Résumés de jurisprudence appliquant et interprétant des
Transcription
Résumés de jurisprudence appliquant et interprétant des
Résumés de jurisprudence appliquant et interprétant des instruments internationaux de droit uniforme CONVENTION INTERNATIONALE POUR L’UNIFICATION DE CERTAINES REGLES EN MATIERE DE CONNAISSEMENT (Bruxelles, 1924) CONV. BRUX. 1924 (CONNAISSEMENT) − FRANCE Articles 4(2)(g) et 4(2)(q) de la Convention telle qu’amendée par le Protocole de Bruxelles de 1968. COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE (2ème Ch.) − 11.III.2004 − Sté Multiranda contre Sté CMA-CGM. EXONERATION de la responsabilité du transporteur − Saisie irrégulière de la marchandise par les autorités douanières − Fait du Prince (oui) − Transbordement de la marchandise − Faute dans l’organisation du transport privant le transporteur du bénéfice du cas excepté (non). Embarqués en Italie à destination de Chypre, des cartons de bouteilles de whisky sont d’abord acheminés jusqu’à Damiette (Egypte), où ils sont transbordés sur un navire faisant escale à Beyrouth (Liban). Là, les autorités douanières saisissent et détruisent la marchandise, en application de la loi libanaise sur la prohibition des produits israéliens. Le destinataire assigne alors le transporteur en réparation de son préjudice, mais sans succès. En effet, si le transporteur maritime est présumé responsable des pertes et avaries causées aux marchandises qui lui ont été confiées, il peut s’exonérer par la preuve de l’un des cas exceptés prévus par la Convention. Or, en l’espèce, suite à la contestation du bien-fondé de la saisie devant les tribunaux libanais, les autorités douanières en ont finalement reconnu l’irrégularité. Par conséquent, la saisie litigieuse peut être qualifiée de “fait du prince” exonératoire de la responsabilité du transporteur, en application de l’article 4(2)(g) de la Convention *. Par ailleurs, c’est à tort que le destinataire soutient que le transporteur, en transbordant la marchandise sur un navire faisant escale au Liban, aurait commis une faute dans l’organisation du transport lui interdisant de se prévaloir du cas excepté de l’article 4(2)(q) de la Convention. En effet, les contingences du transport litigieux rendaient le transbordement nécessaire, ce que ne pouvait ignorer le destinataire, au vu des documents publicitaires du transporteur, des mentions du connaissement et d’une clause de celui-ci autorisant expressément le transbordement − clause certes peu lisible, mais conforme à un principe constant laissant toute liberté au transporteur maritime pour organiser le voyage. En outre, il ne peut être considéré qu’en faisant escale à Beyrouth, le transporteur aurait fait courir un risque anormal aux marchandises, sauf à lui interdire de fréquenter les eaux territoriales libanaises, ce qui ne serait pas sérieux. * Pour une saisie douanière constitutive du fait du prince indépendamment de toute irrégularité, on renvoie à un arrêt antérieur de la Cour de cassation (Ch. com., fin. et éco.) − 25.II.2004 − N° pourvoi : 0114053 − <www.legifrance.gouv.fr>; Unif. L. Rev. / Rev. dr. unif. 2004, 651 ; Bulletin des transports et de la logistique, 2004, 212. Bulletin des transports et de la logistique, 2004, 703. Sommaire aimablement communiqué (en français) par Mlle Anne-Isabelle Anfray. Rev. dr. unif. 2005-3 593 Résumés de jurisprudence – Droit maritime CONV. BRUX. 1924 (CONNAISSEMENT) − FRANCE Articles 3(4) et 4(2)(i) et (m) de la Convention. COUR D’APPEL DE ROUEN − 9.IX.2004 − Sté SDV Sénégal contre Sté Someprom et autres. LOI APPLICABLE − Transport maritime au départ d’un port situé dans un Etat adhérent à la Convention originelle et à destination d’un port français − Application de la Convention originelle. EXONERATION de la responsabilité du transporteur − Question de savoir si la faute inexcusable du transporteur lui interdit de s’exonérer de sa responsabilité (non) − Question de savoir si l’émission d’un connaissement net de réserves interdit au transporteur de s’exonérer de sa responsabilité (non) − Exonération pour vice propre et faute du chargeur (oui). En exécution d’un contrat de vente, des colis de crevettes surgelées doivent être acheminés de Ziguinchor (Sénégal) à Marseille (France). Empotés dans un conteneur réfrigéré, ils sont d’abord transportés par route jusqu’au port de Dakar, où le vendeur constate une élévation de température. Le conteneur est alors branché quelques jours sur le terminal portuaire jusqu’à obtention de la température requise, puis il est embarqué à bord d’un navire à destination de Marseille, suivant connaissement net de réserves. D’importantes avaries par décongélation étant constatées à l’arrivée, l’acquéreur assigne les transporteurs routier et maritime en réparation de son préjudice, mais sans succès. En effet, bien que les avaries trouvent leur origine dans un défaut du système d’alimentation électrique du véhicule, l’action contre le transporteur routier, introduite plus d’un an après la fin de sa mission, est déclarée prescrite en application du droit sénégalais. Quant au transporteur maritime, il est exonéré de toute responsabilité. En effet, le transport litigieux, réalisé au départ d’un port situé dans un Etat adhérent à la Convention originelle et à destination d’un port français, est régi par la Convention originelle. Or, contrairement aux prétentions du demandeur, aucune disposition de cette Convention ne prévoit que la faute inexcusable interdit au transporteur de s’exonérer de la responsabilité qui pèse sur lui *. Par ailleurs, bien que selon l’article 3(4) de la Convention le connaissement vaille présomption de la réception des marchandises telles qu’elles y sont décrites, aucune disposition ne prive le transporteur qui émet un connaissement net de réserves de la possibilité de s’exonérer en établissant que le dommage est dû à l’un des cas exceptés prévus par la Convention. Dans la mesure où les dommages étaient antérieurs à la prise en charge du conteneur par le transporteur maritime et que le chargeur a décidé d’embarquer les marchandises en connaissance de ces dommages, le transporteur maritime est donc fondé à invoquer le vice propre de la marchandise et la faute du chargeur, en application de l’article 4(2)(i) et (m) de la Convention. * Il convient de préciser que la jurisprudence française qualifie d’”inexcusable” la faute consistant en un acte ou omission accompli “témérairement et avec la conscience qu’un dommage en résulterait probablement”. Comme le rappelle à juste titre la Cour d’appel de Rouen, cette notion est totalement absente de la version originelle de la Convention de Bruxelles applicable en l’espèce, puisque c’est le Protocole de Bruxelles de 1968 qui l’y a introduite (article 4(5)(e) de la Convention amendée). Mais une autre précision s’impose : même dans la Convention amendée par le Protocole de Bruxelles, la faute dite inexcusable n’a pas pour effet d’interdire au transporteur de s’exonérer de sa responsabilité, mais seulement de le priver du bénéfice des plafonds d’indemnisation. Bulletin des transports et de la logistique, 2005, 33. Sommaire aimablement communiqué (en français) par Mlle Anne-Isabelle Anfray. Rev. dr. unif. 2005-3 595 Résumés de jurisprudence – Droit maritime CONV. BRUX. 1924 (CONNAISSEMENT) − FRANCE Article 4(2)(q) de la Convention telle qu’amendée par le Protocole de Bruxelles de 1968. COUR DE CASSATION (Ch. com., fin. et éco.) − 4.I.2005 − N° pourvoi : 03-16237 − Sté CMA-CGM contre Sté Compagnie Navigation et transports et autres. EXONERATION de la responsabilité du transporteur − Conteneur défectueux fourni par le transporteur − Anomalie non décelée lors de l’inspection préalable − Avarie résultant d’une cause ne provenant pas du fait ou de la faute du transporteur ou de ses agents ou préposés (non). Un transporteur maritime est chargé d’acheminer des crevettes congelées de Bangkok (Thaïlande) à Marseille (France), dans des conteneurs réfrigérés fournis par ses soins. D’importantes avaries étant constatées à destination, les assureurs subrogés dans les droits du destinataire assignent le transporteur en réparation du préjudice subi. Leur demande est accueillie par les juges du fond. Dans son pourvoi, le transporteur reproche à la cour d’appel d’avoir écarté la cause d’exonération de responsabilité tirée de l’article 4(2)(q) de la Convention amendée. En effet, s’il ne nie pas que les avaries subies par la marchandise proviennent d’une anomalie dans le système de ventilation de l’un des conteneurs fournis par ses soins, il soutient que ces conteneurs ont fait l’objet d’une inspection raisonnablement diligente qui n’a pas permis de déceler le vice. Par conséquent, le dommage résulterait d’une cause ne provenant pas de son fait ou de sa faute, l’exonérant ainsi de toute responsabilité en application de l’article 4(2)(q) de la Convention amendée. La Cour de cassation écarte ce moyen : dans la mesure où le transporteur a mis le conteneur à disposition du chargeur, qu’il en assure l’entretien par l’intermédiaire d’un sous-traitant, que le dommage est consécutif à une inversion du sens de rotation des ventilateurs du conteneur et que cette anomalie aurait dû être décelée lors de la visite d’inspection − laquelle s’est révélée insuffisante, faute de diligences élémentaires −, c’est à bon droit que la cour d’appel a déduit que le transporteur ne pouvait pas se prévaloir du cas excepté prévu par la Convention. <www.legifrance.gouv.fr>; Bulletin des transports et de la logistique, 2005, 49. Sommaire aimablement communiqué (en français) par Mlle Anne-Isabelle Anfray. /// CONV. BRUX. 1924 (CONNAISSEMENT) – ROYAUME UNI Article 3(2) et (8) de la Convention, telle qu’amendée par le Protocole de Bruxelles de 1968 (Règles de La Haye/Visby). HOUSE OF LORDS – 25.XI.2004 – Jindal Iron & Steel Co. Ltd. v. Islamic Solidarity Co. Jordan Inc., “Jordan II”. PORTEE de la Convention – Convention incorporée à la charte de voyage par référence – Question de savoir si les transporteurs étaient tenus par l’article 3(2) d’accepter et d’assumer une responsabilité pour toutes les opérations de chargement, d’arrimage et de déchargement (non). Rev. dr. unif. 2005-3 597 Résumés de jurisprudence – Droit maritime Des rouleaux d’acier, transportés par les défendeurs en vertu d’une charte-partie au voyage incorporant les règles de La Haye/Visby, ont été endommagés – selon le demandeur – par suite du chargement, de l’arrimage ou du déchargement défectueux. Une question préliminaire était de savoir si les transporteurs encouraient une responsabilité pour le dommage résultant de ces opérations. Les demandeurs soutenaient que c’était le cas, en invoquant l’obligation incombant au transporteur, en vertu de l’article 3(2), d’assumer la responsabilité pour ces opérations, contrairement aux transporteurs qui prétendaient que la charte-partie ne leur imposait pas l’obligation d’assumer cette responsabilité. La House of Lords a statué en faveur des transporteurs pour les raisons suivantes. En vertu du droit commun anglais, l’obligation de charger, arrimer et décharger la cargaison incombe en règle générale à l’armateur, mais elle peut être transférée par convention à l’ayant droit à la cargaison. En outre, les motifs de la décision de la House of Lords dans l’affaire G.H Renton & Co. v. Palmyra Trading Corporation ([1957] A.C. 149) étaient qu’une convention transférant la responsabilité pour le chargement, l’arrimage et le déchargement de la cargaison des armateurs aux chargeurs, affréteurs et destinataires n’était pas invalidée par l’article 3(8) des Règles de La Haye. La House of Lords a observé qu’en droit du commerce international, il est important qu’une règle soit certaine. Elle a noté que le principe entériné dans cette affaire avait été largement consacré depuis de nombreuses années, et que les règles appropriées pour le transport de marchandises par mer étaient en cours de révision au sein de la CNUDCI. Dans ces circonstances, la House of Lords n’a pas voulu se risquer à une décision tranchée sur la justesse de l’interprétation de l’article 3(8) faite dans G.H Renton & Co. v. Palmyra Trading Corporation. Le pourvoi formé contre la décision de la Court of Appeal en faveur des transporteurs (cf. le sommaire dans Unif. L. Rev. / Rev. dr. unif., 2003, 770) a été rejeté. [2005] 1 All E.R. 175. Sommaire aimablement communiqué (en anglais) par le Professeur Malcolm Clarke. /// CONV. BRUX. 1924 (CONNAISSEMENT) – ROYAUME UNI Article 1 de la Convention telle qu’amendée par le Protocole de Bruxelles de 1968 (Règles de La Haye/Visby). HOUSE OF LORDS – 16.II.2005 – J.I. Macwilliam Co. Inc. v. Mediterranean Shipping Co. S.A., “Rafaella S”. “CONNAISSEMENT” – Connaissement non négociable – “Document similaire formant titre …” en vertu de la Convention (oui). Les défendeurs, propriétaires du Rosemary et du Rafaella S, ont émis un connaissement non négociable pour le transport de quatre conteneurs de matériel d’imprimerie depuis Durban (Afrique du Sud) à destination de Boston (Etats-Unis d’Amérique), via Felixstowe (Royaume Uni). La cargaison était transportée de Durban à Felixstowe sur le Rosemary, et de Felixstowe à Boston sur le Rafaella S. La Clause Paramount du connaissement soumettait celui-ci aux règles de La Haye/Visby, et à la COGSA des Etats-Unis si les marchandises étaient transportées vers ou depuis les Etats-Unis. La Court of Appeal (cf. le sommaire dans Unif. L. Rev. / Rev. dr. unif., 2003, 1000) a jugé qu’un connaissement non négociable devait être considéré comme un connaissement au sens Rev. dr. unif. 2005-3 599 Résumés de jurisprudence – Droit maritime des Règles de La Haye ou des Règles de La Haye/Visby. Le pourvoi formé contre cette décision a été rejeté par la House of Lords pour les raisons suivantes. Premièrement, les connaissements non négociables étaient utilisés avant l’adoption des Règles de La Haye. On pouvait donc raisonnablement penser que les rédacteurs des Règles de La Haye ne pouvaient pas ignorer l’usage commercial alors relativement répandu des connaissements non négociables. Les termes “connaissements ou documents similaires formant titre” dans l’article 1(b) des Règles visent donc à l’extension et non à la limitation, indiquant ainsi un sens large et non pas étroit, conformément aux principes larges d’acceptation générale appropriés en matière de commerce international. Deuxièmement, la fonction d’un connaissement non négociable doit être distinguée de celle d’une lettre de transport maritime puisque, dans les mains du destinataire désigné, le connaissement non négociable constitue un document qui établit son titre, alors qu’une lettre de transport maritime ne constitue jamais un tel document. Si ce n’est le fait qu’un connaissement non négociable ne peut être transféré qu’à un destinataire désigné – et non pas à toute personne –, un connaissement non négociable possède par ailleurs toutes les principales caractéristiques d’un connaissement. [2005] 1 Lloyd’s Rep., 347. Sommaire aimablement communiqué (en anglais) par le Professeur Malcolm Clarke. /// CONVENTION POUR L’UNIFICATION DE CERTAINES REGLES SUR LA SAISIE CONSERVATOIRE DES NAVIRES DE MER (Bruxelles, 1952) CONV. BRUX. 1952 (SAISIE CONSERVATOIRE) − FRANCE Article 7(1)(c) de la Convention. COUR DE CASSATION (Ch. com., fin. et éco.) − 7.XII.2004 − N° pourvoi : 02-19825. JURIDICTION compétente − Compétence des tribunaux du lieu de saisie du navire pour statuer sur le fond du procès − Créance maritime née au cours du voyage pendant lequel la saisie a été faite (oui). CLAUSE attributive de compétence figurant au connaissement − Opposabilité à l’assureur subrogé dans les droits du destinataire (non). Un commissionnaire de transport se voit confier l’acheminement d’une usine de dessalement de France en Tunisie. Au cours du transport maritime sous connaissement entre Rochefort (France) et Sfax (Tunisie), le matériel subit d’importants dégâts qui entraînent le déroutage du navire vers le port de Saint-Nazaire (France). Là, l’expéditeur fait procéder à la saisie conservatoire du navire et assigne en réparation de son préjudice le capitaine, le transporteur maritime et le commissionnaire de transport, devant le tribunal de commerce de Saint-Nazaire. C’est devant ce même tribunal que l’assureur du destinataire, subrogé dans ses droits, assigne à son tour les trois même défendeurs en réparation des dommages subis par le matériel transporté. Mais le transporteur maritime soulève l’incompétence de cette juridiction, sur le fondement d’une clause du connaissement attribuant la compétence au tribunal de commerce de Tunis (Tunisie). Rev. dr. unif. 2005-3 601 Résumés de jurisprudence – Droit maritime / Droit aérien Dans ce contexte, le tribunal de commerce de Saint-Nazaire, confirmé par la cour d’appel, se déclare incompétent pour connaître de ces demandes en réparation. En effet, selon les juges du fond, le lieu de la saisie conservatoire du navire ne suffit pas à définir la compétence du tribunal dans le ressort duquel celle-ci a eu lieu, en l’absence de règle distincte justifiant cette compétence. En outre, la clause attributive de compétence − d’usage courant dans ce type de relations et figurant clairement au connaissement − était connue du destinataire et donc opposable à l’assureur subrogé dans les droits de ce dernier. La Cour de cassation censure ce raisonnement en deux temps. En premier lieu, la cour d’appel a violé l’article 7(1)(c) de la Convention, aux termes duquel les tribunaux de l’Etat dans lequel la saisie d’un navire a été opérée sont compétents pour statuer sur le fond du procès, lorsque la créance maritime est née au cours du voyage pendant lequel la saisie a été faite. Or c’est justement le cas, en l’espèce, de la créance de l’assureur subrogé dans les droits du destinataire, justifiant ainsi la compétence du tribunal de commerce de Saint-Nazaire. En second lieu, si la clause attributive de compétence a pu être connue du destinataire, elle n’a pas fait l’objet d’une acceptation spéciale de sa part et ne peut donc pas être opposée à l’assureur subrogé dans ses droits. <www.legifrance.gouv.fr>; Le droit maritime français, 2005, 133; Bulletin des transports et de la logistique 2005, 11. Sommaire aimablement communiqué (en français) par Mlle Anne-Isabelle Anfray. /// CONVENTION POUR L’UNIFICATION DE CERTAINES REGLES RELATIVES AU TRANSPORT AERIEN INTERNATIONAL (Varsovie, 1929) CONV. VARSOVIE 1929 − AUSTRALIE Article 17 de la Convention telle que modifiée par le Protocole de La Haye de 1955 et par le Protocole de Montréal N° 4 de 1975. HIGH COURT OF AUSTRALIA – 23.VI.2005 – Povey v. Qantas Airways Limited [2005] HCA 33. “ACCIDENT” – Thrombose veineuse – Absence de mise en garde des passagers par la compagnie aérienne sur les risques encourus et d’informations sur les précautions à observer – Constitue un “accident” en vertu de la Convention (non). Cette décision est rendue sur un pourvoi formé à l’encontre d’un arrêt de la Court of Appeal de la Supreme Court of Victoria 1, et vise à établir si la partie recourante dispose d’une cause d’action valable. En bref, la question est de savoir si la qualification d’ “accident” en vertu de l’article 17 peut être donnée alors qu’un passager a souffert de thrombose veineuse en raison des circonstances suivantes : les conditions de vol, le fait que le transporteur aérien n’a pas prévenu les passagers du risque encouru et ne les a pas informés des précautions à prendre, le fait que le passager ait été encouragé à ne pas se déplacer dans l’avion mais à rester assis, et le service pendant le vol de boissons contenant alcool et caféine. Aucune des parties n’a mis en question le bien fondé des décisions rendues 2 dans les affaires Air France v Saks 3, El Al Israel Airlines Ltd v Tsui Yuan Tseng 4 ou Olympic Airways v Husain 5 ou encore Sidhu v British Airways Plc 6. La partie recourante invoquait simplement Rev. dr. unif. 2005-3 603 Résumés de jurisprudence – Droit aérien qu’un sens plus large devrait être donné à l’article 17 et précisément au terme d’ “accident”, soutenant que celui-ci ne devrait pas se limiter aux actes survenant à bord de l’aéronef, et devrait comprendre au moins certains types d’omissions 7. Le pourvoi a été rejeté. Cette décision est importante en ce qu’elle constitue le précédent jurisprudentiel en matière d’interprétation de l’article 17 en général et à son application dans les cas de thrombose veineuse en particulier. La High Court statuant en assemblée plénière a été d’avis unanime que l’Australie ne devrait pas opter pour une interprétation divergente de l’article 17 au regard de la jurisprudence internationale, dont elle devrait s’inspirer. Le Juge Kirby J a très succinctement exprimé l’avis de la majorité de la High Court. Il a noté que l’analyse devait partir des définitions établies dans Saks. Il était admis que la partie recourante n’était pas informée des risques de thrombose veineuse et des mesures préventives qui auraient dues être prises. De ce point de vue, les conditions liées à la thrombose veineuse pouvaient être inattendues ou inhabituelles. Cependant le point important était que de tels faits sont “essentiellement passifs”, et ne peuvent pas être qualifiés d’ “action ou événement” relevant de la définition d’ “accident” posée dans Saks 8. Les motifs de la décision n’ont pas fait l’unanimité en tous les points. Le Juge McHugh J. a émis l’opinion (minoritaire) selon laquelle deux éléments parmi ceux invoqués par le demandeur constituaient des accidents en vertu de l’article 17 de la Convention, à savoir le fait d’avoir offert et servi des boissons alcoolisées, du thé et du café au demandeur, et de lui avoir demandé de ne pas se déplacer dans l’avion et de rester assis durant le vol. A son avis, “il peut y avoir un accident au sens de l’article 17 lorsqu’un employé du transport aérien a un comportement provoquant une lésion qui n’est pas voulue ou n’est pas raisonnablement prévisible” 9. Le Juge McHugh J a examiné la définition d’ “accident” qui a également été appliquée en droit interne. Il a noté que dans l’affaire Fenton v Thorley & Co Ltd 10 un accident était défini comme “tout événement involontaire et inattendu qui produit un mal ou un dommage”. A l’article 17 cependant, “accident” ne se réfère pas au “mal ou au dommage subi. Il se réfère à la cause du mal ou du dommage” 11. Il a déclaré clairement, tout comme les autres juges, que l’article 17 vise “l’acte ou l’événement qui cause le préjudice, et non pas le préjudice lui-même …” 12. En d’autres termes, le concept d’ “accident” en vertu de la Convention de Varsovie vise un fait survenu à bord de l’aéronef, qui peut inclure les actions du personnel de bord, ainsi que cela a été vu dans la jurisprudence Olympic Airways. On relèvera avec intérêt que le Juge McHugh a suggéré spécifiquement que la Cour Suprême des Etats-Unis n’a pas fourni dans Saks une définition exhaustive du concept d’ “accident.” Il a indiqué que l’on pourrait aussi entendre d’une façon plus large l’interprétation que Saks avait énoncée selon laquelle “c’est la cause, et non la lésion, qui constitue l’accident … alors même que [l’accident invoqué] résulte du fonctionnement normal de l’appareil” 13. Toutefois, le Juge McHugh était d’avis – rejoignant en cela l’opinion majoritaire – que la seule omission – à savoir l’absence d’une action en tant que telle – ne pourrait permettre d’appliquer la définition de l’ “accident”, faute d’un lien causal ainsi que l’a établi Olympic Airways. 1 Supreme Court of Victoria – Court of Appeal, 23.XII.2003 – Qantas Ltd & British Airways PLC v. Povey [2003] VSCA 227, résumé publié dans Unif. L. Rev. / Rev. dr. unif. 2004, 661. 2 Povey v. Qantas Airways Limited & Anor, [2005] HCA 33 (23 June), 26. 3 Supreme Court of the United States, 4.III.1985, Air France v. Saks, 470 US 392 (1984) ; reproduit avec un sommaire dans Rev. dr. unif. / Unif. L. Rev. 1986-II, 542. 4 Supreme Court of the United States, 12.I.1999 – El Al Israel Airlines v. Tseng, 525 US 155 (1999) ; un résumé de cet arrêt a été publié dans Unif. L. Rev. / Rev. dr. unif. 1999, 195. Rev. dr. unif. 2005-3 605 Résumés de jurisprudence – Droit aérien 5 Supreme Court of the United States, 24.II.2004 – Olympic Airways v. Husain, 124 S. Ct. 1221 (2004) ; un résumé de cet arrêt a été publié dans Unif. L. Rev. / Rev. dr. unif. 2004, 205. 6 Court of Appeal (Civil Division), 27.I.1995 – Sidhu v. British Airways PLC. [1977] AC 430 ; un résumé de cet arrêt a été publié dans Unif. L. Rev. / Rev. dr. unif. 1996, 782. 7 Povey, supra note 2, à 11. 8 Povey, supra note 2, à 167. 9 Povey, supra note 2, à 48. 10 (1903) AC 443, 453 pour Lord Lindley. 11 Povey, supra note 2, à 63. 12 Ibid. 13 Ibid, at 75. <http://www.lexisnexis.com.au/aus/services/high_court/200504275.pdf>. Sommaire aimablement communiqué (en anglais) par Dr. Bruno Zeller. /// CONV. VARSOVIE 1929 − FRANCE Articles 19 et 20 de la Convention. COUR DE CASSATION (Ch. civ. 1) − 22.VI.2004 − N° pourvoi : 01-00444. RETARD − Transport de voyageurs − Vol reporté de vingt-quatre heures − Application de la clause de non-garantie d’horaires (non) − Preuve que le transporteur a pris toutes les mesures nécessaires pour éviter le dommage (non). Suite à une panne affectant le moteur de l’un de ses avions, une compagnie aérienne décide de reporter de vingt-quatre heures le départ d’un vol reliant Saint-Denis de la Réunion à Paris (France). Mais en raison d’obligations professionnelles lui imposant de rentrer le jour même, un voyageur refuse d’attendre jusqu’au lendemain et se voit contraint d’acheter un nouveau billet auprès d’une compagnie concurrente. Il assigne alors le transporteur initial en réparation de son préjudice et sa demande est accueillie par les juges du fond. Dans son pourvoi, le transporteur reproche à la cour d’appel d’avoir écarté l’application de la clause de non-garantie d’horaires stipulée au contrat, alors pourtant qu’il ne s’agissait pas d’une annulation de vol, mais d’un simple retard couvert par la clause litigieuse. Par ailleurs, en lui imposant de prouver qu’elle ne pouvait pas rapatrier tous les voyageurs, la cour d’appel a mis à sa charge une véritable obligation de résultat d’acheminer ses passagers en temps et en heure, alors que le transporteur aérien n’est en principe tenu que d’une obligation de moyens. Partant, elle aurait violé l’article 19 de la Convention. La Cour de cassation rejette l’un et l’autre moyen. En premier lieu, un report de vingtquatre heures ne peut pas être assimilé à un “simple retard” et constitue, au contraire, un retard excessif pour lequel le transporteur ne saurait s’exonérer par avance de toute responsabilité, sauf à porter atteinte à l’essence même du contrat de transport aérien de personnes. L’application de la clause de non-garantie d’horaires doit donc être écartée en l’espèce*. En second lieu, le transporteur ne démontre pas, conformément à l’article 20 de la Convention, avoir pris toutes les mesures nécessaires pour éviter le dommage, et notamment qu’il se trouvait dans l’impossibilité de rapatrier les passagers le jour même, sur les appareils des autres compagnies aériennes. Sa responsabilité doit donc être retenue. Rev. dr. unif. 2005-3 607 Résumés de jurisprudence – Droit aérien * Dans cette affaire, la discussion sur la clause de non-garantie d’horaires – qui n’est autre qu’une clause exonératoire de responsabilité pour retard – se situe sur le seul terrain de son efficacité. Désormais, c’est sa validité même qui pourrait être remise en cause par les juges, à la lumière du Règlement communautaire n° 261/2004 du 11 février 2004, entré en vigueur le 17 février 2005, établissant des règles communes en matière d’indemnisation et d’assistance des passagers en cas de refus d’embarquement et d’annulation ou de retard important d’un vol. Ce texte prévoit en effet qu’en cas de retard dépassant un certain seuil établi proportionnellement à la distance du vol, le transporteur est tenu de procéder, au choix du passager, au remboursement intégral du billet ou à un réacheminement dans les meilleurs délais, sans préjudice d’une indemnisation complémentaire (articles 6, 8 et 12), Or aucune clause restrictive figurant au contrat de transport ne peut valablement limiter ou lever cette obligation (article 15). <www.legifrance.gouv.fr>. Sommaire aimablement communiqué (en français) par Mlle Anne-Isabelle Anfray. /// CONV. VARSOVIE 1929 − FRANCE Articles 18(3) et 29(1) de la Convention. COUR DE CASSATION (Ch. com., fin. et éco.) − 18.I.2005 − N° pourvoi : 03-14457. LOI APPLICABLE − Transport aérien de marchandises suivi d’un post-acheminement routier − Application de la Convention au parcours routier terminal (non) − Prescription de l’action. Une cargaison de gousses de vanille est acheminée par voie aérienne de Durban (Afrique du Sud) à Lyon (France), où elle est réceptionnée par la société T., figurant comme destinataire sur la lettre de transport aérien. Sur instruction de l’acquéreur, cette société en confie ensuite le transport jusqu’à Nice à un voiturier. A l’arrivée, des avaries et manquants sont aussitôt constatés, mais l’acquéreur de la marchandise n’assigne la société T. en réparation de son préjudice que près de deux ans plus tard. La prescription de l’action est alors soulevée par le défendeur sur le fondement du délai annal du droit français qui, selon lui, est seul applicable au parcours routier terminal de Lyon à Nice. Pour rejeter cette fin de non-recevoir, la cour d’appel considère que le trajet Lyon-Nice a été effectué dans le cadre d’un transport aérien international de Durban à Nice et qu’il est donc soumis à la Convention et à son délai de prescription biennal. En effet, la lettre de transport aérien initialement remplie mentionnait Nice comme destination finale de la marchandise et le remplacement de cette ville par Lyon n’est dû qu’au fait que la société T. ne dispose d’établissement que dans cette dernière ville. Pour censurer l’arrêt de la cour d’appel sous le double visa des articles 18(3) et 29(1) de la Convention, la Cour de cassation relève que la lettre de transport aérien précise que la marchandise a été expédiée de Durban à Lyon et a pour destinataire la société T. et que cette dernière, sur instruction de l’acquéreur, a ensuite confié le transport de la marchandise de Lyon à Nice à un voiturier. Par conséquent, le parcours terminal en France n’est pas soumis à la Convention, mais à la loi française et l’action est donc prescrite. <www.legifrance.gouv.fr>; Bulletin des transports et de la logistique, 2005, 84. Sommaire aimablement communiqué (en français) par Mlle Anne-Isabelle Anfray. /// Rev. dr. unif. 2005-3 609 Résumés de jurisprudence – Droit aérien CONV. VARSOVIE 1929 − FRANCE Articles 22 et 25 de la Convention. COUR D’APPEL DE PARIS − 17.III.2005 − Sté TAP contre Sté Joy l’Art de la Table et autres. LIMITATION de responsabilité du transporteur − Livraison de la marchandise à un faux destinataire dans un contexte politique incertain − Acte ou omission du transporteur fait témérairement et avec conscience qu’un dommage en résultera probablement (oui) − Application des limitations de responsabilité (non). Chargé d’organiser le transport d’articles de porcelaine de France en Côte d’Ivoire, un opérateur s’adresse à un transporteur aérien qui, à l’issue de l’opération, remet la marchandise à un faux destinataire. L’expéditeur assigne aussitôt l’opérateur en réparation du préjudice découlant de la perte de la marchandise. Pour accueillir cette demande, la Cour d’appel procède à la qualification de l’opérateur : en raison de la liberté dont il a disposé dans le choix des voies et des moyens d’exécution du transport, il a agi en qualité de commissionnaire de transport et non de simple mandataire de l’expéditeur, peu important que seul le nom de ce dernier ait figuré sur la lettre de transport aérien *. Ainsi qualifié, l’opérateur est donc garant envers l’expéditeur de la perte de la marchandise qu’il a confiée au transporteur aérien choisi par lui. Dans ce contexte, ledit opérateur tente de limiter sa responsabilité sur le fondement du droit aérien **, mais sans succès. En effet, le commissionnaire ne peut invoquer les limitations de responsabilité résultant de l’article 22 de la Convention qu’autant que le transporteur aérien dont il répond n’a pas commis de faute inexcusable *** au sens de l’article 25. Or, en l’espèce, une telle faute peut être caractérisée, le transporteur aérien étant incapable d’expliquer dans quelles circonstances précises la marchandise a été remise à un tiers sans le moindre récépissé, alors pourtant que le contexte politique incertain de la Côte d’Ivoire imposait une surveillance particulière et qu’il avait reçu pour instruction de ne pas se séparer des colis transportés. Les limitations de responsabilité prévues par la Convention doivent donc être écartées. * En droit français, le commissionnaire de transport est le professionnel qui s’engage à organiser librement, en son nom mais pour le compte d’un client, une opération de transport de bout en bout, dont il assume l’entière responsabilité. Comme en témoigne l’arrêt résumé ci-dessus, la liberté de choix des voies et des moyens d’exécution est le principal élément discriminant de la commission de transport. Pour la Cour d’appel de Paris, le fait que l’opérateur ait librement choisi le mode aérien et la compagnie semble même l’emporter sur le fait qu’il n’a pas agi en son nom propre, puisqu’il importe peu que ce dernier ne figure pas sur le document de transport. ** La responsabilité du commissionnaire du fait de ses substitués (article L.132-6 du Code de commerce) ne peut être engagée que dans les conditions et limites reconnues par la loi à ces derniers, ce qui explique, en l’espèce, le recours aux limitations de responsabilité prévues par la Convention. *** On rappelle que la jurisprudence française qualifie d’”inexcusable” la faute décrite à l’article 25 de la Convention et consistant en un acte ou omission “fait témérairement et avec conscience qu’un dommage en résultera probablement”. Bulletin des transports et de la logistique 2005, 294. Sommaire aimablement communiqué (en français) par Mlle Anne-Isabelle Anfray. /// Rev. dr. unif. 2005-3 611 Résumés de jurisprudence – Droit aérien CONV. VARSOVIE 1929 − ITALIE Article 20 de la Convention telle qu’amendée par le Protocole de La Haye de 1955. CONV. BRUXELLES 1970 (CCV) − ITALIE Article 15(1) de la Convention. CORTE DI CASSAZIONE (Sez. III) − 27.X.2004 − n. 20787 − Parisella et autre contre Sté Viaggi nel mondo. CONTRAT d’organisation de voyage − Annulation du vol de retour d’un voyage organisé − Responsabilité de l’organisateur pour inexécution d’une prestation de transport confiée à un tiers − Responsabilité appréciée conformément aux dispositions qui régissent cette prestation − Application de la Convention de Varsovie. TRANSPORT aérien de personnes − Annulation de vol − Exonération de responsabilité − Preuve que les mesures nécessaires pour éviter le dommage ont été prises − Circonstances de l’espèce (oui). A l’issue d’un voyage organisé en Equateur, deux touristes italiens voient leur vol de retour annulé en raison de mauvaises conditions météorologiques. Contraints de prolonger leur séjour sur place et d’acheter un nouveau billet à leurs frais, ils refusent de verser le solde du prix dû à l’organisateur de voyage. Ce dernier assigne alors les voyageurs en paiement, lesquels répliquent en lui demandant réparation du préjudice résultant de l’annulation du vol. Déboutés par le Tribunal de Rome, les voyageurs saisissent la Corte di cassazione. Pour rejeter leur pourvoi, la Haute juridiction italienne fait application de l’article 15(1) de la Convention de Bruxelles, dont elle rappelle la substance. D’après la Cour, cette disposition met à la charge de l’organisateur de voyage une responsabilité contractuelle du fait d’autrui, dont le régime diffère selon que la prestation confiée au tiers est inexécutée ou mal exécutée : dans le premier cas, l’organisateur se dégage de sa responsabilité dans les mêmes conditions que le tiers dont il répond ; dans le second, il se libère en prouvant qu’il n’a pas commis de faute dans le choix de ce tiers. En l’espèce, la Cour constate que la prestation de retour en Italie par un vol déterminé n’a pas été fournie, ce qui caractérise un cas d’inexécution. La responsabilité de l’organisateur doit donc s’apprécier conformément aux dispositions sur le transport aérien international. Poursuivant son raisonnement, la Cour rappelle que la Convention de Varsovie met à la charge du transporteur une présomption de responsabilité dont il ne peut se libérer qu’en prouvant qu’il a pris toutes les mesures nécessaires pour éviter le dommage. Or cette preuve est rapportée en l’espèce. En effet, l’utilisation du vol initialement prévu s’est révélée impossible en raison des mauvaises conditions météorologiques qui ont provoqué l’annulation de tous les vols à destination de l’aéroport de Quito (Equateur). En outre, l’organisateur a proposé des solutions alternatives de retour qui ont été acceptés par les autres voyageurs et qui correspondaient à un degré de diligence normal. Sa responsabilité ne peut donc pas être engagée. <www.fog.it>. Sommaire aimablement communiqué (en français) par Mlle Anne-Isabelle Anfray. /// Rev. dr. unif. 2005-3 613 Résumés de jurisprudence – Droit aérien CONV. VARSOVIE 1929 − ITALIE Articles 18(3) et 24(1) de la Convention telle qu’amendée par le Protocole de La Haye de 1955. CORTE DI CASSAZIONE (Sez. III) − 12.XI.2004 − n. 21525 − Sté Gallone contre Sté Alitalia et autre. LOI APPLICABLE − Transport aérien de marchandises partiellement réalisé par route − Qualification de transport aérien (oui) − Application de la Convention à l’entier transport (oui) − Prescription de l’action. Par lettre de transport aérien, une compagnie aérienne chinoise s’engage à transporter des colis de vêtements de Beijing (Chine) à Naples (Italie), puis en confie l’exécution partielle à une compagnie italienne. Celle-ci achemine la marchandise jusqu’à l’aéroport de Rome (Italie), où elle la remet à un transporteur routier pour livraison à Naples. A destination, des manquants sont constatés et, près de deux ans plus tard, le destinataire assigne la compagnie chinoise en réparation de son préjudice. Pour déclarer l’action prescrite, le Tribunal de Naples écarte l’application du délai biennal prévu par la Convention au profit du délai de dix-huit mois établi par le Code civil italien. En effet, d’après les juges du fond, le transport litigieux − réalisé en partie par air et par route − s’analyserait en un “transport mixte par voie aérienne et terrestre” et échapperait de ce fait à l’application de la Convention, ainsi que l’aurait précédemment jugé la Corte di cassazione *. Le jugement est censuré par cette dernière. S’agissant tout d’abord de la qualification du transport, la Haute juridiction italienne observe que le fait que le transport aérien ait matériellement pris fin à Rome − et non à Naples, comme il était prévu dans la lettre de transport aérien − ne suffit pas, en soi, à modifier la nature du contrat initialement stipulé pour un transport aérien jusqu’à Naples. Quant à la loi applicable pour apprécier la prescription de l’action, c’est à tort que le Tribunal a écarté la Convention au profit du Code civil, dans la mesure où les articles 18(3) et 24(1) de ladite Convention ont pour effet combiné d’étendre son application au transport terrestre réalisé à seule fin de livrer la marchandise objet d’un transport aérien**. Pour autant, la Cour précise qu’elle ne revient pas sur sa jurisprudence antérieure : dans l’arrêt invoqué par les juges du fond, la Convention fut certes jugée inapplicable, mais au seul motif que l’objet du litige était étranger à ladite Convention, et non pas en raison de la qualification de transport mixte. * Corte di cassazione (Sez. III) − 14.II.1986 − n. 887 − Soc. Kuhne and Nagel c. Ditta Ompel − Giurisprudenza italiana 1986, I, 1, 990 ; Diritto dei trasporti 1988, 120, note N. ADRAGNA ; Il diritto marittimo 1987, 290 ; Archivio giuridico della circolazione 1986, 464. ** Il convient toutefois de rappeler que dans l’article 18(3) de la Convention, l’extension du domaine d’application de ladite Convention au transport non aérien accessoire est expressément fondée sur une présomption simple de survenance du dommage au cours du transport aérien. Cependant, malgré l’apparente clarté de l’article 18(3), la jurisprudence − notamment italienne − semble ignorer le caractère réfutable de cette présomption. En témoigne l’arrêt exposé ci-dessus, qui fait de l’application de la Convention au transport routier accessoire un véritable principe, sans aucune nuance relative à la localisation du dommage. <www.fog.it>. Sommaire aimablement communiqué (en français) par Mlle Anne-Isabelle Anfray. /// Rev. dr. unif. 2005-3 615 Résumés de jurisprudence – Droit aérien CONV. VARSOVIE 1929 – JAPON Articles 19 et 22(2) de la Convention de Varsovie telle qu’amendée par le Protocole de La Haye. SENDAI CHIHÔ SAIBANSHO (Cour de district de Sendai) – 25.II.2003, No. 310 (WA) de 2001 – Masatoshi Miyagi, Kazuhiro Yoshioka v. KLM Royal Dutch Airlines. RESPONSABILITE du transporteur – Bagages enregistrés – “Retard”. Miyagi, l’un des demandeurs, a voyagé sur un vol du défendeur depuis Sapporo (Japon) à Milan (Italie) via Amsterdam (Pays-Bas) le 3 septembre 2000. Le bagage enregistré du demandeur ne lui a été remis que six jours après son arrivée en Italie. Contraint de participer à des réunions d’affaires en short et T-shirt dans l’attente de l’arrivée de sa valise, le demandeur a intenté une action en dommages-intérêts contre le défendeur ainsi que le remboursement des frais d’achat des sous-vêtements en Italie. Un autre demandeur, Yoshioka, a voyagé de Amsterdam à Osaka (Japon) le 10 septembre 2000 et son bagage enregistré ne lui a été remis à destination que le jour suivant. N’ayant pu accéder à son bureau le jour suivant son arrivée du fait que la clé était dans le bagage, il a intenté une action contre le défendeur. Cette action a été jointe avec celle intentée par Miyagi. Au moment des transports des demandeurs, le Japon, les Pays-Bas et l’Italie étaient des parties contractantes à la Convention de Varsovie et à son Protocole de La Haye, de sorte que la Convention de Varsovie telle qu’amendée est applicable (ci-après “la Convention”). Les conditions générales du transport du défendeur stipulent que “… [l]e transporteur s’engage à déployer les meilleurs efforts pour transporter les bagages enregistrés dans le même aéronef que le passager. Les bagages enregistrés qui ne sont pas ainsi transportés seront acheminés ensuite et aussitôt que raisonnablement possible à l’aéroport de destination du passager”. La Cour, ayant observé que l’article 19 de la Convention n’impose pas nécessairement au transporteur de transporter le passager et ses bagages enregistrés sur le même vol, a interprété les conditions générales du transporteur comme signifiant que le transporteur assume une responsabilité pour le retard si le bagage n’est pas remis au passager dans un délai raisonnable après l’arrivée de celui-ci à destination. La Cour a estimé que les conditions générales seraient nulles au regard de l’article 19 de la Convention si elles étaient interprétées différemment. Elle a ajouté in dictum que le transporteur devrait être responsable si le retard était causé volontairement ou par suite de la faute grave du transporteur. En conséquence, le défendeur a été considéré responsable pour le retard de livraison du bagage de Miyagi et a été condamné à lui payer 46,730 yen de dommages-intérêts, soit moins que le montant de limitation en vertu de l’article 22(2) de la Convention. Il n’a pas été estimé responsable à l’égard de Yoshioka. Hanrei Times No. 1157, 157. Sommaire aimablement communiqué (en anglais) par le Professeur Souichirou Kozuka. /// Rev. dr. unif. 2005-3 617 Résumés de jurisprudence – Droit aérien CONV. VARSOVIE 1929 – JAPON Articles 18(2), 22(2) (4), 24(2) et 25A de la Convention de Varsovie telle qu’amendée par le Protocole de Montréal No. 4. OSAKA KÔTÔ SAIBANSHO (Cour d’appel de Osaka) – 14.X.2003, No. 5 (NE) of 2003 – KK Kan v. Savino del Bene Japan KK. RESPONSABILITE du transporteur – “Transporteur”– Commissionnaire de transport ayant qualité de transporteur effectif (oui). RESPONSABILITE du transporteur – Livraison fautive par le transporteur – Faute commerciale soumise à la Convention (oui). RESPONSABILITE du transporteur – Allocation des honoraires d’avocat en sus des montants de limitation (oui). En avril 2001, une cargaison importée d’Italie par le demandeur, une société japonaise de commerce, a été transportée par air à Osaka (Japon) puis remis par erreur à une autre société. Le demandeur a intenté une action en indemnisation de son préjudice contre le commissionnaire de transport au Japon, invoquant que la livraison erronée était due au mauvais étiquetage de la cargaison par la société du défendeur en Italie, et à l’émission par celle-ci de lettres de transport portant des codes de destinataire erronés. La question en jeu concernait l’application de la Convention de Varsovie telle qu’amendée par le Protocole de Montréal n° 4 (“la Convention”), puisque tant l’Italie que le Japon étaient parties contractantes à ces instruments en avril 2001. La Cour a estimé que la Convention s’appliquait non seulement au transporteur contractuel mais aussi au transporteur effectif, soulignant qu’elle comprenait des dispositions tant apparemment fondées sur la relation contractuelle (telles que les articles 5-16) que des dispositions ne la concernant pas (telles que les articles 24(2) et 25A). En conséquence il a été estimé que le défendeur avait la qualité de “transporteur” en vertu de la Convention. Aucune des deux parties ne contestait le fait que la livraison erronée avait eu lieu alors que la cargaison était sous la responsabilité du défendeur à l’aéroport international de Kansai. Le moyen du défendeur que la Convention ne s’applique qu’aux risques inhérents au transport aérien et non aux pertes dérivant de fautes commerciales, par exemple pendant la manutention de la marchandises, a été rejeté par la Cour qui a déclaré que les accidents causés par des erreurs commerciales, à la différence des fautes de navigation, étaient précisément celles visées par la Convention, se référant en cela à l’article 20(2) de la Convention originale de 1929 qui exonère le transporteur de responsabilité “si le dommage provient d’une faute de pilotage, de conduite de l’aéronef ou de navigation”. La Cour a aussi rejeté un autre moyen du défendeur, selon lequel en l’espèce la faute avait été commise par le commissionnaire en Italie, avant le commencement du transport aérien. Elle a estimé que la Convention s’appliquait à la responsabilité du transporteur quand bien même l’auteur conjoint supposé de la faute ne serait pas responsable en vertu de la Convention. En conséquence, le défendeur était responsable en vertu de l’article 18(2) de la Convention à concurrence du montant de 17 DTS par kilogramme, en vertu de l’article 22(2)(b). En outre la Cour a estimé que l’article 22(4) de la Convention permettait l’allocation des honoraires d’avocat au-delà des montants de limitation et a condamné le défendeur à verser la somme supplémentaire de 60,000 yens japonais au demandeur au titre des frais d’avocat. Kaijihou Kenkyûkaishi No.179, 59. Sommaire aimablement communiqué (en anglais) par le Professeur Souichirou Kozuka. Rev. dr. unif. 2005-3 619 Résumés de jurisprudence – Droit aérien CONV. VARSOVIE 1929 – AFRIQUE DU SUD Articles 17 et 24 de la Convention. CAPE PROVINCIAL DIVISION OF THE HIGH COURT – 25.I.2005 – Potgieter v. British Airways plc. PORTEE de la Convention – Article 17 fournissant un fondement exclusif à l'action en responsabilité du transporteur – Transporteur non responsable en vertu du droit interne pour l’action fondée sur l’atteinte aux droits personnels. Le demandeur, passager sur un vol international entre le Cap (Afrique du Sud) et Londres (Royaume-Uni), a réclamé des dommages-intérêts en vertu de la responsabilité contractuelle et délictuelle du transporteur. Selon le demandeur, le personnel de cabine avait eu un comportement humiliant et dégradant à son égard et portant atteinte à sa dignité, en lui demandant à plusieurs reprises de cesser d’embrasser son compagnon de sorte que celui-ci s’était emporté et avait eu une altercation verbale avec le personnel de cabine qui l’avait fait arrêter à l’arrivée. Le demandeur n’a subi aucun préjudice corporel. Le transporteur s’est opposé à la demande au motif que la Convention de Varsovie, qui s’applique dans le droit sud-africain en vertu de la Section 3 du Carriage by Air Act 17 de 1946, constitue la cause d’action exclusive et le seul recours pour un passager qui engage une action pour tout préjudice, lésions corporelles ou dommages subis au cours d’un transport international ou résultant de celui-ci. En l’espèce, les causes d’action avancées par le demandeur – la principale fondée sur l’inexécution du contrat et l’autre, subsidiaire, de nature délictuelle pour atteinte aux droits personnels (et basée en droit sud-africain, sur l’actio iniuriarum) – n’étaient pas fondées sur la Convention de Varsovie, de sorte qu’elles ne pouvaient pas être accueillies. Après avoir examiné les décisions d’autres pays, la Cour a confirmé qu’en droit sudafricain également, il fallait adopter l’interprétation selon laquelle la Convention avait une portée exclusive. En conséquence, pour les matières relevant de la Convention, l’intention était que celle-ci, et en particulier son article 17 combiné à l’article 24, devrait constituer le fondement exclusif à l’action et exclure tout recours aux règles de droit interne ainsi que toute action intentée séparément en vertu de ce même droit. Quant au fait que le demandeur se trouverait ainsi privé de tout recours, comme il l’aurait été par suite d’une clause d’exclusion de responsabilité dans le contrat, la Cour a pensé (sans pour autant le déclarer formellement) que cela ne rendait pas la Convention inconstitutionnelle. La Cour a donc accueilli l’exception soulevée par le transporteur. 2005 (3) South African Law Reports 141 (Provincial Division of the High Court). Sommaire aimablement communiqué (en anglais) par le Professeur J.P. van Niekerk. /// Rev. dr. unif. 2005-3 621 Résumés de jurisprudence – Droit aérien CONV. VARSOVIE 1929 – ETATS-UNIS D’AMERIQUE Article 17 de la Convention. UNITED STATES COURT OF APPEALS, Second Circuit – 8.III.2004 – Ehrlich v. American Airlines. RESPONSABILITE du transporteur – Préjudice émotionnel accompagné de lésions corporelles, mais ne résultant pas de celles-ci – “Lésion corporelle” au sens de l’article 17 de la Convention (non). Les passagers de la première portion d’un vol international entre Baltimore (Etats-Unis d’Amérique) et Londres (Royaume-Uni) ont subi des lésions corporelles alors que l’avion est sorti de la piste à New York (Etats-Unis d’Amérique) où ils devaient effectuer une escale. Indépendamment des lésions corporelles subies, et de façon non liée à celles-ci, ils ont également été effrayés et choqués. La Cour, suivant de nombreuses décisions d’autres pays, et en se référant au texte français de la Convention, a rejeté les demandes fondées sur le préjudice émotionnel du fait que celuici, parce qu’il n’avait pas été causé par les lésions corporelles, ne constituait pas un “dommage survenu en cas de … lésion corporelle” au sens de l’article 17 de la Convention. 360 Federal Reporter, 3d Series, 366 (2d Cir. 2004). Sommaire aimablement communiqué (en anglais) par Michael Marks Cohen, Esq. /// CONV. VARSOVIE 1929 – ETATS-UNIS D’AMERIQUE Article 17 de la Convention. UNITED STATES DISTRICT COURT – S.D. New York – 14.VII.2004 – Marks v. Virgin Atlantic Airways. RESPONSABILITE du transporteur – Préjudice émotionnel accompagné de lésions corporelles, mais ne résultant pas de celles-ci – “Lésion corporelle” au sens de l’article 17 de la Convention (non). Une passagère enceinte a trébuché sur un obstacle dans l’allée de l’avion au cours d’un vol transatlantique, elle est tombée et s’est blessée. Elle a invoqué également des blessures au ventre. Elle craignait que l’enfant n’ait subi des lésions. Il n’apparaissait pas qu’elle eût été effectivement blessée au ventre et, après examen, il s’est avéré que le fœtus était en bonne santé. La Cour a rejeté la demande de la passagère fondée sur le préjudice émotionnel, en raison du fait que celle-ci n’avait pas rapporté la preuve que ses craintes concernant la santé de l’enfant avaient été causées par les lésions corporelles qu’elle avait pu établir. 2004 Westlaw, 1574637 (S.D.N.Y.) Sommaire aimablement communiqué (en anglais) par Michael Marks Cohen, Esq. /// Rev. dr. unif. 2005-3 623 Résumés de jurisprudence – Transport routier CONVENTION RELATIVE AU CONTRAT DE TRANSPORT INTERNATIONAL DE MARCHANDISES PAR ROUTE (CMR) (Genève, 1956) CONV. GENEVE 1956 (CMR) – AUTRICHE Article 17(4)(c) de la Convention. OBERSTER GERICHTSHOF (OGH) – 20.X.2004 – (3 Ob 166/04i). RESPONSABILITE du transporteur – Chargement et arrimage défectueux – Exonération de la responsabilité du transporteur. Le transporteur défendeur a été chargé du transport à l’intérieur du territoire autrichien de plusieurs rouleaux d’acier et d’une palette d’acier. Bien que le contrat ait exigé du transporteur d’utiliser un camion muni de courroies de fixation, les marchandises n’étaient pas correctement arrimées et ont été livrées endommagées à l’expéditeur demandeur. Le contrat de transport ne prévoyait pas la personne responsable du chargement ni la manière dont celui-ci devait être effectué. Le conducteur du défendeur a pris les palettes dans l’établissement de l’expéditeur et les a simplement hissées sur le camion sans les fixer, convaincu que les palettes lourdes ne bougeraient pas. L’expéditeur demandeur a soutenu que le chargement approprié était une obligation contractuelle du transporteur, contesté en cela par ce dernier. Le tribunal de première instance a statué en faveur du transporteur, indiquant que celui-ci pouvait être exonéré de sa responsabilité en vertu de l’article 17(4)(c) CMR. La Cour d’appel a confirmé la décision, indiquant qu’en l’absence de tout accord contractuel sur l’obligation de chargement, il revenait à l’expéditeur de charger convenablement les marchandises. Le fait que les courroies obligatoires de fixation aient été absentes n’était pas pertinent puisque de toute évidence les marchandises n’avaient pas été arrimées du tout. L’OGH a confirmé la décision des juridictions inférieures, considérant qu’en l’absence d’un accord contractuel clair entre les parties, l’expéditeur était tenu d’une obligation de charger et de bien arrimer les marchandises. La CMR était applicable au transport purement interne (§439a HGB), toutefois l’obligation de réaliser un chargement sûr n’était pas couvert par la CMR. De même, le Code de commerce autrichien (HGB) ne contenait pas de règle appropriée. Il appartenait donc aux parties de stipuler dans leur contrat l’obligation de chargement, à condition qu’un tel accord soit conforme à l’article 41 CMR. L’exonération de responsabilité en vertu de l’article 17(4)(c) CMR dépendait de la question de savoir quelle partie avait effectivement chargé et arrimé les marchandises et, dans l’hypothèse d’une coopération entre les deux parties, qui avait effectivement supervisé – personnellement ou par l’intermédiaire d’agents – ces opérations. Dans ce contexte, le conducteur du transporteur pouvait être considéré comme un agent de l’expéditeur, surtout s’il travaillait sans être supervisé par le transporteur et s’il suivait les instructions de l’expéditeur. L’absence de courroies de fixation ne pouvait être considérée comme un défaut du véhicule, puisque l’expéditeur ne l’avait pas signalée au transporteur. Leur non-usage ne pouvait être considéré comme une faute lourde de la part du conducteur attribuable au transporteur mais comme celle de l’expéditeur. <http://www.ris.bka.gv.at/jus/>. Sommaire aimablement communiqué (en anglais) par le Professeur Dr. Karsten Otte. /// Rev. dr. unif. 2005-3 625 Résumés de jurisprudence – Transport routier CONV. GENEVE 1956 (CMR) – BELGIQUE Article 31(1) de la Convention. COUR DE CASSATION (Section néerlandaise, 1ère chambre) – 29-IV-2004 (RC044T2) – Continental Cargo Carriers c. Zust Ambrosetti et autres. JURIDICTIONS compétentes – Clause attributive de compétence – Forme et élaboration – Renvoi au droit national. Alors que “est nulle et de nul effet toute stipulation qui, directement ou indirectement dérogerait aux dispositions [de la CMR]” (article 41(1)), l’article 31(1) désigne impérativement les juridictions “du pays” que peut saisir le demandeur, il permet cependant aux parties au contrat de désigner de commun accord d’autres juridictions “des pays contractants”. La CMR renvoie ainsi au droit national : 1° pour la désignation de la juridiction compétente selon l’ordre national ; seul “le pays” est désigné, mais pas le ressort au sein de ce pays ; 2° pour la forme et l’élaboration du “commun accord”, c’est-à-dire la clause attributive de compétence. C’est ce que la Cour de cassation de Belgique, saisie d’un pourvoi contre l’arrêt rendu le 26 octobre 2001 par la cour d’appel de Gand (inédit) a considéré : “L’article 31(1) CMR ne contient aucune disposition concernant la forme et l’élaboration entre les parties d’une clause attributive de compétence, en vertu de laquelle tous les litiges auxquels un transport soumis à cette convention peut donner lieu peuvent être portés devant les juridictions des pays parties à cette convention, de sorte que, compte tenu aussi de la disposition de l’article 71.1 du Règlement n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000, ces aspects sont soumis au droit national qui régit le contrat entre les parties”. Le droit national auquel la Cour se réfère est, en l’occurrence, l’article 25 du Code de commerce selon lequel, d’après le texte de l’arrêt, “la preuve d’un contrat entre commerçants peut être fournie par une facture acceptée ; cette force probante porte également sur les conditions du contrat qui sont mentionnées sur la facture ; une facture est, en principe censée avoir été acceptée lorsqu’elle n’a pas été protestée en temps utile”.* Or, le juge d’appel avait été plus sévère. Pour lui, “aucune clause attributive de compétence valable n’a été élaborée, dès lors que le consentement de la défenderesse ne peut se déduire de l’absence de protestation de la facture de la demanderesse, qui contient une clause attributive de compétence en faveur du juge belge”. La Cour de cassation casse l’arrêt de la cour d’appel qui “ne justifie pas légalement sa décision” et renvoie la cause devant la cour d’appel d’Anvers (qui ne s’est pas encore prononcée). La question de l’opposabilité des clauses attributives de compétence incluses dans les factures a été le sujet de nombreuses controverses dans la plupart des pays contractants. On y renvoie. Dans cet arrêt, la Cour de cassation semble – voir son arrêt du 8 novembre 2004, ci-après – admettre que les modalités d’un contrat peuvent découler d’un acte postérieur à la conclusion du contrat (la facture) et être convenues implicitement (absence de protestation dans un délai raisonnable). A propos des clauses d’élection de for, on consultera la Convention sur les accords exclusifs d’élection de for signée à La Haye le 30 juin 2005 **. Cette Convention a suscité certaines inquiétudes en rapport avec sa compatibilité avec les Conventions CMR et CVR. Rev. dr. unif. 2005-3 627 Résumés de jurisprudence – Transport routier * L’article 25 se lit : “Indépendamment des moyens de preuve admis par le droit civil, les engagements commerciaux pourront être constatés par la preuve testimoniale, dans tous les cas où le tribunal croira devoir l’admettre, sauf les exceptions établies pour des cas particuliers”. ** Document disponible sur le site de la Conférence : <www.hcch.net>, sous la rubrique “travaux en cours”. Traduction en français et sommaire publiés par la Cour sur le site : <www.jurisdat.be>. L’arrêt a été publié (en néerlandais) dans la Revue de droit commercial belge, n° 2005/5, mai, 510-511. Sommaire et observations aimablement communiqués (en français) par le Professeur Jacques Putzeys. /// CONV. GENEVE 1956 (CMR) – BELGIQUE Article 1(1) de la Convention. COUR DE CASSATION (Section néerlandaise, 3ème chambre) – 8-XI-2004 (JC04B81). APPLICATION de la Convention – Contrat de transport – Détermination du mode de transport – Accord (preuve). Une firme importatrice et distributrice d’appareils électroniques conclut avec une entreprise de transport une “convention-cadre”, lui confiant par là notamment le transport de ses colis au départ de la Belgique. La convention ne spécifie pas le mode de transport. Une perte est constatée : comment l’indemniser ? Selon l’article 23 CMR et ses limites ? Selon le droit commun belge, sans limitation ? Le juge de paix du canton de Zaventem (dont ressortit l‘aéroport national), le 21 novembre 2002 (inédit) considère que la mission d’ ”expédition” confiée à un service de courrier ne repose pas sur un “contrat de transport de marchandises par route”, qu’elle constitue un louage d’ouvrage au sens du Code civil (art. 1708 et 1782) et qu’un accord préalable sur le mode de transport à utiliser est une condition sine qua non pour que la CMR s’applique. Saisie d’un pourvoi (le juge de paix avait statué en dernier ressort : montant inférieur à 1800 € !), la Cour de cassation le rejette au motif déterminant que “l’application de la [CMR] requiert l’existence d’un contrat qui a pour objet le transport de marchandises par route ; cette condition n’est pas remplie lorsque le contrat ne détermine pas le mode de transport et qu’il ne ressort pas davantage des circonstances de la cause que les parties envisageaient un transport par route”.* L’affirmation ex cathedra de la Cour laisse perplexe et nécessitera une analyse approfondie qui sera publiée dans un prochain numéro de cette Revue. S’il est évidemment indiscutable que “l’application de la CMR requiert l’existence d’un contrat” (art. 1(1)), personne n’a, jusqu’à présent, osé dire que le contrat devait explicitement s’exprimer sur le mode de transport qui sera utilisé et mentionner expressis verbis les mots “par route”. Certes, la Cour admet qu’il peut ressortir ”des circonstances de la cause que les parties envisageaient un transport par route” (circonstance de fait laissée à la seule appréciation du juge du fond), mais n’est-il pas de pratique courante que le transporteur, sans pour autant prendre la qualité de commissionnaire-expéditeur, soit “l’architecte” du transport à qui l’expéditeur fait confiance Rev. dr. unif. 2005-3 629 Résumés de jurisprudence – Transport routier pour choisir, en son nom, le mode le plus adéquat (par exemple, le transroulage, avec les conséquences liées à l’application de l’article 2 CMR) ? Comment concilier cette application uniquement contractuelle de la CMR et l’application de iure imposée par l’article 41 CMR ? Cet arrêt sera lu face à l’arrêt rendu par la même Cour de cassation le 29 avril 2004 (cidessus) ** qui admet que des “conditions générales” portées sur une facture (donc postérieures au contrat) peuvent déterminer, par leur acceptation tacite, le contenu du contrat de transport ! * Un premier commentaire a été publié par le Professeur Marc GODFROID (en néerlandais : “Wie is wegvervoerder ?” (Qui est transporteur routier ?)) dans la Revue de droit commercial belge, mai 2005, 515-517. ** Autre chambre, mais sous la même présidence et avec le même rapporteur. Traduction en français et sommaire publiés par la Cour sur le site : <www.jurisdat.be>. Sommaire aimablement communiqué (en français) par le Professeur Jacques Putzeys. /// CONV. GENEVE 1956 (CMR) − FRANCE Article 17(2) de la Convention. COUR DE CASSATION (Ch. com., fin. et éco.) − 2.VI.2004 − N° pourvoi : 02-20846 − Sté Helvetia et autres contre Sté Transports Nicolas Brioude et autre. EXONERATION de la responsabilité du transporteur − Vol à main armée sur une aire d’autoroute − Circonstances que le transporteur ne pouvait pas éviter et aux conséquences desquelles il ne pouvait pas obvier (non). Chargé d’acheminer une cargaison de chaussures du Sud de l’Italie en France, un chauffeur routier s’arrête pour la nuit sur une aire d’autoroute italienne non gardée, où la marchandise est volée à la suite d’une attaque à main armée. Subrogés dans les droits du destinataire, les assureurs assignent le transporteur en réparation du préjudice subi. Pour rejeter cette demande, la Cour d’appel de Paris reconnaît l’existence de circonstances inévitables propres à décharger le transporteur de sa responsabilité. Certes, le chauffeur ne pouvait ignorer les risques de vol encourus par les transporteurs en Italie et connaissait la nature et la valeur de la marchandise transportée. Il lui incombait donc de prendre toute précaution pour la surveiller et à son employeur de lui donner les directives nécessaires à cet effet. Cependant, en l’espèce, les aires de stationnement gardées étaient beaucoup trop près ou beaucoup trop loin du lieu de chargement. Dès lors, il ne peut être reproché au chauffeur de ne pas s’y être arrêté, ni à l’employeur de ne pas avoir sacrifié la majeure partie d’une journée de travail en permettant un arrêt aux aires gardées de Bari ou de Naples. Quelques mots suffisent à la Cour de cassation pour censurer ce raisonnement sous le visa de l’article 17(2) de la Convention : le chauffeur pouvait s’arrêter sur les aires gardées de Bari ou de Naples en respectant les règles de conduite, sauf seulement à perturber le fonctionnement de l’entreprise, cette seule circonstance étant impropre à rendre l’événement inévitable*. Rev. dr. unif. 2005-3 631 Résumés de jurisprudence – Transport routier * Vol à main armée et “circonstances inévitables” : deux arrêts contradictoires ? Rendus dans des circonstances très semblables, les deux arrêts résumés ci-dessus aboutissent toutefois à des résultats exactement contraires. Faut-il y voir la marque d’une certaine inconstance de la Cour de cassation? Rien n’est moins sûr. En effet, en tant que juge du droit, la haute juridiction française a pour seule mission d’apprécier, sur un plan strictement juridique, la justesse du raisonnement des juges du fond. Or, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 2 juin 2004, le raisonnement de la Cour d’appel de Paris était pour le moins étrange et critiquable. En effet, pour retenir le caractère inévitable et irrésistible du vol, les juges parisiens ne se sont pas fondés sur les circonstances qui ont entouré ce dernier − contrairement à la Cour d’appel de Lyon dans l’affaire du 30 juin 2004 −, mais seulement sur les raisons d’ordre social et économique qui ont motivé l’arrêt du véhicule sur une aire d’autoroute non gardée : respect de la réglementation du temps de conduite et bon rendement des journées de travail. Cet argument ne pouvait pas séduire la Cour de cassation qui considère, à juste titre, que la seule perturbation du fonctionnement de l’entreprise résultant d’un arrêt sur une aire gardée ne suffit pas à rendre inévitable le vol avec agression survenu dans un lieu non sécurisé. <www.legifrance.gouv.fr>; Revue de droit commercial, maritime, aérien et des transports, 2004, 129 ; Bulletin des transports et de la logistique, 2004, 427. Sommaire aimablement communiqué (en français) par Mlle Anne-Isabelle Anfray. /// CONV. GENEVE 1956 (CMR) − FRANCE Article 17(2) de la Convention. COUR DE CASSATION (Ch. com., fin. et éco.) − 30.VI.2004 − N° pourvoi : 03-13091 − Sté Michelin et autres contre Sté Transports Jean-Michel Pascal. EXONERATION de la responsabilité du transporteur − Vol à main armée sur une aire d’autoroute − Circonstances que le transporteur ne pouvait pas éviter et aux conséquences desquelles il ne pouvait pas obvier (oui). Chargé d’acheminer une cargaison de pneumatiques de France en Allemagne, un chauffeur routier s’arrête pour la nuit sur une aire d’autoroute française, où il est agressé par des individus armés qui le forcent à descendre du véhicule et s’emparent de ce dernier avec sa cargaison. Subrogés dans les droits de l’expéditeur, les assureurs assignent le transporteur en réparation du préjudice subi ; mais la Cour d’appel de Lyon rejette leur demande. Dans leur pourvoi, les assureurs reprochent aux juges du fond d’avoir déchargé le transporteur de sa responsabilité, alors que la valeur de la marchandise transportée appelait des précautions particulières qui n’ont pas été prises en l’espèce − dispositif anti-vol insuffisant, surveillance non active du chauffeur et choix d’un lieu de stationnement où des vols similaires ont déjà été commis − et que le transporteur aurait pu éviter l’agression de son chauffeur en l’obligeant à stationner sur un parking plus sûr ou en organisant un départ à l’aube. La Cour de cassation rejette le pourvoi. Reprenant les constatations de la cour d’appel, elle observe que le véhicule, équipé d’un dispositif anti-vol “Neiman”, était stationné à proximité d’une station-service et d’un lieu de restauration éclairés, que le chauffeur a été agressé par plusieurs individus armés et que le départ du véhicule en fin de journée, impliquant un arrêt de nuit, n’est pas fautif en soi, s’agissant d’un transport d’environ 900 kilomètres. Il en résulte que le transporteur, qui ne pouvait pas obvier aux conséquences de l’agression du chauffeur, a pris toutes les mesures raisonnables pour acheminer la marchandise à sa destination et se prémunir contre une éventuelle agression et qu’il doit donc être déchargé de sa responsabilité sur le fondement de l’article 17(2) de la Convention *. Rev. dr. unif. 2005-3 633 Résumés de jurisprudence – Transport routier * Pour un autre exemple de vol avec agression dont le transporteur n’a pas été tenu responsable en application de l’article 17(2) de la CMR, on renvoie à un arrêt antérieur de la Cour de cassation (Ch. com., fin. et éco.) − 8.X.2003 − N° pourvoi: 02-10877 − Sté Aig Russia contre Sté Sagatrans Sud − <www.legifrance.gouv.fr>; Unif. L. Rev. / Rev. dr. unif. 2004, 213 ; Bulletin des transports et de la logistique 2003, 690. Voir aussi le commentaire sous le résumé de la décision de la Cour de Cassation, 2.VI.2004, Sté Helvetia et autres contre Sté Transports Nicolas Brioude et autre, reproduit ci-dessous. <www.legifrance.gouv.fr>; Bulletin des transports et de la logistique, 2004, 505. Sommaire aimablement communiqué (en français) par Mlle Anne-Isabelle Anfray. /// CONV. GENEVE 1956 (CMR) − FRANCE Articles 23 et 29 de la Convention. COUR DE CASSATION (Ch. com., fin. et éco.) − 30.VI.2004 − N° pourvoi : 03-10266 − Sté Cigna Insurance Company of Europe contre Sté Transgous et autres. FAUTE équivalente au dol du transporteur − Vol de marchandises de valeur sur le parking d’un centre commercial italien − Faute lourde du transporteur (oui) − Application de la limitation de responsabilité (non). Destinés à être acheminés de Milan (Italie) à Paris (France), des articles de maroquinerie de grande marque sont chargés sur un camion qui est presque aussitôt dérobé, alors qu’il stationne en plein jour sur le parking d’un centre commercial près de Milan. L’assureur du destinataire, subrogé dans les droits de ce dernier, assigne le transporteur en réparation intégrale de son préjudice. Pour écarter la faute lourde du transporteur et faire application de la limitation de responsabilité prévue par la Convention, la cour d’appel retient que le transporteur a garé son véhicule sur le parking d’un centre commercial à une heure d’affluence, pendant une très courte durée et après avoir fermé les portières à clef et bloqué le volant. Mais la Cour de cassation censure l’arrêt pour manque de base légale, sous le visa des articles 23 et 29 de la Convention : les juges du fond auraient dû recherché si, en tant que professionnel, le transporteur pouvait ignorer les risques encourus par les transporteurs en Italie, ainsi que les recommandations des assureurs et de la profession de ne faire stationner les véhicules de transport de marchandises que dans des parcs gardés et si le chauffeur n’aurait pas pu éviter de stationner son véhicule, chargé de marchandises de valeur, sur un parking d’un centre commercial italien pour effectuer des achats au lieu de les faire avant de prendre la route. <www.legifrance.gouv.fr>. Sommaire aimablement communiqué (en français) par Mlle Anne-Isabelle Anfray. /// Rev. dr. unif. 2005-3 635 Résumés de jurisprudence – Transport routier CONV. GENEVE 1956 (CMR) − FRANCE Articles 23 et 29 de la Convention. COUR DE CASSATION (Ch. com., fin. et éco.) − 30.VI.2004 − N° pourvoi : 02-20984 − Sté TBR transports contre Cie Mutuelles du Mans assurances IARD. FAUTE équivalente au dol du transporteur − Vol de marchandises de valeur à un moment indéterminé, au cours d’un transport France-Italie − Faute lourde du transporteur (non) − Application de la limitation de responsabilité (oui). Chargé d’acheminer du matériel informatique d’Angers (France) à Rozzano (Italie), une société se substitue un transporteur routier, entre les mains duquel une partie de la marchandise est dérobée. Les assureurs de l’expéditeur, subrogés dans les droits de ce dernier, assignent la première société et le transporteur en réparation intégrale du préjudice subi. Pour faire droit à cette demande et retenir la faute lourde du transporteur, la cour d’appel retient que le chauffeur, qui transportait une cargaison sensible dont la nature figurait sur la lettre de voiture, était incapable, après deux jours de voyage et alors que la porte de la remorque avait été ouverte et la bâche coupée, de situer à quel moment le vol se serait produit − encore qu’il soit vraisemblable, compte tenu de la dangerosité des autoroutes du nord de l’Italie, que le vol ait été commis sur une aire d’autoroute italienne − et qu’en outre il reconnaissait n’avoir jamais fait le tour de son véhicule au cours du transport. L’arrêt est sévèrement censuré. Critiquant d’abord le caractère hypothétique des motifs par lesquels la cour d’appel prétend localiser le vol en Italie, la Cour de cassation considère ensuite, sous le visa des articles 23 et 29 de la Convention, que les éléments de fait retenus par les juges du fond sont impropres à caractériser la faute lourde du transporteur et à écarter la limitation de responsabilité*. * Vol de marchandises de valeur et “faute équivalente au dol” : deux arrêts contradictoires ? Ici encore, bien que rendus le même jour dans des circonstances très semblables, les deux arrêts résumés ci-dessus aboutissent à des résultats exactement contraires. On aurait toutefois tort d’y voir un réel changement d’attitude de la Cour de cassation. En effet, dans la seconde affaire, elle sanctionne plutôt la cour d’appel qui, à défaut d’information sur les circonstances exactes du vol, s’est contenté de relever l’incapacité du transporteur à localiser l’événement dans le temps et dans l’espace pour retenir sa faute lourde − considérée comme équivalente au dol en droit français. La censure pour manque de base légale était donc inévitable, d’autant plus que cette soi-disant faute lourde ne présentait aucun lien de causalité avec la perte de la marchandise : ne pas connaître les circonstances d’un vol ne favorise pas la survenance de ce dernier ; inversement, une fois le vol subi, peu importe que le transporteur puisse en déterminer le moment et le lieu. <www.legifrance.gouv.fr>. Sommaire aimablement communiqué (en français) par Mlle Anne-Isabelle Anfray. /// Rev. dr. unif. 2005-3 637 Résumés de jurisprudence – Transport routier CONV. GENEVE 1956 (CMR) – ALLEMAGNE Article 31 de la Convention. OBERLANDESGERICHT KÖLN (Cour d’appel) – 25.V.2004 – (3 U 152/03). COMPETENCE – Juridiction compétente – “Compétence internationale” – Applicabilité directe de la CMR par une juridiction visée à l’article 31 (non). L’assureur de l’expéditeur britannique a réclamé des dommages-intérêts au transporteur britannique (défendeur) pour la perte de trois colis de microprocesseurs transportés du Royaume-Uni aux Pays-Bas. Les marchandises ont été transportées par route de Sevenoaks (Royaume-Uni) à Londres, par avion à Cologne (Allemagne) puis de nouveau par route à destination, à l’aéroport de Schiphol (Pays-Bas). Les marchandises ont été perdues à Amsterdam durant les opérations de manutention effectuées par le transporteur. Le Landgeright Köln a considéré que la compétence territoriale internationale était directement régie par la CMR conformément à l’article 31(1)(b) CMR pour le transport par voie de terre depuis Cologne jusqu’aux Pays-Bas, au cours duquel la perte était survenue. Selon la Cour, l’applicabilité directe de la CMR à un tronçon routier transfrontalier d’un transport multimodal était reconnue par le droit anglais des contrats applicable. La Cour a alloué des dommages-intérêts au demandeur en vertu des articles 17 et 29 CMR. En appel, la Oberlandesgericht Köln a rejeté le principe de la compétence territoriale internationale des juridictions allemandes en vertu de l’article 31(1) CMR. Les critères pertinents de compétence étaient le lieu de prise en charge des marchandises et le lieu de livraison, aucun des deux n’étant appliqués en l’espèce : les marchandises n’avaient été ni prises en charge ni livrées en Allemagne. Dans un transport multimodal, le lieu de prise en charge est le lieu où les marchandises sont prises en charge à l’origine dans les mains de l’expéditeur. Cette interprétation restrictive vise à réduire le nombre de juridictions compétentes pour des demandes résultant du même contrat de transport. Le lieu de prise en charge était Sevenoaks au Royaume-Uni, le lieu de livraison était les Pays-Bas. Le seul fait que des moyens de transport différents aient été utilisés et que les marchandises aient été transbordées à Cologne ne suffisait pas à soumettre le contrat à la compétence des juridictions allemandes en vertu de l’article 31(1) CMR. Le fait que la CMR régisse la responsabilité pour la perte de marchandises sur un tronçon du transport ne donnait pas lieu à une compétence internationale. En outre, d’autres instruments internationaux tels que la Convention de Varsovie de 1929 (article 28(1)) ou la Convention de 1968 sur la compétence et l’exécution des jugements ne prévoyaient pas non plus une compétence internationale. TransportRecht (2004), 359-361. Sommaire aimablement communiqué (en anglais) par le Professeur Dr. Karsten Otte. /// CONV. GENEVE 1956 (CMR) – ALLEMAGNE Article 32(2) de la Convention. BUNDESGERICHTSHOF – 08.VII.2004 (I ZR 272/01). RESPONSABILITE du transporteur – Prescription – Droit d’action – Acheteur des marchan- dises transportées désigné au contrat comme “notify party” – Conditions – Réclamation écrite devant être accompagnée d’une cession valable de droits par l’ayant droit. Rev. dr. unif. 2005-3 639 Résumés de jurisprudence – Transport routier Le demandeur, un assureur iranien, a réclamé des dommages-intérêts en vertu de l’article 17 CMR le 11 mars 2000 au défendeur (transporteur) pour la perte de marchandises transportées d’Allemagne en Iran. Le défendeur avait accepté de transporter les marchandises, depuis l’expéditeur H en Allemagne jusqu’au destinataire P, à Téhéran (Iran) à un prix déterminé, en vertu d’un connaissement multimodal FIATA (FBL). Le marchandises devaient être transportées par camion par un transporteur sous-traitant. Le connaissement FBL indiquait H comme expéditeur, P comme destinataire et S, acheteur à Joibar (Iran) comme “notify party” (“à notifier”). Le connaissement FBL n’était pas endossé mais contenait une clause avec ordre au bénéfice d’une banque iranienne. Les marchandises n’ont jamais été délivrées au destinataire P, à la suite de la perte probable dans un accident en Roumanie. Le demandeur a versé des dommages-intérêts à l’acheteur S et, prétendant être subrogé dans les droits de ce dernier en vertu d’une “lettre de subrogation”, a écrit au transporteur défendeur le 16 juillet 1998 pour demander réparation. Le demandeur a soutenu que le défendeur avait pris acte de la demande puisque celui-ci avait émis un fax le 3 août 1998 disant: “Messieurs, nous accusons réception par la présente de vos documents. Veuillez prendre note du fait que nous prenons acte de cette demande et qu’elle sera traitée conformément aux ‘règles internationales CMR’”. En outre, le demandeur a soutenu que l’acheteur S avait en sa possession le connaissement FBL déjà au moment de l’évaluation de la perte, le destinataire P ayant transmis le connaissement FBL à S très rapidement. Le défendeur a nié avoir accepté la demande en question dans son fax du 3 août 1998, et a prétendu que l’action était prescrite en vertu des dispositions légales en matière de prescription. Le tribunal de première instance (Landesgeright) a accueilli la demande du demandeur ; l’Oberlandesgeright a rejeté l’appel interjeté. Le Bundesgerichtshof a tout d’abord affirmé l’applicabilité de la CMR au transport, puisque le défendeur (transporteur) avait contracté pour un prix déterminé et était par conséquent soumis à la responsabilité du transporteur (§ 413 HGB). Il a confirmé la décision de l’Oberlandesgeright, rejetant la demande en se fondant sur le fait qu’en vertu de la CMR, seuls l’expéditeur H et le destinataire P étaient fondés à réclamer des dommages-intérêts, et non l’acheteur S. En vertu du contrat de transport, le transport prenait fin à la livraison au destinataire P. Conformément à l’article 32(1)(a) CMR, le délai de prescription de l’action résultant d’un transport en vertu de la Convention est d’un an. En l’espèce, le délai de prescription commençait à courir 60 jours après la prise en charge des marchandises par le transporteur, par conséquent l’action prescrivait le 15 novembre 1998. Toutefois, le délai de prescription peut être suspendu par une réclamation écrite émanant de la (ou des) partie(s) autorisée(s) à réclamer des dommagesintérêts au transporteur (article 32(2) CMR), à savoir en l’espèce, l’expéditeur H ou le destinataire P. En vertu du contrat de transport et du connaissement FBL, les marchandises devaient être livrées au destinataire contractuel (article 13 CMR). L’acheteur S était seulement considéré comme le destinataire économique qui, en vertu du connaissement FBL, devait être averti de l’arrivée des marchandises à l’établissement du destinataire P, mais n’était pas considéré comme “destinataire” en vertu du contrat de transport, qui devait être interprété strictement. L’acheteur S aurait pu seulement avoir acquis le droit de réclamer des dommages-intérêts (et se prévaloir de la suspension du délai de prescription) s’il avait acquis ce droit en vertu du connaissement FBL avant que les marchandises soient perdues ou encore s’il avait été expressément ou implicitement autorisé à réclamer des dommages-intérêts. Or selon la Cour, la preuve n’était pas rapportée que ce droit eût été cédé par le destinataire P à l’acheteur S de sorte que ce dernier ne pouvait être subrogé dans les droits du demandeur. Bien qu’une copie du connaissement FBL eût été présentée à la Cour en même temps que la première réclamation Rev. dr. unif. 2005-3 641 Résumés de jurisprudence – Transport routier écrite du 16 juillet 1998, le fait que l’original du connaissement FBL ait été présenté à la Cour ultérieurement n’a pas été considéré comme une preuve adéquate de la cession en temps utile des droits ou de l’autorisation de se prévaloir de tels droits. Une telle autorisation nécessitait un consentement clair et sans ambiguïté des ayants droit. L’acquisition ultérieure de tels droits par le destinataire ou une autorisation similaire ne validait pas rétroactivement la réclamation du 16 juillet 1998 comme émanant d’une personne autorisée à effectuer cette demande dans le but de suspendre le délai de prescription. Enfin, la déclaration faite par le défendeur dans sa réponse par fax ne pouvait pas être considérée comme une reconnaissance de responsabilité puisqu’il était dit clairement dans ce fax et dans d’autres que les réclamations devraient être réglées par l’assureur. <http://www.bundesgerichtshof.de/>. Sommaire aimablement communiqué (en anglais) par le Professeur Dr. Karsten Otte. /// CONV. GENEVE 1956 (CMR) – GRECE Articles 17(1), 18(1) et (2), et 23(2) de la Convention. AREOPAGE (1re Ch.) – 1.IV.2004 – arrêt n° 386/2004. AVARIE de la marchandise– Calcul de l’indemnité. RESPONSABILITE du transporteur – Charge de la preuve de la faute. Une entreprise grecque avait confié à un transporteur le transport de marchandises de Graz (Autriche) à Livadia (Grèce). Des avaries étant constatées à destination, l’assureur du destinataire, après avoir indemnisé ce dernier, a agi contre le transporteur en réparation et a obtenu gain de cause devant la Cour d’appel d’Athènes (arrêt n° 5955/2001, non publié). Devant cette Cour, le défendeur avait conclu à l’irrecevabilité de l’action, au motif que le demandeur avait invoqué comme base de calcul le prix courant des marchandises sur le marché sans avoir fait état de l’absence de cours en bourse, à quoi il serait, selon le défendeur, obligé. En effet, cette obligation était imposée au demandeur par la jurisprudence grecque jusqu’au début des années 1990, laquelle interprétait l’article 23(2) CMR en ce sens qu’il établissait une hiérarchie des bases de calcul de l’indemnité y mentionnées. La Cour d’appel rejette cette prétention, et l’Aréopage confirme la solution, en réitérant le motif, bien connu depuis son arrêt n° 1152/1990 * que la base de calcul invoquée est indifférente aux fins de la recevabilité de la demande, et qu’il appartient au défendeur d’invoquer et de prouver l’existence d’une valeur antérieure – et inférieure, sinon le moyen de défense est inopérant – à celle invoquée par le demandeur ; et que si cette prétention est trouvée fondée, elle n’aboutit pas au débouté de la demande mais au calcul de l’indemnité sur la base invoquée par le défendeur. Devant l’Aréopage, le transporteur, demandeur au pourvoi, invoque un deuxième motif concernant l’application de la CMR. En effet, pour condamner le transporteur, la Cour d’appel avait cru devoir établir la faute du conducteur, préposé du transporteur ; or la motivation de l’arrêt attaqué sur ce point est vraisemblablement pour le moins inadéquate, sinon confuse, et le transporteur s’en prévaut pour le faire casser. L’Aréopage rejette le moyen tiré de la prétendue contradiction de motifs, parce que, même s’il était fondé, il serait de toute façon inopérant, puisque l’objet spécifique des motifs en cause, à savoir la faute du préposé du transporteur, n’exerce aucune influence sur le bien-fondé de l’arrêt attaqué. En effet, le demandeur n’est pas tenu de prouver la faute du transporteur pour établir sa responsabilité. Rev. dr. unif. 2005-3 643 Résumés de jurisprudence – Transport routier / Contrat de voyage Tout au contraire, c’est au transporteur qu’incombe la charge d’invoquer et de prouver l’existence d’une cause privilégiée qui l’exonérerait de sa responsabilité. Par conséquent, la Cour n’avait pas à se prononcer sur la prétendue faute, qui est en principe indifférente, et les motifs reprochés de contradiction étaient surabondants. Malgré le rejet ainsi intervenu des deux moyens rapportés, qui concernaient, le premier directement et le deuxième indirectement, l’application de la CMR, l’arrêt attaqué fut cassé pour d’autres motifs. * citée dans PANOUPOULOS, G., “La jurisprudence grecque en matière de Conventions internationales relatives aux transports terrestres et aériens”, Unif. L. Rev. / Rev. dr. unif., 2004, 625 à 637. Dìkaio Epikheiréseon kai Etairiôn (Droit des entreprises et des sociétés) 11 (2005), 314. Sommaire aimablement communiqué (en français) par M. Georgios Panopoulos. /// CONVENTION INTERNATIONALE RELATIVE AU CONTRAT DE VOYAGE (CCV) (Bruxelles, 1970) CONV. BRUXELLES 1970 (CCV) − ITALIE Article 15(1) de la Convention. CORTE DI CASSAZIONE (Sez. III) − 27.X.2004 − n. 20787 − Parisella et autre contre Sté Viaggi nel mondo. Voir le résumé de cette décision, qui applique également la Convention pour l’unification de certaines règles relatives au transport aérien international, supra, 613. /// Rev. dr. unif. 2005-3 645