Cégep de Lévis-Lauzon Édition printemps 2013
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Cégep de Lévis-Lauzon Édition printemps 2013
Cégep de Lévis-Lauzon Édition printemps 2013 L’Empreinte 2 Sommaire Présentation............................................................3 Réflexion..................................................................3 Des idées et des Hommes Consommation et totalité : sur la gestion commerciale du corps social...............................4 Réintégrer l’éducation à la sexualité au secondaire? ABSOLUMENT!...................................5 Nietzsche, l’Art et l’Absurde..................................5 Le mariage homosexuel........................................6 Castoriadis, un penseur intègre et insoumis........6 Le bonheur est une illusion....................................7 Chronique d’un voyageur Du Tibet indien à l’Amérique chinoise.................8 Des poètes entre nos murs L’acceptation..........................................................10 Le mal du vide........................................................11 Parcelle d’éternité .................................................12 Récit Passionnel......................................................13 Des auteurs et des récits Cheval-vapeur.......................................................14 Comment allez-vous aujourd’hui?.......................14 La Vie ensoleillée...................................................14 Le Ciel Bleu.............................................................15 Le temps des sucres...............................................15 Sélection naturelle.................................................15 Une Chine des plus horribles.................................16 Le papillon...............................................................17 Concours Mystère et horreur Si je vous appelle...................................................18 La forêt.....................................................................19 Destinée..................................................................19 Cicatrice..................................................................20 À vos écrans! The Walking Dead : télésérie.................................22 Laurence Anyways.................................................22 La rafle.....................................................................23 Napoleon Dynamite Le comble de l’absurde!....23 Critique du film L’Infiltrateur...................................24 L’infiltrateur : une œuvre cinématographique qui saura vous couper le souffle...........................24 Critique du film Je veux vivre................................24 Le papillon...............................................................25 Critique du film L’histoire de Pi..............................25 L’homme qui voulait vivre sa vie..........................26 Mr. Nobody.............................................................26 7 ans après… WOW!...............................................27 Le monde de Charlie.............................................27 Livres Cinquante nuances de critiques... Cinquante nuances de Grey : plus de peur que de mal.............................................................27 Un roman français..................................................28 Voyage au bout de la nuit : une esthétique du vide....................................................................28 Témoignages Des parents de retour aux études L’avenir est à ma portée !......................................29 Maman retourne sur les bancs d’école...............29 Points de vue des spécialistes Programme Cinéma et Hypermédia Critique du film Amour chiennes..........................30 Un film de Baz.... Pardon, Ralph Fiennes..............30 Critique du film Les Intouchables.........................30 Je suis peut-être mort............................................31 Critique du film Voice Over...................................31 Critique du film Henry............................................32 Henry, de Yan England : un film touchant...........32 Présentation N ous sommes très fiers de vous présenter l’édition printanière du journal L’Empreinte, qui réunit les fruits d’une créativité propre à notre cégep! Cette édition vous séduira par la variété et la qualité des textes qui y figurent. Vous y trouverez de courts récits, entre autres ceux qui ont été primés dans le cadre du concours « Mystère et horreur » lors de la Journée de la littérature. À lire absolument. La section « Carnet de voyage » vous amène au Tibet et en Chine, non seulement par le texte mais aussi par l’image : un délice. Les poèmes, les textes de création, les témoignages et les textes de réflexion vous feront apprécier tout le talent qui bouillonne en nos murs. Enfin, les critiques de films, de séries télévisées et de livres constituent des incontournables, qui inciteront les plus curieux, qui sait, à meubler leurs loisirs en fonction des commentaires de ces connaisseurs. Merci à tous les collaborateurs, élèves et professeurs, de contribuer à cet espace de partage en y laissant votre marque. Merci à Meggy Bélanger et à Laurence Savard-Labbé, étudiantes en Techniques de bureautique, pour le travail de mise en page, ainsi qu’à Martin Hardy qui leur a prodigué ses judicieux conseils. Dans le confort du salon, au bord de la piscine ou à la plage, ou encore entre deux examens, L’empreinte vous procurera de très bons moments de lecture et de belles surprises. Luxe, calme et volupté toutes choses que nous vous souhaitons au fil de vos lectures. L’équipe de professeurs qui encadrent cette édition Pascal Ouellet, Philosophie Marie-Pierre Gagné, Lettres Johanne Brochu, Bureautique Réflexion Paul-Hugo Ang-Houle Sciences de la nature A lors voilà, commençons cette « opinion », cet « argument » ou plutôt, sans guillemets cette fois-ci, un simple constat. Je lui donne un ordre de constat, mais j’ai peut-être tort, dieu sait. C’est ce que je crois comprendre présentement de la soupe de gens dans laquelle je vis. Mais bon, ce qui me gruge, démange, pique, c’est plutôt un sort duquel je suis victime et qui se traduit par un mot bien sobre. La crise. Une petite crise au milieu de problèmes un peu plus nobles, certes, mais une petite crise à pleurer quand même. En somme, le problème est ici que je pense que nous ne nous arrêtons tout simplement plus. Aux feux rouges et pour recharger son téléphone peut-être, mais mis à part cela, non. Plus vraiment. Chacun de nos gestes retentit dans les catacombes sourdes de la mémoire de tous, simplement assez pour être remarqué et souvenu, par soimême bien sûr, mais principalement pour notre voisin, les étrangers dans la rue, le chien errant. Nous sommes des machines à mourir, et je crois bien que, quitte à nous battre pour avoir quelques dollars de plus dans nos poches, il faudrait se battre pour que les gens comprennent que la vie, c’est du temps. Et du temps, ça se dépense mieux quand on profite de chacune des secondes. Alors pourquoi même essayer de se dépêcher? Personne n’est à blâmer, nous sommes tous coupables. Après tout, ce n’est pas notre faute, n’est-ce pas? Nous avons étés éduqués comme ça, machinés par une société où la croyance que de pouvoir s’offrir un troisième rein en or est essentiel. Perdant progressivement le sens de la contemplation, du petit comme du grand, du large comme du mince, de l’important comme du néant. Et voilà, servie sur un plateau en bois, une crise, que je crois importante à régler, au moins dans les trois prochaines minutes de lecture que durera cet article. Car vraiment, je me rends compte de jour en jour de ce décalage, une espèce d’obsession à s’attarder à une grande image. Une image où l’on voit en perspective des aspects sociaux, personnels, on essaie d’englober en même temps l’éducation, l’économie, l’environnement, le bien-être des générations futures, la préservation de la tradition, tout en gardant un œil sur l’importance de rester une société évolutive, progressiste. Bref. Vous comprenez que ça devient rapidement un foutoir incroyable. Un foutoir essentiel, c’est vrai, mais quand même, un foutoir qui nous donne le goût plus souvent qu’autrement d’arrêter de faire des efforts et de se dédier à empiler les unes par-dessus les autres des bouteilles en verre dans un coin de notre maison, recroquevillé sur nos livres d’enfance. Je dis que la contemplation, toute contemplation, manque au quotidien. Un mode de vie où l’on s’arrête réellement, pour observer, contempler, se rappeler. Rien de plus. Dans l’émerveillement, se ressourcer du ralentissement de quelques petites secondes s’étirer en heures, puis rester là à fixer pour des jours. C’est bien. Voyez-vous, il en résulte un sentiment de satisfaction assez profonde, un mélange d’excitation, suivi d’un profond calme. Le calme. La plénitude. Le silence. C’est beau. La complétion de chacun de ses sens dans une courte seconde. Revivre le froid de la peur, les larmes de sa mère, le toucher du bois. S’imaginer pour un instant que le temps n’est plus. Figé. Je la mentionne, cette beauté, pour l’arrêt du temps, mais franchement, le problème qui se dicte clairement ici n’est que la beauté n’est plus considérée dans le choix. On ne pense plus de l’esthétique comme étant un besoin, une émotion plutôt basique, on l’exécute sous testament de praticité, d’argent, de temps, et même paradoxalement, d’apparence. Nous avons pratiquement arrêté de nous stationner pour vivre dans un moment, rendus pressés par la routine, rendus stressés par la routine, robotisés, ou presque. Nous perdons de vue que l’esthétique est un merveilleux vecteur de communication humaine. Même si le médium ne peut parvenir que d’une perspective, d’un fond de souvenir, d’un froissement de peau. Nous ne croyons plus en ce qui est simplement mouvant. En fait, répressions tranquillement faites envers celle-ci, nous en venons à devenir amers, à dénigrer paisiblement l’homme qui oublie son existence pour s’enivrer ne serait-ce qu’une seconde d’une seconde, d’un toit, d’un son. Continuant dans ce chemin de diffamation, nous ne pourrons plus communiquer sans les mots, d’individu en individu, sans la barrière des mots et du corps, d’ici un temps déjà dépassé. Ce silence symphonique. Cette extension n’est que le constat où la beauté n’est qu’un élément, beauté répartie bel et bien partout. Enfouie dans les crevasses de mains sales, dans la peluche d’un nuage. Il ne faut pas beaucoup de raisons pour porter fièrement le sourire sincère. Sourires entre amis. Sans un mot, sans un geste. Simplement par un émerveillement en coin. 3 L’Empreinte 4 Des idées et des Hommes Consommation et totalité : sur la gestion commerciale du corps social Joseph K. Sciences humaines - Profil Sociétés-Monde L orsque Gilles Lipovetsky publie en 1983 ses « Essais sur l’individualisme contemporain », il se propose d’étudier la « désaffection généralisée qui ostensiblement se déploie dans le social, avec pour corollaire le reflux des intérêts sur des préoccupations purement personnelles, et ce, indépendamment de la crise économique1. » Cette phrase exprime éloquemment l’une des antinomies fondamentales du capitalisme avancé : comment la perte de sens qui caractérise notre époque peut-elle cohabiter avec la survalorisation de l’unicité, comment faire l’éloge d’un Individu qui n’a jamais été aussi peu signifiant dans le cours du monde? Il semble qu’une partie de la réponse à cette problématique, aussi lourde de sens soit-elle, doit être trouvée dans l’étude du processus de marchandisation du monde, dont le roman 99 francs dresse à la fois le portrait et la critique. Ce livre illustre effectivement comment l’organisation sociale en est venue à tenir un discours unique, qui réduit l’être humain à son pouvoir d’achat et qui incorpore à sa logique la totalité de l’existence. Un approfondissement de ces thèses permettra ultimement d’exposer en quoi ce processus de marchandisation représente une entrave à l’expression de notre humanité. Le livre 99 francs se propose effectivement de dénoncer la mentalité de l’Homo œconomicus, dont la vision du monde ne considère que les valeurs comptables. Nos vies sont dès lors privées de leur contenu existentiel et normatif, en devenant de simples prolongements de la production : « Qui s’assemble, se ressemble – or toi aussi tu es vendu au Grand Capital2. » Nos sociétés évoluent dans un espace économique dont la seule finalité est le profit personnel, une oppression pernicieuse parce que diffuse, qui ne s’articule pas autour d’un certain nombre d’instances facilement identifiables, mais qui résulte plutôt de l’adjonction des intérêts privés et des illusions sur le bien-être général : « Cette civilisation repose sur les faux désirs que tu conçois. Elle va mourir et ce sera ta faute3. » Cette homogénéisation de la collectivité repose notamment sur un discours qui occulte les inégalités concrètes au nom d’une égalité factice devant la marchandise : nous sommes foncièrement identiques face à la valeur d’usage d’un produit, chacun d’entre nous peut chercher à satisfaire un besoin spécifique au moyen d’un objet donné : « Le besoin étant indexé sur la valeur d’usage, on a une relation d’utilité objective ou de finalité naturelle devant laquelle il n’y a plus d’inégalité sociale ou historique. Au niveau du bifteck (valeur d’usage), pas de prolétaire ni de privilégié4. » Ce discours est trompeur parce qu’il omet les iniquités devant la valeur d’échange d’une marchandise, valeur qui prime ontologiquement sur la valeur d’usage dans le paradigme capitaliste (il suffit de constater la quantité de nourriture mise aux poubelles par les épiceries, à défaut d’avoir été vendue avant son expiration). Le discours publicitaire, à la fois extension et apologie du mode de production dominant, nous invite tous et toutes à nous définir par l’entremise de standards de consommation : « Pour la première fois dans l’histoire de la planète Terre, les humains de tous les pays avaient le même but : gagner suffisamment d’argent pour pouvoir 1 LIPOVETSKY, Gilles. L’ère du vide : Essais sur l’individualisme contemporain. Éditions Gallimard, Saint-Armand, 2009, p. 72 2 BEIGBEDER, Frédéric. 99 francs. Éditions Gallimard, Barcelone, 2011, p. 75 3 Ibid., p. 79 4 BAUDRILLARD, Jean. La société de consommation. Éditions S.G.P.P., Paris, 1970, p. 88 ressembler à une publicité5. » Ce discours exécute conséquemment deux tâches distinctes. D’une part, il uniformise l’espace social et le conforme aux diktats de la consommation dirigée. D’autre part, il permet l’oubli des contradictions réelles et impose une vision du monde qui s’intronise comme achèvement de l’humanité. Il ne reste donc plus qu’à apprécier ce qui est, sans remettre en question le statu quo : « Alors zou, entrez dans la danse6. » Il est en définitive manifeste que 99 francs expose et condamne la perte de sens, tant individuelle que collective, qui afflige notre époque et qui scelle « le triomphe de la connerie calculée et méprisante sur la simple et naïve recherche du progrès humain7 », un appel au changement dont l’actualité ne sera jamais démentie. Les répercussions du processus de marchandisation dont il est ici question ne se limitent toutefois pas à la substitution de la liberté apparente que comporte la diversité monotone des produits offerts à l’autonomie réelle. En effet, ce phénomène comprend également des incidences éthiques qu’il s’agira ici d’étudier. En subsumant la totalité de l’existence humaine dans les catégories de la rentabilité économique, le processus de marchandisation réduit nos horizons conceptuels et prive conséquemment la pensée de sa transcendance, de sa capacité à se projeter au-delà du registre des faits : « Partout les mailles se resserrent selon le modèle de l’échange. L’espace qui reste à la conscience individuelle se rétrécit; elle est de plus en plus préformée8. » Cette intégration progressive de toute conscience à la logique du marché limite nos possibilités d’action face à ses contradictions et nous empêche de concevoir une autre structure d’allocation des richesses et de distribution du pouvoir. Il suffit de voir le sort réservé à la culture par le mode de production dominant, cette dernière devant « se plier totalement aux exigences de l’humanité magiquement changée en clientèle par ses fournisseurs. Au nom des consommateurs, les responsables éliminent de la culture ce qui en dépasse l’immanence totale dans la société existante et ne laissent subsister que ce qui y remplit une fonction univoque9. » En l’administrant comme un bien de consommation, le paradigme capitaliste prive la culture de ses potentialités critiques et la soumet à une formule standardisée, appliquée à un contenu neutralisé par la censure et qui n’a d’autre portée que de divertir. Ces constats ne laissent pas de place à l’équivoque : le processus de marchandisation, comme discours ne permettant pas l’émergence de l’Autre et ne reconnaissant pas son droit à l’existence, nous prive de la pensée en tant que négation, de cette qualité humaine fondamentale qui nous permet de désirer activement le changement social et de s’affranchir conséquemment de la fatalité apparente du statu quo. C’est donc une partie de ce qui nous définit en tant qu’êtres humains que nous cédons si nous acceptons passivement l’hégémonie de la rationalité économiste sur nos vies. Tout bien considéré, l’individu postmoderne10 se présente au sein du paradigme dominant non pas comme l’agent premier du devenir collectif, mais plutôt comme une unité sérielle dans la production du toujours-semblable. Il appert dès lors que la propension déshumanisante de la logique marchande, qui a été décrite avec brio par 5 Op. Cit., Beigbeder p. 33 6 Ibid., p. 258 7 Ibid., p. 42 8 ADORNO, Theodor. Prismes : Critique de la culture et société, Éditions Payot, Paris, 2010, p. 10 9 Ibid., p. 17 10 L’emploi du terme « postmoderne » renvoie ici à la pensée de JeanFrançois Lyotard et est utilisée par conséquent dans ce sens particulier. Beigbeder dans 99 francs, est un phénomène contre lequel nous devons lutter par tous les moyens à notre disposition, à commencer par une activité réflexive qui ne doit céder ni à la barbarie, ni à la complaisance. Une société en contradiction avec son propre concept, soit celui d’humanité, ne saurait être libre, et c’est à cette réalité que nous devons résister.. Réintégrer l’éducation à la sexualité au secondaire? ABSOLUMENT! Josée Turmel Sciences de la nature D epuis le Renouveau pédagogique en 2000, les cours de Formation personnelle et sociale, qui comprenaient un volet sur la sexualité, ont graduellement été enlevés du programme scolaire au secondaire. En effet, les finissants de 20082009 ont été les derniers à recevoir ces cours, dans lesquels on traitait aussi de sujets comme l’avortement, la drogue ou l’alimentation. Depuis, la sexualité n’est plus abordée sauf dans un volet anatomique du cours de science de 3e secondaire. Par ce changement, le gouvernement a banalisé et empêché les retombées positives importantes engendrées par l’enseignement d’une vie sexuelle saine. En tout et pour tout, l’éducation doit viser le plein épanouissement de chacun. La sexualité, spécialement chez les adolescents, fait partie intégrante du développement. Alors, il faut réintégrer des cours portant sur ce sujet au programme scolaire, dans le but de développer des attitudes et des comportements sexuels responsables, et de faire des choix éclairés. La sexualité, parfois sexiste et stéréotypée, doit être vue d’un œil critique pour briser certains tabous et favoriser des rapports égalitaires. Il est important que, dans un milieu et un contexte favorables, on puisse s’exprimer et discuter de rapports égalitaires, de contraception et de consentement pour répondre aux nombreuses interrogations des étudiants et étudiantes. En conséquence, il est indispensable de remettre au programme du secondaire un cours qui touche à la sexualité. Ce retour ne peut qu’apporter du positif chez les jeunes. Il est très important que les jeunes soient connaisseurs et alertes face aux infections transmissibles sexuellement et par le sang (ITSS), qui sont actuellement en augmentation chez les 15 à 24 ans au Québec1. Selon le ministère de la Santé et des Services sociaux, le nombre de cas, entre autres de syphilis, a plus que doublé entre 2007 et 20112. Il faut tenter de freiner cette hausse en rétablissant un minimum d’instruction pour tous les jeunes. En ce moment, les élèves qui terminent leur secondaire n’ont pas un portrait clair des impacts (majeurs!) dont ils peuvent être victimes s’ils contractent une ITSS. Comment éviter une grossesse non désirée? Mes rapports amoureux sont-ils sains? Aucune discussion éthique n’est au programme. Croyez-vous que les forums sur Internet sauront répondre adéquatement aux nombreuses interrogations des jeunes en pleine puberté? Toutes les ressources ne sont pas bonnes à consulter : beaucoup de fausses et de mauvaises informations sont malheureusement prises au sérieux. On dit même que les jeunes apprennent à partir de la pornographie, ce qui a de lourdes conséquences. Par exemple, l’estime de soi peut être grandement atteinte 1 MINISTÈRE DE LA SANTÉ ET DES SERVICES SOCIAUX. « Portrait des infections transmissibles sexuellement et par le sang (ITSS) au Québec : Année 2011 (et projection 2012) », [en ligne], document consulté le 21 mars 2013. <http://publications.msss.gouv.qc.ca/acrobat/f/ documentation/2012/12-329-01W.pdf> 2 Idem 1 à cause d’images malsaines et artificielles montrées à répétition. Il faut donner à tous quelques heures d’information et de discussion sur une sexualité saine avec un enseignant qualifié. On peut le faire : on l’a toujours fait avant 2000. On dit que la réforme voulait faire valoir la responsabilité des parents envers leurs enfants, mais on n’a pas tenu compte que beaucoup de jeunes et de parents ne sont pas, malgré leur volonté, à l’aise d’en parler ouvertement. Cette réforme de l’éducation n’a pas fait le bon choix en supprimant cette partie intégrante de l’éducation personnelle. Oui, il faut donner plus de place aux mathématiques et au français, mais la société n’ira pas plus loin si elle coupe dans l’essentiel du développement social, entre autres, dans l’éducation sexuelle. Nietzsche, l’Art et l’Absurde Meursault Sciences humaines - Profil Sociétés-Monde « Je suis convaincu que l’art est la tâche suprême et l’activité véritablement métaphysique de cette vie1. » En s’exprimant ainsi dans sa dédicace à Wagner pour La naissance de la tragédie, Nietzsche énonçait les fondements de sa théorie esthétique, qui occupe une place centrale dans ses réflexions. L’Art n’a effectivement pas un statut secondaire dans la pensée nietzschéenne : il se présente à la fois comme le soubassement de tout questionnement existentiel et comme l’expression d’une « formule d’acquiescement supérieur […] un oui dit sans réserve à la vie, et même à la douleur, et même à la faute, à tout ce qu’il y a de déroutant et de problématique dans la vie2. » L’Art se comprend chez Nietzsche sous deux perspectives : d’une part, il manifeste l’être. D’autre part, il est un modèle existentiel. L’une des notions au cœur de la pensée nietzschéenne est la volonté de puissance, qui désigne une force dont tous les êtres vivants sont investis, « le caractère fondamental de tout étant3. » Or, l’Art permet de manifester cette volonté de puissance et met en évidence que la saisie de cette dernière est intuitive et non conceptuelle. En effet, l’apparence esthétique se donne dans l’immédiateté et n’est donc pas appréhendée par la médiation du concept (le bien, la raison, la transcendance, etc.). L’Art révèle également le fond de l’être, le tragique de l’existence. Il se propose effectivement de présenter la vie au-delà des représentations que nous avons de certains de ses aspects et parvient dans ce mouvement à saisir ce qui échappe fondamentalement à toute conceptualisation, soit la fatalité de la souffrance et de la mort. L’Art est donc cet espace où la subjectivité se confronte dans sa capacité à accepter la dureté de la vie, une épreuve morale qui expose le rapport entre le domaine artistique et la réflexion sur l’existence : « Nietzsche paraît être le seul artiste à avoir tiré les conséquences extrêmes d’une esthétique de l’Absurde, puisque son ultime message réside dans une lucidité stérile et conquérante et une négation obstinée de toute consolation surnaturelle4. » La pratique esthétique nous permet donc d’appréhender l’existence dans sa vérité et de ne pas tenter de fuir le fatum de la condition humaine. 1 NIETZSCHE, Friedrich. La naissance de la tragédie, Éditions Gallimard, Paris, 1949, p. 20 2 NIETZSCHE, Friedrich. Ecce Homo, Éditions Gallimard, Paris, 1974, p. 78 3 HEIDEGGER, Martin. Nietzsche, Éditions Gallimard, Paris, 1971, Tome I, p. 36 4 CAMUS, Albert. Le mythe de Sisyphe, Éditions Gallimard, Paris, 1973, p. 184 5 L’Empreinte 6 Le mariage homosexuel Jessica Nadeau Sciences de la nature - Profil Action-Sciences L e mariage est une grande étape dans la vie. La plupart des gens veulent franchir cette étape un jour ou l’autre, tant les hétérosexuels que les homosexuels. Malheureusement, la question du mariage entre personnes de même sexe n’est pas encore réglée. Au Canada, le mariage civil entre conjoints de même sexe est légal sur l’ensemble du territoire canadien, depuis juillet 2005. Par contre, le mariage religieux entre conjoints de même sexe n’est pas encore légal. Il faut distinguer les deux sortes de mariages. Le mariage civil est l’officialisation légale d’une union entre deux personnes, actée par un officier civil mandaté par l’État, tandis que le mariage religieux est un mariage qui s’effectue dans le cadre d’une religion. Les homosexuels ne peuvent donc pas encore se marier dans une église. Devrait-on légaliser le mariage religieux entre personnes de même sexe ? Personnellement, je suis complètement en faveur du mariage religieux entre personnes de même sexe. Tous les homosexuels qui ont la foi, qui vivent leur foi au quotidien, désirent se marier avec la dimension spirituelle contenue dans le mariage religieux. C’est pour eux une très grande souffrance d’être exclus d’un sacrement qu’ils voudraient recevoir de tout leur cœur. L’Église a peur de ternir le sacrement du mariage en l’offrant aux homosexuels parce que celle-ci définit le mariage comme une promesse de procréation des enfants et que cet élément est absent dans le cas d’un couple homosexuel. Toutefois, comment peut-on affirmer que le rôle central du mariage soit la procréation, alors que ce ne sont pas tous les couples mariés qui ont des enfants, que les enfants ne naissent pas tous au sein d’un mariage et qu’avec l’aide des nouvelles technologies et l’intervention d’un tiers du sexe opposé, les unions entre partenaires de même sexe peuvent donner des enfants ? L’Église ne devrait pas se figer dans « la foi de nos ancêtres ». Elle devrait évoluer avec le temps, avec les hommes et les femmes d’aujourd’hui, influencés par la culture contemporaine et par les connaissances apportées par le développement de toutes les sciences. C’est dans ce contexte que l’Église devrait revoir le but principal du mariage. Est-ce vraiment la procréation ? Le mariage ne devrait-il pas être le désir d’union permanente de deux personnes qui s’aiment et qui veulent vivre leur relation sous le regard de Dieu et avec sa bénédiction? Ce désir d’amour existe chez les homosexuels autant que chez les hétérosexuels. Alors, pourquoi faire comme s’il y avait une différence entre ces deux formes de couple ? De plus, la définition du mariage selon l’Église est discriminatoire. La définition qu’en donne l’Église catholique est la suivante : « L’alliance matrimoniale, par laquelle un homme et une femme constituent entre eux une communauté de toute la vie, ordonnée par son caractère naturel au bien des conjoints ainsi qu’à la génération et à l’éducation des enfants, a été élevée entre baptisés par le Christ Seigneur à la dignité de sacrement » Ce serait alors seulement un homme et une femme qui auraient droit au mariage religieux. Cette définition ne respecte pas l’article 2 de la Charte des droits interdisant toute forme de discrimination, incluant la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle. Notre société est assez évoluée pour savoir que les homosexuels sont des personnes comme les autres et qu’ils n’ont pas à subir des gestes d’injustice comme celui-ci. Quant aux actions concrètes afin de régler le problème, la définition actuelle du mariage ne devrait comporter que cette modification : remplacer les mots « homme » et « femme » par les mots « entre deux personnes qui s’aiment sincèrement et profondément ». Cette modification permettrait aux couples de personnes de même sexe, qui ont la foi et désireux de se marier, de pouvoir le faire en toute simplicité, au sein de l’Église. Dans une nouvelle loi canadienne sur le mariage, on devrait aussi retrouver une section sur la liberté des Églises d’accorder l’accès de leurs fidèles au mariage religieux selon les normes établies par chacune d’entre elles. Je sais que l’Église catholique n’est pas à la veille de célébrer des mariages homosexuels. Qui sait, le progrès social fera peut-être changer les choses. Castoriadis, un penseur intègre et insoumis Emanuel Guay Sciences humaines - Profil Sociétés-Monde J ’ai fait la connaissance de Cornelius Castoriadis par l’entremise de mon troisième cours de philosophie, Éthique et Politique. Il me semble conséquemment tout à propos de dédier le texte qui suit à Annie Lévesque, enseignante qui m’a introduit à ce penseur qui, selon moi, renouvelle radicalement les espaces de réflexion et de mise en pratique d’une théorie de l’émancipation humaine. Castoriadis, à l’instar de son œuvre, a mené une existence d’une singulière richesse : économiste professionnel à l’OCDE, cofondateur du groupe et de la revue Socialisme ou Barbarie, directeur à l’École des hautes études en sciences sociales, psychanalyste, écrivain et philosophe. Jusqu’à son décès en décembre 1997, il ne cessa d’approfondir sa réflexion sur les institutions qui régulent et assurent une cohérence symbolique à l’organisation sociale, tout en effectuant une critique sans complaisance des schèmes de domination qui la sous-tendent. Notre réflexion se concentrera ici sur la notion d’imaginaire, centrale dans la pensée de Castoriadis, en tant que principe d’articulation de la réalité sociale et de constitution du sujet. La notion d’imaginaire dans la pensée castoriadienne est double : elle comprend d’une part l’imaginaire radical et d’autre part l’imaginaire social1. Tandis que la première forme d’imaginaire désigne l’activité par laquelle tout être humain singulier se construit sa propre vision du monde, la deuxième réfère à l’ensemble des significations imaginaires sociales, soit les représentations qui confèrent un sens à la réalité sociale et à l’existence individuelle au sein d’une société particulière. Toutes ces significations proviennent de l’imagination et se situent par-delà le vrai et le faux (la valorisation virtuellement illimitée du capital, fondement du mode de production capitaliste, n’est pas plus « vraie » ou rationnelle que Dieu ou le Prolétariat)2. Castoriadis, en sa qualité de psychanalyste, affirme que chaque être humain dispose d’une psyché qui, à sa naissance, ne considère aucune réalité au-delà d’elle-même. L’imposition à cette psyché d’un monde de significations communes, que Castoriadis désigne comme processus de socialisation, est essentielle à la fois pour garantir une certaine stabilité au vivre-ensemble et pour permettre à l’être humain, initialement asocial, de devenir un sujet social pouvant s’engager dans la vie collective. Cette insistance sur l’origine imaginaire des représentations et des pratiques sociales per1 ESPRIT CRITIQUE. (Page consultée le 22 mars 2013). Les figures de l’autre chez Cornelius Castoriadis, [En ligne]. Adresse URL : http:// imaginouest.metawiki.com/castoriadisfiguresautres 2 CHAPEL, Sébastien. (Page consultée le 22 mars 2013). L’imaginaire selon Cornelius Castoriadis, [En ligne]. Adresse ���������������������������� URL : http://www.laviedesidees.fr/L-imaginaire-selon-Cornelius.html 7 met de concevoir l’existence comme une perpétuelle réflexion sur les valeurs et les institutions qui structurent les sociétés humaines : « Une société juste n’est pas une société qui a adopté, une fois pour toutes, des lois justes. Une société juste est une société où la question de la justice reste constamment ouverte - autrement dit, où il y a toujours possibilité socialement effective d’interrogation sur la loi et sur le fondement de la loi. C’est là une autre manière de dire qu’elle est constamment dans le mouvement de son auto-institution explicite3. » Le propos de Castoriadis est clair : aucun principe ne saurait légitimer les contradictions et les inégalités au sein du corps social, et il est conséquemment de notre devoir d’entreprendre une constante remise en question (et un potentiel renversement) des différentes instances sociales, dans une perspective de justice et d’équité. Comme il l’aura dit dans son livre Fait et à faire : « Ce n’est pas ce qui est, mais ce qui pourrait et devrait être, qui a besoin de nous4. » 3 CASTORIADIS, Cornelius. Socialisme ou barbarie : Le contenu du socialisme, Éditions d’Union Générale, Paris, 1979, Volume 4, Introduction. 4 NAJE. (Page consultée le 22 mars 2013). Démocratie, démocratie…, [En ligne]. Adresse URL : http://www.naje.asso.fr/article.php3?id_ article=49 Le bonheur est une illusion Anaïs Laliberté Sciences de la nature L e bonheur est une notion très abstraite et très complexe, mais elle n’en demeure toutefois pas moins universelle. Différent pour chaque individu, le bonheur s’atteint de différentes manières. Tous les hommes désirant être heureux, il est donc impossible de parvenir à le devenir d’une façon universelle. Certains croient que le bonheur peut être atteint, tandis que d’autres croient plutôt que son atteinte est impossible, puisqu’il ne peut être défini précisément. Ceci m’amène à me demander si le bonheur ne serait alors qu’une illusion. Le mot « bonheur » vient du latin bonun augurum qui signifie la bonne chance. C’est un état de complète satisfaction. Il ne se réduit par contre pas au plaisir, car le plaisir peut être satisfait et atteint, contrairement au bonheur qui ne se laisse jamais donner. Le terme « illusion » vient de illudere qui vient de ludere, signifiant « jouer ». Une illusion est une représentation, le plus souvent répondant à la satisfaction de désirs, lorsque cette satisfaction par le réel n’est pas possible. C’est une tromperie déstabilisante, une croyance provenant de l’apparence trompeuse des choses abusant l’esprit et qui se révèle fausse, malgré son caractère bien séduisant. Par exemple, une illusion d’optique trompe notre esprit et nous fait croire qu’une chose est vraie, quand elle ne l’est pas. Le bonheur est une illusion, car même s’il peut être ressenti dans la vie de tous les jours, il ne peut être universellement atteint, et ceci, de la même façon pour chaque individu. Le bonheur n’est qu’illusion, car il est inatteignable. Lorsque quelque chose est inatteignable, c’est qu’il est impossible de l’atteindre, peu importe le moyen utilisé. Le bonheur est inatteignable, car si l’on pose le bonheur comme étant la satisfaction des désirs, on peut dire que ces derniers seront toujours en perpétuelle fuite, car sitôt un désir satisfait, ce dernier se porte sur un autre élément. Nous sommes donc en quête perpétuelle du bonheur et c’est pourquoi le bonheur est inatteignable. Quelque chose d’inatteignable est illusoire, car cette chose, qui peut sembler atteignable à première vue, trompe nos sens et arrive ainsi à manipuler notre esprit pour tomber dans l’illusion. Par exemple, si le plaisir semble aider à nous mener au bonheur, il n’est en fait que trompeur, car il nous incite à le combler afin de nous satisfaire, mais cette satisfaction n’est qu’éphémère. Donc, le bonheur, qui censé être atteint, ne l’est pas, puisqu’il est inatteignable, et donc illusoire par la même occasion. Ainsi, le bonheur est une illusion. Le bonheur n’est pas qu’une illusion, car il permet une vie heureuse. Vivre heureux est le fait de vivre sans malheur et sans regret. C’est l’action d’être pleinement satisfait de ce que l’on accomplit quotidiennement ainsi qu’à long terme, donc le bonheur permet de se sentir heureux à tous les jours. Le bonheur permet de vivre heureux, car il permet un état de pleine satisfaction, tout comme le fait de vivre heureux est l’action d’être pleinement satisfait. Le bonheur permet donc une vie heureuse. Vivre heureux n’est pas une illusion, car si l’on se sent heureux quotidiennement, c’est que ce sentiment de bonheur nous habite et nous permet d’agir positivement auprès de notre entourage tous les jours. Puisque les incidences de ce mode de vie sont réelles autant pour nous que pour les gens qui nous entourent, c’est qu’elles ne sont pas illusoires et vivre heureux n’est donc pas une illusion. Par exemple, si je décide de donner de vieux morceaux de linge à des gens dans le besoin, ceci me permet de me sentir heureuse, car j’ai le sentiment d’avoir aidé quelqu’un. De plus, ceux qui reçoivent ce cadeau sont aussi plus heureux, puisqu’ils ont maintenant de quoi se vêtir, ce qui leur est utile et leur permet de mieux vivre, ces deux conséquences étant réelles, donc non illusoires. La manière d’arriver au bonheur n’est pas la même pour les deux personnes, mais le résultat l’est. Bien que ces différents bonheurs puissent être vus comme de la subjectivité, ils ne le sont pas, car nous sommes les seuls à voir le monde comme nous le voyons. L’illusion est vraie lorsque l’on croit qu’elle l’est. Dans ce cas, elle devient une réalité pour nous et sort donc du monde des illusions. Donc, le bonheur n’est pas une illusion. Le bonheur n’est qu’une illusion, car il est subjectif. Quelque chose de subjectif varie selon la personnalité de chacun, soit selon les principes et les goûts de chaque individu. La subjectivité est donc reliée à la relativité, dans l’optique où elle relève d’un sujet défini et est susceptible de varier selon les croyances de chacun. Le bonheur est subjectif, car il repose sur les principes adoptés par quelqu’un, ces principes étant généralement définis suite à des expériences personnelles. Puisque tout le monde possède des expériences de vie différentes, et conséquemment des principes différents, le bonheur ne peut qu’être subjectif. Quelque chose de subjectif est illusoire, car le fait qu’un sujet varie selon les différentes perceptions des gens en fait un sujet pour lequel l’on ne peut pas trouver une signification qui soit vraie pour tout le monde, qui soit universelle. Si un consensus par rapport à un sujet ne peut être fait pour trouver sa réelle image, on peut dire que ce sujet est universellement faux, donc illusoire, puisque quelque chose de vrai pour quelqu’un peut se révéler être faux pour un autre. Par exemple, mon bonheur pourrait être de côtoyer ma famille régulièrement, alors que celui d’un autre pourrait, au contraire, être le plus loin possible de sa famille afin d’être indépendant. Donc, le bonheur n’est qu’une illusion. Pour conclure, le bonheur est une illusion. Bien qu’il puisse être réel pour chacun, il ne peut être atteint et il est propre à chaque individu. Après avoir défini et démontré la réelle image du bonheur par rapport à son caractère illusoire, je me questionne à savoir si le bonheur sans illusion serait réellement concevable. L’Empreinte 8 Chronique d’un voyageur Du Tibet indien à l’Amérique chinoise Pierre-William Breau Sciences de la nature « Je suis allé là. J’ai fait ça. Regarde, une photo de moi devant le (insérer attraction touristique exotique). J’avais vu des milliers de photos et, en vrai, c’est identique. Ça m’a transformé. Regarde, je t’ai rapporté une statuette. C’était cool. J’en reviens pas tellement c’était beau. J’ai même appris des mots de leur langue. Je parle chinois, maintenant. » Inde 7 janvier 2013 Bir Tibetan Colony, Inde Je suis parti de Québec le 3 janvier, à 9 h du matin. Six heures d’attente à l’aéroport de Montréal. J’ai jonglé pendant quelques minutes, commencé Le loup des steppes pour la troisième fois et acheté des écouteurs parce que j’avais oublié les miens, la veille, en préparant mon sac. Mais je n’ai surtout rien fait. Je suis bon pour passer des heures à ne rien faire, bien que je n’aime pas cela du tout. Dans la vie, être bon ce n’est pas important. L’heure de mon départ est finalement arrivée, et je me suis envolé pour Zurich. J’allais y attendre pendant six heures avant de prendre un autre long vol vers Delhi pour compléter mes 28 heures de transit aérien. Pour me rendre à Bir, j’allais faire 13 heures d’autobus pour arriver à Mcleod Ganj, lieu de résidence du Dalaï Lama, puis deux heures de taxi pour atteindre ma destination finale. moi, encore moins tibétain. J’ai tenté de leur enseigner quelques notions, mais les leçons se résument généralement à du dessin et une période prolongée de jeu. J’ai apporté des balles de jonglerie et leur ai enseigné à jongler. Un des jeunes moines est très bon. Les enfants dessinent bien, j’essaie de leur apprendre à user de créativité plutôt que de copier les images de leurs livres comme ils semblent avoir appris à faire. Lorsqu’ils ont terminé, ils me remettent fièrement leur création à tour de rôle. Les moines sont adorables et tellement généreux. Ils pensent aux autres avant leur personne. C’est très touchant, provenant d’enfants. La culture tibétaine n’est pas matérialiste. Ça fait du bien. Chine 9 mars 2013 Au-dessus du Pôle Nord Ce que je trouve intéressant de mon voyage, c’est d’aller en Chine après avoir séjourné en colonie tibétaine en janvier. La Chine est responsable de l’exil des Tibétains. Le gouvernement chinois enfreint les droits de la personne pour opprimer la culture tibétaine. Ceux qui sont demeurés dans leur pays d’origine n’ont plus droit à leur religion et doivent parler mandarin pour aller à l’école ou travailler. Les Chinois ont détruit leurs temples et reliques religieuses. Ceux qui tiennent toujours ont été convertis en attractions touristiques. Le gouvernement chinois a kidnappé le Panchen Lama, un enfant à l’époque. Beaucoup d’histoires de tueries, de torture. Une centaine de Tibétains auto-immolés en signe de protestation depuis 2011. 10 janvier 2013 Bir Tibetan Colony, Inde 10 mars 2013 Shanghai, Chine Contrairement à ce qui était prévu, le bénévolat n’a pas lieu à Mcleod Ganj, mais à Bir. Tous les bénévoles habitent la même grande maison, et il y règne une atmosphère de camaraderie très agréable. Le groupe comprend Rachel, Natalie, Anu, Ariella, Luke, Aaron, Taylor, Ashley, Mary Ann, Emily, Eugenia et Kelsey. Aaron est parti hier et d’autres filles vont bientôt partir aussi. La plupart des bénévoles enseignent l’anglais à de petits moines bouddhistes. Natalie et moi nous occupons des enfants du quartier. Nous jouons avec eux et leur apprenons quelques notions d’anglais, quelques heures par jour. Je profite de mes temps libres pour me perdre dans les ruelles de la petite communauté tibétaine. À Bir, les gens semblent sereins, malgré la pauvreté. À la base de montagnes recouvertes de neige éternelle se trouve une petite colonie calme où on se sent en sécurité. Les Tibétains sont assurément un peuple à découvrir. Du toit de notre maison, nous avons une vue magnifique des Himalayas, du superbe coucher de soleil sur les collines et des étoiles qu’aucune pollution lumineuse ne cache. Quelle heure est-il? 19 h 30? 6 h 30 du matin? Je ne sais pas. Je ne sais plus. Je dirais que je suis fatigué, mais j’ai oublié ce que ça veut dire. Quand on est éveillé pendant trop longtemps, on en vient à perdre toute notion du temps. Ça aide à vaincre le décalage, mais ce n’est pas très agréable. 16 janvier 2013 Bir Tibetan Colony, Inde La semaine passée, je jouais avec les enfants des voisins avec Natalie et leur enseignais. Cette semaine, j’enseigne l’anglais – ou plutôt tente de l’enseigner – à de jeunes moines d’un des quatre monastères de la colonie. J’ai le groupe des nouveaux arrivés, celui de Mary Ann, qui est partie pour la semaine. La communication est très difficile, car ils ne parlent que très peu anglais et 11 mars 2013 À l’hôtel à Shanghai Non seulement Shanghai est américanisée, je la vis aussi de la façon américaine. J’ai dormi à l’hôtel et ce matin j’ai mangé du bacon, des muffins, des patates hachées brunes, des croissants, des rôties, du jus de pomme et d’orange, quelques fruits, une saucisse et je ne me souviens pas de tout. Nous allons coucher deux soirs chez mon père cette semaine. Peut-être que ce sera plus intéressant. Je porte les mêmes souliers qu’à mon premier séjour en Chine en 2010, mais ce n’est pas pareil. Mes souliers sont usés. Moi aussi. 13 mars 2013 Hôtel Marriott Executive Apartments, Beijing 21 h Avant mon départ de Shanghai, j’ai pris une heure pour m’y aventurer au guidon d’un scooter électrique. En partant, je me suis dit : « Je vais me perdre et ça va être drôle. » Quand on ne sait pas où on va et qu’on ne comprend rien, c’est tellement mieux. 9 Au final, je n’ai pas ri parce que j’ai retrouvé mon chemin, mais l’air libre m’a fait du bien, malgré la pollution. Par la suite, j’ai bu une bière belge à une terrasse en compagnie de mon père et de sa fiancée chinoise qui fait la moitié de son âge. J’en ai profité pour échanger avec elle au sujet de mon séjour en colonie tibétaine. À 23 ans, tout ce que Jing connaît du Tibet, c’est que la capitale est Lhasa et que le gouvernement tente de développer la région. Les Chinois savent que leurs dirigeants sont corrompus et ne leur font pas confiance. Ils sont tout de même ignorants. 0 h 15 Quatre-vingt-dix dollars pour quatre gorgées d’une bière chinoise. J’ai vécu la pire soirée de mon existence. Il y a des endroits sur cette planète où on n’a pas envie d’être et l’un d’eux se trouve dans un sous-sol sombre de Beijing. On peut facilement repérer son emplacement par l’affiche ne comportant que le mot « Club », qui surmonte un long escalier descendant. La boîte est bondée de filles qui n’ont aucune envie d’y être. On y trouve aussi un gérant, très intéressé, quant à lui. Quand on n’a pas envie de payer 300 $ pour des produits qu’on n’a même pas commandés, on doit négocier avec le « manager », rien d’autre qu’un « pimp », en réalité. Selon la quantité d’alcool dans notre sang, la situation peut s’avérer stressante, étant donné le fait qu’on n’a aucune idée de l’emplacement de ladite bâtisse – c’est par taxi qu’on s’y rend – et aussi la forte probabilité que notre interlocuteur appartienne à une organisation dont les activités se tiennent en marge de la loi. Ce n’est pas une situation où il convient de rire, mais ne sachant pas quoi faire, je m’en suis donné à cœur joie. J’ai perdu tout mon argent, devises canadiennes incluses. Je suis aussi devenu féministe. Voilà. 14 mars 2013 À l’hôtel Quand on veut voir la Grande Muraille de Chine, il faut se lever tôt. Nous avons opté pour un tour guidé, ce qui signifie qu’avant de se rendre au tas de briques, il faut visiter une « fabrique » de soie et une de perles, une maison de thé, puis pour terminer l’avant-midi, une manufacture de cloisonnés. Bien entendu, nous n’apprenons rien à ces endroits : ce sont des attrape-nigauds où nos guides reçoivent une commission sur les achats des touristes non avertis. Quand on marche sur un monument dont la construction seule a engendré la mort de dix millions d’ouvriers, on pense beaucoup. Mais on ne ressent rien, si ce n’est que la satisfaction d’avoir gravi les marches qui mènent sur le mur. * * * Si on voyage dans l’objectif de voir des endroits ou de cocher des éléments d’une liste, on en perd l’essentiel. À mon avis, le voyage est avant tout une occasion de contact humain. Il faut s’attarder aux gens et non aux monuments. Voyager, c’est aussi vivre. C’est ne pas se demander ce qu’on va retirer de l’expérience, mais accepter de ne pas avoir d’objectif précis. Quand on voyage, on vit parce que c’est tout ce qu’il y a à faire. Quand tu n’as plus de responsabilités qui pèsent sur tes épaules – ce que procure le fait d’être seul à l’autre bout du monde – , alors tu peux te permettre de réellement apprécier ce qui se présente à toi. L’Empreinte 10 Des poètes entre nos murs L’acceptation Elizabeth Asselin Sciences de la nature C’était une belle matinée de janvier, Mais cela faisait déjà quelques semaines que ça durait, La douleur devait forcer un rendez-vous chez un médecin cette fois-ci, Le diagnostic est pire que nous ne le pensions, il ne reste maintenant que quelques mois. Et plus la vie avance, plus des êtres chers nous quittent, Un après l’autre, s’écrasant comme des mouches, Les voyant s’éloigner un à un, Subissant chacun la défaite face à la mort, incontournable. Allongée près d’elle, je suis impuissante, Ma présence ne peut rien changer, Seulement qu’apaiser le vide, apaiser la peur, apaiser la souffrance, Les jours sont comptés. La nuit, éclairée par mes pensées, je me réveille en sursaut, Pensant aux souvenirs éblouissants passés à ses côtés, Je suis peinée de la voir régresser, Sans pouvoir dire un mot La fin fut atroce pour elle, Les flacons de morphine se succédaient, La souffrance s’aggravait, Et même la médecine ne possédait de remède à cette maladie immortelle. Et pour enfoncer le clou, il fallait lui rendre hommage, Le bonheur qu’elle voulait tant s’est transformé en boule de rage, Il fallait la pouponner pour l’exposer, le cercueil pour la reposer et la messe pour nous achever, Pleurer durant toute la journée n’est pas ce qu’elle aurait tant souhaité. Sur le coup on se sent abandonné, Cette injustice, si cruelle, improviste et non désirée, Pourquoi arriver à nous ? Quand plusieurs demandent à mourir partout, quand plusieurs ne veulent pas tenir jusqu’au bout. Je suis tellement enragée de constater que son visage m’est difficile à imaginer, Trois ans seulement et mon cerveau a de la difficulté à me fournir une image claire, L’image s’assombrit de jour en jour, comme si mon globe oculaire était trop allongé, Comme si ma mémoire s’effaçait, comme si mes souvenirs se volatilisaient. Pourquoi l’oublier ainsi, Quand je l’ai tant aimée toute ma vie, La mémoire est une faculté qui oublie, Mais elle ne m’enlèvera jamais le fait que c’était ma grand-mère. 11 Le mal du vide Gabrielle Beaulieu Sciences humaines - Profil Individu-Société Je me réveille Je ne sais pas trop quelle heure il est Constamment, je sens ce tourbillon de pensées ensorceler mon esprit D’un air absent, j’observe ces moments défiler vivement J’ai le souffle coupé, je ne peux l’accepter Je me rappelle cette journée où le vent doux d’automne caressait mon visage Insouciante, je ne croyais pas qu’un être puisse m’être indispensable à ce point Et si seulement j’avais su Ou plutôt si j’avais profité davantage Je reconnais cette odeur, cette présence rassurante Je sais qu’il s’agit du fruit de mon imagination Ne pourrais-je pas rêver que ce moment n’est de la fiction? Je t’en supplie, laisse-moi ressentir cette chaleur une dernière fois J’ai besoin J’ai besoin J’ai besoin de toi encore Je recule dans le temps qui me parait si loin, si différent Les souvenirs tentent de s’envoler Et moi, je suis là, naïve, à tenter de les rattraper Je ne peux accepter cette fatalité Mon cœur me hurle de m’enfuir en courant et de partir avec toi Tout ça est irréel, rassure-moi On ne peut que constater l’ultime valeur de l’autre À l’instant où celui-ci se transforme en simple et unique poussière Le regard vide, je t’observe Condamnée à me libérer de toi J’ai souvent cru que le temps ne s’arrêterait jamais Qu’il me serait infini comme lorsque je regarde au loin J’avais malheureusement tort Idiote, je vivais dans le déni sans même constater que le fil s’apprêtait à se rompre J’ai besoin J’ai besoin J’ai besoin de toi encore J’ai mal, malgré le temps qui passe Qui, selon tous, est censé apaiser nos souffrances les plus terrifiantes J’essaie tant bien que mal de tourner cette triste page De marcher le regard lointain, l’esprit sain Mais ne t’en fais pas Je ne t’oublierai jamais L’Empreinte 12 Parcelle d’éternité Laurance Desjardins Bernatchez Littérature, Théâtre et Technologies Autant de souvenirs que de chansons à partager avec moi-même Autant d’éclats de vie usés que de notes de musique déjà jouées Les jours, les nuits défilent Et j’en perds presque le fil Perdue dans la mémoire de vivre Perdue dans toutes ces minutes déjà emportées Le temps s’égrène, le sable coule Et le sablier me presse encore; Me presse de courir un peu plus encore Pour saisir les ailes fragiles des secondes qui, Autour de moi s’envolent et m’entrainent avec elles dans leur farandole Le temps s’enfuit, les aiguilles tournent Et l’horloge me fait tourner; Tourner et danser un peu plus encore Pour consumer tout ce qui reste là, devant moi : Un cœur qui bat, Et sur le sable, un chemin de pas Dans les esprits le chaos; Dans les âmes un fléau; Au tournant on aperçoit le lapin qui lui seul connait l’heure du rendez-vous, Il nous entraine d’un signe de la main à le suivre vers demain Et à courir, toujours et encore, pour attraper ces bribes de destinées; Celles qui, un jour, seront tout; Tout ce qui restera de cette course effrénée, Tout ce qui demeure dans cette danse affolée, Tout ce qui résonne encore dans l’écho de ces musiques arrêtées, Tout ce qui appartient à jamais à nos fragments d’âmes tourmentées, Tout ce qui sera pour toujours prisonnier du sablier; Sablier qui, à tous, la tête, fait tourner Une respiration figée, Une dernière seconde accordée Et en un éclair jours et nuits défilent; Autant de souvenirs que de chansons à partager avec ceux qu’on a aimés, Autant d’éclats de vie envolés que de notes de musique à jamais gravées Dans ce cœur qui maintenant se tait, Sur ce sable où plus jamais la ronde de pas ne reprendra; On allume au ciel une nouvelle étoile Puisque désormais est rompu le mince fil d’argent Et que finalement est achevée la toile, Celle où est passé le Temps, Celle qui, pour l’éternité, fera miroiter Ce qui reste de cette mémoire vécue, Ce que nous ont laissé toutes ces minutes à jamais disparues. 13 Récit Passionnel Emma Roy Sciences de la nature Il est encore jeune. Son enveloppe dorée vend sa richesse nouvelle. Toutefois, il projette sa lumière aveuglante avec une certaine timidité, comme si elle pouvait constituer une quelconque provocation. Ses lames, passant de l’azur à l’opale, viennent lécher les alvéoles de fer l’entourant, tandis que ses pointes irisées chatouillent le firmament. Sa beauté, sa chaleur surprennent à chaque regard, s’enflant entre chaque battement des paupières. Soudain, la symbiose du combustible et du comburant le fait s’enflammer avec passion. Déjà, il s’échappe de son nid de tous les côtés, son centre ardent lui dictant une conduite insensée. Ivre d’oxygène, il s’emplit les poumons de ce riche nectar. Il est tout sauf rationnel et, soucieux de protéger son sein brûlant, inflige à ceux qui tentent de le dompter des lésions lancinantes. Il prend vie et crépite comme seul un pin bien tari de sa sève le ferait. Malgré sa violence, sa puissance subite suscite l’admiration, le respect. Néanmoins, cet emballement spontané en fait un élément d’autant plus instable et périssable. On tente de le faire s’enraciner à des bases plus solides, durables. On lui donne du bois autour duquel s’enrouler, comme un marin tombé à l’eau le ferait avec un billot. Si le marin est assez fort, il survivra, mais l’entreprise est exhaustive. S’il prend des proportions effarantes, ceux qui l’entourent lui jetteront de l’eau pour le calmer, mais bien souvent l’éteindront du même coup. Peut-être jalousent-ils sa brillance, qui les éclipse du spectacle, les reléguant à l’arrière-scène. Peut-être ne veulent-ils pas que leur voisin réussisse là où euxmêmes échouent, la méthode pour entretenir cette source réconfortante n’étant pas donnée à tous. Mais voilà qu’il s’affaisse. À pleines mains, on ajoute de ces brindilles cassantes qui le font rugir de plus belle, pour camoufler la mise en scène. En réalité, on ne fait que repousser le moment où le rideau doit tomber. Les uns l’observent s’éteindre de lui-même avec indifférence, les autres l’attaquent inlassablement de leur broche pour raviver les dernières braises. Bientôt, des cendres on ne retrouvera que poussière et il ne subsistera de l’embrasement que les cicatrices que l’envolée des tisons délaissés aura causées dans la chair des infatigables. Reste encore ceux qui ont découvert le secret pour que leur âtre diffuse une éternelle danse de couleurs chaudes. Ceux-là sont encore trop peu nombreux pour être considérés autrement que des données aberrantes. Chez les plus mélancoliques, l’amertume se manifestera lorsqu’ils lorgneront de biais cet amas de bûches carbonisées. Quoi qu’il en soit, longtemps après que le feu se soit éteint, le souvenir merveilleux de sa première flamme restera gravé dans la tête et le cœur de ceux qui l’ont démarrée. L’Empreinte 14 Des auteurs et des récits Cheval-vapeur Karine Duquette-Lozeau Spécialisation en biotechnologies L’alarme a retenti dans la chambre. J’ai éteint le canari, me suis lavé en vitesse dans un verre d’eau, me suis habillé et je suis sorti en apportant un pommier avec moi. Enfin rendu sur les chemins de campagnes, j’ai avalé la dernière bouchée de mon arbre et me suis rendu compte que je décélérais. Je me suis donc rangé sur le côté et je suis allé ouvrir le capot. Moi qui n’y connaissais rien, j’avais l’impression de regarder de la boue. Quelle idée, aussi, d’acheter un cheval comme moyen de transport! J’ai remarqué que l’amas brunâtre semblait dégager de la chaleur : « Voilà!, me suis-je dit. Il doit manquer du liquide de refroidissement. » J’ai vérifié dans le coffre, je n’en avais pas. Je me suis donc mis à la recherche d’une rivière en m’enfonçant dans la forêt de métal. J’entendis un miaulement puissant à glacer le sang. « Des loups! » ai-je pensé. Je me suis retourné et me suis aperçu que j’étais encerclé. Croyant que c’était la fin, je suis tombé au sol et j’ai vu un trousseau de clés que le vent avait dû faire tomber. Y voyant mon salut, je l’ai empoigné, l’ai brandi et je l’ai abattu de toutes mes forces sur les loups. Je me suis donc remis en marche et j’ai suivi le bruit sourd d’un ruisseau. Enfin rendu à destination, j’ai vu que l’eau était aussi sèche que du sable, mais j’ai tout de même réussi à en prélever un peu dans ma chaussure et je suis retourné sur mes pas. Revenu à mon point de départ, j’ai ouvert une dernière fois le capot de mon cheval et j’ai mis mon soulier dans le réservoir de liquide de refroidissement. L’animal a démarré avec peine, mais il a tout de même fini par répondre à mes commandes. Regardant le soleil se coucher, je me suis rendu compte qu’il était déjà sept heures du matin. J’ai fait demi-tour et me suis dirigé vers la maison : « Tant pis. Je vais retourner travailler samedi prochain. » Comment allez-vous aujourd’hui? Louis-Charles Patry Sciences humaines - Profil AdministrationÉconomie - Salut, ça va bien? - Oui, bien sûr, toi? - Oui! Je marchais dans les corridors du cégep alors j’eus ce court dialogue avec quelqu’un. C’était un copain d’études, une connaissance qui m’apparaissait sympathique. Mais, demander à cette personne si elle va bien, particulièrement si elle ne m’est pas proche, revient à vouloir pénétrer dans son intimité. Il est très possible qu’il m’ait répondu « oui » alors qu’au fond, il vient de perdre sa grand-mère ; seulement, il ne veut pas en parler. Je suis allé à un cours et, à la pause, je suis sorti boire de l’eau. En regardant ma montre un peu plus tard, j’ai réalisé que j’étais en retard. J’ai marché d’un pas rapide et j’ai croisé une amie de longue date : - Salut, ça va bien ? - Non. Je suis resté figé par cette réponse. Je n’avais pas du tout le temps de parler avec elle. Je voulais simplement montrer que je ne l’avais pas ignorée, mais maintenant je devais m’en aller alors qu’elle m’exprimait qu’elle n’allait pas bien. Je lui ai finalement souhaité de passer une bonne journée malgré tout et j’ai couru à mon cours. À la fin de la journée, je suis allé travailler. Une cliente s’est présentée à ma caisse : - Bonsoir, vous allez bien? - Pourquoi tu me demandes ça? A bien y penser, elle avait raison. Qu’est-ce que ça change pour moi qu’elle aille bien ou mal? En ce qui me concerne, elle va me payer et s’en aller. Elle m’a regardé d’un air offusqué, a pris ses sacs et est partie. Après la fermeture du magasin, je suis monté dans l’autobus pour revenir chez moi. Le chauffeur m’a abordé : - Bonsoir, ça va bien? - Non! Bouche bée, il s’est retourné, a fermé la porte et a poursuivi son parcours. La Vie ensoleillée Mathieu Lanou Sciences de la nature Le corps croise le fer avec l’esprit, l’environnement extérieur avec la raison. C’est ainsi que se décrit l’histoire de monsieur H. Un jeune homme ayant un travail ennuyant, des loisirs emplis de platitude et une vie à laquelle il porte peu d’intérêt. Il se leva un lundi matin de temps exécrable du mois de novembre. Les gens le côtoyant étaient d’humeur végétative et avaient l’esprit embrumé. Cependant, il s’efforçait de ne pas se laisser atteindre et de créer en lui-même l’allégresse. Les chrétiens n’affirment-ils pas qu’on doit se contenter de peu? Les stoïciens, quant à eux, n’ont-ils pas prôné qu’il fallait rester de marbre? C’est dans cet état d’esprit qu’il entreprit son lot de labeur quotidien. Son patron, un homme bedonnant et dévergondé à l’accent campagnard, posa sur lui un regard de totale indifférence. Sans dire un mot, il lui remit une lettre et s’en alla. C’était un message automatisé lui signalant son renvoi. Il ne sut rester stoïque. Son être et ses principes s’effondrèrent dans un élan commun. La tête basse et l’échine courbée, il quitta les lieux. Tel un embryon, l’idée que son existence avait été un fiasco prit de plus en plus de place dans son esprit jusqu’à en occuper la quasi-totalité. 15 Il respirait le désarroi. Un autre sentiment, plus stable et fondé, jaillit des entrailles de son âme. Peut-être était-ce une bonne chose qu’il ait perdu son emploi? Il a œuvré toute sa vie dans un domaine qu’il n’aime pas pour gagner de l’argent pour, en fin de compte, continuer à faire ce qu’il n’aime pas. Somme toute, le principe que la situation d’un être n’influe pas sur son esprit n’avait fait que le maintenir dans un état de soumission à son environnement extérieur. Monsieur H décida qu’une situation agréable et un esprit présent valent mieux que des désagréments et un esprit détaché. Il se détacha de ses liens et entreprit un rêve qu’il chérissait depuis des années: devenir danseur nu. Le Ciel Bleu Élodie Gagnon Arts et Lettres, option Langues Il errait dans un désert aride depuis déjà plusieurs semaines. Les canyons s’étendaient à perte de vue dans ce paysage abandonné de Dieu. La chaleur torride faisait perler de grosses gouttes de sueur sur son front brûlé par de longues journées passées sous un ciel sans nuage. Son désespoir dépassait son désir de continuer à marcher pour retrouver son chemin. C’est pourquoi il s’effondra sur un rocher, laissant tomber du même coup son havresac qui contenait sa dernière bouteille d’eau et quelques fruits séchés. Il essaya de se rappeler comment il en était arrivé là. Seulement quelques souvenirs nébuleux remontèrent à sa mémoire affaiblie par ces nombreuses semaines d’exil. Sa petite amie le laisse. Il la supplie de lui accorder une dernière chance. Elle a un autre homme dans sa vie. Il sombre dans la mélancolie. Il cesse de manger. Broie du noir. Des semaines sans parler à qui que ce soit. Il s’en va. Puis il perd son chemin… C’est alors qu’il regretta. Il regretta d’être parti, de s’être enfoncé si loin dans un environnement inconnu par seule ambition de s’éloigner du monde. Ses amis et sa famille lui manquaient terriblement. Mais il était maintenant trop tard. Personne ne savait où il était. Il ne pourrait jamais être secouru. Ses forces commençaient à l’abandonner. Il allait mourir bientôt, il le savait. Mais n’était-ce pas ce qu’il avait souhaité en venant jusqu’ici? Il s’allongea sur le sable chaud et regarda le ciel une dernière fois. Celui-ci était d’un bleu si pur qu’il lui transperça le cœur. Il en avait le souffle coupé. C’est alors qu’il se releva d’un trait, déterminé à retrouver son chemin. Il sentait de nouveau la ténacité et le désir de vivre qui l’avaient quitté il y a de cela plusieurs mois déjà. Il ne s’était jamais senti aussi bien de toute sa vie. Il avait enfin trouvé un sens à son existence. Quelques mois plus tard, il est devant l’autel, récitant ses vœux de mariage. La femme magnifique qui se trouve devant lui le regarde de ses yeux brillant d’une tendresse infinie. Ses yeux… ils sont d’un bleu si limpide et si angélique qu’ils répareraient le cœur brisé de n’importe quel naufragé… Le temps des sucres Marc-Antoine Pouliot Sciences de la nature - Profil Action-Sciences Par une belle journée, au début de printemps, au moment où les érables commencent à déverser leur eau sucrée, j’ai décidé de rendre visite mon voisin, Albert, propriétaire d’une érablière. Il m’avait dit, au début de l’hiver, qu’il pourrait avoir besoin d’aide à ce moment, car il y a énormément de choses à faire pour la production de sirop. Rendu sur place, je constatai l’énormité des installations nécessaires à la transformation de l’eau d’érable en sirop. J’étais curieux de comprendre comment cela pouvait bien fonctionner, étant moi-même un futur ingénieur. Albert proposa donc de me l’expliquer, tandis que son fils s’occuperait de surveiller le feu. Nous avons commencé par la cabane des pompes, c’est ainsi que l’appelait Albert. Il commença à m’expliquer le fonctionnement du système, avant de s’arrêter net. Il s’avança vers la pompe principale, qui, m’expliqua-t-il, normalement, devait apporter l’eau jusqu’aux bouilleuses en produisant un certain bruit, ce qu’elle ne faisait pas aujourd’hui. La pompe était brisée! Si la pompe ne fonctionne pas, il n’y a pas assez d’eau qui se rend aux bouilleuses, alors la production doit cesser. Ce problème peut en engendrer d’autres, car, étant donné que les érables continuent leur production, la capacité des réservoirs est limitée. Ainsi, il y a un risque de perdre l’eau d’érable qui sera en surplus. On doit aussi arrêter les bouilleuses, elles ne doivent pas manquer d’eau, sinon elles risquent de briser. C’est pourquoi je suis allé au village le plus proche pour ramener la pièce qui va remplacer celle qui est défectueuse, pendant qu’Albert restait surveiller le feu avec son fils. Lorsque je suis revenu, j’ai aidé mon voisin à remplacer la pièce brisée. Par la suite, nous avons vérifié si le tout fonctionnait bien. C’est à ce moment que la production put redémarrer de plus belle. C’est alors que nous avons pu goûter à la tire d’érable préparée par sa femme. Cette tire me rappelait de bons souvenirs d’enfance. Sélection naturelle Karelle Rheault Spécialisation en biotechnologies Elle se dandine un peu et sort de son nid. Elle avance prudemment dans le boisé à la recherche d’un petit quelque chose à grignoter. Depuis quelques jours, tous les matins, lorsqu’elle se rend à l’étang pour s’abreuver et dénicher des insectes, elle remarque qu’elles sont de moins en moins nombreuses. Elle se rappelle un avertissement que sa mère lui avait donné : « À l’automne, reste cachée. Si tu vois tes amies disparaître, ne tente pas de les retrouver. Fais comme moi, trouve-toi un mâle et cachez-vous jusqu’en janvier. Ta survie ainsi que celle de notre espèce en dépendent. » Sur le souvenir de ce précieux conseil, elle se dépêche de faire sa toilette matinale et de se ressourcer avant de retourner se tapir dans les boisés. L’Empreinte 16 Juste comme elle se croit en sécurité, quelque chose la bouscule, la projetant au sol. Elle tente de voir ce qui l’a attaquée : c’est un mâle. devant notre petite maison. Sirotant un délicieux thé noir pour nous récompenser de notre belle journée de travail, nous commençons par discuter de politique. Il faut nous cacher, ils arrivent! - Mon fils, nous allons avoir ce soir, une discussion de la plus haute importance. Je te demande de garder celle-ci très discrète puisque si quelqu’un l’entend, j’en payerai le prix par ma mort. Il était en fuite et il l’a interceptée par mégarde. Elle décide de le suivre, car suivant le conseil de sa mère, peut-être vient-elle de trouver son mâle. Il lui propose de la suivre jusqu’à une cachette parfaite qu’il a construite. Toutefois, cette cachette se trouve de l’autre côté du grand plat. Ils devront le traverser sans se faire voir. - Père, que veux-tu me dire ? Cela a l’air bien grave. - Il s’agit d’un événement que la République chinoise te cache depuis que tu es né. Ils décident de traverser l’un après l’autre, au cas où ils se feraient voir, au moins, ils ne se feront pas avoir tous les deux. Elle passe en premier. À mi-chemin, elle aperçoit quelque chose à sa droite, ça brille… Elle s’arrête et regarde attentivement. Derrière elle, il lui crie d’avancer, de ne pas s’arrêter, mais c’est trop tard, la balle lui fait exploser la tête. - Lequel ? Je connais bien l’histoire de notre société, père. « Pauvres volailles, elles sont si stupides! » - Mon fils ne me coupe plus, ce que je vais te dire va te faire changer d’idée. Deux ans avant ta naissance, environ, a eu lieu une terrible manifestation contre le Régime, que le Parti communiste s’efforce de nous cacher pour ne pas susciter de mouvement au sein de sa population. Une Chine des plus horribles Léa de Lorimier Stanford Sciences de la nature Le 4 juin 1989 : cette date est gravée à jamais dans ma mémoire. Je me souviens, comme si c’était hier, des cris de la population sur la place Tiananmen, manifestant pour avoir plus de liberté et vivre dans un système plus juste. Voulant calmer les manifestants, le dirigeant du pays a ordonné à l’armée d’intervenir. La République de Chine est un pays cruel. En effet, des centaines de personnes ont été emprisonnées et sont mortes, écrasées par le régime du Parti communiste. Cet événement qui prit le nom de son lieu, soit Place Tiananmen, a été ensuite caché, enfoui sous d’innombrables mensonges. Menacés par le gouvernement chinois, les habitants ayant vécu cet affrontement civil doivent garder ce massacre sous silence jusqu’à ce jour. Me voici donc, maintenant homme de soixante et un ans; j’en avais quarante et un lorsque cette horreur s’est passée. Je garde cette manifestation sanglante comme l’un de mes plus grands secrets depuis plus de 20 ans et cela devient de plus en plus difficile. Il est, en effet, très dur de détenir une information aussi importante qui pourrait déclencher une révolte aussi meurtrière auprès du peuple chinois actuel. Mon fils a maintenant dix-huit ans. Il n’était pas encore né lorsque cette horrible manifestation s’est produite. Il a vécu dans l’ignorance durant toutes ces années. Il croit que la société est dure et sévère, mais il ne sait pas qu’elle est en fait cruelle, injuste et immonde. Étant d’un âge assez avancé, je rendrai mon dernier souffle dans quelques années, emportant dans ma tombe ce secret qui me hante depuis plusieurs décennies. De plus en plus, le temps avance et je crois qu’il serait temps que je lègue mon savoir à mon fils. Nous sommes le 6 août 2009. Mon garçon et moi sommes assis - La Chine nous ment, nous maltraite, nous… - Voyons père, le gouvernement n’est pas si cruel… Oui, je l’avoue, le régime est dur, mais c’est supportable… - Quel est cet événement qui te rend si nerveux ? - On le nomme Place Tiananmen. - Comme l’endroit ? - Oui, fils. La catastrophe a même eu lieu à cette place publique. - Explique-moi. - Oui, c’est ce que je m’efforce de faire depuis plusieurs minutes. Donc, plusieurs jeunes adultes, comme toi, ont manifesté sur la Place Tiananmen pour dénoncer la corruption gouvernementale et économique. Afin d’arrêter cela, l’armée est donc intervenue, faisant ainsi plusieurs emprisonnés et des morts. - Horrible ! - En effet, mon fils. Ne sachant plus trop quoi penser, mon fils s’est levé et est parti dans la maison. J’ai attendu 30 minutes, mais il n’est pas revenu. Je me suis donc dit qu’il avait besoin d’un moment de réflexion. Voulant le laisser seul, j’ai décidé d’aller me balader dans les champs. Lors de mon arrivée, mon fils m’a attendu avant d’aller dormir. Il m’a souhaité une bonne nuit et s’est retiré avec sa femme et ses enfants dans leur chambre. Les quatre jours qui ont suivi ont été très lourds. Mon fils était très distant et froid avec moi. Je me demandais pourquoi. Je l’ai su bien vite lorsque j’ai vu une panoplie d’agents de l’armée chinoise s’approcher de mon chez-moi. Mon fils, timidement et 17 prudemment, s’en est approché. Il leur a parlé un peu et m’a ensuite pointé du doigt. Sans dire un mot, les agents m’ont pris les mains et les ont enchaînées. J’ai lancé un regard de persécution à mon garçon. - Pardonne-moi, mais j’avais besoin d’argent. - Tenez monsieur, votre récompense. Entre ses mains, mon enfant tenait cent yuans. Mon propre fils m’a vendu. Ne pouvant plus résister, je me suis effondré sur le sol en pleurant. L’homme vêtu d’un uniforme m’a relevé et m’a ordonné d’avancer sans me plaindre. C’est très facile de lui obéir, avec un fusil au dos ! Je me suis avancé jusqu’au camion en lançant un dernier regard de pitié à mon fils... Ce que j’ai vécu en prison n’est tout simplement pas explicable. En effet, j’ai vécu la souffrance et l’injustice. J’ai voulu souvent me révolter contre les gardiens. Cela m’a bien coûté mille coups de fouet. Mon pauvre corps qui vieillit de jour en jour ne supporte pas très bien ces conditions. Le sachant très bien, la prison qui me garde m’a donné rendez-vous au sous-sol. L’endroit d’où plusieurs personnes ne sont jamais revenues. Le jour convenu, à l’heure inscrite sur mon papier, un officier est entré dans ma cellule, m’a pris par les bras et m’a enfin conduit à la descente de la cave. Un homme caché se tient debout entouré de dix hommes armés jusqu’aux dents. - Vous êtes accusé d’avoir dévoilé l’événement de la Place Tiananmen à votre fils. Vous êtes accusé pour votre mauvais comportement. Vous êtes accusé d’être inutile à notre société. Vous êtes accusé d’être un vieil homme. C’est pourquoi je vous condamne à la peine de mort. Avez-vous, Monsieur, des dernières prières ? - Oui. - Lesquelles ? - De revoir mon fils, de le serrer dans mes bras et de lui dire que je lui pardonne. - Possible. - Oh, je vous remercie, Monsieur. Je peux attendre dans ma cellule si vous voulez… Il habite… - Ne vous inquiétez pas, père, je le sais très bien. L’homme caché s’approche de moi en souriant. Lorsque j’ai pu l’apercevoir, j’ai reconnu un visage familier : celui de mon fils. Dès qu’il m’a serré dans ses bras, il a reculé. Je n’ai pas pu prononcer un mot que dix coups de fusil ont retenti et m’ont transpercé le corps. Le papillon Jérôme Langis Sciences de la nature Son entrée dans le monde se fit avec fracas, une entrée hors de l’ordinaire, qui faillit lui coûter la vie qu’on venait de lui offrir. Il eut par la suite de la difficulté lors de son apprentissage des rudiments de la vie, lui qui commença à parler longtemps après les autres enfants de son âge. Il était timide, refermé sur lui-même, discret, et jamais il ne dérangeait ou ne brusquait quelqu’un de son entourage. Une beauté presque angélique venait terminer le portrait de cette jeune personne si fragile. Une petite chenille dans toute sa splendeur, qui était condamnée à travailler plus fort que toutes les autres pour devenir un magnifique papillon qui éclipserait ses compatriotes. Il entreprit donc sa longue route vers la chrysalide, pas à pas, bouchée par bouchée. L’école était pour lui une source d’inconfort et de frustration, mais grâce à son admirable travail acharné et au soutien de ses parents, il avança, réussissant chaque année. Jamais il n’échoua. Puis vint le temps du secondaire, époque de changements majeurs dans le cheminement de notre chenille adorée. Perte de repères, d’amis, d’encadrement et beaucoup plus de liberté ont chamboulé sa vie, si bien que la transition fut ardue à effectuer. Néanmoins, encore avec une force insoupçonnée pour une créature si fragile et douce, force qui lui avait auparavant permis d’affronter les nombreux défis de la vie, il termina cette période empli d’une fierté qui le mena à l’étape la plus importante de son existence : la chrysalide, la transformation ultime. François est dysphasique. François a aujourd’hui 20 ans. Surtout, François est mon grand frère et il est ma source d’inspiration constante, lui qui a surmonté plus d’épreuves depuis sa naissance que plusieurs personnes dans leur vie entière. J’ai vu mon frère renaître dernièrement, lui qui a enfin commencé à montrer au monde son vrai visage. François est mon papillon, le plus splendide, le plus courageux et le plus fort de tous les papillons qui peuplent ce monde. L’Empreinte 18 Concours Mystère et horreur Si je vous appelle Marie-Lyne Tatlock Spécialisation en biotechnologies Premier prix L ’instinct de mort. Du plus loin que je me rappelle, je l’ai toujours eu. Avant même ma naissance, les circonstances de ma conception ont fait de moi un être faible, incapable de supporter le fardeau de la vie. Ma mère venait de subir un grave accident de la route. Section de la moelle épinière, côtes cassées, un membre ou deux dans le plâtre. Elle en avait pour plusieurs semaines de convalescence, alitée à l’hôpital. Je ne saurais dire si c’est la position horizontale et passive de sa femme, autrement très énergique, l’ennui mortel d’être laissé seul à la maison avec ma sœur ou l’effet d’un trop-plein d’amour qui motiva les actions de mon père. Peut‑être un mélange des trois. Il faut dire qu’à l’époque, l’Internet n’avait pas encore fait irruption dans les foyers et que l’Église détenait toujours un semblant d’autorité sur la vie intime. Ainsi, la lubricité non épanchée de mon père l’emportant sur les convenances, je fus conçu à même le lit d’hôpital qui me vit naître trente‑trois semaines plus tard. Il fallut deux infirmiers costauds pour retenir le chirurgien d’en venir aux poings avec mon père lorsque la chose s’est sue. La pauvre femme, clouée au lit pour neuf mois supplémentaires à cause d’une grossesse à haut risque. Le paternel fut dès lors empêché de la visiter seul, un faux mouvement de bassin pouvant m’être fatal. C’est comme ça que je suis né, un bébé anorexique, essayant au minimum d’empiéter sur le peu de vitalité de sa mère cassée en mille morceaux. Un enfant prématuré qu’on a dû mettre à l’incubateur et à l’alimentation parentérale. Je refusais de vivre, ils ont dû m’y forcer. Depuis, bien, j’ai eu une enfance, disons, différente. J’ai toujours, à mon grand regret, gagné les compétitions de celui qui retient son souffle le plus longtemps sous l’eau. Il y avait toujours un adulte dans les environs pour me sortir de la piscine à temps. À temps pour eux, trop tôt pour moi. J’étais toujours volontaire pour les cascades les plus débiles, j’étais le Daredevil de la rue de Pékans, le Evel Knievel d’Orsainville. Depuis, un mal étrange me possède. J’attire à moi les suicidés. Dans le métro de Montréal, sous le pont Pierre‑Laporte ou sur le traversier Sorel‑Berthier, peu importe le moyen entrepris par les désespérés, juste avant de passer à l’acte, ils se retournent vers moi. Pour laisser la mort me transpercer de leurs yeux lucides. Au début, je n’y croyais pas trop. Je faisais confiance aux statistiques, aux coïncidences insignifiantes, aux fruits de mon imagination. Ils ne pouvaient quand même pas tous se donner le mot. La première fois que c’est arrivé, c’était sur la transcanadienne, juste passé Banff. Un camionneur m’avait pris sur le pouce à Régina, où ça m’avait pris trois jours à glander sur le bord de l’autoroute avant de me faire finalement embarquer. Dans le parc national, la route n’est pas éclairée. Tout ce que le chauffeur a vu, c’est un point lumineux roulant à sens inverse dans la voie de gauche et bifurquant à la dernière seconde pour venir s’encastrer dans le moteur du Kenworth. Ce que j’ai vu. Au bout de la portée des phares, j’ai vu le motocycliste faire un geste avant de mettre les gaz à fond. Les hommes de la GRC ont retrouvé la tête du malheureux à quelques mètres du lieu de l’impact. La visière du casque était relevée. − D’accord, mais pourquoi avez‑vous répondu à notre annonce? − Si je vous ai appelé pour prendre rendez‑vous, c’est parce que je suis incapable de me suicider. − Que voulez‑vous dire? − Que voulez‑vous que je vous dise? J’ai tout essayé : drogues, saut à l’élastique sans élastique, les poignets, le métro. Même les sectes apocalyptiques : j’ai survécu à Waco pis aussi à l’Ordre du Temple solaire. J’avais fondé mes espoirs dans les Mayas, mais bon, si on est là pour s’en parler, leurs prédictions ne valent pas grand-chose. − Je vois. Par contre, votre condition physique ne rencontre pas nos standards. - Je sais. Mais il reste quand même les organes, ils peuvent toujours servir, non? L’homme enlève ses lunettes, se frotte les yeux un instant et soupire. J’ai grandi en échalote, sans jamais être capable de mettre un peu de viande sur l’os. Un 135 livres mouillé pour 6′3″de squelette. Je me suis même fait pâtissier, pour mettre toutes les chances de mon côté. Ça n’a pas marché. − Nous avons effectivement quelques connaisseurs. Surtout du côté de nos clients asiatiques. Au secondaire, dans mes années « emo », je m’étais fait une copine, un amour viscéral, transcendant. Ultime, je dirais. Grande et tout aussi anguleuse que moi, un vide abyssal nous unissait. Comme plusieurs adolescents de sous‑sols de banlieue, nous étions arrivés à la conclusion − Oui. Oui, je vais m’arranger pour que ça marche. Vous pouvez avoir totalement confiance. Nous sommes des professionnels. que la vie ne valait pas la peine d’être vécue, surtout si c’était pour lentement s’embourgeoiser sous l’emprise d’un capitalisme grimpant. Le pacte consistait à se pendre simultanément, du même banc, pour voir venir la mort, les yeux dans les yeux. Ensemble, pour le reste du monde, qu’ils puissent se dire : ils ont vécu leur souffrance partagée jusqu’à la dernière goutte. Croyez bien que je l’ai vue, la mort, me narguer à travers les yeux d’Émilie. La fixation du tuyau auquel j’avais attaché ma corde a cédé et je me suis retrouvé debout, sur mes deux pieds, pendant que ma belle me quittait. Je l’ai accompagnée du mieux que j’ai pu, ne pouvant partager sa délivrance. − Alors, mon cas vous intéresse? − Parfait. Une dernière chose. − Laquelle? − Pourriez-vous faire parvenir cette lettre à ma mère? − Bien sûr… − Au moins trois jours après la digestion du dernier morceau. Je m’en voudrais de la faire souffrir inutilement. 19 La forêt Lydia Couette Sciences humaines - Profil Individu-Société Deuxième prix J e marche... vers partout, vers nulle part. Je suis perdu. Je suis au beau milieu d’où je me trouve, parce qu’on est toujours au centre de quelque chose quand on marche vers l’infini. Vers partout, vers nulle part. Une lumière me parvient par faisceaux d’entre les branches éparses des conifères qui m’entourent. Seule sa couleur la distingue des rayons tièdes et timides d’un doux soleil de février. C’est un éclat immaculé aussi tangible qu’inquiétant. Plus intense qu’une lune, mais plus froide qu’un soleil, une lumière blanche, aveuglante. Elle est partout. Le temps est léger, presque trop fragile pour être saisi. Mon souffle est lourd, incapable de s’accrocher à l’air qui semble me transpercer, impuissant malgré mes inspirations lentes et insistantes. Je marche toujours, d’un pas nonchalant, mais régulier, sans toutefois avoir l’impression d’avancer, sans destination, sans objectif précis. Je marche vers partout, vers nulle part. Loin derrière, me suivant pas à pas, une ombre nébuleuse et pâle, comme un murmure de rêve. Devant moi, de grands arbres, d’imposants conifères. De plus en plus nombreux, ils m’entourent, m’envahissent. Ils sont partout. Ils grandissent à vue d’œil, se multiplient sous mes yeux et valsent tout autour de moi. La forêt me suit elle aussi et, avec sa densité grandissante, la lumière se dissipe, se disperse. Les battements de mon cœur, plus distincts, semblent se propager dans le sol qui, sous mes pieds, tremble légèrement à intervalles saccadés. L’ombre s’approche et me force à accélérer. Mon cœur, mon souffle, ma forêt. Tous suivent le rythme de mes pas. Le rayonnement, qui fut violent et éblouissant, est maintenant réduit à un simple jet de lumière à peine perceptible à travers les arbres et leurs épines. Une lueur grisâtre, banale, presque inexistante. L’obscurité est partout. Je ne distingue alors que le martèlement de mon cœur, l’essoufflement de ma respiration et les branches qui m’entaillent le visage. Une douleur à la poitrine, comme si celle‑ci était serrée dans un étau, une impression de coup de poing en plein ventre, une brûlure qui rappelle celle d’une lame de rasoir lorsqu’elle s’enfonce dans la peau. Je poursuis ma route faisant fi de l’atrocité du mal et du désir de résignation. Je suis mené par la peur de cette noirceur qui me pourchasse, traqué par ce spectre inconnu qui me rattrape. J’avance désormais à une cadence effrénée, incontrôlable. Je sombre dans une forêt, toujours plus dense. Je cours vers une folie, toujours plus noire. Je sens le sol se dérober sous mes pieds. Je sens mes pieds s’enfoncer dans la terre de plus en plus humide et poisseuse. Ralenti, mais non moins conquis par la démence, je redouble de force, de volonté, de paranoïa. Il n’y a ni fleuve ni mer, mais l’eau est à présent au niveau de mes chevilles. Mon cœur mitraille ma poitrine. Je respire du vide, je suffoque et mes poumons menacent d’éclater. Mes pieds s’enlisent encore plus profondément dans cette étrange mare visqueuse. Je ne pourrai bientôt plus bouger. Les arbres sont trop grands, trop nombreux. La forêt finira par m’engloutir en entier. Je le sais, je le sens. Quand le désordre devient tempête, la forêt devient océan. Un mur d’eau immense qui déferle et me submerge. Une vague puissante, violente, enveloppante. Je reste debout, comme cloué au sol, soutenu par une force plus grande que moi, plus grande que tout. Le courant emporte l’ombre, la forêt et la panique. Il ne reste que moi. L’eau est partout. Au moment où je me rapproche de la noyade ou bien de l’implosion, j’ouvre les yeux. Mes pieds sont libres. Devant moi s’étend une longue route grise et froide, inondée par les trombes de pluie qui tombent du ciel noir de la nuit. Et puis cette lumière blanche qui réapparaît, comme un port d’attache, ancrée dans la réalité. Il n’y a rien pour la freiner cette fois. Ni arbres, ni ombre, ni peur chronique. Elle avance à une vitesse folle, plus folle encore que la forêt. Un strident crissement de pneus, une puissante collision, une douleur aiguë. Et puis plus rien. Je suis partout. Je ne suis nulle part. « Un patient de l’hôpital psychiatrique a été happé par une voiture la nuit dernière. Le conducteur, en état de choc, soutient que la victime se tenait sans broncher au milieu de la voie et qu’il aurait été impossible de l’éviter. L’homme, décédé sous la force de l’impact, aurait échappé à la vigilance des gardiens et se serait enfui après avoir été sujet à une crise de panique tard dans la soirée. Une enquête est présentement en cours. » Destinée Audrey-Maude Vézina Sciences de la nature Troisième prix I ci, comme toujours à cette heure matinale, le ciel est maussade. J’attends le transport en commun qui, fidèle à son habitude, arrive dix minutes en retard. Je regarde les nuages défiler, me demandant ce que je peux encore attendre de la vie. Autour de moi, les gens errent dans les rues calmes de Saint‑Thomas, telles des âmes perdues attendant leur heure. Assise sur le dernier siège de l’autobus, je regarde sans le voir le paysage qui défile de l’autre côté de la vitre. Le chauffeur regarde une fois de plus en direction des quelques passagers. Il ne quitte la route des yeux que quelques secondes, assez pour vérifier que nous ne faisons rien de mal. Il nous surveille comme des gamins excités qui quittent l’établissement scolaire pour faire l’école buissonnière. Chaque jour, c’est la même chose, les mêmes personnes situées dans l’autobus se lèvent pour descendre dans le quartier universitaire. Je suis maintenant la seule âme égarée dans le gros véhicule. Bien sûr, le conducteur est encore présent, mais la sienne a l’air parfaitement à sa place. L’autobus s’arrête au milieu de nulle part. Le départ du véhicule laisse place à une route déserte entourée d’une forêt mal entretenue et regorgeant d’animaux sauvages. Cela fait déjà longtemps que cet endroit ne me fait plus peur. J’y passe mes journées. J’y ai établi ma vie. Rentrant dans la forêt, je me dirige vers une petite cabane en bois, ma maison. La tranquillité que j’y trouve jure énormément avec ma nuit mouvementée. Je profite de ces moments de paix en sachant très bien que ce soir, je devrai retourner travailler pour un maigre salaire. Je sais que c’est déjà bien qu’une fille pauvre, sans études, ait pu trouver un emploi, mais je ne peux m’empêcher d’essayer de trouver une explication à ma situation, à penser qu’il y a une raison derrière tout. C’est mon tour d’errer dans le petit sentier que mes allées et venues ont fini par tracer. Je dois me concentrer sur les bruits aux alentours L’Empreinte 20 si je veux pouvoir manger aujourd’hui. Durant mes journées, je dors quelques heures, je remplis mon garde‑manger pour ensuite aller servir des boissons à des clients déjà ivres. La plupart du temps, leurs commandes ressemblent à « siouplé mdam, jbourrais tu ravouèr dla biéy » suivies habituellement d’un rot dégoûtant avec des effluves d’alcool. C’est ainsi que les jours se déroulent et s’additionnent. J’espère encore un signe du destin qui me dira que je dois m’accrocher à la vie. Pour l’instant, une corde est attachée de façon permanente à une des poutres de ma piètre demeure Installée près de la planche qui me sert de table, un couteau encore saignant posé sur la petite cuisinière, je mange le lièvre qui a eu le malheur de se prendre dans mon piège! La fourrure du petit mammifère est en train de sécher pour ensuite être cousue avec celles d’autres animaux m’ayant servi de repas pour en faire une couverture. Je vis comme je veux et comme je peux. Je me rappelle encore le jour où je suis arrivée ici. Il faisait froid et gris, les arbres étaient agités par le souffle du vent. J’étais assise sur le siège arrière de la voiture familiale. Je devais avoir 16 ans quand c’est arrivé. Ma famille et moi étions parties pour faire une petite randonnée dans le bois avec mon amie à quatre pattes. Malheureusement, durant le trajet, mon père a tenté d’éviter une voiture en perte de contrôle. J’ai perdu connaissance quand ma tête a frappé la vitre. Après un certain temps, j’ai repris conscience. La vitre était tachée de rouge. J’ai regardé autour de moi, ma soeur était en sang, une branche lui avait transpercé l’abdomen. Mon père et ma mère avaient été tués par la collision avec l’arbre qui faisait maintenant partie du véhicule. Les seules survivantes étaient ma chienne et moi. Je me suis dit que si je restais dans la voiture, on allait finir par me retrouver. Le temps passait et personne ne semblait être à notre recherche. J’avais très faim. Je suis sortie de la voiture, j’ai tenté de repérer des insectes ou de petits animaux. Ce jour‑là, mes repas ont été constitués de sauterelles. Ma seule source de réconfort est morte quelques jours après. Elle avait probablement attrapé des microbes en ingérant un animal contaminé. Je me suis débrouillée pour survivre jusqu’à être assez en forme pour marcher les nombreux kilomètres qui me séparaient de la ville. La fourgonnette est encore au même endroit. J’ai enterré ma famille un peu plus loin. Il m’arrive de retourner au lieu du drame qui m’a marquée pour réfléchir. Je me suis réveillée en sursaut avant de partir travailler. Durant mon service, j’avais la vision de ma famille ensanglantée qui me hantait. C’était ce soir que j’allais renaître, j’allais retrouver ma famille. En arrivant chez moi, la corde avait disparu; j’ai fouillé partout, mais sans succès. Était‑ce le signe que j’attendais? Je me suis rendue près du cimetière improvisé. À l’endroit où devaient se trouver mon père, ma mère et ma soeur, se trouvaient trois trous vides. J’étais terrifiée, mais j’entrepris tout de même de me rendre à la voiture. Les trois corps en décomposition y étaient installés exactement comme au moment de leur mort. Une main m’empêcha de crier. Un bras musclé prit la responsabilité de m’emprisonner. Je fus réveillée par l’odeur immonde qui se dégageait des trois cadavres putréfiés. Je tentai de sortir, mais j’étais attachée au siège. La ceinture de sécurité avait été soudée et il m’était impossible de me libérer. Je tentai d’ouvrir la portière pour appeler de l’aide, mais j’étais prise au piège. En levant les yeux au plafond du véhicule, je vis une note qui y était collée. Le message me glaça le sang : Vous étiez tous destinés à mourir dans cette voiture et on ne peut changer le destin… Cicatrice Emmy Gagnon Arts plastiques Mention spéciale du jury Q uand on est jeune, on fait des folies, des idioties et on ne se soucie jamais des conséquences de nos actes. On vit pour vivre, on savoure, on s’amuse et on ne pense qu’à nous. On aime, on rit, on rêve… Des courses de voitures, de la drogue, de l’alcool, des partys, j’ai déjà tout fait ça quand j’étais jeune. Je connais ça, la vie, je sais c’est quoi. Maintenant, c’est terminé. Avec l’expérience, on apprend et on gagne en sagesse. Surtout quand c’est une mauvaise expérience, là tu apprends. Tu regrettes et tu veux retourner en arrière. Ça fait déjà plus de cinq ans, je crois, presque six que ma vie a changé. C’était un jeudi soir comme les autres. Je venais de terminer mon « chiffre » au Stratos et j’étais partie me préparer à mon appartement, à Lévis. Je m’étais douchée, j’avais bouclé mes cheveux et je m’étais vêtue d’une petite robe courte noire. Sébastien était censé venir me chercher vers dix heures. Il est arrivé en retard, comme d’habitude. Après avoir fumé un petit quelque chose, on est sorti au Star Bar où l’on a passé la veillée avec sa gang de gars. À la fin de la soirée, Sébastien et moi avons fini ça dans son logement à Québec. Nous étions complètement saouls et « gelés ». Après avoir fait l’amour, on est tombé comme des mouches. C’était mes jeudis habituels, ainsi que mes fins de semaine, la semaine aussi parfois. Bref, d’habitude, Seb et moi dormions jusque dans l’après‑midi, mais pas cette fois-là. Je me souviens que c’est la chaleur qui m’a réveillée, une sensation de brûlure. J’ai ouvert les yeux, et l’appartement était en feu. Je ne voyais presque rien à cause de la fumée. Je ne voyais pas Sébastien. Après ça, c’est très flou. J’ai pensé : « Merde, faut que je sorte d’ici! » Je pouvais à peine respirer, j’avais chaud, j’avais mal, j’étais étourdie. Je me souviens avoir tenté d’atteindre la porte, d’avoir eu envie de crier, et puis, plus rien. Je me suis retrouvée à l’hôpital. C’est là que le cauchemar a commencé. Mon corps était totalement brûlé, ma vie allait s’écrouler. Mes longs cheveux, mon beau visage, mon corps parfait étaient maintenant partis. C’était tout ce que j’avais. Une fille qui n’a même pas de D.E.S., qui travaille comme serveuse et qui vit dans un petit appartement miteux avait perdu la seule chose qui la rendait fière : son apparence. On m’annonça que Sébastien était mort, que j’allais être en arrêt de travail et que j’allais recevoir un tas de greffes. Je savais que je n’allais plus pouvoir être comme avant, même si le docteur me parlait de greffes. La vie continuait, mais pas pour moi. Je restais enfermée chez moi, je ne faisais rien à part pleurer et perdre espoir. Mes amis ne m’ont pas vraiment aidée, eux continuaient leur vie de jeunes, et mes parents ne se souciaient même pas de mon existence. J’étais seule dans le noir, je souffrais plus que jamais. C’est alors que mon seul rayon de lumière apparut. Mon médecin m’annonça que j’étais enceinte. Ce jour-là, j’ai touché à mon ventre et un beau sourire apparut sur mon visage. Une chose qui ne s’était pas produite depuis longtemps. Le médecin prenait soin de moi et du bébé, on faisait des tests réguliers, on avait des entretiens fréquents et j’écoutais tous ses conseils afin que le bébé soit en santé malgré l’incident. C’était fini les folies, je prenais mes responsabilités. J’avais une vie à moi, une petite lumière qui me donnait du courage, qui me permettait d’être quelqu’un. 21 J’ai accouché le 13 février 2007, d’une belle petite fille en pleine santé. Je l’ai appelée Alice, mon ange, ma lumière, mon bébé, ma raison de vivre. J’avais tellement d’amour pour ce petit être, c’était le plus beau jour de ma vie. Je consacre mon existence à Alice. Depuis cinq ans, je passe mon temps à m’occuper d’elle, à lui apprendre le peu que je sais, à l’aimer et à la chérir. J’essaye de la gâter avec les maigres revenus que j’ai et on ne se sépare jamais. Je souhaite être avec elle pour toujours Chaque jour, elle grandit un peu plus et me surprend sur plusieurs points. Sa façon de parler et de raisonner est impressionnante, c’est une petite fille très intelligente et pleine de talent. Ma vie avait enfin un sens. J’étais là, sur Terre, pour elle. Ces derniers temps, Alice avait quelques comportements intrigants. Je n’irais pas jusqu’à dire anormaux, mais presque. Ce serait plutôt « inhabituel » le mot approprié. Durant la nuit, je la surprends parfois debout dans sa chambre en train de fixer le mur. Elle est figée, ses yeux sont grands ouverts et sa bouche aussi. Elle ne me répond pas quand je lui demande si tout va bien. La première fois, j’ai paniqué, mais je la couche dans son lit et elle finit toujours par se rendormir. Le matin, elle ne se souvient de rien. Parfois, elle déplace les objets ou ferme les lumières sans raison. Elle me dit toujours que ce n’est pas elle et qu’elle n’a rien fait. Les enfants mentent parfois pour ne pas se faire gronder ou pour jouer, mais je ne me souviens pas l’avoir élevée ainsi. Au début, ce genre d’incident n’était qu’occasionnel et je ne m’en faisais pas trop, mais récemment, ça devient de plus en plus fréquent. La nuit dernière, je me suis réveillée en sursaut. J’ai senti quelque chose m’envahir et faire une pression forte sur ma poitrine. Je me suis levée en tremblant. Mon visage dans le reflet du miroir était très pâle, j’avais peur d’être malade. J’ai décidé d’aller voir si Alice allait bien. J’ai traversé la cuisine, le salon et quand je suis arrivée au seuil de sa porte, elle n’était pas dans sa chambre. Je l’ai appelée, paniquée, en la cherchant du regard. C’est alors que la lumière de la cuisine s’est allumée et me fit sursauter. Alice se trouvait juste au-dessus de l’ampoule, les yeux vides, la bouche béante. Je m’approchai d’elle, jusqu’à ce qu’elle lève tranquillement le doigt dans ma direction. Je me retournai doucement le corps frissonnant. D’un coup, le miroir accroché au mur derrière moi se fissura comme si quelqu’un avait frappé violemment dedans et il tomba au sol. Je criais et je bondis sur ma fille pour l’enlacer. Je décidai qu’elle dormirait avec moi pour le reste de la nuit. Ce matin encore, elle ne se souvenait de rien. J’ai nettoyé le miroir et on a passé une journée comme les autres. J’ai essayé de ne pas penser à tout ça, j’avais peur. Cette fois, j’ai bien vu qu’il y avait un problème. Un problème qui sortait de l’ordinaire. Nous nous sommes couchées tôt ce soir-là et Alice a encore dormi avec moi. Je priais pour que rien d’anormal ne se passe, pour que tout redevienne comme avant. Je pensais : « Faites que ça disparaisse ! », je me suis endormie dans la peur. Quelque chose souleva mes couvertures et les tira brusquement, ce qui me réveilla. Je criai et respirai avec difficulté. Alice n’était plus dans le lit. Je devais la trouver, mais j’étais paralysée par la peur. C’est alors que je vis des ombres courir rapidement devant ma porte. Des petits rires d’enfants résonnaient dans l’appartement. Je devais absolument trouver la force de me lever pour trouver Alice. Elle était dans le salon, dos à moi et elle fixait le plafond. Les fauteuils flottaient légèrement. C’était complètement fou. J’appelai Alice et aussitôt les fauteuils tombèrent au sol, ce qui me pétrifia. Alice se tourna doucement vers moi avec la même expression terrifiante. La chaise berçante se mit à bercer, les meubles tremblèrent. Je courus vers ma fille avec le peu de courage qu’il me restait, mais quelque chose me repoussa brusquement et je me retrouvai projetée sur le mur, après, plus rien. Je me suis réveillée dans ma chambre avec ma fille à mes côtés. Elle dormait encore, elle semblait épuisée. Le soleil plombait dans l’appartement, ça me rassurait. Je fis le tour des pièces : rien n’avait bougé, tout était à sa place. Je me suis mise à penser qu’il s’agissait peut‑être d’esprits, d’entités surnaturelles du fantôme de Sébastien, le père d’Alice. J’avais plusieurs hypothèses, mais rien pour me sauver. Je priais pour que tout ça passe et que ma vie redevienne comme avant. J’avais encore passé une journée ordinaire avec Alice. J’espérais tellement. Que pouvais‑je faire d’autre? Cette nuit avant de m’endormir, j’ai collé ma fille et lui ai dit à quel point je l’aimais. Ça m’a aidée à me sentir mieux, mais je savais qu’il allait se passer quelque chose. Je me suis encore réveillée cette nuit-là, mais par moi‑même. Alice n’était toujours pas là. Je l’ai cherchée partout, mais elle n’était nulle part. Je suis allée dehors, le souffle court de panique. J’ai fini par appeler les policiers, qui sont venus chez moi. Je leur ai expliqué la situation. Ils me dévisagèrent alors d’un air étrange. Ils me dirent doucement, presque avec pitié : Madame, vous n’avez jamais eu de fille. Vous vivez seule dans cet appartement depuis plus de six ans... L’Empreinte 22 À vos écrans! The Walking Dead : télésérie Laurence Anyways Steven Gagnon Sciences de la nature Laurence Fortin Sciences humaines - Profil Individu-Société D iffusée pour la première fois le 31 octobre 2010 sur AMC, The Walking Dead est une série d’horreur américaine très originale et fort captivante. AMC présente actuellement la troisième saison de la série. Cette dernière connaît d’ailleurs une popularité croissante, notamment aux États-Unis. L’histoire prend place dès le premier épisode pendant lequel Rick Grimes, membre des forces policières d’une petite ville des ÉtatsUnis, ouvre les yeux dans un hôpital après plusieurs jours dans le coma. Ce qu’il verra le frappera : un monde en pleine crise et aux prises avec une épidémie de morts-vivants. Dès cet instant, son seul objectif sera de retrouver son fils, Carl, et sa femme, Morgan, afin de s’assurer qu’ils sont toujours en vie : chose plus facile à dire qu’à faire dans un monde envahi de morts-vivants. Pour ce faire, il devra apprendre à survivre dans un monde qui ne veut pas de lui, aux côtés d’un groupe de rescapés qu’il rencontrera à Atlanta. La série télévisée The Walking Dead est une série ingénieuse dont l’histoire est prometteuse. L’histoire a, en effet, remporté un grand succès aux États-Unis et le public l’apprécie énormément. L’histoire est développée d’après la bande dessinée du même nom, écrite par Robert Kirkman. Beaucoup de possibilités s’offrent aux créateurs Frank Darabont et Robert Kirkman pour ce qui est de la suite de la série. On y trouve des décors réalistes, dignes d’un film à gros budget. On nous donne vraiment l’impression d’évoluer dans un monde en crise existentielle et ravagé par une épidémie. Aucun détail n’est épargné. Quant aux effets spéciaux, on peut remarquer un petit manque dans certaines animations, quoiqu’elles soient très bien modélisées pour un public non averti. De plus, les différents maquillages sont très bien effectués et très réalistes, que ce soit pour les zombies ou pour les personnages blessés. Enfin, force est de constater que le jeu des acteurs est bon et agréable à regarder. La série américaine The Walking Dead est de loin, selon moi, la meilleure série du moment. Dès le premier épisode, je me suis attaché au personnage de Rick Grimes, interprété par Andrew Lincoln, et à l’histoire non seulement originale, mais aussi très captivante! L’histoire est développée ingénieusement, l’intrigue est captivante et les émissions sont loin d’être monotones. De plus, j’adore les paysages et les prises de vue que nous présente cette série : on se croirait littéralement dans un monde... de morts! Cette série est sans aucun doute incontournable pour les mordus d’action et de science-fiction. L aurence Anyways, de Xavier Dolan, est avant tout l’histoire d’un amour impossible entre un homme et une femme. À l’aube des années 90, Laurence Alia (Melvil Poupaud), professeur de cégep, exprime à sa conjointe Fred (Suzanne Clément) son désir de devenir une femme. D’abord ébranlée, celleci décide d’accompagner Laurence dans sa transformation. Face à l’adversité, le couple ne survit pas, et Fred quitte Laurence pour fonder une famille. Ce dernier n’a pas cessé d’espérer le retour de Fred quand ils se retrouvent quelques années plus tard. Qu’adviendra-t-il finalement de leur amour? L’interprétation des comédiens est la principale qualité de l’œuvre. Melvil Poupaud incarne son rôle tout en simplicité et sans tomber dans les clichés, ce qui amène de la sincérité et du réalisme au film. Suzanne Clément livre, elle aussi, toute une performance bien remplie en émotions. Elle a d’ailleurs remporté, pour son rôle, le prix d’interprétation féminine dans la catégorie « Un certain regard » au Festival de Cannes. Notons aussi parmi la distribution d’excellentes actrices telle que Nathalie Baye et Monia Chokri. En revanche, la durée du film (2 h 45) est l’un de ses principaux points faibles. Certaines scènes superflues nous font parfois décrocher de l’histoire et perdre le fil. Présentant un bon rythme au début, le film s’essouffle un peu vers la fin de la deuxième heure, pour se terminer par une trentaine de minutes bien remplies où une suite d’évènements s’enchaînent rapidement. Personnellement, j’ai trouvé que c’est un excellent film. Exploité sous l’angle de la transsexualité, le thème de l’amour impossible est moins cliché et cela rend le film original. Il permet aux spectateurs d’observer, tout à la fois, les difficultés auxquelles les couples font face, jusqu’où quelqu’un peut aller par amour et surtout de prendre conscience de la réalité des transsexuels. Bref, Laurence Anyways est assurément un film à voir, que ce soit pour les thèmes abordés, le jeu des comédiens ou tout simplement pour la qualité des images et de la trame sonore. 23 La rafle Marie-Pier Desjardins Sciences de la nature D ’innombrables témoignages ont permis de reconstituer les événements tragiques entourant la Seconde Guerre mondiale. « La rafle », un film de Roselyne Bosch, constitue un récit des événements survenus le 16 juillet 1942. Pour la réalisation de son film, Bosch s’est d’abord inspirée du témoignage du jeune Juif Joseph Weissmann, qui a réussi à échapper aux mains allemandes. Le film raconte donc l’histoire de Joseph à partir de ce matin de juin où l’enfant devait se rendre à l’école, jusqu’au jour où il fut déporté à Auschwitz. On assiste à la déportation de Joseph et des membres de sa famille du Vélodrome de Paris jusqu’au camp de concentration. Le principal aspect positif de ce film réside dans la cohérence de sa narration avec la chronologie exacte. Chaque scène est présentée de manière à rester fidèle au véritable déroulement historique, allant du débarquement de la police militaire chez les Juifs jusqu’à leur déportation vers Auschwitz, en passant par le Vélodrome. Cependant, bien que les événements soient racontés de manière à concorder avec les faits historiques, le film demeure plutôt irréaliste. Les personnages sont peu crédibles, plus particulièrement celui d’Hitler, incarné par l’acteur allemand Udo Schenk, dont la forte personnalité demeure absente. En plus d’être peu crédible, le film laisse à désirer sur le plan de la pertinence. En effet, on s’étonne que La rafle ne nous apprenne rien à son sujet. Le film décrit bien les évènements sans toutefois fournir de contenu explicatif. Il permet une approche différente de la Seconde Guerre mondiale : dans ce cas-ci l’aspect éducatif est mis de côté pour laisser une place plus importante au côté émotionnel. Tout au long du film, Bosch tente par tous les moyens de tirer des larmes du cinéphile. La réalisatrice met l’accent sur les enfants, c’est d’ailleurs ce qui suscite le plus d’émotions. La fin du film est axée sur « l’heureux » dénouement du destin de Joseph. On se laisse ainsi distraire par les banalités du scénario, alors que ces tragiques événements viennent de marquer l’histoire tout entière… Je trouve regrettable que le film nous laisse aussi indifférents étant donné le thème dont il traite. Il me semble qu’avec un titre tel La rafle l’importance du sujet aurait dû être considérée alors qu’en réalité, on est rien de moins que déçu par un film aussi peu crédible et vide de contenu… Référence : Allocine,«la rafle»,http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=129166.html Napoleon Dynamite Le comble de l’absurde! Antoine Guay Sciences de la nature N apoleon Dynamite est une comédie réalisée par Jared Hess en 2004. Elle met en vedette Jon Heder, Jon Gries et Aaron Ruell. L’histoire se déroule dans la petite ville de Preston aux États-Unis. Napoleon Dynamite, un jeune lycéen rejeté, en est à ses derniers moments au secondaire. Le protagoniste est entraîné dans une multitude de péripéties, alors qu’un nouvel ami mexicain récemment arrivé en ville, Pedro, tente de devenir le prochain président de l’école contre la populaire Summer. À travers ses multiples échecs et quelques réussites, Napoleon tente l’impossible contre ceux qui l’ont persécuté durant son secondaire. Napoleon est un nouveau genre de héros. Avec ses bottes d’astronaute, sa passion pour les « ligres » (un animal résultant d’une fusion entre un tigre et un lion et possédant des pouvoirs de magie) et ses goûts vestimentaires étranges, il est un personnage très attachant. Ce film à bas budget relève d’une absurdité jamais vue auparavant. Les décors faits de tapisserie bleu poudre, les costumes constitués essentiellement de chandails de loup et de complets bruns et beiges, les évènements insensés, les répliques hilarantes et les personnages colorés font de ce long métrage un classique de la comédie absurde. Cependant, l’un des points faibles du film est la difficulté d’en suivre l’histoire. L’enchaînement de péripéties qui ont plus ou moins de liens entre elles le prive d’un fil conducteur stable. Peu de films auront réussi à me marquer et à changer une partie de qui je suis. En fait, la seule comédie dont l’écoute a eu cet effet est Napoleon Dynamite. Les amateurs d’humour absurde n’auront jamais été aussi comblés. À la première écoute, ce chefd’œuvre nous fait rire de bon cœur. C’est à la deuxième écoute que l’on remarque les subtilités de la réalisation qui font de ce film un classique, tels les angles de caméra qui mettent l’accent sur des parties particulièrement drôles de la mise en scène et les accessoires en arrière-plan. L’Empreinte 24 Critique du film L’Infiltrateur Joudie Dubois Sciences humaines - Profil Individu-Société L e film L’Infiltrateur a pris l’affiche au Québec en février 2013. Ce suspense américain, d’une durée de 113 minutes, est inspiré de faits vécus. L’histoire débute lorsque Jason accepte, bien malgré lui, un colis contenant une somme importante d’ecstasy venant de son ami. Immédiatement, il est piégé par la police et se retrouve derrière les barreaux. Étant donné que la ville veut en terminer avec le trafic de drogue, les peines sont sans merci. Sa seule issue pour éviter 10 ans de peine minimale est de piéger un ami à son tour, ce qu’il refuse de faire. Son père, John, interprété par Dwayne Johnson, fait tout en son pouvoir pour venir en aide à son fils. Il conclut un marché avec la procureure en chef de l’État pour réduire la peine de Jason. Il décide alors d’infiltrer un important gang criminel, au péril de sa vie et de celle de sa famille. Il sollicitera l’aide d’un employé de sa compagnie, Daniel, qui a déjà fait de la prison pour trafic de drogue. D’abord, les scènes d’action ne dominent pas ce film. L’accent est plutôt mis sur de belles valeurs. On y souligne le dévouement d’un père pour son fils. En effet, John réussit à pénétrer dans les gangs par sa détermination, guidé par la force de l’amour qu’il éprouve pour son fils. D’ailleurs, puisqu’il met sa vie en danger, l’histoire nous tient en haleine jusqu’à la fin. Mais ce film raconte aussi l’histoire de Daniel, qui tente de tirer un trait définitif sur sa vie d’ancien criminel. Il le fait pour lui, bien sûr, mais surtout pour sa famille. Aussi, tous les acteurs jouent très bien leur rôle, puisqu’on se met facilement à la place des personnages par la détresse qu’ils vivent. On ressent fortement le regret de Jason et la détresse de ses parents. En somme, j’ai bien aimé L’Infiltrateur. J’ai été vraiment étonnée par le sens profond de cette histoire remarquable. Elle nous touche du début à la fin. Selon moi, on y trouve juste assez d’action pour nous tenir captivés, mais surtout ce film nous fait réfléchir sur l’importance des actions que l’on pose et leurs conséquences. Je le suggère donc à tous. L’infiltrateur : une œuvre cinématographique qui saura vous couper le souffle Isabelle Vignault Sciences de la nature D ’abord cascadeur dans divers films d’action, Ric Roman Waugh se consacre depuis le début des années 2000 à la réalisation de films d’action et de suspenses policiers. L’une de ses récentes réalisations, L’infiltrateur, un long métrage 1 à succès, met en vedette les prouesses d’un jeune père de famille . 1 http://www.lapresse.ca/cinema/201212/08/49-3573-l-infiltrateur. php Dès les premiers instants, les spectateurs sont plongés dans un univers sans pitié où la drogue et la violence sont le pain quotidien de plusieurs. En fait, Jason, un jeune adolescent typique, accepte de garder chez lui un paquet contenant une quantité abondante de stupéfiants, soit de l’ecstasy. À sa grande surprise, il est piégé lors de la réception du colis et écope d’une sentence très sévère pour trafic de drogue. Choqué par cette sentence d’une sévérité démesurée, John, son père, se donne comme mission personnelle de tout faire pour que son fils passe le moins de temps possible en prison. Avec l’aide d’une procureure, d’un enquêteur et d’un de ses employés, ce père à la fois dévoué et courageux va infiltrer le gang criminel qui a mis Jason dans le pétrin. Malgré les difficultés de cette mission périlleuse et les dangers qui l’accompagnent, John réussira à sauver son fils. Du début jusqu’aux dernières minutes, les spectateurs sont témoins du dévouement complet d’un père de famille envers son fils. Ce dernier fait de nombreux sacrifices et met sa vie en danger à de multiples reprises, ce qui rend ce personnage à la fois touchant et attachant. Également, il est impossible de s’endormir pendant le visionnement de ce long métrage puisque cette œuvre est dépourvue de moments d’accalmie. L’infiltrateur est riche en scènes de cascades, de complots et de bagarres. L’élément négatif principal est que, comme dans plusieurs films, la fin est prévisible. Selon moi, les personnages principaux grandement attachants et l’intrigue captivante font en sorte que ce film est un réel délice pour les amateurs d’action ainsi que pour tous ceux qui désirent explorer un monde criminel à la fois dangereux et excitant. Critique du film Je veux vivre Véronique Morin Techniques de comptabilité et de gestion L e film Je veux vivre, paru en octobre 2012, est réalisé par Ol Parker. D’une durée de 103 minutes, ce film dramatique fait réfléchir. Il raconte l’histoire de Tessa, une adolescente belle et pétillante, âgée de 17 ans. Cette brave fille diagnostiquée leucémique décide d’arrêter ses traitements pour vivre la vraie vie sans les effets et les conséquences de la chimiothérapie. Ainsi, elle est consciente que ses heures sont comptées. Elle établit alors une liste de choses à accomplir avant de rendre l’âme. Elle a la fureur de vivre tout, tout de suite. 25 Premièrement, la morale de ce film fait réfléchir énormément. Par ce portrait d’une gamine leucémique, Ol Parker n’a pas de mal à susciter le consensus sur l’injustice que représente la maladie des enfants et des jeunes. Ce film conventionnel et très sentimental est un incontournable. Je veux vivre apporte un nouvel éclairage sur la maladie, sur le goût de vivre à fond les moments qui restent et sur le fait de prendre les épreuves du meilleur côté possible. La maladie peut toucher n’importe qui. C’est malheureux et pourtant bien réel. Les acteurs jouent tous très bien leur rôle en rendant l’histoire très réelle. Ainsi, la jeune actrice Dakota Fanning dégage une douceur et une joie de vivre impressionnantes, qui procurent des moments très émouvants. Elle est la vraie perle de ce film. J’ai adoré Je veux vivre puisque cette histoire m’a sincèrement touchée. Elle fait naître en nous le sentiment que les personnes atteintes de leucémie subissent un sort injuste. De plus, les acteurs nous livrent une performance exceptionnelle. Je le conseille à tous! Critique du film L’histoire de Pi Catherine Vignault Sciences de la nature Ang Lee, fasciné par le roman de Yann Martel, L’histoire de Pi, décide d’en faire une adaptation cinématographique, qui a pris l’affiche en novembre 2012. Ce film met en vedette Suraj Sharma, qui joue le rôle principal d’un Indien, Piscine Molidor « Pi » Patel. Tout au long du film, il raconte son incroyable histoire. Ayant grandi dans un zoo avec son frère et ses parents, il se retrouve contraint de voyager à bord d’un navire en compagnie de plusieurs animaux sauvages lorsqu’il déménage au Canada. Quand la tempête surgit, qu’ils font naufrage et que le bateau sombre, Piscine finit sur un radeau en compagnie d’un féroce tigre du Bengale, Richard Parker. Ils devront faire face à plusieurs situations, toutes plus difficiles à surmonter les unes que les autres. Leur instinct de survie sera mis à rude épreuve, et Pi devra travailler fort pour apprivoiser Richard Parker, qui finira par survivre à sa façon. L’histoire de Pi est un film qui présente des personnages très attachants, notamment Pi. Par ailleurs, l’histoire est originale et captivante. Elle ne ressemble pas du tout aux habituels récits d’amour ou aux films d’action typiques. Certaines péripéties semblent toutefois légèrement tirées par les cheveux. D’un point de vue technique, par contre, les prises de vue sont spectaculaires, de même que les effets spéciaux. Le jeu des acteurs est aussi très bon. Les animaux présents dans le film, quant à eux, sont très naturels et semblent pleinement sauvages, ce qui donne de la crédibilité à l’histoire et un cachet intéressant au film. Par ailleurs, la fin est à la fois bonne et surprenante, en plus de nous inciter à réfléchir. Personnellement, je trouve que L’histoire de Pi est un film incroyable, que je conseillerais certainement en raison du personnage attachant de Pi, de son récit captivant et de sa qualité technique. Pi, qui montre tellement de détermination et de courage lorsqu’il perd sa famille et se retrouve seul au beau milieu de l’océan, attire rapidement la sympathie. L’histoire, à la fois spéciale et originale, offre un divertissement des plus captivants. De plus, les images, les effets spéciaux et les prises de vue sont extraordinaires et constituent un vrai régal pour l’oeil. Décidément, ce film est à voir! Référence : Life of Pi (L’histoire de Pi), Ang Lee, avec S. Sharma, États-Unis, 2012, Aventures, 125 min. L’Empreinte 26 L’homme qui voulait vivre sa vie Véronica Pomerleau Session de transition A yant tout pour être heureux, un emploi gratifiant, une famille grandissante, Paul Exben, avocat hanté par les regrets de ne pas avoir réalisé son rêve de devenir photographe, reflète l’image de la réussite telle que l’on se l’imagine. Tout bascule lorsque sa conjointe lui demande le divorce et lui apprend qu’elle le trompe avec Grégoire Kremer, photographe professionnel. La descente aux enfers de Paul atteint son apogée lorsqu’il commet un homicide involontaire en tuant l’amant de sa femme. Reprenant ses esprits, il échafaude un scénario dans lequel, après avoir jeté la victime dans la mer, il simule sa propre mort en faisant exploser son voilier. Avec les papiers d’identité de Kremer, il se dirige en Hongrie, endroit de prédilection où il vivra sa vie en tant que photographe. L’adaptation du scénario de ce film n’a pas été chose facile en raison du témoignage introspectif du narrateur. D’une part, Romain Duris, qui interprète le rôle de premier plan, traduit brillamment dans son jeu le vécu du personnage en quête de son authenticité. D’autre part, le protagoniste arrive trop souvent à ses fins sans complications. Avec une facilité presque irréaliste, il réussit à falsifier le passeport de Kremer, à passer aux douanes ou à dissimuler l’absence de ce dernier, à titre d’exemples. Dès notre jeune âge, on nous enseigne des valeurs qui deviennent les piliers de notre vision de l’avenir, voire nos paramètres de réussite sociale. Paul Exben témoigne qu’il mène un combat entre deux forces : les idéaux transmis et les siens. Ce film nous apprend que, malgré les choix, il faut toujours poursuivre sa voie et se donner aux passions qui nous habitent, car comme le dit l’adage : « Chassez le naturel, il revient toujours au galop. » Mr. Nobody Karine Brochu Sciences de la nature A lors que ses parents décident de mettre fin à leur union, Nemo Nobody est confronté à un premier choix : rester avec son père ou partir avec sa mère. Cette décision étant trop difficile à prendre pour le petit garçon de neuf ans, celui-ci choisit de vivre les deux possibilités qui s’offrent à lui. Il en résulte alors une longue suite de choix pour lesquels Nemo refuse de prendre une décision. Il se voit donc dans l’obligation de vivre toutes les possibilités. C’est ainsi que l’on explore les multiples vies de ce personnage à partir de trois intrigues principales, chacune l’amenant à vivre avec une épouse différente. Le jeune Nemo vit selon une maxime qui décrit bien l’ensemble d u film : il est difficile de choisir, car on ne peut pas revenir en arrière pour prendre la bonne décision; tant et aussi longtemps qu’on ne choisit pas, tout demeure possible. Ce film, du même genre que L’Effet Papillon, demeure fidèle à son fil conducteur du début à la fin. Le but du réalisateur est clair, soit de démontrer le poids des décisions à prendre. Il s’agit d’un bon film à teneur philosophique, malgré le fait que la réflexion qu’il provoque a déjà été explorée dans d’autres films du même genre. La narration n’étant pas linéaire, il est facile de se perdre dans ce casse-tête si l’on n’est pas attentif. Le film se perd parfois dans certaines longueurs qui surchargent le scénario, mais qui servent tout de même à parfaitement entrelacer les histoires et leurs possibilités. Pour ma part, j’ai adoré ce film pour les nombreuses questions qu’il suscite. L’intrigue est simple et les différentes décisions sont bien explorées, peut-être même trop par moments. On se perd parfois lors des changements rapides entre les lignes directrices, mais on se retrouve rapidement grâce aux différentes couleurs des vêtements des épouses de Nemo et aux coupes de cheveux de l’acteur principal. Le film est idéal si l’on veut se divertir en se permettant toutefois un brin de réflexion. Livres Cinquante nuances de critiques... Cinquante nuances de Grey : plus de peur que de mal Josée Turmel Sciences de la nature L e roman Cinquante nuances de Grey suscite, depuis quelques mois, un réel engouement. Publiée en français le 17 octobre dernier par les Éditions JC Lattès1, cette première œuvre de la trilogie Fifty Shades est présentée comme une romance pour adultes. C’est le premier best-seller de l’auteur E.L. James (pseudonyme pour Erika Leonard2). On y raconte l’histoire d’Anastasia Steele, 21 ans, n’ayant pas encore connu d’homme dans sa vie, qui interviewe un richissime homme d’affaires nommé Christian Grey. Leur brève rencontre déclenche un bouleversement amoureux intense. Anastasia découvre peu à peu que son nouvel amant n’a rien d’ordinaire : il veut qu’elle devienne sa « soumise » pour s’adonner à des relations sadomasochistes. Règles de conduite et contrat : la jeune femme est très confuse, car ce n’est pas ce qu’elle désire de lui. Saurontils développer une relation, et dans quels termes? Il faut d’abord spécifier que Cinquante nuances de Grey est vraiment captivant, mais aussi très explicite sexuellement. Au début du roman, on craint de lire des passages très violents et dégoûtants. Cela prend plutôt une tournure romantique assez agréable. Qualité ou défaut, selon vos intérêts, la sexualité prend beaucoup de place. De plus, celles qui rêvent de luxe seront rassasiées. Anastasia est très simple et attachante, et le récit nous tient réellement en haleine. Le vocabulaire est plutôt simple et le récit, très actuel. Le seul petit bémol est que le contenu manque un peu de profondeur. Bref, osez entamer la lecture de Cinquante nuances de Grey. Avec la forte intensité de ce roman, une chose est sûre : vous le lirez très rapidement! Le déroulement surprenant et inhabituel vous changera vraiment de la routine. La preuve : on le trouve dans la vitrine de toutes les librairies. 1 WIKIPEDIA. « Cinquantes nuances de Grey », [en ligne], consultée le 24 mars 2013. < http://fr.wikipedia.org/wiki/50_nuances_de_Grey> 2 BABELIO. « E.L. James », [en ligne], consultée le 24 mars 2013. < http://www.babelio.com/auteur/-E-L-James/234586> 7 ans après… WOW! Marie-Pier Lapointe Sciences humaines - Profil AdministrationÉconomie N ikki, une artiste au fort caractère, vit au jour le jour. Sébastien, à l’opposé, veut tout contrôler et mène une vie sans anicroche. Pourtant, ils vont s’aimer éperdument, se marier et donner naissance à des jumeaux. Peu de temps après, le mariage tourne au cauchemar et se transforme en un terrible divorce. Sébastien prend la garde de Camille, qu’il élève avec équilibre et fermeté, alors que Nikki obtient celle de Jeremy, qu’elle éduque avec beaucoup plus de relâchement. Les années se succèdent et cha- cun refait sa vie, mais sept ans plus tard, Jérémy disparait sans laisser de trace. Ne sachant pas quoi faire, Nikki n’a d’autre choix que de se retourner vers son ex-mari. Ils unissent donc leurs forces afin de retrouver leur fils perdu. Ils sont ainsi entraînés de l’autre côté de l’océan où une multitude de surprises les attend. Là, ensemble, des sentiments refoulés refont surface. Des sentiments qu’ils croyaient perdus à jamais… Dans ce récit, il est possible de constater que Guillaume Musso, auteur de grands succès français, a quitté sa zone de confort pour nous présenter une intrigue dans laquelle l’amour ne figure pas au premier plan. À première vue, il est possible de croire qu’il s’agit d’un simple roman à l’eau de rose, mais il n’en est rien. Bien qu’une histoire d’amour soit présente, c’est une intrigue d’un tout autre genre qui est mise de l’avant : un thriller où des personnages attachants sont livrés à un complot hors du commun. L’histoire est construite avec une très grande minutie. Tout au long du récit, des détails qui paraissent insignifiants deviennent des facteurs décisifs. Néanmoins, quelques bémols s’imposent. D’abord, la fin est trop brusque. L’épilogue dévoile ce que sont devenus les personnages principaux deux ans plus tard, mais n’explique pas le sort des autres, qui ont pourtant eu un rôle primordial dans l’aventure. La coupure se fait trop rapidement. De plus, l’auteur n’a pas eu recours au surnaturel qu’il utilisait dans ses autres best-sellers, au détriment des attentes de ses lecteurs. Il a plutôt fait preuve de rationalisme pour apporter l’équilibre dans son ouvrage. Pour ma part, j’aurais préféré qu’il y ait une petite touche de fantastique signée Guillaume Musso. Sans sa marque de commerce, c’est comme si ce n’était pas l’œuvre de cet auteur. Pourtant, j’ai adoré l’intrigue et littéralement dévoré chacune des pages de ce roman. C’est un récit rempli de rebondissements où tout le monde y trouve son compte. Le monde de Charlie Martine Voisine Sciences de la nature et Arts et Lettres L e monde de Charlie est une œuvre de Stephen Chbosky qui traite de la vie d’un jeune garçon d’une quinzaine d’années. En plus de devoir faire le deuil de son meilleur ami, qui s’est suicidé, il doit faire son entrée à l’école secondaire. Le lecteur suit l’histoire de Charlie pendant cette année mouvementée par le biais de plusieurs lettres que celui-ci écrit. Dans ces lettres, le personnage principal y décrit son passage dans sa nouvelle école, les nouvelles rencontres qu’il y fait, les nouvelles expériences qu’il vit ainsi que tout ce qui lui passe par la tête. Ce dont le lecteur peut être certain, c’est que cette année s’annonce pour être tout, sauf banale pour le jeune Charlie! Cette oeuvre peut sembler clichée au tout début puisqu’elle traite de l,entrée au secondaire et des premières amours. De plus, il est rare que les lecteurs apprécient les romans composés de lettres s’adressant à lui. Pourtant, l’auteur, dans son roman, a su en faire très bon usage. En effet, les lettres apportent un côté plus intime au livre. Elles permettent au lecteur d‘entrer complètement dans la tête du personnage, sans que cela devienne lourd à lire. Finalement, l’auteur a su, avec aisance, 27 L’Empreinte 28 cacher une intrigue tout au long du roman. Cette intrigue, le lecteur ne doute de son existence en aucun cas pendant la lecture, et ce n’est qu’à la fin qu’elle le surprend. En terminant, pour ma part, lire Un roman français m’a fait découvrir Beigbeder sous un autre angle. Bien qu’on le connaisse provocateur, cru et choquant, il nous dévoile dans cette œuvre-ci un côté de lui tendre et douillet. Ses longs discours auront su cette fois attendrir son public, par ses propos justes et honnêtes. Voyage au bout de la nuit : une esthétique du vide Emanuel Guay Sciences humaines - Profil Sociétés-Monde Pour conclure, j’ai bien apprécié la lecture de ce livre. J’en avais déjà beaucoup entendu parler avant de le lire et mes attentes étaient très élevées. L’auteur ne m’a en aucun cas déçue. Je me suis très rapidement attachée au personnage de Charlie et à l’univers que Stephen Chbosky a su créer autour de lui. Je le recommande très fortement à quiconque aime la lecture. Un roman français Annie Coulombe Cinéma et hypermédia L ’auteur français Frédéric Beigbeder se démarque dans Un roman français, ce qui lui vaut le prix Renaudot en 2009. À la suite de son arrestation pour avoir consommé de la cocaïne sur une voiture avec un de ses amis, Beigbeder devra faire face à luimême lors de son incarcération en garde à vue pendant quarantehuit heures. Mitraillé par des visions et des réflexions qui font mal, il voit son passé réapparaître peu à peu malgré lui. Les souvenirs d’une enfance oubliée, ou plutôt mise de côté, font leur réapparition dans une atmosphère de torture et de dégoût. Après son séjour en prison, l’auteur réintègre son quotidien et tente d’y apporter des changements. Par ses propos sincères et touchants, l’œuvre Un roman français est un succès. L’auteur se livre à son lecteur comme s’il était son ami, son parent. La proximité de cette relation emporte rapidement le lecteur dans l’univers sentimental de Beigbeder. Il ressent la douleur psychologique de l’auteur, car Beigbeder est comme un livre ouvert. Il est donc facile d’éprouver de la compassion. Par exemple, l’auteur expose sa douleur et sa vulnérabilité après les premiers vingt-quatre heures de détention : il s’avoue faible et vaincu. Beigbeder a voulu révéler la souffrance qu’il a endurée durant son emprisonnement. Même s’il semble exagérer, il confirme, en entrevue aux Francs-tireurs à Télé-Québec, que ceux qui n’ont pas vécu l’incarcération en garde à vue ne peuvent comprendre l’atrocité de la situation. Bref, la gamme d’émotions par laquelle passe le personnage principal est remplie de confidences honnêtes et touchantes, qui nous font parfaitement adhérer à son univers. Par contre, Beigbeder fait de multiples références à ses romans antérieurs. Il est donc nécessaire de connaître brièvement les lignes directrices de ses œuvres diverses ainsi que leurs personnages pour saisir l’entièreté d’Un roman français. L orsque Theodor Adorno déclare en 1949, dans un article intitulé « Critique de la culture et société », qu’« écrire un poème après Auschwitz est barbare1 », il énonce un jugement très sévère sur la possibilité de dépasser les horreurs commises lors de la Seconde Guerre mondiale, d’effectuer un retour à la civilisation après la barbarie. Cette affirmation, qui a suscité de grandes controverses, s’adresse en premier lieu au domaine de l’Art et à ses pratiques. Comment un travail artistique peut-il effectivement être conçu après la Shoah, comment représenter un idéal esthétique tout en considérant les chambres à gaz ? Il nous semble qu’une partie de la réponse à cette question se manifeste dans Voyage au bout de la nuit de Louis-Ferdinand Céline, roman qui a non seulement exercé une influence considérable sur la littérature contemporaine, mais qui expose également la nécessité post-Auschwitz de la pensée artistique, car c’est la conscience de la souffrance qui s’exprime à travers elle. Le livre relate l’existence de Ferdinand Bardamu, étudiant en médecine qui s’enrôle dès le début du roman dans l’armée française et qui retourne en France vers la fin du récit, à la suite de pérégrinations en Afrique et aux États-Unis. Bardamu est confronté successivement aux effets dévastateurs de la Première Guerre mondiale, du colonialisme, du capitalisme industriel et de la misère, qui s’imposent comme l’ultime constante au cours de son périple. Mais au-delà des difficultés ponctuelles auxquelles Bardamu fait face, cette œuvre est essentiellement la quête d’un homme qui cherche une cause à la désolation du monde. Les expériences de Bardamu, ce « roi d’un pays pluvieux2, » le mènent à pourfendre les idéaux sous toutes leurs formes et à nier la possibilité d’une profondeur à la condition humaine : « La grande fatigue de l’existence n’est peut-être en somme que cet énorme mal qu’on se donne pour demeurer vingt ans, quarante ans, davantage, raisonnable, pour ne pas être simplement, profondément soi-même, c’est-à-dire immonde, atroce, absurde. Cauchemar d’avoir à présenter toujours comme un petit idéal universel, sur-homme du matin au soir, le sous-homme claudicant qu’on nous a donné3 ». Dans un monde sans causes ni buts, seul est vrai ce qui pérennise le silence. Voyage au bout de la nuit, le plus célèbre roman de Céline, est bien plus qu’un chef-d’œuvre littéraire. Il est l’un des grands récits de la laideur humaine. 1 ADORNO, Theodor. Prismes, Éditions Payot, Paris, 1980, p. 26 2 BAUDELAIRE, Charles. Les fleurs du mal, Éditions Jean-Claude Lattès, Paris, 1995, p. 190 3 CÉLINE, Louis-Ferdinand. Voyage au bout de la nuit, Éditions Gallimard, Paris, 2011, p. 418 Témoignages Des parents de retour aux études L’avenir est à ma portée ! Maman retourne sur les bancs d’école Marie-Claude Girard, maman de deux petits garçons et… étudiante en Soins infirmiers Sophie Le Grand Sciences de la nature C ’est l’heure de diner. Je m’assure que je n’ai pas de messages sur mon cellulaire. Ce matin, lorsque je suis partie pour me rendre à l’école, mon jeune garçon faisait de la fièvre. Je l’ai quand même laissé à la garderie. Pas le choix ! Si je manque un cours, je perds des points sur mes examens et si mon conjoint manque des heures de travail, nous n’arriverons pas à la fin du mois. D’un côté, je me sens coupable de ne pas être avec mon bébé malade, de l’autre j’essaie de me convaincre que c’est la bonne chose à faire. En retournant à mon cours, mon cellulaire sonne, la garderie… La fièvre ne tombe pas, je dois aller chercher mon petit. Sachant bien les conséquences reliées au fait de quitter mon cours, je pars pour la maison… Ma deuxième vie commence : celle de maman. Je sais bien que, si je veux me coucher le soir sans regret, j’ai juste à passer du bon temps avec mes petits loups. J’ai un conjoint fabuleux et je suis consciente que ce ne sont pas toutes les étudiantes avec des enfants qui bénéficient d’une aide morale, financière et ménagère comme moi. Cela dit, il fait le souper pendant que je m’occupe des enfants. C’est du temps précieux que j’ai avec eux puisque, pendant les sessions d’examens, ce temps est presque inexistant. Mes journées sont épuisantes, mais je sais pourquoi et pour qui je le fais. Le sourire de mes enfants est ce que j’ai de plus précieux et leur offrir une belle vie de famille est important pour moi. Lorsque j’aurai mon diplôme en main, je serai fière de moi. En attendant, je travaille fort pour concilier mon rôle de mère, de conjointe et d’étudiante. Quelquefois, j’ai l’impression d’être incompétente dans tous mes rôles, mais j’ai découvert qu’il existe de l’aide à l’école. Que ce soit le service de psychologie ou le soutien du comité Parents-Études, j’ai fini par trouver des solutions. Merci pour cette aide, l’avenir est à ma portée! J e suis au restaurant, j’ai chaud, je suis fatiguée d’être constamment debout et de vivre des rushs qui n’en finissent plus. Entretemps, je pense à mon avenir, je me demande comment je vais tenir le coup jusqu’à la fin de ma carrière de cuisinière. J’aime tout de même le métier, mais plus assez pour continuer. Alors, quelle solution s’offre à moi? Retour aux études, mais la tâche ne sera pas facile. Un retour aux études avec deux enfants en bas âge, il a fallu bien y penser et surtout bien s’organiser. J’ai la chance d’avoir un conjoint qui m’appuie dans mes démarches. La première session fut pénible : me remettre dans la peau d’une étudiante s’est avéré ardu. Entendre parler d’atomes quand ça fait 16 ans que tu as fini ton secondaire, quel choc! Pour réussir, il faut de l’organisation, ne pas accumuler de retard et bien s’entourer, car parfois on a besoin d’aide lorsque la garderie est fermée ou qu’un des enfants tombe malade. Vive Mamie! Malheureusement, il arrive que nous n’ayons pas tous cette chance. Certaines étudiantes, qui vivent la même chose que moi, doivent manquer des cours et composer avec les retards. Parfois même subir des manques de compréhension de certains professeurs. Pour ma part, je n’ai pas eu à vivre cette situation, mais le comité parentsétudes dont je fais partie m’en a informée. J’aime bien échanger avec d’autres parents étudiants, afin de s’épauler et de se donner des trucs pour atteindre son but. La réussite est possible, il ne faut pas se décourager. Le succès réside dans l’organisation: temps pour les études, temps de qualité avec la famille et au moins quelques heures de repos mental pour ne pas faire de dépression. Nous méritons tous de réussir : il faut juste y croire. 29 L’Empreinte 30 Points de vue des spécialistes Programme Cinéma et Hypermédia Un film de Baz.... Pardon, Ralph Fiennes Carl Couture Critique du film Amour chiennes Alexandra Gosselin U n début percutant pour un film tout aussi percutant! Amores Peros, traduit en français Amour chiennes, est le premier long métrage réalisé en 2000 par Alejandro González Iñárritu. Il a aussi réalisé Babel ainsi que 21 grammes. Il a été en nomination aux Oscars ainsi qu’aux Golden Globe pour le meilleur film étranger en 2001. Ce drame mexicain nous offre une réalité dure et crue que nous ne connaissons guère au Québec. Dès les premières minutes du film, Alejandro González Iñárritu nous percute de plein fouet, au point que les âmes sensibles voudront arrêter le visionnement, mais forcez-les à regarder la suite, car ce film mérite d’être vu et revu. Même après deux visionnements, il y a encore des choses à apprendre. Octavio vit chez sa mère avec son frère et la femme de celui-ci. Il est fou de cette dernière qui, d’ailleurs, se fait maltraiter par son mari. Octavio participera à des combats de chiens clandestins dans son quartier, ce qui lui donnera une lueur d’espoir pour s’enfuir et s’offrir une vie meilleure avec Susana. Valeria vit dans un tout autre monde que celui d’Octavio. Elle est la top-modèle la plus adulée du moment. Elle vient d’avoir un nouvel amant, un immense appartement et un petit chien. Un accident viendra perturber sa petite vie de rêve. El chivo est un ancien guérillero devenu clochard. Il fait des petits contrats en tant que tueur à gages et réussit à survivre avec ses nombreux chiens. Outre l’intérêt qu’il porte à ses chiens, une jeune fille de son quartier attire énormément son attention. Trois destins, trois vies distinctes, trois opposés, tous rassemblés en un seul et unique évènement tragique. Chaque minute du film nous aide à mieux comprendre les minutes précédentes. Il est difficile de faire la synthèse de cette œuvre, car les chassés-croisés entre les trois histoires sont trop nombreux. Iñárritu a su tirer son épingle du jeu et nous faire sortir de notre zone de confort. Les scènes horriblement réalistes sont si bien amenées et les plans de caméra sont si francs qu’on ne peut qu’apprécier la totalité de cette œuvre. Amour Chiennes, c’est la cruauté poétique et un scénario bien construit : un film à voir pour lever le voile sur la réalité de Mexico. C oriolanus est une tragédie de William Shakespeare. Ralph Fiennes a eu la brillante idée de l’introduire au grand écran. Caius Martius Coriolanus est un général de l’armée romaine. Il a perdu beaucoup de sang pour son pays et désormais il désire faire carrière en politique. Malheureusement, il est rejeté par le peuple affamé et trahi par la haute direction romaine. Le rêve de se venger hante son esprit. Il se liera à son pire ennemi et à celui de Rome pour faire tomber la nation qui l’a déchu. Ralph Fiennes et Gerard Butler offrent une excellente performance dans les rôles titres, favorisant un jeu théâtral. En respectant les dialogues de Shakespeare, l’œuvre satisfait les amoureux de l’auteur, ainsi que ceux qui ne connaissent pas l’œuvre de l’écrivain de renom. Utiliser les dialogues d’autrefois dans l’époque actuelle est une démarche artistique intéressante. Par contre, il serait faux d’affirmer qu’elle est innovatrice, car Baz Luhrmann y a déjà pensé il y a plus d’une décennie avec Roméo et Juilette. Eh oui! C’est dommage, Ralph, mais quelqu’un l’a fait avant toi. Il y a énormément de similitudes entre les deux œuvres. Chacune d’elles raconte une histoire du passé se déroulant dans le présent, chacune d’elles offre un jeu d’acteurs identique et chacune d’elles se sert des médias pour représenter le chœur. En effet, quoi de mieux que le bulletin de nouvelles pour nous expliquer les situations d’actualité. Le message est clair et nous le savons tous : les médias prennent trop d’espace dans notre vie. Cependant, cette méthode met en valeur le long-métrage, et le réécrire sans les dialogues originaux aurait probablement donné un résultat pire. Enfin, la réalisation laisse croire qu’on regarde véritablement une pièce de théâtre avec ses décors très simples, sans aucune touche artistique frappante. Si vous avez aimé Ralph Fiennes dans le rôle de Voldemort, si le nom de Gerard Butler fait partie de vos fantasmes ou si vous aimez tout simplement les écrits de Shakespeare, alors ce film est pour vous. Critique du film Les Intouchables Frédérique Alain Les Intouchables, avec 19 440 000 entrées, est le troisième film dans l’histoire du box-office français. Réalisé par Olivier Nakache et Éric Toledano, le film relate essentiellement l’amitié issue de la rencontre de Driss, jeune banlieusard récemment libéré de prison, et de Philippe, richissime parisien tétraplégique. 31 Dans l’œil de la caméra, les réalisateurs nous permettent de voir la richesse d’une amitié aussi profonde que celle des protagonistes. Ainsi, le développement de cette relation est présenté à travers les aventures quotidiennes personnelles et professionnelles que vivent ces deux hommes. Un bon jour, ces deux personnages s’apportent mutuellement tellement de bonheur qu’ils ne peuvent plus vivre sans l’autre! En effet, Driss avait comme but de toucher une allocation de chômage en se faisant refuser un poste d’auxiliaire à domicile, mais il se trouve pris au dépourvu à la suite du défi que lui lance le tétraplégique, qui ne peut guère supporter l’aide des autres préposés, qui le prennent constamment en pitié, selon lui. L’orgueil de Driss lui fait accepter cette offre, l’amenant ainsi à emménager chez Philippe et à remplir ces fonctions à temps plein. De fil en aiguille, un lien de complicité et de confiance se tisse entre les deux hommes qui se côtoient quotidiennement, s’entraident et s’influencent, notamment en permettant à Philippe de retrouver l’estime et l’amour et à Driss de devenir mature, intègre et responsable. Malgré des divergences d’opinions et des querelles importantes, les deux amis demeurent fidèles, ce qui explique la longévité de leur relation. Ce film touchant, profond, inspirant et tiré d’une histoire vraie permet à l’auditoire de prendre conscience à quel point la vie peut être belle malgré l’adversité et à quel point l’amitié est importante! que. Malheureusement, cet aspect fut oublié assez rapidement lors du long-métrage. On doit se contenter d’une histoire d’amour de jeunesse et des temps difficiles de l’adolescence. Par le mariage de son scénario et de sa réalisation, le film entre dans une filmographie, qu’on pourrait appeler « Guerre africaine », c’està-dire les films tels que Un dimanche à Kigali et Hôtel Rwanda. On aurait pu prendre le même réalisateur que ces films et on aurait obtenu le même résultat. En soi, Rebelle n’est pas un mauvais film, mais n’est pas un chef-d’œuvre. Demain, les cinéphiles vont avoir oublié Rebelle. Si Kim Nguyen désire rester d’actualité, il aura besoin de réaliser une prochaine œuvre d’un calibre supérieur. Si vous n’êtes pas d’accord, alors je suis peut-être mort.... Critique du film Voice Over Francis Perreault J ’ai été faire un tour au festival « Regard sur le Saguenay ». Voice Over est le parfait exemple d’un court-métrage qui reflète le génie ! J’adore les films qui regroupent plusieurs histoires et Voice Over utilise cet aspect à la perfection, en présentant des histoires parallèles. Je suis peut-être mort Carl Couture Chacune des histoires met en scène un personnage extrêmement malchanceux qui se retrouve dans une situation loufoque. Chaque personnage a un but à atteindre. Un astronaute en manque d’oxygène doit atteindre son vaisseau de secours pour récupérer une bonbonne d’air, et, en même temps, détient un extraterrestre dans sa combinaison. Un soldat doit atteindre un détonateur pour faire exploser une bombe alors qu’il n’a plus de jambes. Et un marin doit se déprendre d’une corde qui le tient sous l’eau. J Chaque personnage est en fait la même personne. Il est seulement entraîné par le narrateur qui décide de son destin et de son histoire, mais le narrateur fait changer le personnage principal de situation et d’histoire puisqu’il ne se décide pas. Le plus drôle, c’est que le narrateur éprouve un malin plaisir à placer son personnage dans une situation vraiment merdique. C’est extrêmement bien fait et on rit aux éclats. Même le narrateur nous fait marrer par sa façon de s’exprimer. La dame en question m’a dit que si je n’étais pas ému en regardant ce film, j’étais mort. Si la trame sonore ne m’émouvait pas, j’étais mort. Si l’histoire ne m’émouvait pas, j’étais mort. Ces phrases m’ont convaincu de regarder Rebelle. Le film utilise un autre aspect très important, le temps, puisque le personnage principal dispose d’un temps limité pour atteindre son objectif. Par exemple, si l’astronaute ne parvient pas à atteindre son but, il va manquer d’air, le marin aussi et le soldat doit atteindre son but avant de se vider de son sang. Cela nous amène à forcer avec le personnage, car on veut qu’il atteigne son objectif. ’étais dans une taverne et, dans ce lieu, j’ai eu une discussion sur la vie avec une quadragénaire. Lorsqu’elle a appris que mon champ d’études était le cinéma, elle m’a parlé du film Rebelle de Kim Nguyen. Ce film a été en nomination pour l’Oscar du meilleur film en langue étrangère et est le grand gagnant de la soirée2013 des Jutra. Dès le lendemain matin, je l’ai visionné. Rendu au générique, je me suis demandé si j’étais toujours vivant. Rebelle présente une histoire touchante, mais qui manque un peu d’originalité, selon moi. Le film relate les péripéties d’une jeune adolescente pendant la guerre sub-saharienne en Afrique. Pourtant, le début laissait croire à un avenir meilleur. Le fait qu’un des clans avait nommé la jeune fille sorcière de guerre semblait une occasion de créer une œuvre uni- La réalisation est bien faite de même que l’acting. La fin est extraordinaire, et le film finit sur une bonne note. Voice Over donne un bon message d’espoir puisque le personnage finit par atteindre tous ses objectifs, alors qu’il était sur le point d’abandonner. Un véritable chefd’œuvre. Rien à redire. Bravo ! L’Empreinte 32 Critique du film Henry Henry, de Yan England : un film touchant Annie Coulombe Marie-Pierre Fecteau E n nomination à la soirée des Oscars pour le prix du meilleur court métrage de fiction, Henry, réalisé par Yan England, dévoile l’atrocité de la maladie d’Alzheimer. Grandement inspiré par la vie du grand-père du réalisateur, ce court métrage montre à ses spectateurs les formes de la maladie dans les yeux de l’aîné, puis de sa fille. Tout au long du film, Henry, le personnage principal, revit des souvenirs qui font leur apparition dans sa mémoire. La direction artistique est un point fort du film. Le jeu juste des acteurs fait entrer le spectateur dans la dimension voulue; il ne peut alors pas rester indifférent à la situation. Henry, joué par Gérard Poirier, transporte son public dans les visions de ses souvenirs. Les transitions entre ces visions et la réalité sont très bien exécutées. Par la mise en scène intelligente, il est possible de tournoyer entre deux mondes sans avoir de difficulté à se situer et à comprendre le déroulement de l’histoire. Par exemple, lorsque Henry est seul avec Henry plus jeune dans le couloir sombre et que le plus jeune dit au plus vieux de s’accrocher et qu’il lui demande s’il se souvient de Nathalie, les lumières s’allument les unes à la suite des autres dans le couloir, et des femmes enceintes sortent des chambres. La caméra se tourne vers Henry plus jeune avec sa femme et un bébé dans les bras. Cette transition est tellement bien exécutée, comme les autres d’ailleurs, que le spectateur comprend alors facilement la transition entre deux mondes, réalité et fiction du souvenir. L’auteur voulait sans doute faire entrer son public dans l’univers de son grand-père et lui faire comprendre par quelle détresse passe le personnage principal. Grâce à des transitions fluides entre la réalité et la fiction des souvenirs, l’histoire et la sensibilité qu’elle dégage sont accessibles à tous. Pour conclure, grâce à une mise en scène intelligente, au jeu juste des acteurs et aux transitions fluides, agréables et originales, Henry est un succès, une fierté du court métrage québécois. Yan England montre à son public son talent à partager une douleur familiale en harmonisant la beauté et la cruauté de la situation. Les admirateurs du réalisateur et acteur ont alors déjà faim d’un prochain jet créatif de celui-ci, qui a conquis nos cœurs avec une audacieuse simplicité. L e 24 février dernier se tenait la 85e cérémonie des Oscars au Dolby Theatre à Los Angeles, en Californie. Parmi les nominations de films mettant en vedette les stars de l’heure se trouvait également une catégorie pour les meilleurs courts-métrages de fiction. Cette année, cette catégorie était particulièrement intéressante puisque le Québec y était représenté. En effet, Henry, de Yan England, a su se tailler une place au milieu des meilleures productions mondiales. J’ai eu la chance de visionner son œuvre et voici ce que j’en ai pensé. Pour commencer, l’œuvre d’England se distingue beaucoup par sa direction artistique et sa direction photo. Les décors et costumes d’époque sont fantastiques et donnent à l’histoire le ton de vérité qu’il faut. Puis, la qualité de l’image est exceptionnelle et les plans sont magnifiques. De plus, le jeu des acteurs est riche et remarquable. La complicité entre les personnages se sent fortement. Gérard Poirier, Louise Laprade et Marie Tifo sont resplendissants de vérité à l’écran. Les émotions jouées sont vraiment senties et émouvantes. D’autre part, l’utilisation de la musique dans le film ajoute une touche et une couleur que personne ne peut passer sous silence. Les mélodies étaient si poignantes que je n’ai pu empêcher une larme de prendre son aise dans le coin de mon œil. Je n’étais d’ailleurs pas la seule, puisque les gens qui m’entouraient dans la salle étaient également dans le même état : sans mots et émus par l’oeuvre d’England. Toutefois, le seul bémol du film est, à mon avis, le scénario plutôt commun. Il m’a semblé connaître le dénouement de l’histoire dès les premières minutes. Par contre, étant donné le fait que le récit est basé sur des faits vécus, je ne peux qu’oublier tout ceci et apprécier encore plus l’œuvre qui m’est gracieusement offerte. Somme toute, je dois avouer que, malgré quelques similitudes avec des œuvres vues auparavant, ce petit bijou québécois méritait assurément sa place parmi les grands du domaine. Le jeu, les décors, la qualité de l’image, la musique et le scénario plus que touchant sont le mélange parfait pour toucher le public. Tout était donc en place pour compétitionner avec les plus grands. En somme, à la suite de mon visionnement de Henry de Yan England, je peux affirmer en toute certitude que je vais désormais suivre de plus près les prochains projets de ce jeune prodige québécois et que je recommande avec grand plaisir cette perle du cinéma québécois.