Valorisation agronomique des sédiments de dragage de
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Valorisation agronomique des sédiments de dragage de
Cantegrit L. Valorisation agronomique des sédiments de dragage de canaux : première expérimentation agricole en Saône - et - Loire (71) Laurent Cantégrit,1 Sylvie Nouvion – Dupray2 Résumé Pour assurer le transport de marchandises, la navigation des bateaux de plaisance et l'entretien des cours d'eau et canaux, les gestionnaires des voies d'eau procèdent à des opérations de dragage. Dans ce cadre, les sédiments extraits de l'eau sont évacués et souvent stockés dans l'emprise de la voie d'eau. Ainsi, cet article présente une méthodologie expérimentale pour proposer une solution alternative au stockage des sédiments de dragage du canal du Centre, en les valoriser en agriculture. L'objectif de l'expérimentation est dans un premier temps de vérifier l’innocuité et le pouvoir agronomique de ces sédiments, puis de déterminer un protocole expérimental pour mettre en place cette filière de valorisation agricole. Les premiers résultats de l'expérimentation montrent notamment que ces sédiments possèdent une valeur fertilisante de par leurs concentrations en phosphore et potassium. Mots clés : valorisation agricole, sédiments, dragages fluviaux, fertilisant, restructuration d'un sol 1. Introduction 1. 1 Contexte de l'étude Les opérations de dragage d'entretien sont indispensables pour maintenir un mouillage suffisant de la voie d'eau afin d'assurer le bon fonctionnement des échanges commerciaux par transport fluvial ainsi que le bon déroulement des activités de tourisme et de loisirs. L'historique des opérations de curage pour les années 1990 – 2000 (MEDD, 2002) montre que la remise en suspension (39,5%) et la mise en dépôt (38%) sont les principaux modes utilisés. Une actualisation de cet historique (hors CNR) pour la période 2001-2005 pilotée par le CETMEF, a démontré que les principales filières pour la gestion des sédiments à terre sont la mise en dépôt (66 %) et l'utilisation des sédiments en agriculture (12%). Ces filières varient notamment selon le contexte géographique et historique de la région considérée. Notons également que pour VNF, la mise en dépôt est de plus en plus prépondérante : elle concernait 55% entre 1990 et 2000 et elle porte sur 79% entre 2000 et 2005 (Joël L'Her et al., 2007). Suite à des pratiques informelles d'épandage agricole des sédiments de dragage observées dans différentes régions françaises, des difficultés foncières pour les gestionnaires de cours d'eau pour stocker leurs sédiments et la volonté de trouver une solution durable, le CETMEF et le CETE de Lyon ont mené une première étude en 2009 sur « La valorisation agricole des sédiments de dragage des voies navigables » (Bernes Cabanne, 2009). Cette première étude bibliographique a permis de mettre en évidence que « les sédiments de dragage peuvent avoir des propriétés voisines des sols, voire dans certains cas de sols agricoles fertiles ». Les propriétés des sédiments sont très variables en fonction du lieu de dragage, du type de bassin versant et de la morphologie du cours d'eau. Souvent, des analyses physico-chimiques sur les sédiments de dragage sont réalisées, mais peu de données sont disponibles sur les propriétés agronomiques des sédiments. Une étude approfondie est indispensable pour déterminer le pouvoir agronomique des sédiments. 1. 2 Cadre réglementaire La directive n°2008/98/CE du 19/11/08 relative aux déchets, indique que les sédiments hors d'eau sont considérés comme des déchets. Selon la définition de la loi n°75-633 (1975) modifiée par la loi n° 92-646 (1992) intégrée dans le Code de l’Environnement, les sédiments de dragage sont considérés comme des déchets en tant que produit de l’activité d’entretien d’un cours d’eau ou d’un canal. De plus, les matériaux issus du dragage doivent être, en priorité, réintroduits dans la voie d'eau (arrêté du 30 mai 2008) afin notamment de maintenir un bilan sédimentaire équilibré. A contrario, si la qualité des sédiments et 1 Centre d’Études Techniques de l’Équipement (CETE) de LYON 25 avenue François Mitterrand - Case n°1 69674 BRON cedex 2 Centre d’Études Techniques Maritime Et Fluviales (CETMEF) 2 boulevard Gambetta BP60039 60321 Compiègne Page 1/15 Cantegrit L. l'environnement biologique de ce cours d'eau, ne sont pas favorables à une opération de clapage ou de remise en suspension, les matériaux doivent être dirigés vers des filières à terre de valorisation, de traitement ou de stockage adaptées. De plus, les gestionnaires de la voie d'eau rencontrant de plus en plus de contraintes techniques et règlementaires liées à la mise en dépôt, il devient nécessaire de proposer de nouvelles solutions alternatives de valorisation des sédiments de dragage. Dans ce cadre, la valorisation agricole des sédiments de dragage apparaît comme une solution intéressante. Elle ne fait pas l'objet actuellement d'une réglementation spécifique aux dragages d'entretien. Ainsi, l'absence d'un cadre législatif entraîne des pratiques empiriques de la valorisation des sédiments en agriculture, sans aucun suivi. L'article 9 de l'arrêté du 30 Mai 2008, mentionne la possibilité d'effectuer « un épandage agricole, sous réserve de l'accord des propriétaires des parcelles et du respect des prescriptions techniques applicables aux épandages de boues sur les sols agricoles fixées par l'arrêté du 08 janvier 1998 ». De même, l'article 4.a) de la circulaire du 4 Juillet 2008, précise également que l'épandage des sédiments de dragage sur une parcelle agricole ne peut se réaliser que pour des sédiments non dangereux. 1. 3 Objectif de l'étude La méthodologie de caractérisation des sédiments de dragage présentée au paragraphe 2, est une étape essentielle en vue d'une valorisation agricole. Les sédiments doivent présenter un intérêt agronomique et ne pas posséder de contamination en éléments inorganiques et organiques (décret du 08/12/97 et arrêté du 08/01/98 relatif à l'épandage des boues issues du traitement des eaux usées). Ainsi, le code de l'environnement précise que : • Art. R211-31 : « L'épandage des boues ne peut être pratiqué que si celles-ci présentent un intérêt pour les sols ou pour la nutrition des cultures et des plantations. Il est interdit de pratiquer des épandages à titre de simple décharge » • Art. L215-5 « Le dépôt ou l'épandage des produits de curage est subordonné à l'évaluation de leur innocuité vis-à-vis de la protection des sols et des eaux ». Par ailleurs, les facteurs limitants de la valorisation agricole sont la méconnaissance de la valeur agronomique des sédiments, la possibilité de trouver des parcelles agricoles proches des voies navigables pour épandre les sédiments et enfin de se référer à un cadre réglementaire spécifique aux sédiments de dragage qui est insuffisant actuellement (Bernes Cabanne – 2009). C'est donc dans ce contexte, que le CETMEF et le CETE de Lyon ont décidé de conduire une étude pour définir une méthodologie afin de déterminer la qualité agronomique des sédiments de dragage, leur innocuité et de l'appliquer sur un site pilote du canal du Centre (en Saône – et – Loire 71) en réalisant une culture expérimentale sur une parcelle agricole. Le CETMEF assure la maîtrise d'ouvrage de cette étude de valorisation agricole des sédiments de dragage du canal du Centre, la maîtrise d’œuvre est assurée par le CETE de Lyon. 2. Méthodologie 2.1 Organisation de l'expérimentation Les maîtrises d’ouvrage et d’œuvre se sont entourées d’acteurs techniques et financiers pour mener à bien cette étude expérimentale : • la Région Bourgogne : gestionnaire du canal du Centre à titre expérimental jusqu'en 2012, elle s'est montrée intéressée par cette filière de valorisation agricole des sédiments. Elle viendra également en appui financier en 2011 auprès du CETMEF ; • l'agriculteur : M. Touillon qui met à disposition son champ ; • le service navigation de la Direction Départementale des Territoires de Saône-et-Loire (DDT 71) à Montceau-les-Mines : il gère et suit les opérations de dragage. Il possède l'historique et les données relatives aux campagnes de dragage et zones de stockage des sédiments de dragage du canal du Centre. Il est un point d'appui local essentiel au bon déroulement de l'expérimentation ; • la chambre d'agriculture du département de Saône-et-Loire (71) : elle apporte son expérience notamment dans la gestion des boues de station d'épuration et également ses connaissances en matière d'agronomie. Elle sert de relais auprès du monde agricole ; • les laboratoires des CETE de Nord-Picardie et d'Ile-de-France ainsi que le laboratoire privée SADEF : ils réalisent les analyses physico-chimiques et agronomiques sur les sédiments, le sol support et les végétaux. La constitution de ce groupe de travail a permis d’aider les maîtrises d'ouvrage et d’œuvre à déterminer la méthodologie pour valoriser les sédiments de dragage du canal du Centre sur une parcelle agricole. Toutes les Page 2/15 Cantegrit L. phases expérimentales de la méthodologie ont été validées par les acteurs de ce groupe de travail. Les trois principaux objectifs constituent le fil conducteur de cette étude : • L’identification de terrains de dépôt contenant des sédiments susceptibles d'être non contaminés ; • La caractérisation des sédiments de dragage des terrains de dépôt identifiés : innocuité et pouvoir agronomique des sédiments de dragage ; • La définition du protocole de valorisation agricole des sédiments de dragage provenant du terrain de dépôt sélectionné. 2.2 Identification des terrains de dépôt L'objectif de cette étape est d'identifier, dans un premier temps, les terrains de dépôt possédant des sédiments susceptibles d'être valorisables c'est-à-dire non contaminés en éléments inorganiques et organiques. Le service navigation de la DDT 71 détient toutes les informations relatives aux campagnes de dragage effectuées sur le canal du Centre. Ce service tient à jour un système d'information géographique (S.I.G) qui recense les données des campagnes de dragage. Ce SIG précise notamment le bief de canal dragué, l'année de l'opération de dragage, la technique utilisée, les analyses physico-chimiques réalisées avant dragage, le volume de sédiments extraits, le lieu de stockage, la surface du terrain de dépôt. L'étude de la base de données de ce SIG a permis de faire l'inventaire de toutes les zones de stockage des sédiments dragués au niveau du canal du Centre. De plus, la DDT 71 possède au sein de ses services de nombreuses informations sur le contexte historique et industriel de l'ensemble des sites (zones industrielles ou fortement urbanisées, pollution accidentelle ayant eu lieu). La connaissance du contexte permet d'appréhender certains risques de pollutions selon les secteurs géographiques et d'éliminer des terrains de dépôt pouvant présenter une contamination des sédiments. De même, des recherches bibliographiques concernant la nature des sols régionaux ont été menées (consultation de cartes géologiques et de données géochimiques de la région). Ces données nous renseignent sur les possibles caractéristiques chimiques des sols des zones étudiées et ainsi, les éventuelles particularités géochimiques liées au contexte local. Pour compléter ces recherches, afin de déterminer les terrains de dépôt contenant des sédiments susceptibles d'être non contaminés, une interprétation des analyses réalisées avant dragage sur les sédiments a été menée. Deux critères qui permettent d'avoir une première estimation de la qualité des sédiments ont été retenus : • d'une part, le quotient « Qsm » définit dans la circulaire interne de Voies Navigables de France (Circulaire interne VNF, 2008). Ce quotient permet d'évaluer le risque environnemental lié à la présence d'une pollution dans les sédiments. Les polluants pris en compte sont les métaux lourds, les polychlorobiphényles (PCB) et les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP). Si ce quotient est inférieur à 0,1, les sédiments de dragage présentent un « risque négligeable » vis à vis de l'environnement. Si ce quotient est compris entre 0,1 et 0,5, alors les sédiments de dragage présentent un « risque faible » vis à vis de l'environnement ; • d'autre part, les seuils de qualité S1 définis par l'arrêté du 09 août 2006. Suite au calcul du coefficient Qsm réalisé à partir des analyses effectuées sur les sédiments avant dragage, les terrains de dépôt présentant un Qsm inférieur à 0,5 ont été retenus. Les teneurs de chaque substance identifiée avant dragage, ont été comparées aux seuils de l'arrêté du 09 août 2006. Les terrains de dépôt de sédiments dont la valeur Qsm, réalisée avant dragage, est inférieure à 0.5 et dont la teneur des paramètres mesurés est inférieure au seuil S1 sont retenus pour la suite de l'expérimentation. 2.3 Caractérisation des sédiments de dragage des terrains de dépôt L’identification des terrains de dépôt s’est réalisée à partir d’analyses physico-chimiques effectuées sur les sédiments avant dragage. Pour s'assurer de leur innocuité et pour connaître leur potentiel agronomique, une stratégie d'échantillonnage et un programme analytique ont été définis pour identifier les paramètres à rechercher et à analyser. 2.3.1 Stratégie d'échantillonnage Le CETE de Lyon a proposé une stratégie d’échantillonnage pour chaque terrain de dépôt. Elle a été élaborée à partir de trois protocoles d'échantillonnage existants : • pour les sols, défini dans l'arrêté 08 Janvier 1998 ; • pour la qualité du sol, norme NF ISO 10381-1 ; • pour les sols agricoles, protocole appliqué par la chambre d'agriculture de Saône-et-Loire (71). La stratégie d'échantillonnage retenue par le CETE de Lyon (Figure 1) consiste à : Page 3/15 Cantegrit L. • tracer trois cercles d'un rayon r recouvrant une grande partie de la surface du terrain de dépôt ; • réaliser cinq prélèvements élémentaires à faible profondeur, « z1 », dans chaque cercle et constituer un échantillon ; • réaliser cinq prélèvements élémentaires en fond de stockage, profondeur « z2 », dans chaque cercle et constituer un échantillon ; • homogénéiser tous les prélèvements pour constituer un échantillon global. Sept échantillons par terrain de dépôt de sédiments de dragage ont été analysés, ainsi qu 'un échantillon global correspondant aux prélèvements des trois terrains de dépôt, soit un total de 22 échantillons. Figure 1: Application de la stratégie d'échantillonnage sur un terrain de dépôt de sédiments Le rayon des cercles et la profondeur des prélèvements sont adaptés en fonction de la surface du terrain de dépôt et de la hauteur de stockage des sédiments de dragage. Ici, le rayon r est de l'ordre de 4m à 6m. Les prélèvements sont effectués à la bêche et à la tarière à main. Les échantillons sont constitués suivant les normes NF X 31-100 et NF ISO 11464. 2.3.2 Innocuité des sédiments Plusieurs substances ont été quantifiées pour déterminer l’innocuité des sédiments. Les paramètres analysés (Tableau 1) sont les éléments métalliques traces et les composés organiques de l'annexe I et III de l'arrêté 08 Janvier 1998 ainsi que les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) et hydrocarbures totaux (HCT) suite aux préconisations fournies par la chambre d'agriculture. Tableau 1: Synthèse des paramètres recherchés dans les sédiments de dragage pour démontrer leur innocuité Paramètres recherchés Les métaux lourds Les composés organiques As, Cd, Cr, Cu, Hg, Ni, Pb, Zn PCB, HAP, Hct Interprétation des données : Pour déterminer la non contamination des sédiments des terrains de dépôt, les concentration des composés inorganiques et organiques sont comparées aux seuils définis dans les arrêtés du 08 janvier 1998 et du 09 août Page 4/15 Cantegrit L. 2006. Pour les HCT, les teneurs sont comparées aux valeurs définies dans l'arrêté du 28 octobre 2010. 2.3.3 Pouvoir agronomique des sédiments Les terrains de dépôt retenus ont fait l’objet d’analyses complémentaires pour déterminer le pouvoir agronomique des sédiments c'est-à-dire leurs valeurs fertilisantes et restructurantes. Pour se développer, les plantes utilisent de l'eau, de la lumière, du carbone, de l'oxygène et des éléments minéraux. La fertilisation est le processus consistant à apporter à un sol, les éléments minéraux nécessaires au développement de la plante. Les trois principaux éléments minéraux utilisés en agriculture sont l'azote, le phosphore, le potassium. Ces éléments fertilisants peuvent être de deux types, les engrais et les amendements. L'objectif final de la fertilisation est d'obtenir le meilleur rendement possible des cultures. Parmi les autres facteurs qui participent à l'augmentation du rendement comme le climat, l'apport en eau, le potentiel génétique des cultures, la stabilité structurale du sol est primordiale pour résister notamment aux agents de dégradations. Les paramètres agronomiques recherchés sont identifiés dans le Tableau 2. Ils ont été définis en concertation notamment avec la chambre d’agriculture de Saône-et-Loire (71). Tableau 2: Paramètres agronomiques recherchés dans les sédiments de dragage Paramètres recherchés Les paramètres agronomiques généraux Les paramètres structuraux MS, MO, pH, rapport C/N, NKT, NH4+, P, Ca, Mg, K, CEC, test de phytotoxicité granulométrie, test de stabilité structurale, teneur en eau Interprétation des données : Pour déterminer le pouvoir « fertilisant » des sédiments de dragage de canaux, les teneurs en éléments nutritifs essentiels pour le développement des plantes, sont comparées à un fumier de bovins. Comme pour un sol, la stabilité structurale des sédiments est déterminée à partir de sa texture, de son aptitude au tassement et à la présence d'agrégats stables. De même, la texture des sédiments est déterminée à partir de la répartition des minéraux (sable, limon et argile). Le « triangle des textures » permet d'identifier la texture des sédiments comme argileuse, équilibrée, limoneuse, sableuse. L'exemple de la Figure 2 présente un matériau composé de 40% de sable, 40% de limon et 20% d'argile. Figure 2: Exemple de triangle des textures Le « triangle d'aptitude au tassement » donne des informations sur le comportement physique des sédiments de dragage utilisé comme un sol (Figure 3). Page 5/15 Cantegrit L. Figure 3: Détermination de l'aptitude au tassement d'un sol La stabilité des sédiments est également déterminée par rapport à la présence d'agrégats. Les agrégats permettent une bonne cohésion des particules d'un sol et ils augmentent sa résistance mécanique (notamment la résistance à l'action de l'eau). 2.3.4 Les tests d'écotoxicité Des essais d'écotoxicité ont été réalisés pour déterminer si les substances contenus dans les sédiments ont un effet sur la flore du sol et sur la croissance des végétaux supérieurs (protocole adapté à partir de la norme ISO 11269-2). Ces essais consistent à ensemencer une espèce végétale choisie dans des pots contenant les sédiments de dragage et dans un pot contenant un sol de référence. Ces essais sont conduits sur 14 jours minimum et 21 jours maximum et ils visent à déterminer la teneur en sédiments entrainant un changement ou une altération de X % du critère d'effet mesuré (ici, la masse de pousses émergentes) par rapport au témoin. 2.3.5 Détermination des espèces invasives Pour protéger au mieux le sol agricole contre d'éventuelles espèces invasives contenus dans les sédiments, un relevé floristique est demandé et réalisé par la chambre d'agriculture. Il s'agit de s'assurer qu'aucune espèce invasive n'est présente sur les terrains de dépôt et ne contaminera pas le sol support. 2.4 Protocole de valorisation agricole des sédiments de dragage Les terrains de dépôt présentant des sédiments non contaminés et un pouvoir agronomique font l’objet d’une valorisation agricole. 2.4.1 Identification du sol support et sélection de la culture Après avoir choisi d'un agriculteur intéressé par l'expérimentation, le choix de la culture et de la parcelle agricole est réalisé en fonction de : 1. la saison le plus propice aux semis ; 2. la surface des parcelles agricoles disponibles ; 3. le plan de fumure réalisé par l'agriculteur sur ses différentes parcelles ; 4. les analyses éventuellement réalisées sur le champ agricole, notamment sur la structure du sol ; 5. les prescriptions de l'annexe 2 de l'arrêté du 08 Janvier 1998 ; 6. la distance entre la parcelle agricole et le terrain de dépôt des sédiments de dragage valorisés. La chambre d'agriculture a déjà procédé à ce type d'expérimentation sur un champ agricole pour la valorisation des boues de station d'épuration. Le choix de la culture et la détermination de la parcelle agricole est arrêté en collaboration avec l'agriculteur et la chambre d'agriculture. 2.4.2 Caractérisation des sols supports La caractérisation de la parcelle agricole, avant épandage des sédiments, permet de connaître la présence d'une Page 6/15 Cantegrit L. éventuelle contamination en composés inorganiques et organiques. Elle permet également d'évaluer la structure du sol. Cette caractérisation constitue l'état de référence (ou initial) préalable à toute expérimentation. La stratégie d’échantillonnage du sol support est identique à l'échantillonnage des terrains de dépôt, à savoir : • tracer trois cercles d'un rayon r recouvrant une grande partie de la surface du terrain expérimental. La valeur du rayon r est fonction de la surface du champ agricole, ici de l'ordre de 10m à 20m ; • réaliser cinq prélèvements élémentaires sur 20 à 25 cm de profondeur (profondeur de labour) pour chaque cercle ; • homogénéiser tous les prélèvements d'un même cercle pour constituer un échantillon. Trois échantillons sur la parcelle expérimentale sont analysés. Les éléments inorganiques et organiques recherchés sont identiques aux éléments analysés sur les sédiments de dragage. En fonction de la qualité du sol et des sédiments de dragage, différents scénarios expérimentaux pourront être définis. 2.4.3 Détermination des scénarios et de la quantité de sédiments à épandre Les sédiments de dragage pourront être valorisés selon deux scénarios : • soit en tant qu'éléments fertilisants en substitution d'un apport chimique (engrais) par « saupoudrage de sédiments » (épaisseur épandue de l'ordre du cm, voir Figure 4), • soit comme un élément restructurant d'un sol « squelettique » non stable, en apportant des quantités importantes de sédiments de dragage pour reconstituer la surface arable du sol (épaisseur épandue de l'ordre de 5 à 10 cm, voir figure 4). Scénario 1 : Les sédiments de dragage sont utilisés comme « fertilisants » Afin de démontrer le pouvoir agronomique des sédiments de dragage de canaux, les teneurs en éléments nutritifs sont comparées avec un fumier de bovins. Pour la croissance d'une plante, ses principaux besoins en éléments nutritifs (azote, potassium et phosphore) sont connus. En fonction des résultats agronomiques obtenus sur les sédiments de dragage et sur le sol agricole, les quantités de sédiments de dragage à épandre pourront être calculées de façon à apporter les doses nécessaires en azote, potassium et phosphore indispensables pour la croissance des plantes cultivées. Scénario 2 : Les sédiments de dragage utilisés comme « restructurant » d'un sol Un sol agricole est considéré comme « riche » s'il possède des éléments fertilisants mais également une texture et une structure équilibrée. Pour restructurer un sol « squelettique », une couche de sédiments devra être déposée sur le sol. L'épaisseur de cette couche dépendra de la qualité des sédiments de dragage non contaminés et également des caractéristiques du sol support. Scénario n°1 = Sédiments comme « Fertilisant » Scénario n°2 = Sédiments comme « Restructurant» Volume en m3 = 100 m X 100 m X (1 à 3 cm) Volume en m3 = 100 m X 100 m X (5 à 10 cm) Volume = ordre de grandeur de 100 à 300 m3/ha Volume = ordre de grandeur de 500 à 1000 m3/ha Figure 4: Estimation de la quantité de sédiments à épandre (en m3/ha) par scénario Enfin, pour chaque scénario, l'épandage de sédiments engendre un relargage (ou flux) d'éléments métalliques traces, éléments traces contenus initialement dans les sédiments. Ce flux ne devra pas dépasser les flux d'éléments métalliques traces prescrits par l'annexe I de l'arrêté 08 Janvier 1998. 2.4.4 Suivi de l’expérimentation agricole (sols et végétaux) Avant l'expérimentation, les sédiments du terrain de dépôt sont mis en tas (pour diminuer la teneur en eau) et homogénéisés . Le transport et l'épandage sont assurés par une entreprise à la charge du maître d'ouvrage. Une fois la mise en culture réalisée, un suivi expérimental est effectué sur : • les sols : un échantillonnage du sol agricole permettra de déterminer la variation des paramètres structuraux et des teneurs en éléments inorganiques et organiques. La stratégie d'échantillonnage et les éléments recherchés sont identiques à l'échantillonnage et aux éléments analysés sur le sol support avant épandage ; • les végétaux : les parties aériennes des végétaux sont prélevées. Les métaux sont recherchés afin d'étudier le transfert éventuels de ces substances contaminantes dans les plantes. Un suivi visuel sera également Page 7/15 Cantegrit L. réalisé tout au long du cycle végétal pour détecter des anomalies de croissance et des carences en substances. Trois séries de prélèvements sont prévues : à la levée du semis, au milieu du cycle végétal et au moment de la récolte. Le rendement obtenu permettra de déterminer si l'apport de sédiments de dragage du canal du Centre a un effet positif sur la culture. Pour cela, ce rendement sera comparé au rendement d'une parcelle témoin qui est cultivée avec l'apport agronomique prévu initialement par l'agriculteur. 3. Résultats et discussion 3.1 Identification du terrain de dépôt Suite à l'analyse du contexte historique et environnemental du canal du Centre, la base de données fournie par la DDT 71 comporte 8 terrains de stockage de sédiments de dragage potentiellement non contaminés (Tableau 3). Tableau 3: La qualité des sédiments de dragage des différents terrains de dépôt avant dragage Numéros des terrains de dépôt Paramètres étudiés 1 2 3 4 5 6 7 8 Quotient Qsm (VNF) 0,32 0,36 0,36 0,52 0,52 0,37 0,37 0,54 Arsenic HAP Arsenic et HAP HAP HAP Arsenic Élément dépassant le seuil S1 Arsenic Arsenic Cinq terrains de dépôt, présentant un Qsm inférieur à 0,5, sont retenus pour l'expérimentation. Sur ces cinq terrains de stockage, deux terrains contiennent des teneurs en HAP supérieures au seuil S1 de l'arrêté du 09 Août 2006. Les HAP étant significatifs d'une pollution anthropique, ces deux terrains de dépôt ne sont pas retenus. Les sédiments de dragage des trois terrains de dépôt restant, possèdent des teneurs en arsenic supérieures au seuil S1 (30 mg/kg de sédiments secs analysés) de l'arrêté du 09 Août 2006 sans jamais le dépasser de 1,5 fois. Après la consultation de cartes de fonds géochimiques recensées dans les inventaires miniers effectués par le BRGM (site internet Info Terre), les terrains naturels de la Saône-et-Loire sont identifiés comme des terrains possédant des teneurs en arsenic variant de 0 à 75 mg/kg de matière sèche. La teneur en arsenic des sédiments s'expliquent donc par un fond géochimique naturel élevé. Les sédiments de dragage de ces trois terrains de dépôt (n°1, 2 et 3) sont utilisés pour la poursuite de l'expérimentation. 3.2 Qualité des sédiments de dragage Après prélèvement et échantillonnage, les teneurs en éléments inorganiques et organiques des sédiments stockés dans les trois terrains de dépôt sont comparées aux seuils de l'arrêté du 08 Janvier 1998 et de l'arrêté du 09 Août 2006. De même, les teneurs en hydrocarbures totaux des sédiments ont fait l'objet d'une comparaison avec les seuils de l'arrêté du 28 octobre 2010. 3.2.1 Éléments traces métalliques (ETM) Les teneurs en éléments traces métalliques des 22 échantillons réalisés sur les trois terrains de dépôt sont inférieures aux seuils prescrits par les arrêtés du 08 Janvier 1998 et du 09 Août 2006. Ces sédiments ne présentent donc pas de contamination en ETM. 3.2.2 Composés organiques Sur 22 échantillons analysés, les résultats d'analyses de 18 échantillons (soit 82%) ont montré des teneurs en composés organiques dans les sédiments de dragage inférieures aux seuils des textes réglementaires. Seuls trois échantillons présentent des concentrations en hydrocarbures supérieures au seuil de l'arrêté du 28 octobre 2010 (seuil égal à 500 mg/kg de déchet sec). De plus, un échantillon présente une teneur en fluoranthène supérieure à la valeur prescrite par l'arrêté du 08 janvier 1998 (valeur seuil égale à 5 mg/kg de matière sèche). Les sept échantillons du terrain de dépôt n°3 présentent des teneurs en composés organiques inférieures aux valeurs seuils des trois arrêtés (Tableau n°4). Ainsi, afin d'éviter toute contamination éventuelle du sol support, ce terrain de dépôt n°3 est retenu pour l'expérimentation. Page 8/15 Cantegrit L. Tableau 4: Comparaison des teneurs maximales et minimales en éléments organiques des sédiments de dragage du terrain de dépôt n°3 Valeur minimale Élément Σ maxi des HAP Hct Valeur Valeur Valeur arrêté du arrêté du arrêté du Valeur Profondeur Échantillons Valeur Profondeur Échantillons 8/1/98 9/8/06 15/3/06 (mg/kg du corresponds (mg/kg du correspondants (mg/kg (mg/kg (mg/kg MS) prélèvement MS) prélèvement MS) MS MS Sédiments du terrain de dépôt n°3 0,075 Valeur maximale 70 - 90 cm 70 - 90 cm 70 - 90 cm 3A6z2S 3B6z2S 3C6z2S 8,327 20 – 40 cm 3C6z1S - 22,8 50 123,99 70 - 90 cm 3A6z2S 412,06 20 – 40 cm 3C6z1S - - 500 <0,35 3E6z3m 0,8 0,68 1 PCB Mélange du terrain 3.2.3 Paramètres agronomiques Pour déterminer le pouvoir agronomique des sédiments, deux aspects doivent être pris en compte : • la valeur nutritive des sédiments définie par les 3 éléments nutritifs : l'azote, le phosphore et le potassium (NPK) ; • l'aspect structural des sédiments notamment leur texture, leur aptitude au tassement et la stabilité des agrégats. La valeur nutritive des sédiments Afin de déterminer le pouvoir fertilisant des sédiments du terrain de dépôt n°3, les teneurs des principaux éléments nutritifs des sédiments des sept échantillons ont été comparées avec un fumier de bovins ( Tableau n°5). En agronomie, seule une partie du phosphore total et du potassium total est mobilisable par les plantes, il s'agit du phosphore assimilable et du potassium assimilable. Les éléments analysés sur les sédiments portent sur le phosphore total (P) et le potassium total (K). Ainsi, afin de pouvoir comparer ces paramètres avec les valeurs d'un fumier de bovins, il est nécessaire de transformer ces éléments « totaux » en éléments « assimilables ». Pour cela, un ratio de conversion, fourni par la chambre d'agriculture de Saône-et-Loire, permet d'exprimer : • le phosphore total en phosphore assimilable (P205 = 2,29 phosphore total) ; • le potassium total en oxyde de potassium, la potasse (K2O = 1,2 potassium total). Tableau 5: Comparaison des sédiments de dragage du canal du Centre (terrain de dépôt n°3) à un fumier de bovins Page 9/15 Cantegrit L. Paramètres du terrain de dépôt n°3 Échantillons Profondeur du prélèvement pH MS (%)* MO (%)** C/N NK (g/kg MB***) P2O5 (g/kg MB) K2O (g/kg MB) 1 5,6 59,68 8,01 19,43 1,43 3,42 4,27 0,2 – 0,4 m 2 7,5 83,38 5,04 28,28 0,86 5,65 4,67 0,7 – 0,9 m 3 5,5 83,38 8,25 19,93 2,01 4,2 5,39 0,2 – 0,4 m 4 6,25 79,82 5,44 22,87 1,1 2,41 4,64 0,7 – 0,9 m 5 6,1 60,43 7,7 20 1,35 3,65 4,54 0,2 – 0,4 m 6 6,9 76 6,02 25,36 1,05 2,38 4,92 0,7 – 0,9 m Échantillon moyen 6 72,2 6,6 23,83 1,16 2,89 4,21 / Fumier de bovins / 22 16 16,8 5,4 3,6 8,5 / * matière sèche ; ** matière organique ; *** matière brute Le Tableau n°5 présente les résultats de caractérisation des sédiments du terrain n°3 qui permettent d'affirmer : • que la teneur en phosphore assimilable des sédiments est proche de celle d'un fumier, voire supérieure. Pour l'échantillon moyen qui correspond au mélange de tous les prélèvements du terrain de dépôt n°3, la teneur en phosphore assimilable représente 80 % de la teneur en phosphore d'un fumier de bovins ; • que la teneur en potasse des sédiments représente 50 % de la teneur en potasse d'un fumier ; • que la teneur en azote Kjeldahl, pour l'échantillon moyen, représente 21 % de la teneur en azote d'un fumier. La teneur en azote est inférieure à la concentration en azote rencontrée dans les fumiers de bovins. Le rapport C/N supérieur à 20, confirme que les sédiments analysés peuvent être assimilés à un sol « pauvre en azote ». Par contre, les teneurs en potasse et en phosphore assimilables permettent de conclure que les sédiments de dragage analysés possèdent un potentiel fertilisant. La valeur structurale des sédiments D'après le « triangle des textures » permettant de classer un sol, les sédiments de dragage du canal du centre ont une structure équilibrée correspondant à un matériau limoneux à limono – argilo - sableux. Tableau 6: Répartition minérale des sédiments de dragage du canal du Centre (terrain de dépôt n°3) Stabilité Répartition des éléments minéraux Agrégats stables (%) Argile (0/00) 37 224 Sédiments du terrain de dépôt n°3 Limon Fin Limon Grossier Sable Fin Sable Grossier (0/00) (0/00) (0/00) (0/00) 204 86 100 356 Selon la répartition des différents minéraux correspondant au mélange moyen du terrain n°3 (Tableau 6), les sédiments de dragage du canal du Centre ont une aptitude au tassement « très importante », en raison de la proportion en limons assez élevée (30 % des éléments minéraux). Cette caractéristique des sédiments peut permettre de les valoriser sur un sol squelettique sableux. Ces sédiments de dragage peuvent également être assimilé à un sol possédant une stabilité structurale stable car ils possèdent 37 % d'agrégats stables lui permettant d'avoir une bonne résistance mécanique . 3.2.4 Tests d'écotoxicité Les essais réalisés sur les sédiments de dragage bruts montrent une émergence de plus de 70 % des graines au bout de 14 jours ce qui tend à indiquer que les sédiments de dragage n'ont pas d'effet sur la capacité de germination des graines de blé testées. Au contraire, à l'issue des 14 jours d'essai, il a été constaté une augmentation de la masse sèche des graines germées après récolte sur les pots contenant des sédiments de dragage par rapport au pot témoin. Page 10/15 Cantegrit L. Les sédiments de dragage ne présentent pas d'effet toxique empêchant la germination des graines de blé. 3.2.5 Détermination des espèces invasives Le relevé floristique est réalisé uniquement sur un seul des trois terrains de dépôt de sédiments. En effet, le terrain de dépôt n°3 ne présente aucune végétation, le dépôt de sédiments étant trop récent (novembre 2009). Le terrain de dépôt n°2 est couvert entièrement d'orties, le relevé est donc inutile. Aucune espèce invasive n'a été recensée sur le terrain de dépôt n°1. Les sédiments de dragage ne sont donc pas porteurs de végétaux non indigènes. 3.3 Définition et mise en place du protocole de valorisation agricole 3.3.1 Parcelle et culture choisies La chambre d'agriculture a identifié un agriculteur intéressé pour l'expérimentation en septembre 2010. Plusieurs champs disponibles à proximité du terrain de dépôt, ont été proposés par l'agriculteur. Une parcelle agricole d'une surface de 2,58 hectares a été retenue pour cette expérimentation notamment pour les raisons suivantes : absence d'apport de fumure ces dernières années, cours d'eau éloigné du champ, proximité du terrain de dépôt. En 2009 - 2010, cette parcelle a fait l'objet d'une culture de triticale avec un apport exclusivement de fertilisants chimiques. Le début de l'automne est une période propice au semis de triticale qui est une céréale fourragère hybride de seigle et de blé. Ainsi, pour l'expérimentation, une culture de triticale a été retenue. 3.3.2 Scénario retenu Pour pouvoir restructurer un sol « squelettique » et notamment l'horizon surfacique servant de support à la culture, la couche de sédiments de dragage de canaux à apporter devra avoir une épaisseur supérieures à 5 cm). Cependant, l'annexe I de l'arrêté du 08 Janvier 1998 fixe des flux cumulés maximum en éléments traces métalliques apportés au sol support, limitant la quantité de sédiments à épandre sur une parcelle agricole. Tableau 7: Épaisseur maximum de sédiments à épandre pour respecter les flux de nickel, chrome et zinc Nickel Chrome Zinc Flux maximum sur 10 ans en g/m² de l'arrêté du 8 janvier 1998 0,3 1,5 4,5 Concentration de l'élément pour les sédiments du terrain de dépôt n°3 (mg/kg de MS) 23,2 36,33 108,98 Volume maximal de sédiments de dragage admissible sur terrain support (en m3/ha) 175 373 373 Épaisseur maximum de sédiments à épandre (cm) 1,75 3,73 3,73 Le Tableau n°7 montre que le volume maximum de sédiments à épandre autorisé par la réglementation, est de 175 m3. Ainsi, dans le contexte réglementaire actuel et en fonction de la qualité des sédiments du terrain de dépôt n°3, une restructuration d'un sol agricole par des sédiments de dragage n'est pas possible (scénario n°2). La valorisation agricole des sédiments de dragage de canaux en tant que fertilisants est retenue pour l'expérimentation (scénario n°1). Les sédiments de dragage contenus dans le terrain de dépôt n°3 ont une teneur en azote faible par rapport à un fumier de bovins. Cet élément risque de compromettre la croissance du triticale. Ainsi, pour tenir compte de cette carence en azote des sédiments de dragage, la parcelle agricole a été divisée en trois bandes expérimentales (Figure 5) d'une surface quasi identique (60 ares) : • une première bande « témoin » (plot T) correspondant à une culture de triticale avec apport de fertilisants chimiques (prévue initialement par l'agriculteur); • une deuxième bande (plot SN) correspondant à une culture de triticale avec apport de sédiments et d'azote ; • une troisième bande (plot S) correspondant à une culture de triticale avec un apport unique de sédiments . Page 11/15 Cantegrit L. Les bandes frontalières à la limite du champ côtés Nord, Est et Sud de 15 m de large, et côté Ouest de 5 m de large ne font pas parties de la surface des bandes expérimentales. Il a été choisi d'isoler ces bandes car elles sont sous l'influence de la végétation externe à la parcelle (racines des arbres et des buissons de haies) ainsi que sous l'influence d'apports hydriques et lumineux (ruissellement d'une route, ensoleillement divers,...) différents des conditions climatiques et mécaniques normales du champ. 3.3.3 Caractérisation du sol support Les sols de chaque bande expérimentale ont subi une caractérisation suivant la stratégie d'échantillonnage décrite au chapitre 2.3.1. Figure 5 : Vue aérienne de la parcelle avec les trois bandes expérimentales et les emplacements des prélèvements Trois échantillons par plot sont constitués ce qui représente au total neuf échantillons du sol support (Figure 5). Les analyses réalisées sur ces échantillons confirment notamment les premières observations physiques réalisées sur le terrain à savoir : • une texture de sol sableuse ; • l'aptitude au tassement du sol support faible ; • la présence d'éléments traces métalliques (ETM). Les 9 échantillons réalisés sur le sol support ne présentent pas de contamination en éléments inorganiques et organiques. En effet, ces teneurs sont inférieures aux seuils prescrits par l'arrêté du 08 Janvier 1998 et l'arrêté du 09 Août 2006. 3.3.4 Détermination de la quantité de sédiments à épandre Les éléments recueillis auprès de l'agriculteur montre que la culture de triticale possède suffisamment d'éléments nutritifs pour sa croissance à condition que les doses de fertilisants à apporter soient de : • 90 unités (kg/ha) de phosphore (P205); • 120 unités (kg/ha) de potassium (K2O); • 100 unités (kg/ha) d'azote (N). Page 12/15 Cantegrit L. Tableau 8: Teneurs en éléments nutritifs des sédiments de dragage du terrain de dépôt n°3 Paramètres Échantillon moyen du terrain n°3 MS (%)* MO (%)** Azote Kjeldahl (g/kg de MB) P2O5 (g/kg de MB***) K2O (g/kg de MB) 72,2 6,6 1,16 2,89 4,21 * matière sèche ; ** matière organique ; *** matière brute Pour déterminer la quantité de sédiments à épandre, les teneurs de l'échantillon moyen réalisé sur le terrain n°3 ont été retenues (Tableau 8). Après calculs, la quantité de sédiments à épandre est de 30 tonnes par hectare correspondant à un apport de : • 86,7 unités de phosphore ; • 126,3 unités de potassium ; • 34,8 unités d'azote. Cet apport de sédiments se fera uniquement sur les bandes expérimentales SN et S. De plus, un complément en azote de 75 unités sera apporté au printemps par l'agriculteur sur la bande expérimentale SN. L'épandage des sédiments a été réalisé le 13 Octobre 2010 par une société privée (Figure 6) et le semis a été effectué le 16 Octobre 2010 par l'agriculteur. Figure 6 : Épandage des sédiments de dragage du terrain de dépôt n°3 sur le sol support 3.3.5 Le suivi de l'expérimentation agricole (sols et végétaux) Un premier suivi visuel a été réalisé début Novembre à la sortie de terre des germes des graines de triticale. Cette levée des semis est régulière et uniforme sur toute la surface du champ agricole, aucune différence de pousse n'est observée entre les trois bandes expérimentales. Les premiers prélèvements de terre agricole après mise en culture du triticale et de végétaux sont programmés en Janvier 2011. 4. Conclusion Cet article présente les différentes étapes à mettre en place pour valoriser les sédiments de dragage d'un canal sur une parcelle agricole, à savoir : • une étude historique et environnementale tout le long du canal ainsi que l'analyse des données existantes sur les sédiments dragués détenues par le gestionnaire du canal. Cette étape est indispensable pour identifier les sédiments des terrains de dépôt potentiellement utilisables ; • la caractérisation des sédiments de dragage stockés dans les terrains de dépôt sélectionnés. Cette caractérisation en terme d'innocuité et d'intérêt agronomique, permet de connaître la qualité précise des sédiments en vue de leur valorisation en agriculture ; Page 13/15 Cantegrit L. • la définition du protocole de valorisation agricole des sédiments de dragage. En fonction de la qualité des sols supports et des sédiments de dragage disponibles, le scénario de valorisation agricole en tant que « fertilisant » (ou « restructurant ») est définie et dimensionnée ; • la mise en œuvre de ce protocole expérimental avec la réalisation de l'épandage des sédiment de dragage et la mise en culture du triticale. Un suivi des sols et des végétaux doit être réalisé tout au long du cycle végétal. Une comparaison du rendement de triticale obtenu pour chaque bande expérimentale permet de déterminer la fiabilité de la filière de valorisation agricole des sédiments de dragage de canaux en tant que fertilisants. Les premiers résultats d'analyses en laboratoires ont montré que les sédiments de dragage du canal du Centre ont un pouvoir agronomique en tant que : • fertilisant d'un sol. Ils possèdent des teneurs en phosphore et potassium proche d'un fumier de bovins ; • restructurant d'un sol squelettique. Les sédiments possèdent une structure équilibrée leur permettant d'avoir une bonne résistance mécanique (notamment par rapport à l'eau). Cependant, dans le contexte réglementaire actuel, les sédiments de dragage sont assimilés à des boues de station d'épuration. La réglementation sur ce type de produit impose des flux cumulés maximum d'éléments traces métalliques (Arrêté du 08 Janvier 1998) à épandre sur le champ agricole. Les seuils de ces flux maximum ne permettent pas d'épandre une couche de sédiments de dragage supérieure à 2 cm. Ainsi, les sédiments de dragage ne peuvent pas être utilisés pour restructurer un sol squelettique. Les sédiments et les boues sont des matériaux très différents de par leur texture et leur composition mais également de par leur provenance. La réglementation sur les boues de station d'épuration ne semble pas adaptée pour les sédiments de dragage Des études complémentaires à celles présentées dans cet article, permettraient de déterminer les flux réels effectivement relargués par les sédiments de dragage et de déterminer leur possible valorisation en tant que restructurant d'un sol squelettique. Les sédiments de dragage du canal du Centre sont valorisés sur une parcelle expérimentale en tant que « fertilisant » d'une culture de triticale. La dose de sédiments épandue a été déterminé en fonction de la qualité des sédiments et des besoins nutritifs de la plante. L'épandage et le semis ont eu lieu à l'automne 2010. Un suivi complet des sols mais aussi de la plante dès le mois de janvier 2011 ainsi que la comparaison du rendement obtenu entre les bandes expérimentales (apport de sédiments) et la bande témoin (fertilisants chimiques) permettront de valider l'expérimentation de valorisation agricole des sédiments de dragage du site pilote du canal du Centre. Ce premier retour d'expérience permet de proposer quelques règles de conduite : • s'assurer de l'intérêt agronomique des sédiments ; • garantir leur innocuité ; • effectuer le transport en limitant la distance ; • maitriser la traçabilité et le suivi des sédiments. 5. Références Arrêté du 08 Janvier 1998 fixant les prescriptions techniques applicables aux épandages de boues sur les sols agricoles pris en application du décret n° 97-1133 du 08/12/97 relatif à l'épandage des boues issues du traitement des eaux usées - JO n° 26 du 31 Janvier 1998 Arrêté du 09 Août 2006 relatif aux niveaux à prendre en compte lors d'une analyse de rejets dans les eaux de surface ou de sédiments marins, estuariens ou extraits de cours d'eau ou canaux relevant respectivement des rubriques 2.2.3.0, 4.1.3.0 et 3.2.1.0 de la nomenclature annexée au décret n° 93-743 du 29 mars 1993 - J.O n° 222 du 24 Septembre 2006 Arrêté du 30 Mai 2008 fixant les prescriptions générales applicables aux opérations d'entretien de cours d'eau ou canaux soumis à autorisation ou à déclaration en application des articles L. 214-1 à L. 214-6 du code de l'environnement et relevant de la rubrique 3.2.1.0 de la nomenclature annexée au tableau de l'article R. 214-1 du code de l'environnement - JO n° 147 du 25 Juin 2008 Arrêté du 28 Octobre 2010 relatif aux installations de stockage de déchets inertes - JO n° 265 du 16 Novembre 2010 Christelle Bernes Cabanne, juin 2008, Valorisation agricole des sédiments de dragage des voies navigables, ENTPE, rapport de travail de fin d'études, 111 p. Page 14/15 Cantegrit L. Circulaire du 4 Juillet 2008 relative à la procédure concernant la gestion des sédiments lors de travaux ou d’opérations impliquant des dragages ou curages maritimes et fluviaux - BO du MEEDDAT n° 2008/15 du 15 Août 2008 Circulaire technique interne Voies Navigables de France – Opérations de dragage – Novembre 2008 Décret n° 97-1133 du 08/12/97 relatif à l'épandage des boues issues du traitement des eaux usées - JO n° 286 du 10 décembre 1997 Décret n° 2002-540 du 18 Avril 2002 relatif à la classification des déchets - JO n° 93 du 20 Avril 2002 Joël L'Her, Philippe Rochette et Julien Leroy, 2007, La gestion des sédiments dragués dans les ports et voies navigables, Centre d'Études Techniques Maritimes et Fluviales (CETMEF), Colloque du Comité d'hydroécologie d’Électricité de France (EDF) 2007, Tours 19 & 20 novembre 2007, 2 p. Loi n° 75-633 du 15 Juillet 1975 relative à l'élimination des déchets et à la récupération des matériaux - JO du 16 Juillet 1975 Loi no 92-646 du 13 Juillet 1992 relative à l'élimination des déchets ainsi qu'aux installations classées pour la protection de l'environnement - JORF n°162 du 14 Juillet 1992. MEDD, 2002, Historique national des opérations de curage et perspectives, Étude sur l'Eau en France n°39, Rapport de synthèse, Janvier 2002, 17 p. NF ISO 10381-1 - Qualité du sol – Échantillonnage – Partie 1 : Lignes directrices pour l'établissement des programmes d'échantillonnage NF ISO 11464 - Qualité du sol – Prétraitement des échantillons pour analyses physico-chimique NF X 31-100 - Qualité des sols – échantillonnage – Méthode de prélèvement d'échantillons de sols Site internet Info Terre – Inventaire minier du BRGM Page 15/15