La pêche crevettière est un secteur exportateur très

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La pêche crevettière est un secteur exportateur très
Cogestion de la peche crevettiere et protection de la biodiversite a madagascar
Dominique ROJAT
Agence Française de Développement
5, rue Roland Barthes - 75598 PARIS Cedex 12 - France
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Mamy ANDRIANTSOA
Directeur de la Pêche et des Ressources Halieutiques
BP 1699 - Antananarivo 101 - Madagascar
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MOTS-CLES : cogestion ; pêche crevettière ; Madagascar ; captures accessoires ;
biodiversité ; pêche responsable.
RESUME
La pêche crevettière est un secteur exportateur primordial pour Madagascar, avec une
production de 10 000 tonnes par an pour une valeur de 75 millions USD. A la suite d’un
développement initial insuffisamment maîtrisé, le dialogue instauré entre l’Etat et le secteur
privé à partir de 1994 a permis de faire progresser la situation dans tous les domaines. Un
programme de recherche, un centre de surveillance et un observatoire économique ont été mis
en place, et le système d'attribution des licences a été réformé. Grâce à ce mécanisme de
cogestion, la pêcherie a été stabilisée et a obtenu des résultats économiques spectaculaires.
Elle a également progressé vers la coopération entre les pêcheurs industriels et traditionnels et
la protection de la biodiversité, et elle est désormais en voie d'obtenir l'écocertification.
DESCRIPTION DU SECTEUR ET NAISSANCE DU GAPCM
La filière crevettière, incluant pêches et aquaculture, est à la fois l’une des principales sources
en devises de Madagascar mais également un employeur majeur dans ce pays en
développement avec un PIB per capita de 260 USD. Elle est donc considérée comme
stratégique au niveau national.
La pêcherie (hors aquaculture) a été stable sur la dernière décade, avec des captures annuelles
de 10 000 à 12 000 tonnes. La pêche industrielle comprend 70 chalutiers pour 9 000 tonnes de
production contre 36 chalutiers et 1 000 tonnes pour la pêche artisanale. Ces flux représentent
52 millions d’Euros et environ 5000 emplois directs. Les captures de la pêche traditionnelle,
opérant avec des pirogues non motorisées, sont de 1 000 à 1 500 tonnes.
La pêche est très proche du rivage, ce qui est une source de conflits entre pêche industrielle et
pêche traditionnelle. Les captures accessoires de poissons et de tortues marines sont aussi un
sujet de préoccupation.
Au milieu des années 1990, l'attribution discrétionnaire des licences de pêche, la compétition
exacerbée entre armements et la perte de confiance entre l'Etat et le secteur privé avaient
entraîné une grande instabilité et des menaces sérieuses sur le devenir de la pêcherie. Le
Groupement des Armateurs à la Pêche Crevettière de Madagascar (GAPCM), créé en 1994
dans ce contexte difficile, a été la première étape de la cogestion du secteur.
UN NOUVEAU MODE DE GOUVERNANCE
Dans le cadre du dialogue instauré entre le gouvernement et le secteur privé, et avec l’appui
de l’Agence Française de Développement, du Ministère français des Affaires Etrangères et du
Fonds Français pour l’Environnement Mondial, un programme de recherche, un centre de
surveillance des pêches et un observatoire économique ont été mis en place, la pêcherie a été
stabilisée, et le système d'attribution des licences a été profondément réformé, en 2000, dans
un sens plus transparent et équitable (figure 1).
3. Un nouveau mode de gouvernance 3. Un nouveau mode de gouvernance
¾
Programme National de Recherche Crevettière (1997)
¾
Centre de Surveillance des Pêches (1999)
¾ Partenariat public-privé : termes de l’échange :
Décisions arbitraires
et fraude découragées
¾ Mesures de gestion
pertinentes et acceptables
¾ Auto-renforcement
¾ Favorise durabilité,
efficacité, équité
¾
=> Décret 2000-415 :
¾
Gel de l’effort de pêche et système de suivi des navires
¾
Licences : 20 ans, transférables, maintien et
renouvellement lié à la performance économique
¾
Annulation des droits exclusifs
¾
Observatoire Economique
Droits sécurisés
Information
et conformité
aux règles
Etat
Entreprises
¾ Capacité à traiter les questions sociales et environnementales
Figure 1 : Le nouveau mode de gouvernance institué grâce à la cogestion de la pêcherie entre
l’Etat et le secteur privé (extraits du diaporama de présentation de la communication)
DES RESULTATS ECONOMIQUES, SOCIAUX ET ENVIRONNEMENTAUX
La cogestion a d’abord entraîné une amélioration spectaculaire des résultats économiques :
ainsi le prix de la crevette malgache est resté stable alors que les prix du marché mondial
déclinaient fortement, et le gain net de valeur ajoutée qui en est résulté sur les années 2000 à
2002 a atteint 27 millions d’Euros, soit la moitié de la valeur des exportations (figure 2). Cette
performance est due à un effet taille (les crevettes malgaches issues d’une ressource bien
gérée étant de gros calibre) et à un effet spécifique sur les prix des exportations : les
entreprises, dont certaines avaient des participations dans des sociétés de commercialisation à
l’étranger, ont été fortement incitées, grâce à la transparence apportée par l’observatoire
économique et au risque de retrait des licences en cas de mauvaise performance, à réaliser de
meilleurs prix qu’auparavant.
Un calcul avantages/coûts utilisant comme avantage le gain de valeur ajoutée de 27 millions
d’Euros évoqué plus haut, et en coûts l’ensemble des charges liées à la cogestion, y compris
l’appui des bailleurs de fonds et l’assistance technique depuis la création du GAPCM, a donné
un ratio de 1,5.
Parallèlement, l’Etat, dont les recettes fiscales étaient négligeables jusqu’en 1994, a pu
prélever une part croissante de la rente de la pêcherie, atteignant 8 % de la valeur des captures
à partir de 2002 (figure 2).
4. Résultats économiques
4. Résultats économiques
3,5
Indice Urner-Barry
3,0
1996
1999
2000
2001
50
1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003
2000
2001
Revenus
licences
license des
revenues
2002
Exportations
export
earnings
20
02
4,0
Crevette de Madagascar
20
03
4,5
100
0
20
00
5,0
150
2
20
01
5,5
4
19
99
6,0
Redevances
sur les
License
Feelicences
History de pêche
(% de la valeur des captures)
9
8
7
6
5
4
3
2
1
0
19
98
6,5
200
19
97
7,0
Millions USD
courants
$ million
6
Valeur ajoutée incluse par tonne, observée et simulée
19
95
7,5
Partage de la rente
19
96
Comparaison des prix de la crevette
8,0
Millions de FMG constants 2002
USD/kg
Supplément de valeur ajoutée / tendances du marché
2002
Gain net de VA 2000-2002 : 27,2 M Euros,
Euros,
50 % de la valeur export, ratio avantage/coût de 1,5
¾ Effet taille
¾ Effet prix
Les revenus des licences évoluent parallèlement aux recettes d’exportation
et passent de 1 % à 8 % de la valeur des captures
Figure 2 : Les résultats économiques de la pêcherie (extraits du diaporama de présentation de
la communication)
La pêcherie a également progressé vers la coopération entre les pêcheurs industriels et
traditionnels, avec la mise en place à partir de 2003 de zones d’aménagement concerté où doit
se dérouler un processus de dialogue aboutissant à des contrats de gestion, à des mécanismes
de coopération économique (organisation de filières de collecte, crédits de campagne) et à des
actions de développement local.
Enfin, diverses actions ont été réalisées principalement sur l’initiative des professionnels, et
de manière progressive, dans les différentes zones de pêche :
Changements apportés aux engins de pêche
- diminution de la corde de dos et augmentation du maillage des chaluts
- abandon des chaînes racleuses
- suppression des chaluts jumeaux
- dispositifs de réduction des captures de poissons et de tortues.
Changements dans les stratégies de pêche
- allongement des périodes de fermeture
- alternance de la pêche nuit/jour au cours de la saison
- réduction de la durée des traits de chalut.
Ces actions avaient un triple objectif d’optimisation des rendements, de réduction des
consommations énergétiques (et donc de diminution des pollutions directes par le CO2 et
induites par les lubrifiants) et de diminution des captures accessoires de poissons et de tortues.
Les plus importantes parmi les mesures mises en œuvre par les professionnels ont été reprises
dans la réglementation ; ainsi les dispositifs d’échappement de tortues ont été rendus
obligatoires en 2004.
La tendance à l’augmentation de la valeur ajoutée est déjà perceptible même si les résultats
définitifs ne sont pas encore disponibles.
Concernant les tortues, des actions de formation des équipages et de suivi et marquage des
animaux sont en cours.
Concernant les captures accessoires de poissons, l’objectif des professionnels a été de réduire
à la fois les captures par l’installation de dispositifs d’évitement, afin d’éviter un gaspillage
écologique, et les rejets des poissons qui sont capturés malgré les mesures prises, afin d’éviter
un gaspillage nutritionnel pour Madagascar où sévit une sous-alimentation en protéines. La
réglementation impose désormais aux entreprises de pêche de débarquer un quota de 0,5 kg de
poisson par kg de crevette pêche, et 3 000 tonnes ont été effectivement débarquées en 2004
(figure 3).
6. Valorisation du poisson
Refrigepêche
¾
¾
Captures accessoires de poissons :
réduction simultanée des captures et
des rejets
Coopération avec les pêcheurs
traditionnels : collecte
Figure 3 : Valorisation du poisson
(extrait
du
diaporama
de
présentation de la communication)
X. Vincent/GAPCM
¾
¾
¾
¾
Réglementation : 0,5 kg de poisson à
débarquer par kg de crevette pêchée
Engagements de débarquement
Commercialisation à travers le marché
3 000 tonnes en 2004
Ainsi la protection de la biodiversité est rapidement devenue un objectif central de gestion de
la pêcherie. Le cadre institutionnel de la cogestion a permis de l’atteindre avec des mesures à
la fois efficaces et acceptables pour les professionnels, voire promues par eux.
CONCLUSION : UNE PECHERIE RESPONSABLE
La pêcherie de crevettes de Madagascar est en passe de réunir tous les critères d’une pêcherie
responsable au sens du Code de conduite de la FAO (durabilité, valorisation, responsabilité
sociale et environnementale) et elle est sur la voie de l’écocertification en collaboration étroite
avec le WWF.
Cette expérience réussie montre que le secteur privé est capable d’initiatives en faveur de la
biodiversité dès lors que celles-ci sont rentables et sanctionnées par le marché, comme c’est le
cas pour la certification.
Elle montre également que la cogestion est doublement gagnante à trois niveaux : collectivité
nationale et secteur privé ; pêcheurs industriels et traditionnels ; développement et
préservation de la biodiversité. Elle justifie les investissements institutionnels que peuvent
faire les entreprises, les Etats et les bailleurs de fonds en vue de créer des mécanismes qui
intègrent des apports de différentes origines et en particulier de différentes disciplines
scientifiques, afin de formuler des décisions de gestion des ressources renouvelables au mieux
des intérêts communs. Ainsi elle donne du sens aux liens indispensables entre bonne
gouvernance et développement durable.
REFERENCE :
Rojat D., Rajaosafara S., Chaboud C., 2004, Co-management of the Shrimp Fishery in
Madagascar, Proceedings of the 12th International Institute of Fisheries Economics and Trade
Conference, Tokyo, July 2004.
Pour en savoir plus : http://www.madagascar-contacts.com/gapcm/