout dans le comité Attac-Rhône, est encore plus souple
que celui qui avait abouti à une crise d’Attac France en 2003-2006.
Etant née d’une réunion dans la salle des Rancy et de l’Assemblée constitutive à la
Bourse du Travail, le comité local Attac-Rhône a pu s’installer au local, partagé avec « Les
237
Alternatifs », à l'Espace St.Georges Communication (ESCG) (actuellement la Maison des
238
Passages), 44 rue St.George, un lieu historique important dans l’espace militant de Lyon .
Les militants des syndicats ayant adhéré à d’Attac-Rhône au moment de sa fondation, qui
y avaient aussi leurs locaux, ont émis cette proposition, aboutissant à une implantation de
longue terme d’Attac-Rhône à cette adresse.
Un autre élément constituant l’association, qui n’était pas prévu au moment de
la fondation d’Attac France, mais reconnu et intégré plus tard, est le niveau local du
militantisme à Attac et la transformation de l’association en organisation de masse, avec
un nombre d’adhérents important et à prendre en compte. Outre le soutien financier qu’ils
apportent à l’association, ils sont également l’indicateur de la demande, de l’intérêt et
de l’approbation de leur action pour les militants d’Attac-Rhône. Cela se reflète dans
les discussions récurrentes sur le nombre des fréquentations d’une activité organisée
par Attac-Rhône, sur les modalités pour engager leur participation plus active, sur la
nécessité de « faire la pub » de l’association, etc. Les adhérents, ainsi, sont un facteur
important pour le fonctionnement de l’association dans un sens double. Premièrement,
parce qu’ils apportent un soutien matériel : par le paiement des cotisations, principalement,
mais aussi en tant qu’une source, d’une part, de militants potentiels, déjà sensibilisés
par les causes défendues à Attac, mais non-impliqués dans l’action, et, d’autre part, des
militants « dormants », anciens militants ayant arrêté leur engagement actif au sein de
l’association et potentiellement activables selon la disponibilité biographique, la réaction
aux actions gouvernementales et à l’actualité, et d’autres facteurs, dont nous allons parler
dans le dernier chapitre. Deuxièmement, parce que ils apportent un soutien symbolique :
le nombre d’adhésions, l’activité sur les listes électroniques de discussion, la fréquentation
des activités d’Attac-Rhône servent de repères pour les militants de l’efficacité, voir de
la nécessité de leur action, et sont un élément important dans l’auto-évaluation de leur
239
engagement, une de ses « dimensions gratifiantes » , qui le conditionne. La question des
adhésions est particulièrement sensible pour Attac : du fait du déclin en moins de dix ans
de leur nombre après une croissance exponentielle. L’apparition des comités locaux et les
236
GERVAIS, Julie. Les acteurs et le « système d’Attac » : entre mutations du militantisme et nouveaux engagements citoyens.
D.E.A. de Science politique de Lyon, septembre 2001, p.117.
237
238
Procès-verbal du Bureau, le 10 février 1999.
Ainsi, entre 1970 et 1978 il accueillait le siège de la Fédération du Rhône du PSU (Parti Socialiste Unifié), des premières
radios pirates lyonnaises, Radio Canut puis Radio Léon, du Comité Larzac, du Comité Malville, du Groupe de Libération des
Homosexuels, du Comité Irlande Libre, du Mouvement pour la Liberté de l'Accouchement de l'Avortement et de la Contraception, etc.
Entre 1995 et 2005 l’Espace Saint Georges Communication (ESGC), qui devient un centre associatif et accueille des artistes, des
organismes de formation, des organisations politiques (Alternatifs, PAG69, PS du 5ème pour les municipales 2001), de l’éducation
populaire (ATTAC), des associations du quartier (Dragons Saint Georges, Shido Go). Depuis 2005 il est géré par la Maison des
e
passages. Aujourd'hui, c’est un des lieux de plus fort militantisme à Lyon, de pair avec le quartier de la Croix-Rousse, le 7
arrondissement et la Bourse du Travail. Voir Les Journées Européennes du Patrimoine à La Maison des Passages, http://www.maisondes-passages.com/media/journees_patrimoine.pdf .
239
KLANDERMANS Bert, « Une psychologie sociale de l’exit », in Fillieule Olivier (dir.), Le désengagement militant, Paris,
Belin, 2005, p.96.
Maryna Kumeda - 2009
51
Les fluctuations de l’engagement militant : le cas des militants de l’association Attac-Rhône
adhésions individuelles, par leur nombre, ont produit un tel effet que d’une association de
production d’expertise, telle qu’elle a été pensée d’abord, Attac a devenu un mouvement de
masse et a adopté une identité respectif. La désaffection ultérieure invite à revisiter tant le
profil de ceux qui y sont toujours, que l’évolution et l’état du fonctionnement de l’association
aujourd'hui.
1.1. Présentation de l’enquête
Dans le premier chapitre nous avons vu la dynamique des adhésions dans AttacRhône. Maintenant nous allons regarder au plus près qui sont les adhérents. Dans
cette présentation nous allons partir des résultats obtenus suite à la réalisation d’un
240
questionnaire
auprès des adhérents et des militants présents lors de l’Assemblée
241
générale, « l’organe souverain de l’association » , qui avait eu lieu le 13 décembre 2008
242
à la Bourse du travail de Lyon . Il faut toutefois remarquer que cet échantillon de 37
243
personnes n’est pas représentatif de l’ensemble des adhérents du bureau local d’AttacRhône (309 personnes en 2008), ni de l’ensemble ou d’un groupe de population française.
Selon l’INSEE, si 33,6% de Français se déclaraient engagés associatifs en 1998, seulement
244
8,6% étaient adhérents des organisations politique ou syndicales . En 2002, une personne
245
sur deux est membre d’une association .
Parmi les adhérents venus à l’Assemblée élective de l’année, nous supposons un
engagement plus important de par leur présence un samedi, pour une réunion durant toute
la journée. Ils ont ainsi manifesté leur volonté de s’impliquer dans la vie de l’association, en
intervenant, en votant les motions, l’approbation du bilan d’activités et le budget de l’année
précédente, en élisant les membres du Conseil d’administration. Ainsi, ce sont les adhérents
qui ne sont pas simplement payeurs de la cotisation, mais sont plus tangibles pour les
militants d’Attac-Rhône de par leur fréquentation et réactivité aux activités de l’association.
240
Nombre de répondants : 37 (aucun refus à notre sollicitation de remplir le questionnaire). Le questionnaire compose 20 questions :
8 questions sur les déterminants sociaux, 12 questions sur l’engagement à Attac-Rhône et les différentes dimensions de politisation. 5
questions ouvertes, 1 nécessite une précision en forme écrite et 14 questions fermées à réponses préformées. (Voir le questionnaire
ainsi que les résultats dans l’Annexe).
241
242
Article 11-6 des Statuts d’Attac-Rhône, adoptés en septembre 2001. (Voir l’Annexe).
Selon le compte des administrateurs (qui étaient treize : anciens, reconduits et nouveaux élus (4)), 35 adhérents étaient présents
et 53 représentés à l’AG (le nombre diminué d’adhérents par rapport à 73 présents et représentés lors de l’AG de décembre 2007,
avec le nombre d’adhésions étant de 460 et 309 consécutivement). Ainsi, notre questionnaire a été rempli non seulement par des
adhérents, mais également par des militants.
243
Le passage d’un questionnaire auprès tous les adhérents pour leur interroger sur le degré de leur implication à Attac-Rhône, les
formes de participation qu’ils privilégient, d’autres lieux d’investissement et d’engagement donnerait les résultats plus complets sur le
public d’Attac-Rhône, mais n’était pas faisable dans le cadre de ce mémoire.
244
PROUTEAU L. et WOLFF F.-C., « La participation associative au regard des temps sociaux », Economie et statistique, n° 352-353,
2002.
245
http://www.insee.fr/fr/ffc/docs_ffc/ES352-353C.pdf .
« Une personne sur deux est membre d'une association en 2002 », INSEE Première, 2003,
document.asp?reg_id=0&ref_id=ip920 .
52
Maryna Kumeda - 2009
http://www.insee.fr/fr/themes/
Chapitre II. L’association Attac-Rhône aujourd'hui. « Déclin ou mutation ? »
Dans la mesure du possible, nous avons tenté de comparer nos données avec
246
celles du profil des participants du Forum Social Européen de Paris en 2003 . Le choix
méthodologique du groupe des chercheurs est justifié par ce qu’« aucune organisation ne
peut prétendre incarner à elle seule l’altermondialisme » : il fallait donc procéder « à la
247
radiographie d’un événement » . Nous nous rendons compte néanmoins de la spécificité
de l’échantillon étudié lors d’un événement aussi particulier que le FSE, par son ampleur,
sa durée, sa localisation, et gardons la réserve d’une telle comparaison avec le profil des
adhérents d’un comité local d’une association altermondialiste.
1.2. Profil sociographique
La moitié des adhérents, venus à l’Assemblée générale de 2008, se définissent comme
« militants ». Malgré que le recensement des activités, qu’engage la participation à l’AG de
l’association, rapproche leur engagement de l’« adhésion » au « militantisme », la moitié
se déclare adhérents.
Ces tableaux sont à consulter sur place au Centre de Documentation
Contemporaine de l'Institut d'Etudes Politiques de Lyon
En croisant la variable du temps qu’occupe l’engagement à Attac-Rhône avec la
définition que se font les adhérents de leur engagement, nous pouvons constater que se
nommer militant (en tout, 51,35% de répondants, soit une vingtaine de personnes) signifie
pour 38% des adhérents d’accorder quelques heures et plus chaque semaine. Pour 13.5%,
néanmoins, être militant signifie une participation occasionnelle, le militantisme est compris
ici comme l’adhésion à la cause et ne se traduit pas par la présence physique dans les
activités de l’association. Les autres 32,4% dans ce cas s’identifient comme adhérents.
Plus d’un tiers d’adhérents présents à l’Assemblée générale ont adhéré à l’association
dans l’année de sa fondation et de son institutionnalisation à Lyon, en 1999. Un autre tiers
d’adhérents avaient adhéré dans les trois années qui ont suivi. Le taux d’adhésion à Attac248
Rhône a commencé à baisser depuis 2003 . Cette baisse a été également confirmée le
jour de l’AG : seulement une ou deux personnes, parmi les présents, adhéraient pendant
l’année de la période néfaste entre 2003 et 2008. Ainsi, ce sont les plus fidèles, depuis
1999, qui constituent la part des adhérents toujours intéressés par l’activité de l’association.
L’association n’a pas renouveler ses effectifs.
Parmi les adhérents d’Attac-Rhône, les hommes sont surreprésentés par rapport aux
femmes (62% contre 38%), par ailleurs, un fait établi pour l’engagement dans l’espace
249
public . La prise en charge dans l’agenda d’Attac des idées féministes, tant au niveau
246
AGRIKOLIANSKY Eric et SOMMIER Isabelle (dir.), Radiographie du mouvement altermondialiste. Le deuxième Forum
social européen, La Dispute, 2005.
247
Les données utilisées dans la comparaison, proviennent des 2 200 questionnaires à 40 questions, sur un principe
d’échantillonnage aléatoire – un des quatre dispositifs de recherches adoptés dans l’enquête. Voir AGRIKOLIANSKY Eric et SOMMIER
Isabelle (dir.), Radiographie du mouvement altermondialiste. Le deuxième Forum social européen, La Dispute, 2005, p.7-16.
248
249
Statistiques internes du comité Attac-Rhône (Voir l’Annexe).
La prédominance des hommes parmi les militants et les adhérents associatifs est confirmée par les études quantitatives,
cf. : PROUTEAU L. et WOLFF F.-C., « La participation associative au regard des temps sociaux ». Les auteurs remarquent la variation
de l’engagement féminin selon le type d’association, allant de plus important dans les associations de parents d’élèves, humanitaires
et religieuses (où les femmes sont majoritaires) – à beaucoup plus faible dans les associations sportives, culturelles et surtout dans
Maryna Kumeda - 2009
53
Les fluctuations de l’engagement militant : le cas des militants de l’association Attac-Rhône
national que les activités locales, en même temps que la « masculinité » de ses effectifs
persiste, met l’association en position ambiguë. Le manque de parité homme-femme est
sujet des blagues et des remarques récurrentes lors des réunions de Bureau et de Conseil
250
d’administration d’Attac-Rhône, ce qui signifie une préoccupation pour cette question, et
est considéré comme un des indicateurs du fonctionnement démocratique de l’organisation,
chez les militants.
Ces tableaux sont à consulter sur place au Centre de Documentation
Contemporaine de l'Institut d'Etudes Politiques de Lyon
Nous pouvons constater une prédominance parmi les répondants de personnes âgées
251
de plus de 50 ans . Les personnes ayant plus de 50 ans sont deux fois plus nombreuses
que celles, entre 20 et 50 ans. Ce ratio assez significatif du profil d’âge des adhérents
252
d’Attac-Rhône, est également sujet des blagues . Remarquons que seuls deux adhérents
ont entre 20 et 29 ans (ce sont deux militants, que nous avons interviewés ensuite). La
variable d’âge est corrélative dans notre cas avec le degré d’implication militante, car au
moins la moitié des administrateurs de l’an 2009 ont entre 20 et 50, par rapport à un tiers
de la même tranche d’âge chez les adhérents.
En croisant la variable d’âge avec la définition de leur engagement au sein d’AttacRhône par les adhérents, on peut constater que ceux qui s’identifient militants sont
généralement plus jeunes (21.6% d’adhérents-« militants » ont entre 20 et 50 ans par rapport
à seulement 8.1% dans cette tranche d’âge s’identifiant simplement comme adhérents).
Dans une tranche d’âge de 50 et plus, 29.7% s’identifient comme militants, et 37.8% comme
253
adhérents. Ainsi, la disponibilité biographique des retraités ne garantit pas en elle-même
l’implication militante plus importante. D’ailleurs, le public du FSE de 2003, l’événement
qui demande le déplacement, fréquenté plus souvent par des militants plus actifs, avec un
programme de l’intensité importante, - est beaucoup plus jeune (50,3% ont moins de 35
254
ans) et a une plus grande représentation des femmes (51% contre 49% hommes) .
En ce qui concerne, l’hypothèse sur le capital culturel élevé des adhérents et des
militants d’Attac, elle se trouve confirmée pour notre échantillon. Parmi les adhérents, seul
un membre n’est titulaire que d’un diplôme du BEPC (l’équivalent du diplôme national du
brevet aujourd’hui). Nous pouvons constater une quasi parité entre les titulaires du BAC,
ceux ayant suivi une formation professionnelle (de type BTS, IUT), et ceux qui ont passé 2
les groupes politiques et syndicaux, où elles ne constituent que le quart des membres. VoirEconomie et statistique, n° 352-353, 2002.
http://www.insee.fr/fr/ffc/docs_ffc/ES352-353C.pdf .
250
Le Conseil d’administration de 2008 avait trois hommes et six femmes, tandis que pour l’année 2009 ils sont sept hommes
et quatre femmes. L’envie d’assurer la parité se réalise en ce que le poste du président est proposé à des femmes (en 2007 étaient
coprésidents homme-femme, probablement, à l’image de coprésidence d’A.Trouvé et J.-M.Harribey à Attac France ; en 2008 étaient
coprésidentes deux femmes, en 2009 le poste est occupé par une femme).
251
Selon l’étude de l’INSEE en 2000 presque 50% des personnes âgées de plus de 60 ans sont membres d’une association.
Voir L’engagement associatif après 60 ans; H. Michaudon, Insee Première, n° 737, 2000, http://www.insee.fr/fr/ffc/docs_ffc/IP737.pdf .
252
« Je rappelle que pour Attac l’âge est plus proche de la très grande sagesse », l’auteur du compte-rendu a fini par cette
remarque la description de présentation et proposition de coopération par l’association « Génération Palestine », où les membres
doivent avoir statutairement moins de 30 ans. Compte-rendu du Bureau, le 25 février 2009.
253
MCADAM D., « Recruitement to High-Risk Activism : The Case of Freedom Summer », American Journal of Sociology,
vol.92, n°1, 1986, p.64-90.
254
GOBILLE Boris et UYSAL Aysen, « Cosmopolites et enracinés », in AGRIKOLIANSKY Eric et SOMMIER Isabelle (dir.),
Radiographie du mouvement altermondialiste. Le deuxième Forum social européen, La Dispute, 2005, p.105-126.
54
Maryna Kumeda - 2009
Chapitre II. L’association Attac-Rhône aujourd'hui. « Déclin ou mutation ? »
à 3 ans à l’Université. Nous observons une prédominance de personnes ayant poursuivi les
255
études supérieures pendant plus de 3 ans et de diplômés de grandes écoles : ils sont 60%
256
(10,4% pour l’ensemble de population française ) contre 40% d’adhérents appartenant à
d’autres catégories représentées.
Profil socioprofessionnel
Quoique nous constations la forte présence des retraités (35.1%), les actifs (à temps
plein ou partiel) étaient deux fois plus nombreux le jour de l’administration du questionnaire.
Parmi les militants actifs, les personnes à la retraite, que nous aurions attendues être
nombreuses de par leur disponibilité biographique, sont seulement une ou deux personnes.
257
Parmi les adhérents d’Attac France, ils sont 17% en 2002 .
Les études antérieures sur Attac avaient révélé l’appartenance de ses militants aux
« classes des professions intellectuelles » : 38% provenant du secteur public, presque un
258
quart (23%) étant enseignants, et seulement 3% des ouvriers et 1% des agriculteurs .
Dans notre cas, en conformité avec les données précédentes, parmi les adhérents d’AttacRhône, présents à l’AG, il n’y avait pas d’agriculteurs, ni d’artisans, ni d’ouvriers, mais,
par contre, 8% d’employés. Ces catégories étaient également sous-représentées au FSE à
Paris: les agriculteurs représentaient 0,4%; les artisans, commerçants et chefs d’entreprises
- 1,5%. Par ailleurs, la sous-représentation des ouvriers (2,2%) et des employés (8,4%)
au FSE était encore plus significative, si nous prenons en compte la part de 56,5% de
259
ces deux catégories dans l’ensemble de population . Les professions intermédiaires sont
représentées par 21.5% d’adhérents d’Attac-Rhône (44,1% parmi les participants du FSE),
260
et presque deux tiers d’adhérents sont cadres ou exercent des professions intellectuelles
(contre 42% au FSE).
Les adhérents travaillant dans l’éducation sont les plus nombreux (37,1%), auxquels
261
on peut ajouter ceux travaillant dans le domaine de la recherche (14,3%) , ce qui
représente une part importante de plus de la moitié d’adhérents (51.4%) ayant une activité
professionnelle liée à l‘enseignement. Cela renvoie aux conclusions de l’étude menée
255
Ils sont 51,6% parmi les participants du FSE. GOBILLE Boris et UYSAL Aysen, « Cosmopolites et enracinés »,
in AGRIKOLIANSKY Eric et SOMMIER Isabelle (dir.), Radiographie du mouvement altermondialiste. Le deuxième Forum social
européen, La Dispute, 2005, p.107.
256
257
Diplômés de plus de 2 ans de l’Université, http://www.insee.fr/fr/themes/tableau.asp?reg_id=0&ref_id=NATTEF07232
Les données à partir des fichiers d’Attac consultés en 2002. Voir RULLIERE Sonia, « Géographies militantes d’Attac »,
Hérodote, 2004/2, n°113, p.152-173.
258
Institut d’études européennes, “Attac. Une enquête : Qui sont ses adhérents ? Que veulent-ils ? », Document provisoire
publié pour le colloque du 24 mai 2002 organisé à l’Université Paris 8, cité in WATERS Sarah, « A l’Attac. Globalisation and Ideological
Renewal on the French Left », Modern & Contemporary France, Vol.14, No. 2, May 2006, p.151.
259
GOBILLE Boris et UYSAL Aysen, « Cosmopolites et enracinés », in AGRIKOLIANSKY Eric et SOMMIER Isabelle (dir.),
Radiographie du mouvement altermondialiste. Le deuxième Forum social européen, La Dispute, 2005, p. 107-108.
260
L’inconvénient majeur de la formulation de cette question sur les PCS est le fait qu’il était possible de répondre « Inactif,
retraité », cela ne permettant pas de repérer le statut socioprofessionnel des cinq répondants qui l’ont choisi.
261
Les discussions informelles et les entretiens révélant que la plupart des militants qui identifient leur secteur d’activité comme
« Recherche », sont également enseignants.
Maryna Kumeda - 2009
55
Les fluctuations de l’engagement militant : le cas des militants de l’association Attac-Rhône
262
par Thomas Marty sur le bureau local de Toulouse . Dans son analyse, il montre que,
provenant massivement des milieux enseignants, les militants percevaient leur engagement
comme une forme de militantisme intellectuel. Un tiers (31.4%) d’adhérents proviennent
des secteurs de l’administration publique, de la santé et de l’action sociale, à l’opposé
de seulement quelque personnes du secteur de commerce, hôtellerie et restauration, et
aucun du domaine des finances, de l’immobilier ou de la construction. Nous pouvons
émettre l’hypothèse que leur intérêt à s’informer et à débattre sur des questions politiques,
économiques et sociales provient d’une prédisposition et d’une sensibilité liées à leur
expérience professionnelle et leur proximité à la gestion des problèmes sociaux liés à
l’accroissement de la précarité et du recul de l’Etat social.
Ces tableaux sont à consulter sur place au Centre de Documentation
Contemporaine de l'Institut d'Etudes Politiques de Lyon
263
Ainsi, nous pouvons rejoindre les nombreux chercheurs , ayant démontré une mobilité
264
sociale ascendante
et la situation professionnelle plus ou moins stable, dans leur
conclusion que l’altermondialisme « s’ancre en réalité beaucoup plus dans un « radicalisme
265
de classe moyenne » qu’il n’est un mouvement issu de populations fortement fragilisées » .
Notre hypothèse sur la provenance des adhérents d’Attac des courants catholiques
d’éducation populaire ou tiers-mondistes n’était pas confirmée, au moins dans la mesure
266
où l’autodéfinition comme « non-croyant » prévaut chez les adhérents d’Attac-Rhône . Il y
a trois non-réponses à cette question, ce qui nous rappelle la sensibilité liée aux questions
267
religieuses dans le mouvement altermondialiste .
262
MARTY Thomas, « Le militantisme intellectuel des membres d’ATTAC Toulouse. Disposition enseignante, autodidaxie
et légitimité dans un « comité local » », Colloque «Les mobilisations altermondialistes », GERMM, Paris, 3-5 December,
http://
www.afsp.msh-paris.fr/activite/groupe/germm/collgermm03txt .
263
GOBILLE Boris et UYSAL Aysen, « Cosmopolites et enracinés », in AGRIKOLIANSKY Eric et SOMMIER Isabelle
(dir.), Radiographie du mouvement altermondialiste. Le deuxième Forum social européen, La Dispute, 2005, p.105-112. Voir
également : FILLIEULE Olivier; BLANCHARD Philippe; AGRIKOLIANSKY Eric; BANDLER Marko; PASSY Florence; SOMMIER
Isabelle, « L'altermondialisation en réseaux. Trajectoires militantes, multipositionnalité et formes de l'engagement: les participants du
contre-sommet du G8 d'Evian », Politix, vol.17, n°68, 2004, p. 13-48 ; COTGROVE Stephen et DUFF Andrew, « Environmentalisme,
middle class radicalism and politics », Sociological Review, n°28-2, 1980.
264
Les résultats de notre enquête démontre une tendance d’ascension sociale chez les répondants, ayant, nombreux d’entre
eux, au moins un parent ouvrier (14 réponses, soit 38%).
265
GOBILLE Boris et UYSAL Aysen, « Cosmopolites et enracinés », in AGRIKOLIANSKY Eric et SOMMIER Isabelle (dir.),
Radiographie du mouvement altermondialiste. Le deuxième Forum social européen, La Dispute, 2005, p.112.
266
Contrairement à une socialisation religieuse forte, même si remise en question, qu’avait démontrée E.Cruzel dans son étude
des comités locaux de Bordeaux et de Toulouse. Voir CRUZEL, Elise, « Passer à l’Attac » : Eléments pour l’analyse d’un engagement
altermondialiste, Politix, Volume 17 – n 68/2004, p. 135-163.
267
En témoigne la difficulté de se positionner par rapport à T.Ramadan et la question sur le port de voile, qu’il a finalement été
décidé d’éviter à Attac. (Voir WINTREBERT Raphael, Attac, la politique autrement?Paris, Editions La Découverte, 2007). La divergence
sur cette question dans les milieux altermondialistes (et plus généralement, dans la gauche en France) s’est révélée également dans
l’histoire d’Attac-Rhône. Lors d’une soirée commune avec l’association « Diversité » pour débattre sur l’affaire liée à la « loi sur le voile
islamique », cette dernière ayant invité T.Ramadan : « Ça a fait hurler des gens à Attac, qui ont claqué la porte » (Delphine, militante,
30 ans, doctorante en histoire, A.T.E.R. à Lyon 2, enregistré le 8 décembre 2008 à Lyon), « Ca était un bordel monstrueux. Y a des
gens qui nous ont fait ch… pour ça. Fin, c'est tout juste si ils voulaient pas nous jeter dans le Rhône, parce que on avait fait une soirée
débat contradictoire avec Tarik Ramadan. », (Nicolas, ancien militant, 55 ans, au chômage, enregistré le 16 décembre 2008).
56
Maryna Kumeda - 2009
Chapitre II. L’association Attac-Rhône aujourd'hui. « Déclin ou mutation ? »
1.3. Rapport au champ partisan
268
Dans les mouvements altermondialistes et plus particulièrement à Attac , le rapport
269
avec le champ partisan est marqué par l’ambigüité , entre le refus d’être associé à
l’activité intéressée des grosses machines électorales et l’envie d’avoir un débouché
politique à son engagement, qui a trouvé une expression dans le projet des listes « 100%
altermondialistes » ou dans la participation des militants à des élections dans une démarche
individuelle. Parmi les adhérents d’Attac-Rhône, la majorité (51,4%) déclarent n’avoir jamais
été membre d’un parti politique. Un tiers d’adhérents ont été et ne sont plus dans un
270
271
parti politique
(16,2% parmi les participants du FSE ), ainsi la plupart d’adhérents
(83.8%) n’est pas membre d’un parti politique au moment du questionnaire. Nous pouvons
avancer l’hypothèse que l’engagement au sein d’Attac-Rhône provient de l’envie de « faire
la politique autrement », où nous amènent les inscriptions et les remarques révélatrices, de
l’air presque coupable : « PCF (1978) », « un court terme », « PLUS (Hamen) », « PLUS
272
(j’ai honte) » . tion précédente dans le questionnaire)ciatifs est confirmée par les és. u
273
moins en votant Et seulement 16.2% (18% des participants du FSE en 2003) cumulent
l’adhésion à Attac-Rhône avec celle à un parti politique, en l’occurrence, le Mouvement
Ecologiste Independent, Parti de gauche (sont indiqué aussi les collectifs AUDACES et
Gauche Alter Lyon).
Ces tableaux sont à consulter sur place au Centre de Documentation
Contemporaine de l'Institut d'Etudes Politiques de Lyon
Cette répulsion peut être expliquée, en partie, par l’autodéfinition à l’extrême-gauche
des adhérents d’Attac-Rhône, où l’espace partisan est moins important et moins bien
structuré, qu’à la gauche modérée ou centre. Le tiers (31.3%) des adhérents d’Attac-Rhône
se situent à l’extrême gauche (case 1) sur l’échelle de 9 grades d’identification partisane
gauche/droite. Les deux tiers (68.7%) se positionnent dans les cases de 2 à 4 sur l’échelle.
Parmi les cinq non réponses (13.5%) à cette question, la réaction était la suivante: aucune
case n’a été marquée pour trois des répondants ; dans le quatrième, l’absence de réponse
est accompagnée par une remarque : « Ni gauche, ni droite = altermondialiste », ou,
dans le dernier cas, l’échelle tout simplement barrée. Une autre remarque laissée par un
répondant se positionnant à l’extrême gauche, est : « avec armes pacifiques ». Ainsi, nos
données ont confirmé le rapport ambigu aux partis politiques chez les adhérents et les
militants d’Attac-Rhône. Nous verrons au plus près le rapport des militants de l’association
au champ partisan et à l’action politique dans la partie suivante de notre raisonnement.
268
E.Cruzel a démontré la tendance anti-institutionnaliste chez les fondateurs d’Attac à Bordeaux et à Toulouse, qui, en cherchant
de réaliser leur intérêt pour le politique, s’investissent à Attac. Voir CRUZEL, Elise, « Passer à l’Attac » : Eléments pour l’analyse d’un
engagement altermondialiste, art.cit., p. 135-163.
269
270
MATHIEU Lilian, « La constitution du mouvement altermondialiste français », Critique internationale, art.cit., p.147-161.
Quatre anciens partisans du Parti communiste français (PCF), deux provenant du Parti socialiste unifié (PSU), du Parti socialiste
(PS), du Parti des Verts et de Gauche Alter Lyon, mais aussi de la Ligue Communiste Révolutionnaire (LCR), Parti de Gauche (PG)
et le Parti des travailleurs (PT).
271
272
GOBILLE Boris, « Les altermondialistes : des activistes transnationaux ? », Critique internationale, N°27, avril-juin 2005, p.141.
Ainsi, l’analyse qualitative des données quantitatives peut s’avérer source des nouvelles données. Voir, FAVRE Pierre et OFFERLE
Michel, « Les performances cognitives des étudiants français », Revue française de science politique, n°2-3, vol.52, 2002, p. 201-232.
273
28,7% du PCF, 27% du PS, 16,9% de la LCR et 12,1% des Verts. Voir GOBILLE Boris, « Les altermondialistes : des activistes
transnationaux ? », art.cit., p.141.
Maryna Kumeda - 2009
57
Les fluctuations de l’engagement militant : le cas des militants de l’association Attac-Rhône
Parmi les adhérents d’Attac-Rhône nous pouvons remarquer une certaine corrélation
entre l’adhésion à un parti politique et leur positionnement sur l’échelle gauche-droite.
Parmi ceux qui se sont mis à l’extrême gauche, 28,2% ne sont pas membre d’un parti
ème
ème
politique (21.9% ne l’ont jamais été), parmi ceux qui sont en 2
et 3
position de
l’extrême gauche, 34.4% et 21.9% ne sont pas membres de parti politique au moment du
questionnaire.
Nous pouvons constater que parmi les adhérents se déclarant d’extrême gauche,
28.1% définissent leur engagement comme militantisme. Par ailleurs, parmi les partisans
d’extrême gauche 21.9% n’ont jamais été membre d’un parti politique. Nous pouvons donc
supposer que l’engagement à Attac constitue pour eux une forme d’activité politique, en
opposition à la forme « traditionnelle » de l’engagement politique au sein de parti.
1.4. Eléments de socialisation politique
Rien d’étonnant d’avoir des lecteurs assidus parmi des militants au capital culturel élevé
s’engageant dans une organisation d’éducation populaire et de production et diffusion de
l’expertise. Parmi les médias les plus lus sont Politis et Le Monde diplomatique (15 et
16 répondants, respectivement). Les autres journaux les plus lus sont « Le Monde » et
« Le Canard enchaîné » (8 répondants pour chacun), « Siné hebdo » (7 répondants) et
« Alternatives économiques » (6 répondants). Politis est presque unanimement accepté
274
comme un journal digne, nous avons envie de dire, d’être lu par les militants d’Attac . Par
ailleurs, il est considéré d’être « très proche d’Attac, ca veut dire que c’est tendance très
altermondialiste, très écolo » : « ils ont soutenu la candidature Bové, par exemple, en 2007.
Fin, c’est plus compliqué que ça, parce qu’ils ont pas voulu trancher entre Bové, Besancenot
et Buffet, mais bon, si on lisait plutôt entre les lignes, ils étaient plutôt pour Bové. Puis, je
crois que dans le dernier numéro, ils ont pris position pour Bové.(…) De toute façon, c’est
des gens [Michel Husson, Jean-Marie Harribey, et d’autres membres du Conseil Scientifique
d’Attac] qui font des chroniques dans la « Politis » justement. (…) Certains membres du
CS écrivent des chroniques en « Politis ». Il faudrait même le dire dans le sens inverse :
tous ceux qui font des chroniques économiques à « Politis », sont membres du Conseil
275
Scientifique d’Attac, c’est plus dans ce sens-là que je voulais dire »
. Ainsi, nous pouvons
constater que la lecture de Politis s’est substituée au Monde diplomatique dans son rôle
prépondérant du facteur de socialisation du militant d’Attac.
Le questionnaire a permis de confirmer l’hypothèse sur la multipositionnalité des
276
adhérents d’Attac-Rhône, un fait établi pour les militants altermondialistes , et plus
274
Pendant les entretiens, la mention des journaux comme « Le Monde », « Le Monde Diplomatique » est suivi par des réserves
comme « j’ai aussi un peu feuilleté « Le Monde diplomatique », je le lis un peu de temps en temps », « Ça m’énerve prodigieusement
de lire le Monde en fait », « je ne suis plus abonné ». Par contre, le Politis, lu par quasiment tous les militants d’Attac-Rhône, est pour
un interviewé le seul journal auquel il est abonné, pour l’autre le seul journal qu’il lit, à côté d’autres médias comme « Acrimed » (Action
Critique Média) et « Plan B ».
275
Mathieu, militant, 36 ans, doctorant en sciences politiques, enregistré le 20 octobre 2008 à Lyon.
276
AGRIKOLIANSKY Eric et SOMMIER Isabelle Sommier (dir.), Radiographie du mouvement altermondialiste. Le deuxième
Forum social européen, La Dispute, 2005 ; AGRIKOLIANSKY Eric, FILLIEULE Olivier, MAYER Nonna (dir.), L’altermondialisme en
France. La longue histoire d’une nouvelle cause, Paris, Flammarion, 2005.
58
Maryna Kumeda - 2009
Chapitre II. L’association Attac-Rhône aujourd'hui. « Déclin ou mutation ? »
277
généralement, pour les adhérents des associations en France . Seulement sept
personnes ne sont membre d’aucune autre organisation qu’Attac-Rhône. La majorité
278
(81%) des adhérents participent à d’autres types d’organisations ou de syndicats, et ils
sont 35% à appartenir à plus d’une organisation à part Attac-Rhône. 15 répondants (41%)
sont syndiqués (SNES FSU, Confédération paysanne, SGEN, CGT, CFDT, Solidaires,
SUD recherche, SNUI impôts, SNUIPP FSU, SNESUP). Sept (19%) sont membre d’une
organisation antiraciste, pour les sans-papiers ou de solidarité avec les étrangers :
Réseau éducation sans frontières (RESF), Mouvement Solidarité Internationale (MSI),
Tiberius Claudius, Forum des quartiers populaires. Cinq (13,5%) sont impliqués dans les
organisations de solidarité Tiers Monde/action humanitaire : France Cuba ou encore du
Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD). Quatre sont dans
l’organisation écologiste et, ou antinucléaire : Sortir du nucléaire, Démographie et écologie,
Agir Ici OXFRAM, Les Amis de la terre. Deux sont membre d’Agir contre le chômage (AC !)
279
de Lyon .
Ainsi, les adhérents et militants d’Attac-Rhône ressemblent au public altermondialiste
du FSE de Paris, et correspondent, en grande partie, à l’image médiatique des militants
d’Attac : au capital culturel important, ils exercent des professions intellectuelles et
appartiennent aux classes moyennes, sont caractérisés par un rapport majoritairement
méfiant au champ partisan et une multi-appartenance aux associations d’action sociale,
humanitaire ou groupes syndicaux. Par contre, ils sont plus âgés et non-croyants, sont plus
nombreux à être passé par un parti politique.
Quels types d’action déploient les militants d’Attac-Rhône envers un tel public et quel
est le rapport entretenu entre l’organisation et ses adhérents ?
2. Les activités actuelles d’Attac-Rhône
Maintenant que nous avons dressé le profil des adhérents du comité Attac-Rhône,
récepteurs de la production du travail militant et indicateurs de la demande qu’existe pour
un tel travail, nous pouvons mieux comprendre le fonctionnement de l’association et le
déroulement de l’engagement des militants en son sein.
Le comité d’Attac-Rhône est « réputé pour être assez dynamique » lors de l’enquête
menée en 2001 par J.Gervais; il « compte plus de huit cents adhérents et préside la
coordination Méditerranée qui regroupe un ensemble de comités travaillant sur les relations
277
Parmi les adhérents associatifs 30% sont membres de deux ou plus d’associations. Voir PROUTEAU L. et WOLFF F.-
C., « La participation associative au regard des temps sociaux », Economie et statistique, n° 352-353, 2002.
http://www.insee.fr/
fr/ffc/docs_ffc/ES352-353C.pdf .
278
Parmi les participants du FSE en 2003 à Paris, 78% déclarent appartenir à au moins une organisation, et 65% y sont
membres actifs. Voir FILLIEULE Olivier et BLANCHARD Philippe, « Carrières militantes et engagements contre la globalisation »,
in AGRIKOLIANSKY Eric et SOMMIER Isabelle Sommier (dir.), Radiographie du mouvement altermondialiste. Le deuxième Forum
social européen, La Dispute, 2005, p.157-183.
279
e
L’appartenance au syndicat est la 2 réponse la plus répandue (24%) après « le mouvement altermondialiste » chez
les participants du FSE. Ensuite suivent « mouvement humanitaire/aide au développement » (22%) et « mouvement écologiste/
antinucléaire » (18%). Voir FILLIEULE Olivier et BLANCHARD Philippe, « Carrières militantes et engagements contre la globalisation »,
in AGRIKOLIANSKY Eric et SOMMIER Isabelle Sommier (dir.), Radiographie du mouvement altermondialiste. Le deuxième Forum
social européen, La Dispute, 2005, p.162.
Maryna Kumeda - 2009
59
Les fluctuations de l’engagement militant : le cas des militants de l’association Attac-Rhône
avec l’Afrique du Nord » et « entretient des relations relativement « harmonieuses » avec
280
les instances nationales » , contrairement au comité de l’Isère, par exemple.
A ce jour, nous savons que trente neuf personnes sont adhérentes à Attac-Rhône
281
depuis 1999 sans interruption . Nous supposons, qu’ils incluent, d’une part, les persistants
282
283
, les militants qui restent actifs malgré la désaffection des adhérents et le turn over
284
militant et maintiennent le fonctionnement de l’organisation , et ceux, d’autre part, qui lui
gardent une fidélité d’intensité suffisante pour renouveler l’adhésion pendant dix ans : qui
ont été majoritairement, il nous semble, militants actifs d’Attac-Rhône dans le passé et se
sont désengagés pour un des facteurs que nous allons analyser au plus près dans le dernier
chapitre.
Le nombre des administrateurs qui siègent au Conseil d’administration était prévu par
285
le Règlement intérieur comme vingt (14 personnes physiques et 6 personnes morales)
286
et a été respecté pendant les années d’essor de l’association . L’an 2008 ils étaient neuf
(huit personnes physiques et une organisation, Comité pour l'annulation de la dette du
287
Tiers Monde (CADTM) , pour l’année 2009 ils sont onze avec, notamment, l’élection de
quatre nouveaux élus (et relativement plus jeunes, dans une tranche d’âge 20-35 pour deux
d’entre eux) et la réélection d’une adhérente en tant que représentante de l’association AC !
de Lyon. Cela, il nous semble, a contribué à raviver l’association. Si à la fin de l’année
2008 les militants expliquaient le manque d’activités par l’insuffisance des ressources
humaines, l’arrivée des nouveaux élus, mais aussi la nouvelle conjoncture sociopolitique,
plus propice à l’activité militante et à la création des convergences et à l’alignement
288
des efforts communs , - semblent susciter plus d’effort d’organisation des événements
280
GERVAIS, Julie. Les acteurs et le « système d’Attac » : entre mutations du militantisme et nouveaux engagements citoyens.
D.E.A. de Science politique de Lyon, septembre 2001, p.15.
281
282
Statistiques internes du comité Attac-Rhône (Voir l’Annexe).
KLANDERMANS Bert, « Une psychologie sociale de l’exit », in Fillieule Olivier (dir.), Le désengagement militant, Paris,
Belin, 2005, p.107.
283
Le concept de turn over renvoie aux cycles de désaffection et de renouveau des effectifs militants, de successions des
cohortes militantes. (Voir FILLIEULE Olivier, « Propositions pour une analyse processuelle de l’engagement individuel », Revue
française de science politique, vol.51, n°1-2, février-avril 2001, p.213-214). Cohortes sont définies non pas comme « communauté
d’âge », mais la « communauté d’adhésion », dans FILLIEULE Olivier (dir.), Le désengagement militant, Paris, Belin, 2005, p.255.
284
Ils sont six interviewés dans notre échantillon d’avoir participé à la fondation d’Attac-Rhône (entretiens N° 2, 5, 10, 14, 15
et 17) et trois y sont actifs toujours aujourd'hui (N° 2, 5 et 14).
285
286
Règlement intérieur de 2002. Voir l’Annexe.
Un militant d’Attac-Rhône témoigne que étant statutairement 13 au bureau, ils étaient toujours une vingtaine, et avec une
composition de 20 au CA, les réunions réunissaient une quarantaine de personnes. Entretien cité in GERVAIS, Julie. Les acteurs et
le « système d’Attac » : entre mutations du militantisme et nouveaux engagements citoyens. D.E.A. de Science politique de Lyon,
septembre 2001, p.115.
287
288
Fichiers du comité Attac-Rhône.
La structure des opportunités politiques est un concept élaboré à partir des années 1970 pour désigner le lien entre
la configuration du champ politique et les mobilisations sociales. Le degré d'ouverture et de vulnérabilité du système politique aux
mobilisations, favorable ou non, est défini selon quelques critères : la réceptivité et la tolérance du système politique, la stabilité
des alliances politiques, les moyens de relais et la capacité d'un système politique à développer des politiques publiques. Pour la
critique du concept voir : MEYER David et GAMSON William « Framing Political Opportunity », in Doug McAdam, J.McCarthy, M.Zald
Comparative Perspectives on Social Movements. Political Opportunitites, Mobilizing Structures, and Cultural Framings, Cambridge,
60
Maryna Kumeda - 2009
Chapitre II. L’association Attac-Rhône aujourd'hui. « Déclin ou mutation ? »
289
(des collectifs et des convergences à l’image de l’ « Appel des appels » ou Collectif
Unitaire des Travailleurs Sociaux (CUTS) et de prise en charge des questions spécifiques
à débattre (les quelques dernières réunions du CA étant consacrées à la discussion des
thématiques spécifiques : les services publics et la Palestine le 21 janvier ; les réformes de
290
l’enseignement, les services publics et la Palestine le 18 février ; le rôle d’Attac dans la
traduction des politiques européennes au niveau hexagonal et sur les services publics, la
veille de la grève national, le 18 mars ; le projet de la Constitution européenne « Plan P »
élaboré par le groupe « Construction Européenne , le 22 avril ; la réforme des statuts d’Attac
et le Manifeste pour les « produits de haute nécessité » le 27 mai).
Les réunions du CA, qui ont lieu toujours, même s’il n’y a plus besoin du fait du petit
nombre des participants, à la Bourse du Travail, et servent souvent pour faire le point
sur les activités passées ou planifiées, débattre sur une question, tandis que les réunions
du Bureau, ont lieu dans les locaux à la Maison des Passages et sont généralement
consacrées à la gestion administrative de l’association, à la dimension organisationnelle
des événements. Si les réunions du CA font souvent venir un plus grand nombre d’élus
aussi que deux ou trois adhérents ou anciens militants, les réunions du Bureau sont moins
fréquentées, mais, néanmoins, plus animées dans la nouvelle année 2009. Les comptesrendus des bureaux et du CA respectent les exigences formelles de restitution de la réunion,
sans manquer de l’humour :
« Y. nous à speaker de l’intercompréhension de las linguas. Méthode que nous
mettrons très rapidement en pratique à Attac Rhône. Le groupe Construction
européenne associé à d’autres groupes travaillant sur l’Europe en Europe,
prévient le CA d’un prochain devoir. Leur travail, plan P, pour plan du peuple,
291
constitution idéale, sera bientôt à apprendre par cœur.” Ou encore, « Étaient
présent-e-s : Amandine, A. (échappée in extremis des griffes des brutes
policières), N, Y. (le news homme), C. (et son doudou portable), S., Fabien,
O. (scribe de la réunion). Était excusé : F. (qui s’est réuni seul, cette semaine
à la Bourse du travail)… Rendez-vous Attac Rhône [pour la manifestation
er
du 1
mai] à 9 h 45 devant l’école primaire place Jean Jaurès. Au cas où
vous croiseriez des syndicalistes, il faudra les photographier, car nous ne les
292
reverrons pas de sitôt (dans cinq mois au mieux)» .
Cet aspect créatif fait partie d’une dimension culturelle significative dans les activités d’Attac293
294
Rhône et dans la mouvance altermondialiste plus généralement.
Cambridge University Press, 1996; MATHIEU, Lilian, « Rapport au politique, dimensions congitives et perspectives pragmatiques dans
l’analyse des mouvements sociaux », Revue française de science politique, vol.52, n 1, février 2002, p.75-100.
289
290
Appel de convergence des luttes des domaines allant du travail social jusqu’à la culture, http://www.appeldesappels.org/
Néanmoins, l’initiative de susciter une « discussion plus politique et économique sur la Palestine » avait eu « 7 réponses
dont 3 Attac Rhône ». Compte-rendu du Bureau, le 11 février 2009.
291
Compte-rendu du Bureau, le 11 février 2009: “Resoconto die Vergadering of the 11th febrero”
292
Compte-rendu du Bureau, le 29 avril 2009.
293
Attac-Rhône, très impliqué dans le groupe Méditerranée, ayant été fortement engagé pour les problèmes du fonctionnement
d’Attac Tunisie, a parvenu à organiser une action théâtralisée d’occupation de Tunis Air, cité in GERVAIS, Julie. Les acteurs et le
« système d’Attac » : entre mutations du militantisme et nouveaux engagements citoyens. D.E.A. de Science politique de Lyon,
septembre 2001, p.137-138.
294
Pleyers G. (2006) Sujet, expérience et expertise dans le mouvement altermondialiste, Thèse de doctorat, EHESS.
Maryna Kumeda - 2009
61
Les fluctuations de l’engagement militant : le cas des militants de l’association Attac-Rhône
Pour attirer le public aux réunions il est souligné dans le calendrier, renvoyé sur la
liste « Rhonediffuser », qu’elles sont ouvertes « à tout-e-s ». Les réunions du bureau
« permettent de travailler, de réfléchir et de discuter les actions et les thèmes en préparation
à Attac Rhône ». Mise à part les rencontres, un autre moyen important du maintien de
295
lien avec les adhérents, sympathisants et d’autres, est la communication électronique .
Nous avons trouvé une hiérarchie des listes existantes de diffusion assez révélatrice de la
structuration du public d’Attac-Rhône. La liste « Rhonediffuser » a environ 800 inscrits, c’est
une liste de diffusion globale d’Attac Rhône. La liste « Actifs » avec environ 80 inscrits est
une liste de diffusion du travail mené par les militants, l’inscription sur laquelle est faite sur
demande au bureau. Enfin, la liste « Travail » avec une quinzaine d’inscrits, membres du
CA et proches, n’est destinée qu’à faire passer des documents techniques pour validation
296
par le CA . On peut estimer le nombre des militants actuellement plus ou moins impliqués
dans la vie de l’association équivalent au nombre des inscrits à cette dernière liste, donc,
une quinzaine.
L’autre moyen de communication est le « Grain de sable », le bulletin bimestriel d’AttacRhône qui sort depuis mars 1999, informant les adhérents sur « le travail de l’association
et du mouvement altermondialiste », où « les articles peuvent être proposés par l’ensemble
297
des adhérent-e-s » . Il a passé à un tirage de 500 exemplaires en 2009 de 1000 en l’année
précédente (250 était le nombre le nombre des photocopies de la première édition en mars
298
1999 ). Sa production matérielle est en grande partie confiée à un militant, qui en arrivant
à l’association en 2002, cherchait et a trouvé la façon de s’investir et d’être utile, mais a l’air
d’élaborer une certaine critique envers son monopole sur l’édition actuellement :
« Et puis, tout s’est reposé sur moi. I. aussi, à un moment donné, a un peu lâché
la main du journal. Et bah, tout m’est tombé dessus, en fait. Donc, aujourd’hui je
suis rédacteur-en-chef, maquettiste et presque, je mets ce que je veux dedans, en
299
fait. Je fais ma propre propaganda »
.
Les groupes de travail se composent de plusieurs adhérents intéressés par certaine
question qui se réunissent pour s’informer, discuter, formuler les problématiques et définir
le mode de travail du groupe, qui, ensuite, peut déboucher à des actions dirigées vers
l’extérieur. Ils étaient une quinzaine dans la période de l’essor du bureau d’Attac-Rhône
(1998-2002) avec des dizaines de participants chacun. Avec la diminution des effectifs et le
départ des militants, leur nombre s’est réduit, les actions à l’extérieur ont diminué, jusqu’à
ce qu’il en reste quatre, qui se réunissent effectivement, à la fin de 2008: le groupe sur
la Construction Européenne, le groupe « Ecologie et société », le groupe « Eau/CCSPL
(Commission consultative des services publics locaux du Grand Lyon) », et le groupe du
300
travail sur l’émission radio. D’autres groupes, toujours inclus dans la liste en 2008 , sont
295
Sur le lien entre le principe démocratique et l’usage de l’Internet à Attac, voir : Trautmann (Flore), Internet au service de
la démocratie ? Le cas d’ATTAC, Cahiers du CEVIPOF, 30, 2001.
296
297
298
299
Compte-rendu du Bureau, le 11 février 2009: “Resoconto die Vergadering of the 11th febrero”
Liste des groupes de travail d’Attac-Rhône, 2008 (Voir l’Annexe).
Procès-verbal du Bureau, le 14 mars 1999.
Jérôme, militant, 38 ans, agent administratif à temps partiel dans une association, enregistré le 7 novembre 2008 à
Lyon.
300
62
Liste des groupes de travail d’Attac-Rhône, 2008 (Voir l’Annexe).
Maryna Kumeda - 2009
Chapitre II. L’association Attac-Rhône aujourd'hui. « Déclin ou mutation ? »
considérés encore « existants », mais en « état off », par les uns, et « coquilles vides »
par les autres.
301
,
Pour comprendre les logiques du fonctionnement d’Attac-Rhône aujourd'hui, le plus
instructif, il nous semble, serait de se centrer sur les deux suivants, « Construction
Européenne » et le groupe de production de l’émission à la radio. Ils sont les plus actifs et
révèlent plus que les deux autres les liens entre le travail militant et le public, mais aussi
les logiques de l’engagement des acteurs au sein d’Attac-Rhône qui se matérialise dans le
travail au sein de ces groupes.
Le groupe « Construction européenne », un des deux groupes qui travaillaient pendant
302
la campagne référendaire de 2005 sur le thème d’Europe, mais sous les angles différents ,
- est le plus productif en textes. Le plus grand chantier de ce groupe, un projet d’une
303
« constitution des peuples européens » Plan P avait pour le but « de lancer le débat
et de proposer des solutions pour ne pas uniquement s'opposer aux propositions de nos
304
gouvernements» et a été mené en collaboration avec des militants d’Attac Torino. La
conférence de presse pour présenter le projet, le 12 mai 2009 à la MJC du Vieux Lyon,
ère 305
a attiré deux médias (Métro et Radio Lyon 1 ) , et le café-débat au Café des Tables
Claudiennes, le 18 mai, « deux personnes, hormis les membres du CA ». Le soir du 19 mai la
présentation, à la librairie Terre des Livres, du livre édité par Attac France « Europe à quitte
ou double », par le co-auteur, militant du groupe – a réuni trois personnes. « Décevant sur le
nombre de présents mais les personnes qui sont venues étaient cependant intéressées. Le
306
groupe Europe continue par ailleurs son travail sur les pages Europe de Wikipédia
, dont
307
la fréquentation augmente ces derniers temps» . Or, ce groupe, les fruits du travail duquel
ne suscite pas tant d’intérêt d’adhérents, est très apprécié par les militants d’Attac-Rhône.
Aujourd'hui, impliqué également dans la Commission nationale Europe, collaborant avec
d’autres groupes locaux européens, ayant envoyé un représentant à l’Université des Attac
d’Europe à Sarrebruck en aout 2008, il monopolise l’attention, le poids symbolique comme
« celui qui travaille », mais aussi est le seul lieu, où se définit la position de l’association sur
les questions liées à l’Europe, depuis l’arrêt de l’autre groupe, dont l’orientation est toujours
plus proche pour certains militants :
301
Mathieu, militant, 36 ans, doctorant en sciences politiques, enregistré le 20 octobre 2008 à Lyon.
302
L’autre groupe « Politiques européennes », comme son nom en témoigne, se centrait sur le contenu des politiques
néolibérales menées par l’Union Européenne et existait entre 2002 et 2005, ses membres s’étant petit-à-petit démobilisés après la
victoire le 29 mai, tandis que le groupe « Construction Européenne » explique le défaut démocratique dans l’Europe par les structures
organisationnelles existantes qui ne sont pas capable d’assurer la réalisation de la volonté des peuples. L’approche différente des
deux groupes constitue un véritable « clivage » (qui se montre moins avec l’arrêt du fonctionnement du groupe sur les politiques
européennes, mais existe toujours), les adeptes du premier accusant le deuxième d’être « idéaliste » et avoir une approche trop
« abstraite », Florian, militant, 31 ans, doctorant en histoire, enregistré le 25 novembre 2008 à Lyon.
303
Présentation du projet « Le plan P, une constitution pour les peuples d’Europe », le 25 mars 2009, http://local.attac.org/
rhone/article.php3?id_article=1104 .
304
305
306
Compte-rendu du Bureau, le 8 avril 2009.
Compte-rendu du Bureau, le 13 mai 2009.
Un autre axe de travail de ce groupe est la rédaction des articles (le Parlement européen, la Commission européenne, la
Court de Justice européenne et le Conseil européen) sur Wikipédia.
307
Compte-rendu du Bureau, le 20 mai 2009.
Maryna Kumeda - 2009
63
Les fluctuations de l’engagement militant : le cas des militants de l’association Attac-Rhône
« Certains étaient dans la logique suivante : il y a un groupe de travail, laissons
les travailler, c’est formidable ce qu’ils font, qu’ils travaillent, mais surtout qu’on
ne s’intéresse, qu’on cherche même pas à saisir de leur position, on cherche
même pas à en faire un objet de débat, de toute façon, l’importance c’est qu’ils
travaillent. A la limite, ils représentent Attac-Rhône, c’est même presque ça,
c’était presque logique comptable, je sais pas. Il y a une espèce de logique : oh, il
y a un groupe d’Attac-Rhône qui travaille. En plus de ça, ils arrivent à porter leurs
travaux au niveau de la Commission nationale et ça c’est vrai. J’avais toujours
mal à comprendre comment est-ce qu’ils arrivent à trouver un débouché, mais
c’est vrai. (…) Je sais très bien que S., il arrive à porter, il arrive à défendre ces
travaux, à défendre ce qu’il fait, défendre ses idées à la Commission nationale sur
308
l’Europe. »
Un autre groupe, le plus fréquenté par des militants, est groupe radio qui prépare les
émissions, homonyme au bulletin, « Grain de sable », diffusées de 2000 à 2005 sur Plurielfm
91.5, ensuite de 2005 à la fin de 2008 sur RCT 99.3Mhz, avant son passage au numérique
309
et « sa mutation vers "rct cap sao" » . Les objectifs de ce mode d’action sont de « relayer
l’actualité d’Attac-Rhône, réaliser des émissions thématiques pouvant servir de support
310
pédagogique, action de communication » . Le responsable de RCT a estimé en 2006 le
311
taux d’audience de la radio comme 0.5 d’audimat, soit 6 500 auditeurs . Auparavant le
plus souvent les émissions présentaient les résultats du travail des groupes de réflexion,
donc, portaient sur les thèmes d’écologie, sur l’agriculture, la Politique agricole commune
(PAC), la finance, les services publics. Aujourd'hui, le plus souvent, les thématiques sont
définies en fonction de disponibilité et d’accès aux interlocuteurs, les questions intéressant
les membres du groupe, ou des hasards, comme c’était le cas après la rencontre d’un
militant du Parti Communiste Iranien, qui a donné lieu à l’émission « Répression politique
312
et syndicale en Iran » . Jusqu’à que la question de continuité entre le comité Attac-Rhône
et le travail du groupe radio surgit :
« Il me semble, que la question qui se pose, c’est peut-être plus, de savoir
davantage si, quand on fait de la radio, vraiment, on est dans l’Attac. Est-ce que
vraiment on fait du, est-ce que c’est une émission d’Attac, ou est-ce que c’est
un travail de groupe qui s’est complètement autonomisé, est sorti finalement de
la logique d’association. Bon, il me semble qu’on est un peu entre les deux. Je
pense que d’abord, il y a une espèce de, il y a vocabulaire reflexo-militant qui est
complètement présent, une façon de s’exprimer… Parfois, j’ai l’impression que
ça m’échappe presque, qu’il y a une façon de poser des questions, une façon de
raisonner peut-être tout simplement qui me vient encore, en partie, d’Attac. Un
esprit militant, tout simplement, il y a un esprit militant qui guide les émissions.
Bon, après, ça se mélange peut-être avec d’autres choses, peut-être d’autres
308
309
310
311
312
Mathieu, militant, 36 ans, doctorant en sciences politiques, enregistré le 20 octobre 2008 à Lyon.
« Grain de Sable radio », http://www.local.attac.org/rhone/rubrique_texte.php3?id_rubrique=93 .
Ibid.
Mathieu, militant, 36 ans, doctorant en sciences politiques, enregistré le 20 octobre 2008 à Lyon.
Mathieu, militant, 36 ans, doctorant en sciences politiques, enregistré le 20 octobre 2008 à Lyon. Pour écouter l’émission : http://
www.local.attac.org/rhone/article.php3?id_article=1286 .
64
Maryna Kumeda - 2009
Chapitre II. L’association Attac-Rhône aujourd'hui. « Déclin ou mutation ? »
types d’émissions, ou une autre façon de faire des émissions. Mais après, dans
le sens inverse, dans quelle mesure est-ce que la radio peut produire des choses
en direction d’Attac-Rhône et vraiment des membres d’Attac-Rhône. Bah, s’ils
écoutent les émissions, ils peuvent en faire ce qu’ils veulent, mais on sait qu’il y
a peu de gens qui nous écoutent au sein d’association, donc… De toute façon,
la radio, elle a été à une époque, l’émission, je veux dire, elle a été assez bien,
il me semble, à une époque elle a été un peu intégrée dans le groupe, le noyau
militant, parce que il y en avait quand même des personnes qui nous écoutaient.
Pas énormément, mais disons que dans le noyau militant y en avaient certains
313
qui nous écoutaient. Aujourd’hui c’est plus le cas. »
Fin 2008 la diffusion est arrêté sur RCT, et le groupe se charge pour trouver une autre radio.
Finalement, la reprise de l’émission est prévue le 26 mai sur la radio Canut, 102.2FM après
de longues négociations des conditions de cette collaboration. L’équipe de la radio Canut,
ne voulant pas que «la plus rebelle des radios!» soit associée à Attac, qui n’est, à leurs yeux,
314
pas assez anarchiste et critique , a demandé la moindre identification avec l’association
possible. Cela a donné lieu à une discussion agile dans un Conseil d’administration d’AttacRhône le 22 avril 2009 et a abouti à des concessions, telles que l’absence de mention du
nom « Canut » sur le site Internet d’Attac-Rhône, où est maintenant annoncé que « nos
315
émissions reprendrons bientôt sur "la plus rebelle des radios" de Lyon sur 102.2 Mhz » ,
ou l’absence de référence à Attac au cours de l’émission. Ainsi la mention sur la provenance
de l’émission de l’« association Attac-Rhône » dans le générique est la seule référence au
316
comité qui est gardée. L’argumentation lors de discussion et la décision prise relève d’un
malaise des militants qui oscillent entre une volonté commune de poursuivre la mission (et
aussi, regagner un des modes de communication, qui suscite toujours de l’initiative des
militants) et la réticence devant la condition d’anonymat.
Ces deux exemples relèvent les logiques du fonctionnement d’Attac-Rhône aujourd'hui,
en décalage entre le projet des militants et les contraintes exercées par le manque des
moyens de relayer l’action militante et de la réceptivité du public.
Entre autre, le rôle fédérateur des mouvements et organisations, joué par Attac depuis
sa fondation, a été tenté d’être repris, notamment, dans son implication d’organiser une
action à l’écho du Forum Social Mondial décentralisé le 26 janvier 2008, dans la constitution
du collectif « Appel pour la Poste 69 » pour relayer la campagne lancée au niveau national,
et à travers l’organisation d’une action en parallèle au Forum social européen de Malmö le
27 septembre 2008, le Forum Social Local (FSL). Le résultat du dernier, ayant suscité plutôt
des réactions positives des organisations participantes, a reçu un « avis plutôt négatif »
des militants d’Attac-Rhône, du fait que « la place n’était pas adéquate pour ce genre de
manifestation car peu passante ; beaucoup de travail et peu de retour, peu de public… ;
gros manque de communication ; manque d’implication de plus d’associations et des
313
314
315
316
Mathieu, militant, 36 ans, doctorant en sciences politiques, enregistré le 20 octobre 2008 à Lyon.
Selon les témoignages des militants d’Attac-Rhône.
http://www.local.attac.org/rhone/rubrique.php3?id_rubrique=93 .
Selon nos notes prises pendant l’observation : « Pour pouvoir intégrer à un tel milieu militant comme Canut, il faut assouplir
la référence identitaire à Attac . C’est le contenu et pas la forme, et c’est cette dernière qui risque de coincer. De toute façon sur
RCT on l’annonçait pas, le mot « Attac ». Pourquoi insister maintenant ? – Etant donné que Canut est venu nous chercher... », la
réunion du CA, le 22 avril 2009.
Maryna Kumeda - 2009
65
Les fluctuations de l’engagement militant : le cas des militants de l’association Attac-Rhône
317
syndicats »
. Ainsi, si l’avis de organisations comme « Les Alternatifs », Audaces, la
LCR, Pro-Fal 69 ou Man sont plutôt positifs, les militants d’Attac-Rhône ont exprimé leur
déception en manque d’intérêt de la part du public, probablement, du aux attentes plus
élevées que celles des organisations précitées : « d’autant plus qu’à rentrée, la première
318
réunion laissait espérer plus de monde et donc un événement fort » , selon Attac.
Nous apercevons, à travers ces exemples, un certain décalage entre les efforts
déployés envers le public, et le manque de réaction de sa part, encore plus pesant pour
des militants de « vielle garde », conservant dans la mémoire les temps de fréquentation
importante. D’une part, cela peut être expliqué par la difficulté croissante d’entretenir, de
diversifier et d’accroitre l’offre des activités dans les conditions de diminution des effectifs
militants et adhérents : le « noyau dur » est peu nombreux. Nous nous apercevons que
dans le calendrier envoyé quasiment toutes les semaines sur la liste de diffusion : parmi les
événements annoncés, seul sont organisés par Attac-Rhône les bureaux, les réunions du
CA, la diffusion du « Grain de Sable » (qui, rappelons n’avait pas eu lieu entre le 20 décembre
2008 et le 26 mai 2009), une conférence sur la crise dans le Groupe Attac Sud-Ouest et une
319
rencontre (conjointement avec l’association Formation Action Citoyenne (FAC) ) avec le
collectif SDF Alsace, organisées en novembre 2008, deux café-débats : sur la Poste et le
« Plan P », une projection-débat du film sur N.Chomsky. Sinon, le nom Attac apparaît pour
les projections du cycle « Autres regards » (Attac-Rhône fait partie du collectif) ou encore
pour l’annonce des activités de la FAC (où sont impliqués de nombreux anciens militants
320
d’Attac-Rhône). Les activités proprement “atakiennes” sont moins nombreuses que dans
les années précédentes, et la réceptivité diminuée de la part de l’ancien public pèse sur les
anciens militants : nous ressentons cela dans l’esprit de «dépérissement » dans les propos
et les activités des militants. Cela est expliqué souvent par eux par un repli sur soi-même, le
manque des modes de diffusion auprès du grand public, en partie du à la capacité moindre
de rassembler les organisations et monter les actions communes.
« Alors, le G8, il était en juin 2007, donc l’invitation, on avait du commencé
ça en février. Donc, voila c’était entre février et juin, on a fait ça. On voulait
faire un événement, une espèce de contre-sommet à Lyon avec un événement
assez imposant, etc. On avait envoyé l’invitation à toutes les organisations,
associations, syndicats, partis politiques. Peu qui ont répondu. Ca a tombé
pendant les Présidentielles et tout. On a fait énormément de travail pour
finalement aboutir à écrire qu’un tract, qui était signé par 5 ou 6 organisations
et Attac, on était les seuls à avoir diffusé. Ça a pas été un gros succès, assez
321
catastrophique (rire).”
317
318
319
Compte rendu bilan FSM, 29 octobre 2008 (Voir l’Annexe).
Ibid.
L’association d’éducation populaire Formation Action Citoyenne (FAC) organise des conférences et des cycles des cours
sur les thématiques diverses, proches de celles travaillées par Attac : les conditions de travail, l’éducation populaire, l’Europe, la crise
financière, etc. « Depuis l’origine, FAC, association d’éducation populaire, s’est donné pour objectif de travailler pour que les citoyens
les plus précarisés puissent retrouver les moyens de comprendre la société dans laquelle ils vivent et se réapproprient des moyens
d’agir sur le monde ». www.la-fac.org
320
321
66
Adjectif emprunté dans une convocation au Conseil d’administration, mars 1999.
Lucie, militante, 20 ans, étudiante en sociologie en Master 1, enregistré le 12 novembre 2008 à Lyon.
Maryna Kumeda - 2009
Chapitre II. L’association Attac-Rhône aujourd'hui. « Déclin ou mutation ? »
Le nombre de militants actifs en diminuant ces dernières années a eu un impact important
sur le fonctionnement de l’organisation. La division du travail militant permet l’organisation
322
plus effective des actions, car souvent elle est opérée selon les capitaux militants acquis
précédemment et aptitudes et préférences individuelles. Dans les conditions des ressources
militantes limitées, l’initiative d’une action souvent demande une personne de s’occuper
de toutes les dimensions organisationnelles, tuant l’idée en germe. Les effectifs militants
présents s’occupent de la gestion administrative de l’association, des initiatives que nous
avons décrites jusqu’ici, mais la présence d’Attac-Rhône dans l’espace militant Lyonnais
ne peut pas être limitée à cela. Les anciens militants (leur provenance d’Attac-Rhône est
toujours soulignée) véhiculent le nom de l’association lors de leurs activités, notamment à la
FAC. Les administrateurs actuels d’Attac-Rhône, sont, à leur tour, contraints par les taches
administratives au quotidien et le maintien de l’activité du comité :
« Si je pouvais faire en sorte de ne plus être élu, mais de continuer être actif,
ça m’intéresserait beaucoup, sauf qu’il y a plus personne pour se présenter.
(…) On trouve plus personne pour se présenter pour venir dans les bureaux. A
l’époque où je suis arrivé (…) les réunions étaient pleines, quand on avait les CA
à la Bourse de travail, y avait facilement 40-50 personnes, donc ce que tu vois
aujourd’hui le mercredi – c’est difficile à vivre pour nous, et c’est pour ça que je
veux, (…) qu’il faut qu’on arrête de faire, de traiter l’administrative parce qu’on
va… faire qu’un travail qui est routinier et pénible et qu’il faut qu’on s’y mettent
à nouveau à réfléchir et qu’on puisse intervenir à l’extérieur, ce qu’on est pas
capable de faire. Aujourd’hui, quand on a besoin de quelqu'un pour parler de
finances et d’économie, on se tourne vers L., quand on a besoin de quelqu'un
pour parler de l’eau, on se tourne vers J., fin …y a un vrai problème. On fait
tourner Attac, on arrive à organiser des tas de choses, mais on a pas la capacité
à intervenir nous-mêmes. Alors, les premiers des premiers d’Attac, ils se sont
formés, ils ont rapidement pris, ils on écrit les petits livrets, ils ont fait pas mal
323
de choses. Donc, c’est ce vers quoi j’aimerais bien revenir.”
L’intensité des activités du comité Attac-Rhône n’est évidemment pas la même qu’à son
essor et l’adhésion de plus de 1000 adhérents. Les contraintes matérielles pèsent dès lors
sur la décision de se lancer dans toute action. Les militants de l’association, hétérogènes
selon le moment d’adhésion, vivent différemment cette condition, et l’arrivée des nouveaux
élus en 2009 a visiblement ranimé les activités.
3. Les représentations politiques des militants d’AttacRhône
322
« Le capital militant désigne, par delà la diversité des formes d’engagement, des savoir-faire acquis en particulier grâce à des
propriétés sociales permettant de jouer, avec plus ou moins de succès, dans un espace qui est loin d’être unifié », se construit des
diverses expériences et s’acquiert « pour une bonne part dans le champ politique, qui s’y valorise, mais aussi qui se reconvertit
ailleurs, en cas d’exit ». MATONTI Frédérique et POUPEAU Franck, « Le capital militant. Essai de définition », Actes de la recherche
en sciences sociales, n° 155, 2004/5, p.4-11.
323
Jérôme, militant, 38 ans, agent administratif à temps partiel dans une association, enregistré le 7 novembre 2008 à
Lyon.
Maryna Kumeda - 2009
67
Les fluctuations de l’engagement militant : le cas des militants de l’association Attac-Rhône
A travers l’analyse du rapport au politique et des représentations que les militants se font
de leur engagement à Attac-Rhône, nous allons pouvoir comprendre leur action, l’emprise
de l’imaginaire et des dispositions incorporées sur leurs attitudes. Les vecteurs de travail
choisis tels que la production de l’expertise et l’éducation populaire ou le principe de
fonctionnement interne en démocratie participative révèlent des valeurs que soutiennent
et mettent en œuvre les militants, mais aussi l’image de la société qui les guide dans leur
action.
3.1. La socialisation politique des militants d'Attac-Rhône. Démocratie
dans une communauté restreinte
Une certaine méfiance à l’égard du système de démocratie représentative, l’anti324
institutionnalisme , le refus de délégation et la revendication de participation active à
325
la politique, sont, selon J.Gervais, caractéristiques des militants d’Attac , encore plus
facilement repérables dans le fonctionnement au quotidien des comités locaux, ces
« laboratoires d’une démocratie participative ». Nous avons pu également observer la
volonté commune chez les militants d’« élaborer une véritable réflexion » autour de
326
réalisation du principe démocratique dans le fonctionnement de l’organisation . Mais la
souplesse de fonctionnement revendiquée par les militants d’Attac aboutit à des biais, quand
« en faisant trop reposer le processus de décision sur la participation active des militants, la
pratique conduit à accorder un rôle central aux personnes qui s’investissent et s’impliquent
327
fortement dans l’association » , et contribue ainsi à la constitution du « noyau dur ». Si
au moment de l’essor d’Attac et de la période fleurissante du comité Attac-Rhône, les luttes
pour imposer sa vision ou orienter l’association avaient pu être importantes et le « noyau dur
328
329
à tendance oligarchique
» était critiqué , cela n’est plus le cas. L’appellation « noyau
330
dur » a pris plutôt une connotation positive pour parler de ceux qui arrivent à « tenir le
331
coup » .
Sinon, l’analyse des façons d’occuper le poste de président par différentes personnes
dans l’histoire d’Attac-Rhône confirme la souplesse du fonctionnement interne. Par ailleurs,
sa définition dans les Statuts ne se réalise pas de la même manière selon la personnalité
qui l’occupe. Ainsi en témoigne l’ancien président d’Attac-Rhône, qui a statutairement une
324
CRUZEL, Elise, « Passer à l’Attac » : Eléments pour l’analyse d’un engagement altermondialiste, Politix, Volume 17 – n 68/2004,
p. 135-163.
325
GERVAIS, Julie. Les acteurs et le « système d’Attac » : entre mutations du militantisme et nouveaux engagements citoyens.
D.E.A. de Science politique de Lyon, septembre 2001, p.59-60.
326
327
328
329
Ibid., p.106.
Ibid., p.113.
MICHELS Roberto, Les Partis politiques : essai sur les tendances oligarchiques des démocraties, Flammarion, Paris, 1971 (1911).
GERVAIS, Julie. Les acteurs et le « système d’Attac » : entre mutations du militantisme et nouveaux engagements citoyens.
op.cit., p.76.
330
Pour désigner les militants actifs les plus anciens, fondateurs mais aussi ceux qui ont commencé à militer plus tard et ont vécu
des moments clé de l’histoire d’Attac-Rhône.
331
68
Mathieu, militant, 36 ans, doctorant en sciences politiques, enregistré le 20 octobre 2008 à Lyon.
Maryna Kumeda - 2009
Chapitre II. L’association Attac-Rhône aujourd'hui. « Déclin ou mutation ? »
332
voix prépondérante , une des rares fois où le résultat du vote dépendait de sa voix, il a
333
334
réclamé de revoter . L’exercice par les mêmes personnes des plusieurs mandats au CA
n’est pas volontaire, voire l’objet de critique, et est expliqué par l’envie de ne pas laisser
tomber Attac:
« J’ai pas envie d’aller voir ailleurs, j’ai envie de continuer le travail ici, parce que
le travail ici n’est pas fini, sinon, ça serait le monde idéal, y aurait des nuages
roses partout, et voila. Donc, je considère que le travail n’est pas fini à Attac,
qu’on a encore du travail à fournir, qu’on peut essayer de transmettre ce qu’on
335
nous, on a appris à d’autres »
.
Le principe démocratique dans le processus de délibération et de prise de décision est
revendiqué par Attac dès sa naissance, du fait de la diversité des provenances de ses
336
composantes. La culture du consensus , la nécessité duquel est très souligné au moment
d’institutionnalisation de l’association, étant au centre des débats au moment de la crise,
ne semble plus poser de problème à Attac-Rhône. Si en période d’essor l’intensité des
débats, voire tensions, créait, selon une militante, une « atmosphère dure », avec les gens
337
« peu abordables » et qui « intimidaient beaucoup » , mise à part le cas particulier de la
338
participation aujourd'hui d’un militant considéré comme « très conflictuel » , peu de fois
les débats sortent du cadre de délibération posée et argumentée.
Un autre militant parle de la domination de ceux qui possèdent certains capitaux
(scolaires ou militants), ou acquièrent leurs positions à l’aide des stratégies déployées (non
pas l’acception de leur vision suite à une argumentation élaborée avec tous les antagonistes,
mais en proposant la motion à voter par un bureau, tous les membres duquel ne sont pas
forcément conscients des enjeux sous-jacents de la question) :
332
Article 8-5 : « Le Président a voix prépondérante en cas de partage égal des voix. », Statuts d’Attac-Rhône, adoptés en
septembre 2001. (Voir l’Annexe).
333
Entretien cité in GERVAIS, Julie. Les acteurs et le « système d’Attac » : entre mutations du militantisme et nouveaux
engagements citoyens, op.cit.
334
La réélection des élus est récurrente et ne contredit pas les Statuts d’Attac-Rhône dans la mesure où elle advient dans les
conditions de manque des candidatures. Voir Article 8-4 « Sauf en cas de manque de candidats, les administrateurs sont rééligibles
une seule fois », Statuts d’Attac-Rhône, adoptés en septembre 2001. (Voir l’Annexe).
335
Jérôme, militant, 38 ans, agent administratif à temps partiel dans une association, enregistré le 7 novembre 2008 à
Lyon. Militant à Attac depuis 2002, trois mandats au CA (2002-2003, 2006-2007, 2008-2009), rédacteur-en-chef du « Grain de
Sable », membre du groupe Radio et « Ecologies et sociétés », ancien président d’Attac-Rhône (2006).
336
La décision élaborée dans la discussion et l’argumentation, suite à lesquelles elle serait l’expression de la volonté commune et
devrait convenir à chaque participant. Ce principe de prise de décision reflète le choix par Attac d’être une structure d’« alliance »
des organisations et courants existants : « Si Attac n’est pas un cartel d’organisations, elle n’est pas non plus un espace où tous
les chats sont gris, où les identités sont niées, où les différences ne doivent plus s’exprimer. Bien au contraire, ces différences sont
une richesse, à condition que chacun ait la volonté de travailler ensemble à des objectifs communs. D’où l’importance du mode de
décision au consensus qui force chacun à transcender son point de vue de départ dans la confrontation avec les autres. Dans sa
pratique passée, Attac n’a jamais confondu le consensus avec une unanimité paralysante ». Voir « Perspectives pour une nouvelle
dynamique d'Attac », le 21 septembre 2004, http://www.france.attac.org/spip.php?article3549
337
338
Hélène, militante, 57 ans, assistante de la direction scientifique à INRETS, enregistré le 17 décembre 2008 à Lyon.
Après être passé par « quasiment toutes les organisations militantes et politiques » de Lyon, d’où « il était mis dehors », en
se présentant depuis trois années à l’Assemblée générale élective, il fut élu finalement le 13 décembre 2008 et exerce son mandat
actuellement.
Maryna Kumeda - 2009
69
Les fluctuations de l’engagement militant : le cas des militants de l’association Attac-Rhône
« Et j’ai vraiment été frappé par, ou en tous cas, travaillé par cette question
du rapport au savoir en fait, du rapport au savoir des individus, du rapport au
savoir des militants, du rapport au savoir même des gens qui étaient avec moi,
des copains du Rhône qui étaient montés avec moi. Et du coup, la question de
la structure militante, c'est-à-dire, le fait que les positions soient inégalement
distribuées, qu’il y a des positions vraiment, une espèce de hiérarchie dans la
militance y compris au sein d’une association comme Attac-Rhône. Et moi, avec
ce que j’avais pu faire sur l’Europe, que je connais très bien, accéder à certaines
positions. Mes des positions qui rapportent rien, peut importe, on est pas dans
la rétribution, de toute façon, il n’y a pas d’enjeu de pouvoir à Attac. Mais il n’en
reste pas moins, que les individus ont un tel rapport, ont un certain rapport au
savoir, qui fait que justement ils alimentent ces positions. Tout le monde alimente
ces positions-là, quelque soit sa position. Ca veut dire qu’il y a ceux qui, en gros,
se positionnent, possesseurs d’un certain savoir militant, qui sont en capacité
d’articuler, d’exprimer, de véhiculer un savoir militant, et qui donc vont faire
des émissions à la radio, qui vont monter sur une estrade, prendre un micro,
etc., etc. Et puis, il y a tous les autres, qui sont en position de récepteur, de
consommateur, comme j’ai dit toute à l’heure, et puis, y en a certains, qui, c’est à
339
ceux que je pense, c’est là qui m’ont fait le plus travailler, plus réfléchir”
.
Le principe de démocratie participative s’est compromis quelquefois comme principe
de fonctionnement aux différents moments dans l’histoire d’Attac France, aussi comme
un moyen de construction du consensus sur l’identité et les principaux axes d’action.
Aujourd'hui, dans les conditions d’épuisement des ressources militantes, ceux qui
persistent, se trouvent malgré eux accapareurs des activités de l’association. Ainsi, les biais
négatifs que sa mise en place produit dans la réalité des pratiques militantes, malgré toute
340
la volonté des acteurs, avaient du contribuer au départ de certains militants .
3.2. Le positionnement d’Attac dans le champ politique
Selon le rapport à la politique, les militants d’Attac peuvent être divisés schématiquement
en deux groupes, par rapport à l’intensité et radicalité de leurs opinions sur la lutte
341
politique . Le premier groupe déplore « les dérives multiples des partis politiques » mais
pensent qu’ils doivent rétablir leur rôle important pour les démocraties, notamment grâce
à l’action critique d’Attac. Le deuxième est plus radical dans sa critique et s’oppose à
toute collaboration. Les adeptes du mouvement altermondialistes partagent généralement
des humeurs anti-institutionnels. Les résultats du questionnaire parmi les adhérents et
les militants d’Attac-Rhône confirment cette hypothèse. En outre, tout en étant d’accord
sur le caractère politique de leur action (qu’elle soit en forme d’éducation populaire ou
production d’analyses), les militants souligne la différence entre la « politique citoyenne » et
339
340
Mathieu, militant, 36 ans, doctorant en sciences politiques, enregistré le 20 octobre 2008 à Lyon.
Mais aussi adhérents, car, selon les témoignages, certains adhérents exprimaient leur désaccord avec l’intervention d’Attac dans
une campagne référendaire en 2005, l’action dont une consultation pourtant a été organisée auprès des adhérents et militants de
l’association.
341
GERVAIS, Julie. Les acteurs et le « système d’Attac » : entre mutations du militantisme et nouveaux engagements citoyens.
op.cit., p.52-59.
70
Maryna Kumeda - 2009
Chapitre II. L’association Attac-Rhône aujourd'hui. « Déclin ou mutation ? »
342
la « politique politicienne » . Ils critiquent les vices qui sont imputés aux partis politiques
notamment en ce que la logique fonctionnelle l’importe sur les objectifs annoncés à l’aune
de la lutte politique :
« Mais vraiment leur seul objectif, des logiques institutionnelles financières
qui sont, à mon avis, extrêmement puissantes : en gros, on a besoin d’argent
pour continuer… Surtout, ça fait vivre aussi, ça fait vivre l’appareil, ça permet de
renouveler peut-être un peu l’effectif militant. Mais après, la logique dominante
c’est quand même celle-là, c’est celle de la reproduction du capital électoral. Je
343
trouve ca terrible. »
D’autre part, les militants d’Attac-Rhône peuvent aussi bien collaborer avec des formations
politiques lors de l’organisation des forums sociaux locaux ou collectifs, que garder un recul
344
critique vis-à-vis d’une action politicienne .
En même temps la campagne référendaire en 2005, où les actions communes ont été
organisées avec les partis politiques, a remis la question du rapport au champ partisan sur la
table. L’espoir de la refondation de la gauche a amené plusieurs militants de s’investir dans
les collectifs pour une candidature unitaire antilibérale, l’initiative ayant abouti à l’échec.
345
Quelques uns d’anciens et de militants actuels ont fait partie des listes « AUDACES » ou
« La gauche autrement » lors des élections législatives de 2007 et municipales de 2008.
Ainsi, le rapport au champ partisan, comme pour le mouvement altermondialiste dans son
ensemble, reste ambigu.
« Au sein d’Attac il y a une position assez apolitique. Je l’ai senti, de toute
façon, en 2007 à deux ou trois reprises. Et d’ailleurs, c’est une des raisons pour
lesquelles, alors ça c’est peut-être la rationalisation à posteriori, en tous cas, je
sais que j’ai quitté Attac, fin, j’ai quitté, le CA d’Attac… En 2007, il y a des choses,
pour moi, j’ai du mal à accepter. On avait fait une consultation, on s’était posé
la question pour savoir si on devait appeler à voter contre Sarkozy au deuxième
tour. Pardon, c’est Attac-France qui avait consulté les comités locaux, en leur
demandant si il fallait appeler à voter contre Sarkozy. Et dans le Rhône en fait,
on avait fait une consultation sur la liste de « Diff », la liste « Actifs », pardon, la
liste des actifs du Rhône, et la majorité a fini par se dégager pour ne pas appeler
à voter contre Sarkozy. (…) Il y a une forme d’apolitisme, de défiance envers
les partis, et que surtout on est des purs, on se mêle pas à ça. Et ça, moi, ça a
jamais été ma conception d’Attac. (…) J’ai toujours considéré, de toute façon,
que la finalité d’Attac, c’est une finalité politique, et que la finalité surtout d’Attac
c’est de travailler avec des partis politiques. Alors, de travailler avec des partis
politiques dans les conditions très précises, très balisées. C’est sur qu’il y a
des dangers, que c’est des questions très très périlleuses, mais en tous cas,
342
GERVAIS, Julie. Les acteurs et le « système d’Attac » : entre mutations du militantisme et nouveaux engagements citoyens.
op.cit., p.59.
343
344
Mathieu, militant, 36 ans, doctorant en sciences politiques, enregistré le 20 octobre 2008 à Lyon.
Voir l’Annexe pour une lettre invitant à signer la pétition nationale pour les services publics, lancé par un député PS, et qui a
apparu sur la liste de diffusion d’Attac-Rhône et a suscité la critique importante.
345
Collectif regroupant la LCR, la Gauche Alter, les Objecteurs de Croissance et des militants de gauche et écologistes. Liste
soutenue par Olivier Besancenot, José Bové et Philippe Ariès.
Maryna Kumeda - 2009
71
Les fluctuations de l’engagement militant : le cas des militants de l’association Attac-Rhône
j’ai jamais considéré que c’était comme ça, d’être autonome, de produire de
la réflexion comme ça dans le désert, sans véritablement justement maîtriser
un tant soit peu les effets que ça pouvait avoir dans les discours politiques et
surtout la manière dont ça pourrait être éventuellement récupéré dans le discours
346
politique par des partis» .
Ce rapport ambigu au champ partisan dans une association qui « fait de la politique »
mais « autrement », avait attiré au début de son histoire un grand nombre de personnes
aux sensibilités différentes. Cette tension non-résolue, qui montait au fil du temps, avait du
contribuer au départ de certains militants et à la désaffection des adhérents, qui s’en sont
rendus compte. Tout en étant dans cette position ambivalente vis-à-vis de l’action politique,
les militants d’Attac tentent « d’instaurer un nouveau rapport à l’espace politique », de « faire
347
le lien entre la réalité de la société et l’univers de sa représentation politique » . La mission
348
d’éducation populaire est révélatrice de la revendication d’un « sursaut citoyen » en vue
349
de « reconquérir les espaces perdus par la démocratie » .
3.3. « Faire de la politique autrement » : éducation populaire,
production de l’expertise, construction du débat public
350
L’institutionnalisation de la pratique d’éducation populaire , les racines de laquelle se
trouvent dans le rapport de Nicolas de Condorcet de 1792 sur l’« organisation générale
de l’instruction publique », remonte à 1866 à la création par Jean Macé de la Ligue de
l’enseignement. Après la Deuxième guerre mondiale le mouvement d’éducation populaire
s’est épanoui avec l’apparition des nombreux organismes et fédérations d’associations :
« Peuple et Culture » en 1945, Fédération Françaises des Maisons de Jeunes et de
la Culture (FFMJC) en 1948, la Fédération Nationale Léo Lagrange en 1951, Aide
à Toute Détresse – Quart Monde (ATD-Quart Monde) en 1952. A partir des années
1960 l’animation socioculturelle et l’éducation permanente substituent en partie le travail
des organismes auparavant puissants d’éducation populaire. Les années 1990 voient le
351
renouveau d’éducation populaire , porté par des petites associations, hors les grandes
fédérations. Et « c’est au moment où certains militants, membres ou non de mouvements
d’éducation populaire regroupés au sein du CNAJEP
346
347
352
s’interrogent sur la pertinence
Mathieu, militant, 36 ans, doctorant en sciences politiques, enregistré le 20 octobre 2008 à Lyon.
GERVAIS, Julie. Les acteurs et le « système d’Attac » : entre mutations du militantisme et nouveaux engagements citoyens,
op.cit., p.122.
348
349
350
Agir local, penser global : les citoyens face à la mondialisation, Paris : Mille et une nuits, 2001.
Plat-forme adoptée par l’Assemblée générale constitutive le 3 juin 1998, www.france.attac.org .
La notion d’ « éducation populaire » renvoie aux activités éducatives, non encadrées par les structures traditionnelles, telles que
la famille, l’école ou l’université. Elles ont lieu dans un cadre collectif et souvent dans l’esprit du « temps de loisir ». Voir « Education
populaire : le retour de l’utopie », Politis, n°29, février-mars 2000.
351
Parmi ces agents les plus importants sont recensés : les Universités populaires du « réseau Onfray », Université populaire
de ATD-Quart Monde, Université d’été citoyenne d’Attac, AFEV (Association de la fondation des étudiants pour la ville), Les Petits
débrouillards, les Foyers ruraux, ou encore le mouvement hip-hop. Voir le dossier « Education populaire : le retour de l’utopie », Politis,
n°29, février-mars 2000.
352
72
Comité pour les relations nationales et internationales des associations de jeunesse et d’éducation populaire (CNAJEP)
Maryna Kumeda - 2009
Chapitre II. L’association Attac-Rhône aujourd'hui. « Déclin ou mutation ? »
353
de cette dénomination que, précisément, Attac la revendique » . Puisque, selon lui, à
travers ce vecteur d’action, Attac, en coopération avec d’autres mouvements sociaux, qui
« se veulent des acteurs directs de la citoyenneté active » (mouvements sociaux contre la
précarité, altermondialiste ou l’action humanitaire), pouvait mieux accomplir la mission de
la formation de la citoyenneté et contribuer à la création et le renforcement du lien social.
Attac se veut devenir l’« université populaire à l’échelle du pays ».
Ainsi, la mission d’émancipation citoyenne à l’aide d’Attac, qui permettra aux citoyens
tous ensemble de renverser la logique existante des choses a trouvé son reflet dans l’ancien
logotype d’Attac.
En 2006 400 associations détiennent un agrément « Jeunesse et Education populaire »
- les fédérations historiques comme la Ligue de l’enseignement, Léo Lagrange ou Peuple
et Culture, aussi que des petites associations. Les représentations sous-jacentes à la
mission d’éducation populaire : les connaissances peuvent être acquises par tout le monde.
Significatif ici est le fait qu’à l’Université populaire, mise à part le cours presque classique
universitaire suivi d’un débat entre le lecteur et le public, a été mis en place une autre
forme d’intervention, selon le témoignage d’un de ses fondateurs à Lyon Philipe Corcuff :
354
la réflexion du groupe à partir des textes mis en disposition par animateur . Ainsi, le
présupposé d’un idéal démocratique se trouve dans le produit d’une réflexion collective.
355
Selon Jacques Ion , l’éducation populaire vit une crise en raison des transformations
des représentations et modèles « d’émancipation civique ». Auparavant, se basant sur
l’idéal d’une « libre discussion d’individus débarrassés de leurs attachements primaires,
356
informés par le savoir raisonnable et exerçant donc leur raison » , l’éducation populaire
s’incarnait dans l’animation socioculturelle prise en charge par l’Etat ou dans une tradition
socialiste. Avec à partir des années 1970 l’effondrement de l’Etat social et le croissant
sentiment de l’insécurité, la précarisation des conditions de vie et du travail, l’émergence
357
du nouveau sujet , portant tout seul la responsabilité de sa vie et cherchant à se réaliser,
à trouver sa dignité et la mettant en avant dans l’espace public, avec l’entrée croissante
des exclus, dépourvus des ressources traditionnellement admises, dans l’espace politique
- autant de facteurs qui suscitent la transformation du rapport au politique et des principes
d’éducation populaire. Les interrogations de Ion animent autant les militants d’Attac-Rhône :
« Le politique relève-t-il encore de l’éducable ? Autrement dit, s’il peut y avoir de l’universel
dans le singulier, si l’abstraction des conditions particulières n’est pas un pré requis de la
pensée du bien commun, si le détour par l’apprentissage des codes de la sphère politique
n’est plus la seule voie d’expression politique, alors y a-t-il encore un avenir pour l’éducation
358
populaire ? »
353
CASSEN Bernard, « Attac : d’abord comprendre », Politis, n°29, février-mars 2000.
354
355
« Universités populaires. Le renouveau », Politis, le 12-18 juin 2008.
ION Jacques, « Peut-on encore parler d’éducation populaire ? Idéal éducatif, engagements publics et socialisation
politique », in (coll.) Un engagement à l’épreuve de la théorie: Itinéraires et travaux de Geneviève Poujol, Harmattan, 2008, p.221-230.
356
ION Jacques, « Peut-on encore parler d’éducation populaire ? Idéal éducatif, engagements publics et socialisation
politique », in (coll.) Un engagement à l’épreuve de la théorie: Itinéraires et travaux de Geneviève Poujol, Harmattan, 2008, p.223.
357
EHRENBERG Alain, La fatigue d’être soi, Odile Jacob, Paris, 1998 ; KAUFMANN Jean-Claude, L’invention de soi. Une
ère
théorie de l’identité, Armand Colin, Paris, 2004 ; LASCH Christopher, La culture du narcissime, Climats, Paris, 2000 (trad., 1
éd.1979) ; SENNET Richard, Les tyrannies de l’intimité, Le Seuil, Paris, 1995 (trad.).
358
ION Jacques, « Peut-on encore parler d’éducation populaire ? Idéal éducatif, engagements publics et socialisation
politique », art.cit., p.228-229.
Maryna Kumeda - 2009
73
Les fluctuations de l’engagement militant : le cas des militants de l’association Attac-Rhône
La difficulté croissante d’attirer le public, qui pourtant s’est montré très intéressé par
le projet Attac au départ, à participer dans la réflexion, - démontre les limites qu’impose
l’usage des codes « légitimes » du langage et de la participation politique « traditionnelle ».
359
Ainsi, la mission d’éducation populaire devient « un slogan abusif » :
« Par contre, une question récurrente à laquelle on répond jamais, mais je
pense, qu’y a pas de réponse, c'est que chaque fois…régulièrement, on revient,
sur le fait, on touche pas les gens dans les banlieues, les machins…et ça, je
pense que c'est de l’utopie, par contre. Euh, je ne vois pas au nom de quoi
et avec quels arguments, et avec quels…sauf à faire une croisade, comme
au temps…du Moyen Age, on irait dire à des gens qui ont des problèmes,
qu’on peu dire connaître, mais c'est pas vrai non plus. Un monde meilleur est
possible, enfin, je caricature là, et voila, ce qu’il faut faire, il faut réfléchir, il faut
comprendre les choses, il faut voter, il faut agir autrement, il faut s’impliquer
dans les mouvements. Moi, je me sens pas du tout cette légitimité. Et je pense
360
que c'est vraiment utopique. »
Les mécanismes de légitimité du capital culturel continue à structurer même le militantisme
dans ce monde de « démocratie radicale ». On le devine dans la distribution des tâches chez
les militants au sein de l’association. Cela est explicité même dans le discours des militants :
« Je pense que j’arrive bien à faire un journal, mais pas encore à l’écrire.
J’aimerais bien savoir l’écrire, c’est les choses sur lesquelles je vais essayer
de me pencher aujourd’hui, mais je ne sais pas écrire, donc je laisse faire à les
gens. Et en plus, les articles qu’on demande, fin, qu’on essaye de faire écrire aux
copines et copains, soient un peu fouillés, il faut un peu maîtriser les choses. Et
moi, j’ai une culture qui est plutôt bonne, très générale et pas très spécifique sur
361
un sujet”
.
Par contre, les modes alternatifs de porter la mission d’éducation populaire, tels que les
projections-débats des documentaires (cycle « Autres regards ») ou activités plus festives,
qui engagent parallèlement des réflexions ou discussions, comme c’était le cas pour les
Rencontres pour une autre mondialisation, qui, rappelons, se sont éteint jusqu’à 2006 par
manque de moyens organisationnels, – suscitent un public plus ou moins stable.
Le défaut des moyens d’intervention et de diffusion de la production d’Attac-Rhône
est lié autant aux contraintes des ressources matérielles et en termes des effectifs, que,
inversement, est conséquence d’autocensure, quand les militants s’interrogeant sur la
capacité d’Attac-Rhône d’attirer le public nouveau, se limitent aux lieux d’investissements
connus et comptent sur le public des sympathisants déjà acquis, souvent constitué par des
militants avérés:
« C’est vrai quand on regarde la façon de fonctionner d’Attac-Rhône et la
façon dont on a toujours fonctionné : on a investi toujours les mêmes lieux,
les réunions ont lieu toujours aux mêmes endroits, quand on fait des cafés
politiques, parce que ça, pour le coup, je crois que ça continue – c’est un des
359
Mathieu, militant, 36 ans, doctorant en sciences politiques, enregistré le 20 octobre 2008 à Lyon.
360
Hélène, militante, 57 ans, assistante de la direction scientifique à INRETS, enregistré le 17 décembre 2008 à Lyon.
361
Jérôme, militant, 38 ans, agent administratif à temps partiel dans une association, enregistré le 7 novembre 2008 à
Lyon.
74
Maryna Kumeda - 2009
Chapitre II. L’association Attac-Rhône aujourd'hui. « Déclin ou mutation ? »
modes d’expression, de communication d’Attac qui continue à exister. Même
quand on fait des cafés c’est toujours aux mêmes endroits, de l’Autre côté
du Pont dans le 7e, et puis les Tables Claudiennes dans le 1er. Voila, quand
on va tracter c’est toujours aux mêmes endroits, de toute façon, on tracte
pas beaucoup. Mais quand on tracte c’est sûr, qu’on va pas tracter dans des
banlieues, etc. Quand on organise des conférences, on les organise toujours
dans les mêmes endroits, soit au 44 rue St.George, soit à la Bourse du Travail.
Bon, en même temps, on n’a pas forcément d’autres possibilités peut-être, mais il
362
y a toute une considération qui rentre en jeu. »
Néanmoins, pour certains militants, Attac-Rhône a longtemps perdu son pied sur le terrain
d’éducation populaire, dont l’indicateur était la désaffection des adhérents, et a devenu lieu
363
364
« élitiste » de militantisme intellectuel , de production d’un « savoir engagé », d’« un
365
discours qui est scientifique et engagé » .
366
La production de contre-expertise
comme une mode d’action remonte aux
367
mouvements écologistes antinucléaires des années 1980 , et a vu la constitution de
nombreux groupes d’experts dans la vague des mouvements sociaux des années 1990.
368
Se voulant au départ un « groupe de pression civique auprès des gouvernements » ,
369
par l’isomorphisme aux régimes de légitimation des politiques néolibérales assurés par
370
les think tanks, Attac a établi un Conseil scientifique en son sein , « garant de la rigueur
371
scientifique des études produites et diffusées par ATTAC » . Avec la croissance des
effectifs et l’évolution d’Attac en organisation de masse, cet aspect de son fonctionnement
a resté un appui dans son action d’éducation populaire ou son action de critique et
d’interpellation des hommes politiques. La baisse des adhésions a mis en cause son
372
caractère d’organisation de masse .
Du fait de fort capital scolaire de ses membres, nous pouvons supposer que, comme
l’indique un militant, sociologue de formation, la conclusion des chercheurs sur la faible
362
363
364
Mathieu, militant, 36 ans, doctorant en sciences politiques, enregistré le 20 octobre 2008 à Lyon.
Mathieu, militant, 36 ans, doctorant en sciences politiques, enregistré le 20 octobre 2008 à Lyon.
MARTY T, « Le militantisme intellectuel des membres d’ATTAC Toulouse. Disposition enseignante, autodidaxie et légitimité dans
un « comité local » », art.cit.
365
Florian, militant, 31 ans, doctorant en histoire, enregistré le 25 novembre 2008 à Lyon.
366
Expertise est définie comme un « savoir spécialisé pour aider à trancher dans une conjoncture problématique », CASTEL
Robert, « Savoirs d’expertise et production des normes, in CHAZEL François et COMMAILLE Jacques (dir.), Normes juridiques et
régulation sociale, Paris, L.G.D.J., 1991.
367
OLLITRAULT Sylvie, « Les écologistes français, des experts en action », Revue française de science politique, vol. 51,
n° 1-2, février-avril 2001, p. 105-130.
368
369
370
RAMONET Ignacio, « Désarmer les marchés », Le Monde diplomatique, 01/12/1997, p.1.
BOLTANSKI Luc, CHIAPELLO Eve, Le nouvel esprit du capitalisme, Paris, Gallimard, 1999.
Dans la même logique, les éléments de la critique altermondialiste étaient élaborés par d’autres groupes de réflexion,
d’expertise et de diffusion d’information. Voir MATHIEU Lilian, « La constitution du mouvement altermondialiste français », art.cit.
371
Article 12. Statuts de l’association, adoptés par l’Assemblée générale constitutive le 3 juin 1998,
www.france.attac.org
(Voir l’Annexe).
372
Environ 7 000 adhésions enregistrées au premier trimestre 2009. www.france.attac.org .
Maryna Kumeda - 2009
75
Les fluctuations de l’engagement militant : le cas des militants de l’association Attac-Rhône
emprise d’Attac sur les classes populaires est connue, et commence à s’intégrer dans le
discours des militants. Ainsi, à l’opposé de l’objectif de « s’approprier ensemble l’avenir de
notre monde» par les citoyens, l’accent est mis sur un autre vecteur de l’activité d’Attac, la
production de l’expertise.
« Je pense que les travaux qui ont été faits sur Attac qui indiquent le profil
sociologique, composition sociologique de l’association, de toute façon, tendent
à montrer que l’association n’a pas emporté dans une classe populaire. Je
pense que ça a fait son effet. Je pense qu’il y a quand même une prise de
conscience surtout sur sa faible prise sur les groupes populaires. Donc, est
difficile après, quand on prend conscience de ça, et puis quand on a en plus, une
certaine démonstration dans les travaux de chercheurs, autant plus difficile de
373
revendiquer, étiqueter d’éducation populaire. C’est que c’est pas le cas » .
Si le problème de manque d’échange et de délibération entre les récepteurs et les
producteurs des analyses dans le cadre de diffusion des propos d’Attac est ancien, la
diminution importante des effectifs militants pose un nouveau défi. Le vecteur d’activité de
production de l’expertise trouve l’appui chez des militants, autant anciens que les nouveaux
arrivés. Moins sont les capacités qualitatives et quantitatives de l’association de relayer
ses analyses dans la population. Serait-il un signe de transformation de l’association en
institution du militantisme intellectuel ?
Les capacités d’Attac-Rhône de construire un débat public sont limitées pour les mêmes
causes qu’autres modes d’action. « La soirée militante », comme « mode de transmission
374
du savoir militant » le plus caractéristique à Attac, a un présupposé sous-jacent de son
visée du public converti, militant, et non pas le grand public. Sinon :
« Il y a les manifs. Je crois qu’elles sont le moyen d’Attac-Rhône pour produire
le débat public. Déjà, tout ce qui est manif, on tracte. Une première chose. Il y
a les cafés politiques. Il y a des conférences. Il y a aussi les événements qu’on
organise de façon un peu spontanée en s’appuyant sur un agenda qui n’est pas
le nôtre. Ca veut dire, sur l’agenda gouvernemental ou politique. Je vais prendre
les exemples. C’est G8, par exemple. C’est typiquement le type d’événement dont
375
se saisie Attac. C’est un des modes d’action d’Attac ” .
Or, nous avons pu voir que ces actions sont très limitées, ainsi est l’emprise d’Attac-Rhône
376
sur l’agenda militant de Lyon. Dès lors, « changer l’air du temps » à travers les analyses
est pensé comme une mission primordiale par les militants, y ayant trouvé leur compte.
3.4. La place d’Attac-Rhône dans l’espace militant de Lyon
Mise à part les activités directement assurées par des militants d’Attac-Rhône, elles se
font à travers les collectifs et les organisations dont elle fait partie, ou même à travers
l’activité de ses anciens militants gardant l’étiquette d’ « attakiens ». Ainsi, Attac-Rhône
est membre du Conseil d’administration et reçoit régulièrement des comptes-rendus de ses
373
Mathieu, militant, 36 ans, doctorant en sciences politiques, enregistré le 20 octobre 2008 à Lyon.
374
Mathieu, militant, 36 ans, doctorant en sciences politiques, enregistré le 20 octobre 2008 à Lyon. Ce militant a insisté à
plusieurs reprises que c’est une action type d’Attac-Rhône.
375
376
76
Mathieu, militant, 36 ans, doctorant en sciences politiques, enregistré le 20 octobre 2008 à Lyon.
Florian, militant, 31 ans, doctorant en histoire, enregistré le 25 novembre 2008 à Lyon.
Maryna Kumeda - 2009
Chapitre II. L’association Attac-Rhône aujourd'hui. « Déclin ou mutation ? »
377
représentants auprès du Centre d’initiatives et d’informations (CIRDEL) , de la Formation
378
Action Citoyenne (FAC) , du cycle cinématographique « Autres regards », mais aussi est
379
fondatrice du Collectif de soutien au peuple Palestinien (y ayant une représentante), de
380
RES'OGM , de l’organisation du «Soutien aux sans papiers », l’Observatoire Lyonnais
pour la défense des libertés fondamentales en Tunisie, n’existant plus.
La continuité d’action d’Attac-Rhône, soulignée par les militants actuels, dans les
« Autres regards », à la FAC, ou encore à travers la démonstration du spectacle « Super
promo global planète », est justifiée par l’évocation de l’implication des anciens (et
quelquefois actuels) membres de l’association dans la fondation et le fonctionnement de
ses organisations. Ainsi, le cycle cinématographique « Autres regards », co-organisé par
Attac-Rhône, Ciné Travail, Cinéma le Zola, - est fait avec la participation d’un ancien militant
d’Attac-Rhône, animateur du groupe de réflexion « Culture », qui sur ce nouveau terrain
a trouvé un moyen de reconversion de ses compétences militantes et de réalisation de
son intérêt, aussi qu’une meilleure appréciation (les projections accueillent un public de
vingtaine-trentaine de personnes) :
« J’ai fait parti du groupe « Culture » pendant très longtemps, quasiment jusqu’à
qu’il est terminé. C’était P. qui s’occupait de ça, P. qui s’occupe de festival, du
site « Autres regards ». Bah, au moment donné, P. en avait marre de…pareil,
c’est un peu une lassitude de faire toujours la même chose, donc il a décidé
d’arrêter le groupe. Ils ont continué à quelques membres du groupe à faire
381
tourner, continuer à faire le cycle « Autres regards » .
En outre, le passage à l’action politique est entrepris par certains militants, anciens et actifs,
dans une démarche individuelle. Plusieurs militants ont participé aux listes AUDACES lors
des élections municipales en 2008, ou encore à « La gauche autrement » aux municipales
en 2001, en tant que candidats ou dans les comités de la campagne pour José Bové lors
des élections présidentielles en 2007.
Non seulement les militants d’Attac se sont investis dans d’autres organismes,
ce qui produit le dépérissement de l’activité propre d’Attac-Rhône, mais le contexte
environnemental est changé également. Dès lors que nous prenons en compte la
multipositionnalité d’un militant altermondialiste, il serait logique que celui à Lyon s’informe
377
L’organisation veut construire une large mobilisation contre les quatre lois (La loi Sécurité Quotidienne, La loi d’Orientation et
de Programmation pour la justice, La loi Sécurité Intérieure, Le projet de loi Perben). Les axes suivants d’action sont envisagés : le
travail de réflexion collective et « des actions pour dénoncer publiquement la dangerosité de ces textes », « création d’un réseau de
vigilance contre les atteintes aux libertés individuelles et collectives que ces diverses lois vont faciliter ». « Manifeste du CIRDEL :
Centre d’initiative et de réflexion pour la défense des libertés », http://cirdel.lyon.free.fr/ .
378
Formation Action Citoyenne (FAC), www.la-fac.org
379
380
http://collectif69palestine.free.fr .
« Association rhônalpine, née d’une rencontre entre une quinzaine de structures liées au monde agricole et à l’environnement,
créée en 2005. Suite à l’assurance d’un soutien financier de la Région Rhône-Alpes, Rés’OGM Info a développé des projets
d’information sur les OGM (organismes génétiquement modifiés) et de valorisation des alternatives aux OGM ». Le champ d’action
est vaste : de constitution d’une bibliothèque des documents écrits et vidéo et des expertises sur la question à l’organisation des
conférences, débats et formations. www.resogm.org .
381
Jérôme, militant, 38 ans, agent administratif à temps partiel dans une association, enregistré le 7 novembre 2008 à
Lyon.
Maryna Kumeda - 2009
77
Les fluctuations de l’engagement militant : le cas des militants de l’association Attac-Rhône
et s’investisse dans des projets et organismes suivant, ou créant, l’offre du militantisme et
son évolution.
382
Entre autres, l’Université populaire de Lyon constitue une alternative pour ceux qui
veulent s’informer et se former. Les universités populaires, dont l’idée remonte au XIX
383
siècle, refont leur apparition : à partir des 1960 l’Association des universités populaires
384
de France se développe, s’étant associée plus tard à la Ligue de l’enseignement et à
385
386
European Association for Education of Adults . A l’initiative du philosophe Michel Onfray ,
dans l’objectif de faire propager un « savoir critique » par une action d’éducation populaire,
dans le contexte de la présence renversante de Le Pen au second tour des élections
présidentielles, la première Université populaire est fondée à Caen en 2002. L’idée est
reprise par Françoise Bressat et Philip Corcuff à Lyon en 2005. Dans les Universités
populaires du réseau « Onfray » on compte un nombre important des retraités, nombreux
387
employés et professions intellectuelles, de rares ouvriers , un public au capital culturel
relativement élevé (« la moitié des auditeurs sont des étudiants, des enseignants ou des
388
travailleurs sociaux » de l’âge moyen de 40 ans ) - un public qui ressemble à celui
d’Attac-Rhône. L’Université populaire, de pair avec Attac, a des difficultés de saisir le public
provenant des « classes populaires » : ayant pu « étendre le public habituel de l’université
(vers diverses catégories de salariés : techniciens, employés, voire quelques ouvriers et
chômeurs) », elle « rencontre aussi des limites. Ne s’intéressent à nos cours que ceux
qui, par une démarche d’autodidacte ou par une certaine pratique de la lecture après la
sortie du système scolaire, ont maintenu des liens avec les savoirs que nous enseignons.
Par ailleurs, nous ne nous sentons pas capables de rattraper les effets des mécanismes
sociaux de l’échec scolaire ». Néanmoins, les interventions à l’Université populaire semblent
389
accueillir un public important, voir remplir la salle du Lycée Diderot dans le quartier de la
Croix Rousse de Lyon. Compte tenu que sa fréquentation n’exigerait pas autant d’effort et
d’implication dans le projet d’autoformation, qu’il serait nécessaire de déployer pour le travail
dans un groupe de réflexion à Attac-Rhône, nous estimerons que les deux organismes
d’éducation populaire ont pour le cible un public proche, qui préfère néanmoins le cadre
moins attachant et ne nécessitant l’implication au long terme de l’Université populaire, à
390
l’image de l’« engagement distancié » dont parle J.Ion. Ainsi, sans nier la demande pour
l’action d’éducation populaire dans la population, nous supposons que le développement de
l’offre plus diversifié depuis la création d’Attac avait pu faire son ancien public vers d’autres
organismes.
382
383
384
385
386
L’Université populaire de Lyon, http://uplyon.free.fr/ .
« Universités populaires. Le renouveau », Politis, le 12-18 juin 2008.
l’Association des universités populaires de France (AUPF), www.universitepopulaire.eu .
L’AUPF compte aujourd'hui plus de 100 universités et 110 000 auditeurs, www.eaea.org .
Communauté philosophique : manifeste pour l’université populaire, Galilée, 2004,
http://pagesperso-orange.fr/
michel.onfray/UPcaen.htm .
387
388
« Universités populaires. Le renouveau », Politis, le 12-18 juin 2008.
Selon les résultats d’une enquête de type journalistique (155 questionnaires), menée par des étudiants de l’IEP de Lyon,
lors d’une séance assurée par P.Corcuff en janvier 2005, voir « L’alliance conflictuelle de l’Université et du populaire », entretien avec
P.Corcuff, Agora, n°44, p.41.
389
« Entre 40 et 200 personnes (en fonction des cours) assistent à chaque séance chaque semaine », voir « L’alliance
conflictuelle de l’Université et du populaire », entretien avec P.Corcuff, Agora, n°44, p.36-44.
390
78
ION Jacques, La fin des militants ?, Paris, Ed.de l’Atelier, 1997.
Maryna Kumeda - 2009
Chapitre II. L’association Attac-Rhône aujourd'hui. « Déclin ou mutation ? »
L’organisation Attac-Rhône s’est sans doute transformée depuis sa fondation. Ses
militants se sont que très peu renouvelé, et le nombre d’adhérents est en baisse constante.
391
Ayant pu proposer un cadre d’interprétation de la réalité social qui avait suscité une
adhésion massive des individus, l’association au cours de son évolution n’a pas su les
garder. Processus naturel pour toute organisation, le turn over, un cycle de désaffection
militante, ne s’est pas substitué par un autre, d’adhésion de nouveaux venus. Or, cela
semble avoir beaucoup influencé le fonctionnement interne de l’association. S’étant affaiblie
en interne dans ses effectifs militants, elle mène une réflexion sur les possibilités de
reprendre son poids d’avant.
Ayant pris connaissance avec les conditions d’émergence, de l’essor et de l’état actuel
de l’association Attac-Rhône, nous avons parcouru les événements principaux de son
histoire, les débats et les tensions manifestés dans son activité, l’insérant également dans
le contexte de la place occupée par Attac dans l’espace militant et altermondialiste en
France. Nous avons présenté le profil de ces adhérents et ces militants, aussi que leurs
représentations de leur engagement et de sa portée politique. Ainsi, maintenant que nous
avons restitué la configuration structurelle, l’évolution historique et la dimension humaine
de cet important projet citoyen, nous pourrons, dans le dernier chapitre, analyser les effets
différenciés des diverses éléments de l’engagement militant sur ses fluctuations.
391
“Cadres d’interprétation” servent “d’attribuer un sens et d’interpréter les événements et les situations”, et peuvent ainsi
contribuer à la mobilisation suite à un « alignement des cadres ». Voir SNOW A., ROCHFORD Burke, WARDEN K. Steven, BENFORD
D. Robert, “Frame Alignment Process, Micromobilization, and Movement Participation”, American Sociological Review, 51, 1986,
p.464-481; SNOW David A., BENFORD Robert D., « Ideology, Frame Resonance, and Participant Mobilization », International Social
Movement Research, 1, 1988, p.197-217.
Maryna Kumeda - 2009
79
Les fluctuations de l’engagement militant : le cas des militants de l’association Attac-Rhône
Chapitre III. L’engagement et ses
fluctuations : le cas des adhérents et
des militants d’Attac-Rhône
Nous avons pu faire jusqu’ici connaissance avec l’histoire de l’association Attac-Rhône,
son essor et ses signes actuels de déclin. Dans la partie de notre analyse qui suit, nous
allons nous centrer sur les logiques individuelles qui amènent des acteurs à rejoindre
l’association, à s’engager activement ou à suivre ses activités sans participer à l’action, ou
bien à s’éloigner voire à la quitter pour éventuellement s’investir dans d’autres domaines.
Le militantisme, comme toute autre activité sociale, est déterminé par de multiples facteurs,
et c’est précisément l’interaction et l’effet commun de ses multiples éléments, que nous
souhaitons mettre en lumière.
1. Les approches sociologiques contemporaines du
militantisme
392
Comprendre les fluctuations de l’engagement nécessiterait son « analyse processuelle»
393
,
qui implique une approche longitudinale
et permet de dépasser des limites d’une
394
« coupe synchronique » . Ce qui est vécu comme déclin par les uns (nostalgiques du
temps de décollage d’un mouvement), ne suscite pas les mêmes sentiments chez les
autres, apportant leur enthousiasme et leur envie de s’impliquer. Le fait d’« historiciser les
investissements politiques » permet de prendre en compte le contexte environnemental:
la conjoncture politique, la configuration des forces dans l’espace politique et la position
qu’occupe l’organisation dans des moments spécifiques de son histoire. L’investissement
militant chez un acteur et l’engagement dans une association particulière varient selon les
392
FILLIEULE Olivier, « Propositions pour une analyse processuelle de l’engagement individuel », Revue française de science
politique, vol.51, n°1-2, février-avril 2001, p.199-217.
393
« Les approches longitudinales ont pour caractéristique l’étude d’événements ou d’états, objectifs ou subjectifs, dans
leur succession et leurs interactions, en rapport avec un temps historiquement défini, survenus à une même entité (individu,
famille, organisation...), au sein d’un groupe bien défini (génération, promotion) », Daniel COURGEAU, Eva LELIEVRE, Analyse
démographique des biographies, Paris, Editions de l’INED, 1972, cité in Anne MUXEL, L’expérience politique de jeunes, Paris, Presses
de Sciences Po, 2001, p.114, cité in FILLIEULE Olivier, « Propositions pour une analyse processuelle de l’engagement individuel »,
art.cit., p.202.
394
Elle « ne peut jamais décrire qu’un système défini par un équilibre ponctuel, ce qui revient à laisser échapper ce que ce système
doit à son passé, et par exemple, le sens différent que deux éléments semblables dans l’ordre des simultanéités peuvent tenir de
leur appartenance à des systèmes différents dans l’ordre des successions », BOURDIEU Pierre, CHAMEBOREDON Jean-Claude et
PASSERON Jean-Claude, Le métier de sociologue, Paris, Mouton, 1968, p. 73, cité in FILLIEULE Olivier (dir.), Le désengagement
militant, op.cit., p.12-13.
80
Maryna Kumeda - 2009
Chapitre III. L’engagement et ses fluctuations : le cas des adhérents et des militants d’AttacRhône
périodes. Une telle approche va également permettre de prendre en compte les effets de
395
sélection
et les effets de la durée de l’engagement. Ensuite, cela permet la prise en
compte des conséquences biographiques de l’engagement, des possibilités et des modes
de reconversion des ressources militantes acquises. Cela coïncide avec l’intérêt pour le
396
concept de l’espace des mouvements sociaux , où les répertoires d’action, les militants,
les ressources et les cadres circulent et sont interdépendants.
Dans cette approche, O.Fillieule souligne la nécessité d’articuler « une analyse
compréhensive des raisons d’agir avancées par les individus à l’objectivation des positions
397
398
successivement occupées par ces individus » . Le concept de carrière militante
permettrait d’articuler au mieux la trajectoire individuelle et le contexte, organisationnel
et militant, de son déroulement. C’est à travers l’articulation des propos recueillis avec
le contexte de l’énonciation même, mais aussi des faits récoltés dans d’autres sources
et les déterminants sociaux dégagés, que nous allons essayer d’éviter les « illusions
399
biographiques » produites par des interviewés. Un avantage incontestable de la méthode
biographique, selon O.Fillieule et N.Mayer, est qu’elle permet « de mettre en œuvre une
conception du militantisme comme processus. Autrement dit, de travailler ensemble les
questions des prédispositions au militantisme, du passage à l’acte, des formes différenciées
et variables dans le temps prises par l’engagement, de la multiplicité des engagements le
400
long du cycle de vie et de la rétraction ou extension des engagements » .
Pour étudier les fluctuations de l’engagement à l’aide d’un concept de carrière la
méthode de recueil des récits de vie, que nous avons choisie, est la plus adaptée, dans
la mesure où elle, par « la mise en ordre temporelle des différents registres d’expérience,
permet de rendre compte du jeu des rencontres entre des dispositions particulières et des
401
circonstances changeantes » . Le comportement d’un acteur ne peut être expliqué ni
comme résultant de ses déterminants sociaux, ni comme le produit de sa volonté libre. « Tout
au long de son parcours il doit faire des choix. A chaque étape, ces choix se révèlent être
395
La corrélation entre les configurations organisationnelles, idéologiques ou humaines d’un groupe, le profil des engagés et le
caractère de leur engagement : « (…) ceux qui sont là ne sont sans doute pas « identiques » à tous ceux qui sont partis », dans
FILLIEULE Olivier (dir.), Le désengagement militant, op.cit., p.12.
396
MATHIEU, Lilian, « L’espace des mouvements sociaux », Politix, n° 77, 2007.
397
FILLIEULE Olivier, « Propositions pour une analyse processuelle de l’engagement individuel », Revue française de science
politique, vol.51, n°1-2, février-avril 2001, p.214.
398
Howard Becker dans son ouvrage Outsiders (1963) a repris le concept de carrière (professionnelle) chez Everett Hughes,
qu’il définit de façon suivante : « dans sa dimension objective, une carrière se compose d’un série de statuts et d’emplois clairement
définis, de suites typiques de positions, de réalisations, de responsabilités et même d’aventures. Dans sa dimension subjective, une
carrière est faite de changements dans la perspective selon laquelle la personne perçoit son existence comme une totalité et interprète
la signification de ses diverses caractéristiques et actions, ainsi que tout ce qui lui arrive ». Becker a reformulé et adapté la notion de
re
carrière pour l’appliquer dans l’étude de la déviance (BECKER Howard, Outsiders, Paris, Métailié, 1985, p.126 (1 éd. : The Free
Press of Glencoe, 1963), cité in Fillieule Olivier, « Propositions pour une analyse processuelle de l’engagement individuel », art.cit.,
p.200.
399
400
BOURDIEU Pierre, « L’illusion biographique », Actes de la recherche en sciences sociales, n°62-63, juin 1986, p.69-72.
FILLIEULE Olivier, MEYER Nonna, « Devenir militants. Introduction », Revue française de science politique, vol.51, n°1-2,
février-avril 2001, p.24.
401
FILLIEULE Oliver et BROQUA Christophe, « La défection dans deux associations de lutte contre le sida : Act Up et AIDES »,
in FILLIEULE Olivier (dir.), Le désengagement militant, Paris, Belin, 2005, p.216.
Maryna Kumeda - 2009
81
Les fluctuations de l’engagement militant : le cas des militants de l’association Attac-Rhône
le produit complexe de conditions liées à un ensemble de propriétés à la fois personnelles
et contextuelles. Chaque choix contribue ensuite à déterminer les opportunités futures
par les changements induits en termes de comportement, d’expériences acquises et de
perspectives. Autrement dit, à chaque étape de la biographie, les attitudes et comportement
sont déterminés par les attitudes et comportements passés et conditionnent à leur tour le
champ des possibles à venir, resituant ainsi les périodes d’engagement dans le cycle de
402
vie » . En outre, cette méthode permet de repérer les représentations des acteurs de leur
activités, le sens qu’ils y attribuent, les interprétations et les conséquences de leurs actions,
alors que la perception de la réalité par les acteurs permet de mieux, que les dimensions
objectives de cette réalité, expliquer leur comportement, et qu’elle est au fondement des
faits sociaux, car les idées sont des prophéties auto-réalisatrices
403
.
2. Les facteurs des fluctuations de l’engagement
404
Nous avons décidé de ne pas établir des types
de militants ou de trajectoires des
militants venus, engagés, actifs ou partis d’Attac-Rhône, mais plutôt d’analyser les divers
éléments qui conditionnent l’engagement et ses fluctuations dans l’association. Quitte à
ne pas donner une réponse claire à la question sur l’état de l’association, nous voulons
présenter les dynamiques à l’œuvre dans les fluctuations de l’engagement. Si nous devrons
définir les interviewés de notre échantillon, douze sont des militants actifs ou en processus
transitoire et cinq désengagés, auparavant très impliqués à Attac-Rhône. Or, parmi ces cinq
désengagés, au moins trois gardent un lien, symbolique mais repérable, avec l’association,
dans la mesure où lors des interventions diverses dans des événements militants et des
conférences à Lyon, ils s’identifient comme « militants d’Attac-Rhône », qu’un ancien militant
va participer à l’Assemblée générale d’Attac France, ou encore, lors de représentations
du spectacle, monté à Attac-Rhône, dont s’occupe toujours un ancien militant. Parmi les
douze actifs, huit peuvent être définis comme impliqués, mais alors selon une intensité très
variable, car ils sont au moins deux à faire partie des « dinosaures »-fondateurs d’AttacRhône, deux autres sont des nouveaux arrivés entre 2007 et 2008, et quatre se sont
engagés à des moments intermédiaires de l’histoire de l’association. Cependant, dans les
propos d’au moins quatre actifs ressortaient des doutes, des prises du recul ou le temps
passé des verbes dans la description de leurs activités militantes, alors que deux d’entre eux
ont des mandats et des responsabilités au bureau. Ainsi, « le désengagement ne renvoie ni
402
403
404
Ibid, p.217.
MERTON Robert K., Social theory and social structure, New York, 1957.
B.Klandermans souligne que malgré l’existence de nombreux ouvrages sur le déclin des mouvements, à sa connaissance, son
étude de défection dans un mouvement pour la paix aux Pays-Bas en période du déclin était « la première tentative menée […] pour
comprendre et mesurer les étapes de la défection à différents points dans le temps, pour comprendre qui part à tel ou tel moment,
qui reste, et pourquoi ». Ainsi, il a pu distinguer trois profils : 1) les persistants qui restent dans l’organisation en déclin et continuent
à maintenir son fonctionnement, 2) les mobiles la quittent pour s’engager dans un autre mouvement, 3) les disparus arrêtent tout
engagement. (Voir KLANDERMANS Bert, « Une psychologie sociale de l’exit », in FILLIEULE Olivier (dir.), Le désengagement militant,
Paris, Belin, 2005, p.107. KLANDERMANS Bert, « Transient Identities ? Membership Pattern in the Dutch Peace Movement », dans
Larana E., Johnston H., Gusfield J.R. (eds), New Social Movements. From Ideology to Identity, Philadelphia, Temple University Press,
1994, p.168-184. KLANDERMANS Bert, OEGEMA D., “Potentials, Networks, Motivations and Barriers: Steps towards Participation in
Social Movements”, American Sociological Review, vol.52, n°4, 1987, p.519-531.)
82
Maryna Kumeda - 2009
Chapitre III. L’engagement et ses fluctuations : le cas des adhérents et des militants d’AttacRhône
à une situation claire ni à un état définitif. Il faut l’entendre plutôt comme un processus qui,
des premiers doutes à la rupture effective, peut s’étirer sur plusieurs années et prendre des
405
formes inattendues » . Une démonstration de la justesse de cette thèse est fournie par un
militant, qui tout en étant assez présent lors de nos observations durant l’année 2008-2009,
406
se définit comme « ayant pris la distance » avec l’association Attac-Rhône.
De là, nous nous assurons de l’état hautement indécis de l’engagement à Attac-Rhône,
aggravé par les signes extérieurs du déclin de l’association. Ainsi, nous allons voir la
complexité d’éléments qui influencent sa définition par un(e) (ex)militant-e. Il y a quelques
difficultés dans ce chemin. Tout d’abord, une difficulté à discerner les facteurs prépondérants
pour les transformations de l’engagement ou le désengagement : lequel nourrit les doutes et
est source des déceptions, lequel était élément déclencheur, quelles raisons indiquées sont
profondes et lesquelles relèvent de l’ordre de la justification qu’on avance publiquement.
Pour mieux comprendre ces dernières, O.Fillieule propose de discerner les motivations, les
raisons profondes du changement de comportement, et des motifs, qui sont un produit d’une
« verbalisation permettant, en situation, de produire des justifications du comportement »
407
, et dépendent du contexte culturel et des catégories et usages du langage. Une autre
difficulté, nous l’avons vu, est liée à l’ambigüité de la parole sur soi et son militantisme,
selon le moment d’interrogation, l’état d’esprit et d’autres facteurs qui peuvent créer une
image isolée dans un moment précis et ne pas permettre de saisir la complexité de l’état
de l’engagement d’un acteur.
En vue de dépasser cela, nous avons essayé d’articuler les propos exprimés par
les acteurs avec d’autres informations recueillies, de les inscrire dans la trajectoire de
l’interviewé et la réalité observable de ses activités dans l’association, ou encore ses
408
réinvestissements militants pour ceux qui se déclarent « désengagés » d’Attac-Rhône .
Les fluctuations de l’engagement sont conditionnées par la multiplicité des facteurs,
autant internes de l’association (l’étape de son développement et les conditions matérielles
du fonctionnement, la capacité et les stratégies du recrutement et de renouvellement
des effectifs, l’encadrement organisationnel des activités, les modes d’intégration et les
formes de sociabilité militante), qu’externes (le statut d’organisation de masse et la
fréquentation des activités proposées au public, l’image médiatique et la perception
dans l’opinion publique de l’organisation, liées à l’offre de militantisme dans le champ
de lutte et dans l’espace militant géographique respectifs, mais également au contexte
405
FILLIEULE Oliver et BROQUA Christophe, « La défection dans deux associations de lutte contre le sida : Act Up et AIDES », in
FILLIEULE Olivier (dir.), Le désengagement militant, Paris, Belin, 2005, p.191.
406
Ce militant, alors que de par sa présence physique dans l’association pourrait être défini comme « actif », se dit d’avoir été militant
d’Attac-Rhône : « Moi j’ai pris la distance par rapport à Attac. Donc voila, j’ai milité à Attac, j’y suis toujours. En fait je m’occupe de la
radio aujourd’hui à Attac. Alors ce que je fais, je fais essentiellement ça. », Mathieu, militant, 36 ans, doctorant en sciences politiques,
enregistré le 20 octobre 2008 à Lyon. Ses premières déceptions remontent à l’après-campagne référendaire de 2005 et prennent,
ainsi, de plus en plus de corps, même s’il est encore très impliqué dans le groupe radio. C’est concernant l’état d’avancement des
négociations avec la radio Canut et autres pistes, qu’il venait aux réunions, pour informer et avoir l’approbation pour la poursuite.
Voir Chapitre 2.)
407
FILLIEULE Oliver et BROQUA Christophe, « La défection dans deux associations de lutte contre le sida : Act Up et AIDES »,
in FILLIEULE Olivier (dir.), Le désengagement militant, op.cit., p.281-282.
408
La connaissance sur le devenir des désengagés va alors enrichir l’image de leurs engagements passés dans la mesure
où elle « renseigne sur les possibles entrouverts, freinés ou censurés auparavant par l’appartenance politique, et qui sont désormais
facilités ». GOTTRAU X Philippe, « Autodissolution d’un collectif politique. Autour de Socialisme ou Barbarie » in FILLIEULE
Olivier (dir.),
Le désengagement militant
,
op.cit.
, p.89.
Maryna Kumeda - 2009
83
Les fluctuations de l’engagement militant : le cas des militants de l’association Attac-Rhône
changeant sociopolitique et économique). Les transformations de l’engagement peuvent
être rapportées également aux dynamiques proprement individuelles de l’acteur : les
changements des rétributions perçues du militantisme, les possibilités de reconversions
409
des capitaux militants , la routinisation, la fatigue et la déception dans son engagement,
la réorientation et l’attachement à de nouvelles causes, les événements biographiques et
410
les changements d’équilibre d’investissements dans des sphères de vie diverses. La
411
prise en compte des trois dimensions de l’attachement au groupe est important pour
comprendre les mécanismes de défections : 1) le maintien de l’attachement dépend du coût
412
413
de la défection , lui-même évalué en fonction des renoncements et des efforts investis
par le militant dans son engagement, 2) la cohésion dans un groupe, conséquence de la
renonciation et de la communion, et 3) le contrôle de l’engagement par l’organisation à l’aide
414
de divers mécanismes pour aboutir à l’adhésion .
415
Le fait de distinguer les générations (cohortes)
des militants au sein de l’association
permet de mieux comprendre les motivations et le déroulement de l’engagement, de
prendre en compte le moment de l’entrée et la durée de l’engagement, mais aussi les
effets du recrutement et de la sélection dans l’association, la trajectoire et la transformation
de l’identité de l’organisation avec le remplacement des générations militantes. Selon le
contexte économique et politique le fait de s’engager ne signifie pas la même chose et ne
vise pas les mêmes objectifs. Selon la période où se trouve l’organisation, l’engagement
409
Le capital militant est « incorporé sous forme de techniques, de dispositions à agir, intervenir, ou tout simplement obéir,
il recouvre un ensemble de savoirs et de savoir-faire mobilisables lors des actions collectives, des luttes inter ou intra-partisanes,
mais aussi exportables, convertibles dans d’autres univers, et ainsi susceptibles de faciliter certaines « reconversions ». MATONTI
Frédérique et POUPEAU Franck, « Le capital militant. Essai de définition », Actes de la recherche en sciences sociales, n° 155,
2004/5, p.8.
410
Les sphères de vie sont les « différents espaces qui ont leurs frontières réelles et symboliques, leur logique et dynamique
propre ». Leur dimension objective se révèle dans l’appartenance d’un acteur à des groupes (famille, travail, amis, association, etc.),
alors que la dimension subjective est liée au sens que l’acteur attribue à ces appartenances et aux interactions qu’elles entraînent. La
thèse de Passy est celle que tout changement dans la structure relationnelle de l’acteur entraîne des remaniements identitaires, et,
ainsi, contribue aux transformations du sens que l’acteur attribue à son engagement politique et aux transformations de celui-ci. PASSY
Florence, “Interactions sociales et imbrications des sphères de vie”, in Fillieule Olivier (dir.), Le désengagement militant, op.cit., p.115.
411
Fillieule précise que l’attachement est ici utilisé dans le sens du terme anglais “commitment” pour distinguer le mécanisme du
maintien de l’engagement du processus de l’entrée dans celui-là. FILLIEULE Olivier, « Temps biographique, temps social et variabilité
des rétributions » in FILLIEULE Olivier (dir.), Le désengagement militant, op.cit., p.40.
412
413
HIRSCHMAN Albert, Défection et prise de parole. Théorie et applications, Paris, Fayard, 1995.
L’effet « surgénérateur de l’engagement » fait partie du processus de l’attachement au groupe, dans la mesure où
« l’obtention de gratifications personnelles est intimement liée à l’accomplissement des activités partisanes ». GAXIE Daniel,
“Economie des partis et rétributions du militantisme”, Revue française de science politique, février, vol.27, n1, 1977, p.123-140.
414
KANTER R.M., “Commitment and Social Organisation: A Study of Commitment Mechanisms in Utopian Communities”,
American Sociological Review, 33, 1968, p.499-517 cite in FILLIEULE Olivier, « Temps biographique, temps social et variabilité des
rétributions » in FILLIEULE Olivier (dir.), Le désengagement militant, art.cit., p. 40-42.
415
Le terme de génération, ou cohorte, est défini non pas comme une « communauté d’âge », mais comme « communauté
d’adhésion ». N.Whittier a analysé par cohortes le mouvement féministe de Columbus, Ohio. D.Labbé et M.Croisat dans l’étude de la
désyndicalisation prennent en compte la variable d’appartenance à une génération militante spécifique sur l’engagement. (WHITTIER
Nancy, « Political générations, Micro cohorts and the Transformations of Social Movements », American Sociological Review, vol.62, n
°5, oct.1997, p.760-778 ; LABBE Dominique et CROISAT Mauric, La fin des syndicats ?, Paris, l’Harmattan, coll. « Logiques sociales »,
1992 cité dans FILLIEULE Olivier (dir.), Le désengagement militant, op.cit., p.26-27, 255).
84
Maryna Kumeda - 2009
Chapitre III. L’engagement et ses fluctuations : le cas des adhérents et des militants d’AttacRhône
d’un militant peut avoir des motivations différentes. Selon ce qu’il y a vécu et selon le temps
de son militantisme, son lien avec l’organisation et ses autres militants peut varier, ce qui
influence considérablement le coût de la sortie.
2.1. Générations militantes
Quoique l’ancienneté du comité local Attac-Rhône soit restreinte, nous pouvons
schématiquement distinguer les quelques générations selon le moment de l’entrée, qui
est généralement corrélatif avec le registre de motivation et révèlent quelques autres
déterminants sociographiques. Dans notre cas nous pouvons distinguer le « noyau
416
dur » , la deuxième génération et les nouveaux arrivés récemment. Selon les conclusions
417
de E.Cruzel, la génération fondatrice d’Attac
« obéit à une logique de reconversion
de pratiques et de savoir-faire militants », tandis que l’engagement postérieur à Attac
418
« correspond davantage à « une phase interstitielle de la vie sociale » (reconversion
socioprofessionnelle, passage en retraire, entrée ou retour dans la vie active) ». Nous avons
pu confirmer ses conclusions sur notre échantillon, ce que nous allons voir ensuite.
L’existence du « noyau dur » ressort le plus souvent dans les propos non seulement
de ses représentants, mais aussi de ceux arrivés plus tard, voire, des nouveaux arrivés,
ayant été socialisés au langage « attakien ». D’une part, cette génération est celle des
fondateurs d’Attac-Rhône, donc de personnes ayant un poids symbolique important comme
précurseurs et pionniers d’Attac, mais également ayant vécu les déceptions liées à la crise,
à la baisse des effectifs et au déclin des activités de l’association. L’effet de ce poids
symbolique se révèle dans les propos de ce militant, engagé depuis 2002, qui regrette
ne pas avoir vécu le moment du début, le « big bang », « la folie » de la fondation de
l’association :
« C’est ça le noyau d’Attac-Rhône, en fait. C’est un mode d’engagement qui s’est
pas vraiment régénéré. Parce que, le noyau militant il s’est pas énormément
régénéré. Mais je pense que c’est ça qui est intéressent, d’ailleurs. Franchement.
Déjà, moi, je suis la deuxième génération pour Attac-Rhône. J’ai toujours très
fortement ressenti ça. Quand je suis arrivé, il y avait quatre années qui s’étaient
écoulées avant, et pendant ces quatre années il s’était passé l’essentiel de
l’histoire d’Attac-Rhône. Voila, j’ai l’impression de ne pas avoir connu l’essentiel
de l’histoire d’Attac-Rhône. Pourtant, je pourrais me dire que, voilà, ça fait 6 ans
que, de près ou de loin, je milite à Attac, donc, je porte quand même une bonne
part de l’histoire d’Attac-Rhône, mais en fait, pas vraiment. Parce que l’essentiel
de l’histoire d’Attac-Rhône, c’est le feu d’artifice de départ, le big bang, d’un seul
coup, rapidement, on monte à 1 000 adhérents, et puis, déjà en 2001 il y avait des
416
417
Nous reprenons l’expression utilisée par les interviewés, qui décrit le mieux la caractéristique de ces acteurs.
Dans les comités locaux de Toulouse et Bordeaux qu’elle avait étudiés. CRUZEL, Elise, « Passer à l’Attac » : Eléments pour
l’analyse d’un engagement altermondialiste, art.cit.
418
AGRIKOLIANSKY Eric, « Carrières militantes et vocation à la morale : les militants de la LDH dans les années 1980 », Revue
française de science politique, n°51(1-2), 2001, p.39, cité in CRUZEL, Elise, « Passer à l’Attac » : Eléments pour l’analyse d’un
engagement altermondialiste, art.cit., p. 163.
Maryna Kumeda - 2009
85
Les fluctuations de l’engagement militant : le cas des militants de l’association Attac-Rhône
événements assez forts. Donc, moi, vraiment je sais que je suis un militant de
419
deuxième génération.”
Or, leur vécu dans l’association, la substitution des temps forts par les déceptions, comme
dans la vie ordinaire, de par sa durée importante et des événements vécus, malgré le départ
définitif des uns, ou la persistance accompagnée du sentiment de la fatigue et des mémoires
nostalgiques des autres, leur avait crée un lien consistant avec Attac-Rhône. Certains,
encore actifs, n’ayant pas trouvé d’autre domaine plus valorisé pour s’investir à leurs yeux,
sont ceux que nous appelons les persistants (qui s’auto-désignent comme « dinosaures »)
420
et qui font « toujours partie des meubles » :
« Je suis toujours là quoi, quand même, j’ai toujours un pied dedans, parce que je
421
pourrais pas ne pas y être, je pense. »
D’autres, partis définitivement, gardent un lien affectif et social, et fréquentent encore
certaines activités :
« Et puis, aujourd'hui, en ce moment, on va voir-là, samedi y a une assemblée
générale d’Attac-Rhône, à un moment je suis ailleurs, dans une autre réunion,
mais j’ai envie de venir faire un tour quoi. Parce que en fait, même si s’est passé
tout ce qui s’est passé, bah, moi, je reste, profondément marqué par cette…
au sens positif du terme, par cette aventure. Je me définis aujourd'hui dans un
espace politique où je milite, comme militant altermondialiste. Et je reste très
attaché à, voila, ce qu’on a construit. Je reste très attaché à l’histoire d’Attac et
je reste attaché à un groupe de personnes qui sont toujours actifs dans l’Attac.
422
Voila, le parcours… »
Plusieurs des militants désengagés, réputés spécialistes sur des questions spécifiques
qu’ils avaient travaillées dans des groupes d’Attac-Rhône, sont sollicités par l’association
ou encore s’identifient lors des interventions pendant les événements publics comme
militants d’Attac-Rhône. Alors, qu’en réalité ils ne sont plus présents physiquement dans
l’association, l’auto-identification à Attac persiste et l’identité publique d’Attac-Rhône est
encore suffisamment attirante pour eux pour continuer à s’y identifier :
« Là, en ce moment, depuis quelques mois, compte tenu le contexte international,
compte tenu la crise dite financière, Attac à Lyon est sollicité, sur la question de
crise financière. C'est généralement, sollicité pour une soirée ou une autre, qu’il
s’agisse de conférence-débat, qu’il s’agisse de petit, moyen, plus grand format,
ou de débat contradictoire, - c'est généralement moi, qui y vais. Parce que, bon,
c'est la question de la dérégulation financière avec ses conséquences, c'est
quelque chose sur quoi je travaille depuis 5-6 ans. Voila. Ça, c'est un héritage
423
d’Attac pour moi…”
La mémoire de l’association et sa continuité, dont sont porteurs ceux appartenant au noyau
dur, fait d’eux également des porteurs de la représentation d’un « déclin » et les agents
d’une quasi-matérialisation de l’idée de l’impasse où se trouverait Attac-Rhône, alors que
419
420
Mathieu, militant, 36 ans, doctorant en sciences politiques, enregistré le 20 octobre 2008 à Lyon.
Alice, militante, 60 ans, à la retraite, enregistré le 11 mars 2009 à Lyon.
421
Ibid.
422
Nicolas, ancien militant, 55 ans, au chômage, enregistré le 16 décembre 2008.
423
Ibid..
86
Maryna Kumeda - 2009
Chapitre III. L’engagement et ses fluctuations : le cas des adhérents et des militants d’AttacRhône
424
les nouveaux arrivés (et rappelons qu’ils sont très peu nombreux ) ne partagent pas, de
par leur expérience militante précédente ou sans en avoir aucune, ce sentiment. Un militant,
précédemment très engagé à Attac Lausanne, puis Attac Suisse, entre 2004 et 2007, suite
à son expérience militante moins orientée vers les adhérents et plus liée à la réflexion et
425
surtout l’action très médiatisée , démontre cette contrainte qu’exerce l’expérience passée
sur l’interprétation de l’état actuel :
426
« Ah, ouais, y a 700 personnes qui reçoivent le mail d’Attac-Rhône
, ouais.
Y en a 300 qui reçoivent les mails d’Attac Liban. Et y en a 700 qui reçoivent les
mails d’Attac Lausanne. Mais alors, l’assemblée générale d’Attac Lausanne, y
427
a 10 personnes
. Q : Ah, donc, c'était un succès hier, parce que… Bah,
parce que c’est eux, le problème c'est eux par rapport à leur histoire, comment
ils étaient avant. C'est l’évolution qu’il faut voir. Evidemment ils sont une grosse
section, ah, les sections d’Attac, elles sont petites souvent. Mais, bon, c'est eux,
évidemment. Y avait 1000 membres y a 5 ans, et y a 300 maintenant, bon, c'est un
peu bizarre, je comprends. Mais moi, c'est une assemblée générale plutôt pleine.
Même Attac Suisse en entier, y a pas autant de gens à l’assemblée générale.
428
Pourtant y a plus de monde” .
Nous considérons significatif les propos d’une autre militante récente (juin 2007), qui, elle
non plus, n’a pas adhéré au discours des « meilleurs temps passés » d’Attac-Rhône, et
explique la désaffection des effectifs par un désenchantement généralisé et le sentiment
d’impuissance dans la population. D’autre part, les deux nouveaux arrivés ne peuvent pas
adhérer au discours sur le déclin, de par la nouveauté de leur militantisme à Attac-Rhône,
et puisque, au cas contraire, leur engagement tomberait dans l’insignifiance :
« En fait, j’ai eu aussi la sensation que…que de manière générale, en tous cas
en France, parce que j’ai seul le point de vue de ce qui se passe en France.
Bah, ce qui est mis en place par les gouvernements successifs, et en particulier
par le dernier gouvernement, ça attaque tellement de tous les cotés, que j’ai
l’impression que les gens savent pas trop… quoi faire. Et…se sentent un peu
démunis, ont plus envie de participer activement à des associations, ont pas
envie de bouger, sachant que on voit bien que ça ne sert pas vraiment à grande
429
chose. J’ai un peu la sensation que c'est lié à quelque chose comme ça quoi » .
Sa propre envie de s’engager dans l’espace public, sans expérience militante précédente,
avait été longtemps nourrie par les réflexions et le sentiment croissant d’être « démunie ».
424
Deux, qui ont commencé à militer en 2007-2008, parmi nos interviewés, et 6 des 37 adhérents venus à l’AG de 2008, qui ont
adhéré après 2003.
425
L’affaire à Attac Suisse, où les militants menant une enquête sur l’entreprise Nestlé Suisse ont été espionnés par cette entreprise,
a abouti à un non-lieu auprès de la justice. Le recours a été déposé et y est en cours de traitement.
426
En réalité, 800 personnes inscrites sur la liste de diffusion « Rhônediffuser », parmi lesquelles non pas toutes les
inscriptions sont effectives (par exemple, emails anciens et non plus consultés)
427
Rappelons, qu’il y avait approximativement 35 adhérents présents et 53 représentés, aussi que treize élus lors de l’AG
le 13 décembre 2008 d’Attac-Rhône.
428
Azzedine, militant, 29 ans, postdoc à l’ENS en physique, enregistré le 14 décembre 2008 à Lyon.
429
Amandine, militante, 28 ans, postdoc à Lyon 1 en physique, enregistré le 15 décembre à Lyon.
Maryna Kumeda - 2009
87
Les fluctuations de l’engagement militant : le cas des militants de l’association Attac-Rhône
Exerçant son activité professionnelle dans le domaine de la recherche et de l’enseignement
supérieur, elle suit attentivement et participe, notamment cette année, aux mobilisations
contre les réformes de CNRS et celles portées par trois décrets à l’application de la LRU
(loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités). Nous pouvons
supposer ainsi un lien entre ses dispositions, le capital scolaire élevé, l’appartenance
professionnelle à un domaine social perturbé par des réformes libérales les quelques
dernières années (lequel ne l’est pas ?) et l’entrée dans le militantisme à Attac-Rhône, qui,
pour elle, représente une organisation qui oriente la réflexion générale sur les problèmes
de la société et en même temps organise l’action.
Une autre militante, engagée depuis relativement longtemps, 2005, s’aperçoit que
le relâchement de la tension antérieure, liée à la présence d’un grand nombre des
militants, des provenances et des façons de militer différentes, au contraire, - contribue à
la redynamisation de l’association :
« Généralement, les gens plus âgés, ils sont habitués à des trucs très carrés,
à des réunions, « tac-tac ». Maintenant beaucoup moins, mais quand je suis
arrivée à Attac-Rhône, on faisait un ordre du jour pour chaque bureau… Déjà, il
y avait un ordre du jour qui était envoyé, alors que maintenant c’est absolument
plus le cas, c’est (rire)… On fait l’ordre du jour le soir en arrivant-là, alors
qu’avant on envoyait un ordre du jour, quelqu'un faisait l’ordre du jour, et pour
proposer, les dernières modifications - devaient arriver avant lundi soir pour les
mercredis, sinon les points après, n’étaient pas discutés (rire)… Enfin, c’était
une organisation super carrée. Non, après bien sur, y a des différences dans les
modes de fonctionnement parce que forcément on a une autre culture politique
qu’eux donc, on a pas les mêmes modes d’action. Et généralement, nous, les
jeunes, on a milité aussi dans les mouvements étudiants, donc, forcément, on
a d’autres moyens d’action que… C’est vrai qu’on aime que ça bouge un petit
peu plus, c’est vrai qu’Attac, c’est quand même … Maintenant, ça commence un
petit peu à bouger mais c’est quand même, jusqu’à maintenant c’était très très
long quoi… on fait des conférences-débats, conférences-débats, conférencesdébats… on invite un économiste, un type qui vient parler pendant 2 heures et
voila quoi. Maintenant, ça commence à soulever un peu, on fait beaucoup plus de
430
choses…”
Ainsi, pour elle, habituée à l’action moins formaliste étudiante, la diminution du corps militant
joue à la faveur dans le changement des modes du fonctionnement de l’organisation, dès
lors moins procédural.
En règle générale, le moment de l’entrée et la durée de l’engagement exerce un effet
important sur ses fluctuations. Les militants ayant participé à la fondation de l’association et à
ses moments clés, y sont plus attachés, plus prédisposés à persister dans leur engagement,
sauf en cas d’une déception importante, mais aussi plus critiques du fait de la désaffection
de ses effectifs et de la diminution des capacités d’action. Les générations arrivées plus
tard n’ont pas de poids de ses « meilleurs temps passés » sur leurs épaules, et donc,
en fonction de leur expérience militante précédente et les capacités de transformer la
motivation dans l’action, sont plus libres à construire leur engagement et guider l’association
dans les transformations qu’elle vit.
430
88
Lucie, militante, 20 ans, étudiante en sociologie en Master 1, enregistré le 12 novembre 2008 à Lyon.
Maryna Kumeda - 2009
Chapitre III. L’engagement et ses fluctuations : le cas des adhérents et des militants d’AttacRhône
2.2. Cadre organisationnel de l’engagement
Les dimensions proprement organisationnelles doivent être prises en compte pour
comprendre les fluctuations de l’engagement : d’une part, la position de l’organisation dans
l’espace des mouvements sociaux, qui, en cas d’accueil favorable acquiert le gain d’un
poids symbolique important, et contribue au renforcement de l’engagement, et vice versa,
et, d’autre part, la dynamique propre de la structure organisationnelle, conditionnée par sa
taille, ses modes de fonctionnement et ses logiques de sociabilité internes, qui exercent une
influence sur le ratio coûts-rétributions de l’engagement.
Le fonctionnement interne, souple ou formalisé, accompagné par des dispositifs
431
matériels de l’engagement dans l’association ou s’exerçant en mode de libre participation
ouverte à tout le monde, - le cadre organisationnel exerce un effet important sur
l’engagement. C’est, en partie, ce cadre institutionnel qui définit comment les organisations
432
« travaillent les individus et sont travaillées par eux » . La souplesse du fonctionnement
interne d’Attac-Rhône nous a été soulignée à maintes reprises. Cependant, autant cela
contribue à des mœurs très démocratiques internes de participation et d’expression,
souligné par des acteurs d’autres provenances organisationnelles, autant cela peut aussi
contribuer à ce que un nouveau visiteur, militant potentiel, ne trouve sa place et ne sache
canaliser son action. Plusieurs interviewés sont venus, ou même ont participé activement,
durant une période entre quelques mois et un an dans les activités de l’association, sans
prendre une carte d’adhérent. Ceux qui ont pris des responsabilités au sein du Conseil
d’administration, le plus souvent, ont été sollicités pour présenter leur candidature par les
membres actifs, faute de candidature volontaire. Plus rarement, ils expliquent la prise de
responsabilité par l’envie de manifester leur soutien aux « persistants » fatigués par la
gestion administrative, ou, parfois, par le sentiment de la responsabilité pour la gestion la vie
administrative de l’association. Ou encore, cela provenait de l’envie de « formaliser » leur
engagement et participer à la prise des décisions : « formaliser le fait que de toute façon
je viens une fois par moi au CA, et que je trouve ça un peu bizarre comme fonctionnement
433
que j’ai pas le droit de vote quand ils veulent prendre des décisions»
.
L’encadrement organisationnel et les normes internes du fonctionnement peuvent être
434
favorables à l’intégration des nouveaux arrivés par l’offre des activités et la distribution
431
Dans leur étude du désengagement dans les associations de lutte contre le sida, O.Fillieule et C.Broqua montrent comment
à l’opposé d’une simple procédure d’adhésion par la prise d’une carte d’adhérent à Act Up, la mise en place à AIDES d’une procédure
de « tampon » pour marquer la période d’éloignement du bénévole et, ensuite, si il le décide, le départ, exerce un certain effet
dans la prise de décision et dans l’auto-définition par des militants de leur appartenance à l’organisation. Voir, FILLIEULE Oliver et
BROQUA Christophe, « La défection dans deux associations de lutte contre le sida : Act Up et AIDES », in FILLIEULE Olivier (dir.),
Le désengagement militant, op.cit., p.192.
432
SAWICKI Frédéric, SIMEANT Joanna, « Décloisonner la sociologie de l’engagement militant. Note critique sur quelques
tendances récentes des travaux français », Sociologie du travail, n° 51, 2009, p. 115.
433
434
Azzedine, militant, 29 ans, postdoc à l’ENS en physique, enregistré le 14 décembre 2008 à Lyon.
D.Gaxie soulignait l’importance de la fonction d’intégration assurée par le parti, qui contribuerait au renforcement du
sentiment d’appartenance au groupe, une des rétributions militantes importantes. « Bien des inclinations idéologiques peuvent ainsi
rester sans suite si, en l’absence de contacts sociaux, l’adhérent virtuel ne parvient pas à s’introduire dans l’univers des militants et
bien des adhésions répondant à des « mobiles idéologiques » restent fragiles si ces derniers ne sont pas relayés et soutenus par
de nouvelles incitations matérielles ou symboliques ». GAXIE Daniel, “Economie des partis et rétributions du militantisme”, Revue
française de science politique, février, vol.27, n1, 1977, p.137-138, 145.
Maryna Kumeda - 2009
89
Les fluctuations de l’engagement militant : le cas des militants de l’association Attac-Rhône
des tâches, l’accueil des initiatives. Ainsi, l’engagement tout de suite intense d’un ancien
militant à Attac Suisse a été favorisé par ces dispositifs :
« Ce qui s’est passé, c'est que l’association Attac en Suisse, elle est très
horizontale, elle est très participative, comme je disais hier, c'est plus vrai en
Suisse, qu’en France. Et disons, que j’ai très vite été très très très actif, quoi. Au
bout d’un an, j’étais au secrétariat de la section de Lausanne, et un an plus tard,
j’étais au secrétariat national d’Attac Suisse. Et y avait…bon, après, j’ai fait…j’ai
beaucoup travaillé…y a eu des périodes où j’avais…où je dormais très très peu.
435
Pas à cause de mon travail, mais parce que j’ai milité beaucoup, tu vois…”
Ce même militant, très vite et très activement engagé à Attac Suisse, parce que il y « a eu un
appel », un projet, - ne trouve pas cela à Attac-Rhône, où il aperçoit le « manque d’idées ».
La souplesse et la bonne volonté des militants pour la prise des responsabilités, la
possibilité de participer sans formaliser son engagement dans l’association, ont permis à
certains de partir avec plus de facilité n’ayant pas d’autre connexion à l’association que
l’attachement à certaines de ses causes, après avoir monté et accompli un projet en son
sein, tout en justifiant le départ dans le registre de légitimation par Attac-Rhône de ce mode
de fonctionnement :
« J’avais déjà été en fait, pendant toute cette période qu’Attac-Rhône…c'est
quand même pas très formaliste, donc, sans être élu au conseil d’administration
ou au bureau je participais pratiquement à toutes les réunions, pratiquement
comme si j’y étais déjà, donc, ça faisait déjà un moment que je trainais mes
guêtres là-dedans. (…) Et le dernier élément, c'est que je suis toujours…je pense
toujours que un mandat et après on laisse sa place. Euh, que, qu’il faut aussi
laisser du sang neuf. Et puis parce que on était en gros, dans la période aussi qui
a pas été facile…euh…où il y a eu toutes les problèmes internes, avec la fraude
436
etc.”
Une dimension du fonctionnement organisationnel d’Attac, qui avait attiré et, en certains
cas fasciné, des militants, était son rôle fédérateur et rassembleur des sensibilités et
organisations diverses. Cela avait eu, pour certains, un intérêt symbolique, car potentiel
d’échange d’idées et des débats, et plus stratégique pour les autres (tout en étant
symbolique), de par ses capacités matérielles de mobilisation et de diffusion de ses idées
(ce qui contribue également au renforcement de son importance symbolique, reconnue suite
à cela médiatiquement). Un syndicaliste très engagé, adhérent et suivant l’activité d’AttacRhône dès sa fondation, est arrivé seulement en 2000 avec le « dossier CNR sous le bras »,
chercher de l’appui dans son engagement contre la privatisation de la CNR, l’appui des
ressources analytiques et en termes des capacités d’organiser un front critique :
« J’ai été membre d’Attac depuis la création. J’ai fait partie des gens qui ont écrit
une petite lettre suite à l’édito d’Ignacio Ramonet. Voila. Donc, je devais avoir la
carte six cent et quelque…Dans les premiers adhérés à Attac. Sur Lyon, j’avais
été à la réunion de lancement d’Attac-Rhône. J’y n’avais pas pris part, parce qu’à
ce moment-là, effectivement, je m’investissais plus au niveau syndical. Donc,
quand y a eu le projet de privatisation, je me suis dit, un, c'est vraiment dans
435
Azzedine, militant, 29 ans, postdoc à l’ENS en physique, enregistré le 14 décembre 2008 à Lyon.
436
Daniel, ancien militant, 43 ans, technicien à la CNR, enregistré le 10 mars 2009 à Lyon.
90
Maryna Kumeda - 2009
Chapitre III. L’engagement et ses fluctuations : le cas des adhérents et des militants d’AttacRhône
les thèmes d’Attac : la financiarisation, etc., la privatisation. Deuxièmement,
si la CNR, les milles personnes qu’on est, restent-là à se battre, on va se faire
laminé, donc, il faut ouvrir… Disons, voila, on est perdu quelque part, il faut qu’on
s’ouvre. Et un des moyens, c'est éventuellement, avoir une caisse de résonnance
au travers d’Attac, donc, les deux étant liés. Donc, c'est comme ça que je suis
437
arrivé à Attac-Rhône» .
Mais alors, n’ayant pas su structurer et animer cette diversité, donner une direction à son
travail constructif, gérer les divergences et dépasser les divergences sur certaines questions
438
conflictogènes, ayant perdu petit à petit ses organisations membres , qui servaient souvent
de relais pour ses actions, l’association a également perdu cette valeur rajoutée aux yeux
de ces effectifs :
« Ah oui. La CGT qui était quand même partie prenante…Et si on a pu faire des
manifestations à Lyon contre l’OMC avec du monde dans les rues, c'est parce
que la CGT mobilisait, il faut le dire. C'est pas parce que Attac mobilisait. Bon, à
partir du moment où la CGT commençait à prendre circule vis-à-vis d’Attac, ça a
devenu beaucoup difficile. Mais de même, et Parti Socialiste. PS au départ nous
a rencontrés, on a travaillé avec eux. Euh, maintenant on est sur la liste noire,
ils veulent plus nous rencontrer. Voila. C'est des changements aussi, extérieurs,
en quelque part, qui ont, sans doute, aussi…je pense que…Attac n’est pas tout
blanc. Ça veut dire aussi qu’à un moment on s’est mal positionnés, qu’il y a des
439
incompréhensions, mais le constat, c'est ça » .
Le cadre organisationnel exerce un effet structurant l’engagement, autant que lui-même
dans la pratique est structuré par les engagements. Sa souplesse peut contribuer à la
configuration du fonctionnement de l’organisation par ses membres actuels, mais, en même
temps, faute d’encadrer leurs engagements, laisse à la multiplicité d’autres facteurs, voire
hasards, définir la persistance des engagements en son sein. Les militants d’Attac-Rhône,
440
ainsi, deviennent souvent des « électrons libres » dans leur trajectoire. En outre, s’étant
affaibli dans l’espace militant et ayant perdu ses capacités fédératrices, Attac-Rhône a dès
lors perdu des appuis et des relais pour son action, aussi que l’attractivité pour s’y déployer
son action.
2.3. L’épuisement
La dynamique de départ, ayant suscité beaucoup d’enthousiasme dans l’espace militant
de Lyon, a culminé quantitativement avec près de 1200 adhérents et un volume d’activités
441
important , avant de commencer à se ralentir et, finalement, prendre le tournant d’un
déclin affirmé. Le départ et le non-renouvellement des effectifs a abouti à l’épuisement :
l’épuisement des activités et le manque d’idées pour les nouvelles actions, et la fatigue
437
438
Ibid.
Les personnes morales membres d’Attac-Rhône entre 1999 et 2003: CADR, MRAP de Lyon, SNESUP Lyon, SUD-PTT Rhône
et Ain, UD-CGT du Rhône, FSU, AC !, CADTM. En 2008 il y restait seulement CADTM, rejoint par AC! pour l’année 2009.
439
440
441
Daniel, ancien militant, 43 ans, technicien à la CNR, enregistré le 10 mars 2009 à Lyon.
Mathieu, militant, 36 ans, doctorant en sciences politiques, enregistré le 20 octobre 2008 à Lyon.
Les militants, selon le degré de l’implication, allaient à 1-4 réunions par semaine.
Maryna Kumeda - 2009
91
Les fluctuations de l’engagement militant : le cas des militants de l’association Attac-Rhône
442
psychologique (burn out)
des militants qui s’en suit. Plusieurs militants désengagés
indiquent parmi les raisons de départ cet épuisement et non-renouvellement d’activités
et l’absence de nouvelles idées. Les groupes avaient travaillé les questions théoriques,
certaines personnes avaient acquis des connaissances importantes des thématiques, - ils
443
commençaient à « tourner en rond » :
« Bah, ça s’est arrêté [le travail du groupe « Services publics »]…alors à Lyon,
sur les services publics d’abord parce que on a tourné en rond au bout d’un
moment. Ensuite, parce que là aussi, au bout d’un moment, au bout de quelques
années à avoir travaillé sur la question, j’étais devenu tellement spécialiste, qu’on
faisait des réunions, tout le monde me regardait en me disant, chef, faut dire
quoi…C’est toi qui sait, donc, ça allait plus, c'était plus un groupe de travail.
Voila, donc. Bon, au bout d’un moment. Ça…on a cherché à faire évoluer, mais ça
444
a jamais marché.”
Le travail des groupes de réflexion, ayant abouti à un certain nombre d’actions et débouchés
(cafés-débats, livrets, conférences, émissions radio, autres interventions extérieures),
souvent s’arrêtait, épuisé et en manque d’idées, mais probablement aussi du fait de moindre
fréquentation de ses activités. « Les groupes de travail ont commencé à s’éteindre les
445
uns après les autres » . C’était le cas de beaucoup de groupes, y compris au niveau
national. L’épuisement du potentiel d’autoformation et de diffusion de connaissances dans
des groupes de réflexion et la mise en question de la pertinence de mission d’éducation
populaire qui s’en suivit :
« Je crois je voyais plus tellement l’utilité. Ça avait fait son temps. Le fait de
travailler comme ça dans des petits groupes. Je crois que j’ai pas vraiment réussi
446
à proposer autre chose. »
En outre, l’épuisement était double : il a autant été ressenti de l’intérieur, par les militants
fatigués et dépourvus d’idées, qu’à l’extérieur, dans la baisse des adhésions et la diminution
de l’assistance aux actions publiques. Cette diminution a posé de nouvelles questions à
Attac-Rhône : pourquoi avait-t-elle lieu et comment arrêter le processus ? Ces débats, qui,
donc, datent depuis longtemps, ont lieu toujours aujourd'hui, et sont menés en termes de
comment « faire la pub » et comment faire venir le public et les adhérents. La persistance de
cette préoccupation démontre l’importance de l’approbation extérieure de l’action militante,
surtout dans le mouvement d’éducation populaire dont se revendique toujours Attac.
Certains militants l’ont adoptée et participent à cette réflexion collective, d’autres l’ont
trouvée (ou trouvent) inutile, interprétant autrement le projet et l’identité d’Attac :
442
Appliqué à l’étude sur la défection des bénévoles des associations de lutte contre le sida, une implication au coût psychologique
élevé en soi, ce concept est emprunté par O.Fillieule dans une étude de 1974 pour désigner « l’épuisement professionnel des
soignants » (FREUDENBERGER H.J., « Staff Burn-Out », Journal of social Issues, 30, 1974, p.187-196). Pour C.Maslach la réponse
négative en forme de burn out est lié au stress qui suit l’exercice d’un rôle et se traduit par la fatigue, le sentiment d’incompétence, la
perte de motivation et de productivité. MASLACH C., Burnout : The Cost of Caring, Englewoods Cliffs, N.J., Prentice-Hall, 1982, cite
in FILLIEULE Olivier (sous dir.), Le désengagement militant, op.cit., 280-281.
443
444
445
446
92
Daniel, ancien militant, 43 ans, technicien à la CNR, enregistré le 10 mars 2009 à Lyon.
Ibid.
Mathieu, militant, 36 ans, doctorant en sciences politiques, enregistré le 20 octobre 2008 à Lyon.
Mathieu, militant, 36 ans, doctorant en sciences politiques, enregistré le 20 octobre 2008 à Lyon.
Maryna Kumeda - 2009
Chapitre III. L’engagement et ses fluctuations : le cas des adhérents et des militants d’AttacRhône
« Enfin, moi, je donnais mon avis et je pensais qu’on passait trop de temps à
réfléchir au fonctionnement d’Attac-Rhône. Et je pensais que une des erreurs que
faisaient certains d’entre nous dans leurs analyses, c'était de réfléchir à comment
impliquer les adhérents qui juste payaient leurs cotisations, et comment essayer
de faire qu’ils deviennent plus actifs. Et, je pense que ça se passe pas comme
ça, je pense que les gens, ils sont contents d’adhérer, pour certains d’entre eux,
et que le simple fait d’adhérer leur suffit et c'est très bien. Et, c'est des gens qui
deviendront pas actifs et on a multiplié à travers nos activités, ou le journal qu’on
faisait, « Le Grain de Sable », des appels à s’investir qui ont jamais abouti. Et
on a passé du temps, de l’argent et de l’énergie à ça, et moi, je pensais que ça a
servi à rien, je pensais que si ces gens-là devaient s’investir un jour ou l’autre,
ça viendrait de l’extérieur. Un peu comme ce qui s’est passé à Gènes, comme
ce qui s’est passé pour les anglo-saxons avec la guerre en Iraq, et que nous,
on les poussera pas à s’engager. Que c’était une perte du temps et que il valait
mieux qu’on réfléchisse à des questions politiques, qu’on accepte de perdre des
adhérents, qu’on accepte de perdre…des militants actifs, mais qu’on perde pas
du temps et de l’énergie à chercher à faire venir des gens qui, à mon sens, ne
447
viendraient pas, et d’ailleurs, ils sont pas venus”.
Le sentiment général d’épuisement de l’association, en termes d’effectifs et de capacités
délibératives, concernait aussi les modes d’action, et se traduisait en la diminution des
rétributions, qu’elle avait dorénavant en disposition pour ses militants :
« Du coup, il y avait jamais un débat à Attac-Rhône. Voila. C’est aussi pour ça que
je crois que je suis allé au PS même si aujourd’hui comme je vous l’ai expliqué
j’y trouve pas mon compte. Au moins, au PS les gens, ils s’engueulent. Ça on
peut être sûr. Non, mais c’est vrai, pour moi, il y a des gens qui confrontent
des positions. Attac-Rhône on est presque en une espèce totale de dialectique.
A mon avis, il y a plus de débat, il y a plus de confrontation de points de vue.
Donc, c’est vrai que ça pose la question, ça fait réfléchir sur la capacité ou sur la
448
possibilité que peut donner l’association à ses militants pour progresser…”
Lié au sentiment d’épuisement, subjectivement ressenti par les militants, mais aussi
confirmé en termes plus matériels par la diminution des activités et la défection des
adhérents, le phénomène de l’épuisement est d’autant plus saillant, si on le compare à
l’effervescence de l’essor du mouvement ou d’autres moments forts du militantisme à Attac449
Rhône. L’effet surrégénérateur
du militantisme provient de « l’obtention de gratifications
450
personnelles (…) intimement liée à l’accomplissement des activités partisanes » . Le
phénomène du burn out est autant surgénérateur de la déception, que le militantisme de
451
452
lui-même. « Tenir le coup » , « un devoir moral de continuer à assumer » , devient
447
Michael, ancien militant, 37 ans, auteur-dessinateur des bandes dessinées, enregistré le 12 mars 2009 à Lyon.
448
Mathieu, militant, 36 ans, doctorant en sciences politiques, enregistré le 20 octobre 2008 à Lyon.
449
450
451
452
GAXIE Daniel, “Economie des partis et rétributions du militantisme”, art.cit., p.140.
Ibid.
Mathieu, militant, 36 ans, doctorant en sciences politiques, enregistré le 20 octobre 2008 à Lyon.
Lucie, militante, 20 ans, étudiante en sociologie en Master 1, enregistré le 12 novembre 2008 à Lyon.
Maryna Kumeda - 2009
93
Les fluctuations de l’engagement militant : le cas des militants de l’association Attac-Rhône
un sentiment propagée dans les rangs de ces militants, souvent, soit appartenant à la
génération des fondateurs d’Attac-Rhône, soit à ceux qui avaient vécu des moments forts
dans la vie de l’association. La routine, le manque de relais et de la demande extérieure, la
défection des copains militants aggravent le sentiment :
« Non, non, mais aujourd’hui c’est quand même pas mal. On se réunit
régulièrement, on fait un planning ensemble, on choisit ensemble les émissions.
Après le problème c’est que souvent les émissions, au dernier moment posent
problème, parce que l’intervenant ne peut plus venir, et généralement c’est moi
que me retrouve, qui me coltine le problème. C’est vrai que, bon, on est une petite
dizaine, on est 7-8 quoi, bien investis dans le truc mais avec des engagements
quand même inégaux. Et en gros, quand il y a des problèmes, des fois j’ai
l’impression d’être le seul concerné… Même si les autres, c’est des amis, des
copains. En tous cas, dans ces sept-huit il y en a qui font que de la technique par
exemple. Donc, déjà au niveau vraiment de l’animation et de la programmation,
en fait, on est essentiellement trois, oui, pour l’essentiel. Et parmi ces trois autres
personnes, c’est avec les deux autres … Voila, donc autant que je me sens obligé
de le faire, parce que de toute façon si je le faisais pas je pense que l’émission
se cassera la gueule quoi. Voila, c’est toujours comme ça. Au bout d’un moment,
il faut arriver à tenir le coup, parce qu’il y a des phases.... Après c’est vrai que
j’aime bien la radio, j’aime bien, mais c’est vrai qu’on a peut-être mal a en faire
quelque chose de bien, et puis, on n’a pas progressé en plus, et on s’en donne
453
vraiment pas les moyens, en plus» .
Les nouveaux arrivants contribuent à la remontée de l’esprit, au rafraichissement du
militantisme, réactivent les anciens fatigués, en leur montrant les possibilités d’agir,
inconsciemment ou, des fois, étant pleinement conscients de la nécessité de le faire, comme
l’a fait un militant s’étant présenté (sans en être demandé) aux élections au CA en décembre
2008 après avoir prononcé un discours motivant, qui souligne vouloir “rendre public, le fait
454
qu’il y a des gens qui viennent » .
2.4. Les moments forts du militantisme
Nous avons démontré, dans les chapitres précédents, l’impact positif des projets et des
campagnes de forte mobilisation et de succès pour l’afflux des adhérents et la réactivation
de l’engagement des militants. Les activités importantes d’Attac-Rhône dans les années
2000-2003 ou encore la campagne référendaire de 2005 (« moment exceptionnel »,
455
456
« dynamique fantastique » , « inexplicable », « période euphorique » ) lui ont procuré
une visibilité, courte mais importante, des nouveaux militants et le renforcement des
engagements des militants actifs. Des campagnes aussi poussées et orientées à un objectif
précis, clairement défini et sémantiquement très fort (« non ! »), aussi qu’un très bien choisi
453
454
455
Mathieu, militant, 36 ans, doctorant en sciences politiques, enregistré le 20 octobre 2008 à Lyon.
Azzedine, militant, 29 ans, postdoc à l’ENS en physique, enregistré le 14 décembre 2008 à Lyon.
Et cette définition appliquée à la campagne référendaire par un militant avéré, participant à un rassemblement de Larzac, des
premiers FSM de Porto Alegre, premier président d’Attac-Rhône.
456
94
Daniel, ancien militant, 43 ans, technicien à la CNR, enregistré le 10 mars 2009 à Lyon.
Maryna Kumeda - 2009
Chapitre III. L’engagement et ses fluctuations : le cas des adhérents et des militants d’AttacRhône
sigle d’« Attac », contribuent également au renforcement de l’unité intérieure du collectif,
s’impliquant, de manière aussi intensive dans une lutte :
« J’étais contre – faire campagne pour le « non » au départ. (…) Disons, c'est
pas le boulot d’Attac. Quelque part. La décision était prise – j’ai suivi la décision,
mais quelque part j’étais pas content…(…) Je pense que effectivement, on a
changé le registre. Parce que quand on est dans une campagne, on est dans
campagne, donc, on force le trait, on y va quoi…Et, c'était plus tout à fait le
Attac qui expliquait les choses. On avait pris position. Je pense que ça a été une
victoire, plus je pense, que ça a pas été bien compris. Et en plus, ça a servi les
gens qui étaient un peu adversaires à Attac, qui disaient mais regardez, vous
voyez – c'est un parti en fait. Q: Donc, en suivant la décision prise, vous avez
adhéré à l’idée même ? - Disons que j’ai été fait campagne, et puis qu’une fois
j’ai été dedans, j’étais bien quelque part. Q: Vous auriez pu vous distancier de
cette campagne en particulier? Oui, mais je…Voila. Je pense que à un moment,
je suis collectif…on a beaucoup discuté, il y a une position qui est prise – on y
va. J’avais travaillé quand même sur les argumentaires, notamment : le rôle des
services publics sur un certain nombre de choses. J’ai été aussi à l’époque une
des personnes, parce que c'est souvent, rare qu’ils acceptaient d’aller animer
des soirées, se mettre sur une tribune et parler devant beaucoup du monde.
Donc, voila, en termes de ressources. Et puis, à quelque part, une fois passées
mes doutes, quelque part…On rentre dans une dynamique. Donc, au bout d’un
457
moment (…) bon, j’étais dans la campagne » .
D’autres événements, en particulier ceux qui rassemblent des militants, tels que des
458
universités d’été, des forums sociaux , des manifestations et des contre-sommets, sont
des périodes importantes pour plusieurs raisons. Premièrement, les « communautés
459
imaginaires »
se dévirtualisent et prennent corps, un aspect important également
dans ses conséquences relationnelles et socialisatrices militantes. Les connaissances se
font, les réseaux se construisent, les plateformes de la coopération ultérieure s’édifient.
Deuxièmement, des dispositifs d’apprentissage et d’échange des outils et de modes de
diffusion se mettent en place. Ainsi, parmi nos dix-sept interviewés, six se sont rendus aux
forums sociaux, de niveau européen ou mondial, et quasiment tous ont participé aux forums
sociaux locaux. Ces événements sont, donc, des « moments puissants », « exceptionnels »,
460
461
«le bouillonnement » , en somme, - les « temps forts de militantisme » , une impulsion
pour le ré-enchantement et la reprise de motivation :
« Et les forums sociaux européens, c'était aussi…c'était très riche, bon,
maintenant je peux pas en parler comme ça, mais tous ceux que j’ai faits…Disons
que moi, en tant que militant de Attac-Rhône, c'est quelque chose qui apportait
457
458
Ibid.
DELLA PORTA Donatella, « Démocratie en mouvement. Les manifestants du Forum social européen, des liens aux
réseaux », Politix, vol.17, n°68, 2004, p. 49 – 77 ; AGRIKOLIANSKY Eric et SOMMIER Isabelle (dir.), Radiographie du mouvement
altermondialiste. Le deuxième Forum social européen, La Dispute, 2005.
459
460
461
ANDERSON Benedict, Imagined communities, London/New York, 1991.
Cédric, ancien militant, 67 ans, à la retraite, enregistré le 18 mars 2009 à Lyon.
Alice, militante, 60 ans, à la retraite, enregistré le 11 mars 2009 à Lyon.
Maryna Kumeda - 2009
95
Les fluctuations de l’engagement militant : le cas des militants de l’association Attac-Rhône
un certain nombre d’éléments, de connaissances qui nous servait à ramener
aux autres, à repartir, disons, que c'est quelque chose qui vivifiait un petit peu…
qui ravivait un petit peu notre mouvement, dans le sens où on échangeait, on
apprenait les choses nouvelles, on s’y intéressés, on allait voir de plus près, on
y retravaillait à Attac-Rhône. Donc, c'était un élan, pour nous vraiment c'était un
462
élan, je pense. »
« C'était un pole, ce forum social, pour moi c'était un peu, fin,
l’illustration de ce qu’on déclarait tout le temps, fin, des discours tenus au sein
d’Attac et en public …Mais là, je veux dire, c'était illustré par des gens que eux,
étaient d’autres pays et qui venaient nous expliquer qu’en définitive, c'était pareil,
fin, sous d’autres formes, mais c'était pareil. Donc, ça a consolidé vraiment, fin,
ce sentiment et cette…oui, ce sentiment développé par Attac d’une possibilité,
euh, de construire quelque chose d’autre. Construire quelque chose d’autre,
parce que la situation était malgré les apparences, sur le fond, sont quand même
463
assez identiques. »
Ces événements revitalisants de l’engagement étaient notamment représentés par des
Rencontres pour une autre mondialisation, organisée à Lyon entre 2001 et 2006 à l’écho des
forums sociaux mondiaux et européens. Elles se sont éteints, ayant abouti à une présence
d’une dizaine de personne lorsqu’une action semblable en janvier 2008 à l’écho de FSM
décentralisé. Les FSE se passaient plus loin et moins régulièrement ces dernières années
(Londres (2004), Athènes (2006), Malmö (2008)), les FSM deviennent « décentralisé » et
« polycentré ». Dans les conditions de la défection continue de l’engagement au sein d’AttacRhône l’absence des moments revitalisants militants pareils, ne permet pas de ralentir et
de renverser la tendance.
2.5. Ruptures biographiques
Le rôle endossé par l’acteur dans son engagement subit les transformations. Du moment
de l’arrivée et de l’adhésion au moment de prise de distance et départ le militant, son
464
milieu d’’engagement et l’organisation elle-même changent . P. Gottraux propose un
concept de tension inhérente à l’engagement politique: « La tension est autant matérielle
qu’idéelle ou identitaire. Matérielle, car le militant (...) est confronté à des contraintes
objectivement déterminées par la pluralité de ses insertions (...). Idéelle, car les divers lieux
d’insertion sont pour le militant autant d’espaces où il va puiser des bouts d’identité qui,
tout aussi logiquement, peuvent entrer en conflit entre eux, ou exiger des compositions et
des compromis (...) La tension idéelle est donc bien identitaire, du fait que l’acteur se voit
obligé de chercher des repères pour se définir dans des lieux dont les logiques ne sont pas
465
équivalentes et partiellement contradictoires » . Selon la structure organisationnelle de
l’organisation et son système idéologique, selon l’hétérogénéité de structure des espaces
sociaux dont fait partie le militant, - l’intensité de ces tensions n’est pas statique, peut
462
Ibid..
463
Cédric, ancien militant, 67 ans, à la retraite, enregistré le 18 mars 2009 à Lyon.
464
Ainsi, F.Passy souligne la nécessité de « prendre en considération sur le long terme les interactions et les transformations de
construction de sens des acteurs », dans PASSY Florence, “Interactions sociales et imbrications des sphères de vie”, in FILLIEULE
Olivier (dir.), Le désengagement militant, art.cit., p.112.
465
GOTTRAUX Philippe, « Autodissolution d’un collectif politique. Autour de Socialisme ou Barbarie », in Fillieule Olivier (dir.), Le
désengagement militant, op.cit., p.80.
96
Maryna Kumeda - 2009
Chapitre III. L’engagement et ses fluctuations : le cas des adhérents et des militants d’AttacRhône
varier et se manifester de manières diverses. Dans l’interaction des multiples facteurs
externes à l’association et dynamiques internes propres à elle-même, son identité, définie
par ses membres et aperçue dans l’espace public, change. Ainsi, nous apercevons ses
transformations quelquefois importantes dans le rapport des militants à l’association et à
leur engagement, et supposons qu’ils traversent les mutations identitaires significatives. Ces
réaménagement identitaires — qui peuvent parfois prendre la forme de véritables « ruptures
466
biographiques » - peuvent avoir un impact important sur les fluctuations de l’engagement.
Ces phénomènes collectifs et individuels identitaires peuvent être liés aux événements
et prises de position, telle que la participation dans la campagne référendaire de 2005, la
« crise » interne ou l’abstention de prise de position pour le « non » au vote pour Sarkozy lors
des élections présidentielles en 2007, ou, encore, peuvent être dues aux transformations
de relativement longue durée.
467
La crise interne de 2006, comme l’avait remarqué R.Wintrebert , a touché les
468
plus impliqués des militants locaux , ayant une expérience politique et organisationnelle
importante, qui comprenaient les enjeux des luttes au siège national. Ainsi, parmi ceux
que nous avons interrogés, deux militants, maintenant anciens, semblent avoir été
particulièrement touchés par les événements de cette période. Généralement, les militants
469
locaux et les adhérents avait été choqués effectivement par la « fraude » aux élections,
470
« inconcevable » et « inconfessable » , laquelle les a fait « cauchemarder », et qui a suscité
« une tristesse infinie » d’avoir eu lieu à Attac. De façon générale, les militants locaux l’ont
471
vécue « à la fois de loin et de près » et n’avaient « pas vraiment envie… d’en savoir plus » .
Le vécu de la crise pour le plus impliqué, le fondateur, le premier président est une
hyperbole de ce qu’ont vécu, dans la moindre mesure, d’autres militants, selon leur degré
d’implication dans l’association, de compréhension et du décryptage de la crise nationale celle que lui interprète comme « la vraie raison de la fusion des effectifs d’Attac France et
notamment des effectifs militants ». Personnellement, du fait de sa très forte implication à
Attac-Rhône, il a vécu une pression psychologique importante résultant en un fort sentiment
de déception. La déception l’avait emporté sur le dévouement à Attac et sur les rétributions
466
Les moments de bifurcations dans la carrière d’un acteur social entraînent des recompositions identitaires. M.Voegtli souligne
que l’utilisation de ce concept « pourrait aboutir à faire l’impasse sur le travail de mise en cohérence effectué par l’acteur » (en même
temps, il démontre ce travail sur les cas de départ à la retraite ou d’une maladie de sida, où l’acteur n’aurait d’autre choix que de faire
ce travail, tandis que l’offre du militantisme laisse une marge de manœuvre plus importante pour un militant déçu par son organisation
d’appartenance). Néanmoins, nous appliquons ici ce concept, toutefois avec précaution, pour souligner le rôle que ses transformations
peuvent jouer dans la carrière militante. Voir VOEGTLI Michael, « Du Jeu dans le Je: ruptures biographiques et travail de mise en
cohérence », Lien social et Politiques, n° 51, 2004, p. 145-158.
467
468
WINTREBERT Raphael, Attac, la politique autrement? op.cit., p.271.
Ainsi ce noyau du moment à Attac-Rhône avait pris la position contre le « camp de Nikonoff » et ont été considéré des
« boutons noirs d’Attac » (Julien, militant, 55 ans, électronicien à CNRS, enregistré le 4 novembre 2008 à Lyon). Suite à une prise de
position, ils se sont « fait traités des menteurs, de plein de noms, on nous a insultés, on nous a dit qu’on voulait détruire Attac » (Lucie,
militante, 20 ans, étudiante en sociologie en Master 1, enregistré le 12 novembre 2008 à Lyon).
469
Il était souligné que Attac « a perdu près de 4 500 adhérents sur 30 000 » suite à la crise interne et la « fraude » lors
des élections. La validité de ce postulat est contestable, cependant la baisse a été significative. BRUN Thierry, « Attac la dérive »,
Politis, 31 aout-6 septembre 2006.
470
471
Lucie, militante, 20 ans, étudiante en sociologie en Master 1, enregistré le 12 novembre 2008 à Lyon.
Hélène, militante, 57 ans, assistante de la direction scientifique à INRETS, enregistré le 17 décembre 2008 à Lyon.
Maryna Kumeda - 2009
97
Les fluctuations de l’engagement militant : le cas des militants de l’association Attac-Rhône
reçues de son engagement en son sein, et le coût de la sortie s’est avéré d’être moindre
que le travail de rétablissement :
« En 2006, quand il y a eu la fraude, moi, je me suis pas représenté. J’ai…et là,
juin 2006, l’Assemblée générale de la fraude, elle marque pour moi une rupture
forte avec Attac. Q : Avec Attac France, mais également ?... Avec Attac
en général. Alors, avec une position un peu difficile. Comment la qualifier ?
Ambiguë, c'est-à-dire que à la fois je rompe avec l’organisation, j’en suis
toujours adhérent, je continue payer mes cotisations, j’ai des liens forts avec
cette organisation. Il a fallu…c'est un peu comme un deuil, quoi, que je fasse
mon deuil. Et puis j’ai des liens forts avec un certain nombre de militantes et
militants qui sont à l’intérieur d’Attac, ici, à Lyon ou à Paris ou ailleurs, avec qui
je conserve des relations quoi. C'est avec des militants d’Attac qu’on a monté
472
cette association [ la FAC, où il milite actuellement]” .
Un autre militant, s’étant désengagé dans la même période, témoigne d’un sentiment vécu
473
d’être «tombé de haut » et ressentir « le début de la fin d’Attac » . Et si l’ancien président
474
pense qu’Attac France « se relèvera pas » , cet autre désengagé a dès lors « des gros
475
doutes sur l’utilité d’Attac”
L’engagement peut ne pas survivre ou se voir affaibli à certains moments clés, qui
révèlent à un militant le fossé qui existe entre ses représentations de son militantisme au sein
d’une organisation et l’identité collective dont est porteuse cette organisation dans l’espace
public à des moments différents. Cela peut être une conséquence de réajustement de cette
identité collective, suite à des événements extérieurs sur lesquels s’en suivent les débats
et la prise de position :
« La question du rapport entre Attac et la politique que vous posez. Parce que,
moi ça m’inspire cette question-là. Au sein d’Attac il y a une position assez
apolitique. Je l’ai senti, de toute façon, en 2007 à deux ou trois reprises. Et
d’ailleurs, c’est une des raisons pour lesquelles…Alors ça, c’est peut-être la
rationalisation a posteriori. En tous cas, je sais que j’ai quitté Attac, 'fin, j’ai
quitté, le CA d’Attac en 2007. Il y a des choses pour moi, j’ai du mal à accepter.
On avait fait une consultation, on s’était posé la question pour savoir si on devait
appeler à voter contre Sarkozy au deuxième tour. Pardon, c’est Attac-France qui
avait consulté les comités locaux, en leur demandant si il fallait appeler à voter
contre Sarkozy. Et dans le Rhône, en fait, on avait fait une consultation sur la liste
(…) des actifs du Rhône, et la majorité a fini par se dégager pour ne pas appeler
à voter contre Sarkozy. Et moi, je trouve que c’était une connerie, de mon point
de vue. Surtout, si je vous dis ça, vraiment j’avais l’impression de ressentir ce
que peut-être, moi, ce qu’à l’époque j’avais appelé (…) une forme d’apolitisme.
(…) Il y a une forme d’apolitisme, de défiance envers les partis, et que surtout
on est des purs, on se mêle pas à ça. Et ça, moi, ça a jamais été ma conception
d’Attac. Peut-être, je suis venu à Attac, parce que je me retrouvais plus dans
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474
475
98
Nicolas, ancien militant, 55 ans, au chômage, enregistré le 16 décembre 2008.
Daniel, ancien militant, 43 ans, technicien à la CNR, enregistré le 10 mars 2009 à Lyon.
Nicolas, ancien militant, 55 ans, au chômage, enregistré le 16 décembre 2008.
Daniel, ancien militant, 43 ans, technicien à la CNR, enregistré le 10 mars 2009 à Lyon.
Maryna Kumeda - 2009
Chapitre III. L’engagement et ses fluctuations : le cas des adhérents et des militants d’AttacRhône
les partis ou j’arrivais pas à faire la démarche d’entrer dans un parti (…), mais
toujours est-il, j’ai toujours considéré, de toute façon, que la finalité d’Attac,
c’est une finalité politique, et que la finalité surtout d’Attac c’est de travailler
avec des partis politiques. Alors, de travailler avec des partis politiques dans les
conditions très précises, très balisées. C’est sur qu’il y a des dangers, que c’est
des questions très très périlleuses, mais en tous cas, j’ai jamais considéré que
c’était comme ça, d’être autonome, de produire de la réflexion comme ça dans le
désert, sans véritablement justement maîtriser un tant soit peu les effets que ça
pouvait avoir dans les discours politiques et surtout la manière dont ça pourrait
476
être éventuellement récupéré dans le discours politique par des partis.”
477
Aujourd'hui, la question palestinienne a beaucoup de l’emprise à Attac-Rhône
:
l’association est fondateur et participe au collectif Palestine 69, y compris financièrement
478
dans ses projets , a participé à la manifestation pour la paix en Palestine en janvier 2009
à Lyon (ayant été choqué, suite à cela, par les slogans du genre « Hamas la Résistance » !).
Or, cette question, étant véhiculée par plusieurs membres actuels de l’association, ne
suscite pas l’enthousiasme de tout le monde. De tels changements dans les orientations
collectives peuvent contribuer à la détérioration de l’auto-identification à l’organisation et au
départ de certains :
« Parce que, bon, je veux dire, en rester aux généralités, le droit international, etc,
ça, ça me gène pas du tout. Maintenant, est-ce qu’on doit aller dans des manifs
avec des gens qui disent « Vive le Hamas ! » - ça, c'est autre chose. Ça, ça a
jamais été discuté. A ma connaissance. Et je crois que ça le mériterait, pourtant.
Q : On y était, et après on en a parlé au bureau, en fait. Voila. Maintenant,
mais c'est maintenant, je veux dire, alors que cette question-là aurait pu être
abordée…donc, bon. Et puis, c'est vrai que moi, je me dis bon, bah, Palestine,
c'est bien, mais je vois pas…fin, on a beau me dire, oui, colonialisme, aspect
économique, oui, je sais pas. C'est…pour moi, c'est quand même pas…surtout
aujourd'hui, là, où il faudrait mettre des forces quoi. Les gens de nous attendent
pas sur la Palestine, Attac. Lyonnais de base, je veux bien aller dans la rue et
donner un tract sur la Palestine, mais je pense que ça serait beaucoup plus, on
aurait beaucoup plus de légitimité aujourd'hui avec quelque chose sur la crise
479
financière. Et ça, ce travail, il est pas fait. Au-delà de quelques éléments”
476
477
.
Mathieu, militant, 36 ans, doctorant en sciences politiques, enregistré le 20 octobre 2008 à Lyon.
Rappelons que plusieurs militants d’Attac-Rhône sont partis avec une mission civique (de 22/12/2002 au 3/01/2003) en Palestine,
et se sont impliqués dans le groupe Méditerranéen et l’imposition de la question Palestinienne sur l’agenda d’Attac France. (Pour
la brève description de ce processus, voir WINTREBERT Raphael, Attac, la politique autrement? op.cit., p.114-117 ; Historique du
Groupe Méditerranée, 01/06/2007, http://www.france.attac.org/spip.php?article7200 )
478
La decision a été prise de participer à hauteur de 100 euros dans le projet « New Askar »du collectif Pamestine, compte-rendu du
Bureau le 1 avril 2009. « Le projet consiste a faire venir en France, pendant un mois, un groupe d'enfants qui font partie d'un groupe
de danses traditionnelles dans la region de Naplouse en Cis-Jordanie. Ils participeront, ici a differentes activites, dont des spectacles
de danse traditionnelle», compte-rendu du Bureau le 4 mars 2009.
479
Daniel, ancien militant, 43 ans, technicien à la CNR, enregistré le 10 mars 2009 à Lyon.
Maryna Kumeda - 2009
99
Les fluctuations de l’engagement militant : le cas des militants de l’association Attac-Rhône
La transformation d’identité collective est vécue par certains, à l’inverse, en termes
480
d’« évolution personnelle » , où ils découvrent qu’ils ne s’identifient plus à Attac-Rhône :
« J’y retournais cette année [à l’Assemblée générale], mais en soir, repartant,
j’étais, je me suis dit que j’aurais pu ne pas y aller…ça aurait fait pareil… Non, il
y a plus de vie. Je trouve que c'est plus…y a plus…voila…les questions qui s’y
posent me semblent pas être des questions…de ce que j’ai vu à l’AG, et même de
481
ce que je vois circuler sur les listes, je me reconnais plus. »
S’engageant dans une organisation, l’acteur social à ce moment-là, entre autres processus,
se trouve capable à s’identifier à cette organisation, son image publique, s’aligner au cadre
d’interprétation de la réalité sociale qu’elle offre et endosser l’identité d’un militant de cette
organisation. Or, ces catégories changent avec l’évolution de cette organisation, avec le
turn over militant et, de ce fait, les transformations que vit l’identité et l’agenda de cette
organisation. Des changements et des événements qu’avait vécu le comité Attac-Rhône et
Attac France, plus généralement, n’ont pas toujours été intégrés dans l’identité adossée par
ses militants préalablement, et, dans le contexte d’affaiblissement des rétributions militantes
dans leur ensemble, ont provoqué la défection de certains.
2.6. L’inscription du militantisme dans l’espace des pratiques sociales
ordinaires
Depuis que D.Gaxie a fait remarquer que « l’ensemble des pratiques sociales tendent
482
à s’effectuer à travers » le militantisme, il avait été étudié également comme une des
pratiques sociales ordinaires, donc, s’inscrivant dans le rythme de la vie ordinaire, trouvant
sa place parmi, ou assurant sa priorité sur, d’autres activités. Son caractère propre et la
configuration des rétributions dont les militants en bénéficient sont en relation étroite avec
son inscription dans d’autres pratiques sociales et d’autres sphères de vie d’un acteur.
Ainsi, nous avons repéré des transferts des implications au sein de l’association ou
les changements de l’intensité de l’engagement dus aux facteurs biographiques. L’arrivé
à Attac-Rhône de la deuxième génération notamment était conditionnée par de tels
483
changements, traduite dans une disponibilité biographique
: l’installation à Lyon
(pour cinq de nos interviewés), le chômage et la possibilité de reconversion des acquis
484
professionnels , ou le départ à la retraite. Cependant, il nous semble que le facteur
biographique, qui aurait contraint ou favorisé le militantisme à Attac-Rhône, n’est pas
prépondérant. Au contraire, nous avons remarqué, au moins dans le passé, la primauté pour
480
481
482
Mathieu, militant, 36 ans, doctorant en sciences politiques, enregistré le 20 octobre 2008 à Lyon.
Daniel, ancien militant, 43 ans, technicien à la CNR, enregistré le 10 mars 2009 à Lyon.
GAXIE Daniel, “Economie des partis et rétributions du militantisme”, art.cit., p.138.
483
MCADAM D., « Recruitement to High-Risk Activism : The Case of Freedom Summer », American Journal of Sociology,
vol.92, n°1, 1986, p.64-90.
484
Jérôme, militant, 38 ans, agent administratif à temps partiel dans une association, enregistré le 7 novembre 2008 à Lyon.
S’étant trouvé au chômage et depuis longtemps réfléchissant sur les questions de la société, Jérôme, en arrivant à Attac-Rhône, avoue
n’avoir pas été « sûr que j’ai ma place ici ». Ancien agent administratif dans le domaine journalistique, il s’est proposé de s’occuper
du bulletin, ainsi, ayant trouvé sa niche, a pu s’intégrer et préserver son engagement.
100
Maryna Kumeda - 2009
Chapitre III. L’engagement et ses fluctuations : le cas des adhérents et des militants d’AttacRhône
beaucoup de militants très impliqués auparavant de l’engagement sur d’autres domaines
485
d’activités, professionnelles , ou familiales :
« C'est vrai que avant c'était… pendant des années-là…pendant, je sais plus,
4-5 ans, c'était…mais qu’est-ce que je dis, 4-5 ans – plus. Euh, peut-être 9
ans , ça était, c'était des réunions 4 fois par semaine, le week-end avec des
manifestations, des conférences…donc, c'était un peu la vie d’enfer, ah, la vie
militante. Voila, donc, ma fille s’en souvient un peu, parce que..15 ans, elle, elle
486
était à la maison, et nous, on allait à une réunion tous les deux, donc… »
487
Le modèle de l’« engagement distancié »
se trouve mis en question par ces cas
de remise de soi et de l’attachement à la cause dévoué importants chez les militants
d’Attac, pourtant l’organisation qui ne le demande ni l’encadre. Une militante, engagée
activement pendants sa grossesse pour la campagne référendaire, ou un autre militant,
dont l’intensité d’engagement, maintenant ancien, était tellement important, en termes de
temps consacré, que sont fils, à une question sur l’occupation professionnelle de son père,
488
avait répondu « il travaille à Attac » . Deux militants apprenaient alors l’anglais pour
pouvoir participer aux rencontres internationales, ou encore une militante s’est mise au
portugais avant de se rendre au FSM de Porto Alegre. Chez un autre militant, très socialisé
à l’international par ses origines et par les séjours, universitaires et professionnels, à
l’étranger, la sensibilité aux conséquences de la globalisation néolibérale, s’est matérialisée,
probablement, sous contraintes matérielles de sa mobilité géographique, dans la préférence
du mode de l’engagement, très intensif, mais dispersé et plutôt intellectuel, par les
appartenances à plusieurs organisations et mouvements (Attac Liban, Attac Suisse, AttacRhône), interventions ponctuelles et très dispersées géographiquement (les FSE à Athènes
(2006) et Malmö (2008), Forums sociaux méditerranéens). Pourtant, s’étant installé pour
une période relativement longue à Lausanne, il s’est engagé très activement dans des
activités d’Attac Lausanne, puis d’Attac Suisse, aujourd’hui, depuis le début 2008, à AttacRhône.
Une autre jeune militante, ayant été socialisée dans la culture « attakienne » dès
ses 15 ans, donc, très jeune et très vite s’étant impliquée, à travers l’accumulation
des responsabilités et des formes d’investissement au sein d’Attac (mandat au Conseil
d’administration, (co)présidence la troisième année consécutive, animation d’Attac-campus
entre 2005 et 2007 et de la coordination nationale d’Attac-campus (2007-avril 2008),
participante régulière à la CNCL et même quelque fois au Conseil d’Administration d’AttacFrance), s’est épuisée physiquement :
« L’année dernière, en fin de l’année universitaire, j’ai complètement craqué.
J’en pouvais plus, autant moralement que physiquement c’est plus possible.
J’avais plus de vie sociale en dehors de militantisme et là j’ai dis « stop, on va
lâcher des choses. (…)J’étais vraiment arrivé à un état d’épuisement notamment
physiquement, que j’étais à un point où soit je faisais un break soit j’étais
485
Un militant nous a témoigné avoir repris le travail à temps partiel après une longue période de chômage pour se procurer
du temps pour militer. Un autre militant a passé à temps partiel dans sa boîte, où « ça marchait même trop bien, ça nous demandait
trop de temps. J’avais plus temps pour me livrer à mes autres occupations, qui ont toujours été importantes. C'était les occupations
militantes.” (Nicolas, ancien militant, 55 ans, au chômage, enregistré le 16 décembre 2008).
486
487
488
Alice, militante, 60 ans, à la retraite, enregistré le 11 mars 2009 à Lyon.
ION Jacques, La fin des militants ?, Paris, Ed.de l’Atelier, 1997.
Daniel, ancien militant, 43 ans, technicien à la CNR, enregistré le 10 mars 2009 à Lyon.
Maryna Kumeda - 2009
101
Les fluctuations de l’engagement militant : le cas des militants de l’association Attac-Rhône
tellement dégoutée du militantisme que j’allais tout arrêter, ce que je voulais
absolument pas. Parce que j’ai envie de continuer à militer. Et je suis très bien à
Attac, et j’ai envie de continuer à donner mon temps pour Attac. Et là, il fallait que
489
je fasse une pause. »
.
Ainsi, pour cette militante (et pour d’autres s’étant engagés sur le mode de « remise de
490
soi »), qui mentionne n’avoir pas « imaginé absolument » le plaisir qu’il peut y être à militer,
« les délices (et les frayeurs) de ce mélange d’expériences, totalement insoupçonnées au
départ, jouent sans doute un rôle déterminant dans le surengagement, et expliquent, plus
grave encore, cette dépendance vis-à-vis de la vie publique que l’on observe fréquemment
491
chez les néophytes en la matière » .
2.7. Variabilité des rétributions militantes
Les militants, anciens et actifs, d’Attac-Rhône semblent, plus généralement, avoir leur
implication transformée sous l’effet d’autres facteurs, liées à la pratique militante même. En
492
développant l’idée de Mansur Olson d’ « incitations indépendantes » (separate incentive) ,
D.Gaxie avait souligné la difficulté d’expliquer l’action militante seulement par les mobiles
493
idéologiques : « d’autres incitations viennent les appuyer et les renforcer » , des avantages
d’ordre matériel ou symbolique. Surtout, ces incitations ne sont pas figées une fois pour
tout dans une organisation donnée, mais sont conditionnées par des périodes que vit
l’organisation, le degré de cohésion et les normes de fonctionnement du groupe, les
déterminants propres de celui qui bénéficie de ces rétributions. Si dans la période de
l’essor d’Attac-Rhône les rétributions militantes étaient beaucoup nourries par le sentiment
de la demande pour leur action militante, par l’accroissement des adhésions et par la
fréquentation massive des événements organisés, en période du déclin, le militantisme,
ayant perdu la plupart de ces éléments incitatifs, s’affaiblit également.
Ici, il faut préciser que le poids spécifique des rétributions du militantisme telles qu’elles
sont perçues par le militant dans son engagement, est corrélé à d’autres dimensions de son
existence : la multiplicité des espaces sociaux d’existence de l’individu, des rôles occupés,
les conséquences identitaires de l’interaction et de l’ajustement de ces rôles, et d’autres
facteurs environnementaux. La dynamique des changements dans ces autres espaces de
vie « se traduisent par une nouvelle cotation des rétributions attendues, sachant que la
valeur de celles-ci dans une sphère co-varie avec la valeur qu’on leur prête dans toutes les
494
autres sphères » .
L’effet surrégénérateur du militantisme est effectif, il semble, dans des périodes
favorables pour l’organisation, dans des conditions d’implication importante des militants,
489
490
491
Lucie, militante, 20 ans, étudiante en sociologie en Master 1, enregistré le 12 novembre 2008 à Lyon.
Ibid..
HIRSCHMAN Albert, Bonheur privé, action publique (Shifting Involvements. Private Interest and Public Action), trad. M.Leyris
et JB.Grasset, Paris, Fayard, 1983, p.174.
492
493
OLSON Mancur, Logique de l’action collective, Paris, PUF, 1978 (Cambridge, Harvard University Press, 1965).
GAXIE Daniel, “Economie des partis et rétributions du militantisme”, art.cit., p.128.
494
FILLIEULE Olivier, « Temps biographique, temps social et variabilité des rétributions », in FILLIEULE Olivier (dir.), Le
désengagement militant, op.cit.,p.45-46.
102
Maryna Kumeda - 2009
Chapitre III. L’engagement et ses fluctuations : le cas des adhérents et des militants d’AttacRhône
comme dans le cas d’une jeune étudiante, arrivée à Lyon pour ces études et très vite
enchantée par des plaisirs du militantisme dévoué :
« On se laisse très vite bouffer en fait, par militantisme, je me suis rendue
compte, quand on est dedans on s’en sort pas…Quand on commence vraiment
à s’engager, c’est très difficile de s’en sortir, parce que on s’attache au niveau
495
affectif aussi, à l’organisation, alors c’est… »
Les gratifications symboliques, procurées par l’implication et l’appartenance à un
mouvement d’envergure qu’avait Attac-Rhône auparavant, avaient eu l’effet également sur
le degré de désirabilité d’un poste (dans un mouvement anti-institutionnel et très horizontal),
occupé au sein de l’association – alors que aujourd'hui rares sont des volontaires à se
porter candidate, et la désignation du président est faite sur le mode de motivation et de
persuasion. Ayant laissé le titre du président, son premier porteur a pris un mandat au
CA d’Attac national et s’est impliqué plus dans la Commission internationale. Pourtant, il
avoue n’avoir pas voulu le laisser, tout en pointant une telle nécessité. L’exercice de cette
responsabilité lui avait explicitement procuré la joie d’accomplissement personnelle :
« Moi, j’ai été…président, le premier président d’Attac-Rhône. Et dès le début
j’ai dit et répété, mais je…j’étais pas le seul, que comte tenu de ce qui était cette
association, je…il faudrait, je ne devrait pas rester trop longtemps président.
Et je le disait aux efforts pour être sur de…d’être entendu et pour être…pour
que ce soit…même pour moi quoi…Tu peux pas. Quand t’as dis quatre fois la
même chose à quatre places différentes, tu es engagé, tu es contraint. Parce que,
en fait, quand j’ai quitté la présidence au bout de trois ans, j’avais pas envie la
quitter, forcément, ça se passait bien quoi, c'était…voila. Pourquoi la quitter. Mais
bon, je l’ai quitté quand même, ah, parce que (…) Alors, non, le fait de quitter la
présidence, il a pas changé. Il a un peu changé. Je suis resté très investi à AttacRhône, très investi dans le CA, ce qui pouvait peut-être d'ailleurs un problème,
parce que, euh, le copain qui a pris la présidence…oui, bon, je vais dire les
choses comme elles sont, comme moi, je pense comme elles sont. Ayant marqué,
ayant bénéficié d’une période particulièrement dynamique, étant quelqu'un qui
a pas une personnalité effacée, bah, j’avais marqué cette présidence et le fait
que je sois encore là, ça rendait sans doute pas les choses faciles pour celui qui
496
prenait la présidence après moi.”
Un de ses successeurs l’avait vécu différemment, comme une responsabilité importante,
lourde, ainsi, après avoir accompli deux mandats au poste du président, avait laissé le
Conseil d’administration et est parti fonder un groupe d’Attac du quartier. D’une part, cela
peut être du à ses perceptions individuelles d’accomplissement des responsabilités, très
exigeantes, d’autre part, la période de son mandat, les années 2004-2005, étaient marquées
par plus de divergences et, ainsi, était plus lourde à gérer au sein de l’association. Or,
l’avis souvent exprimé dans les justifications de ceux ayant laissé leurs responsabilités
administratives, est la nécessité de laisser la place aux autres.
En règle générale, « les mécanismes d’occultation des intérêts objectifs que les
adhérents ont dans leur organisation résultent donc de l’identification même aux buts de
495
Lucie, militante, 20 ans, étudiante en sociologie en Master 1, enregistré le 12 novembre 2008 à Lyon.
496
Nicolas, ancien militant, 55 ans, au chômage, enregistré le 16 décembre 2008.
Maryna Kumeda - 2009
103
Les fluctuations de l’engagement militant : le cas des militants de l’association Attac-Rhône
497
l’organisation » . Et si, dans le cas d’Attac-Rhône, les objectifs, qui sont celui d’éducation
populaire tournée vers l’action et la production des analyses, dès lors que la demande
publique et la capacité de relais de ces actions par l’association diminuent, les militants se
trouvent désorientés et démotivés. Et la preuve de la prégnance de ce facteur se trouve
498
dans l’emprise de la réflexion sur les possibilités de « toucher les classes populaires »
dans les propos de nos interviewés et les débats des militants actifs aujourd'hui.
Comme dans tout autre domaine de la vie sociale, activité professionnelle, scolaire ou
vie affective, - il y a des fluctuations du degré de son appréciation, de notre sentiment de soimême par rapport à cette activité et notre place vis-à-vis les autres dans son exercice, toutes
ces dimensions, qui, elles aussi, dépendent de l’imbrication, interaction et reconfiguration
499
dans d’autres espaces de vie. Il y a « des jours avec et des jours sans » comme l’avait
exprimé une militante, présente à Attac-Rhône depuis 2003:
« Si, forcément, mais…je me dis que si on arrête…ça fait une petite force de
moins dans le paysage…je trouve que c'est dommage. Bon, après, je suis un peu
comme Julien, ah, y a des jours avec et des jours sans, quoi…Les jours où je
me dis, bah, pfff, ça se bouge pas, les gens, ils ronronnent, ils s’occupent de…
mais même, fin…même au boulot, je veux dire, des fois y a des choses, bon, les
gens laissent passer…ça m’a toujours surprise, mais après c'est une question de
caractère aussi je pense, ah. Donc, je me dis que, par exemple, d’être à l’initiative
de collectif…c'est bien…comme la Poste, là, si on arrive à faire se rencontrer des
syndicats qui se rencontreraient pas, c'est quand même un rôle qui est important,
500
et que personne ne tiendra…et donc… »
501
La plupart des militants interviewés avouent la nécessité d’y avoir du « plaisir à militer »
502
et de pouvoir en « retirer quelque chose », que « l’intérêt vraiment personnel » se trouve
au fondement de son engagement pour une cause:
« Alors, suivant les gens, on retire pas la même chose. Donc, on retirait de
l’intérêt intellectuel, on peut en retirer du pouvoir, on peut en retirer de la
considération, fin, bon, toute la panoplie…A partir du moment, où…on commence
à plus venir, fin, à trouver moins d’intérêt, je crois qu’il faut passer à autre
503
chose. »
D’autres, critiquent l’intérêt pour l’autoformation par certains, leur posture d’un
« consommateur » vis-à-vis du travail de l’association, tout en étant minoritaires dans ce
497
498
499
500
501
502
GAXIE Daniel, “Economie des partis et rétributions du militantisme”, art.cit., p.152.
Lucie, militante, 20 ans, étudiante en sociologie en Master 1, enregistré le 12 novembre 2008 à Lyon.
Hélène, militante, 57 ans, assistante de la direction scientifique à INRETS, enregistré le 17 décembre 2008 à Lyon.
Hélène, militante, 57 ans, assistante de la direction scientifique à INRETS, enregistré le 17 décembre 2008 à Lyon..
Nicolas, ancien militant, 55 ans, au chômage, enregistré le 16 décembre 2008.
“Le militantisme, pour moi, en tous cas, ça part d’un sentiment égoïste, tu vois. Et, parce que ça m’intéresse, parce que je
considère que, voila, c'est la société dans laquelle je vis, etc. », Azzedine, militant, 29 ans, postdoc à l’ENS en physique, enregistré
le 14 décembre 2008 à Lyon.
503
104
Cédric, ancien militant, 67 ans, à la retraite, enregistré le 18 mars 2009 à Lyon.
Maryna Kumeda - 2009
Chapitre III. L’engagement et ses fluctuations : le cas des adhérents et des militants d’AttacRhône
504
projet de « scotomisation » . Dans des conditions de déclin et de difficultés à accomplir des
finalités annoncées, des militants « idéalistes » auraient plus de difficulté de faire durer leur
engagement, si l’exploitation de tous les éléments, générateurs potentiels des rétributions
militantes, ainsi, des engagements dans l’association, n’ont pas lieu.
2.8. Formes de sociabilités
505
La sociabilité militante dans une organisation est elle tout autant un facteur structurant
de l’engagement. « L’intégration dans une micro-société avec tous les avantages
psychologiques et sociaux qui lui sont associés apparaît ainsi comme le bénéfice le plus
506
général retiré de l’appartenance à une organisation » .
Tout d’abord, l’appartenance à une communauté des valeurs et des intérêts communs
et le pouvoir de construire une contestation fondée sur cette plateforme est un renforcement
important identitaire et une rétribution en soi. Parmi les militants nous apercevons des
pratiques associées à la mouvance altermondialiste, telle que la préférence des produits
de commerce équitable, des pratiques quotidiennes d’orientation écologiste, des formes de
participation et de délibération, inspirée par la recherche du consensus, l’expression libre
de tous, tournées de prise de parole, etc.
Et puis, des liens d’amitié se tissent (rappelons que la majorité des militants actifs sont à
507
Attac-Rhône depuis au moins cinq ou six ans), un « groupe humainement (…) chouette »
508
s’est constitué, des soirées festives rendent les réunions plus attractives. « Au fur et à
mesure de l’intégration des militants au groupe et du resserrement de celui-ci, sociabilités
collective et interpersonnelle se confondent. Cette confusion intervient d’autant plus que les
509
résultats de la mobilisation diminuent (…), car elle contribue à la persistance du groupe ».
Le groupe s’occupant de l’émission de radio s’avère être un groupe d’amis aujourd'hui, qui
se réunissent souvent au bar « militant » « De l’autre côté du pont » ou pour un repas
chez un des membres. Au cas de désengagement, il ne s’agit plus simplement d’arrêter
de militer, mais de mettre en question la continuité des liens amicaux et des réseaux des
interconnaissances :
504
Par utilisation de ce terme D.Gaxie veut souligner la dualité de place des rétributions dans le militantisme : elles sont « à la fois
censurées, refoulées, déniées et refusées, mais aussi confusément aperçues, explicitées et identifiées, dans la gêne, la mauvaise
foi, la confusion et l’approximation », dans GAXIE Daniel, « Rétributions du militantisme et paradoxes de l’action collective », Revue
suisse de science politique, vol.11, printemps 2005, p.173.
505
Pour G.Renou, la sociabilité militante « relève plutôt de routines incorporées, non conscientes au moment de l’action ». Etant
souvent considérée comme secondaire de l’activité de l’organisation, selon l’auteur elle constitue « une dimension productrice de
structuration sociale » et de l’objectivation du groupe. De là, l’intérêt pour l’étudier. Dans son étude des formes de sociabilité à SUDPTT il aboutit à une conclusion que « cette organisation semble tenir tout autant par les ethos sociables, principales bases des
coordinations pratiques, que par ces principes rationnellement fondés ». Voir RENOU Gildas, « L’institution à l’état vif. Sociabilités et
structuration des groupes dans un syndicat de salariés », Politix, n° 63, 2003, p.53-77.
506
GAXIE Daniel, “Economie des partis et retributions du militantisme”, art.cit., p.138.
507
508
Michael, ancien militant, 37 ans, auteur-dessinateur des bandes dessinées, enregistré le 12 mars 2009 à Lyon.
Soirées sous forme d’ « auberge espagnol » sont souvent pratiquées par des militants, ou est réalisé le principe de
participation de chacun dans le repas par ce qu’il apporte, mais également symboliquement de par ses interventions.
509
DURIEZ Hélène, « Modèles d’engagement et logiques de structuration des réseaux locaux de la gauche mouvementiste
à Lille », Politix, n°68, 2004, p.198.
Maryna Kumeda - 2009
105
Les fluctuations de l’engagement militant : le cas des militants de l’association Attac-Rhône
« Ça m’a fait réfléchir aussi. Finalement, tu fais de la politique, mais qu’est-ce
que tu fais ? Tu vas voir des potes ou tu fais de la politique ? A Attac, au bout
d’un moment, on se posait des questions. Surtout quand on est plus captivé
dans le milieu militant, et d’ailleurs, ça me fait penser que la semaine dernière
j’étais, j’ai discuté avec un des copains du groupe Radio. Bon, je lui expliquais
que j’avais un peu du mal en ce moment, que je me posais la question de la
survie du groupe, et puis on est venus à se dire, je lui ai dit : «en même temps
j’ai pas du tout envie d’arrêter de voir ce groupe parce que on est quand même
deux potes ». Je dis ça, mais sérieusement, c’est un lieu où on se retrouvait, les
gens comme Jérôme, U., D., ceux qui composent le groupe. Je sais que je les
vois ailleurs, on se fait des bouffes et tout, mais il n’en reste pas moins, comme
ça, avec le groupe, c’est un des lieux où on peut se voir. Et que si on enlève le
groupe Radio, on perd un des lieux où on se voit. Donc, là, on est vraiment sur
des considérations qui sont complètement privées, amicales, tout ce qu’on veut.
510
Et on est loin de l’universalité du combat politique »
Chez une autre militante, manifestant un grand intérêt pour la cause écologique, qui,
néanmoins, ne poursuivait pas l’animation du groupe après le départ d’une personne très
active (mais activement engagée dans la transmission des messages concernant les OGM
sur la liste « Actifs »), ne va pas à l’université d’été seule, même si intéressée, s’il n’y a
pas d’autres pour tenir la compagnie, n’est jamais allée à la CNCL, ni aux FSE proches
géographiquement, tout en ayant eu deux mandats consécutifs au CA, membre du Bureau
et trésorière, depuis plusieurs années :
« Si, si, mais j’ai pas l’impression qu’y a beaucoup de monde qui a du y aller
d’Attac-Rhône. C'est vrai que, c'est sympa quand on y va à plusieurs. On avait
fait du covoiturage…ça, c'est pas retrouvé…non, non, ça m’a était intéressant.
Euh, des sujets…oui, oui, non, c'était bien les sujets, et puis, de rencontrer
du monde d’un peu partout, et puis des sujets intéressants, bien traités…très
pédagogiques, présentés d’une manière très pédagogiques. Non, non, cette
511
année, j’ai failli y aller, puis je me suis pas poussée toute seule, quoi…”
Les formes de sociabilités, ainsi, s’avèrent être pour certains facteurs décisifs des modes
de leurs engagements et de leur intensité. Il nous a paru intéressant de remarquer
une divergence dans la perception de l’accueil, décrit par des militants : auparavant 513
512
« atmosphère dure » , « personne me dit bonjour au revoir »
, et très chaleureux depuis
plusieurs années et tel que nous l’avons vécu, assuré notamment par un ancien président,
très soucieux par cette dimension de fonctionnement de l’association. La réflexion sur les
modes d’accueil et d’intégration des nouveaux venus est présente à même titre que celle,
sur les façons d’attraction du nouveau public, signe des efforts déployés à renforcer et faire
persister l’activité, ainsi, leur propre engagement, par des militants d’Attac-Rhône
510
Mathieu, militant, 36 ans, doctorant en sciences politiques, enregistré le 20 octobre 2008 à Lyon.
511
Hélène, militante, 57 ans, assistante de la direction scientifique à INRETS, enregistré le 17 décembre 2008 à Lyon.
512
Hélène, militante, 57 ans, assistante de la direction scientifique à INRETS, enregistré le 17 décembre 2008 à Lyon . (militante
depuis 2003)
513
Jérôme, militant, 38 ans, agent administratif à temps partiel dans une association, enregistré le 7 novembre 2008 à Lyon. (militant
depuis 2002)
106
Maryna Kumeda - 2009
Chapitre III. L’engagement et ses fluctuations : le cas des adhérents et des militants d’AttacRhône
2.9. Désengagement
Le désengagement est un processus qui se noue dans la séquence des petites frustrations,
suivies des réflexions et des requalifications concessive de son militantisme, la formulation
des nouveaux objectifs et l’ajustement de ses aspirations, la manifestation discursive de ses
griefs et de la justification de son éloignement ou départ. Un tel exemple serait la façon de
parler de son désengagement progressif de ce militant, très actif autrement et très exigeant
en ce qui concerne le dévouement militant :
« Oui, et puis j’avais plus envie de continuer cette animation [du groupe Europe,
après 2005]. Je voulais faire autre chose. Je voulais me recentrer sur la radio.
Et puis, c’était à l’époque aussi où je m’étais..je continuais à m’investir dans
une autre association qui s’appelle Formation Action Citoyenne. Et puis, voila,
c’est une juxtaposition d’engagements et des lieux d’investissement. Voila, je
voulais arrêter ça. Parce que, bon, en plus de ça,c’est vrai que je ressentais
quand même une certaine contraction que j’avais du mal à surmonter peut-être
dans mon propre engagement, et puis aussi parrapport à l’engagement des
autres. C'est-à-dire que j’ai senti bien qu’il y avait encore des gens qui étaient là
dans une attitude un peu d’autoconsommation. Et puis les gens ne savaient pas
trop comment, peut-être, no bossaient pas trop entre les réunions. C’était pas
forcément facile à porter. Je pense qu’on avançait pas vraiment beaucoup. Et
puis, surtout simplement je crois parce que je voyais plus la fidélité du groupe.
Pour moi ça était son tort. Et puis, c’était à l’époque où les groupes de travail
ont commencé à s’éteindre les uns après les autres. Donc on sentait bien que
la dynamique n’était plus là. De toute façon, plus simplement, je crois que
514
vraiment.. »
Ces propos en général démontrent son positionnement actif et authentique par rapport à
son militantisme, selon un modèle de la « remise de soi ». Cette revendication d’adhésion
totale à l’institution du militantisme lui a coûté une forte déception. Etant née dans la critique
de ceux qui prennent une position des « consommateurs » vis-à-vis de l’association et
ayant grandi dans les conditions de la décroissance des effectifs et de désengagement
des militants, le sentiment de « vexation » a débouché sur l’adoption d’une position de
« désengagé ». Ce militant reste chargé de l’émission à la radio, participe activement dans
les négociations avec Radio Canut pour y transmettre la diffusion de l’émission, intervient
à ce propos dans les bureaux et, ainsi, reste assez présent physiquement dans la vie de
l’association, mais se définit comme « désengagé », comme un « électron » libre. Ce militant,
déçu également, après ne pas avoir trouvé d’autres vecteurs de travail pour le groupe
« Europe » qu’il avait animé, de ne pas avoir pu argumenter et imposer son axe de travail
sur les politiques européennes, n’a pas perdu d’intérêt pour la question (il écrit des articles
thématiques à Grain de sable, intervient à la FAC sur ce thème), mais continue à s’investir
davantage dans le groupe radio. Le facteur décisif du désengagement dans les conditions
de déception est défini par des possibilités de reconversions au sein de l’organisation,
qui pourrait contribuer, comme dans le cas évoqué, à la persistance de l’engagement. Si
une possibilité de la reconversion survient dans d’autres espaces, cela peut susciter un
désengagement de l’organisation source de déceptions. Et parmi les désengagés il y a
effectivement ceux qui ont trouvé des possibilités de reconversion ailleurs:
514
Mathieu, militant, 36 ans, doctorant en sciences politiques, enregistré le 20 octobre 2008 à Lyon.
Maryna Kumeda - 2009
107
Les fluctuations de l’engagement militant : le cas des militants de l’association Attac-Rhône
« Pour moi, c'était bien, je me suis éclaté, complet, étudié le thème, mais je suis
pas sur, que l’impacte derrière, il est important. Alors, ça a servi, parce que
maintenant je m’en ressers, quand je fais des formations, j’en ai fait pour la FAC
515
, sur le service public, sur l’énergie, là, j’en ai une qui est programmée. En
fait, c'est tout le travail d’Attac aujourd'hui, qui est vulgarisé par ce travers-là en
516
quelque part.”
Le désengagement peut être un aboutissement d’un processus d’accumulation des
déceptions, lié aux changements du contenu des activités, enclenché par une possibilité de
reconversion. Dans un cas d’un ancien militant, très engagé auparavant, la reconversion
avait eu lieu dans son activité professionnelle, la production des bandes dessinées
d’intervention politique, où il avait trouvé « plus de satisfaction dans mon activité
professionnelle au niveau politique, que dans les réunions d’Attac, ce qui était pas le cas
517
avant » .
L’augmentation de l’offre de l’engagement militant et associatif accroit la concurrence
pour le recrutement et le maintien de l’engagement des militants d’Attac-Rhône. Le
518
degré de spécialisation des organisations dans le champ militant change l’équilibre du
potentiel concurrentiel entre Attac et d’autres acteurs. Le vaste champ d’intervention d’Attac
a favorisé les flux des adhérents arrivés par motivations très diverses au départ. Or,
aujourd'hui, dans les conditions d’émergence et de développement des organismes plus
spécialisés dans chacune de ses actions (éducation populaire, production de l’expertise,
diffusion de l’information ou interventions politiques à vocation culturelle, etc.), avait pu
attirer des militants, très attachée à un type action ou une cause particulière. Beaucoup de
militants sont passé à l’action proprement politique et ont participé aux élections.
Ainsi, c’est le cas pour les anciens militants d’Attac-Rhône, s’occupant aujourd'hui du
cycle « Autres regards », favorisant l’action à dimension culturelle, ou encore pour d’autres
anciens militants d’Attac-Rhône, adeptes de la formation citoyenne par l’action d’éducation
populaire, ayant transféré leur centre d’intérêt vers la FAC:
« Et, bien, moi, je pense qu’il faut les deux. Donc, justement je crois que
quand Attac était au top, il avait réussi à lier les deux. On avait beaucoup de
travail de fond, mais on avait aussi beaucoup d’actions. Et, ça marchait bien.
Donc, moi, je pense qu’il faut les deux. Et actuellement, bah, je trouve qu’on a
malheureusement, presque ni l’un ni l’autre. Moi, j’ai été plus déçu par le fait
que même à Attac-Rhône…Alors, c'est peut-être lié aussi au nombre moins
d’adhérents, au fait que les adhérents qui étaient aussi, vraiment, qui travaillaient
sur le fond et sur des sujets précis dans le fond, sont un peu partis vers la FAC.
Donc, on peut dire que la FAC, elle nous a un petit peu aspiré des forces. Et du
515
Parmi nos interviewés, quatre sont intervenants et un militant de la FAC (deux sont anciens militants d’Attac-Rhône et
un est en transition par rapport à son militantisme à Attac-Rhône).
516
517
Daniel, ancien militant, 43 ans, technicien à la CNR, enregistré le 10 mars 2009 à Lyon.
Michael, ancien militant, 37 ans, auteur-dessinateur des bandes dessinées, enregistré le 12 mars 2009 à Lyon.
518
Ainsi, l’apparition des nombreuses associations visant le public plus limitée, telle que les femmes ou les homosexuels
malades de sida, avait entraîné le départ des bénévoles de Act Up et AIDES, organisations généralistes. Voir FILLIEULE Oliver et
BROQUA Christophe, « La défection dans deux associations de lutte contre le sida : Act Up et AIDES », in FILLIEULE Olivier (dir.),
Le désengagement militant, op.cit., p.225.
108
Maryna Kumeda - 2009
Chapitre III. L’engagement et ses fluctuations : le cas des adhérents et des militants d’AttacRhône
coup, bon, moi, je trouve que… j’ai moins de plaisir à aller à Attac, parce que je
trouve que y a moins de discussion vraiment de fond où on peut se permettre de
dire des choses…fin, avant ce qui était bien, c'est que…ça réagissait…on disait
les choses, jamais personne ne prenait les choses pour soi, parce que elles
étaient dites pour elles-mêmes. C'était vraiment du fond. Et y a eu un moment, où
519
ça a basculé, c'était plus tout à fait ça”
.
Ainsi, le désengagement des militants peut être mieux compris, si nous mettons la baisse
des rétributions militantes dans le contexte de l’accroissement de l’offre dans l’espace
militant de Lyon, voire sa diversification par les anciens militants d’Attac-Rhône. Si au
moment de sa fondation Attac était dans une situation d’un quasi-monopole, ayant présenté
la possibilité des reconversions pour des anciens militants assoiffés par des années de
l’« atonie » militante et pour les nouveaux de s’engager, depuis le marché du militantisme
s’est développé, y compris grâce aux militants désengagés d’Attac-Rhône.
3. La fin d’Attac-Rhône ?
Le débat sur la nécessité de mettre la « clé sous la porte », qui a eu lieu pendant au moins
520
les trois dernières assemblées générales avec les adhérents, quelquefois entre soi, est
un garde-feu, une possibilité de prise de distance par rapport à son engagement (qui pouvait
être très dévoué, nous l’avons vu), de repérer les positions des autres sur cette question,
de se rassurer et de continuer. Cet auto-questionnement trouve, grâce aux expressions des
adhérents lors des AG, la réponse négative et la revendication de continuer. La justification
est construite notamment sur la transversalité de l’efficacité d’action « attakienne » dans les
activités de la FAC ou « Autres regards », ou de la propagation de la critique et des savoirs
produits et acquis au sein d’Attac à travers ses anciens militants dans d’autres mouvements.
En soumettant cette question avec l’insistance aux adhérents et en l’élevant entre soi, les
militants démontrent ainsi la présence du regard critique envers l’apport de l’association
dans l’espace militant et politique, ainsi que, pourvu que personne ne s’exprime en soutien
de cette proposition, obtiennent une approbation à continuer, et donc, en quelque sorte une
continuité de la demande sociale pour leur action. Leur militantisme, ainsi, est justifié non
seulement par un plaisir de militer purement égoïste, assuré par des formes de sociabilité
et l’entre soi favorable à la perpétuité de l’engagement.
Le travail du groupe sur ses membres se révèle à travers le discours d’une militante,
arrivée assez récemment, en 2007, qui reproduit ce raisonnement sur l’importance qu’il est
de continuer le travail de l’association :
« En fait, je pense que ça donnera tellement une mauvaise image pour toutes les
associations qui travaillent sur Lyon, de voir que Attac à Lyon a fermé…a mis
la clé sous la porte, que je pense qu’on le fera pas (…) Et, en fait, on est tous là,
on devrait céder en fait, à continuer à faire des actions, et si y en a un qui a une
image forte, parce que on est petit en fait, dans nombre, mais on a quand même
519
520
Alice, militante, 60 ans, à la retraite, enregistré le 11 mars 2009 à Lyon.
« Rappel. Aux AG de 2006 et de 2007, échanges sur l’opportunité de continuer notre activité à Attac Rhône, en raison de la
baisse du nombre d’adhérents et du nombre décroissant d’élus au conseil d’administration ». Voir l’Annexe « Document d’introduction
pour l’AG, le 13 décembre 2008 ».
Maryna Kumeda - 2009
109
Les fluctuations de l’engagement militant : le cas des militants de l’association Attac-Rhône
une image importante. Si nous, on ferme, alors, y a plein d’autres petits…les
gens qui seront peut-être choqués par ça. Et du coup, je pense pas qu’on ferait,
parce que…à cause de ça, et puis aussi parce que on a quand même envie de
continuer, mais c'est plus que… je crois que c'est difficile…Au fur et à mesure de
l’année de toujours travailler et savoir qu’en gros on est une dizaine, tu vois, à
tous les bureaux. On est pas très nombreux. Et, c'est ça qui est difficile, c'est ça
qui fait que chaque année on a envie de dire, « bah, stop, moi, je veux arrêter »,
en fait, personnellement, on a tous un petit peu envie d’arrêter, tu vois(…) Mais
on avait discuté une fois(…) On disait, moi, des fois, j’ai envie d’arrêter, parce que
c'est fatiguant de venir tous les mercredis, et d’organiser des trucs, et puis, on
voit pas grand monde quand on organise un café. Y a quelques personnes, mais
tu vois, y a pas, cinquante personnes qui viennent. Du coup, on a envie des fois
d’arrêter, mais en même temps, arrêter c'est…tu peux pas revenir en arrière, tu
peux pas arrêter et après recommencer, si t’arrêtes, t’arrêtes vraiment, et…en
même temps, c'est ça, moi, je voudrais, personnellement, je voudrais, euh, qu’il
est plus de monde qui vient, que ça se passe différemment, tu vois, que y a des
activités dynamiques, qu’on fasse plein de trucs, mais…à dix, tu peux pas faire
521
plein de trucs, parce que c'est trop fatiguant. ”
D’autre part, le problème qui continue à diviser, mais de façon moins conflictuelle
aujourd'hui, et d’affaiblir le mouvement, est le projet d’Attac, plus généralement, qui avait
abouti à une crise en 2006, comme nous l’avons vu dans le premier chapitre. Dans
le cadre de la réflexion sur la « nouvelle dynamique pour Attac », Nikonoff prévenait
déjà contre certaines tendances du développement de l’organisation comme : « dilution
d’Attac dans les multiples collectifs auxquels elle participe ; infiltrations, roitelets locaux ;
Attac apparaît comme supplétif du mouvement syndical et des partis politiques, certains
adhérents attendent qu’Attac s’engage dans la recomposition de la gauche », et de la
522
nécessité de « repréciser la nature du projet d’Attac » . Quel débouché pour Attac
523
aujourd'hui : être un « laboratoire d’idées » , mouvement d’éducation populaire, ou se
transformer en organisation politique ?
« Ce qui est réel, et ce qui a posé problème dans le débat à cette période-là, c'est
que, une fois qu’on a mis le doigt sur des vrais problèmes de fonctionnement
de la démocratie, sur les problèmes de fonctionnement de la finances
internationales, et qu’on a pointé des organismes internationaux, qui devraient
être revus complètement, modifiés etc. Beaucoup nous disaient, c'est bien, vous
avez compté ça, mais on fait quoi maintenant pour transformer ? Qui est-ce qui
prend le relais de transformation ? Si c'est pas un parti politique, c'est qui ? Bon,
ça, ça reste vrai. Ça reste vrai, mais c'était surement pas Attac, qui avait cette
524
capacité de…fin, je continue à penser ça.”
521
Amandine, militante, 28 ans, postdoc à Lyon 1 en physique, enregistré le 15 décembre à Lyon.
522
523
« Un rapport détaillé sur la situation globale et locale des effectifs », réunion du CA, le 26 avril 2003, www.france.attac.org
Tel ont défini le rôle d’Attac quelques répondants à notre questionnaire. La majorité des réponses portaient sur le rôle de diffusion
de l’information et d’action d’éducation populaire comme rôle principal d’Attac aujourd'hui.
524
110
Cédric, ancien militant, 67 ans, à la retraite, enregistré le 18 mars 2009 à Lyon.
Maryna Kumeda - 2009
Chapitre III. L’engagement et ses fluctuations : le cas des adhérents et des militants d’AttacRhône
Nous avons vu dans ce chapitre comment l’imbrication des facteurs organisationnel, celui
lié au contexte sociopolitique du fonctionnement de l’association et proprement individuels
produisent le rapport à son activisme à un moment donné et détermine son instabilité.
D’un très souple encadrement organisationnel, l’association Attac-Rhône, n’ayant pas
renouvelé ses effectifs, dans les conditions d’affaiblissement des rétributions militantes
et l’accroissement de l’offre dans l’espace militant de Lyon, est un lieu des fluctuations
importantes des engagements de ses militants, avec une tendance de désengagement.
525
C’est en articulant la tension, matérielle et idéelle
, le coût et les rétributions
du militantisme que nous pourrons « concevoir une réalité multidimensionnelle, où
interviennent dans les conditions de possibilité de l’engagement l’insertion professionnelle
des acteurs, les engagements concurrents d’ordre privé ou associatif, ainsi que la situation
des militants dans les étapes de la vie, en sachant que ces autres insertions fournissent
526
elles aussi des rétributions, partiellement concurrentes » .
Conclusions
Pour notre enquête nous nous sommes intéressés aux fluctuations des engagements
chez les militants de l’association Attac-Rhône. Nous voulions savoir si le sentiment de
déclin est lié au dépérissement effectif de l’engagement à Attac : s’il s’est reconverti en
d’autres formes d’engagements ou, alors, s’il a été l’effet d’une mode sans conséquences
biographiques pour les carrières militantes de ses anciens affiliés ? Pour cela, nous voulions
savoir si le changement des générations militantes avait eu lieu : si les militants du « noyau
dur » se distinguent de la deuxième génération et des plus récemment arrivés, et si un tel
changement a eu des conséquences sur le fonctionnement de l’association ?
L’état du « déclin » du comité local Attac-Rhône est confirmé par une tendance à la
baisse des adhésions depuis 2003, par une visibilité médiatique très faible d’Attac-Rhône,
des capacités affaiblies de l’organisation et des ressources diminuées pour ses activités.
En tant qu’élément d’autodéfinition des militants, il se traduit par l’état de l’épuisement des
anciennes générations militantes et les contraintes qu’exercent sur les peu de nouveaux
militants le dépérissement, matériel et moral, du groupe. Ce déclin est un produit autant de
l’histoire de l’association, que du vécu de ses militants et du contexte environnemental.
Tout d’abord, l’association n’a su renouveler ses effectifs que très partiellement. La
plupart des anciens sont partis, et n’ont pas été substitués par de nouveaux effectifs,
porteurs de nouvelles idées et de capacités pour leur mise en œuvre.
Les anciens militants d’Attac-Rhône — s’y étant formé et ayant obtenu des acquis
analytiques, de synthèse, d’intervention publique — sont pour certains partis ailleurs,
bénéficiant des possibilités accrues pour les reconversions militantes du fait d’une
diversification de l’offre d’engagement anti-libéral au sein de l’espace militant de Lyon
depuis l’apparition d’Attac-Rhône. Ils assurent ainsi une continuité de ce qu’incarnait Attac
auparavant dans d’autres organisations et mouvements.
Un des facteurs de l’affaiblissement de l’association, l’auto-identification préalable à
Attac par une nébulosité des mouvements très différents, caractéristique de l’ensemble
du mouvement altermondialiste, d’une part, est considéré comme son trait authentique et
garant de sa richesse et sa perpétuation, d’autre part, est un obstacle à l’aboutissement à
des acquis réels, du fait de l’absence d’un programme commun d’actions. Cette diversité à
525
GOTTRAUX Philippe, « Autodissolution d’un collectif politique. Autour de Socialisme ou Barbarie », in Fillieule Olivier (dir.), Le
désengagement militant, op.cit., p.80.
526
Ibid., p.84-85.
Maryna Kumeda - 2009
111
Les fluctuations de l’engagement militant : le cas des militants de l’association Attac-Rhône
Attac n’était pas encadrée institutionnellement, ce qui a abouti à des tensions, notamment au
niveau national, et finalement à une crise. Autant le cadre institutionnel souple a été propice
pour une libre expression et une mise en œuvre du principe de démocratie participative,
autant il ne permettait pas de gérer les différentes façons de militer, de débattre et de
préserver le mouvement et les engagements des militants. Or, c’est peut-être là, l’une des
sources de sa richesse et de sa perpétuité : dans la nébulosité et la diversité des sensibilités.
Comme l’avait énoncé E.Agrikoliansky, chercheur spécialiste de l’altermondialisme : «la
difficulté d’articuler autour d’un projet, un candidat ou une organisation altermondialiste une
candidature unitaire à l’élection présidentielle, et l’impossibilité d’une vaste recomposition
de la « gauche de la gauche » autour de cette dynamique, ne doit donc au final pas être
interprétée comme un indice de l’échec du mouvement altermondialiste ou de son incapacité
à évoluer, donc d’une crise de celui-ci. Il est plutôt inscrit dans la logique même de son
histoire : c’est la diversité et l’hétérogénéité de cette nébuleuse qui a fait sa force, mais en
527
même temps sa faiblesse » .
La force du mouvement et l’engagement en son sein est conditionnée par l’ensemble
de facteurs, comme nous avons pu le voir dans notre analyse. Aujourd'hui, le comité local
Attac-Rhône est ravivé par l’arrivée des quelques nouveaux militants, par la conjoncture
sociopolitique changeante, suscitant la contestation, plus généralement de l’ensemble des
mouvements sociaux. Est-ce que les dispositions et dynamiques individuelles vont pouvoir
trouver leur matérialisation dans l’engagement à Attac ou l’association ne se révèlera pas
de sa « chute » ? Ainsi, nous voyons aujourd'hui, qu’Attac Allemagne, ayant choisi un mode
plus horizontal du fonctionnement, connu pour ses actions récentes médiatiquement bien
répercutées, semble à l’abri du dépérissement que connaît son correspondant français.
Un des arguments pour démentir l’hypothèse de l’essoufflement du mouvement
altermondialiste consiste à dire qu’il ne constitue pas un mouvement homogène. La
nébulosité des mouvements qui s’y identifient, sont organisés en réseaux, coopèrent de
façon relativement horizontale et leur action se régionalise, ne permettant pas repérer une
organisation pouvant être l’objet de représentation médiatique. Les logiques axiologiques
régissant les comportements individuels doivent être étudiées pour mieux comprendre la
dimension qui réunit les mouvements hétérogènes altermondialistes dans une logique et
une action commune.
527
Agrikoliansky Eric, « L’altermondialisme en temps de crise. Réflexions sur un déclin annoncé », Mouvements, 2007/2, N
° 50, p.41.
112
Maryna Kumeda - 2009
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Les fluctuations de l’engagement militant : le cas des militants de l’association Attac-Rhône
Liste des sources
Entretien № 1. Mathieu
Enregistré le 20 octobre 2008.
Durée : 1h45min.
36 ans, doctorant en Sciences politiques.
ATTAC : militant depuis 2002, élu au Conseil d’administration 2005-2007, ancien coprésident (2007), membre du groupe radio, ancien membre (2002-2005) et animateur
(2004-2005) du groupe « Politiques européennes ».
Parcours militant : ancien membre du CDS, actuellement au PS (depuis 2007),
engagement à Survie-Rhône (environ 2001-2002), court passage à l’Amnesty International
Lyon, intervenant à la FAC.
Entretien № 2. Julien
Enregistré le 4 novembre 2008.
Durée : 42min.
55 ans, électronicien-ingénieur à CNRS, IUT (électronique).
ATTAC : militant depuis 1999, élu au CA (1999-2003, 2006-2007, 2008-2009), trésorier
(1999-2001), maintien du site Internet d’Attac-Rhône, diffusion des lettres d’information,
membre du groupe radio, animateur du groupe « Logiciels libres » (en état off), participait
à la commission nationale du fonctionnement (2005-2006).
Parcours militant : membre du PT (POI) dans les années 1970, syndiqué au SUDrecherche.
Entretien № 3. Jérôme
Enregistré le 7 novembre 2008.
Durée : 1h26min.
38 ans, BTS « Action commerciale » (non-achevé), agent administratif dans une
association-traiteur « Cannelles et piments » à temps partiel, depuis 2007.
ATTAC : militant à Attac depuis 2002, élu au CA (2002-2003, 2006-2007, 2008-2009),
trésorier (2003, 2009), rédacteur-en-chef du « Grain de Sable », membre du groupe Radio,
membre du groupe « Ecologies et sociétés », ancien président d’Attac-Rhône (2006).
120
Maryna Kumeda - 2009
Liste des sources
Parcours militant : à Attac depuis 2002, participait au comité de campagne de José
Bové pour les élections présidentielles en 2007, sur les listes AUDACES lors des élections
e
municipales de 2008 pour le 7 arrondissement.
Entretien № 4. Lucie
Enregistré le 12 novembre 2008.
Durée : 59min.
20 ans, BAC+4, étudiante en sociologie en M1 à l’Université Lyon 2.
ATTAC : militante d’Attac-Rhône depuis 2005, élu au CA (2006-2007, 2008-2009),
présidente en 2009, co-présidente (2007, 2008), responsable Attac-campus 2005-2007
(en état off), animatricede la coordination nationale d’Attac-campus (2007-avril 2008),
représentante d’Attac-Rhône à la CNCL (2006-2008), participais (parfois) au Conseil
d’Administration d’Attac-France.
Parcours militant : adhérente d’Attac Isère depuis 2004, militante du SUD-étudiant
(2006-2007).
Entretien № 5. Romain
Enregistré le 13 novembre 2008.
Durée : 1h33min.
66 ans, BEPC (Brevet d’études du premier cycle), retraité (ancien employé dans la
distribution alimentaire).
ATTAC : militant depuis 1999, élu au CA (2003 -, 2009-2010), actif au Bureau,
responsable des relations presse, représente ATTAC au CIMAD, animateur du groupe
« Institutions mondiales » (état off), ancien représentant d’Attac-Rhône au Collectif 69
Palestine.
Parcours militant : mission en Bosnie en 1993 avec une association d’aide
humanitaire, membre du Mouvement fédéraliste mondial (MFM), ancien membre de
l’association « Citoyens du Monde », sur les listes « La gauche autrement » lors des
élections municipales de 2001 pour le Tassin-la-demi-Lune.
Entretien № 6. Florian
Enregistré le 25 novembre 2008.
Durée : 1h45min
31 ans, doctorant en histoire, assistant à l’Université de Genève.
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Les fluctuations de l’engagement militant : le cas des militants de l’association Attac-Rhône
ATTAC : adhérent depuis 2002, militant et membre actif du groupe « Construction
européenne » (depuis 2006), élu au CA (2009-2010).
Parcours militant : première manifestation en avril 2002 en France, ensuite à New
York contre la guerre en Iraq en 2003, intervenant à la FAC.
Entretien № 7. Delphine
Enregistré le 8 décembre 2008
Durée : 1h16min
30 ans, BAC+5, doctorante en histoire, A.T.E.R. à Lyon 2.
ATTAC : militante (2001-2002 en France, 2002-2003 en Allemagne), fondatrice du
groupe Attac ENS, élue au CA (2005-2008), co-présidente en 2008, animatricedu groupe
« Ecologie et société »
Parcours militant : syndiquée au SNESUP, impliquée dans l’association des parents
d’élèves FCPE, représentante dans la copropriété de son immeuble.
Entretien № 8. Azzedine
Enregistré le 14 décembre 2008
Durée : 53 min
29 ans, BAC+8, postdoc (CDD) à l’ENS en physique
ATTAC : militant d’Attac-Rhône depuis le début 2008, élu au CA 2009-2010, secrétaire
(2009), participe au groupe « Ecologie et société », actif sur la question palestinienne.
Parcours militant : sympathisant d'Attac et LO étant étudiant à l'ENS Paris,
militant d’Attac Lausanne, puis Attac Suisse en 2004-2007, membre d’Attac Liban,
« semi-syndiqué » au SUD-recherche, organisateurs des forums sociaux méditerranéens,
bénévole-interprète de « Babels » pour le FSE de Athènes (2006), Malmö (2008)
Entretien № 9. Amandine
Enregistré le 15 décembre 2008
Durée : 29min
28 ans, BAC+8, postdoc (CDD) à l’Université Lyon 1 en bioinformatique
Militante, 28 ans, postdoc (CDD) à l’Université Lyon 1 en bioinformatique, enregistré
le 15 décembre 2008.
ATTAC : militante depuis juin 2007, élu au CA 2008-2009, secrétaire en 2009, participe
au groupe « Ecologie et société », a rejoint groupe « Radio » en mai 2009.
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Liste des sources
Parcours militant : participait dans les manifestations, participait sur la liste AUDACES
e
pour le 3 arr. dans les élections municipales en 2008.
Entretien № 10. Nicolas
Enregistré le 16 décembre 2008
Durée : 1h10min
55 ans, au chômage (ancien salarié de la FAC jusqu’au novembre 2008), DESS
d’épidémiologie.
ATTAC : ancien militant (1998-2006), fondateur d’Attac-Rhône, premier président
d’Attac-Rhône (1999-2001), membre de la Commission international d’Attac France
(référent sur la question Méditerranéenne), membre du groupe Méditerranéen, membre de
la mission d’Attac en Palestine, élu au CA national (2003-2006) sans droit de vote, fondateur
de la FAC Formation Action Citoyenne (fondé en 2003, salarié en 2006-2008).
Parcours militant : pendant les années de l’université était à la LCR, 1973-1975
participait dans le mouvement de solidarité avec Amérique du Sud, rencontre avec Lambert
(fondateur de la Confédération Paysanne) et participation à la mobilisation antimilitariste
de Larzac) (fin 1970-début 1980), un mois de prison pendant deux mois passés à l’armée
pour avoir distribué des tractes appelant à la création de comité des soldats ; années 1980
bénévolat aux « Vétérinaires sans frontières »/SIGDA) ; participait dans les mouvements
sociaux de 1995, les contre-sommets de G7 (en 1996 à Lyon) ; organisait les ateliers en
e
contre-sommet pendant la 10 conférence de la CNUCED tenait à Lyon en 1998 ; participant
des FSM à Porto Alegre (2001, 2002) et au FSE à Florence (2002), à Paris (2003), à Athènes
(2006).
Entretien № 11. Hélène
Enregistré le 17 décembre 2008
Durée : 25min.
57 ans, assistante de la direction scientifique à INRETS, BAC + 2 (école des
secrétaires-traductrices).
ATTAC : militante à Attac depuis 2003, élue au CA et Bureau (2005-2006, 2007-2008),
trésorière (2007-2009), animatrice du groupe « OGM » (2004-2007, en état off), participait
dans l’organisation de l’association RES’OGM.
Parcours militant : déléguée de classe pendant son parcours scolaire, déléguée des
parents d’élèves à la FCPE, ancienne syndiquée à la CFDT, actuellement syndiquée à
Solidaires (depuis 2004), représentante du personnel dans l’INRETS.
Maryna Kumeda - 2009
123
Les fluctuations de l’engagement militant : le cas des militants de l’association Attac-Rhône
Entretien № 12. Charlotte
Enregistré le 18 décembre 2008
Durée : 1h03min
45 ans, formatrice dans une association d’accompagnement à l’insertion
professionnelle, BEP sanitaire et social, 1998 reprise d’études en licence de Science de
l’éducation (validation des acquis par l’expérience).
ATTAC : militante depuis 2000, élu au CA (2008), élu au CA comme représentante
d’AC! (2009-2010), secrétaire en 2008, ancien membre du groupe « Politiques migratoires »
et du groupe de spectacle « Super promo-Global planète » (s’appelait « Tout est à vendre »
avant 2003) sur l’OMC et l’AGCS.
Parcours militant : ancienne syndiquée à la CGT, militante de AC !
Entretien № 13. Daniel
Enregistré le 10 mars 2009.
Durée : 1h07min
43 ans, technicien au département environnement à la Compagnie Nationale du Rhône,
BTS « Agricole. Production forestière ».
ATTAC : adhérent d’Attac depuis 1998, ancien militant (2000-2007), organisateur des
« Assises des services, publics »ancien vice-président (2005), animateur des groupes
« Services publics », « Energie » (en état off).
Parcours militant : syndiqué à la CFDT (1996), secrétaire général de la section CFDT,
plus tard syndiqué à la CGT, ancien membre de l’association « Droit à l’énergie. Stop aux
coupures », candidat aux municipales 2008, intervenant à la FAC.
Entretien № 14. Alice
Enregistré le 11 mars 2009
Durée : 1h09min
60 ans, à la retraite (ancienne directrice d’école primaire), Bac + 2.
ATTAC : militante depuis 1998, ancienne élue au CA (1999-2001, 2003, 2006) et
secrétaire au bureau (2003, 2006), ancien membre du groupe Méditerranée, a monté et
animait le groupe « Europe » (2002-2004), participait dans les groupes « Eau », « Services
publics », « Logement », organisatrice des Assises des services publics (référente pour le
groupe « Eau »), représente Attac-Rhône à la CNCL, actuellement représente Attac-Rhône
au collectif « Palestine 69 » et au collectif de convergence des services publics.
Parcours militant : lycéenne en terminale participait aux débats pendant mai 68,
syndiquée brièvement : SGEN-CFDT (Syndicats généraux de l'Éducation nationale),
124
Maryna Kumeda - 2009
Liste des sources
SNUIpp (Syndicat National Unitaire des Instituteurs, Professeurs des écoles et Pegc),
représente Attac-Rhône au CA du collectif « Palestine 69 » (participante d’une mission en
Palestine en mai 2007), participante des FSE de Florence (2002) et de Paris (2003), FSM
à Porto Alegre en 2005.
Entretien № 15. Michael
Enregistré le 12 mars 2009
Durée : 31 min
37 ans, auteur et dessinateur des bandes dessinées d’intervention politique, maison
d’édition « Les Requins Marteaux » (« Torture blanche », 2004 ; « Dol », 2006), BAC+2
(DEUG en Lettres modernes).
ATTAC : ancien militant (1998-2005), élu au CA (2000-2001, 2003-2004), référent du
groupe « Taxation des mouvements de capitaux » (en état off) et ancien membre « Services
publics », participait aux « Rencontres pour une autre mondialisation ».
Parcours militant : Attac-Rhône.
Entretien № 16. Cédric
Enregistré le 18 mars 2009
Durée : 1h01min
67 ans, à la retraite (ancien technicien, puis cadre au département RH à RhônePoulenc), brevet industriel.
ATTAC : ancien militant ( entre 2000 et 2007), membre puis animateur du groupe sur
les questions économiques, élu au CA (2003-2005), président d’Attac-Rhône (2004-2005),
représentait Attac-Rhône au CA de la FAC, fondateur du groupe du quartier de Sainte-Foylès-Lyon.
Parcours militant : syndiqué à la CFDT (CFTC, à l’âge de 16 ans), représentant du
personnel, secrétaire d’un comité d’entreprise (détaché à temps plein), "court passage"
dans les années 1980 au PS, participant au FSE de Paris (2003), FSM de Bombay (2004),
actuellement militant de la FAC.
Entretien № 17. Manuel
Enregistré le 20 mars 2009
Durée : 49 min
50 ans, chargé d’affaires à EDF-GDF
Maryna Kumeda - 2009
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Les fluctuations de l’engagement militant : le cas des militants de l’association Attac-Rhône
ATTAC : ancien militant (entre 1999 et 2004), élu au CA/Bureau en 1999-2002,
initiateur du bulletin « Grain de sable », un des auteurs du spectacle « Super promo-Global
planète » ( s’appelait « Tout est à vendre » avant 2003) sur l’OMC et l’AGCS.
Parcours militant : militant de la CGT 1980-1984, carte reprise en 1998.
Ces annexes sont à consulter sur place au Centre de Documentation
Contemporaine de l'Institut d'Etudes Politiques de Lyon
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Maryna Kumeda - 2009