Intervention de Josef SCHOVANEC
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Intervention de Josef SCHOVANEC
Intervention de Josef SCHOVANEC Introduction Je suis très heureux et très fier d’être avec vous aujourd’hui. Je suis aussi très impressionné par tous les champions que l’on vient de saluer et d’applaudir. La richesse de la collectivité humaine, c’est la diversité de ces talents, je crois. Et cette petite phrase que j’ai essayé de mettre sur cette première diapositive. C’est la dernière phrase du préambule de la constitution suisse. « La force de la communauté se mesure au bien-‐être du plus faible de ses membres ». Cette phrase est non seulement une incitation à soutenir les plus faibles des membres de la communauté, mais c’est aussi pour essayer de montrer que ce qu’on appelle le plus faible maillon représente une force et que les personnes douées de handicap, si j’ose dire, peuvent apporter à de multiples niveaux. Donc le handicap ce n’est pas qu’une question de solidarité, qu’une rêverie béate, c’est aussi une question d’avenir de la collectivité. J’ai reçu hier un e-‐mail d’une maman d’une jeune fille avec autisme dont je n’avais plus entendu parler depuis plusieurs années. Cette maman m’avait envoyé une photo de sa fille Marjorie. Quand je l’ai connue il y a un peu moins de 10 ans, c’était une petite fille qui avait très peu de compétences. Elle était dans un coin, et il était quasiment impossible d’établir un contact avec elle. Et là, j’ai été vraiment surpris : maintenant, Marjorie est une jeune femme pleine de vie qui a toutes sortes d’activités. Elle a commencé à apprendre le russe, elle vient de passer un mois en Floride… C’est impressionnant ! Qui aurait pu imaginer tout ce cheminement, tous ces apprentissages, il y a quelques années encore ? Il y a un livre qui est best seller aux USA et en Angleterre : « Sais-‐tu pourquoi je saute ? ». Ca a été écrit à l’époque par un enfant, qui est maintenant jeune adulte, Naoki, un japonais. Naoki avait 12 ou 13 ans quand il a écrit ce livre hors du commun. Naoki est non verbal, et c’est là que ça devient très intéressant. Un enfant avec autisme non verbal qui a écrit tout un livre en montrant les caractères, l’un après l’autre, qu’avait confectionné sa maîtresse d’école. Donc le livre est une succession de questions pratiques que les parents ou que la maîtresse posent au petit Naoki. A chaque fois, il répond une page à peu près, en montrant les caractères. L’une des questions est justement « pourquoi tu sautes quand on te parle ? ». Ce livre est fascinant parce qu’il montre que les personnes, y compris non verbales, peuvent avoir et ont le plus souvent, tant de compétences que l’on reste abasourdi. Je pense que nombre d’enfants dis « normaux » (mais qu’est-‐ce que c’est un enfant normal ?) de 12 ou 13 ans n’ont pas ni l’intelligence ni l’empathie qu’a le petit Naoki. On a eu une magnifique illustration ce matin, à l’ouverture de l’Assemblée Générale, qui montre combien travailler avec des personnes différentes peut être une source de joie. Je peux vous assurer que travailler avec des personnes dites normales est parfois particulièrement « chiant ». D’ailleurs, on peut se méfier parfois de la normalité. La machine à remonter le temps J’avais imaginé de vous proposer une petite machine à voyager dans le temps : il s’agit d’un petit simulateur. Vous allez voir quelques photos d’enfants différents. Tout le jeu sera de deviner de qui il s’agit 20 ou 30 ans plus tard. Je tiens à présenter mes excuses pour un point de détail : vu l’exercice, les personnes présentées sont plutôt des gens connus, donc cela déforme un peu le propos. Mais je tiens à rajouter tout de suite qu’on pourrait faire un diaporama semblable avec toutes les personnes, tous les champions de la différence qu’on a dans notre entourage. Bill Gates Première question : il arrive parfois que vous ayez à la maison un adolescent qui, au lieu d’aller à l’école, ou au collège, passe son temps enfermé dans son garage à bricoler Dieu sait quoi. Il essaie aussi de conduire une voiture, mais au niveau de la synchronisation motrice, il en est je crois au même stade que moi, donc un désastre routier ! Vous l’avez deviné je crois, il s’agit de Bill Gates, un célèbre personnage avec autisme, mais qu’à titre personnel je n’aime pas, parce que moi j’utilise Linux ! Aux USA, les personnes très fortunées vivent de manière stéréotypées, généralement en Californie. Bill Gates, pas du tout ! L’Etat de Washington, c’est l’un des Etats très reculés par rapport aux grandes zones urbaines. C’est là que Bill Gates a choisi d’installer sa résidence, bien cachée dans la végétation. Il y a quelques originaux, y compris dans ce milieu ! Einstein Je vous présente cette fois un bébé qui était vraiment très peu doué. D’ailleurs, ses professeurs disaient que rien de bon ne sortirait de ce gosse ! Je ne sais pas si j’ose le dire, parce que ce n’est pas très correct, mais je pense que rien qu’en voyant l’enfant, on peut dire qu’il est porteur d’une différence. Il s’agit, comme vous l’avez deviné je pense, d’un dyslexique célèbre : Einstein. Il a été incapable d’apprendre à parler correctement l’anglais. Je ne suis pas méchant à titre gratuit, mais avez-‐vous essayé de lire les écrits autres que scientifiques de ce Einstein ? C’est d’une gaminerie terrible ! Il avait sans doute une forme de candeur, de naïveté… Vous pouvez être extrêmement doué dans certains domaines et avoir beaucoup plus de difficultés ailleurs. Tout le défi pour repenser notre système scolaire, notre système professionnel à l’âge adulte, c’est justement comment tirer partie des forces de chacun, et non pas de se focaliser sur ce qui ne va pas ou sur ce qu’on croit qui ne va pas. C’est un peu aussi tout le problème de ce qu’on appelle l’évaluation. Trop souvent, l’évaluation est conçue comme un listing de tout ce qui ne va pas. On est censé par exemple, être défini ad vitam aeternam par ce qui nous manque, ce qu’on ne sait pas faire. Mais je pense qu’on devrait plutôt mettre l’accent sur ce que les gens savent faire, sur ce qu’ils peuvent apporter à la société. C’est comme cela qu’on arrivera à faire changer les choses, et pas que dans le domaine du handicap. Einstein disait : « Si vous évaluez le poisson sur sa capacité à grimper à un arbre, l’évaluation ne sera pas fameuse ! ». Ou si nos camarades champions de ski m’évaluent sur mes compétences en ski, ça sera terrible pour moi ! Mais je crois que la société aurait tout à gagner à passer à une autre pratique d’évaluation. Temple Grandin Prenons le cas maintenant de cette petite fille à qui, à l’âge de deux ans, les spécialistes de l’époque avaient diagnostiqué qu’elle avait le cerveau « bousillé ». A l’âge de deux ans et demi, elle était, paraît-‐il, psychotique. A trois ans, inapte à parler. Bref, quelques années ont passé, et on a eu cette dame, qui a été aux USA une célébrité : c’est elle qui a écrit le premier témoignage d’une personne avec autisme. Dans le petit monde de l’autisme, on la connaît à ce titre-‐là. Mais en dehors de cela, elle a surtout beaucoup apporté à l’économie de son pays. Aujourd’hui, la moitié des fermes américaines suivent des plans conçus par Temple Grandin. Et il y a beaucoup de domaines de l’activité scientifique où on utilise le résultat obtenu par les travaux de Temple Grandin. On a même été surpris d’entendre des archéologues du monde contemporains citer de manière quotidienne différentes choses de Temple Grandin. Ceci dit, si on peut être un peu méchant, Temps Grandin ne sait toujours pas s’habiller pour être vêtue à la mode ! Je suis très mal placé pour faire des leçons à qui que ce soit, moi qui n’ai jamais su faire mon nœud de cravate (ça se finirait mal si je tentais l’expérience !). Mais en tout cas, on est toujours surpris par les parcours de vie des uns et des autres. Kim Peek Prenons maintenant le cas de cet enfant à qui, quand il est né dans les années 50, les médecins prédisaient les pires des choses. Ils disaient qu’il ne saurait jamais entrer même dans les apprentissages les plus élémentaires, inutile même d’envisager qu’il puisse parler un jour ! Il ne saurait jamais avoir une vie autonome, même la plus élémentaire… Le psychiatre avait dit aux parents : « certains parents ont un chien à la maison, vous avez cet enfant, mettez le dans un lieu fermé, oubliez-‐le, faites un autre enfant ! ». Les années ont passé, les parents se sont obstinés, et on a eu cette personne. Peut-‐être que son nom ne vous dit rien, mais vous avez sans doute entendu parler du film Rain Man. Ce film est une fiction qui a été fondée sur la vie réelle de ce monsieur, Kim Peek, et je crois que c’est un cas particulièrement touchant. J’aime bien présenter des cas précis de Kim Peek, parce que je pense qu’il n’arrive quasiment jamais qu’on rencontre un enfant avec autisme qui ait plus de difficultés que n’en avait Kim Peek quand il était très jeune. Ce qui est fascinant, c’est de voir comment Kim a pu, grâce à la mobilisation de beaucoup d’acteurs, finir par avoir une vie tout à fait digne, y compris digne selon nos standards. Alors certes, il n’a jamais pu faire certaines choses, comme par exemple enfiler un manteau. Réfléchissez-‐y quand vous enfilez un manteau, c’est une tâche redoutablement complexe au niveau musculaire ! Moi ça me posait d’énormes défis ! D’ailleurs je vais vous faire une petite confidence : vous voyez, là j’ai de belles chaussures avec un joli nœud, mais en fait c’est parce que ce n’est que la deuxième journée que je porte mes chaussures et donc le nœud est celui d’origine. Parce que pour faire mes lacets, c’est un défi ! Quand j’étais petit, ma mère faisait le nœud des lacets et elle mettait un peu de colle pour que ça ne se défasse pas, mais ça finissait toujours pas se défaire… Miss Montana 2013 Il arrive parfois que vous ayez à la maison ce type d’enfant, comme cette petite fille, qui passe pour disgracieuse. Mais c’est quoi la beauté ? Paraît-‐il il y a des critères de beauté, et donc elle fait l’objet de multiples railleries de la part de ses camarades. Quelques années passent et là je vais peut-‐être vous surprendre… J’ai l’honneur de vous présenter Miss Montana 2013. A ma connaissance, c’est la seule Miss avec autisme. Donc je tiens à dire qu’il y a aussi des personnes différentes avec handicap, que l’on trouve dans des domaines auxquels on aurait peut-‐être pas pensé d’emblée. Mais vous voyez, il y a quelque chose de fondamental : lorsqu’on évoque la question du devenir à l’âge adulte (devenir professionnel, mais devenir humain tout court) des personnes différentes, il ne faut pas avoir tendance à réduire la grille de lecture. Pendant des décennies, on disait aux enfants aveugles : si tu travailles bien à l’école tu deviendras pianiste, si tu travailles mal, tu deviendras masseur. Mais le problème, c’est que 99% des enfants aveugles ne souhaitent devenir ni pianiste, ni masseur ! Est-‐ce qu’on peut s’épanouir si on nous impose une activité pour laquelle on n’a ni affinité, ni ce ressort profond qui nous anime le matin en allant au travail ? On n’a pas encore de personne aveugle chauffeur poids lourd, mais sinon, toute la gamme des métiers est possible je crois ! Snowden Il arrive parfois que vous ayez à la maison un adolescent comme celui-‐ci, totalement asocial. Ce n’est pas celui qu’on inviterait à son goûter d’anniversaire. Il paraît vaguement dangereux. Il s’agit effectivement de quelqu’un de dangereux, quelqu’un qui est très connu pour garder la même chemise trois semaines de suite, quelqu’un qui est habitué à des séjours aéroportuaires prolongés… Donc vous avez deviné, il s’agit d’un bonhomme qui, lorsqu’il donne des interviews, ne regarde ni la caméra ni le journaliste. C’est aussi je crois le seul de ses milliers d’anciens collègues qui a été prêt à sacrifier sa carrière, voire plus que ça, pour des questions de principe. Quelle idée d’autiste ! Daniel Tammet Il arrive parfois que vous ayez à la maison un enfant comme celui-‐ci, épileptique, incapable d’apprendre à l’école… Bref, qui pose mille et un soucis à tout le monde, à ses parents comme à ses professeurs. Cet enfant qui passait pour extrêmement déficient, difficile, il s’agit de Daniel Tammet. C’est un ami, mais il a notamment écrit plusieurs livres dont « Je suis né un jour bleu », il y a quelques années. Il était très présent dans les médias français. Daniel a de multiples compétences. Il a appris l’islandais en une semaine, il a eu à une époque le recors du nombre de décimales du nombre Pi retenu par cœur… Mais Daniel est surtout porteur de qualités humaines, et ça on ne l’a pas beaucoup souligné dans les médias, hélas. Et je tiens à dire qu’à côté des très fortes compétences de Daniel subsistent un grand nombre de difficultés, et c’est aussi cela l’intérêt de rencontrer des personnes avec autisme, des personnes différentes, de voir toute la richesse des profils. J’ai rencontré à Marseille il y a quelques semaines, Eric Lucas, qui est devenu un ami, qui est au livre Guiness des records. C’est l’homme qui a le plus d’objets sur lui : il a plus de mille objets sur lui en permanence. Donc son manteau est patiemment bricolé, il y a tout dedans : de la station d’épuration d’eau jusqu’à la tente dépliable, en passant par le compteur Geiger pour la radioactivité, et que sais-‐je encore ! Il peut passer toute la journée à vous montrer tout ce qu’il a dans son manteau, en apparence ordinaire. On rencontre des gens assez extraordinaires lorsqu’on fréquente le milieu de la différence. J.K. Rowling Parfois, vous avez à la maison un bébé ou une enfant très jeune qui multiplie les problèmes, qui est totalement hors des apprentissages. Quelques années passent, et je pense que vous reconnaissez l’auteur de Harry Potter. Comme on le sait, Madame Rowling est concernée par l’autisme. Ca n’a pas trop été dit en France parce qu’on avait peur que ça fasse baisser les ventes… Dans le petit monde de l’autisme, on rencontre régulièrement des personnes fascinées par cette littérature-‐là et je pense que je comprends, même si je ne suis pas fasciné par cela mais pour des raisons personnelles. Quand vous faites l’objet d’une multiple discrimination et d’une mise à l’écart, il est tout à fait humain d’imaginer un monde meilleur, différent, un monde qui vous reconnaîtrait. Madame Rowling mène aujourd’hui le même mode de vie qu’il y a quelques années, quand elle était sans argent et au bord du rouleau. Portraits Rebecca Gould Dans le livre sur les voyages, j’essaie de faire au début quelques portraits. L’un des portraits, c’est celui de Rebecca. Rébecca et sa sœur (elles étaient deux sœurs jumelles) partaient d’un profil extrêmement difficile. D’ailleurs, la sœur de Rebecca à ce jour n’a pas pu encore acquérir de bonnes compétences sociales. Elle habite toujours chez ses parents aux USA, elle n’a pas pu faire d’études, ou plutôt l’université n’a pas été suffisamment accessible pour elle. Rebecca a eu plus de chance. Son profil, en l’espace de quelques années, à complètement changé. Elle est polyglotte, elle parcours le monde. Elle sait parler de nombreuses langues, et c’est d’ailleurs ce qui m’avait interpelé. Je l’avais rencontrée à Téhéran, donc déjà il n’est pas très commun de rencontrer des américaines à Téhéran. D’autant plus surprenant quand on voit des américains qui parlent couramment persan, géorgien, arabe, russe, allemand, français… Et je m’étais dit : tiens, tiens, elle ne serait pas membre du club par hasard ? Il s’est avéré que oui. Au terme de son séjour en Iran, elle m’avait écrit un mail, en me disant : Josef, j’ai complètement oublié de prendre des photos, et maintenant mes parents m’en réclament. Est-‐ce que vous pourriez m’envoyer des photos d’Iran ? Au terme de ces années de dur combat, Rebecca a obtenu un poste à l’université de Singapour et son CV s’est encore prolongé… Luna TMG A propos de Luna, c’est une artiste avec autisme. Elle est présente dans le film « Le Cerveau d’Hugo ». Luna est donc une artiste-‐autiste, autiste-‐artiste, que sais-‐je, qui travaille notamment sur la lumière. Luna est l’exemple même de ces personnes autodidactes qui, vivent dans un environnement d’une adversité extrême, mais qui sont tellement douées, ont tellement de choses à apporter, qu’on s’intéresse de plus en plus à leurs créations. J’espère qu’elle pourra un jour vivre de son art… Eléonore Laloux J’ai surtout montré des personnes avec autisme, mais ces problématiques-‐là se retrouvent dans différents types de handicaps. J’ai été particulièrement sensible au cas d’Eléonore Laloux, avec trisomie 21, lorsque pendant des années, les plus éminentes autorités de France ont proclamé que « la présence de ces personnes serait un poison pour les familles ». Vous imaginez l’ambiance sur un plateau télé quand arrive Eléonore : « coucou, c’est moi le poison, bonjour monsieur le professeur ! ». Je suis extrêmement impressionné par ce que les personnes avec trisomie 21 sont capables d’accomplir, surtout lorsqu’on leur propose des solutions appropriées dès l’enfance. Il y a, pour ne prendre qu’un exemple, aux USA, pour entrer à l’université, un processus de sélection qui fait appel à un test psychométrique : nombre de personnes dites normales échouent au test, mais depuis quelques années, il y a des personnes avec trisomie 21 et j’espère qu’il y en aura toujours davantage, qui réussissent à ce test. Au-‐delà des spécificités médicales de tel ou tel handicap, on retrouve des problématiques de mise à l’écart qui sont, hélas, relativement similaires. Voyages Les conventions sociales On va maintenant essayer de voyager un peu, pour conclure. Si vous êtes par exemple concerné par l’autisme, l’une des spécificités, ça peut être la difficulté de savoir appliquer les conventions sociales, de savoir dire bonjour de manière adaptée. Donc un enfant autiste, typiquement, aura de grosses difficultés à cet égard-‐là. Mais le même jeune, s’il est placé dans une culture différente de la sienne, les gens croiront qu’il commet des gaffes sociales parce que justement il est étranger. C’est pour ça, je le dis parfois de manière un peu provocatrice, quand je vais au bout du monde, au Moyen-‐Orient le plus souvent, je ne suis plus autiste, je suis un visiteur ! C’est très différent ! Les gens croient que les occidentaux sont comme moi. C’est l’un des petits motifs qui m’avaient poussé à écrire le livre sur l’Eloge du voyage : si vous êtes au bout du monde sur les routes de Somalie, si vous croisez un blanc, il y a de fortes probabilité qu’il soit autiste. Le sens de l’accueil Certaines cultures ont une tradition d’accueil qui est exceptionnelle. J’ai toujours été bien accueilli dans des universités de pays dits différents. Par contre, dans les universités occidentales, on n’est pas toujours bien accueilli… L’exclusion Quelle société gère mieux ses exclus ? Il y a un certain nombre de métropoles où il n’y a pas de SDF, y compris dans des pays jugés pauvres. Egalement, quand vous êtes concerné par une différence, et bien le processus d’accès à l’emploi peut être semé d’embuches. Mais il y a des pays où ce processus est différent, où vous recevez le métier de vos parents, ou dans certaines sociétés (dont la société européenne il n’y a pas si longtemps que cela), il y avait nombre de métiers ouverts aux personnes non verbales. Hier, par exemple, j’étais en Suisse. Il y a avait le métier de berger, qui était particulièrement ouvert aux personnes non verbales. D’ailleurs, si vous êtes un grand bavard, je ne vous recommande pas de devenir berger parce que vous allez souffrir ! Mais aujourd’hui, le métier de berger n’est plus le même, il faut avoir un diplôme de machin bidule, l’autorisation du sous commissaire je ne sais quoi, donc il n’y a plus cela ! Je vous invite maintenant dans un voyage un peu provocateur, à l’épicentre du mal. Entre le Pakistan, l’Afghanistan et l’Iran, il y a les zones tribales du Balouchestan : quand vous prenez la route depuis Téhéran, on se sent subitement relativement religieux, on espère que la voiture tiendra. Quand j’ai pris la photo, je devais être le seul occidental à mille kilomètres à la ronde ! Donc voici une tente de Balouch. Supposons que vous soyez touriste venu du bout du monde et que vous arriviez à Marseille. Vous frappez à l’une des portes au hasard de je ne sais quelle rue et vous dites « bonjour, je m’appelle Josef, je viens de tel ou tel pays, est-‐ ce que je pourrais rester trois semaines chez vous ? Et j’ai faim et soif, accueillez moi ! ». Ici on appellera la police peut-‐être. Mais je vous assure, si vous soulevez l’ouverture de cette tente, on vous accueillera. Donc c’est assez difficile, je ne dis pas que la situation est idéale. Mais quand nous évoquons les progrès de notre société occidentale, ce sont des questions un peu perturbantes. Finalement, de mes différents voyages, c’est peut-‐être dans cette région-‐là du monde que j’ai été le mieux accueilli. Le syndrome non autistique Et pour terminer, voici le centre d’études du syndrome non autistique. On peut lire ensemble : « le syndrome non autistique est un trouble neurobiologique… », ça c’est la version américaine. La version française pourrait être : « c’est un trouble des relations avec la mère ». « …Caractérisé par des obsessions sociales, des fausses croyances de supériorité, moi Président… ». D’ailleurs, un des traits autistiques est l’écholalie, on y est avec certains personnages, après tout, peut-‐être qu’ils sont vraiment autistes ! Des obsessions de conformité, ça c’est quand vous avez un adolescent dit normal à la maison qui a des crises de rage parce qu’il n’a pas la même marque de fringues que ses petits camarades. Donc ses parents ont veillé à ne pas avoir d’enfants normaux. Juste en quelques secondes, quelle est la prévalence du non autisme ? Est-‐ce qu’il y a des traitements pour le non autisme ? Que faire si quelqu’un de votre entourage souffre de troubles non autistiques ? Parce qu’on dit souvent que les gens avec autisme souffrent. Mais vous savez, j’ai par exemple un copain, qui a été pendant longtemps mon employeur, aveugle de naissance, bénévole pour des lignes d’appel pour des personnes très dépressives ou suicidaires. Et l’épouse d’un ancien premier ministre dont je tairai le nom, était très dépressive. Et elle téléphone régulièrement à ces lignes-‐là. Vous avez donc à l’autre bout du fil, un aveugle de naissance, originaire d’Algérie, qui décroche et qui doit remonter le moral à l’ancienne Dame de France… Ce monsieur a écrit un livre « L’autisme pour les nuls ». Il était venu en Europe il y a quelques années, et il avait fait une très belle conférence dans laquelle il montrait son parcours de vie, et quelqu’un avait demandé : Monsieur, vous êtes mariés, pourquoi vous n’avez pas d’enfant ? Et il avait répondu : Mon épouse et moi avons décidé de ne pas avoir d’enfant, parce qu’il y avait un risque qu’il ne soit pas autiste. Après cette intervention, longuement applaudie, le Président remercie chaleureusement Josef Schovanec et son éloge de la différence.