The Public/Private Divide in European Union Law

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The Public/Private Divide in European Union Law
S. Robin-Olivier, O. Odudu, L. Azoulai, The Public/Private Divide in European Union Law, CEJEC-WP
2010/7
Revisiter la distinction public/privé dans le droit de l’Union européenne : une invitation au débat
- S. Robin-Olivier
The public/private distinction in EU Internal Market Law - O. Odudu
Sur un sens de la distinction public/privé dans le droit de l’Union européenne - L. Azoulai
1
Revisiter la distinction public/privé dans le droit de l’Union européenne : une invitation au débat
Les deux articles publiés ci-dessous sont le fruit d’une dispute, née d’une provocation lancée par
Okeoghene Odudu lors de notre première rencontre, à Cambridge en mars 2009. Nous étions sous
l’effet des arrêts Viking et Laval, en pleine phase de questionnement, en proie aux tourments des
interprétations incertaines. Je lui avais dit ma surprise, mon inquiétude aussi, devant l’extension de
l’effet horizontal des libertés fondamentales, dont les conséquences ne me paraissaient pas avoir été
bien mesurées par la Cour de Justice. Sa réaction fut la suivante : les libertés de circulation relèvent du
droit public, non du droit privé, nonobstant Laval et Viking. De la variété des effets des normes du traité,
nous étions passés, comme naturellement, à cette distinction public/privé qui, pour avoir fait couler tant
d’encre, n’a pas perdu, loin sans faut, sa capacité à susciter les controverses les plus animées. Lorsque
les parties prenantes relèvent de systèmes où la distinction droit public/droit privé n’a pas du tout la
même consistance1, on peut s’attendre à des débats plus vifs encore. Même s’il s ‘agit du droit de
l’Union, la compréhension du sujet par les juristes immergés dans le droit anglais ne peut être tout à fait
identique à celle des juristes français. Immanquablement, nos traditions juridiques contribuent à former
le regard que nous portons sur le droit européen. Cela, notamment, nous a paru digne de faire l’objet
d’un débat dans lequel l’approche d’Okeoghene Odudu devait d’être confrontée à celle d’un
européaniste français. Loïc Azoulai a accepté de prêter sa connaissance profonde et sa lecture
singulière du droit européen à ce dialogue transmanche, lors d’une conférence au Centre d’Etudes
Juridiques Européennes et Comparées (CEJEC)2, d’abord, dans les lignes qui suivent, ensuite. A lire
leurs deux contributions, on perçoit assez bien les manières propres avec lesquelles deux juristes
peuvent s’emparer de la matière mouvante du droit de l’Union et, en même temps, leur besoin commun
d’une certaine mesure d’ordre, tableau pour l’un, pyramide, pour l’autre, qui dissipe un peu
l’impressionnisme d’une construction en perpétuel état d’inachèvement. Chez les deux auteurs, la
période récente se caractérise par le brouillage des distinctions que l’on avait cru voir. Pour Okeoghene
Odudu, ni la répartition des dispositions du traité entre droit de la concurrence, applicable aux
personnes privées et droit des libertés, applicable aux Etats, ni la plus subtile distinction entre
participation au marché et régulation du marché, ne donnent les clés des solutions les plus récentes.
Selon Loïc Azoulai, la jurisprudence de la Cour de Justice relative à l’application horizontale des libertés
de circulation est empreinte d’une grande ambiguïté, lorsqu’elle enchevêtre, sans en expliquer les
raisons, des justifications différentes de l’effet horizontal des dispositions des traités : la reconnaissance
d’un pouvoir dans les mains de l’auteur d’une entrave, d’une part, la création d’obligations pour les
personnes privées, par une forme de constitutionnalisation du droit de l’Union, d’autre part. Parmi les
mystères que pointent ces deux contributions, celui qui plane sur le contrôle de la justification des
entraves mérite grande attention : l’application des règles du traité aux personnes privées, spécialement
celles relatives aux libertés de circulation, devrait aller de pair avec une clarification des modes
1
En ce sens, G. Samuel, Un Common Law confronte aux distinctions traditionnelles du droit français: droit
prive, droit public, droit commercial, in L. Vogel, La globalisations du droit des affaires: mythe ou réalite?
Panthéon-Assas, 2002, p. 40.
2
V. www.cejec.eu
2
d’appréciation de la justification des atteintes à ces droits. Comme le suggère l’avocat général Maduro,
cité par Okeoghene Odudu, les niveaux de contrôle (levels of scrutiny) ne sont pas nécessairement
identiques mais peuvent dépendre, au contraire, de la source et de la gravité de l’entrave aux libertés.
Cette gradation n’est guère visible dans la jurisprudence de la Cour. Pourtant, les effets de l’application
des règles du libre échange aux acteurs privés doivent être pris au sérieux. Juridiquement, ce que Loïc
Azoulai évoque sous le nom d’effet horizontal indirect, constitue une technique de nature à permettre
aux règles de s’imposer dans les rapports privés, par la médiation du juge, tenu, comme organe de
l’Etat, de faire jouer les règles du marché dans tous les litiges qui lui sont soumis, y compris ceux qui
concernent des rapports privés. Cette théorie ne peut cependant masquer que, s’agissant des actions
en justice, les choses sont sensiblement différentes si l’action est dirigée contre l’Etat ou contre un
particulier. Les procédures et les sanctions ont leur caractère propre et les conséquences de l’action
peuvent être d’une nature différente. Lorsque les règles du marché intérieur autorisent des actions
visant directement des personnes privées, les transformations qui sont susceptibles d’en résulter dans
la sphère des rapports de droit privé sont assez grandes pour que l’on souhaite, du moins, que les
raisonnements mis en œuvre soient adaptés et que leur cheminement soit suffisamment explicite.
Dans la structure triangulaire du droit de l’Union que propose Loïc Azoulai, les « opérations typiques »
du droit européen se répartissent selon trois catégories de rapports : au diptyque public/ privé s’ajoute
la dimension sociale de la construction européenne. A reprendre notre point de départ, les arrêts Viking
et Laval et l’apparent sacrifice, au-delà des mots, des objectifs sociaux de l’Union au profit de sa
dimension économique3, cette valorisation du versant social du droit de l’Union peut surprendre. Ne
nous y trompons pas, cependant : le social que l’Union construit relève d’une conception propre4,
attachée à la réalisation d’un espace transnational : il repose, selon Loïc Azoulai, sur le couple « droit
acquis-reconnaissance » et sur l’idée d’intégration sociale de citoyens dotés d’une identité
plurinationale. En revisitant la distinction public/privé, Loïc Azoulai et Okeoghene Odudu nous invitent à
mettre en question les catégories qui, pour nous être familières, ne permettent pas de comprendre le
droit de l’Union. Les lire est un apprentissage.
Sophie ROBIN-OLIVIER
Professeur à l’Université Paris Ouest – Nanterre la Défense
3
Sur laquelle, v. déjà E. Pataut et S. Robin-Olivier, Europe sociale ou Europe économique ? (à propos des
arrêts Viking et Laval), RDT, 2008, p. 80.
4
Sur la singularité du « social » dans le droit de l’Union, v. notre intervention lors du forum Trans-EuropeExperts du 31 mars 2010 : Redéfinir le périmètre du droit social européen ?, en ligne :
www.transeuropexperts.eu (rubrique « documents »).
3
The public/private distinction in EU Internal Market Law
Okeoghene Odudu*
1
INTRODUCTION
In van Gend en Loos the Court of Justice pronounced that ‘The … Community constitutes a new legal
order of international law … the subjects of which comprise not only Member States but also their
nationals. Independently of the legislation of Member States, Community law … imposes obligations on
individuals but is also intended to confer upon them rights….These rights arise not only where they are
expressly granted by the Treaty, but also by reason of obligations which the Treaty imposes in a clearly
defined way upon individuals as well as upon the Member States and upon the institutions of the
Community.’5 However, Advocate General Roemer pointed out that ‘large parts of the Treaty clearly
contain only obligations of Member States.’6 This makes it clear that the extent of ones Treaty
obligations will to some extent be dependent on whether one is classified as public or private.7 Irena
Pelikánová, Judge in the General Court, observes that ‘The question of the dualism of public and private
law does not appear to be of great interest, in particular to legal scholars. And yet, this issue is all the
more important, given that private and public law co-exist even within the domain of EC law.’8 Dougan is
of the view that ‘in its current state of development, it can be very difficult to assign any given provision
of Union law to either the public or private law realm. … the Court of Justice rarely addresses that issue
directly – and would likely find it very difficult to do so’.9 This paper is concerned with the addressees of
EU Treaty obligations. It argues that the extent to which obligations exist is dependent on whether one
is classified as an individual or as a State—whether one occupies the public or the private sphere. The
paper charts the evolution of the public private distinction through three phases. In the first phase a
*
Herchel Smith Lecturer; Deputy Director, Centre for European Legal Studies; Fellow in Law, Emmanuel College, University of Cambridge.
5
Case 26/62 NV Algemene Transport - En Expeditie Onderneming Van Gend & Loos v Netherlands Inland
Revenue Administration [1963] ECR 1, 12, emphasis added.
6
Case 26/62 NV Algemene Transport - En Expeditie Onderneming Van Gend & Loos v Netherlands Inland
Revenue Administration [1963] ECR 1, 21.
7
On this debate see, PIERRE PESCATORE, Public and Private Aspects of European Community Competition Law, 10
Fordham Int'l L.J. 373-419 (1987), GIULIANO MARENCO, Competition between National Economies and
Competition between Businesses--a Response to Judge Pescatore, 10 Fordham Int'l L.J. 420-443 (1987), MARY
QUINN & NICHOLAS MACGOWAN, Could Article 30 Impose Obligations on Individuals, 12 ELRev 163-178 (1987),
STEFAAN VAN DEN BOGAERT, Horizontality: The Court Attacks?, in The Law of the Single European Market,
(Catherine Barnard & Joanne Scott eds., 2002)and JUKKA SNELL, Private Parties and the Free Movement of Goods
and Services, in Services and Free Movement in EU Law, (Mads Andenas & Wulf-Henning Roth eds., 2002).
8
IRENA PELIKÁNOVÁ, The Role of Competition Law in the Evolution of Community Law, in EU Competition Law in
Context: Essays in Honour of Virpi Tiili 27, (Heikki Kanninen, et al. eds., 2009)..
9
Michael Dougan WHO EXACTLY BENEFITS FROM THE TREATIES? THE MURKY INTERACTION BETWEEN UNION
AND NATIONAL COMPETENCE OVER THE CAPACITY TO ENFORCE EU LAW v 12 CYELS
4
public private distinction is drawn between Treaty provisions—some Treaty provisions are applicable to
States whilst other Treaty provisions are applicable to private parties. In the second phase a public
private distinction is still drawn between Treaty provisions but drawn functionally:—some Treaty
provisions are applied to public functions whilst others are applicable to private functions. In the third
phase the distinction between Treaty provisions is replaced by a distinction within Treaty provisions—
how a particular Treaty provision applies depends on whether it is being applied to public or private
functions.
2
PHASE I: THE COMPETITION/FREE MOVEMENT DISTINCTION
The public private distinction in phase I existed as a distinction between the free-movement rules, which
create obligations for Member States, and the competition rules applicable to undertakings, which
created obligations for non-state actors.10 As stated by Judge Lindh in extra-curial writings, the
competition rules ‘prohibit certain business conducts, not State regulation. Conversely, free movement
rules prohibit trade barriers resulting from State regulation, not business conduct.’11
2.1
The addressee of the competition rules
Articles 101 and 102 TFEU apply to the collusive and unilateral conduct of undertakings and
associations of undertakings. As noted by Advocate General Jacobs, ‘the concept of “undertaking” …
makes it possible to determine the categories of actors to which the competition rules apply.’12 In
referring to undertakings, unlike other Treaty provisions, which are either silent or explicitly impose
obligations on Member States, the competition rules expressly identify non-state actors as subject to the
obligations imposed. Considering the concept as used in the ECSC Treaty, the Court of Justice ruled
that ‘The concept of an undertaking for the purpose of the Treaty may be identified with that of a natural
or legal person, since the Treaty uses this concept primarily to define persons with rights and obligations
arising under Community law.’13
The purpose of including specific provisions in the Treaty applicable to non-state actors is to
prevent undertakings from reconstructing barriers to trade when the Treaty removes such state created
10
Case C-438/05 International Transport Workers' Federation and Finnish Seamen's Union v Viking Line Abp
and Oü Viking Line Eesti [2007] I-10779, Opinion of AG Poiares Maduro, para. 34;KAMIEL MORTELMANS, Towards
Convergence in the Application of the Rules on Free Movement and on Competition?, 38 CML Rev 613-649
(2001) at 622-623, 635-636, STEPHEN WEATHERILL & PAUL BEAUMONT, EU Law (Penguin Third Edition ed. 1999)521522, ROSEMARY O'LOUGHLIN, EC Competition Rules and Free Movement Rules: An Examination of the Parallels and
Their Furtherance by the Ecj Wouters Decision, 24 ECLR 62-69 (2003) at 62.
11
The Influence of Competition Law on Free Movement Rules, in EU Competition Law in Context:
Essays in Honour of Virpi Tiili 18, (Heikki Kanninen, et al. eds., 2009)
PERNILLA LINDH,
12
Case C-67/96 Albany International Bv v Stichting Bedrijfspensioenfonds Textielindustrie [1999] ECR I-5751,
AG Opinion, para 206.
13
Cases 42 & 49/59 Société Nouvelle Des Usines De Pontlieue - Aciéries Du Temple (Snupat) v High Authority of
the European Coal and Steel Community [1961] ECR 53, 80, emphasis added
5
barriers.14 Implicit is that these rules are not applicable to Member States, since there are specific rules
addressing Member State barriers to trade. As such, in Au blé vert, when national legislation preventing
retailers deviating from retail prices recommended by publishers in relation to books was questioned,
the French Government argued that ‘Article [101 TFEU] … applies, in its view, only to certain practices
on the part of undertakings and cannot be construed, even in conjunction with Articles 3(1)(g) EC (now,
protocol 27 of the FTEU) and 4(3) TEU, as prohibiting Member States from adopting measures which
might have an effect on free competition.’15 The Commission and Court were also of the view that the
competition rules ‘concern[] only practices on the part of undertakings and not State measures.’16 In
Cullet, when the State fixed the price at which retailers could sell petrol, it was again argued that this
could not be contrary to the Treaty competition rules since the competition rules ‘cannot be taken into
consideration in an assessment of State rules on prices, as they concern only the behaviour of
undertakings.’17 The Court of Justice again confirmed ‘It is true that the rules on competition are
concerned with the conduct of undertakings and not with the national legislation of Member States.’18 So
it is clear first that Articles 101 and 102 TFEU apply to non-State actors and second that the provisions
do not apply to State actors.
2.2
The addressee of the free movement rules
Whilst Articles 34, 45, 49, and 56 TFEU are silent as to whom they are addressed, the text of the
formerly applicable standstill provisions invariably addressed Member States.19 Article 10(1) of the
Treaty of Amsterdam preserves the force of the deleted provisions. It is clear from Dassonville that the
free movement rules imposed obligations on Member States, since Article 34 TFEU applies to
measures ‘enacted by Member States.’20
Whilst the free movement rules impose obligations on state actors they do not impose
obligations on non-State actors. The Court of Justice confirmed that the free movement rules are not
14
Cases 56 and 58-64 Établissements Consten Sàrl and Grundig-Verkaufs-GmbH v Commission [1966] ECR 299,
340 and Mortelmans 'Towards Convergence in the Application of the Rules on Free Movement and on
Competition?' 38 CML Rev (2001), 613-649, 623-624.
15
Case 229/83 Association Des Centres Distributeurs Édouard Leclerc and Others v Sarl "Au Blé Vert" And
Others [1985] ECR 1, para. 11
16
Case 229/83 Association Des Centres Distributeurs Édouard Leclerc and Others v Sarl "Au Blé Vert" And
Others [1985] ECR 1, para. 12, emphasis added.
17
Case 231/83 Cullet v Centre Leclerc a Toulouse [1985] ECR 305, para. 13
18
Case 231/83 Cullet v Centre Leclerc a Toulouse [1985] ECR 305, para. 16 Also Joined cases 177 and 178/82
Criminal Proceedings against Jan Van De Haar and Kaveka De Meern Bv [1984] ECR 1797, para. 24 and Case
311/85 VZW Vereniging Van Vlaamse Reisbureaus v VZW Sociale Dienst Van De Plaatselijke En Gewestelijke
Overheidsdiensten [1987] 3801, para. 10.
19
See for example Articles 12, 16, 31, 50, 53, and 62 EEC.
20
Case 8/74 Procureur Du Roi v Benoît and Gustave Dassonville [1974] ECR 837, para. 5. Also Joined cases 177
and 178/82 Criminal Proceedings against Jan Van De Haar and Kaveka De Meern Bv [1984] ECR 1797, para. 12
6
applicable to non-State actors when the compatibility with Union law of a prohibition on rebates enforced
by an association was considered, writing that ‘Since Articles 30 and 34 of the Treaty concern only
public measures and not the conduct of undertakings, it is only the compatibility with those Articles of
national provisions of the kind at issue in the main proceedings that need be examined.’21 Thus, when
asked whether the action of private parties was contrary to Article 34 TFEU the Court of Justice
responded that ‘that latter obligation arises out of a private contract between the parties to the main
proceedings. Such a contractual provision cannot be regarded as a barrier to trade for the purposes of
Article [34 TFEU] since it was not imposed by a Member State but agreed between individuals.’22 Thus
whilst State action encouraging consumers to buy national rather than imported products is contrary to
the rules of free movement, the same conduct engaged in by non-State actors constitutes normal
market behaviour and does not infringe the rules on free movement.23
3
PHASE II: THE MARKET REGULATION/MARKET PARTICIPATION DISTINCTION
Phase II recognises that for a number of reasons the public private distinction operating in phase I is
difficult to maintain. First, the public private divide requires that we are able to identify each of the
addressees. However, throughout the nineteen-eighties and nineties, privatisation, contracting-out, and
liberalisation resulted in functions previously performed by the State being performed by non-State
actors.24 At the same time sometimes the State is simply pursuing private economic interests in
competition with other economic operators.25 A related problem is that if the free-movement rules are
only applied to Member State action, but the hollow State no longer engages in action, the free
movement rules become less effective as they apply to less activity. During this second phase, whilst
the substantive rules remain separate, the addressee of the competition and free movement rules
21
Case 311/85 VZW Vereniging Van Vlaamse Reisbureaus v VZW Sociale Dienst Van De Plaatselijke En
Gewestelijke Overheidsdiensten [1987] 3801, para. 30.
22
Case C-159/00 Sapod Audic v Eco-emballages SA [2002] ECR I-5031, para. 74.
23
In Case 249/81 Commission v Ireland [1982] ECR 4005, para. 23 and Case 222/82 Apple and Pear
Development Council [1983] ECR 4083, para. 17.
24
SAUL ESTRIN, Privatization in Central and Eastern Europe (Longman 1994), VINCENT WRIGHT, Privatization in
Western Europe: Pressures, Problems and Paradoxes (Pinter 1994), VINCENT WRIGHT & LUISA PERROTTI,
Privatization and Public Policy (Edward Elgar 2000). On the transfer of executive functions to the market place
see CAROL HARLOW & RICHARD RAWLINGS, Law and Administration (Butterworths Second Edition ed. 1997) at 1523, DAWN OLIVER, Common Values and the Public-Private Divide (Butterworths. 1999) at 11-12, JOHN W F
ALLISON, Theoretical and Institutional Underpinnings of a Separate Administrative Law, in The Province of
Administrative Law, (Michael Taggart ed., 1997) 79-83, MARK ARONSON, A Public Lawyer's Responses to
Privatisation and Outsourcing, in The Province of Administrative Law, (Michael Taggart ed., 1997) at 40-45,
MARK FREEDLAND, Government by Contract and Private Law, Public Law 86-104 (1994), KAMIEL MORTELMANS,
Towards Convergence in the Application of the Rules on Free Movement and on Competition?, 38 CML Rev 613649 (2001) 640, NOREENA HERTZ, The Silent Takeover: Global Capitalism and the Death of Democracy (Arrow.
2002), and GEORGE MONBIOT, Captive State: The Corporate Takeover of Britain (Pan. 2000).
25
JOSEPH E STIGLITZ, Economics of the Public Sector (W W Norton Third Edition ed. 2000) at 28-29, 136-141.
7
becomes a functional issue—the nature of the activity rather than the body carrying out the task
becomes determinative.26 The competition rules come to be applied to any entity participating in the
market whereas the free movement rules are applicable to any entity engaged in regulatory activity.27
Sauter and Schepel identify the same distinction, writing of ‘those provisions that are formally addressed
exclusively to either the Member States in their regulatory capacity or to private undertakings in their
economic capacity.’28
3.1
The addressee of the competition rules
Whilst the competition rules may only be applied to the conduct of undertakings, during the process of
the shrinking State the Court of Justice in Höfner defined undertakings as ‘every entity engaged in an
economic activity, regardless of the legal status of the entity and the way in which it is financed’.29 This
definition determines the activities that will be subject to the competition rules so that the relevant query
is not who is an undertaking but what economic activity is. As neatly summarised by Advocate General
Jacobs:
‘the Court’s general approach to whether a given entity is an undertaking
within the meaning of the Community competition rules can be described as
functional, in that it focuses on the type of activity performed rather than on
the characteristics of the actors which perform it… Provided that an activity is
of an economic character, those engaged in it will be subject to Community
competition law’.30
3.1.1
Market Participation
The central question of ‘how to distinguish economic and non-economic [activities] has often been
raised.’31 Whilst the Commission take the view that a definition ‘cannot be given a priori and requires a
26
KAMIEL MORTELMANS, Towards Convergence in the Application of the Rules on Free Movement and on
Competition?, 38 CML Rev 613-649 (2001) 624, 634-635, LORD WOOLF, Droit Public - English Style, Public Law 57
(1995) at 63-64.
27
Case C-205/03 P Federación Española De Empresas De Tecnología Sanitaria (Fenin) v Commission [2006] ECR
I-6295, AG Opinion [13]-[15]; C-369/04 Hutchison 3G UK Ltd and Others v Commissioners of Customs and
Excise [2007] ECR-I 5247, [36]; Cases C-284/04 T-Mobile Austria GmbH and Others v Republik Österreich [2007]
ECR-I 5189, [42] and JOSÉ LUIS BUENDIA SIERRA, Exclusive Rights and State Monopolies under EC Law: Article 86
(Former Article 90) of the EC Treaty [1.144] (Andrew Read trans., Oxford University Press. 1999)
28
WOLF SAUTER & HARM SCHEPEL, State and Market in European Union Law: The Public and Private Spheres of the
Internal Market before the EU Courts 2 (Cambridge University Press. 2009)
29
Case C-41/1990 Klaus Höfner and Fritz Elser v Macrotron GmbH [1991] ECR I 1979, para 21. Earlier, though
incompete definitions of the term ‘undertaking’ are provided in Case 170/83 Hydrotherm Gerätebau [1984]
ECR 2999, para 11, Case 118/85 Commission v Italian Republic [1987] ECR 2599, 2610.
30
Joined Cases C-264/01, C-306/01, C-354/01 and C-355/01 Aok Bundesverband v Ichthyol-Gesellschaft Cordes
[2003] ECR I 2493, AG Opinion, para 25 (citations omitted).
31
Communication from The Commission to The European Parliament, The Council, The European Economic
And Social Committee and The Committee of The Regions Accompanying the Communication on "A single
8
case-by-case analysis,’32 what emerges from the jurisprudence of the Court of Justice is that economic
activity describes participation in the market: the competition rules can be applied, but only applied, to
all market participants. The central element of market participation is an offer of goods or services to the
market.33 Importantly, it must be possible to make profit from the offer of goods or services without the
use of coercive powers.34 This condition is clearly expressed by Advocate General Jacobs in AOK
reporting that ‘[i]n assessing whether an activity is economic in character, the basic test appears…to be
whether it could, at least in principle, be carried on by a private undertaking in order to make profits.’35 It
is not necessary actually to make profit, nor is it necessary to have a profit-making motive.36 The
market for 21st century Europe" Services of general interest, including social services of general interest: a new
European commitment[20.11.2007] COM(2007) 725 Final, p 5.
32
Communication from The Commission to The European Parliament, The Council, The European Economic
And Social Committee and The Committee of The Regions Accompanying the Communication on "A single
market for 21st century Europe" Services of general interest, including social services of general interest: a new
European commitment[20.11.2007] COM(2007) 725 Final, p 5.
33
Case 118/85 Commission v Italian Republic [1987] ECR 2599, para. 3 and 7, and Case T-319/99 Federación
Nacional De Empresas De Instrumentación Científica, Médica, Técnica Y Dental (Fenin) v Commission [2003] ECR
II-357, para. 36. See further OKEOGHENE ODUDU, The Boundaries of EC Competition Law: The Scope of Article 81
23-56. (Oxford University Press. 2006)
34
See Case 1006/2/1/01 Bettercare Group Limited v the Director General of Fair Trading [2002] CAT 7, para.
71-103, JOSÉ LUIS BUENDIA SIERRA, Exclusive Rights and State Monopolies under EC Law: Article 86 (Former Article
90) of the EC Treaty para. 1.148-1.213 (Andrew Read trans., Oxford University Press. 1999),BEREND JAN DRIJBER,
Joined Cases C-264/01, C-306/01, C-354/01 and C-355/01, Aok Bundesverband A.O, Judgment of the Full Court
16 March 2004, Not yet Reported, 42 CML Rev 523-533,528 (2005)
35
Joined Cases C-264/01, C-306/01, C-354/01 and C-355/01 Aok Bundesverband v Ichthyol-Gesellschaft Cordes
[2003] ECR I 2493, AG Opinion para. 27, emphasis added, citations omitted. The potential to make profit is
explicitly used by numerous Advocates General, in particular in Joined Case C-159/91 and C-160/91 Christian
Poucet v Assurances Generales De France (Agf) and Caisse Mutuelle Regionale Du Languedoc-Roussillon
(Camulrac) and Daniel Pistre v Caisse Autonome Nationale De Compensation De L' Assurance Vieillesse Des
Artisans (Cancava) [1993] ECR I-637, AG Opinion para. 7-8, Case C-364/92 Sat Fluggesellschaft Mbh v
Eurocontrol [1994] ECR I-43, AG Opinion para. 9, Case C-244/94 Fédération Française Des Sociétés D'assurance
v Ministère De L'agriculture Et De La Pêche [1995] ECR I-4013, AG Opinion para. 11, Case C-343/95 Diego Cali &
Figli Srl v Servizi Ecologici Porto Di Genova Spa (Sepg) [1997] ECR I-1547, AG Opinion para 32, Case C-67/96
Albany International Bv v Stichting Bedrijfspensioenfonds Textielindustrie [1999] ECR I-5751, AG Opinion para.
311, Case T-128/98 Aéroports de Paris [2000] ECR II-3929, para. 124, Case C-218/00 Cisal Di Battistello
Venanzio & Co. v Istituto Nazionale Per L'assicurazione Contro Gli Infortuni Sul Lavoro (Inail) [2002] ECR I-691,
AG Opinion para. 38,
36
Joined Cases 209 to 215 and 218/78 Van Landewyck v Commission [1980] ECR 3125, para. 88; Case C-244/94
Fédération Française Des Sociétés D'assurance v Ministère De L'agriculture Et De La Pêche [1995] ECR I-4013,
para. 21; and Non-Paper:Services of General Economic Interest and State Aid 12 November 2002 available
online at http://europa.eu.int/comm/competition/state_aid/others/1759_sieg_en.pdf, [25].
9
juridical basis of this element lies in the Court of Justice finding in Höfner that activity is economic when
it ‘has not always been, and is not necessarily, carried out by public entities.’37
Using this approach the Court has imposed competition law obligations on entities formally part
of the State and thus under the public sphere of national law. Thus although under Italian law the
Amministrazione Autonoma dei Monopoli di Stato (AAMS) had no status separate from that of the state,
since AAMS carried out the manufacture and sale of tobacco—ignoring the institutional form, the Court
considered that AAMS was an undertaking, since the activity, offering goods or services to the market,
was economic.38 Siminalrly, in Höfner, although German law prevented recruitment consultancy
services being provided by any entity other than a designated state body (the Bundesanstalt für Arbeit),
the potential to profit from such service provision meant that the Bundesanstalt für Arbeit was
participating in the market and thus considered an undertaking for Union competition law purposes.39
3.1.2
Market Regulation
The Court of Justice has not only used this approach to subject certain State activites to the competition
rules. It has also used the approach to exclude from the competition rules certain activities carried out
by non-State actors. Whilst participating in the market is subject to the competition rules, regulating the
provision of goods and services is excluded, regardless of the indentity of the regulator.40 Regulation is
not economic activity, even though its raison d’etre is to affect how markets operate.41 In Bodson,
French law required regional authorities to regulate the provision of various aspects of funeral
services.42 Some regional authorities achieved their regulatory objectives by requiring those offering the
service to be licensed; both Advocate General Vilaça and the Court considered that the licencing
authority was not engaged in economic activity even though fees were charged in order to obtain a
37
Case C-41/1990 Klaus Höfner and Fritz Elser v Macrotron GmbH [1991] ECR I 1979, para. 22. The sentiment is
more clearly expressed in Case T-155/04 Selex Sistemi Integrati Spa v Commission [2006] ECR II-4797, [88]-[89]
38
Case 118/85 Commission v Italian Republic [1987] ECR 2599paras 3, 7.
Case C-41/1990 Klaus Höfner and Fritz Elser v Macrotron GmbH [1991] ECR I 1979, para. 21, AG Opinion,
paras 40.
40
Case 5/79 Procureur General v Hans Buys [1979] ECR 3203, para 30; Case C-369/04 Hutchison 3G, AG
Opinion para. 57, note 22, considering Case C-364/92 SAT Fluggesellschaft [1994] ECR I-43, para. 30; Case C343/95 Diego Calì & Figli [1997] ECR I-1547, paras. 22-23; and Case C-309/99 Wouters and Others [2002] ECR I1577, para. 57; Cases 1002/2/1/01(IR) 1003/2/1/01, 1004/2/1/01 The Institute of Independent Insurance
Brokers v the Director General of Fair Trading and the General Insurance Standards Council [2001] CAT 4, paras
142, 156; JOSÉ LUIS BUENDIA SIERRA, Exclusive Rights and State Monopolies under EC Law: Article 86 (Former
Article 90) of the EC Treaty (Andrew Read trans., Oxford University Press. 1999)55-56; ANDREA FILIPPO GAGLIARDI,
United States and European Union Antitrust Versus State Regulation of the Economy: Is There a Better Test?, 25
ELRev 353-373 (2000), 360, 365.
41
GIULIANO MARENCO, Competition between National Economies and Competition between Businesses--a
Response to Judge Pescatore, 10 Fordham Int'l L.J. 420-443 (1987), 421-423.
42
The regulated aspects were the carriage of the body after it has been placed in the coffin, the provision of
hearses, coffins and external hangings of the house of the deceased, conveyances for mourners, the equipment
and staff needed for burial and exhumation and cremation.
39
10
licence.43 This is also the Court’s finding in Hutchison 3G. The dispute arises from action taken in the
United Kingdom as a consequence of section 1 of the Wireless Telegraphy Act 1949, which provides
that no person shall establish or use any station or apparatus for wireless telegraphy except under the
authority of a licence granted by the Secretary of State.44 The Radiocommunications Agency, an
authorised agency of the Department of Trade and Industry, exercising the power of the Secretary of
State, conducted an auction of five licences authorising the use of certain frequency bands to provide
mobile communications under the third generation standard (3G) for a period of twenty years.45 There
were thirteen participants in the auction process; each participant was required to pay £50 million to
enter the auction and minimum bids of between £89.3 and £125 million were required.46 The five
organisations successful in the auction paid a total of £ 22.5 billion for the spectrum licences (equivalent
at that time to €38.4 billion).47 The successful bidders sought to establish whether the
Radiocommunications Agency was engaged in economic activity when auctioning spectrum licences.48
The United Kingdom argued that the spectrum licence auctions were conducted to fulfil regulatory
objectives.49 One of the objectives of the regulator is to allocate the radio frequencies to those who
would put them to best use; by auctioning the licences they were able ‘to ascertain the undertakings that
attributed the greatest commercial value to the licences and that therefore offered a guarantee that the
greatest possible use would be made of the licences.’50 The Court of Justice focused attention on how
43
Case 30/87 Bodson v Pompes Funèbres Des Régions Libérées SA [1988] ECR 2479, para. 18, AG opinion para.
94. Also Case 5/79 Procureur General v Hans Buys [1979] ECR 3203, para. 30 and JOSÉ LUIS BUENDIA SIERRA,
Exclusive Rights and State Monopolies under EC Law: Article 86 (Former Article 90) of the EC Treaty para
[1.187] (Andrew Read trans., Oxford University Press. 1999).
44
The Wireless Telegraphy Act 2006 consolidates and replaces the Wireless Telegraphy Acts 1949, 1967 and
1998; the Marine etc Broadcasting (Offences) Act 1967; Part 6 of the Telecommunications Act 1984; and
certain provisions of the Communications Act 2003. The Wireless Telegraphy Act 2006 received Royal Assent
on 8 November 2006 and came into force in the United Kingdom, Channel Islands and Isle of Man on 8
February 2007. Details of the consolidation are available from www.ofcom.org.uk/radiocomms/ifi/wtact2006.
Acts of Parliament can be found at www.opsi.gov.uk/acts.htm.
45
On the general licensing regime for radio frequencies see Case C-369/04 Hutchison 3G, AG Opinion paras. 1431. The Radiocommunications Agency ceased to exist on 29 December 2003 and its duties were assumed by
Ofcom, the Office of Communications. Ofcom inherits the duties of the five existing regulators it replaces: the
Broadcasting Standards Commission (BSC), the Independent Television Commission (ITC), Oftel, the Radio
Authority and the Radiocommunications Agency: see www.ofcom.org.uk/about. The Department of Trade and
Industry ceased to exist in June 2007 and its powers transferred to the Department for Business, Enterprise and
Regulatory Reform: see www.berr.gov.uk/about/about-berr/history/index.html.
46
Case C-369/04 Hutchison 3G, AG Opinion paras. 30 and 32.
47
Case C-369/04 Hutchison 3G, AG Opinion para. 32.
48
Case C-369/04 Hutchison 3G, para. 25, AG Opinion para. 35.
49
Case C-369/04 Hutchison 3G, AG Opinion para. 42.
50
Case C-369/04 Hutchison 3G, AG Opinion para. 45 and Cases C-284/04 T-Mobile, AG Opinion para. 50.
Republik Österreich; the Austrian Government; the Danish Government; the German Government; the Spanish
11
the regulatory objective was achieved, drawing a distinction between market regulation and market
participation.51 Economic activity involves participation in the market so that an activity is not economic
when it does not ‘constitute participation in that market by the competent national authority.’52 Rather
than involving economic activity, regulation involves the exercise of official authority (public power or
imperium). Advocate General Tesauro has reported that:
‘the Court has preferred not to define that concept [official powers]
in abstract terms’ but has instead followed ‘the path marked out by
Advocate General Mayras in his Opinion in the Reyners case,
according to whom “official authority is that which arises from the
sovereignty and majesty of the State for him who exercises it, it
implies the power of enjoying the prerogatives outside the general
law, privileges of official power and powers of coercion over
citizens”’.53
The approach whereby State powers cannot be assessed under rules applicable to market activity is
seen in Diego Calì, where the protection of the environment at the oil port of Genoa-Multedo was the
responsibility of Consorzio Autonomo del Porto (CAP), a public body.54 CAP delegated the task of
monitoring and enforcing safety procedures designed to prevent oil spillages to Servizi Ecologici Porto
di Genova (SEPG), a private entity. SEPG sent Diego Calì, a port user, a bill for approximately €4,500
as a contribution to the cost of monitoring and enforcement.55 Diego Calì refused to pay, arguing that it
would be an abuse of a dominant position contrary to Article 102 TFEU for the port to impose
compulsory charges for services they had neither requested nor received.56 However, the task assigned
to SEPG’s is recognised as non-excludable since ‘the surveillance has to be exercised regardless
Government; Ireland; the Italian Government; the Netherlands Government; the Polish Government; the
United Kingdom Government; and the Commission of the European Communities intervened to support this
argument. Case C-369/04 Hutchison 3G, AG Opinion para. 46 and Cases C-284/04 T-Mobile, AG Opinion para.
51.
51
C-369/04 Hutchison 3G, paras. 36 and 38 and Cases C-284/04 T-Mobile, paras. 42 and 44.
52
C-369/04 Hutchison 3G, paras. 36 and Cases C-284/04 T-Mobile, para. 42. It seems that the regulatory
activity identified by Advocate General Kokott at para. 55 of the C-369/04 Hutchison 3G involves regulation by
market participation.
53
Case C-364/92 Sat Fluggesellschaft Mbh v Eurocontrol [1994] ECR I-43, AG Opinion para 9, citing Case 2/74
Reyners v Belgian State [1974] ECR 631, Case 149/79 Commission v Belgium [1980] ECR 3881, Case 149/79
Commission v Belgium [1982] ECR 1845, Case 307/84 Commission v France [1986] ECR 1725, Joined Cases
231/87 and 129/88 Ufficio distrettuale delle imposte dirette di Fiorenzuola d' Arda [1989] ECR 3233. This
definition of official authority is used by AG Jacobs in Case C-41/1990 Klaus Höfner and Fritz Elser v Macrotron
GmbH [1991] ECR I 1979 para 22.
54
Information on Genoa port services is available from http://www.informare.it/news/forum/capoc1uk.htm.
55
Case C-343/95 Diego Cali & Figli Srl v Servizi Ecologici Porto Di Genova Spa (Sepg) [1997] ECR I-1547, [11]
56
Case C-343/95 Diego Cali & Figli Srl v Servizi Ecologici Porto Di Genova Spa (Sepg) [1997] ECR I-1547, [13]
12
whether the fees owed by any particular vessel have been paid.’57 Thus Advocate General Cosmas
explicitly recognises that ‘the activity of SEPG cannot conceivably be carried out within a competitive
system.’58 The Court considered that the nature of the activity, ‘protection of the environment in maritime
areas’, constituted one of ‘the essential functions of the State’.59 The ability to levy the compulsory
charge for the provision of the non-excludable good derives from the taxation powers of the CAP, a
public body exercising imperium.60 Consequently, the activity ‘is not of an economic nature justifying the
application of the Treaty rules on competition.’61
3.2
The addressee of the free movement rules
The Court of Justice has consistently held that ‘bodies that exercise an activity typical of a public
authority … do not constitute undertakings and are not therefore subject to the Community rules on
competition’.62 Regulation is thus seen as a State function, and not appropriately assessed under the
rules that in phase I were to be applied to private conduct. Instead, whilst the competition rules are
applied to market participation, the free movement rules are applicable to any entity engaged in market
regulation. In ex parte Association of Pharmaceutical Importers the Court of Justice considered that
measures adopted by a non-State entity could be subject to Article 34 TFEU since the body exercised
57
Case C-343/95 Diego Cali & Figli Srl v Servizi Ecologici Porto Di Genova Spa (Sepg) [1997] ECR I-1547, AG
Opinion para. 49. It is impossible to profit when the supplier cannot prevent people from enjoying the benefits
of the good or service once the good or service is produced—i.e., the good or service is non excludable: JOSEPH
E STIGLITZ, Economics of the Public Sector 128-129 (W W Norton Third Edition ed. 2000), JOSEPH E STIGLITZ & JOHN
DRIFFILL, Economics 124 (W W Norton. 2000), KARL E CASE & RAY C FAIR, Principles of Economics 388 (Prentice
Hall Fifth Edition ed. 1999).
58
Case C-343/95 Diego Cali & Figli Srl v Servizi Ecologici Porto Di Genova Spa (Sepg) [1997] ECR I-1547, AG
Opinion para. 49.
59
Case C-343/95 Diego Cali & Figli Srl v Servizi Ecologici Porto Di Genova Spa (Sepg) [1997] ECR I-1547para 22,
AG Opinion paras 29, 43-64.
60
Case C-343/95 Diego Cali & Figli Srl v Servizi Ecologici Porto Di Genova Spa (Sepg) [1997] ECR I-1547, AG
Opinion para. 52-54.
61
Case C-343/95 Diego Cali & Figli Srl v Servizi Ecologici Porto Di Genova Spa (Sepg) [1997] ECR I-1547, para.
23. Alse Case C-364/92 Sat Fluggesellschaft Mbh v Eurocontrol [1994] ECR I-43 para 30, AG Opinion, paras 1213.
62
Case C-343/95 Diego Cali & Figli Srl v Servizi Ecologici Porto Di Genova Spa (Sepg) [1997] ECR I-1547AG
Opinion, para 41. Also, Case 30/87 Bodson v Pompes Funèbres Des Régions Libérées SA [1988] ECR 2479, para
18; ALEXANDER WINTERSTEIN, Nailing the Jellyfish: Social Security and Competition Law, 20 ECLR 324-333
(1999)325-327; LUC GYSELEN, Case C-67/96, Albany v Stichting Bedrijfspensioenfonds Textielindustrie; Joined
Cases C-115-117/97, Brentjens' Handelsonderneming v Stichting Bedrijfspensioenfonds Voor De Handel in
Bouwmaterialen; and Case C-219/97, Drijvende Bokken v Stichting Pensioenfonds Voor De Vervoeren
Havenbedrijven, 37 CML Rev 425-448 (2000), 439-440; VICTORIA LOURI, 'Undertaking' as a Jurisdictional Element
for the Application of EC Competition Rules, 29 L.I.E.I. 143-176 (2002), 160-164; LAURA MONTANA & JANE JELLIS,
The Concept of Undertaking in EC Competition Law and Its Application to Public Bodies: Can You Buy Your Way
into Article 82?, 2 Competition Law Journal 110-118 (2003), 111.
13
regulatory powers.63 In Walrave and Koch, the Court considered that the free-movement rules are
applicable to all entities that promulgate ‘rules of any other nature aimed at regulating in a collective
manner gainful employment and the provision of services’.64 Regulation, whether by state or non-state
actors, is covered by the free movement rules because of the ‘quasi-government status’ of ‘the ultimate
regulatory body’, which can thus be seen to perform ‘State-like functions’.65 By applying the free
movement rules to the function of regulation, ‘public and private regulation are put on the same footing
by the Court of Justice’.66
4
PHASE III: THE END OF DISTINCTIONS?
The divide between market regulation and market participation has proved difficult to draw.67 More
recently this public private distinction in EU law has been rejected by the Court of Justice in Viking Line
ABP and OÜ Viking Line Eesti, writing that ‘according to settled case-law, Articles [45 TFEU, 49 TFEU,
and 56 TFEU] do not apply only to the actions of public authorities but extend also to rules of any other
nature aimed at regulating in a collective manner gainful employment, self-employment and the
provision of services’ but that ‘it does not follow from the case-law… that that interpretation applies only
to quasi-public organisations or to associations exercising a regulatory task and having quasi-legislative
powers.’68
4.1
A distinction in the substantive obligations
Whilst in phase III the competition and free movement rules are seemingly applicable to both State and
no-State actors, and to both public and private functions, Advocate General Poiares Maduro has pointed
out that ‘the finding that certain private actors are subject to the rules on freedom of movement does not
63
Joined cases 266 and 267/1987 The Queen v Royal Pharmaceutical Society of Great Britain, ex parte
Association of Pharmaceutical Importers [1989] ECR 1295, paras 14-15.
64
Case 36-74 Walrave & Koch v Association Union Cycliste Internationale [1974] ECR 1405, para 17, emphasis
added, confirmed in Case 13-76 Gaetano Dona v Mario Mantero [1976] ECR 1333, para 17. See also Case T313/02 David Meca-Medina and Igor Majcen v Commission [2004] ECR II-3291, paras 44-47.
65
STEFAAN VAN DEN BOGAERT, Horizontality: The Court Attacks?, in The Law of the Single European Market,
(Catherine Barnard & Joanne Scott eds., 2002)126.
66
STEFAAN VAN DEN BOGAERT, Horizontality: The Court Attacks?, in The Law of the Single European Market,
(Catherine Barnard & Joanne Scott eds., 2002), 125.
67
JOSEPHINE SHAW, A Healthy Monopoly for a Dying Trade?, 13 ELRev 422-426 (1988), 423; Cases
1002/2/1/01(IR) 1003/2/1/01, 1004/2/1/01 The Institute of Independent Insurance Brokers v the Director
General of Fair Trading and the General Insurance Standards Council [2001] CAT 4, above n 35, para 245-247.
68
Case C-438/05 International Transport Workers' Federation and Finnish Seamen's Union v Viking Line Abp
and Oü Viking Line Eesti [2007] I-10779, para. 33 and 64, emphasis added. The following cases were referred to
as confirming that the free-movement provisions also placed obligations on non-State actors engaged in the
task of regulation: Case 36-74 Walrave & Koch v Association Union Cycliste Internationale [1974] ECR 1405,
para. 18; Case C-415/93 Asbl v Jean-Marc Bosman, Royal Club Liegeois SA v Jean-Marc Bosman and Others and
Uefa v Jean-Marc Bosman [1995] ECR I-4921, para 83; Case C-191/97 Deliège [2000] ECR I-2549, para. 47; Case
C-281/98 Roman Angonese [2000] ECR I-4139, para. 32; and Case C-309/99 Wouters v Algemene Raad Van De
Nederlandse Orde Van Advocaten (Raad Van De Balies Van De Europese Gemeenschap, Intervening) [2002] ECR
I 1577, para. 120.
14
… necessarily mean that they must be held to exactly the same standards as State authorities. The
Court may apply different levels of scrutiny, depending on the source and seriousness of the
impediment to the exercise of the right to freedom of movement.’69 Whilst Advocate General Capotorti
noted, ‘[t]here is a distinction between Articles [34] and [35 TFEU] on the one hand and Articles [101]
and [102 TFEU] on the other, not only with regard to those subject to the prohibitions but also with
regard to the nature of the behaviour which is prohibited,’70 what now emerges is an evolution from a
public private divide between Treaty provisions to a public private divide within Treaty provisions.
4.1.1
competition obligations
The competition rules are expressly addressed to undertakings: no mention is made of the Member
States as addressees. However, in Defrenne v Sabena the Court of Justice considers the fact that a
provision of the Treaty is formally addressed to Member States does not prevent that provision imposing
obligations on others.71 Whilst in phase II the competition rules had come to be applied, but only
applied, to all market participants, in Wouters the Court of Justice considered even though an entity
‘acts as the regulatory body of a profession’ that practice ‘constitutes an economic activity’.72 In phase III
both the regulator and the regulated are subject to the competition rules.
There are those who argue that, because regulation can have anti-competitive effects,
regulatory standards should be subjected to Union competition law.73 However, whilst regulatory
frameworks can be more or less efficient at achieving the regulatory objective, the objective of
regulation is not efficiency. As such, the competition rules are simply an inappropriate lens through
which to view regulation. Thus the obligation the competition rules impose on market participants is
different from the obligation imposed on market regulators. Rather than the obligation not to restrict
competition, Article 4(3)TEU is combined with Article 101 or 102 TFEU to impose an obligation ‘not to
adopt or maintain in force any measure which could deprive that provision [i.e, either 101 or 102 TFEU]
of its effectiveness.’74 To breach this obligation the regulator must ethier require or favour the adoption
of agreements contrary to Article 101 TFEU or reinforce the effects of such an agreement or delegate
regulatory authority to market participants which is then abused.75 This obligation differs from that
69
Case C-438/05 International Transport Workers' Federation and Finnish Seamen's Union v Viking Line Abp
and Oü Viking Line Eesti [2007] I-10779, para. 49
70
Van Tiggle [1978] ECR 25, at 42. See STEFAAN VAN DEN BOGAERT, Horizontality: The Court Attacks?, in The Law of
the Single European Market, (Catherine Barnard & Joanne Scott eds., 2002) at 139-143, and PIET JAN SLOT, The
Application of Articles 3(F), 5 and 85 to 94 EEC, 12 ELRev 179-189 (1987) at 187.
71
Case 43/75 Defrenne v Sabena [1976] ECR 455, para. 31.
72
Case C-309/99 Wouters v Algemene Raad Van De Nederlandse Orde Van Advocaten (Raad Van De Balies
Van De Europese Gemeenschap, Intervening) [2002] ECR I 1577, para 58, emphasis added.
73
ANDREA FILIPPO GAGLIARDI, United States and European Union Antitrust Versus State Regulation of the Economy:
Is There a Better Test?, 25 ELRev 353-373 (2000); TAMARA HERVEY, Social Solidarity: A Buttress against Internal
Market Law?, in Social Law and Policy in an Evolving European Union, (Jo Shaw ed., 2000)39-40.
74
75
Case 13/77 GB-Inno-BM, [1977] ECR I-2115, para. 31.
Case C-198/01 CIF [2003] ECR I-8055, para. 46; and Case 136/86 Aubert [1987] ECR 4789, para. 23
15
imposed on undertakings in that the purpose not to challenge anti-competitive effects, but instead to
ensure the political process is not captured by private interests.
4.1.2
free movement obligations
In contrast to the competition rules, the free movement rules do not specify an addressee of the
obligations contained in the provisions.76 When applied to state actors or to regulatory activity the free
movement rules have been said to prohibit action impeding access to the market. To impose on private
parties an obligation not to substantially impede market access would seem to impose on them the
obligation not to commit an exclusionary abuse as prohibited by Article 102 TFEU. However, Article 102
TFEU has only ever been applied to undertakings rather than to all non-State actors; and Article 102
TFEU is of course applicable only to dominant undertakings. To impose such an obligation would be a
dramatic expansion of Union law. It should thus be noted that the obligation imposed on market
participants by the Court of Justice in Angonese is a narrower one not to discriminate on grounds of
nationality, rather than the broader market access obligation.77
4.2
A distinction in justifications available
In Bosman, the Court of Justice had taken the position that the express derogations may be relied on by
any entity subject to the obligation in the allied provision; neither the scope nor the content of those
grounds of justification is affected by the public or private nature of the rules in question.78 However, in
Laval, though Advocate General Mengozzi cites and follows Bosman79, the Court of Justice take a
different approach, finding that grounds of public policy could only be relied upon by public bodies.80
Therefore, the express derogations are unavailable to non-State actors.
The economic interests of a Member State have never been accepted as justifying an
infringement of the free movemnet rules.81 Conversly, non-state actors or market participants have been
confined to economic factors when seeking to justify an infringement of the competition rules, since
Articles 101 and 102 TFEU do not contain mechanisms to address competing public interests.82
However, market regulators seem to bring their non-economic justifications into the competition sphere.
This can be seen in Wouters, which considered the status of the Netherlands Bar Association,
76
Case C-281/98 Angonese [2000] ECR I – 4139, para. 30; Case 36/74 Walrave and Koch [1974] ECR 1405, para.
20.
77
Case C-281/98 Angonese [2000] ECR I-4139, para. 32.
78
Case C-415/93 Union Royale Belge des Sociétés de Football Association ASBL v. Jean-Marc Bosman [1995] ECR
I – 4921, at para. 86.
79
AG Opinion at para. 284.
80
Laval, para. 84.
th
81
See D Wyatt. A Dashwood and others, Wyatt and Dashwood’s European Union Law, (5 ed., Thomson/Sweet
and Maxwell, London 2006), at 20-049.
82
Case C-2/1991 Criminal Proceedings against Wolf W Meng [1993] ECR I 5751 at 5770.
16
Nederlandse Orde van Advocaten (NOVA), established by statute, composed of all lawyers registered in
the Netherlands, and empowered to regulate the legal profession.83 NOVA’s rule prevent lawyers from
entering into partnership with accountants. Wouters claimed that this prevented the creation of better
services tailored to clients operating in complex economic and legal environments, and thus restricted
competition.84 Advocate General Léger and the Court agreed that competition was restricted by the
decisions of an association of undertakings.85 The NOVA rules were functionally regulatory, determining
how competition is to take places.86 The Court considered that since the regulatory rules were adopted
to pursue a vital public interest they fell outside the scope of the prohibition.87 This justification is not
available to market participants.88
4.3
A distinction in enforceability
The distinctions in the substantive obligations and justifications within each Treaty provision are
justifiable because of differences in the enforceability of the obligations against State and non-State
83
Case C-309/99 Wouters v Algemene Raad Van De Nederlandse Orde Van Advocaten (Raad Van De Balies
Van De Europese Gemeenschap, Intervening) [2002] ECR I 1577.
84
Case C-309/99 Wouters v Algemene Raad Van De Nederlandse Orde Van Advocaten (Raad Van De Balies
Van De Europese Gemeenschap, Intervening) [2002] ECR I 1577at para. 75-78, 81-84, Advocate General’s
Opinion para. 42, 94.
85
Case C-309/99 Wouters v Algemene Raad Van De Nederlandse Orde Van Advocaten (Raad Van De Balies
Van De Europese Gemeenschap, Intervening) [2002] ECR I 1577at para. 86-96, AG Opinion at para. 116-133.
86
Case C-309/99 Wouters v Algemene Raad Van De Nederlandse Orde Van Advocaten (Raad Van De Balies
Van De Europese Gemeenschap, Intervening) [2002] ECR I 1577 at para. 56.
87
Case C-309/99 Wouters v Algemene Raad Van De Nederlandse Orde Van Advocaten (Raad Van De Balies
Van De Europese Gemeenschap, Intervening) [2002] ECR I 1577 at para. 97, 109-110. ROSEMARY O'LOUGHLIN, EC
Competition Rules and Free Movement Rules: An Examination of the Parallels and Their Furtherance by the Ecj
Wouters Decision, 24 ECLR 62-69 (2003) at 68, JULIO BAQUERO CRUZ, Between Competition and Free Movement:
The Economic Constitutional Law of the European Community (Hart. 2002) at 151-153, GIORGIO MONTI, Article
81 EC and Public Policy, 39 CML Rev 1057-1099 (2002) at 1088, IAN FORRESTER & CHRISTOPHER NORALL, The
Laicization of Community Law: Self Help and the Rule of Reason: How Competition Law Is and Could Be Applied,
21 CML Rev 11-51 (1984) at 39-40, IAN S FORRESTER QC & JACQUELYN F MACLENNAN, EC Competition Law 2001-2002,
22 YEL 499-581 (2003) at 550.
88
The Influence of Competition Law on Free Movement Rules, in EU Competition Law in Context:
Essays in Honour of Virpi Tiili 18, (Heikki Kanninen, et al. eds., 2009); CHRISTOPH U SCHMID, Diagonal Competence
Conflicts between European Competition Law and National Regulation -- a Conflict of Laws Reconstruction of
the Dispute on Book Price Fixing, 8 E.R.P.L. 155-172 (2000) at 166-167, STEPHEN WEATHERILL & PAUL BEAUMONT, EU
Law (Penguin Third Edition ed. 1999) at 521-524, KAMIEL MORTELMANS, Towards Convergence in the Application
of the Rules on Free Movement and on Competition?, 38 CML Rev 613-649 (2001) at 642, JULIO BAQUERO CRUZ,
Between Competition and Free Movement: The Economic Constitutional Law of the European Community
(Hart. 2002) at 121-125, Wulf-Henning Roth, reported and analysed in JULIO BAQUERO CRUZ, Between
Competition and Free Movement: The Economic Constitutional Law of the European Community (Hart. 2002)
at 119. Contrast with AIDAN ROBERTSON, Professional Rules under the Competition Act 1998, 1 Competition Law
Journal 93-100 (2002) 98-99, which considers the approach to be of general application.
PERNILLA LINDH,
17
entities. It can be seen from the diagram that obligations are in theory capable of both public and private
enforcement. Whilst the Treaty provisions may apply both to public and private actors, Article 226 EC
only empowers the Commission to enforce the Treaty against public actors.89 The Commission power to
enforce the competition rules derives from Regulation 1/2003, and Regulation 17/62 before that, rather
than from the Treaty. Until recently Union competition law was primarily enforced centrally by the
European Commission.90 It is well recognized that ‘private enforcement in Europe […] still in its infancy,
or at least it is clearly not practiced on the scale familiar from other jurisdictions, especially that of the
United States.’91Thus much of Union law occurred in situations A, B, or C.
89
The Member States ability and obligations to enforce Union obligations against private parties is set out by
the Court in Case 68/88 Commission v Greece [1989] ECR 2965, where Article 4(3) TEU (ex-Article 10 EC)
requires the Member States to take all the measures necessary to guarantee the application and effectiveness
of Union law: See also C Harding, ‘Member State Enforcement of European Community Measures: The Chimera
of “Effective” Enforcement’ (1997) 4 MJ 5.
90
Article 4(1) and 9(1) of Regulation 17. First Regulation Implementing Articles 81 and 82 of the Treaty [1962]
OJ Special Edition 204/62 , Joined Cases C-295/04, C-296/04, C-297/04 and C-298/04 Vincenzo Manfredi v
Lloyd Adriatico Assicurazioni Spa; Antonio Cannito v Fondiaria Sai Assicurazioni Spa; Nicolò Tricarico; and
Pasqualina Murgolo v Assitalia Assicurazioni Spa [2006] ECR-I 6619, AG Opinion [29] .
91
Joined Cases C-295/04 etc Vincenzo Manfredi, AG Opinion [29]. Also DENIS WAELBROECK, et al., Study on the
Conditions of Claims for Damages in Case of Infringement of EC Competition Rules: Comparative Report
(Available
from
http://ec.europa.eu/comm/competition/antitrust/actionsdamages/comparative_report_clean_en.pdf 2004);
CLIFFORD A JONES, Private Enforcement of Antitrust Law in the EU, UK and USA (Oxford University Press. 1999);
and CLAUS DIETER EHLERMANN & LARAINE L LAUDATI, European Competition Law Annual 2001: Effective Private
Enforcement of EC Antitrust Law (Hart 2003).
18
The competition rules provide a good example of the efforts required to generate Union law
capable of being applied in the context described as D on the diagram. In May 2004 the system of
centralized public enforcement of Union competition law was radically over-hauled so as to enable
decentralized enforcement in the Member States.92 During this process, proposals for reform were
made; comments on the proposals were invited; the results were summarised and subsequently
published, along with a plan of action.93 Regulation 2790/1999 and the Guidelines on Vertical Restraints
were adopted.94 The White Paper on Modernisation of the Rules Implementing Articles 101 and 102
TFEU and a new enforcement regulation were adopted.95 On the 30th of March 2004 the Commission
finalised the modernisation package of notices and guidelines aimed at clarifying the application of
92
Council Regulation (EC) No 1/2003 [2003] OJ L 1/1 CLAUS DIETER EHLERMANN, The Modernisation of EC Antitrust
Policy: A Legal and Cultural Revolution, 37 CML Rev 537-590 (2000).
93
Communication from the Commission on the application of the Community competition rules to vertical
restraints (Follow-up to the Green Paper on Vertical Restraints) COM(98)544 final [1998] OJ C 365/3.
94
Commission Regulation (EC) No 2790/1999 [1999] OJ L 336/21 and Guidelines on Vertical Restraints [2000]
OJ C291/1.
95
White Paper On Modernisation Of The Rules Implementing Articles 85 And 86 Of The EC Treaty Commission
Programme No 99/027 [1999] OJ C 132/1; White Paper On Reform Of Regulation 17: Summary Of The
Observations [2001] 4 CMLR 10; and Council Regulation (EC) No 1/2003 [2003] OJ L 1/1.
19
Article 101 TFEU.96 On 9 February 2009 the European Commission formally adopted Guidance on the
enforcement priorities in applying Article 102 TFEU.97 The European Commission published a Green
Paper on the ability of private actors to obtain redress for breach of the EC antitrust rules.98 The Office
of Fair Trading undertook a review of private enforcement in the UK, producing proposals for
Government action.99 And in April 2008 the European Commission published a White Paper proposing
measures intended to facilitate private enforcement of antitrust in Europe.100
What is clear is the necessity of modifying and clarifying the substantive norms if obligations imposed on
private parties are to be enforced and enforceable by other private parties through national courts.
However, free movement has to date advanced with vague standards. This mattered less when it was
applied only by the Commission or only against States (i.e. in either context A, B, or C) as discretion and
negotiation limit enforcement to cases where the Treaty may provide a solution to a particular problem
and to impose the Treaty solution. This was not the case in Viking and shows why the use of Union law
in a context absent public involvement (context D) necessitated applying different and clearer standards.
As the divide evolves into its third phase it must surely be necessay for the long overdue clarification of
the obligations imposed by free movement to be clarified and limited. Such clarification and limitation is
long overdue.
96
Press Release IP/04/411 30.03.2004 and
http://ec.europa.eu/competition/publications/publications/modernisation_en.pdf
97
See http://ec.europa.eu/competition/antitrust/art82/index.html
98
Commission Green Paper on Damages actions for breach of the EC antitrust rules COM(2005) 672 final;
Commission Staff Working Paper: Annex to the Green Paper Damages Actions for Breach of the EC Antitrust
Rules ; and NEELIE KROES, More Private Antitrust Enforcement through Better Access to Damages: An Invitation
for an Open Debate, SPEECH/06/158 (2006).
99
(OFT916, April 2007) ‘Private actions in competition law: effective redress for consumers and business’ and
(OFT916resp, November 2007) ‘Private actions in competition law: effective redress for consumers and
business - Recommendations from the Office of Fair Trading.’.
100
Commission White Paper on Damages actions for breach of the EC antitrust rules, Brussels, 2.4.2008
COM(2008) 165 final; Commission Staff Working Paper: Accompanying the White Paper Damages Actions for
Breach of the EC Antitrust Rules SEC (2008) 404 ; and Commission Staff Working Document – Accompanying
document to the White Paper on Damages actions for breach of the EC antitrust rules: Impact Assessment,
Brussels, 2.4.2008 SEC(2008) 405.
20
Sur un sens de la distinction public/privé dans le droit de l’Union européenne101
par
Loïc Azoulai
Professeur à l’Université Panthéon-Assas Paris II
I. La pertinence de la distinction dans le droit de l’Union
Il y a plusieurs manières de comprendre la distinction du public et du privé. La plus commune au juriste
français est certainement celle que révèle le partage entre droit public et droit privé102. Ce partage est
d’abord d’ordre conceptuel : il sert à classer les règles de droit positif suivant leur objet, les unes étant
rangées parmi celles qui règlent les rapports entre particuliers, les autres parmi celles réglant les
rapports des pouvoirs publics entre eux et avec les particuliers. A ce classement correspond en France
une séparation académique, une science du droit public ayant progressivement émergé aux côtés de la
science du droit privé103. Cette séparation a sa légitimité dans une distinction que la doctrine française
décèle dans le droit positif et qu’elle ne cesse d’interroger : certains régimes dits « de droit public » sont
isolés en tant qu’ils présentent des spécificités aux plans substantiel et procédural par rapport aux
régimes de droit commun. Cette distinction par matières est en général justifiée sur le plan idéologique
par une manière duale de se représenter les différents régimes de droit positif, les uns étant référés à la
puissance publique et à ses contraintes, les autres à l’autonomie privée du sujet de droit et à ses
garanties104.
Aucune de ces distinctions n’est pertinente dans le droit de l’Union européenne. Sans doute les termes
de public et de privé se rencontrent-ils souvent dans les textes européens105. Mais l’opposition des deux
termes n’a pas la fonction structurante qu’elle revêt dans le droit national. Non que le droit européen soit
inconsistant, comme on a parfois la tentation de le dire; disons que ses catégories « structurantes »
sont d’une autre nature, la tâche de la science du droit de l’Union étant précisément de les identifier. En
outre, l’intégration du droit de l’Union dans les droits internes des Etats membres a pour effet d’altérer la
distinction telle qu’elle est comprise dans ces droits. On a pu montrer que l’intégration du droit européen
101
Ce texte est issu d’un débat organisé le 18 mars 2010 par le Centre d’études juridiques européennes et
comparées (CEJEC) de l’Université de Nanterre autour de la distinction public/privé dans le droit de l’Union
européenne et en présence de Okeoghene Odudu de l’Université de Cambridge. Il répond à l’aimable invitation
de Sophie Robin-Olivier et de Jean-Sylvestre Bergé.
102
M. Troper, « La distinction entre droit public et droit privé et la structure de l’ordre juridique », in M. Troper,
Pour une théorie juridique de l’Etat, Paris, PUF, 1995.
103
V. O. Beaud, « La distinction du droit public et du droit privé : un dualisme qui résiste aux critiques », in M.
Freedland et J.-B. Auby (dir.), The Public Law/Private Law Divide. Une entente assez cordiale ?, Oxford, Hart
Publishing, 2006.
104
Cf. B. Plessix, l’utilisation du droit civil dans l’élaboration du droit administratif, Paris, Editions PanthéonAssas, 2003.
105
A s’en tenir aux seuls traités constitutifs de l’Union, les occurrences suivantes se rencontrent : « ordre
public », « intérêt public ou privé », « service public », « entreprise publique », « établissement privé »,
« pouvoir public », « marché public », « déficit public », « droit public », « droit privé », « vie privée » et
« investissement privé ».
21
dans le droit français discrédite tout partage disciplinaire106 et qu’elle déplace constamment la ligne de
séparation établie par nos textes et nos institutions entre régimes de droit public et régimes de droit
privé107. A ce double point de vue, donc, le sujet de cette étude paraît se dérober à l’analyse.
Il est possible toutefois de trouver un autre sens à la distinction. Sans passer par la référence au droit
public et au droit privé, certains auteurs ont cherché à repenser le partage entre la sphère publique et la
sphère privée à la lumière des principes de la constitution économique de l’Union108. Ils font apparaître
que, dans le droit de l’Union, cette distinction relève de considérations fonctionnelles bien plus que de
critères organiques109. Que l’Etat ou l’un de ses prolongements agissent dans le marché en tant que
propriétaire de biens ou gestionnaire d’activité économique, qu’il intervienne sur le marché pour
protéger un secteur d’activité particulier, il sera considéré comme un simple acteur de marché, soumis
aux contraintes posées par le droit européen de la concurrence, à moins de faire admettre une
impérieuse nécessité de défendre un intérêt public fondamental. Le droit de l’Union ne voit aucune
évidence dans l’équation classique établie en droit français entre entité publique et exemption des
règles auxquelles sont soumis les pouvoirs privés en économie de marché. Mais que l’Etat ou l’un de
ses prolongements publics ou même privés retrouve ses fonctions « publiques » de régulateur des
activités économiques et sociales, il échappera, en principe, aux contraintes du droit du marché, pour
autant qu’il reste soumis aux règles qui organisent l’espace « public » européen, à savoir les règles
relatives aux libertés de circulation et les principes fondamentaux du droit de l’Union. Telle est, au fond,
la grande distinction. Et c’est l’existence de cette structure qui explique que le droit de l’Union étende
indifféremment son emprise aux règles internes de droit public ou de droit privé110. Sans doute est-elle,
à présent, en phase d’évolution, ce qui nécessite de nouvelles justifications. Le texte d’Okeoghene
Odudu, livré au débat, va loin dans l’analyse de cette évolution111.
Reste un simple constat : la distinction du public et du privé n’apparaît pas sous sa forme classique
dans le droit de l’Union, elle n’existe que sous une forme spéciale dictée par la structure des objectifs
du traité. Pourtant, nous voudrions tout de même essayer de réintroduire la distinction du droit public et
du droit privé dans l’analyse de ce droit. L’enjeu n’est pas de forcer la nature d’un droit qui y est hostile,
106
V. S. Barbou des Places, « Summa Divisio et droit communautaire : dépassement, déplacement ou
reconstitution d’une frontière disciplinaire », in X. Bioy (dir.), L’identité du droit public, Toulouse, Presses
Universitaires des Sciences sociales de Toulouse-LGDJ, 2010 ; J.-S. Bergé, « La summa divisio droit privé/droit
public et le droit de l’Union européenne : une question pour qui ? une question pour quoi ? », in B. Bonnet et P.
Deumier (dir.), La summa divisio droit privé/droit public présente-t-elle encore un intérêt aujourd’hui ?, à
paraître.
107
Cf. J.-B. Auby, « La distinction du droit public et du droit privé », in J.-B. Auby (ed.), L’influence du droit
européen sur les catégories du droit public français, Paris, Dalloz, à paraître 2010.
108
Cf. J. Baquero Cruz, Between Competition and Free Movement. The Economic Constitutional Law of the
European Community, Oxford, Hart Publishing, 2002; W Sauter & H. Schepel, State and Market in European
Law. The Public and Private Spheres of the Internal Market before the EU Courts, Cambridge, Cambridge
University Press, 2009.
109
V. D. Ritleng, « L’influence du droit communautaire sur les catégories organiques du droit administratif », in
J.-B. Auby et J. Dutheil de la Rochère (dir.), Droit administratif européen, 1ère éd., Bruxelles, Bruylant, 2007.
110
V. par ex. H. Gaudemet-Tallon, « L'influence des libertés fondamentales garanties par le droit communautaire
sur le droit privé des Etats membres : quelques exemples », Revue Droits, 2007, vol. 45, p. 143.
111
V. également M. Poiares Maduro, « L’Etat-caméléon. Formes publique et privée de l’Homo Economicus », in
Mélanges en l’honneur de Philippe Léger. Le droit à la mesure de l’homme, Paris, Pedone, 2006.
22
mais d’éclairer d’une autre manière les rapports qu’il est censé régir afin de résoudre certains des
problèmes nouveaux qu’il soulève. Cela nécessite de revenir à une distinction élémentaire. Dans tous
les systèmes juridiques structurés, il existe une opposition fondamentale entre deux types de relations
juridiques, qu’il est loisible d’appeler « situations de droit public » et « situations de droit privé ». Les
premières se réfèrent à une relation d’autorité qui accorde à l’une des parties des privilèges justifiés par
la défense d’intérêts corporatifs. Cette autorité est généralement attribuée à l’Etat et à ses organes
chargés de défendre l’intérêt général dans les rapports sociaux, en contrepartie de la soumission à un
système de contraintes théorisé par la doctrine de l’Etat de droit. Les autres situations évoquent le
rapport de corrélation entre droits et d’obligations qui résulte de la relation qui s’établit entre deux
parties définies par leur égale autonomie. Dans cette relation, on suppose simplement que le droit d’un
individu a pour corollaire le devoir d’un autre. Nous n’ignorons pas que ces types de rapports se
présentent rarement de manière aussi simple ; ils définissent plutôt des schèmes de relations qui
informent, avec d’autres, les situations que les acteurs juridiques ont à connaître112. L’hypothèse que
nous nous proposons de vérifier est que ces schèmes sont transposables au développement actuel du
droit de l’Union européenne. Cette dernière précision est importante. En effet, si elle existe, cette
polarité n’est apparue que tardivement : elle est le produit d’une transformation progressive du
caractère objectif et incomplet du droit de l’Union dans sa constitution originaire.
II. Le droit de l’Union, droit objectif
Le droit communautaire des origines ne connaissait pas la distinction entre droit public et droit privé
parce qu’il a été entièrement conçu comme un ordre objectif. L’ordre juridique communautaire est une
construction qui repose sur l’objectivation des obligations internationales contractées par les Etats
membres dans les traités fondateurs que la Cour de justice des Communautés européennes a choisi de
lire comme une « limitation définitive de leurs droits souverains ». En les dépouillant ainsi de leur
caractère intersubjectif d’obligations mutuelles entre Etats, la Cour a créé des obligations unilatérales à
la charge des Etats, ordonnées à un projet d’unification économique, juridique et politique du continent
européen. A partir de là, elle s’est efforcée de façonner des procédures qui soient propres à sanctionner
le respect desdites obligations. Tel était l’enjeu de l’arrêt Van Gend en Loos113. La Cour y déclare que le
traité ne se limite pas à créer des obligations incombant aux Etats, il crée aussi des droits et des
obligations qui entrent directement dans le patrimoine juridique des particuliers. D’où l’instauration d’un
double système de droits et d’obligations, l’un applicable aux Etats membres, l’autre applicable à leurs
ressortissants. Très tôt, les conditions semblent donc réunies pour que se dégagent, à côté des
rapports entre Etats membres, deux types de rapports différents gouvernés par le droit communautaire,
d’une part des rapports entre les Etats membres et les sujets privés auxquels sont conférés des droits
tirés du droit communautaire, d’autre part des rapports entre particuliers dont les droits conférés aux
uns sont susceptibles d’engendrer des obligations dans le chef des autres. Et, cependant, les rapports
du second type auront bien du mal à émerger. Il y a plusieurs raisons à cela.
112
Cf. W.N. Hohfeld, Fundamental Legal Conceptions as Applied in Judicial Reasoning, Westport, Greenwood
Press, reed. 1978.
113
CJCE, 5 février 1963, Van Gend en Loos, aff. 26/62, Rec. p. 7.
23
La première est que beaucoup des droits conférés aux particuliers ont une structure objective. Ceux-ci
sont envisagés essentiellement comme le reflet d’obligations imposées aux principaux sujets du droit de
l’Union, les Etats membres. Ils correspondent en fait à des capacités d’agir données aux particuliers en
vue de faire observer aux Etats leurs obligations découlant du traité. Il ne s’agit donc pas réellement de
droits subjectifs auxquels s’attachent des obligations corrélatives, mais bien plutôt de prérogatives
individuelles qui permettent de rendre effectives des obligations étatiques parallèles. Leur justification
se trouve non dans la protection d’un intérêt ou d’une volonté propre aux particuliers qui en sont les
titulaires, mais dans la nature du projet qu’ils servent : la construction du marché commun. Ne sont-ce
pas des « droits du marché » que crée la Cour dans l’arrêt Van Gend en Loos lorsqu’elle déclare que
« l’objectif du traité [CEE] est d’instituer un marché commun qui concerne non seulement les Etats
contractants mais leurs ressortissants » ? Ces droits recouvrent des intérêts particuliers dont la défense
est utile à l’application du droit de l’Union par les Etats membres. Autrement dit, c’est sur le fondement
de leur effet utile qu’ils sont reconnus, et non en vue de protéger l’autonomie du sujet privé. Un écho de
cette conception se trouve dans la manière dont le Conseil d’Etat français a reçu et reçoit encore le droit
de l’Union. De l’arrêt Perreux rendu le 30 octobre 2009 à propos de l’effet direct des directives
communautaires, il ressort que les droits individuels protégés ne sont point tirés des dispositions des
directives elles-mêmes, mais ils sont le reflet de l’obligation de transposition qui incombe aux autorités
nationales en vertu de l’article 88-1 de la Constitution : aux yeux du Conseil, il ne s’agit en effet que de
« garantir l’effectivité des droits que tout personne tient de cette obligation à l’égard des autorités
publiques ». Les requérants ne peuvent se prévaloir, à la lettre, que d’une transposition incorrecte, d’un
manquement d’Etat114.
Certes, il y a aussi des droits privés qui peuvent naître du traité, indépendamment d’obligations
étatiques. Ainsi que la Cour a eu l’occasion de l’admettre, les dispositions du traité « sont une source
immédiate de droits et d’obligations pour (…) les particuliers qui sont parties des rapports juridiques
relevant du droit communautaire »115. Reste que ces droits sont par nature des droits « incomplets »116.
Ils n’atteignent leurs obligations corrélatives que par l’effet d’une intervention des Etats membres et
dans le droit national. Tel est le résultat de l’institutionnalisation incomplète du droit de l’Union : les
droits et obligations que les textes européens engendrent se concrétisent le plus souvent dans l’Etat, en
empruntant à celui-ci son pouvoir de sanction, en profitant des conflits d’intérêts qui se produisent au
sein de sa société et sous la forme de rapports régis par le droit national. C’est aux autorités nationales
d’assurer, avec les moyens que leur offre le droit interne, le respect des obligations qu’engendrent les
droits tirés du droit de l’Union. Il est cependant un domaine qui paraît créer les conditions d’une prise en
compte supranationale des rapports entre particuliers : c’est celui du droit de la concurrence. Voilà en
114
Conseil d’Etat, Ass., n° 298348, 30 octobre 2009, Perreux. V. le commentaire de D. Ritleng, « L’arrêt
Perreux ou la fin de l’exception française », RTDE, 2010/1. V. déjà, dans le même sens, les conclusions du
commissaire du gouvernement C. Mauguë sous Conseil d’Etat, sect., 23 juin 1995, Lilly France ; RFDA 1995, p.
1037.
115
CJCE, 9 mars 1978, Administration des finances de l’Etat/Simmenthal, aff. 106/77, Rec. p. 629, point 15.
116
N. Reich, « Rights Without Duties ? Reflections on the State of Liability Law in the Multilevel Governance
System of the Community: Is There a Need for a More Coherent Approach in European Private Law?”, EUI
Working Paper, LAW 2009/10 (disponible en ligne).
24
effet un domaine du droit communautaire qui a été presque entièrement institutionnalisé117. Dans ce
domaine, les règles européennes fonctionnent essentiellement comme des règles de police. Normes
impératives, elles atteignent les particuliers par l’effet d’une action publique et en vue d’encadrer leur
autonomie. Dès lors, les droits qui peuvent en être tirés par les particuliers (les concurrents et les tiers)
ont essentiellement une fonction de protection des obligations qui pèsent sur les opérateurs
économiques. Ces droits sont des effets réflexes de l’objectif de protection de l’ordre concurrentiel
européen.
III. Application horizontale des dispositions du traité et coloration des rapports juridiques
Comment, à partir d’un tel fonds objectif et inorganique déposé dans le droit de l’Union par l’acquis
communautaire, pourraient se former dans le champ européen des rapports distincts de droit public et
de droit privé ? Pour l’établir, je propose de partir d’un problème classique du droit de l’Union, celui de
l’application horizontale des règles du traité. Sur ce point, la jurisprudence de la Cour est le siège d’une
grande ambiguïté, comme en témoigne par exemple l’arrêt rendu par la Cour le 11 décembre 2007
dans l’affaire Viking Line118. Pour répondre à la question de savoir si la liberté d’établissement est
opposable à un syndicat de travailleurs, la Cour invoque deux lignes jurisprudentielles bien distinctes119.
D’une part, elle rappelle sa jurisprudence Bosman selon laquelle les règles du traité relatives aux
libertés de circulation sont opposables aux personnes privées qui disposent d’un pouvoir de
régulation120 ; de l’autre, elle se réfère à son ancien arrêt Defrenne selon lequel certaines dispositions
du traité sont susceptibles de s’appliquer directement aux actes privés tels que conventions et
contrats121. Ces deux jurisprudences ont pour même résultat d’établir l’opposabilité de dispositions du
traité adressées aux Etats membres aux comportements de personnes privées. Cependant, il est
possible aussi d’y voir l’émergence des deux pôles opposés de l’axe que nous cherchons à identifier.
A. Application horizontale par la reconnaissance d’un pouvoir
A un double titre, la jurisprudence Bosman est du côté du droit public. D’abord en ce sens que la
solution se fonde sur l’exercice d’une autonomie juridique au profit des personnes concernées, c’est-àdire sur l’identification d’un pouvoir d’édicter des normes juridiques. Si, en l’espèce, les libertés de
circulation sont applicables à un rapport entre personnes privées, c’est que l’une d’entre elles dispose
d’un pouvoir de gouvernement sur les conduites individuelles. La Cour ne se fonde pas ici sur
l’existence d’une obligation impérative qui s’imposerait en tant que telle à toute relation entre personnes
privées122 mais, ainsi qu’elle l’exprime clairement dans son arrêt Ferlini, sur l’identification d’une entité
117
Cf. D.J. Gerber, “The Origins of European Competition Law in Fin-de-Siècle Austria”, The American Journal
of Legal History, 1992, p. 405.
118
CJCE, 11 décembre 2007, Viking Line, aff. C-438/05, Rec. p. I-10779.
119
V. points 57 et 58 de l’arrêt Viking Line.
120
CJCE, 15 décembre 1995, Bosman, aff. C-415/93, Rec. p. I-4921.
121
CJCE, 8 avril 1976, Defrenne/Sabena, aff. 43/75, Rec. p. 455.
122
V. toutefois l’intéressante formulation retenue par l’arrêt du 22 janvier 1981, Dansk Supermarket (aff. C58/80, Rec. p. 181) selon laquelle « en aucun cas, les conventions entre particuliers ne sauraient déroger aux
dispositions impératives du traité relatives à la libre circulation des marchandises » (point 17). Il faut chercher
25
qui « exerce un certain pouvoir sur les particuliers et est en mesure de leur imposer des conditions qui
nuisent à l’exercice des libertés fondamentales garanties par le traité »123. Ce pouvoir peut être
normatif : adopter des règles sportives comme dans l’affaire Bosman, adopter des règles
professionnelles124 ou fixer les tarifs de soins médicaux125. Mais ce peut être aussi un pouvoir matériel :
la possibilité du recours à la force publique justifie l’application des libertés de circulation dans l’affaire
Commission/France126. Dans les cas liés à la jurisprudence Bosman, il n’y a d’« horizontalité » qu’en
apparence. L’expression d’application horizontale des règles du traité est peut-être justifiée au regard
du statut de droit national auquel se rattache la personne en cause : une personne relevant du droit
privé, engagée dans un rapport intersubjectif, et contrainte par des règles issues du traité. Mais elle ne
l’est pas au regard de la manière d’envisager la situation du point de vue du droit de l’Union : de ce
point de vue, la personne est visée en tant qu’elle exerce une autorité, en tant qu’elle se comporte
comme une autorité publique engagée dans un rapport vertical avec des particuliers.
Dans l’arrêt Bosman, un autre élément apparaît déterminant. Car il ne suffit pas d’identifier l’existence
d’un pouvoir pour faire tomber la situation dans le schéma d’une relation de droit public. On conçoit
aisément en effet l’existence de pouvoirs privés, régis par le droit privé, lorsque des personnes privées
sont investies de la capacité de décider pour autrui127. Cependant, la caractéristique de tels pouvoirs est
d’agir pour des intérêts particuliers, parfois élargis à des intérêts collectifs. Au contraire, dans un
système de droit public moderne, les actes des pouvoirs publics se reconnaissent à ce qu’ils sont
imputables à une collectivité que ces pouvoirs ont pour fonction de représenter et de protéger128. Or, cet
élément d’imputabilité apparaît clairement dans la jurisprudence Bosman. En effet, la Cour prend soin
de préciser que, dans la situation de cette affaire, « rien ne s’oppose à ce que les justifications tirées de
l’ordre public, de la sécurité publique et de la santé publique soient invoquées par des particuliers [les
fédérations sportives soumises aux règles du traité]. La nature publique ou privée de la réglementation
n’a aucune incidence sur la portée ou le contenu desdites justifications »129. Par là, les actes adoptés
par les associations sportives sont pratiquement rangés dans la catégorie des règles étatiques. Les
associations privées se voient reconnaître une autonomie juridique pour autant qu’elles se trouvent
liées par une responsabilité collective particulière. Responsabilité qui est double : elle a une
composante supranationale, la nécessité de respecter les contraintes découlant de l’organisation d’un
ordre économique et social européen; mais elle a aussi une composante nationale, la reconnaissance
des valeurs propres à la société nationale que ce pouvoir est chargé de représenter. Ainsi, d’une
manière inédite, la double face des régimes de droit public, prérogatives exorbitantes du droit commun
et responsabilité de même nature, est révélée. Le paradoxe est qu’elle émerge à l’occasion d’une
dans les circonstances particulières de l’affaire et dans la matière en cause (droit d’auteur et marques)
l’explication de cette formulation isolée dans l’ensemble de la jurisprudence.
123
CJCE, 3 octobre 2000, Ferlini, aff. C-411/98.
124
CJCE, 19 février 2002, Wouters, aff. C-309/99.
125
CJCE, 3 octobre 2000, Ferlini, aff. C-411/98.
126
CJCE, 9 décembre 1997, Commission/France, aff. C-265/95, Rec. p. I-6959. V. également CJCE, 12 juin
2003, Schmidberger, aff. C-112/00, Rec. p. I-5659.
127
Cf. E. Gaillard, Le pouvoir en droit privé, Paris, Economica, 1985.
128
Cf. A. Ross, « Sur les concepts Etat et organes d’Etat en droit constitutionnel », in A. Ross, Introduction à
l’empirisme juridique, trad. de l’anglais, Bruylant, LGDJ, 2004.
129
Point 85 de l’arrêt Bosman.
26
application du droit de l’Union à des personnes privées. La Cour n’avait pas eu besoin d’expliciter cette
structure tant qu’elle faisait application des règles du traité aux organes de l’Etat que le traité vise
expressément.
Comment comprendre, de ce point de vue, l’arrêt Laval, rendu le 18 décembre 2007, qui s’appuie
expressément sur les considérations de l’arrêt Bosman ? Certes, la Cour reconnaît dans cette affaire un
véritable pouvoir de nuisance et une réelle autonomie aux syndicats de travailleurs mis en cause par
une entreprise souhaitant exercer sa libre prestation de services dans la Communauté. Mais, d’autre
part, elle leur retire tout droit d’invoquer des raisons d’ordre public et de revendiquer ainsi la défense
d’un ordre collectif130. De fait, le soin de poser des règles générales en matière sociale est renvoyé à la
seule responsabilité de l’Etat. Il en résulte une figure inédite : celle d’un pouvoir lié par des obligations
mais dépourvu de responsabilité. C’est le reflet d’une évolution plus générale du contexte dans lequel
opère le droit de l’Union. Le développement des acteurs non étatiques occupant une position importante
sur les marchés a pour effet de brouiller la distinction entre régulation et liberté d’agir. De même que
l’Etat revêt de plus en plus souvent la forme d’agent participant au marché, de même peut-on trouver de
plus en plus d’acteurs privés qui, sous l’effet de la différenciation fonctionnelle croissante de la société,
disposent d’un véritable pouvoir sur le marché131. Ainsi, une action syndicale de mobilisation sociale qui
influence les conditions dans lesquels les opérateurs économiques prennent leurs décisions est
pratiquement mise sur le même plan que le pouvoir normatif détenu par l’Etat ou les organisations
professionnelles. La figure qui ressort de l’arrêt Laval se distingue de celle dessinée par l’arrêt Bosman,
pour autant qu’un pouvoir de marché puisse se distinguer d’un pouvoir de régulation du marché. C’est
une autre figure qui apparaît dans l’arrêt Defrenne : celle d’une personne obligée.
B. Application horizontale par la création d’obligations
Dans l’affaire Defrenne, la question était de savoir si la règle d’égalité de rémunération entre hommes et
femmes, inscrite à l’article 119 CEE (157 TFUE), est opposable à un employeur dans ses relations avec
ses salariés132. La lettre du traité semblait s’y opposer, en faisant des Etats membres les seuls
destinataires de cette règle133. La Cour l’admit pourtant : la règle du traité est l’expression d’un principe
de non-discrimination qui s’impose non seulement aux Etats, engagés par le traité, mais également aux
130
Point 84 de l’arrêt du 18 décembre 2007, Laval un Partneri, C-341/05 : « Les clauses litigieuses de la
convention collective du bâtiment ont, en effet, été établies par la négociation entre les partenaires sociaux,
lesquels ne constituent pas des entités de droit public et ne sauraient se prévaloir de cette disposition pour
invoquer des raisons d’ordre public afin d’établir la conformité au droit communautaire d’une action collective
telle que celle en cause au principal ».
131
V., sur ce point, le texte d’O. Odudu.
132
CJCE, 8 avril 1976, Defrenne/Sabena, aff. 43/75, Rec. p. 455.
133
L’article 199 du traité CEE disposait : « Chaque État membre assure au cours de la première étape, et
maintient par la suite, l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre les travailleurs masculins et
les travailleurs féminins pour un même travail ». Quant à l’article 157 du traité sur le fonctionnement de l’Union
européenne, il dispose : « Chaque État membre assure l'application du principe de l'égalité des rémunérations
entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail ou un travail de même valeur ».
27
personnes privées, parce qu’il crée des « obligations impératives »134. Non point le pouvoir de
l’employeur mais la nature de la norme en cause semble justifier la soumission au traité. La fonction du
principe de non-discrimination s’en trouve dédoublée : celui-ci ne vise plus seulement à encadrer le
pouvoir des autorités publiques mais aussi à protéger l’autonomie des particuliers menacés par le
pouvoir reconnu à d’autres personnes privées.
Pour parvenir à ce résultat, la Cour a opéré en fait une transformation des obligations découlant du
traité. Que, d’après la lettre du traité, l’obligation d’appliquer le principe d’égalité des rémunérations
pèse d’abord sur l’Etat législateur, cela n’est pas douteux. Mais si l’on considère plus largement que
l’Etat est visé dans toutes ses fonctions, donc aussi dans sa fonction juridictionnelle, il en loisible d’en
inférer que le juge national est soumis à l’obligation d’appliquer les dispositions du traité dans tous les
litiges qu’il a à connaître, en ce compris les litiges de droit privé. De la sorte, il appartient au juge
national d’assurer la protection des droits que le traité confère aux justiciables même dans le cas où ces
droits sont invoqués devant lui contre des personnes privées135. Ainsi les obligations « publiques » sontelles converties en obligations « privées ». Pareille opération n’est pas originale : elle est connue de la
doctrine allemande qui l’a théorisée sous le nom de théorie de l’« effet horizontal indirect » des
dispositions constitutionnelles. D’après cette doctrine, les obligations d’interprétation du droit applicable
qui incombent aux juges donnent à ceux-ci l’occasion de créer des obligations pesant sur les personnes
privées mises en cause par les particuliers qui ont activé leur droit au recours136.
Un tel raisonnement repose en outre sur le fait que l’article 119 du traité CEE revêt « un caractère
impératif »137. Dans cette disposition, la Cour voit le dépôt d’un principe fondamental : « le principe
d’égalité de rémunération fait partie des fondements de la Communauté »138. C’est ainsi qu’il doit
s’imposer à tous et en toutes circonstances. L’opération s’apparente à une « constitutionnalisation » de
certaines règles du traité. Etant élevées au rang de valeurs, celles-ci produisent par l’effet d’une
interprétation des obligations « universelles » d’où découlent des droits à les faire respecter. La Cour a
eu l’occasion d’appliquer semblable raisonnement au domaine des libertés de circulation dans l’arrêt
Angonese139. Confrontée au point de savoir si la libre circulation des travailleurs était opposable à un
employeur qui n’avait pas spécialement de capacité réglementaire, la Cour suggère que la libre
circulation n’est ici qu’une application spécifique de l’interdiction générale de discrimination laquelle
s’applique indifféremment aux personnes publiques ou privées. Elle justifie sa solution en citant la
jurisprudence Bosman, mais la référence est trompeuse : nul pouvoir n’est en cause en l’espèce, le
raisonnement de la Cour montre qu’il en va d’une obligation impérative s’imposant en tant que tel à une
personne privée.
134
CJCE, 8 avril 1976, Defrenne/Sabena, aff. 43/75, Rec. p. 455, point 39.
Point 40 de l’arrêt Defrenne.
136
V. E. Engle, « Third Party Effect of Fundamental Rights (Drittwirkung) », Hanse Law Review, Vol. 5, No 2,
2009 (en ligne); J. Krzeminska-Vamvaka, “Horizontal effect of fundamental rights and freedoms – much ado
about nothing? German, polish and EU theories compared after Viking Line”, Jean Monnet Working Paper
11/09, 2009 (en ligne).
137
Point 38 de l’arrêt Defrenne.
138
Point 12 de l’arrêt Defrenne.
139
CJCE, 6 juin 2000, Angonese, aff. C-281/98.
135
28
IV. L’identification de rapports « publics » et « privés »
A partir du problème de l’application horizontale des règles du traité, nous avons identifié deux types
d’approches applicables aux rapports juridiques régis par le droit de l’Union. Ces approches ne sont
intéressantes que parce qu’elles servent de modèles pour l’analyse d’autres développements. Il est
ainsi possible d’envisager autrement nombre de rapports qui se forment dans la jurisprudence de la
Cour.
A. Le rapport de pouvoir dans le droit des entraves
Dans la jurisprudence récente sur les entraves aux échanges, un double mouvement est à l’œuvre.
D’un côté, les droits tirés des règles du traité relatives aux libertés de circulation s’émancipent de plus
en plus nettement du cadre des obligations imposées aux Etats en vertu de l’objectif de réalisation du
marché intérieur. Ils finissent par se confondre avec des droits subjectifs autonomes exercés contre les
pouvoirs publics nationaux. Déjà il ne manque pas de cas dans lesquels des ressortissants nationaux
utilisent les libertés de circulation pour se libérer d’une réglementation de leur Etat d’origine, en se
fondant sur leur droit subjectif à l’accès à un marché. L’objectivité inhérente aux « droits du marché »
s’efface derrière la création de véritables « droits publics subjectifs »140. A cette émancipation
correspond d’ailleurs une extension des droits protégés : le bénéfice de ces droits est étendu à tous les
domaines de compétence réservée des Etats membres, qu’ils relèvent en droit interne de régimes de
droit public (fiscalité) ou de droit privé (état civil, protection sociale)141; ils confèrent en outre aux
particuliers des moyens de protection effectifs et autonomes devant les juridictions nationales (droit au
recours, droit à l’engagement de la responsabilité de l’Etat)142.
Ce développement pouvait faire craindre une extension indéfinie du droit des entraves au détriment de
toute capacité de régulation des Etats membres. Mais, dans la jurisprudence, il a donné lieu
paradoxalement à un renforcement de la position juridique des Etats membres. Ceux-ci ne sont plus
traités comme de simples sujets du droit de l’Union mais comme des entités politiques dotées de
prérogatives de puissance publique. En témoignent les affaires dans lesquelles la Cour leur reconnaît
une « capacité de soins et une compétence médicale essentielles » sur le territoire national143, une
compétence d’imposition souveraine d’où découle la nécessité de préserver la répartition équilibrée
140
L’expression est couramment utilisée par la doctrine allemande qui l’a puisée dans la science du droit public.
V. conclusions de l’avocat général Trstenjak dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 24 mars 2009, Danske
Slagterier, aff C-445/06, § 75). V. en général sur cette notion N. Foulquier, Les droits publics subjectifs des
administrés, Paris, Dalloz, 2003.
141
V. K. Lenaerts, « L’encadrement par le droit de l’Union européenne des compétences des Etats membres » in
Mélanges en l’honneur du Professeur Jean Paul Jacqué, Paris, Dalloz, 2010.
142
V. « La protection juridique en matière d’exécution nationale du droit communautaire », in J. Schwarze (dir.),
Bestand und Perspektiven des Europäischen Verwaltungsrechts. Rechtsvergleichende Analysen, Baden-Baden,
Nomos, 2008.
143
CJCE, 16 mai 2006, Watts, aff. C-372/04.
29
entre Etats membres144, une capacité réglementaire autonome dans la fixation de règles d’usage des
produits145 ou encore la liberté de définir les objectifs de sa politique économique et sociale146. Le
langage du pouvoir, de la compétence et des prérogatives étatiques a été réintroduit dans les motifs de
justification des entraves. Par là, c’est la capacité structurelle de poser des règles pour la collectivité qui
est protégée. Cela traduit une certaine « publicisation » de l’analyse des entraves.
Le schéma qui se dessine s’apparente à un schéma « de droit public » : une véritable relation entre
droits individuels et pouvoir public. La position de l’Etat ne se réduit plus à une position de défense
fondée sur l’existence d’une stricte exception aux principes fondamentaux des libertés de circulation ;
elle est rétablie dans ses fondements autonomes147 et repose sur la reconnaissance de droits et de
devoirs également fondamentaux148. Droits et devoirs de l’Etat veulent dire, en fait, pouvoir et
responsabilité : le pouvoir de bloquer l’accès à un marché national, par la régulation ou par l’usage
d’autres moyens détenus par l’Etat, et la responsabilité de prendre en charge les conséquences de
l’existence d’un ordre collectif européen, dans lequel sont inclus les intérêts des individus protégés par
les libertés de circulation. Il n’en résulte pas un relâchement du contrôle qui pèse sur les Etats. Mais les
modalités de ce contrôle changent. La reconnaissance d’une capacité étatique s’accompagne de la
définition d’une nouvelle exigence de cohérence dans l’exercice du pouvoir, dont la référence ne se
trouve plus uniquement dans l’existence d’un grand marché libéralisé mais aussi dans les objectifs que
se donne l’Etat en accord avec la société nationale149.
B. La forme « droits et obligations » dans la jurisprudence de la Cour
Elle se trouve d’abord dans l’élargissement des conditions d’invocabilité des dispositions des directives
européennes. On sait que le champ d’application des obligations imposées par les directives est en
principe limité à l’Etat, celui-ci étant entendu largement. Sur ce point, la jurisprudence de la Cour n’a
pas varié : les litiges liés aux directives sont par nature des litiges « verticaux », les particuliers pouvant
se prévaloir de défaillances étatiques devant les juridictions nationales150. Pourtant, il arrive qu’ils
prennent une dimension horizontale. Comment expliquer que les prescriptions édictées par les
directives puissent devenir opposables dans certains litiges privés ? Ce n’est point l’effet d’un
élargissement du champ d’application personnelle des directives, mais l’effet d’une extension du champ
de compétence reconnu aux juges nationaux. L’opération consiste à obliger le juge national à donner
144
CJCE, 13 décembre 2005, Marks & Spencer, aff. C-446/03.
CJCE, 10 février 2009, Commission c/ Italie, aff. C-110/05
146
Ainsi, en matière de jeux en ligne, CJCE, 8 septembre 2009, Liga Portuguesa de Futebol, aff. C-42/07.
147
V., sur ce point, D. Ritleng, « Les Etats membres face aux entraves », in L. Azoulai (dir.), L’entrave dans le
droit du marché intérieur, Bruxelles, Bruylant, à paraître.
148
V. J.-D. Mouton, “Vers une reconnaissance des droits fondamentaux aux Etats dans le système
communautaire?”, in Les dynamiques du droit européen en début de siècle. Etudes en l’honneur de J.-C.
Gautron, Paris, Pedone, 2004, p. 463.
149
Sur l’exigence de cohérence en droit du marché intérieur, V. les conclusions de l’avocat général Poiares
Maduro dans l’affaire Blanco Pérez (aff. jointes C-570/07 et C-571/07).
150
CJCE, 5 octobre 2004, Pfeiffer, aff. jointes C-397 à 403/01. V. le comm. de D. Ritleng in Annuaire de droit
européen, Vol. II : Année 2004 et, pour un point de vue synthétique et critique, P. Craig., « The Legal Effect of
Directives : Policy, Rules and Exceptions », European Law Review, 2009, p. 349.
145
30
effet aux droits conférés par les directives en produisant dans le droit national des obligations
opposables aux personnes privées. Tel est le sens de l’obligation d’interprétation conforme aux
dispositions des directives151. Le juge national est sommé de revêtir la législation nationale applicable
des exigences essentielles des directives invoquées. Ces exigences consistent essentiellement à
rétablir un état d’équilibre entre deux parties engagées dans une relation juridique (employé/employeur;
consommateur/professionnel)152. C’est cette recherche d’équilibre qui fonde la production d’obligations
propres dans le chef de personnes privées. L’effet de « droits et obligations » est donc essentiellement
un effet « institutionnel » : celui d’un élargissement des pouvoirs conférés aux juges nationaux. On peut
parler d’institutionnalisation des droits inscrits dans les directives, pour distinguer cette technique de la
constitutionnalisation des obligations tirées du traité qui résulte de la jurisprudence Defrenne.
La technique de la constitutionnalisation est réapparue dans une décision récente de la Cour, l’arrêt
Kücükdeveci du 19 janvier 2010153. Devant la juridiction allemande de renvoi, le conflit opposait une
employée à son ancien employeur à propos du calcul du délai de préavis applicable à son licenciement.
La législation allemande appliquée par l’employeur avait pour effet de défavoriser les jeunes
travailleurs, en contradiction apparente avec le directive 2000/78 établissant un cadre général en faveur
de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail. Dans ce cas, cependant, la voie de
l’interprétation conforme de la directive invoquée était interdite par les limites dans lesquelles la Cour a
enfermé cette technique : l’interprétation conforme ne saurait conduire le juge national à produire une
interprétation contra legem. Reste que la directive en cause portait sur la lutte contre les
discriminations. La Cour y voit ce que l’on pourrait appeler une « directive-valeur », expression d’un
principe plus général et plus fondamental : le principe de non-discrimination en fonction de l’âge. Or, en
tant que modalité supérieure et abstraite des dispositions précises de la directive, ce principe devient,
par lui-même, source de droits et d’obligations que le juge national a pour mission de protéger dans tout
litige public ou privé. Il s’ensuit en pratique que des droits tirés d’une directive sont invocables dans un
litige entre particuliers, en dépit de la lettre contraire de la législation nationale applicable. Il est évident
qu’une telle solution, si elle devait être étendue, pourrait constituer une menace pour l’autonomie
juridique des Etats membres. C’est qu’un principe aussi général que le principe européen de nondiscrimination est susceptible d’être invoqué en de très nombreuses circonstances,
« constitutionnalisant » une grande partie du droit privé national. En règle générale, la Cour cantonne le
rayonnement des principes généraux du droit de l’Union aux situations qui entrent dans le champ du
droit de l’Union par l’effet d’un autre facteur de rattachement, soit l’exercice d’une liberté de circulation
soit l’application d’un texte de droit dérivé. Mais, quand il est question de valeurs, il est tentant d’ignorer
cette limite plutôt technique. C’est ce qu’illustre déjà l’arrêt Mangold dans lequel, à propos d’un cas
151
V., en dernier lieu, CJCE, 16 juillet 2009, Mono Car, aff. C-12/08. V., pour l’analyse, R. Kovar,
« L’interprétation des droits nationaux en conformité avec le droit communautaire », in Mélanges en l’honneur
de Jean Charpentier. La France, l’Europe, Le Monde, Paris, Ed. Pedone, 2008; S. Drake, « Twenty Years after
Von Colson: the impact of ‘‘indirect effect’’ on the protection of the individual’s Community rights”, European
Law Review, 2005, p. 329.
152
V. par ex. CJCE, 27 juin 2000, Océano Grupo, aff. jointes C-240/98 à C-244/98.
153
CJUE, 19 janvier 2010, Kücükdeveci, aff. C-555/07. V., sur cet arrêt, l’analyse complète d’E. Dubout, RTDE,
2010/2.
31
semblable, la Cour a en quelque sorte sollicité le facteur de rattachement, en invoquant une directive
d’application incertaine dans le cas d’espèce154.
Une dernière ligne jurisprudentielle mérite d’être évoquée, c’est celle qui fait obligation aux Etats
membres de créer les voies et procédures permettant aux particuliers de pouvoir protéger effectivement
les droits qu’ils tirent du droit de l’Union dans le cadre de litiges privés. Pour assurer l’effectivité du droit
de l’Union, la Cour va désormais au-delà du principe de l’action indemnitaire contre les pouvoirs publics
défaillants155 ; elle exige d’agir pour rétablir effectivement la symétrie des droits et obligations au sein de
la sphère privée. Cette « procéduralisation » du droit de l’Union a son siège dans le domaine du droit de
la concurrence156. Dans l’arrêt Courage du 20 septembre 2001 et la jurisprudence ayant consacré le
droit à réparation des victimes de pratiques anticoncurrentielles, les règles de concurrence ne sont plus
seulement envisagées comme règles d’encadrement des comportements des opérateurs économiques
mais comme des normes de protection de l’autonomie privée157. Ainsi, il ne saurait être exclu qu’une
partie à un contrat susceptible de fausser la concurrence puisse invoquer les règles du traité pour
demander réparation du préjudice subi par l’exécution de ce contrat, même si le droit privé interne rend
a priori impossible une telle action. Pour poser cette règle, la Cour se fonde à la fois sur l’effet utile et
sur la fonction sociale de protection des règles de concurrence. Semblables considérations se trouvent
également en matière de droit de la consommation lorsque la Cour tire de la directive « voyages et
circuits à forfaits » un droit à réparation du préjudice moral en faveur du consommateur ou encore dans
le domaine sociétal lorsqu’elle interprète la directive de lutte contre la discrimination raciste comme
obligeant l’Etat à prévoir des sanctions contre les employeurs fautifs158. L’opération consiste toujours à
déceler dans les règles du traité ou de directives des impératifs d’effectivité du droit de l’Union et de
protection d’intérêts particuliers pour leur faire produire des conséquences procédurales et
contentieuses dans les litiges entre personnes privées. Cette technique comporte un risque évident de
colonisation du champ des réglementations nationales de droit privé159. Afin de les éviter, la Cour paraît
encline, dans tous ces cas, à restreindre la portée de ses prescriptions. Aussi, après avoir posé des
principes d’action contentieuse, opère-t-elle le plus souvent des renvois au droit national et aux
juridictions nationales pour en régler les modalités procédurales et déterminer le résultat de chaque
action.
V. Justice transnationale et justice sociale en Europe
154
CJCE, 22 novembre 2005, Mangold, aff. C-144/04, point 75. V. cependant, en recul, CJCE, 23 septembre
2008, Bartsch, aff. C-427/06.
155
CJCE, 19 novembre 1991, Francovich, Bonifaci, e. a./ Italie, aff. jointes C-6/90 et C-9/90, Rec. p. I-5357.
156
V., sur ce point, les réflexions d’O. Odudu.
157
CJCE, 20 septembre 2001, Courage, aff. C-453/99 ; CJCE, 13 juillet 2006, Manfredi, aff. jointes C-295/04 à
C-298/04. V. C. Joerges, « Sur la légitimité d’européaniser le droit privé. Plaidoyer pour une approche
procédurale », Revue Internationale de Droit Economique, 2004, p. 133 ; N. Reich, « The ‘‘Courage’’ doctrine :
encouraging or discouraging compensation for antitrust injuries ? », Common Market Law Review, 2005, p. 35.
158
CJCE, 12 mars 2002, Leitner, aff. C-168/00 et CJCE, 10 juillet 2008, Feryn, aff. C-54/97. V., pour l’analyse,
N. Reich, « The public/private divide in European Law », in F. Cafaggi & H.W. Micklitz (eds.), European
Private Law After the Common Frame of Reference, Cheltenham, Edward Elgar, à paraître 2010.
159
V. C. Joerges, A. Furrer et O. Gerstenberg, “Challenges of European Integration to Private Law”, in
Collected Courses of the Academy of European Law, vol. VII, Book 1 (1996), Netherlands, Kluwer Law
International, 1999, p. 281.
32
Tous ces développements concourent à l’extension de l’emprise du droit de l’Union. Il importe donc de
les justifier. Distinguer suivant l’axe que nous avons proposé offre une piste intéressante. Une première
chose est frappante : il y a, semble-t-il, une forte affinité entre le choix de traiter une situation sous la
forme d’un rapport de droit public (pouvoir/responsabilité) et la présence d’un élément transnational
dans celle-ci. Tout se passe comme si c’est l’identification de l’élément transnational dans une situation
donnée qui provoquait la nécessité de créer un rapport structuré autour d’un pouvoir. Il est remarquable
que les affaires dans lesquelles la Cour reconnaît l’existence d’une autonomie juridique dans le chef de
personnes privées sont celles dans lesquelles étaient en cause des situations transnationales
potentiellement défavorisées. Cela lui sert à investir ces personnes d’une obligation de prendre en
considération les intérêts de ceux qui proviennent, qui se rendent ou sont établis dans un autre Etat
membre. La publicisation de la relation juridique sert à élargir le cadre de représentation des acteurs
qui, dans l’Union, sont en position d’affecter les intérêts des individus placés dans des situations
transnationales. Autrement dit, le droit de l’Union oblige les acteurs qui agissent sur un plan européen à
corriger leurs processus de décision lorsqu’ils sont trop exclusivement enfermés dans des cadres de
représentation nationaux et territoriaux160.
Si l’idée du droit public est bien liée à celle de la justice distributive161, disons alors que le « public »
dans le droit de l’Union correspond à une exigence de justice transnationale : de fait, en construisant
des rapports de cette forme, la Cour force certains acteurs à répartir autrement les biens dont ils ont le
pouvoir de réguler l’accès (marchés, professions, protection judiciaire, dispositifs de protection
sociale…). Ainsi, à l’identification d’un « pouvoir » doit correspondre la capacité de tenir compte
d’intérêts sous-représentés dans le cadre national162. Lorsque de tels intérêts sont menacés, on assiste
à un processus de responsabilisation de l’acteur concerné. Seulement, ce processus de
responsabilisation est constamment ambigu dans le droit de l’Union. Il combine en effet des éléments
de contrainte supranationale (la prise en charge des situations transnationales) et des éléments de
défense des valeurs nationales (le respect de l’identité nationale). La difficulté à laquelle se heurte cette
forme de traitement des rapports juridiques est de déterminer comment se combinent et se
hiérarchisent ces différents éléments. Dans quels cas faut-il interpréter les exigences de l’intégration à
la lumière du respect de l’identité nationale ? Et suivant quels critères faut-il opérer cet arbitrage ? En
tenant compte de l’approche majoritaire dans les Etats membres de l’Union ou en faisant droit à des
intérêts particulièrement dignes de protection, qui peuvent être européens ou nationaux163 ?
L’affirmation de principes de justice transnationale pose clairement le problème de la ligne de partage
entre l’ordre collectif européen et les ordres publics nationaux.
160
V. C. Joerges, « Sur la légitimité d’européaniser le droit privé. Plaidoyer pour une approche procédurale »,
Revue Internationale de Droit Economique, 2004, p. 133.
161
Cf. E. Weinrib, The Idea of Private Law, Harvard, Harvard University Press, 1995.
162
Sur cette idée, V. C. Joerges et J. Neyer, “‘Deliberative Supranationalism’ Revisited”, EUI Working Paper,
LAW 2006/20; M. Poiares Maduro, “Reforming the Market or the State? Article 30 and the European
Constitution: Economic Freedom and Political Rights”, European Law Journal, 1997, p. 55; pour une analyse
critique, A. Somek, The Argument From Transnational Effects I : Representing Outsiders Through Freedom of
Movement, The University of Iowa College of Law, N° 09-23, May 2009 (http://ssrn.com)
163
Sur ces questions, V. D. Ritleng, « De l’utilité du principe de primauté du droit de l’Union », RTDE, 2009/4.
33
Il paraît beaucoup plus difficile de justifier le processus de privatisation du droit de l’Union, tant ses
conséquences sont menaçantes pour l’intégrité des droits privés nationaux. Les techniques
d’institutionnalisation, de constitutionnalisation et de procéduralisation n’ont-elles pas pour effet
commun de mettre en péril l’autonomie du sujet privé dans les relations qu’il contracte avec d’autres
personnes privées164 ? La Cour a rejeté cette objection déjà dans les motifs de l’arrêt Defrenne,
déclarant qu’« on ne saurait retenir l’objection tirée du fait que l’application, par les juridictions internes,
du principe d’égalité de rémunération aurait pour effet de modifier ce que les parties ont convenu par
des actes relevant de l’autonomie privée ou professionnelle… l’article 119 ayant un caractère
impératif ». Pour autant, une justification instrumentale fondée sur la seule nécessité d’assurer
l’effectivité du droit de l’Union est loin d’être satisfaisante, car elle n’explique pas la volonté d’offrir des
protections autonomes à certaines parties privées. Il n’y a sans doute pas de justification unique à
l’ensemble de ces développements. Mais un point commun de référence peut être trouvé dans la
mention relative à « l’économie sociale de marché » introduite dans le droit de l’Union par le traité de
Lisbonne 165. Cette expression qui, d’une manière générale, entend refléter une recherche d’équilibre
entre valeurs économiques et valeurs non économiques dans tous les régimes affectés par le droit de
l’Union se trouvait déjà dans les motifs de l’arrêt Defrenne de 1976. Elle réapparaît dans les arrêts
Viking Line et Laval : « La Communauté ayant (…) non seulement une finalité économique, mais
également une finalité sociale, les droits résultant des dispositions du traité relatives à libre circulation
des marchandises, des personnes, des services et des capitaux doivent être mis en balance avec les
objectifs poursuivis par la politique sociale » ; et on la trouve d’une manière plus discrète dans la
jurisprudence en matière de lutte contre les discriminations et en matière de droit de la consommation.
En créant des obligations à la charge de personnes privées, il s’agit en réalité de corriger un
déséquilibre affectant les parties au litige du fait d’une interprétation de la situation trop favorable à l’un
des intérêts contradictoires que promeut le droit de l’Union. Mais remarquons que c’est toujours au prix
d’une certaine « axiologisation » des situations juridiques : il faut alors envisager les situations
individuelles comme la concrétisation de valeurs considérées comme essentielles à la conservation de
l’ordre économique et social européen. Cet ordre a été fixé sous la forme de l’équilibre que reflète
l’expression d’économie sociale de marché, de sorte que la justice corrective et transactionnelle du droit
privé est mise au service d’une forme de justice sociale reposant sur un équilibre de valeurs. Toute la
difficulté est alors de déterminer les modes et les conditions concrètes de conciliation entre ces valeurs.
Tout dépendra en dernière analyse de la manière de concrétiser les droits et obligations produits d’une
manière respectueuse des sphères d’autonomie des différentes parties correspondant aux exigences
contradictoires protégées par le droit de l’Union. Comment rendre effectif le précepte que la Cour
adressait aux autorités nationales dans son arrêt Promusicae, à savoir « assurer un juste équilibre entre
les différents droits »166 ? Et à qui revient la tâche d’assurer cet équilibre ? Il est évident que le renvoi à
164
V. M. Kumm, “Who is Afraid of the Total Constitution? Constitutional Rights as Principles and the
Constitutionalization of Private Law », German Law Journal, Vol. 7, No 4, 2006 (en ligne).
165
V. C. Joerges et F. Rödl, “Social Market Economy” as Europe’s Social Model ?”, EUI Working Paper, LAW
2004/8 (disponible en ligne).
166
CJCE, 29 janvier 2008, Promusicae, aff. C-275/06, point 68.
34
un équilibre général de valeurs ne suffit pas à offrir une base concrète suffisante à un équilibre réel des
intérêts en présence dans chaque cas. C’est ce dont témoigne déjà l’arrêt Laval jugé le 18 décembre
2007. Tout en reconnaissant aux syndicats de travailleurs le pouvoir de bloquer l’accès au marché
national, la Cour leur refuse le droit de se prévaloir utilement de la défense de l’ordre social
conventionnellement établi au niveau national. La conséquence en est que la situation des travailleurs
nationaux paraît sacrifiée sur l’autel des facultés élargies offertes par le droit du marché intérieur aux
opérateurs économiques placés dans une situation transnationale167. De quelle légitimité peuvent se
prévaloir l’équilibre ainsi établi et la Cour qui s’estime chargée de le mettre en œuvre ? Au nom de
quelle communauté d’intérêts juge-t-elle ainsi, en l’espèce ? L’établissement d’une justice sociale
élargie à l’échelle européenne pose le problème des conditions de réalisation des équilibres
concrètement atteints dans chaque cas et de leur légitimité.
VI. La structure triangulaire du droit de l’Union
Il manque peut-être un troisième terme à notre analyse : celui que désignent les études qui discernent,
à côté de la polarité classique public/privé, l’existence de situations relevant de systèmes sociaux
autonomes, qui ne sont imputables ni à l’autonomie publique ni à l’autonomie privée168. A ce troisième
terme pourraient être associées, dans le droit de l’Union, certaines des solutions rendues en matière de
droit à la mobilité des sociétés ou en matière de droit à la reconnaissance du nom de famille attribué
dans un Etat membre169. En pareils cas, en effet, un nouveau schéma apparaît : la Cour impose la
reconnaissance de situations constituées légalement dans un autre Etat membre, sous réserve du
respect des exigences d’ordre public et des cas de fraude170. Par là, la Cour oblige les Etats à
reconnaître des droits acquis dans les droits des autres Etats membres pour en faire la condition d’une
intégration économique ou sociale la plus complète possible dans leur droit et leur société. Elle se fonde
à cet effet sur un critère qu’elle a elle-même élaboré : le critère du « lien réel » avec une société
nationale171. L’existence d’un tel lien établi par rapport à une société d’origine ou à une société d’accueil
crée la condition suffisante à l’existence et à la jouissance de droits dans l’ensemble des sociétés
nationales composant l’Union. Ces droits – le droit de circuler et de séjourner, le droit à l’égalité de
traitement dans les avantages sociaux et fiscaux, et le droit à la reconnaissance de son identité –
permettent aux personnes physiques et morales de s’établir et de s’incorporer dans n’importe laquelle
des sociétés nationales composant l’Union.
167
V., en ce sens, notre étude : « The Court of Justice and the Social Market Economy : The Emergence of an
Ideal and the Conditions for its Realization », Common Market Law Review, Vol. 45, No 5, October 2008, p.
1335.
168
V. par ex. G. Teubner, « After privatisation? The many constitutions of private law », Current Legal
Problems, 1998, p. 393.
169
Sur la mobilité des sociétés : CJCE, 9 mars 1999, Centros, aff. C-212/97 ; 5 novembre 2002, Überseering,
aff. C-208/00 ; 30 septembre 2003, Inspire Art, aff. C-167/01 ; 16 décembre 2008, Cartesio, aff. C-210/06. Sur
la reconnaissance du nom patronymique : CJCE, 2 octobre 2003, Garcia Avello, aff. C-148/02 ; 14 octobre 2008,
Grunkin Paul, aff. C-353/06.
170
V. E. Pataut, « Le renouveau de la théorie des droits acquis », in Travaux du comité français de droit
international, Droit international privé – Années 2006-2008, Paris, Pedone, 2009.
171
V., en matière de citoyenneté de l’Union, C. O’Brien, « Real Links, Abstract Rights and False Alarms : The
Relationship between the ECJ’s ‘‘Real Links’’ Case Law and National Solidarity », European Law Review 2008,
33(5), p. 643.
35
On dira peut-être que cette jurisprudence est fondée sur l’exercice d’une pure autonomie privée, en
favorisant même des comportements opportunistes de tourisme légal, économique ou social. Mais ce
n’est là qu’un effet induit et parfois pervers d’une jurisprudence qui vise plutôt à favoriser la
multiplication des liens de rattachement avec les différentes sociétés de l’Union. Il s’agit, d’un côté, de
préserver des liens contractés dans la société d’origine sans compromettre, de l’autre, l’intégration
économique ou sociale dans l’Etat d’accueil. La personne privée est ainsi conçue comme le point
d’imputation d’une pluralité de liens établis dans différentes sociétés composant l’Union. Ce schéma
d’analyse conduit en pratique à l’octroi de droits individuels exercés contre l’Etat. Pourtant, il ne se
ramène pas non plus à un pur rapport de droit public. C’est qu’il ne s’agit pas d’assimiler des nonnationaux avec les nationaux, de réintégrer des intérêts inassimilés dans le mode de représentation du
pouvoir d’Etat ; il s’agit plutôt de faire de l’Etat le cadre de la constitution et d’expression d’identités
plurinationales, c’est-à-dire de l’obliger à reconnaître l’existence de liens singuliers et multiples établis
par des personnes isolées dans l’Union. Au fond, ce qui est en cause dans ces affaires de
reconnaissance juridique, c’est une reconnaissance mutuelle des corps sociaux nationaux172. Des
personnes ancrées dans des sociétés nationales doivent pouvoir être reconnues, dans leur identité, leur
statut et leurs droits, comme des « quasi-nationaux », ni nationaux ni étrangers (nationaux d’un autre
Etat), dans les sociétés des autres Etats membres avec lesquelles elles s’efforcent de créer des liens.
Ce développement du droit de l’Union a pour conséquence une dissociation entre les formes de
l’intégration politique, encore strictement nationales, et celles de l’intégration sociale élargies à l’échelle
d’un espace social faisant coexister différentes sociétés et une pluralité d’identités nationales. Un pôle
social émerge ainsi à côté des deux pôles public et privé, pour rendre compte de la complexité des
rapports juridiques créés par le droit de l’Union. L’exercice de déconstruction-reconstruction du droit de
l’Union auquel s’est livrée cette étude peut alors être synthétisé par le schéma suivant.
172
V. sur ce point notre étude : « La citoyenneté européenne, un statut d’intégration sociale », in Mélanges en
l’honneur du Professeur Jean Paul Jacqué, Paris, Dalloz, 2010.
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La valeur opératoire de ce tableau demeure faible, cependant. Elle réside essentiellement dans la
possibilité d’isoler des opérations typiques du droit de l’Union afin, d’une part, d’en circonscrire la portée
et, d’autre part, de les comparer avec les schémas constitués par d’autres ordres juridiques pour traiter
de situations semblables. Mais dégager des orientations générales et abstraites ne suffit pas. Il faut
certainement enrichir le tableau d’autres combinaisons et, surtout, essayer de fournir des précisions sur
les techniques de réalisation de chacune d’elles. Seules de telles précisions techniques pourront
permettre de traiter les difficultés identifiées dans l’affirmation de principes de justice transnationale et
de justice sociale à l’échelle européenne. Or, sur ce point, le travail, dans et hors de la jurisprudence, a
à peine commencé.
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