Le Finistère, une vraie terre de cinéma… à
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Le Finistère, une vraie terre de cinéma… à
Le dossier du samedi Ouest-France 13-14 décembre 2014 Le Finistère, une vraie terre de cinéma… à préserver 48 films tournés en 2014 ! Le Finistère Nord concentre des atouts : les paysages, le Groupe Ouest, le festival du Film Court, une politique audiovisuelle affirmée… Pourvu que ça dure ! Enquête Le Finistère Nord, une terre promise pour le cinéma ? C’est vrai. Sans exagérer, notre magnifique région fait figure d’exception. Un exemple : en 2014, un record, 48 films, courts, longs ou téléfilms, ont été tournés dans le Finistère. Évidemment, ce n’est ni un hasard ni un miracle. Le Finistère, maritime ou intérieur, possède un potentiel de paysages et de décors idéal pour le cinéma. Sans oublier cette chance inouïe : un climat qui peut changer brusquement, alternant pluie et soleil à quelques heures d’intervalle. Génial pour le temps d’un film ! Cas très particulier, le Finistère Nord concentre un bel ensemble d’atouts différents qui, au fil des années, ont consolidé sa position de terre de cinéma. Certains de ces atouts sont, clairement, les fruits d’une volonté politique affirmée : grâce à des soutiens à la production audiovisuelle très bien structurés, une vraie « filière cinéma » a pu se construire. La Région y consacre 3 millions d’euros par an, par le Fonds d’aide à la création cinématographique et audiovisuelle (Facca) dont elle a triplé le budget depuis 2004. « On est très gâtés ici » En profite le Finistère, dont le conseil général a aussi, depuis 1999, mis en place un Fonds d’aide à la création audiovisuelle. En 2014, il a ainsi aidé quatorze films. Sa priorité : les courts-métrages. Leur impératif : être tournés dans le Finistère. « On est très gâtés ici », résume Gaël Naizet, réalisateur brestois de Comptes pour enfants ou Quidam, révélé grâce à « une idée géniale » : le concours de scénarios Estran, imaginé, il y a déjà 14 ans, par deux grandes figures lo- cales du cinéma, Gilbert Le Traon, directeur de la Cinémathèque de Bretagne et le producteur-réalisateur Olivier Bourbeillon. Estran permet, à chaque édition, à cinq jeunes scénaristes d’écrire et de réaliser leur court-métrage de fiction. Certains d’entre eux, comme Un poison violent, de Katell Quillévéré, a lancé la belle carrière de sa très douée réalisatrice, finistérienne pour ne rien gâcher, et nominée aux César 2014 du meilleur scénario original pour Suzanne, avec Sara Forestier. D’autres courts-métrages estampillés Estran, comme le superbe Erémia Erèmia d’Olivier Broudeur et Anthony Quéré (lire ci-dessous), ont connu un succès international, après avoir été primés au festival européen du Film Court de Brest. Autre atout considérable du cinéma en Finistère, cette grand-messe du court-métrage portée par l’association Côte Ouest, cette « foire aux talents » qui, à bientôt 30 ans, n’a pas pris une ride, continue à susciter des vocations… « Une république autonome du cinéma » ! Un film peut donc être entièrement tourné et produit dans le Finistère. Avec la participation de pros du pays : techniciens, régisseurs, comédiens, directeurs de castings, chef op’, ingénieurs du son… La plupart référencés par la structure, très sollicitée, « Accueil des tournages en Bretagne ». Autant de personnes expérimentées qui ont bénéficié de formations locales de haut niveau. Depuis 25 ans, la section Cinéma Audiovisuel du lycée Saint-François NotreDame, à Lesneven, forme ainsi des professionnels créatifs, possédant des compétences dans les technologies nouvelles. L’un de ses anciens De gauche à droite : Olivier Bourbeillon, producteur-réalisateur ; Ronan Broudin, doublement oscarisé ; Katell Quillévéré, réalisatrice ; Gaël Naizet, réalisateur brestois. élèves, Ronan Broudin, parrain de la toute première promotion BTS métiers de l’audiovisuel, une filière récente unique en Bretagne a décroché deux Oscars à Hollywood : meilleurs effets spéciaux pour À la croisée des mondes et meilleur film d’animation pour son Pierre et le loup ! Sur la Côte des Légendes, à Plounéour-Trez, l’impact et la réputation du Groupe Ouest ne cessent de croître. En 2013, 65 auteurs venant de 20 pays différents y ont produit des scénarios. La tendance pour 2014 est sensiblement identique : « Comme un certain village qui résiste encore et toujours à l’envahisseur, le Groupe Ouest se positionne Le Finistère d’Olivier Broudeur et Anthony Quéré « C’est une histoire de coïncidences : sans Côte Ouest, sans le concours Estran, sans le festival du Film Court, je n’aurais jamais fait de films, confie Olivier Broudeur. J’étais un simple spectateur, petit à petit, dans ce contexte si favorable, si exceptionnel, j’ai eu envie de me lancer… » Sur leur lieu de travail, la chambre de commerce et d’industrie de Brest, la rencontre, avec Anthony Quéré, passionné, pointu de cinéma, celui qui deviendra son fidèle acolyte fut aussi déterminante. Ensemble, ils ont réalisé Erémia Erèmia et Dounia, la vie, deux courts ultra-primés, à la carrière internationale : « On s’est trouvés, on fonctionne en duo, tant dans l’écriture que dans la réalisation. » À l’instar des frères Dardenne ou des frères Larrieu, qui, pareillement se complètent, ils ont également trouvé leur style : des films subtils, mêlant délicatement parcours initiatiques et sujets sensibles, cheminement personnel et réalité politique. Ils se qualifient, eux-mêmes, « d’impressionnistes », car « ils proposent aux spectateurs, par petites tou- Olivier Broudeur et Anthony Quéré viennent de terminer « Aurores boréales », un court-métrage spectaculaire. ches, une expérience qui donne à voir, à entendre, à sentir ». Ils viennent de terminer un nouveau court, Aurores boréales. Une jeune paumée qui fréquente des motards passionnés d’acrobaties dangereuses. « Un truc de fous », avec des scènes spectaculaires tournées dans le hangar à patates du port de co’. Surtout, ils sont attelés à leur premier long-métrage, coproduits par Paris-Brest Productions. Titre provisoire : Finistère. « Ça fait 5 ans qu’on en détecteur de talent, avec un haut niveau d’écriture. La Bretagne est une des rares régions françaises, hors Paris, à générer des long-métrages écrits et produits ici, confiait récemment Antoine Le Bos, directeur du Groupe. Les régions pourraient même devenir des territoires emblématiques d’un cinéma audacieux à budget limité ». Car l’objectif du Groupe Ouest est, bel et bien, de créer « une république autonome du cinéma en Bretagne » ! Baisse des financements ? Enfin, « beaucoup de sociétés de production dynamiques, comme Paris-Brest Productions ou Spirale Production sont implantées à Brest », comme le remarque Catherine Delalande, responsable de l’Accueil des tournages en Bretagne. Sans oublier, dans les salles obscures, la vitalité du réseau Cinéphare, qui fait un beau boulot de diffusion, permettant au public de se confronter à des esthétiques différentes, alternatives nécessaires aux blockbusters insipides. Dans un tel contexte de réussite, on n’imagine pas revenir en arrière. Pourtant, le conseil général, en quête d’économies, songerait à moins s’investir dans le cinéma. Rien d’officiel cependant, « le débat d’orientations budgétaires ayant lieu la semaine prochaine », mais des rumeurs persistantes qui inquiètent vivement Hu- bert Budor et Céline Durand. Respectivement président et directrice de Films en Bretagne, l’association qui représente les professions de l’audiovisuel et du cinéma en Bretagne, ils viennent de solliciter un entretien avec Pierre Maille : « Il faut absolument garder et consolider ce maillage exceptionnel, surtout à l’heure de la décentralisation, expliquent-ils. Il ne s’agit pas seulement de culture, mais aussi d’emplois. Tout est lié. Tous ces tournages rendus possibles, tous ces réalisateurs émergents qui trouvent là une chance de réaliser leur univers… Ce serait totalement paradoxal. » Une histoire à suivre… Frédérique GUIZIOU. Figurant dans Rouge Sang, il s’est pris au jeu y travaille, les financements sont, bien sûr, très compliqués. De plus, l’esprit du film n’est pas très facile à vendre ! » Tourné dans les lieux qu’ils affectionnent, entre Guissény, Portsall, Lampaul-Plouarzel, il racontera l’histoire de deux frères, vivant en quasi autarcie avec leur père, dans une ferme à l’ancienne, « un genre de retour à la terre ». L’arrivée d’une jeune et belle stagiaire, une femme libre, va changer la donne. L’un des frères va en tomber éperdument amoureux. Le père, opposé au départ du couple vers sa nouvelle vie, va monter un très sale plan… « Ce qui m’intéresse par-dessus tout, dans notre cinéma, c’est le rapport à la nature. Ou comment la nature sublime les sentiments, les passions humaines. C’est, pour moi, de l’ordre du divin. » Pas facile effectivement à expliquer à un producteur parisien ! « Surtout, on n’imagine pas faire des films ailleurs que dans le Finistère. C’est ici ou rien ! » La vitalité du cinéma, à la pointe du Finistère, c’est aussi la possibilité, pour les Brestois et habitants des environs, de participer à de nombreux tournages. Comme Jean-Christophe Boccou, musicien dans la vie, qui a joué le rôle d’un policier brestois, dans Rouge sang, le téléfilm de Xavier Durringer, avec Sandrine Bonnaire. « On se prend forcément au jeu, témoigne-t-il. Il y a deux ans, j’avais déjà fait de la figuration pour Bowling, tourné au bowling de Brest. De fil en aiguille, on m’appelle tous les ans. Sur le tournage, nous, les figurants, nous sommes comme des mannequins ; on nous place, on nous déplace, on nous dit de faire ça… C’est très simple en fait. Il suffit de ne pas regarder la caméra ! Il y a une différence entre le cinéma et la télévision. Pour cette dernière, il y a un peu moins de moyens et un souci d’efficacité absolue. Ça va très vite, on attend moins. C’est appréciable. » 234 jours de tournages de films ont été comptabilisés en 2014, dans le Finistère. À titre de comparaison, il y en a eu seulement 77 en Ille-et-Vilaine. Ailleurs, dans d’autres coins moins bien lotis, c’est zéro jour, zéro film F. G. tourné ! Six films marquants tournés dans le pays de Brest Remorques L’Équipier Chemins de traverse Les Seigneurs Les Chevalières… Lili Rose Tourné entre 1939 et 1941, Remorques, de Jean Grémillon, met en scène le couple Morgan-Gabin, passionnément amoureux pour de vrai, dans le Brest d’avant-guerre, des images, forcément, précieuses. Pour les cinéphiles avertis, le film le plus marquant de l’histoire cinématographique brestoise. Sa scène, devenue culte, de Jean Gabin descendant du cours Dajot, et cette inoubliable balade romantique, où l’on suit le couple du Petit-Minou à la pointe Saint-Mathieu, jusqu’à la grève du Vougot à Plouguerneau… C’est en tournant, en 2003 à Ouessant, ce magnifique film de Philippe Loiret que l’acteur Philippe Torreton est tombé amoureux de notre région : « J’ai adoré glander sur l’île, écouter les gens parler, ça m’a aidé », confiait-il. Mêmes échos de sa partenaire Sandrine Bonnaire : « Les habitants, parfois un peu rudes, se sont montrés attachants et vrais. On vivait dans une maison de pêcheurs, dans une ambiance de troupe. Un merveilleux souvenir. » Bonus : le DVD making off réalisé par le Brestois Olivier Bourbeillon. « J’ai très vite pensé à Brest, expliquait, en 2004, son réalisateur Manuel Poirier. Parce que c’est une ville portuaire ouverte sur le large, une ville qui a une âme, un rapport au travail et à l’imaginaire poétique avec ses grues, une identité et un rapport particulier aux gens, tous éléments en parfait accord avec ma démarche et avec le propos du film. On a été réellement accueillis ici. » Un film intense et intime, avec Sergí Lopez, son acteur fétiche, qui avouait « le tournage le plus bouleversant de sa vie ». Le réalisateur Olivier Dahan (La Môme) est venu tourner, sur Molène, au printemps 2011, Les Seigneurs, comédie inspirée par le football amateur et réunissant Jean-Pierre Marielle, Omar Sy, Fred Testot, JoeyStarr, Franck Dubosc, Gad Elmaleh, Ramzy Bédia… Gros battage médiatique, carton moyen au box-office mais de bons souvenirs pour les îliens. Le constat de Jean-François Rocher, maire de l’île : « C’est un très bon film, drôle et poignant, très positif pour Molène, pas du tout caricatural. » … de la table ronde. Généreuses et courageuses, les premières militantes du Planning familial du Finistère sont les héroïnes de ce film, engagé, féministe et salutaire, de Marie Hélia, qui raconte l’Histoire à travers des histoires de femmes, en retraçant 50 ans de luttes pour les droits des femmes. Sorti en 2013, un film, remarqué jusqu’au Québec, de Paris-Brest Productions. La réalisatrice douarneniste devenue brestoise a réalisé, en 2007, son 1er long-métrage de fiction, salué par la critique, Microclimat, tourné à Douarnenez. Tourné au printemps dernier à Brignogan, Lesneven et ses alentours, parce que la région Bretagne a décidé de le financer, Lili Rose, premier long métrage de Bruno Ballouard, donne une certaine idée de liberté. Ce road movie émouvant, incarné par un quatuor d’acteurs sensibles et justes, a été financé par la région Bretagne : « C’est à la fois un hasard et une grande chance. Les paysages, leur côté brut et sauvage, ont vraiment nourri et servi le film. » Un tournage de « cinq semaines de pur bonheur, de lévitation ».