SUR LA TRANSFORMATION DE LIE

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SUR LA TRANSFORMATION DE LIE
SUR LA TRANSFORMATION DE LIE
PAR M. CLAPIER
(MONTPELLIER)
Parmi les transformations de contact, la plus célèbre est celle de Sophus Lie,
qui fait correspondre lai géométrie de la sphère à la géométrie de la droite; je me
propose de montrer quelle est, au point de vue didactique, l'origine de cette transformation et l'une de ses plus intéressantes applications.
Une transformation de contact de deuxième classe est caractérisée par deux
relations
cp(x-yz, xlyizi) = o,
>\(xyz, xiylzi)
= o
entre les coordonnées de deux points M.(xyz) et Ml(xlylzi) qui appartiennent à
deux espaces E et E4.
Le cas le plus simple consiste à supposer que ces relations sont bilinéaires et
ont la forme
n = AxL -h By4 -hCzi -h D = o ) A j
U' = A'a?, + B'y4 + C'zl -h D' = o )
B ; C,
D, A', B', C, D' fonctions linéaires
de x, y, z.
A un point M du premier espace correspond dans le second une droite D 4 ,
intersection des plans Ft et II'. De sorte qu'aux points de l'espace E correspondent
dans l'espace E 4 , les droites d'un complexe k± ; et inversement aux points de
l'espace E4 correspondent les droites d'un complexe k, appartenant au premier
espace.
La correspondance entre les plans II et ET étant homographique, le complexe/^
est en général un complexe du second degré tétraédral; il en est de même du complexe k. Dans le cas particulier où l'un des complexes est linéaire, l'autre est formé
par les droites qui rencontrent une conique (').
(4) Vessiot, Leçons de Géométrie supérieure (Lyon, 1906).
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Le cas qui se présente naturellement à l'esprit est celui où le complexe (kt) est
formé par les droites qui rencontrent le cercle isotrope. Ce sont les lignes de longueur nulle, et les droites de ce complexe satisfont à l'équation de Monge
(i)
dxl + dyl + dzl = o;
cherchons le complexe correspondant k.
M étant fixe, nous avons les relations différentielles
Adxi -h Bdyt -f- Cdz^ = o,
A'dxi + B'dyt-hC,dzi
floß
= o.
idy
Il en résulte que ——
- est une fonction linéaire de xyz ; et, à l'aide d'une
dzi
transformation homographique, nous pourrons poser
dx — idy
dzi
—t 4 — - t = y
dx -h idy
Jit
=
—dzi
—t
et
i
y
—.
Les relations différentielles précédentes s'écriront :
(
dxi — idyi — ydzi = o,
( y(dx^ + idyi)+dzi
= o.
Intégrons-les, de manière à obtenir une droite D4 du complexe kt ; nous obtenons
avec les constantes a et y, expressions linéaires en x, y, z,
(3)
(
*i —Ô\ —yzf —a = o,
(y(». + 00 —*« + ï = o.
Pour obtenir les droites D du complexe k, il suffît de différencier ces nouvelles
équations, en y supposant fixes xiyi et zt ; on obtient, après l'élimination de zlf
la condition
ydy — ydy — du. = o.
Complétons la transformation homographique ci-dessus, en posant :
* = x,
y = z;
nous avons la relation différentielle
(4)
zdy — ydz + dx = o,
qui caractérise le complexe k ; c'est bien un complexe linéaire.
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Les relations finies (3) prennent la forme des relations <p et ^ posées a priori
pour définir la transformation de Lie (4),
Remarque. — Pour définir la transformation de Lie, il suffît de se rappeler
qu'elle fait correspondre le complexe des droites isotropes à un complexe linéaire.
Celui-ci se ramène à la forme (4) ou à l'une des deux formes suivantes :
xdy — ydx + dz = o,
zdx —- xdz + dy = o.
Pour obtenir la première de ces deux relations différentielles, on pose :
dxt -h idyt
— dzt
dxt — idyt
dzx
'
i
x
et on déduit les deux relations finies, qui peuvent aussi caractériser la transformation
X
L + *>< -hxzi-hz
x x
i
= o,
z
( i — yi) — y — i = °-
Ce sont celles qui ont été utilisées par M. Vessiot, qui en déduit les formules
g =
4
z i
2 2
x(px + qy) + y—p
q -h x
'
z
i x(px + qy) — y+p
21
2Ì
l
q -h x
<5) {
1
px -h qy
q-hx
qx -h i
q—x
**
.qx — i
q— x
APPLICATION. — Appliquons une transformation de contact à une multiplicité M4
définie par l'équation
(i)
F(xyzpq)
= o;
elle transforme cette multiplicité en une seconde multiplicité
(2)
V£œlylzlplql)
= o
Les éléments unis suivant une courbe se transforment en éléments unis suivant
une autre courbe; une bande caractéristique de l'équation aux dérivées partielles (1)
(') Darboux, Leçons sur la Théorie des surfaces, S 978.
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se transforme en une bande caractéristique de l'équation (2). Si on applique la
transformation de Lie qui change les droites en sphères, les tangentes asymptotiques d'une surface intégrale se transforment en sphères osculatrices de la surface
transformée.
Les lignes asymptotiques de la première vont se changer en lignes de courbure
de la seconde; une bande caractéristique asymptotique sur une surface intégrale se
transforme en une bande caractéristique de courbure sur la surface transformée.
Si l'équation (1) est l'équation la plus générale pour laquelle les courbes caractéristiques d'une surface intégrale sont des lignes asymptotiques de cette surface,
l'équation (2) sera telle que les caractéristiques situées sur une surface intégrale
soient des lignes de courbure de cette surface.
Sophus Lie a démontré le théorème suivant :
Théorème. — i° Pour que les caractéristiques d'une surface intégrale d'une
équation aux dérivées partielles du premier ordre non linéaire soient des lignes
asymptotiques de cette surface, il faut et il suffit que les tangentes aux courbes
intégrales déterminent un complexe de droites;
20 Pour que les caractéristiques d'une surface intégrale quelconque d'une équation linéaire soient des lignes asymptotiques de cette surface, il faut et il suffît que
l'équation admette comme lignes intégrales une congruence de droites.
EXEMPLES.
— L'équation
F = (px + qyf — 2a(py — qx) — a8 = o
admet pour équation différentielle des courbes intégrales
a(dx* + dy*) + (xdy — ydx)dz = o;
les tangentes à ces courbes forment un complexe de droites du deuxième degré. En
appliquant les formules de transformation (5), on obtiendra une équation F4 = o,
pour laquelle les caractéristiques seront des lignes de courbure d'une surface intégrale.
Si de même on cherche l'équation (1) telle que les tangentes aux courbes intégrales forment un complexe tètraédral, on trouve :
F = asX2 -h b*T -h ciz^—2bc\z
X = px,
Y = qy,
— 2caz\ — 2abHY == o,
a + 6 -j- c = o
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et on en déduit, par les formules de la transformation de Lie, l'équation (2) correspondante.
— L'équation F4 = o, déduite ainsi de l'équation F = o, donne toutes les équations aux dérivées partielles dont les caractéristiques sont lignes de courbure pour
la surface intégrale. S'il arrive que la forme de (2) soit linéaire, deux cas pourront
se présenter : i° ou bien les caractéristiques sont des droites isotropes; 20 ou bien
ces caractéristiques coupent orthogonalement une famille de sphères à un paramètre (Lie).
L'équation (1) elle-même peut être quelconque ou avoir une forme linéaire.
Dans le cas général, une courbe intégrale est une enveloppe de caractéristiques,
et les tangentes à un même système de caractéristiques situées sur une surface intégrale appartiennent à un complexe de droites. La transformation de Lie leur fera
correspondre des sphères oscula trices appartenant à un même complexe de sphères.
Si l'équation (1) est linéaire, à la congruence des lignes intégrales correspondra
une congruence de sphères; celles-ci ont une enveloppe qui correspond à une des
nappes de la focale de la congruence. De sorte qu'à une surface intégrale de l'équation (1) correspondra une surface intégrale de l'équation (2) considérée comme
enveloppe d'une famille de sphères appartenant à une congruence. Ces sphères de
la congruence dépendant de deux paramètres formeront une intégrale complète ;
l'intégrale singulière correspondra à la focale de la congruence des droites intégrales de l'équation linéaire.
Nous pouvons donc énoncer le théorème suivant dû à Lie :
Théorème. — Si les caractéristiques d'une équation aux dérivées partielles sont
des lignes de courbure d'une surface intégrale, deux cas peuvent se présenter :
i° Les sphères osculatrices d'un même système de caractéristiques situées sur
une surface intégrale appartiennent à un même complexe de sphères;
20 Une intégrale complète est obtenue par une congruence quelconque de
sphères.
— Considérons les surfaces dont les normales sont tangentes à une
sphère; elles satisfont à l'équation
EXEMPLE.
(px + qy-
zy = (x2 -h y£ + 28 - a") (1 -h p2 -h <f),
Soient O, l'origine centre de la sphère, I le point de contact de la normale MI. Une
caractéristique est une spirale développante située dans un plan quelconque passant
par l'origine; une intégrale quelconque s'obtiendra en faisant rouler ce plan sur
un cône quelconque de centre O, OM sera la génératrice de contact. Les sphères
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osculatrices à une de ces surfaces le long de la caractéristique ont pour centre I
et pour rayon IM; elles dépendent de trois paramètres : le paramètre dont dépend
le rayon IM suivant la développante de cercle choisie et les deux paramètres qui
fixent la position du point I sur la sphère. Les caractéristiques sont donc lignes de
courbure.
D'uue manière générale, les surfaces définies par une relation entre le rayon
vecteur OM et la distance de l'origine au plan tangent sont des surfaces moulures,
sur lesquelles les Caractéristiques forment un système de lignes de courbure.