Puissions-nous accueillir avec la Samaritaine cette bonne nouvelle
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Puissions-nous accueillir avec la Samaritaine cette bonne nouvelle
Puissions-nous accueillir avec la Samaritaine cette bonne nouvelle que le Seigneur nous dit tout ce que nous avons fait. Puissions-nous, avec elle, découvrir le goût de l’eau vive qu’est l’Esprit Saint. Puissions-nous, avec elle, apprendre à nous nourrir d’une nourriture que nous connaissons bien mal : la volonté du Père. C’est cela que nous demandons pour vous dans la prière que nous faisons maintenant. Paroisse Saint Ferdinand des Ternes Dimanche 7 mars 2010 dimanche de carême– Année A Premier scrutin Homélie du Père Emmanuel Schwab ème 3 ère 1 Amen lecture : Exode 17,3-7 Psaume : 94 ème 2 lecture : Romains 5,1-2.5-8 Évangile : Jean 4,5-42 Introduction Nous entrons dans la troisième semaine de carême. Et les troisième, quatrième et cinquième dimanches de carême, c’est le temps des Scrutins pour les catéchumènes. Le temps de se laisser scruter par Dieu au plus profond de soi, et le temps pour l’Église de prier pour les catéchumènes, de prier Dieu de les délivrer de l’emprise du diable, et de les conduire à la glorieuse liberté des enfants de Dieu. Depuis la fin du quatrième siècle — l’époque où s’est mis en place le catéchuménat — ces trois dimanches là, on écoute l’évangile de la Samaritaine, puis l’évangile de l’aveugle né, puis l’évangile de la résurrection de Lazare dans Saint Jean. C’est pour cela que, comme l’indique la feuille paroissiale, dans cette messe où nous célébrons les Scrutins pour Cécile et Lucile, nous prendrons les lectures des dimanches de l’année A, qui sont ces lectures propres pour les scrutins. Si nous accompagnons les catéchumènes dans cette démarche c’est aussi pour nous laisser renouveler nous-mêmes dans la grâce de notre baptême et nous laisser nous-mêmes scruter par le regard exigeant de l’amour miséricordieux de Dieu. Faisons silence, et en demandant au Seigneur de nous prendre dans sa miséricorde, accueillons son regard au plus profond de nousmêmes. Homélie « Il m’a dit tout ce que j’ai fait ». Elle est étonnante cette parole... Parce que l’évangile, qui est pourtant assez détaillé, ne dit pas grand-chose de la vie de cette femme. Simplement Jésus a l’art de poser le doigt là où il y a quelque chose à regarder de plus près. Souvent, lorsque des choses ne sont pas au clair dans nos vies, et notamment du coté du péché, nous-mêmes ne sommes pas très enclins à regarder, et nous ne sommes pas non plus très enclins à ce que Dieu regarde de trop près. Parce que, comme Adam après le péché, nous nous cachons. Nous nous cachons de Dieu, nous nous cachons de nous-mêmes, et finalement nous nous cachons de nos frères en nous composant un masque de circonstance. Et il ne nous apparait pas du tout comme une bonne nouvelle l’idée que l’on puisse nous dire tout ce que nous avons fait. Or cette femme arrive avec une bonne nouvelle dans son village : « Venez voir un homme qui m’a dit tout ce que j’ai fait ! ». Voilà la nouvelle qu’elle a à apporter, voilà ce qui a marqué cette femme. Elle ne va pas se cacher, elle n’est pas visiblement rouge de honte, il y a une bonne nouvelle là-dedans : « Venez voir un homme qui m’a dit tout ce que j’ai fait... » C’est une chose difficile à admettre, mais que comprend sans doute la Samaritaine : c’est que l’amour de Dieu pour nous, l’amour du Christ pour chacun de nous, l’amour du Christ qui livre sa vie pour nous n’est pas causé par nous, par nos mérites, n’est pas causé par quelqu’action qui plairait à Dieu, non ! C’est alors que nous étions encore pécheurs que le Christ est mort pour nous C’est cela qu’il nous faut toujours à nouveau découvrir parce que nous avons vite fait de revenir à l’idée que Dieu nous aime parce que nous avons fait le bien et que l’amour de Dieu est une récompense à nos bonnes actions. Non, l’amour de Dieu est premier ; c’est lui qui nous change ; c’est lui qui nous transforme et qui nous donne de pouvoir effectivement nous convertir. C’est cela la rencontre de la miséricorde de Dieu : c’est la rencontre d’un regard de vérité sur ma vie qui ne m’identifie pas à mon péché, mais qui, au contraire, me permet de m’en détacher et de vouloir y renoncer, et donc de pouvoir travailler à y renoncer. Car nous le mesurons tous : il y a un espace entre le vouloir renoncer et le pouvoir renoncer. Mais si on ne veut pas, on ne pourra surement pas. Tandis que si l’on veut, petit à petit nous le pourrons… Lorsque Jésus parle de l’eau vive c’est bien de l’Esprit Saint qu’il parle (cf. Jn 7,37-39). Et la Samaritaine ne comprend pas de quoi il veut parler. Elle est venue chercher l’eau de la carafe, et lui parle de l’Esprit Saint. Nous sommes tous dans ce décalage. Nous avons tous à apprendre tout au long de notre vie à vivre du don de Dieu. Et ce qui arrive aux Hébreux dans le désert nous arrive à nous aussi. La promesse du baptême, c’est la vie éternelle, c’est la vie dans l’Esprit Saint, c’est l’accès au monde de la grâce dans laquelle nous sommes établis, de même que les Hébreux sortant d’Égypte sont partis pour la Terre Promise ou ruissellent le lait et le miel. Mais les pauvres ! Ils se retrouvent dans le désert où il n’y a rien à boire et rien à manger. De la même manière, ayant franchi le baptême, nous ne sommes pas encore au Ciel, nous sommes dans le désert de la vie chrétienne… Et il nous faut apprendre à boire de l’eau vive et à nous nourrir du pain pauvre de la manne de la Nouvelle Alliance qu’est l’Eucharistie. Il nous faut apprendre à vivre la pauvreté de la vie chrétienne. Et les Hébreux regrettent finalement d’être sortis d’Égypte. Et ils accusent Moïse qui les a conduits là, et à travers lui le Seigneur. « Dieu nous a donné par la foi, dit Saint Paul, l’accès au monde de la grâce dans lequel nous sommes établis ». Par la foi. Mais cette foi elle-même est un don de Dieu. Lorsque je vous ai accueillies à la porte de l’église lors de l’entrée en catéchuménat, je vous ai demandé ce que vous vouliez et vous avez demandé la foi. Et cette foi, vous la recevrez en plénitude au jour de votre baptême. Bien sûr que déjà vous croyez en Jésus sinon vous n’avanceriez pas vers lui. Mais la foi n’est pas seulement une conviction raisonnable, elle est aussi un mouvement qui saisit tout l’être et qui nous fait nous donner tout entier à Dieu. J’ai rencontré une fois un homme qui a été baptisé à l’âge adulte, et qui me disait : «Vraiment au jour de mon baptême, j’ai reçu la foi ». Et en relisant ma vie, moi qui ai été baptisé à un peu plus d’un mois, je me dis que peut-être bien que j’ai aussi reçu la foi au jour de mon baptême ! Mais toute ma vie consciente s’étant déroulée à l’intérieur de ce don de la foi reçue, j’ai beaucoup de mal à avoir conscience que j’ai reçu la foi. Alors que vous, vous allez pouvoir le mesurer, beaucoup plus que ceux d’entre nous qui avons été baptisés bébés et qui avons toujours vécu dans ce don de la foi. Mais que nous soyons baptisés tout petit ou à l’âge adulte, il reste toujours qu’il faut mettre en œuvre cette foi que nous avons reçue. De même que nous avons reçu la vie et qu’il nous faut vivre et que cela nécessite notre consentement actif de chaque instant. Cette foi nous fait donc entrer dans le monde de la grâce, et ce monde de la grâce a un nom : c’est l’Esprit Saint. L’Esprit Saint, nous dit Paul, a répandu dans nos cœurs l’amour de Dieu, la charité de Dieu. Et cet amour de Dieu a quelque chose d’incompréhensible, puisque, poursuit l’apôtre : «La preuve que Dieu nous aime c’est que le Christ est mort pour nous, alors que nous étions encore pécheurs ». Oui, la vie chrétienne est l’apprentissage du ciel. Mais cet apprentissage nous demande de déconstruire en nous un certain nombre d’attachements pour pouvoir goûter quelque chose de nouveau et de plus subtil. Je pense que celui qui rajoute des épices fortes dans tout ce qu’il mange devient de moins en moins capable d’apprécier la subtilité d’un met fin. De même que celui qui ne peut boire que des alcools forts trouve l’eau extrêmement insipide. Alors que le marcheur en montagne, assoiffé, qui arrive à un torrent de haute montagne connait le goût de l’eau et la bonté de l’eau ! De la même manière, il nous faut apprendre à renoncer à remplir notre cœur de tout un tas de choses qui, à court terme, semblent le combler, mais qui nous empêchent d’accueillir le don de Dieu et de nous en réjouir, et d’en jouir vraiment. Le temps du carême est là pour nous inviter, à travers le jeûne, la prière l’aumône, à revenir à Dieu de tout notre cœur, à retrouver le goût profond de Dieu et de ce que Dieu donne. Qu’il est étonnant de constater combien nous sommes attachés aux choses de la terre, combien l’idée même de renoncer à ceci ou à cela peut nous mettre intérieurement mal à l’aise.