Cégep de Lévis-Lauzon Édition printemps 2013

Transcription

Cégep de Lévis-Lauzon Édition printemps 2013
Cégep de Lévis-Lauzon
Édition printemps 2013
L’Empreinte
2
Sommaire
Présentation............................................................3
Réflexion..................................................................3
Des idées et des Hommes
Consommation et totalité : sur la gestion
commerciale du corps social...............................4
Réintégrer l’éducation à la sexualité au
secondaire? ABSOLUMENT!...................................5
Nietzsche, l’Art et l’Absurde..................................5
Le mariage homosexuel........................................6
Castoriadis, un penseur intègre et insoumis........6
Le bonheur est une illusion....................................7
Chronique d’un voyageur
Du Tibet indien à l’Amérique chinoise.................8
Des poètes entre nos murs
L’acceptation..........................................................10
Le mal du vide........................................................11
Parcelle d’éternité .................................................12
Récit Passionnel......................................................13
Des auteurs et des récits
Cheval-vapeur.......................................................14
Comment allez-vous aujourd’hui?.......................14
La Vie ensoleillée...................................................14
Le Ciel Bleu.............................................................15
Le temps des sucres...............................................15
Sélection naturelle.................................................15
Une Chine des plus horribles.................................16
Le papillon...............................................................17
Concours Mystère et horreur
Si je vous appelle...................................................18
La forêt.....................................................................19
Destinée..................................................................19
Cicatrice..................................................................20
À vos écrans!
The Walking Dead : télésérie.................................22
Laurence Anyways.................................................22
La rafle.....................................................................23
Napoleon Dynamite Le comble de l’absurde!....23
Critique du film L’Infiltrateur...................................24
L’infiltrateur : une œuvre cinématographique
qui saura vous couper le souffle...........................24
Critique du film Je veux vivre................................24
Le papillon...............................................................25
Critique du film L’histoire de Pi..............................25
L’homme qui voulait vivre sa vie..........................26
Mr. Nobody.............................................................26
7 ans après… WOW!...............................................27
Le monde de Charlie.............................................27
Livres
Cinquante nuances de critiques...
Cinquante nuances de Grey : plus de peur
que de mal.............................................................27
Un roman français..................................................28
Voyage au bout de la nuit : une esthétique
du vide....................................................................28
Témoignages
Des parents de retour aux études
L’avenir est à ma portée !......................................29
Maman retourne sur les bancs d’école...............29
Points de vue des spécialistes
Programme Cinéma et Hypermédia
Critique du film Amour chiennes..........................30
Un film de Baz.... Pardon, Ralph Fiennes..............30
Critique du film Les Intouchables.........................30
Je suis peut-être mort............................................31
Critique du film Voice Over...................................31
Critique du film Henry............................................32
Henry, de Yan England : un film touchant...........32
Présentation
N
ous sommes très fiers de vous présenter
l’édition printanière du journal L’Empreinte, qui réunit les fruits d’une créativité propre à notre cégep! Cette édition vous
séduira par la variété et la qualité des textes qui
y figurent.
Vous y trouverez de courts récits, entre autres
ceux qui ont été primés dans le cadre du concours
« Mystère et horreur » lors de la Journée de la littérature. À lire absolument. La section « Carnet
de voyage » vous amène au Tibet et en Chine,
non seulement par le texte mais aussi par l’image : un délice. Les poèmes, les textes de création,
les témoignages et les textes de réflexion vous
feront apprécier tout le talent qui bouillonne
en nos murs. Enfin, les critiques de films, de
séries télévisées et de livres constituent des incontournables, qui inciteront les plus curieux,
qui sait, à meubler leurs loisirs en fonction des
commentaires de ces connaisseurs.
Merci à tous les collaborateurs, élèves et professeurs, de contribuer à cet espace de partage en y
laissant votre marque. Merci à Meggy Bélanger
et à Laurence Savard-Labbé, étudiantes en Techniques de bureautique, pour le travail de mise en
page, ainsi qu’à Martin Hardy qui leur a prodigué ses judicieux conseils.
Dans le confort du salon, au bord de la piscine ou
à la plage, ou encore entre deux examens, L’empreinte vous procurera de très bons moments de
lecture et de belles surprises. Luxe, calme et volupté… toutes choses que nous vous souhaitons au
fil de vos lectures.
L’équipe de professeurs qui encadrent cette édition
Pascal Ouellet, Philosophie
Marie-Pierre Gagné, Lettres
Johanne Brochu, Bureautique
Réflexion
Paul-Hugo Ang-Houle
Sciences de la nature
A
lors voilà, commençons cette « opinion », cet « argument » ou plutôt, sans guillemets cette fois-ci, un simple constat. Je lui donne un ordre de constat, mais
j’ai peut-être tort, dieu sait. C’est ce que je crois comprendre présentement de
la soupe de gens dans laquelle je vis. Mais bon, ce qui me gruge, démange, pique, c’est
plutôt un sort duquel je suis victime et qui se traduit par un mot bien sobre. La crise. Une
petite crise au milieu de problèmes un peu plus nobles, certes, mais une petite crise à pleurer quand même. En somme, le problème est ici que je pense que nous ne nous arrêtons
tout simplement plus. Aux feux rouges et pour recharger son téléphone peut-être, mais
mis à part cela, non. Plus vraiment. Chacun de nos gestes retentit dans les catacombes
sourdes de la mémoire de tous, simplement assez pour être remarqué et souvenu, par soimême bien sûr, mais principalement pour notre voisin, les étrangers dans la rue, le chien
errant. Nous sommes des machines à mourir, et je crois bien que, quitte à nous battre
pour avoir quelques dollars de plus dans nos poches, il faudrait se battre pour que les
gens comprennent que la vie, c’est du temps. Et du temps, ça se dépense mieux quand on
profite de chacune des secondes. Alors pourquoi même essayer de se dépêcher? Personne
n’est à blâmer, nous sommes tous coupables. Après tout, ce n’est pas notre faute, n’est-ce
pas? Nous avons étés éduqués comme ça, machinés par une société où la croyance que de
pouvoir s’offrir un troisième rein en or est essentiel. Perdant progressivement le sens de
la contemplation, du petit comme du grand, du large comme du mince, de l’important
comme du néant. Et voilà, servie sur un plateau en bois, une crise, que je crois importante
à régler, au moins dans les trois prochaines minutes de lecture que durera cet article.
Car vraiment, je me rends compte de jour en jour de ce décalage, une espèce d’obsession
à s’attarder à une grande image. Une image où l’on voit en perspective des aspects sociaux,
personnels, on essaie d’englober en même temps l’éducation, l’économie, l’environnement, le bien-être des générations futures, la préservation de la tradition, tout en gardant
un œil sur l’importance de rester une société évolutive, progressiste. Bref. Vous comprenez
que ça devient rapidement un foutoir incroyable. Un foutoir essentiel, c’est vrai, mais
quand même, un foutoir qui nous donne le goût plus souvent qu’autrement d’arrêter
de faire des efforts et de se dédier à empiler les unes par-dessus les autres des bouteilles
en verre dans un coin de notre maison, recroquevillé sur nos livres d’enfance. Je dis que
la contemplation, toute contemplation, manque au quotidien. Un mode de vie où l’on
s’arrête réellement, pour observer, contempler, se rappeler. Rien de plus. Dans l’émerveillement, se ressourcer du ralentissement de quelques petites secondes s’étirer en heures,
puis rester là à fixer pour des jours. C’est bien. Voyez-vous, il en résulte un sentiment de
satisfaction assez profonde, un mélange d’excitation, suivi d’un profond calme. Le calme.
La plénitude. Le silence.
C’est beau. La complétion de chacun de ses sens dans une courte seconde. Revivre le froid
de la peur, les larmes de sa mère, le toucher du bois. S’imaginer pour un instant que le
temps n’est plus. Figé. Je la mentionne, cette beauté, pour l’arrêt du temps, mais franchement, le problème qui se dicte clairement ici n’est que la beauté n’est plus considérée
dans le choix. On ne pense plus de l’esthétique comme étant un besoin, une émotion
plutôt basique, on l’exécute sous testament de praticité, d’argent, de temps, et même
paradoxalement, d’apparence. Nous avons pratiquement arrêté de nous stationner pour
vivre dans un moment, rendus pressés par la routine, rendus stressés par la routine, robotisés, ou presque. Nous perdons de vue que l’esthétique est un merveilleux vecteur de
communication humaine. Même si le médium ne peut parvenir que d’une perspective,
d’un fond de souvenir, d’un froissement de peau. Nous ne croyons plus en ce qui est
simplement mouvant. En fait, répressions tranquillement faites envers celle-ci, nous en
venons à devenir amers, à dénigrer paisiblement l’homme qui oublie son existence pour
s’enivrer ne serait-ce qu’une seconde d’une seconde, d’un toit, d’un son. Continuant dans
ce chemin de diffamation, nous ne pourrons plus communiquer sans les mots, d’individu
en individu, sans la barrière des mots et du corps, d’ici un temps déjà dépassé.
Ce silence symphonique. Cette extension n’est que le constat où la beauté n’est qu’un
élément, beauté répartie bel et bien partout. Enfouie dans les crevasses de mains sales,
dans la peluche d’un nuage. Il ne faut pas beaucoup de raisons pour porter fièrement
le sourire sincère. Sourires entre amis. Sans un mot, sans un geste. Simplement par un
émerveillement en coin.
3
L’Empreinte
4
Des idées et des Hommes
Consommation et totalité : sur la
gestion commerciale du corps social
Joseph K.
Sciences humaines - Profil Sociétés-Monde
L
orsque Gilles Lipovetsky publie en 1983 ses « Essais sur
l’individualisme contemporain », il se propose d’étudier la
« désaffection généralisée qui ostensiblement se déploie dans
le social, avec pour corollaire le reflux des intérêts sur des préoccupations purement personnelles, et ce, indépendamment de la crise
économique1. » Cette phrase exprime éloquemment l’une des antinomies fondamentales du capitalisme avancé : comment la perte de
sens qui caractérise notre époque peut-elle cohabiter avec la survalorisation de l’unicité, comment faire l’éloge d’un Individu qui n’a
jamais été aussi peu signifiant dans le cours du monde? Il semble
qu’une partie de la réponse à cette problématique, aussi lourde de
sens soit-elle, doit être trouvée dans l’étude du processus de marchandisation du monde, dont le roman 99 francs dresse à la fois le
portrait et la critique. Ce livre illustre effectivement comment l’organisation sociale en est venue à tenir un discours unique, qui réduit
l’être humain à son pouvoir d’achat et qui incorpore à sa logique la
totalité de l’existence. Un approfondissement de ces thèses permettra ultimement d’exposer en quoi ce processus de marchandisation
représente une entrave à l’expression de notre humanité.
Le livre 99 francs se propose effectivement de dénoncer la mentalité
de l’Homo œconomicus, dont la vision du monde ne considère que
les valeurs comptables. Nos vies sont dès lors privées de leur contenu
existentiel et normatif, en devenant de simples prolongements de la
production : « Qui s’assemble, se ressemble – or toi aussi tu es vendu
au Grand Capital2. » Nos sociétés évoluent dans un espace économique dont la seule finalité est le profit personnel, une oppression pernicieuse parce que diffuse, qui ne s’articule pas autour d’un certain
nombre d’instances facilement identifiables, mais qui résulte plutôt
de l’adjonction des intérêts privés et des illusions sur le bien-être
général : « Cette civilisation repose sur les faux désirs que tu conçois.
Elle va mourir et ce sera ta faute3. » Cette homogénéisation de la
collectivité repose notamment sur un discours qui occulte les inégalités concrètes au nom d’une égalité factice devant la marchandise :
nous sommes foncièrement identiques face à la valeur d’usage d’un
produit, chacun d’entre nous peut chercher à satisfaire un besoin
spécifique au moyen d’un objet donné : « Le besoin étant indexé sur
la valeur d’usage, on a une relation d’utilité objective ou de finalité
naturelle devant laquelle il n’y a plus d’inégalité sociale ou historique. Au niveau du bifteck (valeur d’usage), pas de prolétaire ni de
privilégié4. » Ce discours est trompeur parce qu’il omet les iniquités
devant la valeur d’échange d’une marchandise, valeur qui prime ontologiquement sur la valeur d’usage dans le paradigme capitaliste
(il suffit de constater la quantité de nourriture mise aux poubelles
par les épiceries, à défaut d’avoir été vendue avant son expiration).
Le discours publicitaire, à la fois extension et apologie du mode
de production dominant, nous invite tous et toutes à nous définir
par l’entremise de standards de consommation : « Pour la première
fois dans l’histoire de la planète Terre, les humains de tous les pays
avaient le même but : gagner suffisamment d’argent pour pouvoir
1 LIPOVETSKY, Gilles. L’ère du vide : Essais sur l’individualisme
contemporain. Éditions Gallimard, Saint-Armand, 2009, p. 72
2 BEIGBEDER, Frédéric. 99 francs. Éditions Gallimard, Barcelone,
2011, p. 75
3 Ibid., p. 79
4 BAUDRILLARD, Jean. La société de consommation. Éditions
S.G.P.P., Paris, 1970, p. 88
ressembler à une publicité5. » Ce discours exécute conséquemment
deux tâches distinctes. D’une part, il uniformise l’espace social et
le conforme aux diktats de la consommation dirigée. D’autre part,
il permet l’oubli des contradictions réelles et impose une vision du
monde qui s’intronise comme achèvement de l’humanité. Il ne reste
donc plus qu’à apprécier ce qui est, sans remettre en question le
statu quo : « Alors zou, entrez dans la danse6. » Il est en définitive
manifeste que 99 francs expose et condamne la perte de sens, tant
individuelle que collective, qui afflige notre époque et qui scelle « le
triomphe de la connerie calculée et méprisante sur la simple et naïve
recherche du progrès humain7 », un appel au changement dont l’actualité ne sera jamais démentie.
Les répercussions du processus de marchandisation dont il est ici
question ne se limitent toutefois pas à la substitution de la liberté
apparente que comporte la diversité monotone des produits offerts
à l’autonomie réelle. En effet, ce phénomène comprend également
des incidences éthiques qu’il s’agira ici d’étudier. En subsumant la
totalité de l’existence humaine dans les catégories de la rentabilité
économique, le processus de marchandisation réduit nos horizons
conceptuels et prive conséquemment la pensée de sa transcendance,
de sa capacité à se projeter au-delà du registre des faits : « Partout
les mailles se resserrent selon le modèle de l’échange. L’espace qui
reste à la conscience individuelle se rétrécit; elle est de plus en plus
préformée8. » Cette intégration progressive de toute conscience à la
logique du marché limite nos possibilités d’action face à ses contradictions et nous empêche de concevoir une autre structure d’allocation des richesses et de distribution du pouvoir. Il suffit de voir
le sort réservé à la culture par le mode de production dominant,
cette dernière devant « se plier totalement aux exigences de l’humanité magiquement changée en clientèle par ses fournisseurs. Au
nom des consommateurs, les responsables éliminent de la culture
ce qui en dépasse l’immanence totale dans la société existante et
ne laissent subsister que ce qui y remplit une fonction univoque9. »
En l’administrant comme un bien de consommation, le paradigme
capitaliste prive la culture de ses potentialités critiques et la soumet
à une formule standardisée, appliquée à un contenu neutralisé par la
censure et qui n’a d’autre portée que de divertir. Ces constats ne laissent pas de place à l’équivoque : le processus de marchandisation,
comme discours ne permettant pas l’émergence de l’Autre et ne reconnaissant pas son droit à l’existence, nous prive de la pensée en
tant que négation, de cette qualité humaine fondamentale qui nous
permet de désirer activement le changement social et de s’affranchir
conséquemment de la fatalité apparente du statu quo. C’est donc
une partie de ce qui nous définit en tant qu’êtres humains que nous
cédons si nous acceptons passivement l’hégémonie de la rationalité
économiste sur nos vies.
Tout bien considéré, l’individu postmoderne10 se présente au sein
du paradigme dominant non pas comme l’agent premier du devenir
collectif, mais plutôt comme une unité sérielle dans la production
du toujours-semblable. Il appert dès lors que la propension déshumanisante de la logique marchande, qui a été décrite avec brio par
5 Op. Cit., Beigbeder p. 33
6 Ibid., p. 258
7 Ibid., p. 42
8 ADORNO, Theodor. Prismes : Critique de la culture et société, Éditions Payot, Paris, 2010, p. 10
9 Ibid., p. 17
10 L’emploi du terme « postmoderne » renvoie ici à la pensée de JeanFrançois Lyotard et est utilisée par conséquent dans ce sens particulier.
Beigbeder dans 99 francs, est un phénomène contre lequel nous
devons lutter par tous les moyens à notre disposition, à commencer par une activité réflexive qui ne doit céder ni à la barbarie, ni
à la complaisance. Une société en contradiction avec son propre
concept, soit celui d’humanité, ne saurait être libre, et c’est à cette
réalité que nous devons résister..
Réintégrer l’éducation à la sexualité au
secondaire? ABSOLUMENT!
Josée Turmel
Sciences de la nature
D
epuis le Renouveau pédagogique en 2000, les cours de
Formation personnelle et sociale, qui comprenaient un
volet sur la sexualité, ont graduellement été enlevés du
programme scolaire au secondaire. En effet, les finissants de 20082009 ont été les derniers à recevoir ces cours, dans lesquels on traitait aussi de sujets comme l’avortement, la drogue ou l’alimentation.
Depuis, la sexualité n’est plus abordée sauf dans un volet anatomique du cours de science de 3e secondaire. Par ce changement, le
gouvernement a banalisé et empêché les retombées positives importantes engendrées par l’enseignement d’une vie sexuelle saine.
En tout et pour tout, l’éducation doit viser le plein épanouissement
de chacun. La sexualité, spécialement chez les adolescents, fait partie intégrante du développement. Alors, il faut réintégrer des cours
portant sur ce sujet au programme scolaire, dans le but de développer des attitudes et des comportements sexuels responsables, et de
faire des choix éclairés. La sexualité, parfois sexiste et stéréotypée,
doit être vue d’un œil critique pour briser certains tabous et favoriser des rapports égalitaires. Il est important que, dans un milieu et
un contexte favorables, on puisse s’exprimer et discuter de rapports
égalitaires, de contraception et de consentement pour répondre aux
nombreuses interrogations des étudiants et étudiantes.
En conséquence, il est indispensable de remettre au programme du
secondaire un cours qui touche à la sexualité. Ce retour ne peut
qu’apporter du positif chez les jeunes. Il est très important que les
jeunes soient connaisseurs et alertes face aux infections transmissibles sexuellement et par le sang (ITSS), qui sont actuellement en
augmentation chez les 15 à 24 ans au Québec1. Selon le ministère
de la Santé et des Services sociaux, le nombre de cas, entre autres
de syphilis, a plus que doublé entre 2007 et 20112. Il faut tenter de
freiner cette hausse en rétablissant un minimum d’instruction pour
tous les jeunes.
En ce moment, les élèves qui terminent leur secondaire n’ont pas un
portrait clair des impacts (majeurs!) dont ils peuvent être victimes
s’ils contractent une ITSS. Comment éviter une grossesse non désirée? Mes rapports amoureux sont-ils sains? Aucune discussion éthique n’est au programme. Croyez-vous que les forums sur Internet
sauront répondre adéquatement aux nombreuses interrogations des
jeunes en pleine puberté? Toutes les ressources ne sont pas bonnes à
consulter : beaucoup de fausses et de mauvaises informations sont
malheureusement prises au sérieux. On dit même que les jeunes
apprennent à partir de la pornographie, ce qui a de lourdes conséquences. Par exemple, l’estime de soi peut être grandement atteinte
1 MINISTÈRE DE LA SANTÉ ET DES SERVICES SOCIAUX. « Portrait des infections transmissibles sexuellement et par le sang (ITSS)
au Québec : Année 2011 (et projection 2012) », [en ligne], document
consulté le 21 mars 2013. <http://publications.msss.gouv.qc.ca/acrobat/f/
documentation/2012/12-329-01W.pdf>
2 Idem 1
à cause d’images malsaines et artificielles montrées à répétition. Il
faut donner à tous quelques heures d’information et de discussion
sur une sexualité saine avec un enseignant qualifié. On peut le faire :
on l’a toujours fait avant 2000. On dit que la réforme voulait faire
valoir la responsabilité des parents envers leurs enfants, mais on n’a
pas tenu compte que beaucoup de jeunes et de parents ne sont pas,
malgré leur volonté, à l’aise d’en parler ouvertement.
Cette réforme de l’éducation n’a pas fait le bon choix en supprimant
cette partie intégrante de l’éducation personnelle. Oui, il faut donner plus de place aux mathématiques et au français, mais la société
n’ira pas plus loin si elle coupe dans l’essentiel du développement
social, entre autres, dans l’éducation sexuelle.
Nietzsche, l’Art et l’Absurde
Meursault
Sciences humaines - Profil Sociétés-Monde
«
Je suis convaincu que l’art est la tâche suprême et l’activité
véritablement métaphysique de cette vie1. » En s’exprimant
ainsi dans sa dédicace à Wagner pour La naissance de la tragédie, Nietzsche énonçait les fondements de sa théorie esthétique,
qui occupe une place centrale dans ses réflexions. L’Art n’a effectivement pas un statut secondaire dans la pensée nietzschéenne : il se
présente à la fois comme le soubassement de tout questionnement
existentiel et comme l’expression d’une « formule d’acquiescement
supérieur […] un oui dit sans réserve à la vie, et même à la douleur,
et même à la faute, à tout ce qu’il y a de déroutant et de problématique dans la vie2. » L’Art se comprend chez Nietzsche sous deux
perspectives : d’une part, il manifeste l’être. D’autre part, il est un
modèle existentiel.
L’une des notions au cœur de la pensée nietzschéenne est la volonté
de puissance, qui désigne une force dont tous les êtres vivants sont
investis, « le caractère fondamental de tout étant3. » Or, l’Art permet
de manifester cette volonté de puissance et met en évidence que la
saisie de cette dernière est intuitive et non conceptuelle. En effet,
l’apparence esthétique se donne dans l’immédiateté et n’est donc
pas appréhendée par la médiation du concept (le bien, la raison, la
transcendance, etc.). L’Art révèle également le fond de l’être, le tragique de l’existence. Il se propose effectivement de présenter la vie
au-delà des représentations que nous avons de certains de ses aspects
et parvient dans ce mouvement à saisir ce qui échappe fondamentalement à toute conceptualisation, soit la fatalité de la souffrance et
de la mort. L’Art est donc cet espace où la subjectivité se confronte
dans sa capacité à accepter la dureté de la vie, une épreuve morale qui expose le rapport entre le domaine artistique et la réflexion
sur l’existence : « Nietzsche paraît être le seul artiste à avoir tiré les
conséquences extrêmes d’une esthétique de l’Absurde, puisque son
ultime message réside dans une lucidité stérile et conquérante et une
négation obstinée de toute consolation surnaturelle4. » La pratique
esthétique nous permet donc d’appréhender l’existence dans sa vérité et de ne pas tenter de fuir le fatum de la condition humaine.
1 NIETZSCHE, Friedrich. La naissance de la tragédie, Éditions Gallimard, Paris, 1949, p. 20
2 NIETZSCHE, Friedrich. Ecce Homo, Éditions Gallimard, Paris,
1974, p. 78
3 HEIDEGGER, Martin. Nietzsche, Éditions Gallimard, Paris, 1971,
Tome I, p. 36
4 CAMUS, Albert. Le mythe de Sisyphe, Éditions Gallimard, Paris,
1973, p. 184
5
L’Empreinte
6
Le mariage homosexuel
Jessica Nadeau
Sciences de la nature - Profil Action-Sciences
L
e mariage est une grande étape dans la vie. La plupart des
gens veulent franchir cette étape un jour ou l’autre, tant les
hétérosexuels que les homosexuels. Malheureusement, la
question du mariage entre personnes de même sexe n’est pas encore
réglée. Au Canada, le mariage civil entre conjoints de même sexe
est légal sur l’ensemble du territoire canadien, depuis juillet 2005.
Par contre, le mariage religieux entre conjoints de même sexe n’est
pas encore légal. Il faut distinguer les deux sortes de mariages. Le
mariage civil est l’officialisation légale d’une union entre deux personnes, actée par un officier civil mandaté par l’État, tandis que le
mariage religieux est un mariage qui s’effectue dans le cadre d’une
religion. Les homosexuels ne peuvent donc pas encore se marier
dans une église. Devrait-on légaliser le mariage religieux entre personnes de même sexe ?
Personnellement, je suis complètement en faveur du mariage religieux entre personnes de même sexe.
Tous les homosexuels qui ont la foi, qui vivent leur foi au quotidien, désirent se marier avec la dimension spirituelle contenue
dans le mariage religieux. C’est pour eux une très grande souffrance
d’être exclus d’un sacrement qu’ils voudraient recevoir de tout leur
cœur. L’Église a peur de ternir le sacrement du mariage en l’offrant
aux homosexuels parce que celle-ci définit le mariage comme une
promesse de procréation des enfants et que cet élément est absent
dans le cas d’un couple homosexuel. Toutefois, comment peut-on
affirmer que le rôle central du mariage soit la procréation, alors que
ce ne sont pas tous les couples mariés qui ont des enfants, que les enfants ne naissent pas tous au sein d’un mariage et qu’avec l’aide des
nouvelles technologies et l’intervention d’un tiers du sexe opposé,
les unions entre partenaires de même sexe peuvent donner des enfants ? L’Église ne devrait pas se figer dans « la foi de nos ancêtres ».
Elle devrait évoluer avec le temps, avec les hommes et les femmes
d’aujourd’hui, influencés par la culture contemporaine et par les
connaissances apportées par le développement de toutes les sciences.
C’est dans ce contexte que l’Église devrait revoir le but principal du
mariage. Est-ce vraiment la procréation ? Le mariage ne devrait-il
pas être le désir d’union permanente de deux personnes qui s’aiment
et qui veulent vivre leur relation sous le regard de Dieu et avec sa
bénédiction? Ce désir d’amour existe chez les homosexuels autant
que chez les hétérosexuels. Alors, pourquoi faire comme s’il y avait
une différence entre ces deux formes de couple ?
De plus, la définition du mariage selon l’Église est discriminatoire.
La définition qu’en donne l’Église catholique est la suivante : « L’alliance matrimoniale, par laquelle un homme et une femme constituent entre eux une communauté de toute la vie, ordonnée par son
caractère naturel au bien des conjoints ainsi qu’à la génération et
à l’éducation des enfants, a été élevée entre baptisés par le Christ
Seigneur à la dignité de sacrement » Ce serait alors seulement un
homme et une femme qui auraient droit au mariage religieux. Cette
définition ne respecte pas l’article 2 de la Charte des droits interdisant toute forme de discrimination, incluant la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle. Notre société est assez évoluée pour
savoir que les homosexuels sont des personnes comme les autres et
qu’ils n’ont pas à subir des gestes d’injustice comme celui-ci.
Quant aux actions concrètes afin de régler le problème, la définition
actuelle du mariage ne devrait comporter que cette modification :
remplacer les mots « homme » et « femme » par les mots « entre
deux personnes qui s’aiment sincèrement et profondément ». Cette
modification permettrait aux couples de personnes de même sexe,
qui ont la foi et désireux de se marier, de pouvoir le faire en toute
simplicité, au sein de l’Église. Dans une nouvelle loi canadienne sur
le mariage, on devrait aussi retrouver une section sur la liberté des
Églises d’accorder l’accès de leurs fidèles au mariage religieux selon
les normes établies par chacune d’entre elles. Je sais que l’Église catholique n’est pas à la veille de célébrer des mariages homosexuels.
Qui sait, le progrès social fera peut-être changer les choses.
Castoriadis, un penseur intègre et
insoumis
Emanuel Guay
Sciences humaines - Profil Sociétés-Monde
J
’ai fait la connaissance de Cornelius Castoriadis par l’entremise
de mon troisième cours de philosophie, Éthique et Politique. Il
me semble conséquemment tout à propos de dédier le texte qui
suit à Annie Lévesque, enseignante qui m’a introduit à ce penseur
qui, selon moi, renouvelle radicalement les espaces de réflexion et de
mise en pratique d’une théorie de l’émancipation humaine.
Castoriadis, à l’instar de son œuvre, a mené une existence d’une
singulière richesse : économiste professionnel à l’OCDE, cofondateur du groupe et de la revue Socialisme ou Barbarie, directeur à
l’École des hautes études en sciences sociales, psychanalyste, écrivain
et philosophe. Jusqu’à son décès en décembre 1997, il ne cessa d’approfondir sa réflexion sur les institutions qui régulent et assurent
une cohérence symbolique à l’organisation sociale, tout en effectuant une critique sans complaisance des schèmes de domination
qui la sous-tendent. Notre réflexion se concentrera ici sur la notion d’imaginaire, centrale dans la pensée de Castoriadis, en tant
que principe d’articulation de la réalité sociale et de constitution
du sujet. La notion d’imaginaire dans la pensée castoriadienne est
double : elle comprend d’une part l’imaginaire radical et d’autre
part l’imaginaire social1. Tandis que la première forme d’imaginaire
désigne l’activité par laquelle tout être humain singulier se construit
sa propre vision du monde, la deuxième réfère à l’ensemble des significations imaginaires sociales, soit les représentations qui confèrent un sens à la réalité sociale et à l’existence individuelle au sein
d’une société particulière. Toutes ces significations proviennent de
l’imagination et se situent par-delà le vrai et le faux (la valorisation
virtuellement illimitée du capital, fondement du mode de production capitaliste, n’est pas plus « vraie » ou rationnelle que Dieu ou
le Prolétariat)2. Castoriadis, en sa qualité de psychanalyste, affirme
que chaque être humain dispose d’une psyché qui, à sa naissance,
ne considère aucune réalité au-delà d’elle-même. L’imposition à
cette psyché d’un monde de significations communes, que Castoriadis désigne comme processus de socialisation, est essentielle à la
fois pour garantir une certaine stabilité au vivre-ensemble et pour
permettre à l’être humain, initialement asocial, de devenir un sujet
social pouvant s’engager dans la vie collective. Cette insistance sur
l’origine imaginaire des représentations et des pratiques sociales per1 ESPRIT CRITIQUE. (Page consultée le 22 mars 2013). Les figures
de l’autre chez Cornelius Castoriadis, [En ligne]. Adresse URL : http://
imaginouest.metawiki.com/castoriadisfiguresautres
2 CHAPEL, Sébastien. (Page consultée le 22 mars 2013). L’imaginaire
selon Cornelius Castoriadis, [En ligne]. Adresse
����������������������������
URL : http://www.laviedesidees.fr/L-imaginaire-selon-Cornelius.html
7
met de concevoir l’existence comme une perpétuelle réflexion sur
les valeurs et les institutions qui structurent les sociétés humaines :
« Une société juste n’est pas une société qui a adopté, une fois pour
toutes, des lois justes. Une société juste est une société où la question de la justice reste constamment ouverte - autrement dit, où il
y a toujours possibilité socialement effective d’interrogation sur la
loi et sur le fondement de la loi. C’est là une autre manière de dire
qu’elle est constamment dans le mouvement de son auto-institution explicite3. » Le propos de Castoriadis est clair : aucun principe
ne saurait légitimer les contradictions et les inégalités au sein du
corps social, et il est conséquemment de notre devoir d’entreprendre
une constante remise en question (et un potentiel renversement)
des différentes instances sociales, dans une perspective de justice et
d’équité. Comme il l’aura dit dans son livre Fait et à faire : « Ce
n’est pas ce qui est, mais ce qui pourrait et devrait être, qui a besoin
de nous4. »
3 CASTORIADIS, Cornelius. Socialisme ou barbarie : Le contenu du
socialisme, Éditions d’Union Générale, Paris, 1979, Volume 4, Introduction.
4 NAJE. (Page consultée le 22 mars 2013). Démocratie, démocratie…,
[En ligne]. Adresse URL : http://www.naje.asso.fr/article.php3?id_
article=49
Le bonheur est une illusion
Anaïs Laliberté
Sciences de la nature
L
e bonheur est une notion très abstraite et très complexe, mais
elle n’en demeure toutefois pas moins universelle. Différent
pour chaque individu, le bonheur s’atteint de différentes
manières. Tous les hommes désirant être heureux, il est donc impossible de parvenir à le devenir d’une façon universelle. Certains
croient que le bonheur peut être atteint, tandis que d’autres croient
plutôt que son atteinte est impossible, puisqu’il ne peut être défini
précisément. Ceci m’amène à me demander si le bonheur ne serait
alors qu’une illusion.
Le mot « bonheur » vient du latin bonun augurum qui signifie la
bonne chance. C’est un état de complète satisfaction. Il ne se réduit
par contre pas au plaisir, car le plaisir peut être satisfait et atteint,
contrairement au bonheur qui ne se laisse jamais donner. Le terme
« illusion » vient de illudere qui vient de ludere, signifiant « jouer ».
Une illusion est une représentation, le plus souvent répondant à la
satisfaction de désirs, lorsque cette satisfaction par le réel n’est pas
possible. C’est une tromperie déstabilisante, une croyance provenant de l’apparence trompeuse des choses abusant l’esprit et qui
se révèle fausse, malgré son caractère bien séduisant. Par exemple,
une illusion d’optique trompe notre esprit et nous fait croire qu’une
chose est vraie, quand elle ne l’est pas. Le bonheur est une illusion,
car même s’il peut être ressenti dans la vie de tous les jours, il ne
peut être universellement atteint, et ceci, de la même façon pour
chaque individu.
Le bonheur n’est qu’illusion, car il est inatteignable. Lorsque
quelque chose est inatteignable, c’est qu’il est impossible de l’atteindre, peu importe le moyen utilisé. Le bonheur est inatteignable,
car si l’on pose le bonheur comme étant la satisfaction des désirs,
on peut dire que ces derniers seront toujours en perpétuelle fuite,
car sitôt un désir satisfait, ce dernier se porte sur un autre élément.
Nous sommes donc en quête perpétuelle du bonheur et c’est pourquoi le bonheur est inatteignable. Quelque chose d’inatteignable
est illusoire, car cette chose, qui peut sembler atteignable à première
vue, trompe nos sens et arrive ainsi à manipuler notre esprit pour
tomber dans l’illusion.
Par exemple, si le plaisir semble aider à nous mener au bonheur, il
n’est en fait que trompeur, car il nous incite à le combler afin de
nous satisfaire, mais cette satisfaction n’est qu’éphémère. Donc, le
bonheur, qui censé être atteint, ne l’est pas, puisqu’il est inatteignable, et donc illusoire par la même occasion. Ainsi, le bonheur est
une illusion.
Le bonheur n’est pas qu’une illusion, car il permet une vie heureuse. Vivre heureux est le fait de vivre sans malheur et sans regret.
C’est l’action d’être pleinement satisfait de ce que l’on accomplit
quotidiennement ainsi qu’à long terme, donc le bonheur permet
de se sentir heureux à tous les jours. Le bonheur permet de vivre
heureux, car il permet un état de pleine satisfaction, tout comme
le fait de vivre heureux est l’action d’être pleinement satisfait. Le
bonheur permet donc une vie heureuse. Vivre heureux n’est pas
une illusion, car si l’on se sent heureux quotidiennement, c’est que
ce sentiment de bonheur nous habite et nous permet d’agir positivement auprès de notre entourage tous les jours. Puisque les incidences de ce mode de vie sont réelles autant pour nous que pour
les gens qui nous entourent, c’est qu’elles ne sont pas illusoires et
vivre heureux n’est donc pas une illusion. Par exemple, si je décide
de donner de vieux morceaux de linge à des gens dans le besoin,
ceci me permet de me sentir heureuse, car j’ai le sentiment d’avoir
aidé quelqu’un. De plus, ceux qui reçoivent ce cadeau sont aussi
plus heureux, puisqu’ils ont maintenant de quoi se vêtir, ce qui leur
est utile et leur permet de mieux vivre, ces deux conséquences étant
réelles, donc non illusoires. La manière d’arriver au bonheur n’est
pas la même pour les deux personnes, mais le résultat l’est. Bien
que ces différents bonheurs puissent être vus comme de la subjectivité, ils ne le sont pas, car nous sommes les seuls à voir le monde
comme nous le voyons. L’illusion est vraie lorsque l’on croit qu’elle
l’est. Dans ce cas, elle devient une réalité pour nous et sort donc du
monde des illusions. Donc, le bonheur n’est pas une illusion.
Le bonheur n’est qu’une illusion, car il est subjectif. Quelque
chose de subjectif varie selon la personnalité de chacun, soit selon
les principes et les goûts de chaque individu. La subjectivité est
donc reliée à la relativité, dans l’optique où elle relève d’un sujet
défini et est susceptible de varier selon les croyances de chacun.
Le bonheur est subjectif, car il repose sur les principes adoptés par
quelqu’un, ces principes étant généralement définis suite à des expériences personnelles. Puisque tout le monde possède des expériences de vie différentes, et conséquemment des principes différents,
le bonheur ne peut qu’être subjectif. Quelque chose de subjectif est
illusoire, car le fait qu’un sujet varie selon les différentes perceptions
des gens en fait un sujet pour lequel l’on ne peut pas trouver une
signification qui soit vraie pour tout le monde, qui soit universelle.
Si un consensus par rapport à un sujet ne peut être fait pour trouver
sa réelle image, on peut dire que ce sujet est universellement faux,
donc illusoire, puisque quelque chose de vrai pour quelqu’un peut
se révéler être faux pour un autre. Par exemple, mon bonheur pourrait être de côtoyer ma famille régulièrement, alors que celui d’un
autre pourrait, au contraire, être le plus loin possible de sa famille
afin d’être indépendant. Donc, le bonheur n’est qu’une illusion.
Pour conclure, le bonheur est une illusion. Bien qu’il puisse être
réel pour chacun, il ne peut être atteint et il est propre à chaque
individu. Après avoir défini et démontré la réelle image du bonheur
par rapport à son caractère illusoire, je me questionne à savoir si le
bonheur sans illusion serait réellement concevable.
L’Empreinte
8
Chronique d’un voyageur
Du Tibet indien à l’Amérique chinoise
Pierre-William Breau
Sciences de la nature
« Je suis allé là. J’ai fait ça. Regarde, une photo de moi devant le
(insérer attraction touristique exotique). J’avais vu des milliers de
photos et, en vrai, c’est identique. Ça m’a transformé. Regarde,
je t’ai rapporté une statuette. C’était cool. J’en reviens pas tellement c’était beau. J’ai même appris des mots de leur langue. Je
parle chinois, maintenant. »
Inde
7 janvier 2013
Bir Tibetan Colony, Inde
Je suis parti de Québec le 3 janvier, à 9 h du matin. Six heures
d’attente à l’aéroport de Montréal. J’ai jonglé pendant quelques
minutes, commencé Le loup des steppes pour la troisième fois et
acheté des écouteurs parce que j’avais oublié les miens, la veille,
en préparant mon sac. Mais je n’ai surtout rien fait. Je suis bon
pour passer des heures à ne rien faire, bien que je n’aime pas cela
du tout. Dans la vie, être bon ce n’est pas important. L’heure de
mon départ est finalement arrivée, et je me suis envolé pour Zurich. J’allais y attendre pendant six heures avant de prendre un
autre long vol vers Delhi pour compléter mes 28 heures de transit aérien. Pour me rendre à Bir, j’allais faire 13 heures d’autobus
pour arriver à Mcleod Ganj, lieu de résidence du Dalaï Lama,
puis deux heures de taxi pour atteindre ma destination finale.
moi, encore moins tibétain. J’ai tenté de leur enseigner quelques
notions, mais les leçons se résument généralement à du dessin et
une période prolongée de jeu. J’ai apporté des balles de jonglerie
et leur ai enseigné à jongler. Un des jeunes moines est très bon.
Les enfants dessinent bien, j’essaie de leur apprendre à user de
créativité plutôt que de copier les images de leurs livres comme
ils semblent avoir appris à faire. Lorsqu’ils ont terminé, ils me
remettent fièrement leur création à tour de rôle. Les moines sont
adorables et tellement généreux. Ils pensent aux autres avant leur
personne. C’est très touchant, provenant d’enfants. La culture
tibétaine n’est pas matérialiste. Ça fait du bien.
Chine
9 mars 2013
Au-dessus du Pôle Nord
Ce que je trouve intéressant de mon voyage, c’est d’aller en Chine
après avoir séjourné en colonie tibétaine en janvier. La Chine
est responsable de l’exil des Tibétains. Le gouvernement chinois
enfreint les droits de la personne pour opprimer la culture tibétaine. Ceux qui sont demeurés dans leur pays d’origine n’ont
plus droit à leur religion et doivent parler mandarin pour aller
à l’école ou travailler. Les Chinois ont détruit leurs temples et
reliques religieuses. Ceux qui tiennent toujours ont été convertis
en attractions touristiques. Le gouvernement chinois a kidnappé
le Panchen Lama, un enfant à l’époque. Beaucoup d’histoires de
tueries, de torture. Une centaine de Tibétains auto-immolés en
signe de protestation depuis 2011.
10 janvier 2013
Bir Tibetan Colony, Inde
10 mars 2013
Shanghai, Chine
Contrairement à ce qui était prévu, le bénévolat n’a pas lieu à
Mcleod Ganj, mais à Bir. Tous les bénévoles habitent la même
grande maison, et il y règne une atmosphère de camaraderie très
agréable. Le groupe comprend Rachel, Natalie, Anu, Ariella,
Luke, Aaron, Taylor, Ashley, Mary Ann, Emily, Eugenia et Kelsey. Aaron est parti hier et d’autres filles vont bientôt partir aussi.
La plupart des bénévoles enseignent l’anglais à de petits moines
bouddhistes. Natalie et moi nous occupons des enfants du quartier. Nous jouons avec eux et leur apprenons quelques notions
d’anglais, quelques heures par jour. Je profite de mes temps libres pour me perdre dans les ruelles de la petite communauté
tibétaine. À Bir, les gens semblent sereins, malgré la pauvreté.
À la base de montagnes recouvertes de neige éternelle se trouve
une petite colonie calme où on se sent en sécurité. Les Tibétains
sont assurément un peuple à découvrir. Du toit de notre maison,
nous avons une vue magnifique des Himalayas, du superbe coucher de soleil sur les collines et des étoiles qu’aucune pollution
lumineuse ne cache.
Quelle heure est-il? 19 h 30? 6 h 30 du matin? Je ne sais pas. Je
ne sais plus. Je dirais que je suis fatigué, mais j’ai oublié ce que
ça veut dire. Quand on est éveillé pendant trop longtemps, on
en vient à perdre toute notion du temps. Ça aide à vaincre le
décalage, mais ce n’est pas très agréable.
16 janvier 2013
Bir Tibetan Colony, Inde
La semaine passée, je jouais avec les enfants des voisins avec Natalie et leur enseignais. Cette semaine, j’enseigne l’anglais – ou
plutôt tente de l’enseigner – à de jeunes moines d’un des quatre
monastères de la colonie. J’ai le groupe des nouveaux arrivés,
celui de Mary Ann, qui est partie pour la semaine. La communication est très difficile, car ils ne parlent que très peu anglais et
11 mars 2013
À l’hôtel à Shanghai
Non seulement Shanghai est américanisée, je la vis aussi de la
façon américaine. J’ai dormi à l’hôtel et ce matin j’ai mangé du
bacon, des muffins, des patates hachées brunes, des croissants,
des rôties, du jus de pomme et d’orange, quelques fruits, une
saucisse et je ne me souviens pas de tout. Nous allons coucher
deux soirs chez mon père cette semaine. Peut-être que ce sera
plus intéressant.
Je porte les mêmes souliers qu’à mon premier séjour en Chine en
2010, mais ce n’est pas pareil. Mes souliers sont usés. Moi aussi.
13 mars 2013
Hôtel Marriott Executive Apartments, Beijing
21 h
Avant mon départ de Shanghai, j’ai pris une heure pour m’y
aventurer au guidon d’un scooter électrique. En partant, je me
suis dit : « Je vais me perdre et ça va être drôle. » Quand on ne sait
pas où on va et qu’on ne comprend rien, c’est tellement mieux.
9
Au final, je n’ai pas ri parce que j’ai retrouvé mon chemin, mais l’air
libre m’a fait du bien, malgré la pollution.
Par la suite, j’ai bu une bière belge à une terrasse en compagnie de
mon père et de sa fiancée chinoise qui fait la moitié de son âge. J’en
ai profité pour échanger avec elle au sujet de mon séjour en colonie
tibétaine. À 23 ans, tout ce que Jing connaît du Tibet, c’est que la
capitale est Lhasa et que le gouvernement tente de développer la
région. Les Chinois savent que leurs dirigeants sont corrompus et ne
leur font pas confiance. Ils sont tout de même ignorants.
0 h 15
Quatre-vingt-dix dollars pour quatre gorgées d’une bière chinoise.
J’ai vécu la pire soirée de mon existence. Il y a des endroits sur cette
planète où on n’a pas envie d’être et l’un d’eux se trouve dans un
sous-sol sombre de Beijing. On peut facilement repérer son emplacement par l’affiche ne comportant que le mot « Club », qui
surmonte un long escalier descendant. La boîte est bondée de filles
qui n’ont aucune envie d’y être. On y trouve aussi un gérant, très
intéressé, quant à lui. Quand on n’a pas envie de payer 300 $ pour
des produits qu’on n’a même pas commandés, on doit négocier avec
le « manager », rien d’autre qu’un « pimp », en réalité. Selon la quantité d’alcool dans notre sang, la situation peut s’avérer stressante,
étant donné le fait qu’on n’a aucune idée de l’emplacement de ladite
bâtisse – c’est par taxi qu’on s’y rend – et aussi la forte probabilité
que notre interlocuteur appartienne à une organisation dont les activités se tiennent en marge de la loi. Ce n’est pas une situation où il
convient de rire, mais ne sachant pas quoi faire, je m’en suis donné à
cœur joie. J’ai perdu tout mon argent, devises canadiennes incluses.
Je suis aussi devenu féministe. Voilà.
14 mars 2013
À l’hôtel
Quand on veut voir la Grande Muraille de Chine, il faut se lever tôt.
Nous avons opté pour un tour guidé, ce qui signifie qu’avant de se
rendre au tas de briques, il faut visiter une « fabrique » de soie et une
de perles, une maison de thé, puis pour terminer l’avant-midi, une
manufacture de cloisonnés. Bien entendu, nous n’apprenons rien à
ces endroits : ce sont des attrape-nigauds où nos guides reçoivent
une commission sur les achats des touristes non avertis.
Quand on marche sur un monument dont la construction seule a
engendré la mort de dix millions d’ouvriers, on pense beaucoup.
Mais on ne ressent rien, si ce n’est que la satisfaction d’avoir gravi
les marches qui mènent sur le mur.
* * *
Si on voyage dans l’objectif de voir des endroits ou de cocher des
éléments d’une liste, on en perd l’essentiel. À mon avis, le voyage
est avant tout une occasion de contact humain. Il faut s’attarder aux
gens et non aux monuments. Voyager, c’est aussi vivre. C’est ne pas
se demander ce qu’on va retirer de l’expérience, mais accepter de ne
pas avoir d’objectif précis. Quand on voyage, on vit parce que c’est
tout ce qu’il y a à faire. Quand tu n’as plus de responsabilités qui pèsent sur tes épaules – ce que procure le fait d’être seul à l’autre bout
du monde – , alors tu peux te permettre de réellement apprécier ce
qui se présente à toi.
L’Empreinte
10
Des poètes entre nos murs
L’acceptation
Elizabeth Asselin
Sciences de la nature
C’était une belle matinée de janvier,
Mais cela faisait déjà quelques semaines que ça durait,
La douleur devait forcer un rendez-vous chez un médecin cette fois-ci,
Le diagnostic est pire que nous ne le pensions, il ne reste maintenant que quelques mois.
Et plus la vie avance, plus des êtres chers nous quittent,
Un après l’autre, s’écrasant comme des mouches,
Les voyant s’éloigner un à un,
Subissant chacun la défaite face à la mort, incontournable.
Allongée près d’elle, je suis impuissante,
Ma présence ne peut rien changer,
Seulement qu’apaiser le vide, apaiser la peur, apaiser la souffrance,
Les jours sont comptés.
La nuit, éclairée par mes pensées, je me réveille en sursaut,
Pensant aux souvenirs éblouissants passés à ses côtés,
Je suis peinée de la voir régresser,
Sans pouvoir dire un mot
La fin fut atroce pour elle,
Les flacons de morphine se succédaient,
La souffrance s’aggravait,
Et même la médecine ne possédait de remède à cette maladie immortelle.
Et pour enfoncer le clou, il fallait lui rendre hommage,
Le bonheur qu’elle voulait tant s’est transformé en boule de rage,
Il fallait la pouponner pour l’exposer, le cercueil pour la reposer et la messe pour nous achever,
Pleurer durant toute la journée n’est pas ce qu’elle aurait tant souhaité.
Sur le coup on se sent abandonné,
Cette injustice, si cruelle, improviste et non désirée,
Pourquoi arriver à nous ?
Quand plusieurs demandent à mourir partout, quand plusieurs ne veulent pas tenir jusqu’au bout.
Je suis tellement enragée de constater que son visage m’est difficile à imaginer,
Trois ans seulement et mon cerveau a de la difficulté à me fournir une image claire,
L’image s’assombrit de jour en jour, comme si mon globe oculaire était trop allongé,
Comme si ma mémoire s’effaçait, comme si mes souvenirs se volatilisaient.
Pourquoi l’oublier ainsi,
Quand je l’ai tant aimée toute ma vie,
La mémoire est une faculté qui oublie,
Mais elle ne m’enlèvera jamais le fait que c’était ma grand-mère.
11
Le mal du vide
Gabrielle Beaulieu
Sciences humaines - Profil Individu-Société
Je me réveille
Je ne sais pas trop quelle heure il est
Constamment, je sens ce tourbillon de pensées ensorceler mon esprit
D’un air absent, j’observe ces moments défiler vivement
J’ai le souffle coupé, je ne peux l’accepter
Je me rappelle cette journée où le vent doux d’automne caressait mon visage
Insouciante, je ne croyais pas qu’un être puisse m’être indispensable à ce point
Et si seulement j’avais su
Ou plutôt si j’avais profité davantage
Je reconnais cette odeur, cette présence rassurante
Je sais qu’il s’agit du fruit de mon imagination
Ne pourrais-je pas rêver que ce moment n’est de la fiction?
Je t’en supplie, laisse-moi ressentir cette chaleur une dernière fois
J’ai besoin
J’ai besoin
J’ai besoin de toi encore
Je recule dans le temps qui me parait si loin, si différent
Les souvenirs tentent de s’envoler
Et moi, je suis là, naïve, à tenter de les rattraper
Je ne peux accepter cette fatalité
Mon cœur me hurle de m’enfuir en courant et de partir avec toi
Tout ça est irréel, rassure-moi
On ne peut que constater l’ultime valeur de l’autre
À l’instant où celui-ci se transforme en simple et unique poussière
Le regard vide, je t’observe
Condamnée à me libérer de toi
J’ai souvent cru que le temps ne s’arrêterait jamais
Qu’il me serait infini comme lorsque je regarde au loin
J’avais malheureusement tort
Idiote, je vivais dans le déni sans même constater que le fil s’apprêtait à se rompre
J’ai besoin
J’ai besoin
J’ai besoin de toi encore
J’ai mal, malgré le temps qui passe
Qui, selon tous, est censé apaiser nos souffrances les plus terrifiantes
J’essaie tant bien que mal de tourner cette triste page
De marcher le regard lointain, l’esprit sain
Mais ne t’en fais pas
Je ne t’oublierai jamais
L’Empreinte
12
Parcelle d’éternité
Laurance Desjardins Bernatchez
Littérature, Théâtre et Technologies
Autant de souvenirs que de chansons à partager avec moi-même
Autant d’éclats de vie usés que de notes de musique déjà jouées
Les jours, les nuits défilent
Et j’en perds presque le fil
Perdue dans la mémoire de vivre
Perdue dans toutes ces minutes déjà emportées
Le temps s’égrène, le sable coule
Et le sablier me presse encore;
Me presse de courir un peu plus encore
Pour saisir les ailes fragiles des secondes qui,
Autour de moi s’envolent et m’entrainent avec elles dans leur farandole
Le temps s’enfuit, les aiguilles tournent
Et l’horloge me fait tourner;
Tourner et danser un peu plus encore
Pour consumer tout ce qui reste là, devant moi :
Un cœur qui bat,
Et sur le sable, un chemin de pas
Dans les esprits le chaos;
Dans les âmes un fléau;
Au tournant on aperçoit le lapin qui lui seul connait l’heure du rendez-vous,
Il nous entraine d’un signe de la main à le suivre vers demain
Et à courir, toujours et encore, pour attraper ces bribes de destinées;
Celles qui, un jour, seront tout;
Tout ce qui restera de cette course effrénée,
Tout ce qui demeure dans cette danse affolée,
Tout ce qui résonne encore dans l’écho de ces musiques arrêtées,
Tout ce qui appartient à jamais à nos fragments d’âmes tourmentées,
Tout ce qui sera pour toujours prisonnier du sablier;
Sablier qui, à tous, la tête, fait tourner
Une respiration figée,
Une dernière seconde accordée
Et en un éclair jours et nuits défilent;
Autant de souvenirs que de chansons à partager avec ceux qu’on a aimés,
Autant d’éclats de vie envolés que de notes de musique à jamais gravées
Dans ce cœur qui maintenant se tait,
Sur ce sable où plus jamais la ronde de pas ne reprendra;
On allume au ciel une nouvelle étoile
Puisque désormais est rompu le mince fil d’argent
Et que finalement est achevée la toile,
Celle où est passé le Temps,
Celle qui, pour l’éternité, fera miroiter
Ce qui reste de cette mémoire vécue,
Ce que nous ont laissé toutes ces minutes à jamais disparues.
13
Récit Passionnel
Emma Roy
Sciences de la nature
Il est encore jeune. Son enveloppe dorée vend sa richesse nouvelle. Toutefois, il projette sa lumière
aveuglante avec une certaine timidité, comme si elle pouvait constituer une quelconque provocation.
Ses lames, passant de l’azur à l’opale, viennent lécher les alvéoles de fer l’entourant, tandis que ses
pointes irisées chatouillent le firmament. Sa beauté, sa chaleur surprennent à chaque regard, s’enflant entre chaque battement des paupières.
Soudain, la symbiose du combustible et du comburant le fait s’enflammer avec passion. Déjà, il
s’échappe de son nid de tous les côtés, son centre ardent lui dictant une conduite insensée. Ivre
d’oxygène, il s’emplit les poumons de ce riche nectar. Il est tout sauf rationnel et, soucieux de protéger son sein brûlant, inflige à ceux qui tentent de le dompter des lésions lancinantes. Il prend vie
et crépite comme seul un pin bien tari de sa sève le ferait. Malgré sa violence, sa puissance subite
suscite l’admiration, le respect. Néanmoins, cet emballement spontané en fait un élément d’autant
plus instable et périssable.
On tente de le faire s’enraciner à des bases plus solides, durables. On lui donne du bois autour duquel s’enrouler, comme un marin tombé à l’eau le ferait avec un billot. Si le marin est assez fort, il
survivra, mais l’entreprise est exhaustive.
S’il prend des proportions effarantes, ceux qui l’entourent lui jetteront de l’eau pour le calmer, mais
bien souvent l’éteindront du même coup. Peut-être jalousent-ils sa brillance, qui les éclipse du spectacle, les reléguant à l’arrière-scène. Peut-être ne veulent-ils pas que leur voisin réussisse là où euxmêmes échouent, la méthode pour entretenir cette source réconfortante n’étant pas donnée à tous.
Mais voilà qu’il s’affaisse. À pleines mains, on ajoute de ces brindilles cassantes qui le font rugir
de plus belle, pour camoufler la mise en scène. En réalité, on ne fait que repousser le moment où le
rideau doit tomber.
Les uns l’observent s’éteindre de lui-même avec indifférence, les autres l’attaquent inlassablement de
leur broche pour raviver les dernières braises. Bientôt, des cendres on ne retrouvera que poussière
et il ne subsistera de l’embrasement que les cicatrices que l’envolée des tisons délaissés aura causées dans la chair des infatigables.
Reste encore ceux qui ont découvert le secret pour que leur âtre diffuse une éternelle danse de
couleurs chaudes. Ceux-là sont encore trop peu nombreux pour être considérés autrement que des
données aberrantes.
Chez les plus mélancoliques, l’amertume se manifestera lorsqu’ils lorgneront de biais cet amas de
bûches carbonisées. Quoi qu’il en soit, longtemps après que le feu se soit éteint, le souvenir merveilleux de sa première flamme restera gravé dans la tête et le cœur de ceux qui l’ont démarrée.
L’Empreinte
14
Des auteurs et des récits
Cheval-vapeur
Karine Duquette-Lozeau
Spécialisation en biotechnologies
L’alarme a retenti dans la chambre. J’ai éteint le canari, me suis
lavé en vitesse dans un verre d’eau, me suis habillé et je suis sorti
en apportant un pommier avec moi.
Enfin rendu sur les chemins de campagnes, j’ai avalé la dernière
bouchée de mon arbre et me suis rendu compte que je décélérais.
Je me suis donc rangé sur le côté et je suis allé ouvrir le capot.
Moi qui n’y connaissais rien, j’avais l’impression de regarder de
la boue. Quelle idée, aussi, d’acheter un cheval comme moyen
de transport! J’ai remarqué que l’amas brunâtre semblait dégager
de la chaleur : « Voilà!, me suis-je dit. Il doit manquer du liquide
de refroidissement. »
J’ai vérifié dans le coffre, je n’en avais pas. Je me suis donc mis
à la recherche d’une rivière en m’enfonçant dans la forêt de métal. J’entendis un miaulement puissant à glacer le sang. « Des
loups! » ai-je pensé. Je me suis retourné et me suis aperçu que
j’étais encerclé. Croyant que c’était la fin, je suis tombé au sol et
j’ai vu un trousseau de clés que le vent avait dû faire tomber. Y
voyant mon salut, je l’ai empoigné, l’ai brandi et je l’ai abattu de
toutes mes forces sur les loups. Je me suis donc remis en marche
et j’ai suivi le bruit sourd d’un ruisseau. Enfin rendu à destination, j’ai vu que l’eau était aussi sèche que du sable, mais j’ai tout
de même réussi à en prélever un peu dans ma chaussure et je suis
retourné sur mes pas.
Revenu à mon point de départ, j’ai ouvert une dernière fois le
capot de mon cheval et j’ai mis mon soulier dans le réservoir de
liquide de refroidissement. L’animal a démarré avec peine, mais il
a tout de même fini par répondre à mes commandes. Regardant
le soleil se coucher, je me suis rendu compte qu’il était déjà sept
heures du matin. J’ai fait demi-tour et me suis dirigé vers la maison : « Tant pis. Je vais retourner travailler samedi prochain. »
Comment allez-vous aujourd’hui?
Louis-Charles Patry
Sciences humaines - Profil AdministrationÉconomie
- Salut, ça va bien?
- Oui, bien sûr, toi?
- Oui!
Je marchais dans les corridors du cégep alors j’eus ce court dialogue avec quelqu’un. C’était un copain d’études, une connaissance qui m’apparaissait sympathique. Mais, demander à cette
personne si elle va bien, particulièrement si elle ne m’est pas
proche, revient à vouloir pénétrer dans son intimité. Il est très
possible qu’il m’ait répondu « oui » alors qu’au fond, il vient de
perdre sa grand-mère ; seulement, il ne veut pas en parler.
Je suis allé à un cours et, à la pause, je suis sorti boire de l’eau.
En regardant ma montre un peu plus tard, j’ai réalisé que j’étais
en retard. J’ai marché d’un pas rapide et j’ai croisé une amie de
longue date :
- Salut, ça va bien ?
- Non.
Je suis resté figé par cette réponse. Je n’avais pas du tout le temps
de parler avec elle. Je voulais simplement montrer que je ne
l’avais pas ignorée, mais maintenant je devais m’en aller alors
qu’elle m’exprimait qu’elle n’allait pas bien. Je lui ai finalement
souhaité de passer une bonne journée malgré tout et j’ai couru
à mon cours.
À la fin de la journée, je suis allé travailler. Une cliente s’est présentée à ma caisse :
- Bonsoir, vous allez bien? - Pourquoi tu me demandes ça?
A bien y penser, elle avait raison. Qu’est-ce que ça change pour
moi qu’elle aille bien ou mal? En ce qui me concerne, elle va me
payer et s’en aller. Elle m’a regardé d’un air offusqué, a pris ses
sacs et est partie. Après la fermeture du magasin, je suis monté
dans l’autobus pour revenir chez moi. Le chauffeur m’a abordé :
- Bonsoir, ça va bien?
- Non! Bouche bée, il s’est retourné, a fermé la porte et a poursuivi son
parcours.
La Vie ensoleillée
Mathieu Lanou
Sciences de la nature
Le corps croise le fer avec l’esprit, l’environnement extérieur avec
la raison. C’est ainsi que se décrit l’histoire de monsieur H. Un
jeune homme ayant un travail ennuyant, des loisirs emplis de
platitude et une vie à laquelle il porte peu d’intérêt. Il se leva
un lundi matin de temps exécrable du mois de novembre. Les
gens le côtoyant étaient d’humeur végétative et avaient l’esprit
embrumé. Cependant, il s’efforçait de ne pas se laisser atteindre
et de créer en lui-même l’allégresse. Les chrétiens n’affirment-ils
pas qu’on doit se contenter de peu? Les stoïciens, quant à eux,
n’ont-ils pas prôné qu’il fallait rester de marbre? C’est dans cet
état d’esprit qu’il entreprit son lot de labeur quotidien.
Son patron, un homme bedonnant et dévergondé à l’accent
campagnard, posa sur lui un regard de totale indifférence. Sans
dire un mot, il lui remit une lettre et s’en alla. C’était un message
automatisé lui signalant son renvoi. Il ne sut rester stoïque. Son
être et ses principes s’effondrèrent dans un élan commun.
La tête basse et l’échine courbée, il quitta les lieux. Tel un embryon, l’idée que son existence avait été un fiasco prit de plus en
plus de place dans son esprit jusqu’à en occuper la quasi-totalité.
15
Il respirait le désarroi. Un autre sentiment, plus stable et fondé,
jaillit des entrailles de son âme. Peut-être était-ce une bonne
chose qu’il ait perdu son emploi? Il a œuvré toute sa vie dans un
domaine qu’il n’aime pas pour gagner de l’argent pour, en fin de
compte, continuer à faire ce qu’il n’aime pas.
Somme toute, le principe que la situation d’un être n’influe
pas sur son esprit n’avait fait que le maintenir dans un état de
soumission à son environnement extérieur. Monsieur H décida
qu’une situation agréable et un esprit présent valent mieux que
des désagréments et un esprit détaché. Il se détacha de ses liens
et entreprit un rêve qu’il chérissait depuis des années: devenir
danseur nu.
Le Ciel Bleu
Élodie Gagnon
Arts et Lettres, option Langues
Il errait dans un désert aride depuis déjà plusieurs semaines. Les
canyons s’étendaient à perte de vue dans ce paysage abandonné
de Dieu. La chaleur torride faisait perler de grosses gouttes de
sueur sur son front brûlé par de longues journées passées sous un
ciel sans nuage. Son désespoir dépassait son désir de continuer à
marcher pour retrouver son chemin. C’est pourquoi il s’effondra
sur un rocher, laissant tomber du même coup son havresac qui
contenait sa dernière bouteille d’eau et quelques fruits séchés.
Il essaya de se rappeler comment il en était arrivé là. Seulement
quelques souvenirs nébuleux remontèrent à sa mémoire affaiblie
par ces nombreuses semaines d’exil.
Sa petite amie le laisse. Il la supplie de lui accorder une dernière
chance. Elle a un autre homme dans sa vie. Il sombre dans la
mélancolie. Il cesse de manger. Broie du noir. Des semaines sans
parler à qui que ce soit. Il s’en va. Puis il perd son chemin…
C’est alors qu’il regretta. Il regretta d’être parti, de s’être enfoncé
si loin dans un environnement inconnu par seule ambition de
s’éloigner du monde. Ses amis et sa famille lui manquaient terriblement. Mais il était maintenant trop tard. Personne ne savait
où il était. Il ne pourrait jamais être secouru. Ses forces commençaient à l’abandonner. Il allait mourir bientôt, il le savait. Mais
n’était-ce pas ce qu’il avait souhaité en venant jusqu’ici?
Il s’allongea sur le sable chaud et regarda le ciel une dernière fois.
Celui-ci était d’un bleu si pur qu’il lui transperça le cœur. Il en
avait le souffle coupé. C’est alors qu’il se releva d’un trait, déterminé à retrouver son chemin. Il sentait de nouveau la ténacité et
le désir de vivre qui l’avaient quitté il y a de cela plusieurs mois
déjà. Il ne s’était jamais senti aussi bien de toute sa vie. Il avait
enfin trouvé un sens à son existence.
Quelques mois plus tard, il est devant l’autel, récitant ses vœux
de mariage. La femme magnifique qui se trouve devant lui le
regarde de ses yeux brillant d’une tendresse infinie. Ses yeux…
ils sont d’un bleu si limpide et si angélique qu’ils répareraient le
cœur brisé de n’importe quel naufragé…
Le temps des sucres
Marc-Antoine Pouliot
Sciences de la nature - Profil Action-Sciences
Par une belle journée, au début de printemps, au moment où
les érables commencent à déverser leur eau sucrée, j’ai décidé de
rendre visite mon voisin, Albert, propriétaire d’une érablière. Il
m’avait dit, au début de l’hiver, qu’il pourrait avoir besoin d’aide
à ce moment, car il y a énormément de choses à faire pour la
production de sirop.
Rendu sur place, je constatai l’énormité des installations nécessaires à la transformation de l’eau d’érable en sirop. J’étais curieux de comprendre comment cela pouvait bien fonctionner,
étant moi-même un futur ingénieur. Albert proposa donc de me
l’expliquer, tandis que son fils s’occuperait de surveiller le feu.
Nous avons commencé par la cabane des pompes, c’est ainsi que
l’appelait Albert. Il commença à m’expliquer le fonctionnement
du système, avant de s’arrêter net. Il s’avança vers la pompe principale, qui, m’expliqua-t-il, normalement, devait apporter l’eau
jusqu’aux bouilleuses en produisant un certain bruit, ce qu’elle
ne faisait pas aujourd’hui. La pompe était brisée!
Si la pompe ne fonctionne pas, il n’y a pas assez d’eau qui se
rend aux bouilleuses, alors la production doit cesser. Ce problème peut en engendrer d’autres, car, étant donné que les érables
continuent leur production, la capacité des réservoirs est limitée.
Ainsi, il y a un risque de perdre l’eau d’érable qui sera en surplus.
On doit aussi arrêter les bouilleuses, elles ne doivent pas manquer d’eau, sinon elles risquent de briser.
C’est pourquoi je suis allé au village le plus proche pour ramener la pièce qui va remplacer celle qui est défectueuse, pendant
qu’Albert restait surveiller le feu avec son fils. Lorsque je suis revenu, j’ai aidé mon voisin à remplacer la pièce brisée. Par la suite,
nous avons vérifié si le tout fonctionnait bien. C’est à ce moment
que la production put redémarrer de plus belle.
C’est alors que nous avons pu goûter à la tire d’érable préparée
par sa femme. Cette tire me rappelait de bons souvenirs d’enfance.
Sélection naturelle
Karelle Rheault
Spécialisation en biotechnologies
Elle se dandine un peu et sort de son nid. Elle avance prudemment dans le boisé à la recherche d’un petit quelque chose à grignoter. Depuis quelques jours, tous les matins, lorsqu’elle se rend
à l’étang pour s’abreuver et dénicher des insectes, elle remarque
qu’elles sont de moins en moins nombreuses. Elle se rappelle un
avertissement que sa mère lui avait donné : « À l’automne, reste
cachée. Si tu vois tes amies disparaître, ne tente pas de les retrouver. Fais comme moi, trouve-toi un mâle et cachez-vous jusqu’en
janvier. Ta survie ainsi que celle de notre espèce en dépendent. »
Sur le souvenir de ce précieux conseil, elle se dépêche de faire sa
toilette matinale et de se ressourcer avant de retourner se tapir
dans les boisés.
L’Empreinte
16
Juste comme elle se croit en sécurité, quelque chose la bouscule,
la projetant au sol. Elle tente de voir ce qui l’a attaquée : c’est
un mâle.
devant notre petite maison. Sirotant un délicieux thé noir pour
nous récompenser de notre belle journée de travail, nous commençons par discuter de politique.
Il faut nous cacher, ils arrivent!
- Mon fils, nous allons avoir ce soir, une discussion de la plus
haute importance. Je te demande de garder celle-ci très discrète
puisque si quelqu’un l’entend, j’en payerai le prix par ma mort.
Il était en fuite et il l’a interceptée par mégarde. Elle décide de le
suivre, car suivant le conseil de sa mère, peut-être vient-elle de
trouver son mâle. Il lui propose de la suivre jusqu’à une cachette
parfaite qu’il a construite. Toutefois, cette cachette se trouve de
l’autre côté du grand plat. Ils devront le traverser sans se faire
voir.
- Père, que veux-tu me dire ? Cela a l’air bien grave.
- Il s’agit d’un événement que la République chinoise te cache
depuis que tu es né.
Ils décident de traverser l’un après l’autre, au cas où ils se feraient
voir, au moins, ils ne se feront pas avoir tous les deux. Elle passe
en premier. À mi-chemin, elle aperçoit quelque chose à sa droite,
ça brille… Elle s’arrête et regarde attentivement. Derrière elle, il
lui crie d’avancer, de ne pas s’arrêter, mais c’est trop tard, la balle
lui fait exploser la tête.
- Lequel ? Je connais bien l’histoire de notre société, père.
« Pauvres volailles, elles sont si stupides! »
- Mon fils ne me coupe plus, ce que je vais te dire va te faire changer d’idée. Deux ans avant ta naissance, environ, a eu lieu une
terrible manifestation contre le Régime, que le Parti communiste
s’efforce de nous cacher pour ne pas susciter de mouvement au
sein de sa population.
Une Chine des plus horribles
Léa de Lorimier Stanford
Sciences de la nature
Le 4 juin 1989 : cette date est gravée à jamais dans ma mémoire.
Je me souviens, comme si c’était hier, des cris de la population
sur la place Tiananmen, manifestant pour avoir plus de liberté
et vivre dans un système plus juste. Voulant calmer les manifestants, le dirigeant du pays a ordonné à l’armée d’intervenir. La
République de Chine est un pays cruel. En effet, des centaines
de personnes ont été emprisonnées et sont mortes, écrasées par
le régime du Parti communiste. Cet événement qui prit le nom
de son lieu, soit Place Tiananmen, a été ensuite caché, enfoui
sous d’innombrables mensonges. Menacés par le gouvernement
chinois, les habitants ayant vécu cet affrontement civil doivent
garder ce massacre sous silence jusqu’à ce jour.
Me voici donc, maintenant homme de soixante et un ans; j’en
avais quarante et un lorsque cette horreur s’est passée. Je garde
cette manifestation sanglante comme l’un de mes plus grands
secrets depuis plus de 20 ans et cela devient de plus en plus difficile. Il est, en effet, très dur de détenir une information aussi
importante qui pourrait déclencher une révolte aussi meurtrière
auprès du peuple chinois actuel.
Mon fils a maintenant dix-huit ans. Il n’était pas encore né lorsque cette horrible manifestation s’est produite. Il a vécu dans
l’ignorance durant toutes ces années. Il croit que la société est
dure et sévère, mais il ne sait pas qu’elle est en fait cruelle, injuste
et immonde. Étant d’un âge assez avancé, je rendrai mon dernier
souffle dans quelques années, emportant dans ma tombe ce secret qui me hante depuis plusieurs décennies.
De plus en plus, le temps avance et je crois qu’il serait temps que
je lègue mon savoir à mon fils.
Nous sommes le 6 août 2009. Mon garçon et moi sommes assis
- La Chine nous ment, nous maltraite, nous…
- Voyons père, le gouvernement n’est pas si cruel… Oui, je
l’avoue, le régime est dur, mais c’est supportable…
- Quel est cet événement qui te rend si nerveux ?
- On le nomme Place Tiananmen.
- Comme l’endroit ?
- Oui, fils. La catastrophe a même eu lieu à cette place publique.
- Explique-moi.
- Oui, c’est ce que je m’efforce de faire depuis plusieurs minutes.
Donc, plusieurs jeunes adultes, comme toi, ont manifesté sur la
Place Tiananmen pour dénoncer la corruption gouvernementale
et économique. Afin d’arrêter cela, l’armée est donc intervenue,
faisant ainsi plusieurs emprisonnés et des morts.
- Horrible ! - En effet, mon fils.
Ne sachant plus trop quoi penser, mon fils s’est levé et est parti
dans la maison. J’ai attendu 30 minutes, mais il n’est pas revenu. Je me suis donc dit qu’il avait besoin d’un moment de
réflexion. Voulant le laisser seul, j’ai décidé d’aller me balader
dans les champs.
Lors de mon arrivée, mon fils m’a attendu avant d’aller dormir.
Il m’a souhaité une bonne nuit et s’est retiré avec sa femme et ses
enfants dans leur chambre.
Les quatre jours qui ont suivi ont été très lourds. Mon fils était
très distant et froid avec moi. Je me demandais pourquoi. Je
l’ai su bien vite lorsque j’ai vu une panoplie d’agents de l’armée
chinoise s’approcher de mon chez-moi. Mon fils, timidement et
17
prudemment, s’en est approché. Il leur a parlé un peu et m’a ensuite pointé du doigt. Sans dire un mot, les agents m’ont pris les
mains et les ont enchaînées. J’ai lancé un regard de persécution
à mon garçon.
- Pardonne-moi, mais j’avais besoin d’argent.
- Tenez monsieur, votre récompense.
Entre ses mains, mon enfant tenait cent yuans. Mon propre fils
m’a vendu. Ne pouvant plus résister, je me suis effondré sur le
sol en pleurant. L’homme vêtu d’un uniforme m’a relevé et m’a
ordonné d’avancer sans me plaindre. C’est très facile de lui obéir,
avec un fusil au dos ! Je me suis avancé jusqu’au camion en lançant un dernier regard de pitié à mon fils...
Ce que j’ai vécu en prison n’est tout simplement pas explicable.
En effet, j’ai vécu la souffrance et l’injustice. J’ai voulu souvent
me révolter contre les gardiens. Cela m’a bien coûté mille coups
de fouet. Mon pauvre corps qui vieillit de jour en jour ne supporte pas très bien ces conditions. Le sachant très bien, la prison
qui me garde m’a donné rendez-vous au sous-sol. L’endroit d’où
plusieurs personnes ne sont jamais revenues. Le jour convenu, à l’heure inscrite sur mon papier, un officier est
entré dans ma cellule, m’a pris par les bras et m’a enfin conduit
à la descente de la cave.
Un homme caché se tient debout entouré de dix hommes armés
jusqu’aux dents.
- Vous êtes accusé d’avoir dévoilé l’événement de la Place Tiananmen à votre fils. Vous êtes accusé pour votre mauvais comportement. Vous êtes accusé d’être inutile à notre société. Vous êtes
accusé d’être un vieil homme. C’est pourquoi je vous condamne
à la peine de mort. Avez-vous, Monsieur, des dernières prières ?
- Oui.
- Lesquelles ?
- De revoir mon fils, de le serrer dans mes bras et de lui dire que
je lui pardonne.
- Possible.
- Oh, je vous remercie, Monsieur. Je peux attendre dans ma cellule si vous voulez… Il habite…
- Ne vous inquiétez pas, père, je le sais très bien.
L’homme caché s’approche de moi en souriant. Lorsque j’ai pu
l’apercevoir, j’ai reconnu un visage familier : celui de mon fils.
Dès qu’il m’a serré dans ses bras, il a reculé. Je n’ai pas pu prononcer un mot que dix coups de fusil ont retenti et m’ont transpercé le corps.
Le papillon
Jérôme Langis
Sciences de la nature
Son entrée dans le monde se fit avec fracas, une entrée hors de
l’ordinaire, qui faillit lui coûter la vie qu’on venait de lui offrir. Il
eut par la suite de la difficulté lors de son apprentissage des rudiments de la vie, lui qui commença à parler longtemps après les
autres enfants de son âge. Il était timide, refermé sur lui-même,
discret, et jamais il ne dérangeait ou ne brusquait quelqu’un de
son entourage. Une beauté presque angélique venait terminer le
portrait de cette jeune personne si fragile. Une petite chenille
dans toute sa splendeur, qui était condamnée à travailler plus
fort que toutes les autres pour devenir un magnifique papillon
qui éclipserait ses compatriotes.
Il entreprit donc sa longue route vers la chrysalide, pas à pas,
bouchée par bouchée. L’école était pour lui une source d’inconfort et de frustration, mais grâce à son admirable travail acharné
et au soutien de ses parents, il avança, réussissant chaque année.
Jamais il n’échoua. Puis vint le temps du secondaire, époque de
changements majeurs dans le cheminement de notre chenille
adorée. Perte de repères, d’amis, d’encadrement et beaucoup
plus de liberté ont chamboulé sa vie, si bien que la transition
fut ardue à effectuer. Néanmoins, encore avec une force insoupçonnée pour une créature si fragile et douce, force qui lui avait
auparavant permis d’affronter les nombreux défis de la vie, il
termina cette période empli d’une fierté qui le mena à l’étape la
plus importante de son existence : la chrysalide, la transformation ultime.
François est dysphasique. François a aujourd’hui 20 ans. Surtout,
François est mon grand frère et il est ma source d’inspiration
constante, lui qui a surmonté plus d’épreuves depuis sa naissance
que plusieurs personnes dans leur vie entière. J’ai vu mon frère
renaître dernièrement, lui qui a enfin commencé à montrer au
monde son vrai visage. François est mon papillon, le plus splendide, le plus courageux et le plus fort de tous les papillons qui
peuplent ce monde.
L’Empreinte
18
Concours Mystère et horreur
Si je vous appelle
Marie-Lyne Tatlock
Spécialisation en biotechnologies
Premier prix
L
’instinct de mort. Du plus loin que je me rappelle, je l’ai
toujours eu. Avant même ma naissance, les circonstances de
ma conception ont fait de moi un être faible, incapable de
supporter le fardeau de la vie.
Ma mère venait de subir un grave accident de la route. Section de
la moelle épinière, côtes cassées, un membre ou deux dans le plâtre. Elle en avait pour plusieurs semaines de convalescence, alitée à
l’hôpital. Je ne saurais dire si c’est la position horizontale et passive
de sa femme, autrement très énergique, l’ennui mortel d’être laissé
seul à la maison avec ma sœur ou l’effet d’un trop-plein d’amour
qui motiva les actions de mon père. Peut‑être un mélange des trois.
Il faut dire qu’à l’époque, l’Internet n’avait pas encore fait irruption
dans les foyers et que l’Église détenait toujours un semblant d’autorité sur la vie intime. Ainsi, la lubricité non épanchée de mon père
l’emportant sur les convenances, je fus conçu à même le lit d’hôpital
qui me vit naître trente‑trois semaines plus tard.
Il fallut deux infirmiers costauds pour retenir le chirurgien d’en venir aux poings avec mon père lorsque la chose s’est sue. La pauvre
femme, clouée au lit pour neuf mois supplémentaires à cause d’une
grossesse à haut risque. Le paternel fut dès lors empêché de la visiter seul, un faux mouvement de bassin pouvant m’être fatal. C’est
comme ça que je suis né, un bébé anorexique, essayant au minimum
d’empiéter sur le peu de vitalité de sa mère cassée en mille morceaux.
Un enfant prématuré qu’on a dû mettre à l’incubateur et à l’alimentation parentérale. Je refusais de vivre, ils ont dû m’y forcer.
Depuis, bien, j’ai eu une enfance, disons, différente. J’ai toujours,
à mon grand regret, gagné les compétitions de celui qui retient son
souffle le plus longtemps sous l’eau. Il y avait toujours un adulte
dans les environs pour me sortir de la piscine à temps. À temps pour
eux, trop tôt pour moi. J’étais toujours volontaire pour les cascades
les plus débiles, j’étais le Daredevil de la rue de Pékans, le Evel Knievel d’Orsainville.
Depuis, un mal étrange me possède. J’attire à moi les suicidés. Dans
le métro de Montréal, sous le pont Pierre‑Laporte ou sur le traversier Sorel‑Berthier, peu importe le moyen entrepris par les désespérés, juste avant de passer à l’acte, ils se retournent vers moi. Pour
laisser la mort me transpercer de leurs yeux lucides. Au début, je n’y
croyais pas trop. Je faisais confiance aux statistiques, aux coïncidences insignifiantes, aux fruits de mon imagination. Ils ne pouvaient
quand même pas tous se donner le mot. La première fois que c’est
arrivé, c’était sur la transcanadienne, juste passé Banff. Un camionneur m’avait pris sur le pouce à Régina, où ça m’avait pris trois jours
à glander sur le bord de l’autoroute avant de me faire finalement
embarquer. Dans le parc national, la route n’est pas éclairée. Tout ce
que le chauffeur a vu, c’est un point lumineux roulant à sens inverse
dans la voie de gauche et bifurquant à la dernière seconde pour venir
s’encastrer dans le moteur du Kenworth. Ce que j’ai vu. Au bout de
la portée des phares, j’ai vu le motocycliste faire un geste avant de
mettre les gaz à fond. Les hommes de la GRC ont retrouvé la tête
du malheureux à quelques mètres du lieu de l’impact. La visière du
casque était relevée.
− D’accord, mais pourquoi avez‑vous répondu à notre annonce?
− Si je vous ai appelé pour prendre rendez‑vous, c’est parce que je
suis incapable de me suicider.
− Que voulez‑vous dire?
− Que voulez‑vous que je vous dise? J’ai tout essayé : drogues, saut
à l’élastique sans élastique, les poignets, le métro. Même les sectes
apocalyptiques : j’ai survécu à Waco pis aussi à l’Ordre du Temple
solaire. J’avais fondé mes espoirs dans les Mayas, mais bon, si on est
là pour s’en parler, leurs prédictions ne valent pas grand-chose.
− Je vois. Par contre, votre condition physique ne rencontre pas nos
standards.
- Je sais. Mais il reste quand même les organes, ils peuvent toujours
servir, non?
L’homme enlève ses lunettes, se frotte les yeux un instant et soupire.
J’ai grandi en échalote, sans jamais être capable de mettre un peu
de viande sur l’os. Un 135 livres mouillé pour 6′3″de squelette. Je
me suis même fait pâtissier, pour mettre toutes les chances de mon
côté. Ça n’a pas marché.
− Nous avons effectivement quelques connaisseurs. Surtout du côté
de nos clients asiatiques.
Au secondaire, dans mes années « emo », je m’étais fait une copine,
un amour viscéral, transcendant. Ultime, je dirais. Grande et tout
aussi anguleuse que moi, un vide abyssal nous unissait. Comme plusieurs adolescents de sous‑sols de banlieue, nous étions arrivés à la
conclusion
− Oui. Oui, je vais m’arranger pour que ça marche. Vous pouvez
avoir totalement confiance. Nous sommes des professionnels.
que la vie ne valait pas la peine d’être vécue, surtout si c’était pour
lentement s’embourgeoiser sous l’emprise d’un capitalisme grimpant. Le pacte consistait à se pendre simultanément, du même banc,
pour voir venir la mort, les yeux dans les yeux. Ensemble, pour le
reste du monde, qu’ils puissent se dire : ils ont vécu leur souffrance
partagée jusqu’à la dernière goutte. Croyez bien que je l’ai vue, la
mort, me narguer à travers les yeux d’Émilie. La fixation du tuyau
auquel j’avais attaché ma corde a cédé et je me suis retrouvé debout,
sur mes deux pieds, pendant que ma belle me quittait. Je l’ai accompagnée du mieux que j’ai pu, ne pouvant partager sa délivrance.
− Alors, mon cas vous intéresse?
− Parfait. Une dernière chose.
− Laquelle?
− Pourriez-vous faire parvenir cette lettre à ma mère?
− Bien sûr…
− Au moins trois jours après la digestion du dernier morceau. Je
m’en voudrais de la faire souffrir inutilement.
19
La forêt
Lydia Couette
Sciences humaines - Profil Individu-Société
Deuxième prix
J
e marche... vers partout, vers nulle part. Je suis perdu. Je suis
au beau milieu d’où je me trouve, parce qu’on est toujours au
centre de quelque chose quand on marche vers l’infini.
Vers partout, vers nulle part.
Une lumière me parvient par faisceaux d’entre les branches éparses des conifères qui m’entourent. Seule sa couleur la distingue des
rayons tièdes et timides d’un doux soleil de février. C’est un éclat
immaculé aussi tangible qu’inquiétant. Plus intense qu’une lune,
mais plus froide qu’un soleil, une lumière blanche, aveuglante. Elle
est partout. Le temps est léger, presque trop fragile pour être saisi.
Mon souffle est lourd, incapable de s’accrocher à l’air qui semble
me transpercer, impuissant malgré mes inspirations lentes et insistantes. Je marche toujours, d’un pas nonchalant, mais régulier, sans
toutefois avoir l’impression d’avancer, sans destination, sans objectif
précis. Je marche vers partout, vers nulle part.
Loin derrière, me suivant pas à pas, une ombre nébuleuse et pâle,
comme un murmure de rêve. Devant moi, de grands arbres, d’imposants conifères. De plus en plus nombreux, ils m’entourent,
m’envahissent. Ils sont partout. Ils grandissent à vue d’œil, se multiplient sous mes yeux et valsent tout autour de moi. La forêt me
suit elle aussi et, avec sa densité grandissante, la lumière se dissipe,
se disperse. Les battements de mon cœur, plus distincts, semblent
se propager dans le sol qui, sous mes pieds, tremble légèrement à
intervalles saccadés.
L’ombre s’approche et me force à accélérer. Mon cœur, mon souffle,
ma forêt. Tous suivent le rythme de mes pas. Le rayonnement, qui
fut violent et éblouissant, est maintenant réduit à un simple jet de
lumière à peine perceptible à travers les arbres et leurs épines. Une
lueur grisâtre, banale, presque inexistante. L’obscurité est partout. Je
ne distingue alors que le martèlement de mon cœur, l’essoufflement
de ma respiration et les branches qui m’entaillent le visage. Une
douleur à la poitrine, comme si celle‑ci était serrée dans un étau,
une impression de coup de poing en plein ventre, une brûlure qui
rappelle celle d’une lame de rasoir lorsqu’elle s’enfonce dans la peau.
Je poursuis ma route faisant fi de l’atrocité du mal et du désir de
résignation. Je suis mené par la peur de cette noirceur qui me pourchasse, traqué par ce spectre inconnu qui me rattrape.
J’avance désormais à une cadence effrénée, incontrôlable. Je sombre
dans une forêt, toujours plus dense. Je cours vers une folie, toujours
plus noire. Je sens le sol se dérober sous mes pieds. Je sens mes pieds
s’enfoncer dans la terre de plus en plus humide et poisseuse. Ralenti,
mais non moins conquis par la démence, je redouble de force, de
volonté, de paranoïa. Il n’y a ni fleuve ni mer, mais l’eau est à présent
au niveau de mes chevilles. Mon cœur mitraille ma poitrine. Je respire du vide, je suffoque et mes poumons menacent d’éclater. Mes
pieds s’enlisent encore plus profondément dans cette étrange mare
visqueuse. Je ne pourrai bientôt plus bouger. Les arbres sont trop
grands, trop nombreux. La forêt finira par m’engloutir en entier. Je
le sais, je le sens.
Quand le désordre devient tempête, la forêt devient océan. Un mur
d’eau immense qui déferle et me submerge. Une vague puissante,
violente, enveloppante. Je reste debout, comme cloué au sol, soutenu par une force plus grande que moi, plus grande que tout. Le
courant emporte l’ombre, la forêt et la panique. Il ne reste que moi.
L’eau est partout. Au moment où je me rapproche de la noyade ou
bien de l’implosion, j’ouvre les yeux. Mes pieds sont libres. Devant moi s’étend une longue route grise et froide, inondée par les
trombes de pluie qui tombent du ciel noir de la nuit. Et puis cette
lumière blanche qui réapparaît, comme un port d’attache, ancrée
dans la réalité. Il n’y a rien pour la freiner cette fois. Ni arbres, ni
ombre, ni peur chronique. Elle avance à une vitesse folle, plus folle
encore que la forêt. Un strident crissement de pneus, une puissante
collision, une douleur aiguë. Et puis plus rien. Je suis partout. Je ne
suis nulle part.
« Un patient de l’hôpital psychiatrique a été happé par une voiture
la nuit dernière. Le conducteur, en état de choc, soutient que la
victime se tenait sans broncher au milieu de la voie et qu’il aurait
été impossible de l’éviter. L’homme, décédé sous la force de l’impact, aurait échappé à la vigilance des gardiens et se serait enfui
après avoir été sujet à une crise de panique tard dans la soirée. Une
enquête est présentement en cours. »
Destinée
Audrey-Maude Vézina
Sciences de la nature
Troisième prix
I
ci, comme toujours à cette heure matinale, le ciel est maussade.
J’attends le transport en commun qui, fidèle à son habitude,
arrive dix minutes en retard. Je regarde les nuages défiler, me
demandant ce que je peux encore attendre de la vie. Autour de moi,
les gens errent dans les rues calmes de Saint‑Thomas, telles des âmes
perdues attendant leur heure.
Assise sur le dernier siège de l’autobus, je regarde sans le voir le
paysage qui défile de l’autre côté de la vitre. Le chauffeur regarde
une fois de plus en direction des quelques passagers. Il ne quitte la
route des yeux que quelques secondes, assez pour vérifier que nous
ne faisons rien de mal. Il nous surveille comme des gamins excités
qui quittent l’établissement scolaire pour faire l’école buissonnière.
Chaque jour, c’est la même chose, les mêmes personnes situées dans
l’autobus se lèvent pour descendre dans le quartier universitaire.
Je suis maintenant la seule âme égarée dans le gros véhicule. Bien
sûr, le conducteur est encore présent, mais la sienne a l’air parfaitement à sa place. L’autobus s’arrête au milieu de nulle part.
Le départ du véhicule laisse place à une route déserte entourée
d’une forêt mal entretenue et regorgeant d’animaux sauvages. Cela
fait déjà longtemps que cet endroit ne me fait plus peur. J’y passe
mes journées. J’y ai établi ma vie. Rentrant dans la forêt, je me dirige vers une petite cabane en bois, ma maison. La tranquillité que
j’y trouve jure énormément avec ma nuit mouvementée. Je profite
de ces moments de paix en sachant très bien que ce soir, je devrai
retourner travailler pour un maigre salaire. Je sais que c’est déjà
bien qu’une fille pauvre, sans études, ait pu trouver un emploi, mais
je ne peux m’empêcher d’essayer de trouver une explication à ma
situation, à penser qu’il y a une raison derrière tout.
C’est mon tour d’errer dans le petit sentier que mes allées et venues
ont fini par tracer. Je dois me concentrer sur les bruits aux alentours
L’Empreinte
20
si je veux pouvoir manger aujourd’hui. Durant mes journées, je dors
quelques heures, je remplis mon garde‑manger pour ensuite aller
servir des boissons à des clients déjà ivres. La plupart du temps, leurs
commandes ressemblent à « siouplé mdam, jbourrais tu ravouèr dla
biéy » suivies habituellement d’un rot dégoûtant avec des effluves
d’alcool. C’est ainsi que les jours se déroulent et s’additionnent. J’espère encore un signe du destin qui me dira que je dois m’accrocher
à la vie. Pour l’instant, une corde est attachée de façon permanente
à une des poutres de ma piètre demeure
Installée près de la planche qui me sert de table, un couteau encore saignant posé sur la petite cuisinière, je mange le lièvre qui a
eu le malheur de se prendre dans mon piège! La fourrure du petit mammifère est en train de sécher pour ensuite être cousue avec
celles d’autres animaux m’ayant servi de repas pour en faire une
couverture. Je vis comme je veux et comme je peux. Je me rappelle
encore le jour où je suis arrivée ici. Il faisait froid et gris, les arbres
étaient agités par le souffle du vent. J’étais assise sur le siège arrière
de la voiture familiale. Je devais avoir 16 ans quand c’est arrivé. Ma
famille et moi étions parties pour faire une petite randonnée dans
le bois avec mon amie à quatre pattes. Malheureusement, durant le
trajet, mon père a tenté d’éviter une voiture en perte de contrôle.
J’ai perdu connaissance quand ma tête a frappé la vitre. Après un
certain temps, j’ai repris conscience. La vitre était tachée de rouge.
J’ai regardé autour de moi, ma soeur était en sang, une branche lui
avait transpercé l’abdomen. Mon père et ma mère avaient été tués
par la collision avec l’arbre qui faisait maintenant partie du véhicule.
Les seules survivantes étaient ma chienne et moi. Je me suis dit que
si je restais dans la voiture, on allait finir par me retrouver. Le temps
passait et personne ne semblait être à notre recherche. J’avais très
faim. Je suis sortie de la voiture, j’ai tenté de repérer des insectes ou
de petits animaux. Ce jour‑là, mes repas ont été constitués de sauterelles. Ma seule source de réconfort est morte quelques jours après.
Elle avait probablement attrapé des microbes en ingérant un animal
contaminé. Je me suis débrouillée pour survivre jusqu’à être assez en
forme pour marcher les nombreux kilomètres qui me séparaient de
la ville. La fourgonnette est encore au même endroit. J’ai enterré ma
famille un peu plus loin. Il m’arrive de retourner au lieu du drame
qui m’a marquée pour réfléchir.
Je me suis réveillée en sursaut avant de partir travailler. Durant mon
service, j’avais la vision de ma famille ensanglantée qui me hantait.
C’était ce soir que j’allais renaître, j’allais retrouver ma famille. En
arrivant chez moi, la corde avait disparu; j’ai fouillé partout, mais
sans succès. Était‑ce le signe que j’attendais? Je me suis rendue près
du cimetière improvisé. À l’endroit où devaient se trouver mon
père, ma mère et ma soeur, se trouvaient trois trous vides. J’étais terrifiée, mais j’entrepris tout de même de me rendre à la voiture. Les
trois corps en décomposition y étaient installés exactement comme
au moment de leur mort. Une main m’empêcha de crier. Un bras
musclé prit la responsabilité de m’emprisonner.
Je fus réveillée par l’odeur immonde qui se dégageait des trois cadavres putréfiés. Je tentai de sortir, mais j’étais attachée au siège. La
ceinture de sécurité avait été soudée et il m’était impossible de me
libérer. Je tentai d’ouvrir la portière pour appeler de l’aide, mais
j’étais prise au piège. En levant les yeux au plafond du véhicule, je
vis une note qui y était collée. Le message me glaça le sang :
Vous étiez tous destinés à mourir dans cette voiture et on ne peut
changer le destin…
Cicatrice
Emmy Gagnon
Arts plastiques
Mention spéciale du jury
Q
uand on est jeune, on fait des folies, des idioties et on ne se
soucie jamais des conséquences de nos actes. On vit pour
vivre, on savoure, on s’amuse et on ne pense qu’à nous.
On aime, on rit, on rêve… Des courses de voitures, de la drogue,
de l’alcool, des partys, j’ai déjà tout fait ça quand j’étais jeune. Je
connais ça, la vie, je sais c’est quoi. Maintenant, c’est terminé. Avec
l’expérience, on apprend et on gagne en sagesse. Surtout quand c’est
une mauvaise expérience, là tu apprends. Tu regrettes et tu veux
retourner en arrière. Ça fait déjà plus de cinq ans, je crois, presque
six que ma vie a changé.
C’était un jeudi soir comme les autres. Je venais de terminer mon
« chiffre » au Stratos et j’étais partie me préparer à mon appartement,
à Lévis. Je m’étais douchée, j’avais bouclé mes cheveux et je m’étais
vêtue d’une petite robe courte noire. Sébastien était censé venir me
chercher vers dix heures. Il est arrivé en retard, comme d’habitude.
Après avoir fumé un petit quelque chose, on est sorti au Star Bar
où l’on a passé la veillée avec sa gang de gars. À la fin de la soirée,
Sébastien et moi avons fini ça dans son logement à Québec. Nous
étions complètement saouls et « gelés ». Après avoir fait l’amour, on
est tombé comme des mouches. C’était mes jeudis habituels, ainsi
que mes fins de semaine, la semaine aussi parfois. Bref, d’habitude,
Seb et moi dormions jusque dans l’après‑midi, mais pas cette fois-là.
Je me souviens que c’est la chaleur qui m’a réveillée, une sensation
de brûlure. J’ai ouvert les yeux, et l’appartement était en feu. Je ne
voyais presque rien à cause de la fumée. Je ne voyais pas Sébastien.
Après ça, c’est très flou. J’ai pensé : « Merde, faut que je sorte d’ici! »
Je pouvais à peine respirer, j’avais chaud, j’avais mal, j’étais étourdie.
Je me souviens avoir tenté d’atteindre la porte, d’avoir eu envie de
crier, et puis, plus rien. Je me suis retrouvée à l’hôpital. C’est là que
le cauchemar a commencé. Mon corps était totalement brûlé, ma
vie allait s’écrouler. Mes longs cheveux, mon beau visage, mon corps
parfait étaient maintenant partis. C’était tout ce que j’avais. Une
fille qui n’a même pas de D.E.S., qui travaille comme serveuse et qui
vit dans un petit appartement miteux avait perdu la seule chose qui
la rendait fière : son apparence. On m’annonça que Sébastien était
mort, que j’allais être en arrêt de travail et que j’allais recevoir un tas
de greffes. Je savais que je n’allais plus pouvoir être comme avant,
même si le docteur me parlait de greffes.
La vie continuait, mais pas pour moi. Je restais enfermée chez moi, je
ne faisais rien à part pleurer et perdre espoir. Mes amis ne m’ont pas
vraiment aidée, eux continuaient leur vie de jeunes, et mes parents
ne se souciaient même pas de mon existence. J’étais seule dans le
noir, je souffrais plus que jamais. C’est alors que mon seul rayon de
lumière apparut. Mon médecin m’annonça que j’étais enceinte. Ce
jour-là, j’ai touché à mon ventre et un beau sourire apparut sur mon
visage. Une chose qui ne s’était pas produite depuis longtemps. Le
médecin prenait soin de moi et du bébé, on faisait des tests réguliers,
on avait des entretiens fréquents et j’écoutais tous ses conseils afin
que le bébé soit en santé malgré l’incident. C’était fini les folies, je
prenais mes responsabilités. J’avais une vie à moi, une petite lumière
qui me donnait du courage, qui me permettait d’être quelqu’un.
21
J’ai accouché le 13 février 2007, d’une belle petite fille en pleine
santé. Je l’ai appelée Alice, mon ange, ma lumière, mon bébé, ma
raison de vivre. J’avais tellement d’amour pour ce petit être, c’était
le plus beau jour de ma vie.
Je consacre mon existence à Alice. Depuis cinq ans, je passe mon
temps à m’occuper d’elle, à lui apprendre le peu que je sais, à l’aimer
et à la chérir. J’essaye de la gâter avec les maigres revenus que j’ai et
on ne se sépare jamais. Je souhaite être avec elle pour toujours
Chaque jour, elle grandit un peu plus et me surprend sur plusieurs
points. Sa façon de parler et de raisonner est impressionnante, c’est
une petite fille très intelligente et pleine de talent. Ma vie avait enfin
un sens. J’étais là, sur Terre, pour elle.
Ces derniers temps, Alice avait quelques comportements intrigants.
Je n’irais pas jusqu’à dire anormaux, mais presque. Ce serait plutôt
« inhabituel » le mot approprié. Durant la nuit, je la surprends parfois debout dans sa chambre en train de fixer le mur. Elle est figée, ses
yeux sont grands ouverts et sa bouche aussi. Elle ne me répond pas
quand je lui demande si tout va bien. La première fois, j’ai paniqué,
mais je la couche dans son lit et elle finit toujours par se rendormir.
Le matin, elle ne se souvient de rien. Parfois, elle déplace les objets
ou ferme les lumières sans raison. Elle me dit toujours que ce n’est
pas elle et qu’elle n’a rien fait. Les enfants mentent parfois pour ne
pas se faire gronder ou pour jouer, mais je ne me souviens pas l’avoir
élevée ainsi. Au début, ce genre d’incident n’était qu’occasionnel et
je ne m’en faisais pas trop, mais récemment, ça devient de plus en
plus fréquent. La nuit dernière, je me suis réveillée en sursaut. J’ai
senti quelque chose m’envahir et faire une pression forte sur ma
poitrine. Je me suis levée en tremblant. Mon visage dans le reflet du
miroir était très pâle, j’avais peur d’être malade. J’ai décidé d’aller
voir si Alice allait bien. J’ai traversé la cuisine, le salon et quand je
suis arrivée au seuil de sa porte, elle n’était pas dans sa chambre. Je
l’ai appelée, paniquée, en la cherchant du regard. C’est alors que la
lumière de la cuisine s’est allumée et me fit sursauter. Alice se trouvait juste au-dessus de l’ampoule, les yeux vides, la bouche béante.
Je m’approchai d’elle, jusqu’à ce qu’elle lève tranquillement le doigt
dans ma direction. Je me retournai doucement le corps frissonnant.
D’un coup, le miroir accroché au mur derrière moi se fissura comme si quelqu’un avait frappé violemment dedans et il tomba au sol.
Je criais et je bondis sur ma fille pour l’enlacer. Je décidai qu’elle
dormirait avec moi pour le reste de la nuit. Ce matin encore, elle ne
se souvenait de rien. J’ai nettoyé le miroir et on a passé une journée
comme les autres. J’ai essayé de ne pas penser à tout ça, j’avais peur.
Cette fois, j’ai bien vu qu’il y avait un problème. Un problème qui
sortait de l’ordinaire. Nous nous sommes couchées tôt ce soir-là et
Alice a encore dormi avec moi. Je priais pour que rien d’anormal ne
se passe, pour que tout redevienne comme avant. Je pensais : « Faites
que ça disparaisse ! », je me suis endormie dans la peur.
Quelque chose souleva mes couvertures et les tira brusquement, ce
qui me réveilla. Je criai et respirai avec difficulté. Alice n’était plus
dans le lit. Je devais la trouver, mais j’étais paralysée par la peur.
C’est alors que je vis des ombres courir rapidement devant ma porte. Des petits rires d’enfants résonnaient dans l’appartement. Je devais absolument trouver la force de me lever pour trouver Alice. Elle
était dans le salon, dos à moi et elle fixait le plafond. Les fauteuils
flottaient légèrement. C’était complètement fou. J’appelai Alice et
aussitôt les fauteuils tombèrent au sol, ce qui me pétrifia. Alice se
tourna doucement vers moi avec la même expression terrifiante. La
chaise berçante se mit à bercer, les meubles tremblèrent. Je courus
vers ma fille avec le peu de courage qu’il me restait, mais quelque
chose me repoussa brusquement et je me retrouvai projetée sur le
mur, après, plus rien. Je me suis réveillée dans ma chambre avec
ma fille à mes côtés. Elle dormait encore, elle semblait épuisée. Le
soleil plombait dans l’appartement, ça me rassurait. Je fis le tour
des pièces : rien n’avait bougé, tout était à sa place. Je me suis mise
à penser qu’il s’agissait peut‑être d’esprits, d’entités surnaturelles du
fantôme de Sébastien, le père d’Alice. J’avais plusieurs hypothèses,
mais rien pour me sauver. Je priais pour que tout ça passe et que ma
vie redevienne comme avant.
J’avais encore passé une journée ordinaire avec Alice. J’espérais tellement. Que pouvais‑je faire d’autre? Cette nuit avant de m’endormir, j’ai collé ma fille et lui ai dit à quel point je l’aimais. Ça m’a
aidée à me sentir mieux, mais je savais qu’il allait se passer quelque
chose.
Je me suis encore réveillée cette nuit-là, mais par moi‑même. Alice
n’était toujours pas là. Je l’ai cherchée partout, mais elle n’était nulle
part. Je suis allée dehors, le souffle court de panique.
J’ai fini par appeler les policiers, qui sont venus chez moi. Je leur ai
expliqué la situation. Ils me dévisagèrent alors d’un air étrange. Ils
me dirent doucement, presque avec pitié :
Madame, vous n’avez jamais eu de fille. Vous vivez seule dans cet
appartement depuis plus de six ans...
L’Empreinte
22
À vos écrans!
The Walking Dead : télésérie
Laurence Anyways
Steven Gagnon
Sciences de la nature
Laurence Fortin
Sciences humaines - Profil Individu-Société
D
iffusée pour la première fois le 31 octobre 2010 sur
AMC, The Walking Dead est une série d’horreur américaine très originale et fort captivante. AMC présente
actuellement la troisième saison de la série. Cette dernière connaît
d’ailleurs une popularité croissante, notamment aux États-Unis.
L’histoire prend place dès le premier épisode pendant lequel Rick
Grimes, membre des forces policières d’une petite ville des ÉtatsUnis, ouvre les yeux dans un hôpital après plusieurs jours dans le
coma. Ce qu’il verra le frappera : un monde en pleine crise et aux
prises avec une épidémie de morts-vivants. Dès cet instant, son
seul objectif sera de retrouver son fils, Carl, et sa femme, Morgan, afin de s’assurer qu’ils sont toujours en vie : chose plus facile
à dire qu’à faire dans un monde envahi de morts-vivants. Pour
ce faire, il devra apprendre à survivre dans un monde qui ne veut
pas de lui, aux côtés d’un groupe de rescapés qu’il rencontrera à
Atlanta.
La série télévisée The Walking
Dead est une série ingénieuse
dont l’histoire est prometteuse. L’histoire a, en effet,
remporté un grand succès
aux États-Unis et le public
l’apprécie énormément. L’histoire est développée d’après
la bande dessinée du même
nom, écrite par Robert Kirkman. Beaucoup de possibilités s’offrent aux créateurs
Frank Darabont et Robert
Kirkman pour ce qui est de la
suite de la série. On y trouve
des décors réalistes, dignes
d’un film à gros budget. On nous donne vraiment l’impression
d’évoluer dans un monde en crise existentielle et ravagé par une
épidémie. Aucun détail n’est épargné. Quant aux effets spéciaux,
on peut remarquer un petit manque dans certaines animations,
quoiqu’elles soient très bien modélisées pour un public non averti. De plus, les différents maquillages sont très bien effectués et
très réalistes, que ce soit pour les zombies ou pour les personnages blessés. Enfin, force est de constater que le jeu des acteurs est
bon et agréable à regarder.
La série américaine The Walking Dead est de loin, selon moi, la
meilleure série du moment. Dès le premier épisode, je me suis
attaché au personnage de Rick Grimes, interprété par Andrew
Lincoln, et à l’histoire non seulement originale, mais aussi très
captivante! L’histoire est développée ingénieusement, l’intrigue
est captivante et les émissions sont loin d’être monotones. De
plus, j’adore les paysages et les prises de vue que nous présente
cette série : on se croirait littéralement dans un monde... de
morts! Cette série est sans aucun doute incontournable pour les
mordus d’action et de science-fiction.
L
aurence Anyways, de Xavier Dolan, est avant tout l’histoire
d’un amour impossible entre un homme et une femme.
À l’aube des années 90, Laurence Alia (Melvil Poupaud),
professeur de cégep, exprime à sa conjointe Fred (Suzanne Clément) son désir de devenir une femme. D’abord ébranlée, celleci décide d’accompagner Laurence dans sa transformation. Face
à l’adversité, le couple ne survit pas, et Fred quitte Laurence pour
fonder une famille. Ce dernier n’a pas cessé d’espérer le retour de
Fred quand ils se retrouvent quelques années plus tard. Qu’adviendra-t-il finalement de leur amour?
L’interprétation des comédiens est la principale qualité de l’œuvre. Melvil Poupaud incarne son rôle tout en simplicité et sans
tomber dans les clichés, ce qui amène de la sincérité et du réalisme au film. Suzanne Clément livre, elle aussi, toute une performance bien remplie en émotions. Elle a d’ailleurs remporté,
pour son rôle, le prix d’interprétation féminine dans la catégorie
« Un certain regard » au Festival de Cannes. Notons aussi parmi
la distribution d’excellentes actrices telle que Nathalie Baye et
Monia Chokri. En revanche, la durée du film (2 h 45) est l’un
de ses principaux points faibles. Certaines scènes superflues nous
font parfois décrocher de l’histoire et perdre le fil. Présentant un
bon rythme au début, le film s’essouffle un peu vers la fin de la
deuxième heure, pour se terminer par une trentaine de minutes
bien remplies où une suite d’évènements s’enchaînent rapidement.
Personnellement, j’ai trouvé que c’est un excellent film. Exploité
sous l’angle de la transsexualité, le thème de l’amour impossible est moins cliché et cela rend le film original. Il permet aux
spectateurs d’observer, tout à la fois, les difficultés auxquelles les
couples font face, jusqu’où quelqu’un peut aller par amour et
surtout de prendre conscience de la réalité des transsexuels. Bref,
Laurence Anyways est assurément un film à voir, que ce soit pour
les thèmes abordés, le jeu des comédiens ou tout simplement
pour la qualité des images et de la trame sonore.
23
La rafle
Marie-Pier Desjardins
Sciences de la nature
D
’innombrables témoignages ont permis de reconstituer les événements tragiques entourant la Seconde
Guerre mondiale. « La rafle », un film de Roselyne
Bosch, constitue un récit des événements survenus le 16 juillet
1942. Pour la réalisation de son film, Bosch s’est d’abord inspirée
du témoignage du jeune Juif Joseph Weissmann, qui a réussi à
échapper aux mains allemandes. Le film raconte donc l’histoire
de Joseph à partir de ce matin de juin où l’enfant devait se rendre
à l’école, jusqu’au jour où il fut déporté à Auschwitz. On assiste
à la déportation de Joseph et des membres de sa famille du Vélodrome de Paris jusqu’au camp de concentration.
Le principal aspect positif de ce film réside dans la cohérence de sa
narration avec la chronologie exacte. Chaque scène est présentée
de manière à rester fidèle au véritable déroulement historique, allant du débarquement de la police militaire chez les Juifs jusqu’à
leur déportation vers Auschwitz, en passant par le Vélodrome.
Cependant, bien que les événements soient racontés de manière
à concorder avec les faits historiques, le film demeure
plutôt irréaliste. Les personnages sont peu crédibles,
plus particulièrement celui
d’Hitler, incarné par l’acteur
allemand Udo Schenk, dont
la forte personnalité demeure
absente. En plus d’être peu
crédible, le film laisse à désirer
sur le plan de la pertinence.
En effet, on s’étonne que La
rafle ne nous apprenne rien à
son sujet. Le film décrit bien
les évènements sans toutefois
fournir de contenu explicatif.
Il permet une approche différente de la Seconde Guerre mondiale : dans ce cas-ci l’aspect éducatif est mis de côté pour laisser une
place plus importante au côté émotionnel. Tout au long du film,
Bosch tente par tous les moyens de tirer des larmes du cinéphile.
La réalisatrice met l’accent sur les enfants, c’est d’ailleurs ce qui
suscite le plus d’émotions. La fin du film est axée sur « l’heureux
» dénouement du destin de Joseph. On se laisse ainsi distraire
par les banalités du scénario, alors que ces tragiques événements
viennent de marquer l’histoire tout entière…
Je trouve regrettable que le film nous laisse aussi indifférents
étant donné le thème dont il traite. Il me semble qu’avec un titre
tel La rafle l’importance du sujet aurait dû être considérée alors
qu’en réalité, on est rien de moins que déçu par un film aussi peu
crédible et vide de contenu…
Référence : Allocine,«la rafle»,http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=129166.html
Napoleon Dynamite
Le comble de l’absurde!
Antoine Guay
Sciences de la nature
N
apoleon Dynamite est une comédie réalisée par Jared
Hess en 2004. Elle met en vedette Jon Heder, Jon
Gries et Aaron Ruell. L’histoire se déroule dans la petite
ville de Preston aux États-Unis. Napoleon Dynamite, un jeune
lycéen rejeté, en est à ses derniers moments au secondaire. Le
protagoniste est entraîné dans une multitude de péripéties, alors
qu’un nouvel ami mexicain récemment arrivé en ville, Pedro,
tente de devenir le prochain président de l’école contre la populaire Summer. À travers ses multiples échecs et quelques réussites, Napoleon tente l’impossible contre ceux qui l’ont persécuté
durant son secondaire.
Napoleon est un nouveau genre de héros. Avec ses bottes d’astronaute, sa passion pour les « ligres » (un animal résultant d’une
fusion entre un tigre et un lion et possédant des pouvoirs de
magie) et ses goûts vestimentaires étranges, il est un personnage
très attachant. Ce film à bas budget relève d’une absurdité jamais
vue auparavant. Les décors faits de tapisserie bleu poudre, les
costumes constitués essentiellement de chandails de loup et de
complets bruns et beiges, les évènements insensés, les répliques
hilarantes et les personnages colorés font de ce long métrage un
classique de la comédie absurde. Cependant, l’un des points faibles du film est la difficulté d’en suivre l’histoire. L’enchaînement
de péripéties qui ont plus ou moins de liens entre elles le prive
d’un fil conducteur stable.
Peu de films auront réussi à me marquer et à changer une partie
de qui je suis. En fait, la seule comédie dont l’écoute a eu cet
effet est Napoleon Dynamite. Les amateurs d’humour absurde
n’auront jamais été aussi comblés. À la première écoute, ce chefd’œuvre nous fait rire de bon cœur. C’est à la deuxième écoute
que l’on remarque les subtilités de la réalisation qui font de ce
film un classique, tels les angles de caméra qui mettent l’accent
sur des parties particulièrement drôles de la mise en scène et les
accessoires en arrière-plan.
L’Empreinte
24
Critique du film L’Infiltrateur
Joudie Dubois
Sciences humaines - Profil Individu-Société
L
e film L’Infiltrateur a pris l’affiche au Québec en février
2013. Ce suspense américain, d’une durée de 113 minutes, est inspiré de faits vécus. L’histoire débute lorsque
Jason accepte, bien malgré lui, un colis contenant une somme
importante d’ecstasy venant de son ami. Immédiatement, il est
piégé par la police et se retrouve derrière les barreaux. Étant donné que la ville veut en terminer avec le trafic
de drogue, les peines sont sans merci. Sa seule
issue pour éviter 10 ans de peine minimale est
de piéger un ami à son tour, ce qu’il refuse de
faire. Son père, John, interprété par Dwayne
Johnson, fait tout en son pouvoir pour venir
en aide à son fils. Il conclut un marché avec
la procureure en chef de l’État pour réduire la
peine de Jason. Il décide alors d’infiltrer un
important gang criminel, au péril de sa vie et
de celle de sa famille. Il sollicitera l’aide d’un
employé de sa compagnie, Daniel, qui a déjà
fait de la prison pour trafic de drogue.
D’abord, les scènes d’action ne dominent pas
ce film. L’accent est plutôt mis sur de belles
valeurs. On y souligne le dévouement d’un
père pour son fils. En effet, John réussit à pénétrer dans les gangs par sa détermination, guidé par la force de
l’amour qu’il éprouve pour son fils. D’ailleurs, puisqu’il met sa
vie en danger, l’histoire nous tient en haleine jusqu’à la fin. Mais
ce film raconte aussi l’histoire de Daniel, qui tente de tirer un
trait définitif sur sa vie d’ancien criminel. Il le fait pour lui, bien
sûr, mais surtout pour sa famille. Aussi, tous les acteurs jouent
très bien leur rôle, puisqu’on se met facilement à la place des
personnages par la détresse qu’ils vivent. On ressent fortement le
regret de Jason et la détresse de ses parents.
En somme, j’ai bien aimé L’Infiltrateur. J’ai été vraiment étonnée
par le sens profond de cette histoire remarquable. Elle nous touche du début à la fin. Selon moi, on y trouve juste assez d’action
pour nous tenir captivés, mais surtout ce film nous fait réfléchir
sur l’importance des actions que l’on pose et leurs conséquences.
Je le suggère donc à tous.
L’infiltrateur : une œuvre
cinématographique qui saura vous
couper le souffle
Isabelle Vignault
Sciences de la nature
D
’abord cascadeur dans divers films d’action, Ric Roman
Waugh se consacre depuis le début des années 2000 à
la réalisation de films d’action et de suspenses policiers.
L’une de ses récentes réalisations, L’infiltrateur, un long métrage
1
à succès, met en vedette les prouesses d’un jeune père de famille .
1 http://www.lapresse.ca/cinema/201212/08/49-3573-l-infiltrateur.
php
Dès les premiers instants, les spectateurs sont plongés dans un
univers sans pitié où la drogue et la violence sont le pain quotidien de plusieurs. En fait, Jason, un jeune adolescent typique,
accepte de garder chez lui un paquet contenant une quantité
abondante de stupéfiants, soit de l’ecstasy. À sa grande surprise, il
est piégé lors de la réception du colis et écope d’une sentence très
sévère pour trafic de drogue. Choqué par cette sentence d’une sévérité démesurée, John, son père, se donne comme mission personnelle de tout faire pour que son fils passe le moins de temps
possible en prison. Avec l’aide d’une procureure, d’un enquêteur
et d’un de ses employés, ce père à la fois dévoué et courageux
va infiltrer le gang criminel qui a mis Jason
dans le pétrin. Malgré les difficultés de cette
mission périlleuse et les dangers qui l’accompagnent, John réussira à sauver son fils.
Du début jusqu’aux dernières minutes, les
spectateurs sont témoins du dévouement
complet d’un père de famille envers son fils.
Ce dernier fait de nombreux sacrifices et met
sa vie en danger à de multiples reprises, ce qui
rend ce personnage à la fois touchant et attachant. Également, il est impossible de s’endormir pendant le visionnement de ce long
métrage puisque cette œuvre est dépourvue de
moments d’accalmie. L’infiltrateur est riche en
scènes de cascades, de complots et de bagarres.
L’élément négatif principal est que, comme
dans plusieurs films, la fin est prévisible.
Selon moi, les personnages principaux grandement attachants et
l’intrigue captivante font en sorte que ce film est un réel délice
pour les amateurs d’action ainsi que pour tous ceux qui désirent
explorer un monde criminel à la fois dangereux et excitant.
Critique du film Je veux vivre
Véronique Morin
Techniques de comptabilité et de gestion
L
e film Je veux vivre,
paru en octobre 2012,
est réalisé par Ol Parker. D’une durée de 103 minutes, ce film dramatique fait
réfléchir. Il raconte l’histoire
de Tessa, une adolescente
belle et pétillante, âgée de
17 ans. Cette brave fille diagnostiquée leucémique décide d’arrêter ses traitements
pour vivre la vraie vie sans les
effets et les conséquences de
la chimiothérapie. Ainsi, elle
est consciente que ses heures
sont comptées. Elle établit
alors une liste de choses à
accomplir avant de rendre
l’âme. Elle a la fureur de vivre tout, tout de suite.
25
Premièrement, la morale de ce film fait réfléchir énormément.
Par ce portrait d’une gamine leucémique, Ol Parker n’a pas de
mal à susciter le consensus sur l’injustice que représente la maladie des enfants et des jeunes. Ce film conventionnel et très sentimental est un incontournable. Je veux vivre apporte un nouvel
éclairage sur la maladie, sur le goût de vivre à fond les moments
qui restent et sur le fait de prendre les épreuves du meilleur côté
possible. La maladie peut toucher n’importe qui. C’est malheureux et pourtant bien réel.
Les acteurs jouent tous très bien leur rôle en rendant l’histoire
très réelle. Ainsi, la jeune actrice Dakota Fanning dégage une
douceur et une joie de vivre impressionnantes, qui procurent des
moments très émouvants. Elle est la vraie perle de ce film.
J’ai adoré Je veux vivre puisque cette histoire m’a sincèrement
touchée. Elle fait naître en nous le sentiment que les personnes
atteintes de leucémie subissent un sort injuste. De plus, les acteurs nous livrent une performance exceptionnelle. Je le conseille
à tous!
Critique du film L’histoire de Pi
Catherine Vignault
Sciences de la nature
Ang Lee, fasciné par le roman de Yann Martel, L’histoire de Pi,
décide d’en faire une adaptation cinématographique, qui a pris
l’affiche en novembre 2012. Ce film met en vedette Suraj Sharma, qui joue le rôle principal d’un Indien, Piscine Molidor « Pi »
Patel. Tout au long du film, il raconte son incroyable histoire.
Ayant grandi dans un zoo avec son frère et ses parents, il se retrouve contraint de voyager à bord
d’un navire en compagnie de plusieurs animaux sauvages lorsqu’il
déménage au Canada. Quand la
tempête surgit, qu’ils font naufrage et que le bateau sombre, Piscine
finit sur un radeau en compagnie
d’un féroce tigre du Bengale, Richard Parker. Ils devront faire face
à plusieurs situations, toutes plus
difficiles à surmonter les unes que
les autres. Leur instinct de survie
sera mis à rude épreuve, et Pi devra travailler fort pour apprivoiser
Richard Parker, qui finira par survivre à sa façon.
L’histoire de Pi est un film qui présente des personnages très attachants, notamment Pi. Par ailleurs, l’histoire est originale et
captivante. Elle ne ressemble pas du tout aux habituels récits
d’amour ou aux films d’action typiques. Certaines péripéties
semblent toutefois légèrement tirées par les cheveux. D’un point
de vue technique, par contre, les prises de vue sont spectaculaires, de même que les effets spéciaux. Le jeu des acteurs est
aussi très bon. Les animaux présents dans le film, quant à eux,
sont très naturels et semblent pleinement sauvages, ce qui donne
de la crédibilité à l’histoire et un cachet intéressant au film. Par
ailleurs, la fin est à la fois bonne et surprenante, en plus de nous
inciter à réfléchir.
Personnellement, je trouve que L’histoire de Pi est un film incroyable, que je conseillerais certainement en raison du personnage attachant de Pi, de son récit captivant et de sa qualité technique. Pi, qui montre tellement de détermination et de courage
lorsqu’il perd sa famille et se retrouve seul au beau milieu de
l’océan, attire rapidement la sympathie. L’histoire, à la fois spéciale et originale, offre un divertissement des plus captivants. De
plus, les images, les effets spéciaux et les prises de vue sont extraordinaires et constituent un vrai régal pour l’oeil. Décidément,
ce film est à voir!
Référence : Life of Pi (L’histoire de Pi), Ang Lee, avec S. Sharma,
États-Unis, 2012, Aventures, 125 min.
L’Empreinte
26
L’homme qui voulait vivre sa vie
Véronica Pomerleau
Session de transition
A
yant tout pour être heureux, un emploi gratifiant, une famille grandissante, Paul Exben, avocat hanté par les regrets de
ne pas avoir réalisé son rêve de devenir photographe, reflète l’image de la réussite telle que l’on se l’imagine. Tout bascule
lorsque sa conjointe lui demande le divorce et lui apprend qu’elle le trompe avec Grégoire Kremer, photographe professionnel. La descente aux enfers de Paul atteint son apogée lorsqu’il commet un homicide involontaire en tuant l’amant de sa femme.
Reprenant ses esprits, il échafaude un scénario dans lequel, après avoir jeté la victime dans la mer, il simule sa propre mort en faisant
exploser son voilier. Avec les papiers d’identité de Kremer, il se dirige en Hongrie, endroit de prédilection où il vivra sa vie en tant
que photographe.
L’adaptation du scénario de ce film n’a pas été chose facile en raison du témoignage introspectif du narrateur. D’une part, Romain
Duris, qui interprète le rôle de premier plan, traduit brillamment dans son jeu le vécu du personnage en quête de son authenticité.
D’autre part, le protagoniste arrive trop souvent à ses fins sans complications. Avec une facilité presque irréaliste, il réussit à falsifier
le passeport de Kremer, à passer aux douanes ou à dissimuler l’absence de ce dernier, à titre d’exemples.
Dès notre jeune âge, on nous enseigne des valeurs qui deviennent les piliers de notre vision de l’avenir, voire nos paramètres de réussite sociale. Paul Exben témoigne qu’il mène un combat entre deux forces : les idéaux transmis et les siens. Ce film nous apprend que,
malgré les choix, il faut toujours poursuivre sa voie et se donner aux passions qui nous habitent, car comme le dit l’adage : « Chassez
le naturel, il revient toujours au galop. »
Mr. Nobody
Karine Brochu
Sciences de la nature
A
lors que ses parents décident de mettre fin à leur union, Nemo Nobody est confronté à un premier choix : rester avec son
père ou partir avec sa mère. Cette décision étant trop difficile à prendre pour le petit garçon de neuf ans, celui-ci choisit
de vivre les deux possibilités qui s’offrent à lui. Il en résulte alors une longue suite de choix pour lesquels Nemo refuse de
prendre une décision. Il se voit donc dans l’obligation de vivre toutes les possibilités. C’est ainsi que l’on explore les multiples vies
de ce personnage à partir de trois intrigues principales, chacune l’amenant à vivre avec une épouse
différente. Le jeune Nemo vit selon une maxime qui décrit bien l’ensemble d u film : il est difficile de
choisir, car on ne peut pas revenir en arrière pour prendre la bonne décision; tant et aussi longtemps
qu’on ne choisit pas, tout demeure possible.
Ce film, du même genre que L’Effet Papillon, demeure fidèle à son fil conducteur du début à la fin. Le
but du réalisateur est clair, soit de démontrer le poids des décisions à prendre. Il s’agit d’un bon film
à teneur philosophique, malgré le fait que la réflexion qu’il provoque a déjà été explorée dans d’autres
films du même genre. La narration n’étant pas linéaire, il est facile de se perdre dans ce casse-tête si l’on
n’est pas attentif. Le film se perd parfois dans certaines longueurs qui surchargent le scénario, mais qui
servent tout de même à parfaitement entrelacer les histoires et leurs possibilités.
Pour ma part, j’ai adoré ce film pour les nombreuses questions qu’il suscite. L’intrigue est simple et les
différentes décisions sont bien explorées, peut-être même trop par moments. On se perd parfois lors
des changements rapides entre les lignes directrices, mais on se retrouve rapidement grâce aux différentes couleurs des vêtements des
épouses de Nemo et aux coupes de cheveux de l’acteur principal.
Le film est idéal si l’on veut se divertir en se permettant toutefois un brin de réflexion.
Livres
Cinquante nuances de critiques...
Cinquante nuances de Grey : plus de
peur que de mal
Josée Turmel
Sciences de la nature
L
e roman Cinquante nuances de Grey suscite, depuis quelques
mois, un réel engouement. Publiée en français le 17 octobre
dernier par les Éditions JC Lattès1, cette première œuvre de
la trilogie Fifty Shades est présentée comme une romance pour
adultes. C’est le premier best-seller de l’auteur E.L. James (pseudonyme pour Erika Leonard2). On y raconte l’histoire d’Anastasia
Steele, 21 ans, n’ayant pas encore connu d’homme dans sa vie, qui
interviewe un richissime homme d’affaires nommé Christian Grey.
Leur brève rencontre déclenche un bouleversement amoureux intense. Anastasia découvre peu à peu que son nouvel amant n’a rien
d’ordinaire : il veut qu’elle devienne sa « soumise » pour s’adonner
à des relations sadomasochistes. Règles de conduite et contrat : la jeune
femme est très confuse, car ce n’est
pas ce qu’elle désire de lui. Saurontils développer une relation, et dans
quels termes?
Il faut d’abord spécifier que Cinquante nuances de Grey est vraiment
captivant, mais aussi très explicite
sexuellement. Au début du roman,
on craint de lire des passages très
violents et dégoûtants. Cela prend
plutôt une tournure romantique assez agréable. Qualité ou défaut, selon
vos intérêts, la sexualité prend beaucoup de place. De plus, celles
qui rêvent de luxe seront rassasiées. Anastasia est très simple et attachante, et le récit nous tient réellement en haleine. Le vocabulaire
est plutôt simple et le récit, très actuel. Le seul petit bémol est que le
contenu manque un peu de profondeur.
Bref, osez entamer la lecture de Cinquante nuances de Grey. Avec la
forte intensité de ce roman, une chose est sûre : vous le lirez très rapidement! Le déroulement surprenant et inhabituel vous changera
vraiment de la routine. La preuve : on le trouve dans la vitrine de
toutes les librairies.
1 WIKIPEDIA. « Cinquantes nuances de Grey », [en ligne], consultée
le 24 mars 2013. < http://fr.wikipedia.org/wiki/50_nuances_de_Grey>
2 BABELIO. « E.L. James », [en ligne], consultée le 24 mars 2013. <
http://www.babelio.com/auteur/-E-L-James/234586>
7 ans après… WOW!
Marie-Pier Lapointe
Sciences humaines - Profil AdministrationÉconomie
N
ikki, une artiste au fort caractère, vit au jour le jour. Sébastien, à l’opposé, veut tout contrôler et mène une vie
sans anicroche. Pourtant, ils vont s’aimer éperdument, se
marier et donner naissance à des jumeaux. Peu de temps après, le
mariage tourne au cauchemar et se transforme en un terrible divorce. Sébastien prend la garde de Camille, qu’il élève avec équilibre
et fermeté, alors que Nikki obtient celle de Jeremy, qu’elle éduque
avec beaucoup plus de relâchement. Les années se succèdent et cha-
cun refait sa vie, mais sept ans plus tard, Jérémy disparait sans laisser
de trace. Ne sachant pas quoi faire, Nikki n’a d’autre choix que de se
retourner vers son ex-mari. Ils unissent donc leurs forces afin de retrouver leur fils perdu. Ils sont ainsi entraînés de l’autre côté de l’océan
où une multitude de surprises les attend. Là, ensemble, des sentiments
refoulés refont surface. Des sentiments
qu’ils croyaient perdus à jamais…
Dans ce récit, il est possible de constater que Guillaume Musso, auteur de
grands succès français, a quitté sa zone
de confort pour nous présenter une intrigue dans laquelle l’amour ne figure
pas au premier plan. À première vue,
il est possible de croire qu’il s’agit d’un
simple roman à l’eau de rose, mais il
n’en est rien. Bien qu’une histoire
d’amour soit présente, c’est une intrigue d’un tout autre genre qui est mise
de l’avant : un thriller où des personnages attachants sont livrés à un complot hors du commun. L’histoire est construite avec une très grande
minutie. Tout au long du récit, des détails qui paraissent insignifiants
deviennent des facteurs décisifs. Néanmoins, quelques bémols s’imposent. D’abord, la fin est trop brusque. L’épilogue dévoile ce que sont
devenus les personnages principaux deux ans plus tard, mais n’explique pas le sort des autres, qui ont pourtant eu un rôle primordial dans
l’aventure. La coupure se fait trop rapidement. De plus, l’auteur n’a
pas eu recours au surnaturel qu’il utilisait dans ses autres best-sellers,
au détriment des attentes de ses lecteurs. Il a plutôt fait preuve de rationalisme pour apporter l’équilibre dans son ouvrage.
Pour ma part, j’aurais préféré qu’il y ait une petite touche de fantastique signée Guillaume Musso. Sans sa marque de commerce, c’est comme si ce n’était pas l’œuvre de cet auteur. Pourtant, j’ai adoré l’intrigue
et littéralement dévoré chacune des pages de ce roman. C’est un récit
rempli de rebondissements où tout le monde y trouve son compte.
Le monde de Charlie
Martine Voisine
Sciences de la nature et Arts et Lettres
L
e monde de Charlie est une œuvre de Stephen Chbosky qui
traite de la vie d’un jeune garçon d’une quinzaine d’années. En
plus de devoir faire le deuil de son meilleur ami, qui s’est suicidé, il doit faire son entrée à l’école secondaire. Le lecteur suit l’histoire
de Charlie pendant cette année mouvementée par le biais de plusieurs
lettres que celui-ci écrit. Dans ces lettres, le personnage principal y
décrit son passage dans sa nouvelle école, les nouvelles rencontres qu’il
y fait, les nouvelles expériences qu’il vit ainsi que tout ce qui lui passe
par la tête. Ce dont le lecteur peut être certain, c’est que cette année
s’annonce pour être tout, sauf banale pour le jeune Charlie!
Cette oeuvre peut sembler clichée au tout début puisqu’elle traite de
l,entrée au secondaire et des premières amours. De plus, il est rare que
les lecteurs apprécient les romans composés de lettres s’adressant à lui.
Pourtant, l’auteur, dans son roman, a su en faire très bon usage. En
effet, les lettres apportent un côté plus intime au livre. Elles permettent au lecteur d‘entrer complètement dans la tête du personnage, sans
que cela devienne lourd à lire. Finalement, l’auteur a su, avec aisance,
27
L’Empreinte
28
cacher une intrigue tout au long du roman. Cette intrigue, le lecteur
ne doute de son existence en aucun cas pendant la lecture, et ce n’est
qu’à la fin qu’elle le surprend.
En terminant, pour ma part, lire Un roman français m’a fait découvrir Beigbeder sous un autre angle. Bien qu’on le connaisse provocateur, cru et choquant, il nous dévoile dans cette œuvre-ci un
côté de lui tendre et douillet. Ses longs discours auront su cette fois
attendrir son public, par ses propos justes et honnêtes.
Voyage au bout de la nuit : une
esthétique du vide
Emanuel Guay
Sciences humaines - Profil Sociétés-Monde
Pour conclure, j’ai bien apprécié la lecture de ce livre. J’en avais déjà
beaucoup entendu parler avant de le lire et mes attentes étaient très
élevées. L’auteur ne m’a en aucun cas déçue. Je me suis très rapidement attachée au personnage de Charlie et à l’univers que Stephen
Chbosky a su créer autour de lui. Je le recommande très fortement
à quiconque aime la lecture.
Un roman français
Annie Coulombe
Cinéma et hypermédia
L
’auteur français Frédéric Beigbeder se démarque dans Un roman français, ce qui lui vaut le prix Renaudot en 2009. À la
suite de son arrestation pour avoir consommé de la cocaïne
sur une voiture avec un de ses amis, Beigbeder devra faire face à luimême lors de son incarcération en garde à vue pendant quarantehuit heures. Mitraillé par des visions et des réflexions qui font mal,
il voit son passé réapparaître peu à peu malgré lui. Les souvenirs
d’une enfance oubliée, ou plutôt mise de côté, font leur réapparition dans une atmosphère de torture et de dégoût. Après son séjour
en prison, l’auteur réintègre son quotidien et tente d’y apporter des
changements.
Par ses propos sincères et touchants, l’œuvre Un roman français est
un succès. L’auteur se livre à son lecteur comme s’il était son ami,
son parent. La proximité de cette relation emporte rapidement le
lecteur dans l’univers sentimental de Beigbeder. Il ressent la douleur
psychologique de l’auteur, car Beigbeder est comme un livre ouvert.
Il est donc facile d’éprouver de la compassion. Par exemple, l’auteur
expose sa douleur et sa vulnérabilité après les premiers vingt-quatre heures de détention : il s’avoue
faible et vaincu. Beigbeder a voulu
révéler la souffrance qu’il a endurée
durant son emprisonnement. Même
s’il semble exagérer, il confirme,
en entrevue aux Francs-tireurs à
Télé-Québec, que ceux qui n’ont
pas vécu l’incarcération en garde à
vue ne peuvent comprendre l’atrocité de la situation. Bref, la gamme
d’émotions par laquelle passe le
personnage principal est remplie de
confidences honnêtes et touchantes,
qui nous font parfaitement adhérer
à son univers.
Par contre, Beigbeder fait de multiples références à ses romans antérieurs. Il est donc nécessaire de connaître brièvement les lignes
directrices de ses œuvres diverses ainsi que leurs personnages pour
saisir l’entièreté d’Un roman français.
L
orsque Theodor Adorno déclare en 1949, dans un article
intitulé « Critique de la culture et société », qu’« écrire un
poème après Auschwitz est barbare1 », il énonce un jugement très sévère sur la possibilité de dépasser les horreurs commises
lors de la Seconde Guerre mondiale, d’effectuer un retour à la civilisation après la barbarie. Cette affirmation, qui a suscité de grandes controverses, s’adresse en premier lieu au domaine de l’Art et à
ses pratiques. Comment un travail artistique peut-il effectivement
être conçu après la Shoah, comment
représenter un idéal esthétique tout
en considérant les chambres à gaz ?
Il nous semble qu’une partie de la
réponse à cette question se manifeste dans Voyage au bout de la nuit
de Louis-Ferdinand Céline, roman
qui a non seulement exercé une influence considérable sur la littérature
contemporaine, mais qui expose également la nécessité post-Auschwitz
de la pensée artistique, car c’est la
conscience de la souffrance qui s’exprime à travers elle.
Le livre relate l’existence de Ferdinand Bardamu, étudiant en médecine qui s’enrôle dès le début du roman dans l’armée française et qui
retourne en France vers la fin du récit, à la suite de pérégrinations en
Afrique et aux États-Unis. Bardamu est confronté successivement
aux effets dévastateurs de la Première Guerre mondiale, du colonialisme, du capitalisme industriel et de la misère, qui s’imposent
comme l’ultime constante au cours de son périple. Mais au-delà des
difficultés ponctuelles auxquelles Bardamu fait face, cette œuvre est
essentiellement la quête d’un homme qui cherche une cause à la
désolation du monde. Les expériences de Bardamu, ce « roi d’un
pays pluvieux2, » le mènent à pourfendre les idéaux sous toutes
leurs formes et à nier la possibilité d’une profondeur à la condition humaine : « La grande fatigue de l’existence n’est peut-être en
somme que cet énorme mal qu’on se donne pour demeurer vingt
ans, quarante ans, davantage, raisonnable, pour ne pas être simplement, profondément soi-même, c’est-à-dire immonde, atroce,
absurde. Cauchemar d’avoir à présenter toujours comme un petit
idéal universel, sur-homme du matin au soir, le sous-homme claudicant qu’on nous a donné3 ». Dans un monde sans causes ni buts,
seul est vrai ce qui pérennise le silence. Voyage au bout de la nuit,
le plus célèbre roman de Céline, est bien plus qu’un chef-d’œuvre
littéraire. Il est l’un des grands récits de la laideur humaine.
1 ADORNO, Theodor. Prismes, Éditions Payot, Paris, 1980, p. 26
2 BAUDELAIRE, Charles. Les fleurs du mal, Éditions Jean-Claude
Lattès, Paris, 1995, p. 190
3 CÉLINE, Louis-Ferdinand. Voyage au bout de la nuit, Éditions Gallimard, Paris, 2011, p. 418
Témoignages
Des parents de retour aux études
L’avenir est à ma portée !
Maman retourne sur les bancs d’école
Marie-Claude Girard, maman de deux petits
garçons et… étudiante en Soins infirmiers
Sophie Le Grand
Sciences de la nature
C
’est l’heure de diner. Je m’assure que je n’ai pas de messages
sur mon cellulaire. Ce matin, lorsque je suis partie pour
me rendre à l’école, mon jeune garçon faisait de la fièvre.
Je l’ai quand même laissé à la garderie. Pas le choix ! Si je manque
un cours, je perds des points sur mes examens et si mon conjoint
manque des heures de travail, nous n’arriverons pas à la fin du mois.
D’un côté, je me sens coupable de ne pas être avec mon bébé malade, de l’autre j’essaie de me convaincre que c’est la bonne chose
à faire.
En retournant à mon cours, mon cellulaire sonne, la garderie… La
fièvre ne tombe pas, je dois aller chercher mon petit. Sachant bien
les conséquences reliées au fait de quitter mon cours, je pars pour la
maison… Ma deuxième vie commence : celle de maman.
Je sais bien que, si je veux me coucher le soir sans regret, j’ai juste à
passer du bon temps avec mes petits loups. J’ai un conjoint fabuleux
et je suis consciente que ce ne sont pas toutes les étudiantes avec des
enfants qui bénéficient d’une aide morale, financière et ménagère
comme moi. Cela dit, il fait le souper pendant que je m’occupe des
enfants. C’est du temps précieux que j’ai avec eux puisque, pendant
les sessions d’examens, ce temps est presque inexistant.
Mes journées sont épuisantes, mais je sais pourquoi et pour qui je
le fais. Le sourire de mes enfants est ce que j’ai de plus précieux et
leur offrir une belle vie de famille est important pour moi. Lorsque
j’aurai mon diplôme en main, je serai fière de moi. En attendant, je
travaille fort pour concilier mon rôle de mère, de conjointe et d’étudiante. Quelquefois, j’ai l’impression d’être incompétente dans
tous mes rôles, mais j’ai découvert qu’il existe de l’aide à l’école.
Que ce soit le service de psychologie ou le soutien du comité Parents-Études, j’ai fini par trouver des solutions. Merci pour cette
aide, l’avenir est à ma portée!
J
e suis au restaurant, j’ai chaud, je suis fatiguée d’être constamment debout et de vivre des rushs qui n’en finissent plus. Entretemps, je pense à mon avenir, je me demande comment je vais
tenir le coup jusqu’à la fin de ma carrière de cuisinière. J’aime tout
de même le métier, mais plus assez pour continuer. Alors, quelle
solution s’offre à moi? Retour aux études, mais la tâche ne sera pas
facile.
Un retour aux études avec deux enfants en bas âge, il a fallu bien y
penser et surtout bien s’organiser. J’ai la chance d’avoir un conjoint
qui m’appuie dans mes démarches. La première session fut pénible :
me remettre dans la peau d’une étudiante s’est avéré ardu. Entendre
parler d’atomes quand ça fait 16 ans que tu as fini ton secondaire,
quel choc! Pour réussir, il faut de l’organisation, ne pas accumuler de
retard et bien s’entourer, car parfois on a besoin d’aide lorsque la garderie est fermée ou qu’un des enfants tombe malade. Vive Mamie!
Malheureusement, il arrive que nous n’ayons pas tous cette chance.
Certaines étudiantes, qui vivent la même chose que moi, doivent
manquer des cours et composer avec les retards. Parfois même subir
des manques de compréhension de certains professeurs. Pour ma
part, je n’ai pas eu à vivre cette situation, mais le comité parentsétudes dont je fais partie m’en a informée. J’aime bien échanger avec
d’autres parents étudiants, afin de s’épauler et de se donner des trucs
pour atteindre son but.
La réussite est possible, il ne faut pas se décourager. Le succès réside
dans l’organisation: temps pour les études, temps de qualité avec la
famille et au moins quelques heures de repos mental pour ne pas
faire de dépression. Nous méritons tous de réussir : il faut juste y
croire.
29
L’Empreinte
30
Points de vue des spécialistes
Programme Cinéma et Hypermédia
Un film de Baz.... Pardon, Ralph Fiennes
Carl Couture
Critique du film Amour chiennes
Alexandra Gosselin
U
n début percutant pour un film tout aussi percutant! Amores Peros, traduit en français Amour chiennes, est le premier long métrage réalisé en 2000 par Alejandro González
Iñárritu. Il a aussi réalisé Babel ainsi que 21 grammes. Il a été en nomination aux Oscars ainsi qu’aux Golden Globe pour le meilleur
film étranger en 2001.
Ce drame mexicain nous offre une réalité dure et crue que nous ne
connaissons guère au Québec. Dès les premières minutes du film,
Alejandro González Iñárritu nous percute de plein fouet, au point
que les âmes sensibles voudront arrêter le visionnement, mais forcez-les à regarder la suite, car ce film mérite d’être vu et revu. Même
après deux visionnements, il y a encore des choses à apprendre.
Octavio vit chez sa mère avec son frère et la femme de celui-ci. Il
est fou de cette dernière qui, d’ailleurs, se fait maltraiter par son
mari. Octavio participera à des combats de chiens clandestins dans
son quartier, ce qui lui donnera une lueur d’espoir pour s’enfuir et
s’offrir une vie meilleure avec Susana.
Valeria vit dans un tout autre monde que celui d’Octavio. Elle est la
top-modèle la plus adulée du moment. Elle vient d’avoir un nouvel
amant, un immense appartement et un petit chien. Un accident
viendra perturber sa petite vie de rêve.
El chivo est un ancien guérillero devenu clochard. Il fait des petits contrats en tant que tueur à gages et réussit à survivre avec ses
nombreux chiens. Outre
l’intérêt qu’il porte à ses
chiens, une jeune fille de
son quartier attire énormément son attention.
Trois destins, trois vies
distinctes, trois opposés,
tous rassemblés en un
seul et unique évènement
tragique. Chaque minute
du film nous aide à mieux
comprendre les minutes
précédentes. Il est difficile
de faire la synthèse de cette
œuvre, car les chassés-croisés entre les trois histoires
sont trop nombreux. Iñárritu a su tirer son épingle du jeu et nous faire sortir de notre zone
de confort. Les scènes horriblement réalistes sont si bien amenées
et les plans de caméra sont si francs qu’on ne peut qu’apprécier la
totalité de cette œuvre.
Amour Chiennes, c’est la cruauté poétique et un scénario bien
construit : un film à voir pour lever le voile sur la réalité de
Mexico.
C
oriolanus est une tragédie de William Shakespeare. Ralph
Fiennes a eu la brillante idée de l’introduire au grand
écran.
Caius Martius Coriolanus est un général de l’armée romaine. Il a
perdu beaucoup de sang pour son pays et désormais il désire faire
carrière en politique. Malheureusement, il est rejeté par le peuple
affamé et trahi par la haute direction romaine. Le rêve de se venger
hante son esprit. Il se liera à son pire ennemi et à celui de Rome
pour faire tomber la nation qui l’a déchu.
Ralph Fiennes et Gerard
Butler offrent une excellente performance dans les
rôles titres, favorisant un jeu
théâtral. En respectant les
dialogues de Shakespeare,
l’œuvre satisfait les amoureux de l’auteur, ainsi que
ceux qui ne connaissent pas
l’œuvre de l’écrivain de renom. Utiliser les dialogues
d’autrefois dans l’époque
actuelle est une démarche
artistique intéressante. Par
contre, il serait faux d’affirmer qu’elle est innovatrice,
car Baz Luhrmann y a déjà
pensé il y a plus d’une décennie avec Roméo et Juilette. Eh oui! C’est
dommage, Ralph, mais quelqu’un l’a fait avant toi. Il y a énormément de similitudes entre les deux œuvres. Chacune d’elles raconte
une histoire du passé se déroulant dans le présent, chacune d’elles
offre un jeu d’acteurs identique et chacune d’elles se sert des médias
pour représenter le chœur. En effet, quoi de mieux que le bulletin de
nouvelles pour nous expliquer les situations d’actualité. Le message
est clair et nous le savons tous : les médias prennent trop d’espace
dans notre vie. Cependant, cette méthode met en valeur le long-métrage, et le réécrire sans les dialogues originaux aurait probablement
donné un résultat pire.
Enfin, la réalisation laisse croire qu’on regarde véritablement une
pièce de théâtre avec ses décors très simples, sans aucune touche
artistique frappante. Si vous avez aimé Ralph Fiennes dans le rôle de
Voldemort, si le nom de Gerard Butler fait partie de vos fantasmes
ou si vous aimez tout simplement les écrits de Shakespeare, alors ce
film est pour vous.
Critique du film Les Intouchables
Frédérique Alain
Les Intouchables, avec 19 440 000 entrées, est le troisième film
dans l’histoire du box-office français. Réalisé par Olivier Nakache et Éric Toledano, le film relate essentiellement l’amitié issue
de la rencontre de Driss, jeune banlieusard récemment libéré de
prison, et de Philippe, richissime parisien tétraplégique.
31
Dans l’œil de la caméra, les réalisateurs nous permettent de voir
la richesse d’une amitié aussi profonde que celle des protagonistes.
Ainsi, le développement de cette relation est présenté à travers les
aventures quotidiennes personnelles et professionnelles que vivent
ces deux hommes. Un bon jour, ces deux personnages s’apportent
mutuellement tellement de bonheur qu’ils ne peuvent plus vivre
sans l’autre! En effet, Driss avait comme but de toucher une allocation de chômage en se faisant refuser un poste d’auxiliaire à
domicile, mais il se trouve pris au dépourvu à la suite du défi que lui
lance le tétraplégique, qui ne peut guère supporter l’aide des autres
préposés, qui le prennent constamment en pitié, selon lui. L’orgueil
de Driss lui fait accepter cette offre, l’amenant ainsi à emménager
chez Philippe et à remplir ces fonctions à temps plein.
De fil en aiguille, un lien de complicité et de confiance se tisse entre les deux hommes qui se côtoient quotidiennement, s’entraident
et s’influencent, notamment en permettant à Philippe de retrouver
l’estime et l’amour et à Driss de devenir mature, intègre et responsable. Malgré des divergences d’opinions et des querelles importantes,
les deux amis demeurent fidèles, ce qui explique la longévité de leur
relation. Ce film touchant, profond, inspirant et tiré d’une histoire
vraie permet à l’auditoire de prendre conscience à quel point la vie
peut être belle malgré l’adversité et à quel point l’amitié est importante!
que. Malheureusement, cet aspect
fut oublié assez rapidement lors du
long-métrage. On doit se contenter d’une histoire d’amour de
jeunesse et des temps difficiles de
l’adolescence.
Par le mariage de son scénario et
de sa réalisation, le film entre dans
une filmographie, qu’on pourrait
appeler « Guerre africaine », c’està-dire les films tels que Un dimanche à Kigali et Hôtel Rwanda. On
aurait pu prendre le même réalisateur que ces films et on aurait
obtenu le même résultat. En soi,
Rebelle n’est pas un mauvais film,
mais n’est pas un chef-d’œuvre. Demain, les cinéphiles vont avoir
oublié Rebelle. Si Kim Nguyen désire rester d’actualité, il aura besoin
de réaliser une prochaine œuvre d’un calibre supérieur.
Si vous n’êtes pas d’accord, alors je suis peut-être mort....
Critique du film Voice Over
Francis Perreault
J
’ai été faire un tour au festival « Regard sur le Saguenay ». Voice
Over est le parfait exemple d’un court-métrage qui reflète le génie
! J’adore les films qui regroupent plusieurs histoires et Voice Over
utilise cet aspect à la perfection, en présentant des histoires parallèles.
Je suis peut-être mort
Carl Couture
Chacune des histoires met en scène un personnage extrêmement malchanceux qui se retrouve dans une situation loufoque. Chaque personnage a un but à atteindre. Un astronaute en manque d’oxygène
doit atteindre son vaisseau de secours pour récupérer une bonbonne
d’air, et, en même temps, détient un extraterrestre dans sa combinaison. Un soldat doit atteindre un détonateur pour faire exploser une
bombe alors qu’il n’a plus de jambes. Et un marin doit se déprendre
d’une corde qui le tient sous l’eau.
J
Chaque personnage est en fait la même personne. Il est seulement entraîné par le narrateur qui décide de son destin et de son histoire, mais
le narrateur fait changer le personnage principal de situation et d’histoire puisqu’il ne se décide pas. Le plus drôle, c’est que le narrateur
éprouve un malin plaisir à placer son personnage dans une situation
vraiment merdique. C’est extrêmement bien fait et on rit aux éclats.
Même le narrateur nous fait marrer par sa façon de s’exprimer.
La dame en question m’a dit que si je n’étais pas ému en regardant
ce film, j’étais mort. Si la trame sonore ne m’émouvait pas, j’étais
mort. Si l’histoire ne m’émouvait pas, j’étais mort. Ces phrases
m’ont convaincu de regarder Rebelle.
Le film utilise un autre aspect très important, le temps, puisque le personnage principal dispose d’un temps limité pour atteindre son objectif. Par exemple, si l’astronaute ne parvient pas à atteindre son but, il va
manquer d’air, le marin aussi et le soldat doit atteindre son but avant
de se vider de son sang. Cela nous amène à forcer avec le personnage,
car on veut qu’il atteigne son objectif.
’étais dans une taverne et, dans ce lieu, j’ai eu une discussion
sur la vie avec une quadragénaire. Lorsqu’elle a appris que mon
champ d’études était le cinéma, elle m’a parlé du film Rebelle de
Kim Nguyen. Ce film a été en nomination pour l’Oscar du meilleur
film en langue étrangère et est le grand gagnant de la soirée2013
des Jutra.
Dès le lendemain matin, je l’ai visionné. Rendu au générique, je me
suis demandé si j’étais toujours vivant. Rebelle présente une histoire
touchante, mais qui manque un peu d’originalité, selon moi. Le
film relate les péripéties d’une jeune adolescente pendant la guerre
sub-saharienne en Afrique. Pourtant, le début laissait croire à un
avenir meilleur. Le fait qu’un des clans avait nommé la jeune fille
sorcière de guerre semblait une occasion de créer une œuvre uni-
La réalisation est bien faite de même que l’acting. La fin est extraordinaire, et le film finit sur une bonne note. Voice Over donne un
bon message d’espoir puisque le personnage finit par atteindre tous ses
objectifs, alors qu’il était sur le point d’abandonner. Un véritable chefd’œuvre. Rien à redire. Bravo !
L’Empreinte
32
Critique du film Henry
Henry, de Yan England : un film touchant
Annie Coulombe
Marie-Pierre Fecteau
E
n nomination à la soirée des Oscars pour le prix du meilleur
court métrage de fiction, Henry, réalisé par Yan England, dévoile l’atrocité de la maladie d’Alzheimer. Grandement inspiré
par la vie du grand-père du réalisateur, ce court métrage montre à ses
spectateurs les formes de la maladie dans les yeux de l’aîné, puis de sa
fille. Tout au long du film, Henry, le personnage principal, revit des
souvenirs qui font leur apparition dans sa mémoire.
La direction artistique est un point fort du
film. Le jeu juste des acteurs fait entrer
le spectateur dans la dimension voulue;
il ne peut alors pas rester indifférent à la
situation. Henry, joué par Gérard Poirier,
transporte son public dans les visions de
ses souvenirs. Les transitions entre ces
visions et la réalité sont très bien exécutées. Par la mise en scène intelligente, il
est possible de tournoyer entre deux mondes sans avoir de difficulté à se situer et à
comprendre le déroulement de l’histoire.
Par exemple, lorsque Henry est seul avec
Henry plus jeune dans le couloir sombre
et que le plus jeune dit au plus vieux de
s’accrocher et qu’il lui demande s’il se souvient de Nathalie, les lumières s’allument
les unes à la suite des autres dans le couloir, et des femmes enceintes sortent des
chambres. La caméra se tourne vers Henry
plus jeune avec sa femme et un bébé dans
les bras. Cette transition est tellement bien
exécutée, comme les autres d’ailleurs, que
le spectateur comprend alors facilement
la transition entre deux mondes, réalité et
fiction du souvenir. L’auteur voulait sans
doute faire entrer son public dans l’univers
de son grand-père et lui faire comprendre par quelle détresse passe le
personnage principal. Grâce à des transitions fluides entre la réalité et
la fiction des souvenirs, l’histoire et la sensibilité qu’elle dégage sont
accessibles à tous.
Pour conclure, grâce à une mise en scène intelligente, au jeu juste des
acteurs et aux transitions fluides, agréables et originales, Henry est un
succès, une fierté du court métrage québécois. Yan England montre à
son public son talent à partager une douleur familiale en harmonisant
la beauté et la cruauté de la situation. Les admirateurs du réalisateur
et acteur ont alors déjà faim d’un prochain jet créatif de celui-ci, qui a
conquis nos cœurs avec une audacieuse simplicité.
L
e 24 février dernier se tenait la 85e cérémonie des Oscars
au Dolby Theatre à Los Angeles, en Californie. Parmi les
nominations de films mettant en vedette les stars de l’heure
se trouvait également une catégorie pour les meilleurs courts-métrages de fiction. Cette année, cette catégorie était particulièrement
intéressante puisque le Québec y était représenté. En effet, Henry,
de Yan England, a su se tailler une place au milieu des meilleures
productions mondiales. J’ai eu la chance de visionner son œuvre et
voici ce que j’en ai pensé.
Pour commencer, l’œuvre d’England se
distingue beaucoup par sa direction artistique et sa direction photo. Les décors
et costumes d’époque sont fantastiques et
donnent à l’histoire le ton de vérité qu’il
faut. Puis, la qualité de l’image est exceptionnelle et les plans sont magnifiques.
De plus, le jeu des acteurs est riche et remarquable. La complicité entre les personnages se sent fortement. Gérard Poirier,
Louise Laprade et Marie Tifo sont resplendissants de vérité à l’écran. Les émotions
jouées sont vraiment senties et émouvantes.
D’autre part, l’utilisation de la musique
dans le film ajoute une touche et une
couleur que personne ne peut passer sous
silence. Les mélodies étaient si poignantes que je n’ai pu empêcher une larme de
prendre son aise dans le coin de mon œil.
Je n’étais d’ailleurs pas la seule, puisque les
gens qui m’entouraient dans la salle étaient
également dans le même état : sans mots et
émus par l’oeuvre d’England.
Toutefois, le seul bémol du film est, à mon avis, le scénario plutôt
commun. Il m’a semblé connaître le dénouement de l’histoire dès
les premières minutes. Par contre, étant donné le fait que le récit est
basé sur des faits vécus, je ne peux qu’oublier tout ceci et apprécier
encore plus l’œuvre qui m’est gracieusement offerte.
Somme toute, je dois avouer que, malgré quelques similitudes avec
des œuvres vues auparavant, ce petit bijou québécois méritait assurément sa place parmi les grands du domaine. Le jeu, les décors, la
qualité de l’image, la musique et le scénario plus que touchant sont
le mélange parfait pour toucher le public. Tout était donc en place
pour compétitionner avec les plus grands. En somme, à la suite de
mon visionnement de Henry de Yan England, je peux affirmer en
toute certitude que je vais désormais suivre de plus près les prochains projets de ce jeune prodige québécois et que je recommande
avec grand plaisir cette perle du cinéma québécois.