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03/2016 Pour une démocratie directe de qualité dans: Le Regard Libre Février 2016 Tibère Adler Résumé avenir reprint rassemble des interviews, des contributions ou textes de nos collaborateurs parus dans des publications externes. Tibère Adler, directeur romand d’Avenir Suisse, a rencontré Jonas Follonier, du journal valaisan «Le Regard Libre», pour un entretien portant sur l’initiative populaire en Suisse. Dans cette interview, Tibère Adler présente d’abord les principaux problèmes de l’initiative populaire avant d’énumérer les mesures qu’Avenir Suisse préconise pour réformer cet outil fondamental de la démocratie directe. En outre, le directeur romand donne son avis sur l’initiative cantonale ainsi que les initiatives qui touchent au droit international. Enfin, il réagit à la dernière initiative controversée de l’UDC (initiative «de mise en œuvre») et rappelle le rôle essentiel des Tribunaux fédéraux et de leur interprétation dans les jugements qu’ils rendent. 03 L’ ENTRETIEN ! ! Rencontre avec TIBÈRE ADLER! Pour une démocratie directe de qualité Des propos recueillis par Jonas Follonier Nous retournons ce mois-ci vers des horizons libéraux avec le directeur romand d’Avenir Suisse, qui propose de réformer le droit d’initiative pour améliorer la qualité de notre démocratie. Après des études de droit à l’Université de Genève, Tibère Adler a exercé la fonction d’avocat et de manager. Il est le directeur romand d’Avenir Suisse depuis 2014. Pouvez-vous nous présenter fondation Avenir Suisse ? la plus confus. Ces dernières années, plus d’initiatives ont été acceptées mais leur mise en oeuvre était et reste très complexe.! Avenir Suisse est un think tank, un laboratoire d’idées. Plus précisément, nous sommes un institut de recherche privé à but non lucratif. Notre mission est de proposer des études prospectives sur l’avenir notamment économique de la Suisse. Nos études se veulent objectives et sont très orientées vers les chiffres. Nous nous réclamons de valeurs libérales, dont la plus importante est la liberté ainsi que la responsabilité qui lui est consubstantielle. Nous souhaitons que les individus et les entreprises déterminent eux-mêmes leur existence et assument les conséquences de leurs choix. Ensuite, il existe un climat de campagne permanent qui exige beaucoup d’attention envers les initiatives, et pas toujours à bon escient... A la base, l’initiative populaire est un outil citoyen et non de partis. Quelles sont les principales m esures que vous préconisez ? 1. Renforcer le contrôle de validité des initiatives avant la récolte de signatures. 2. Remplacer l’organe de contrôle (actuellement le Parlement) par un organe légitime à effectuer ce travail juridique, p. ex. la Chancellerie d’Etat. Vous faites partie de ceux qui veulent réform er le droit d’initiative. Quels sont les problèm es que vous constatez ? 3. En 1891, année d’introduction de l’initiative populaire dans la Constitution fédérale, le nombre de signatures nécessaires pour qu’une initiative soit soumise au vote a été fixé à 50'000. (soit presque 8 % du corps électoral). En 1978, année de – Suite de l’entretien p. 4 Premièrement, nous sommes de plus en plus soumis au risque de trop voter. Le concept de trop voter peut paraître absurde en démocratie. Or nous constatons que le nombre d’initatives rend le débat Le Regard Libre | Février 2016 | N° 13 avenir reprint 03/2016 1 2 Le Regard Libre, février 2016 «Pour une démocratie directe de qualité» – Tibère Adler 04 L’ ENTRETIEN l’introduction du droit de vote des femmes, ce chiffre a été doublé à 100’000. Donc, ce chiffre encore en vigueur aujourd’hui témoigne d’une réalité vieille de bientôt cent cinquante ans. Il faut adapter ce chiffre à l’évolution de la population et donc le transformer en un pourcentage. Nous proposons de le fixer à 4 % (les 100'000 correspondent à 1,7 %) pour l’initiative constitutionnelle. ! Cependant, le constat est simple : en cent cinquante ans, il y a eu vingt-deux initiatives acceptées dont dix ces dernières années. Or, l’augmentation de la quantité n’est pas nécessairement gage d’une qualité supplémentaire. Quelle influence estim ez-vous détenir sur les politiques ? Les partis évitent de soutenir ce genre de démarches parce qu’ils estiment qu’il n’y a que peu d’électeurs à gagner. Les mesures concernant le droit d’initiative ne sont pas considérées comme un terrain électroral fertile. Les parlementaires sont toujours en conflit d’intérêt avec les initiatives, donc ils se sentent bousculés. C’est le Parlement qui les contrôle avant, qui se positionne politiquement vis-à-vis d’elles et qui doit faire une loi d’exécution si elles sont acceptées. 4. Introduire l’initiative législative au niveau fédéral. Le peuple peut à présent changer la Constitution, mais il faudrait aussi qu’il puisse changer les lois. La Constitution n’est pas faite pour accueillir des articles que nous jugeons secondaires. Nous proposons de fixer à 2 % le pourcentage pour l’initiative législative. 5. Au vu des problèmes d’exécution systématiques pour les initiatives acceptées en votation, instaurer un référendum obligatoire pour la loi d’application. Néanmoins, l’influence se fera quand même sentir sur le long terme. L’idée de rendre plus efficace le contrôle au préalable fera son chemin, j’en suis persuadé. 6. Ne voter que sur une seule initiative constitutionnelle par consultation électorale. Cela calmerait le jeu et garantirait un débat attentif de qualité pour chaque initiative. A Genève, l’exemple est parlant : on a dû voter sur douze objets différents ! Cela alourdit la démocratie. Vous vous déclarez libéral. Vouloir lim iter la parole du peuple, est-ce vraim ent libéral ? Je constate que toutes vos propositions ne touchent pas au fond, m ais à la form e. Nous pensons que canaliser le processus sans mettre de restrictions au contenu bénéficie précisément à la démocratie. L’entonnoir reste large, cela est tout à fait libéral. – Suite de l’entretien p. 5 Exactement. Le contenu des initiatives doit rester ouvert. Certains veulent le restreindre, mais nous, nous estimons que c’est l’essence même de l’initiative que de vouloir changer les règles en place. « L’idée de rendre plus efficace le contrôle au préalable fera son chemin, j’en suis persuadé. » Le Regard Libre | Février 2016 | N° 13 avenir reprint 03/2016 4 3 Le Regard Libre, février 2016 «Pour une démocratie directe de qualité» – Tibère Adler 05 L’ ENTRETIEN ! Qu’en est-il des initiatives populaires cantonales ? Constatez-vous les m êm es problèm es qu’au niveau fédéral ? jourd’hui, la même chose doit se passer pour le quatrième niveau. Cela dit, une chose est sûre : quand la Suisse s’engage avec des traités, elle doit les respecter. Non. Il y a des cas isolés, mais il semble que le volume n’ait pas augmenté dans la même proportion. Cela s’explique par deux phénomènes. Tout d’abord, le combat politique s’est partiellement déplacé du niveau cantonal au niveau national. Deuxièmement, nous n’avons pas de tensions entre les initiatives populaires et les droits fondamentaux : en effet, les initiatives cantonales doivent respecter le droit fédéral. Cela est dû au fédéralisme. A l’inverse, même si une initiative fédérale violait la Constitution, les tribunaux n’auraient pas le droit de ne pas l’appliquer. Venons-en m aintenant à l’initiative de l’U DC dite « de m ise en oeuvre ». Philippe Bender, historien bien connu du Regard Libre, a déclaré sur les ondes de la RTS : « Le souverain ne peut pas changer quand il veut et où il veut l’Etat de droit. » Souscrivez-vous à cette phrase ? Entièrement. Avec ce genre d’initiatives, on mélange les concepts et on mélange les rôles. Le peuple est le législateur, il peut faire des lois générales. Or tout vote ne peut pas remplacer le jugement des Tribuanux. Quand il s’agit d’un individu et du respect de ses droits fondamentaux, c’est la tâche des Tribunaux. Je vais vous donner un exemple théorique frappant : si nonante-neuf personnes votent pour pendre le centième, cela reste du lynchage, même si le vote est parfaitement démocratique. La réponse de l’Etat de droit est de dire non, seul les Tribunaux peuvent en juger. « Si nonante-neuf personnes votent pour pendre le centième, cela reste du lynchage, même si le vote est parfaitement démocratique. » Tibère Adler, directeur romand d’Avenir Suisse De plus en plus d’initiatives touchent au droit international. Com m ent les appréhendez-vous ? Enfin, avez-vous déjà soutenu personellem ent des initiatives populaires ? Les initiatives touchant au droit international posent des problèmes très complexes, car cela dépasse la politique suisse et que nous sommes dans une phase d’apprentissage. Un quatrième niveau politique s’intègre de plus en plus. Au XIXe siècle, les cantons étaient très jaloux du niveau national. La mécanique s’est ensuite parfaitement huilée. Au- C’est une question qui me réjouit, car je ne l’avais jamais entendue de la bouche d’un journaliste. Il se trouve que j’en ai signé quelques-unes, mais je n’en ai jamais soutenu. Tibère Adler, m erci beaucoup de vos réponses. Crédit photo : http://www.letemps.ch/opinions/2015/12/01/faut-un-nouveau-pacte-fiscal-entrepreneurs Le Regard Libre | Février 2016 | N° 13 avenir reprint 03/2016 6 4 Le Regard Libre, février 2016 «Pour une démocratie directe de qualité» – Tibère Adler