Entretien avec Jacky SANCHEZ Réalisé par
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Entretien avec Jacky SANCHEZ Réalisé par
Entretien avec Jacky SANCHEZ Réalisé par Catherine Beauville et Christophe Giffard Jacki vit et travaille dans le quartier de Reynerie. Elle nous présente son association et sa vie dans le quartier. Nous sommes une association agréée par l’UDEM, c'est-à-dire Union Départementale des Ecoles de Musique et de Danse et cet agrément nous a conféré une officialité dans le domaine de la musique et pour moi, Toulouse étant la ville de la musique par excellence, c’est normal qu’il y ait une école de musique au fin fond de la Reynerie. Je vois que les parents sont très participants dans cette action parce que, pour eux même, s’ils ont des difficultés financières, la musique c’est aussi un moyen de s’affirmer dans sa vie. Ce que je peux dire du Mirail, c’est que c’est un super quartier pour les familles, pour les étudiants. Il y a beaucoup de structures, on peut faire tout ce qu’on veut sans sortir du quartier. Il y en a qui le regrette, d’autres qui apprécient, il suffit d’enfiler ses habits et on se retrouve dans les structures officielles, que ce soit la sécurité sociale ou la CAF, ou le centre social, ou aller faire du karaté, ça fait partie des objectifs des personnes qui ont construit le Mirail. Après c’est vrai que le problème du Mirail c’est l’enclavement, mais je crois que la ligne de métro a effacé ça et tous les 15 jours nous nous rendons avec mes enfants à la médiathèque Cabanis avec grand plaisir et grande fierté car on se dit qu’en 5 minutes on est au cœur de Toulouse. C’est vraiment un quartier très bien situé parce qu’il est très vert et entouré de verdure comme la ramée, et c’est un quartier qui a une histoire récente qui fait que ce n’est pas un quartier endormi, avec évidemment tous les jeunes et les problèmes de société que l’on va rencontrer partout aux Minimes, au Capitole. Comment on aborde ces problèmes-là l’important c’est de dire, ce n’est pas parce que c’est au Mirail, ce sont des faits de société. Mes enfants sont scolarisés au Mirail, on a vraiment des équipes pédagogiques d’enfer, des redoublements très rares, après c’est l’intérieur et l’extérieur du Mirail et pour ma part je suis contente d’être à l’intérieur du Mirail, et non au centre ville ou dans les autres quartiers. Il y a une méconnaissance du Mirail. Quand je me lève le matin et que je vois le lac, je suis contente, tout simplement. Je ne me sens pas en insécurité ni moi ni mes enfants, ils vont et reviennent de l’école tout seuls, ils vont à la bibliothèque et sur leur chemin ils peuvent autant rencontrer un papy une mamy ou un jeune délinquant mais ce que je vois au Mirail, c’est d’abord les familles, il peut m’arriver d’engueuler un petit parce qu’il fait une connerie, mais il faut avoir cet esprit de village et il n’y a que les personnes qui habitent au Mirail qui peuvent se rendre compte de ça et je crois que c’est propre à chaque quartier, Entretien avec Jacky SANCHEZ Réalisé par Catherine Beauville et Christophe Giffard dans chaque quartier on peut se considérer dans un village à partir du moment où on se connaît. C’est pour ça que je fais la différence entre l’intérieur et l’extérieur du Mirail, parce qu’on a une image du Mirail développée par les médias et les événements qui pourrait très bien être celle du Capitole ou des Minimes, etc. Ce qui me donne de l’espoir c’est le nombre d’associations que l’on peut trouver au Mirail et ces associations génèrent un flux de populations qui viennent de l’extérieur du Mirail et de plus en plus les gens se disent qu’ils vont travailler au Mirail et qu’ils n’ont pas de problèmes ou alors s’ils ont eu tel problème ça aurait pu leur arriver n’importe où. C’est important que des personnes extérieures viennent travailler au Mirail parce que ça donne une image autre que ce que l’on voit dans les journaux, etc. C’est ça qui fait que le Mirail évolue et on voit aussi beaucoup de jeunes, de personnes de ma génération qui ont grandi au Mirail et qui y ont fait leurs études, au Mirail ou à l’extérieur et qui se retrouvent dans des postes assez importants au Mirail, dirigeants d’associations, et c’est ce qui valorise le Mirail, les personnes qu’il y a. Je ne ressens pas la morosité parce qu’à l’école de musique, il n’y en a pas, on a 11 intervenants qui viennent de l’extérieur, plein d’enfants vont et viennent et on a donné une chance économique au Mirail avec la zone franche urbaine, c’est un signe qu’on peut sortir de la morosité. Je ne dis pas qu’il n’y a pas une morosité nationale, mais ici je pense Racines, je pense JRE (journées de rencontres et d’échanges), repas de quartiers, « Reyneriepasse-la-balle », tous ces événements publics qui font que les gens engagés dans le Mirail et le public ne peuvent pas parler de morosité parce que c’est issu autant des habitants que de ceux qui travaillent au Mirail. Ce sont des gens engagés, ils ont envie de faire quelque chose et la renaissance de RACINES c’est déjà la preuve qu’on commence à sortir de l’image négative et morose du quartier. La vie de quartier s’est beaucoup embellie, on a mis en avant les commerces, on les a placés à des endroits beaucoup plus visibles, par exemple tout le monde vient sur la place Abbal, à Bellefontaine tout le monde vient sur le bord de la route, ça en a fait un quartier plus ouvert, parce qu’aller faire ses courses sur l’ancienne dalle de Bellefontaine, il fallait vraiment connaître le quartier. J’ai 4 enfants qui ont tous été à la crèche en bas et à l’école ici. On est vraiment bien desservi on a tout ce qu’on veut : produits exotiques ou autres avec des prix abordables et aussi un hyper marché chinois, un géant casino qui est devenu un hyper discount Casino, Leader Price, etc. et tous les jeudi on a un marché super avec tous les produits frais, les Entretien avec Jacky SANCHEZ Réalisé par Catherine Beauville et Christophe Giffard habits, les chaussures, les affaires pour la maison et c’est vraiment un moment de rencontre des habitants du quartier. Les appartements sont un lieu de soleil. Ils sont très bien situés et plein Sud, question clarté c’est parfait. Au niveau organisation des pièces c’est l’idéal, il y a même des dressings, des pièces consacrées aux vêtements et ce n’est pas négligeable quand on a beaucoup d’enfants. C’est aussi très bien chauffé, on a de très bons voisins et c’est bien isolé. On déplore la destruction des immeubles voisins par rapport à ça, on se dit que c’est dommage que de si beaux appartements soient détruits. Les loyers sont très accessibles pour un T4 c’est 400 euros. Il y a un très bon rapport de voisinage. Ce sont les enfants qui créent ce rapport et si on est immigré, que ce n’est pas sa culture de vivre ici, on garde tout de même des bases parce que c’est comme un village. Les enfants vont chez les uns et les autres et même si les parents ne se fréquentent pas, on se connaît, il n’y a pas ce côté indifférent chez les gens. C’est vrai que souvent les gens d’une même culture vont se rapprocher, mais les amies de mes filles qui sont capverdiennes, algériennes, africaines ou autres et il y a une ouverture d’esprit sur la culture des autres qui se fait naturellement. Si je vais chez un chinois, je suis en Chine parce qu’il aura tout mis dans l’appartement pour cela. Je ressens surtout dans des situations comme le marché qu’il y a de nouvelles populations qui essaient de s’adapter et qui vont observer comment on fait. Pour ça le Mirail c’est un excellent melting-pot et même les Français qui habitent ici ont leur place, ils ne se disent pas qu’ils sont en Algérie parce que chacun a réussi à poser sa culture sans gêner le fonctionnement des autres. Chacun va profiter de ce mélange et en même temps être lui-même. Je ne peux pas rendre compte des va-et-vient de population, mais mon point de repère c’est le marché, c’est là que je vois qu’il y a plus de Tchétchènes, ou de Roumains ou même quelques Capverdiens. Sur le Mirail il y a des rassemblements associatifs qui regroupent les cultures diverses, contrairement au Portugal ou il y a des communautés géographiques ou à New-York où il y a de grosses communautés. Ici c’est l’association qui va drainer les populations de même pays. Sur les JRE de Bellefontaine, on note la diversification des cultures car chaque association va représenter un pays. J’adore Toulouse, ville rose, mais on a tout au Mirail, quand on vit dans un quartier autant l’exploiter au maximum et ce quartier me correspond sans problème et je n’ai pas honte de ne pas en sortir, je ne suis pas française mais c’est mon Entretien avec Jacky SANCHEZ Réalisé par Catherine Beauville et Christophe Giffard petit pays, j’ai mon père et ma mère enterrés de l’autre côté de la rue. Pour beaucoup de gens on n’est que de passage au Mirail. Avant j’étais à Marseille et je suis une fan de l’Olympique de Marseille désolée pour le TFC, j’y ai passé 11 ans de mon enfance et j’habitais aussi une cité, Castellane là où a grandi Zizou, plus petite que le Mirail mais déjà avec cet esprit de famille, ce qui est important quand on habite dans un quartier c’est le voisinage, je n’ai jamais eu de problème de voisinage, j’ai une amie, une africaine, qui habitait Bagatelle et qui a construit une maison à la campagne et elle ne se fait aucune amie parce que les voisins se demandent ce qu’elle vient faire là. Pour moi la cité c’est comme vivre à New York, tu fais ta vie et tu t’adaptes ou non. Après les a priori, sont, par exemple, j’ai grandi au Mirail et tout le monde s’attend à ce que mes parents aient toujours habité au Mirail et que j’y reste parce que je n’ai pas les moyens. La majeure partie de mes amis a quitté le Mirail, moi j’y suis restée, mais pas parce que je n’ai pas les moyens d’aller habiter à tel endroit ou tel autre, c’est un a priori qui ne tient pas le coup. Je me demande dans quel quartier on peut se lever et voir un lac en face de soi et l’avoir à porter de main. Je crois que ce qui crée cette ambiance de village ce sont les associations qui créent des événements et qui obligent les gens à sortir de leur coquille. Il n’y a pas besoin de prendre un ticket de métro pour aller assister à des événements et, de plus en plus avec les associations, on s’attache à faire des choses pour les gens du Mirail, mais des choses de qualité et pas du sous-quartier. Chaque quartier a à défendre ses positions, autrefois le quartier du Marais à Paris n’était pas bien vu, c’est au Mirail de montrer les richesses du Mirail.